Pierre-Paul Gagne, « Bourassa veut des garanties strictes », La Presse [de Montréal] (25 août 1975)


Informations sur le document

Date: 1975-08-25
Par: Pierre-Paul Gagne (La Presse)
Citation: Pierre-Paul Gagne, « Bourassa veut des garanties strictes », La Presse [de Montréal] (25 août 1975).
Autres formats: Consulter le document original (PDF).


Privy Council Office Bureau du Conseil privé
PRESS CLIPPINGS COUPURES DE JOURNAUX

Name of Publication Nom de la publication
LA PRESSE

Date
AUG 25 1975

Constitution

Bourassa
veut des
garanties
strictes

par Pierre-Paul GAGNE
envoyé spécial de LA PRESSE

MONT-GABRIEL —Le Premier illi-
nistre Bourassa ses! dit prêt à rou-
vrir le dossier constitutionnel, hier,
mais il a posé comme condition « sine
qua non » la nécessité pour le Québec
d’obtenir préalablement des garanties
très strictes concernant la détermina-
tion de son avenir culturel.

Clôturant le colloque de son parti au
Mont-Gabriel, le chef libéral a précisé
que ces garanties devront assurer au
gouvernement québécois « le dernier
mot » en matière linguistique, ainsi
que dans les secteurs des communica-
tions et de l’immigration.

Ce n’est pas la première fois que
M. Bourassa indique son accord de
principe à une réouverture du dossier
constitutionnel fermé depuis le « non »
historique du Québec, en 1971, à la,
Conférence de Victoria.

Toutefois, l’originalité du discours
d’hier, de l’avis même de M. Bou-
rassa, rèside dans le fait qu’il s’agit
de la première fois que le Québec
précise de façon aussi formelle les
conditions de base sans lesquelles il
ne saurait être question d’ouvrir la
discussion.

Comme la plupart des observateurs
l’avaient par ailleurs prédit, le collu-
que du Parti libéral, auquel partici-
paient quelque 350 militants, s’est ter-
miné sans que ne se produisent do
discussions majeures concernant les
problèmes politiques actuels du Qué-
bec. Au contraire, la grande majorité
des exposés ont porté sur des sujets.
d’ordre général sans grande connota-
tion avec la situation québécoise pre-
sente.

Cependant quelques exposes, portant
notamment sur la famille et les pro-
blèmes du monde du travail, ont sus-
cité plus d’intérêt et provoqué des dis-
cussions plus animées.

C’était d’ailleurs le voeu du prési-
dent du parti, M. Claude Desrosiers,
qui, dès vendredi soir, avait demandé
que le colloque ne soit pas teinté de
partisanerie et qu’il s’agisse, en quel-
que sorte, d’un événement apolitique.

Conditions objectives

Cc voeu aura été exaucé jusqu’au
moment du discours du Premier mi-
nistre Bourassa qui a profité de la
clôture des assises pour lancer quel-
ques flèches au Parti québécois et
pour définir les « conditions objecti-
ves » obligeant le gouvernement que-
becois à exiger un contrôle complet
sur son avenir culturel comme preala-
ble à toute discussion constitution-
nelle.

A son avis, ces conditions sont: la
baisse constante de la natalité (et,
par conséquent, la diminution progres-
sive de l’importance numérique
Québécois au sein de la Confédéra-
tion), la difficulté croissante d’inte-
grer les immigrants, ainsi que lu ra-
pidité effarante avec laquelle se déve-
loppent les moyens de communication.

« L’état actuel des choses n’est pas
a-t-il déclaré hier, mais
rien ne nous dit quelle sera la situation
dans quinze ans. Or, si l’on rapatrie
la constitution, on parle en termesde
générations futures et les Québécois
ne peuvent pas prendre le risque de
voir déterminer leur avenir culturel
par un gouvernement élu par une
autre majorité que la nôtre. »

« En tant que chef du gouvernement,
a-t-il ajouté sous les applaudissements
des militants libéraux, je suis con-
vaincu que la population québécoise
n’acceptera le rapatriement de la
constitution que si des garanties tres
claires lui sont fournies concernant
son avenir culturel. »

Même si le Premier ministre Bou-
rassa se dit prêt à rouvrir le dossier
constitutionnel, il ne saurait cependant
être question, dans son esprit, de par-
ler de rapatriement et de formules
d’amendement avant que des garan-
ties formelles n’aient été fournies au
Québec.

