Procès-verbaux et témoignages du Comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes sur la Constitution du Canada, 32e parl, 1re sess, nº 10 (21 novembre 1980).
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Date: 1980-11-21
Par: Canada (Parlement)
Citation: Canada, Parlement, Procès-verbaux et témoignages du Comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes sur la Constitution du Canada, 32e parl, 1re sess, nº 10 (21 novembre 1980).
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SÉNAT
CHAMBRE DES COMMUNES
Fascicule n° 10
Le vendredi 21 novembre 1980
Coprésidents:
Sénateur