Interrogé par les journalistes, M.
Bourassa a admis qu’il différait de
vue sur ce sujet avec M. Trudeau qui,
de son côté, préférait une formule
où la constitution serait d’abord rapa-
triée avant d’être ensuite amendée.

Pour le Premier ministre québécois,
ces détails ne devraient cependant pas
empêcher d’en venir à un accord, car,
a-t-il soutenu, « l’aspect culturel consti-
tue ce qui nous distingue du reste du
Canada et je ne vois pas pourquoi les
autres Canadiens n’accepteraient que
nous ayons le dernier mot à dire en
ce domaine ».

A cet égard, il devait préciser:
« Il me semble tout à fait légiti-
me et normal que le Québec se voit
reconnaitre le pouvoir et les moyens
de décider finalement, des questions
majeures qui concernent la protection
et le developpeinent de sa langue et
de sa culture. »

En cas de refus du gouvernement
fédéral ou des autres provinces d’ac-
céder aux désirs du Québec, le Pre-
mier ministre Bourassa est cependant
demeure évasif, hier, se contentant de
vanter ce qu’il a appelé « la flexibilité
du régime fedéral canadien, flexibilité
qui permet, par exemple, la souverai-
neté des provinces dans un secteur
comme l’éducation ».

Le chef liberal a d’ailleurs fait état
de cette meme ?exibilité quand il a
été interrogé à savoir quel type de
formule il faudra trouver pour en ar-
river a un compromis avec Ottawa
sur la question de l’immigration. A
son avis, une telle formule ne sera
pas facile a trouver, mais il faudra
bien y parvenir, car, encore à ce cha-
pitre, il en va de l’avenir de la cul-
ture francophone au Québec ».

Outre le discours de clôture de M.
Bourassa, l’ensemble du colloque
n’aura pas soulevé grande émotion, la
plupart du temps étant réservé à des
exposés et à des discussions d’ordre
général et le plus souvent théoriques.

Il faut dire que la plupart des ora-
teurs invités s’inscrivaient assez bien
dans l' »orthodoxie » du Parti libéral et
qu’aucun d’entre eux n’a mis en
doute, de quelque façon que ce soit,
les politiques du gouvernement Bou-
rassa au cours des dernières années.
Ainsi en a-t-il été, par exemple, de
M. Maurice Guernier, membre fonda-
teur du Club de Rome, qui est un fé-
déraliste européen reconnu; de M.
Larkin Kerwin, recteur de l’université
Laval, qui s’est élévé contre les chan-
gements radicaux trop rapides; et du
futurologue Herman Kahn, qui a com-
paré l’envergure du projet de la baie
James à celle de la célèbre muraille
de Chine.

Parallèlement, d’autres invités,
comme le Dr Hans Selye, ont livré des
communications tort intéressantes,
mais qui n’avaient d’aucune façon
rapport avec les problèmes politiques
québécois.

C’est pourquoi la plupart des expo-
sés des panelistes n’ont guère soulevé
de commentaires, les militants pré-
sents se contentant d’écouter religieu-
sement les propos qui leur étaient ser-
vis.

Malgré tout, estime-ton à la direc-
tion du Parti libéral, ce genre de col-
loque demeure fort important pour
une formation politique quelle qu’elle
soit.

A cet égard, au cours d’une brève
entrevue avec un groupe de journalis-
tes, samedi, le ministre de l’industrie
et du Commerce, M. Guy Saint-
Pierre, devait rappeler que le thème
de la justice sociale a longtemps
alimenté les discussions au sein du
Parti libéral au cours des années 50.
Or, a-t-il ajouté, ce sont ces mêmes
discussions qui sont revenues à la sur-
face, après l’élection du gouvernement
Lesage, en 1960, et qui ont abouti en
lois.

Malgré tout, il se sera agi, somme
toute, d’un colloque ressemblant plus
à une session d’études post-universitai-
res qu’à la rencontre des militants
d’un parti aux prises avec les nom-
breux problèmes qu’ont connus les li-
béraux au cours des derniers mois.

En définitive, seuls deux laits de
nature politique valent peut-être la
peine d’être notés en conclusion: l’in-
habituelle absence des anglophones du
parti dont on a cherché la participa-
tion tout au cours de la fin de se-
maine, ainsi que l’insistance du minis-
tre Guy Saint-Pierre a se mettre en évi-
dence dans chacun des ateliers tenus
samedi et dimanche.

Dans un cas comme dans l’autre.
les dirigeants du parti ont vigoureuse-
ment nié qu’il faille y voir un signe
quelconque…

Leave a Reply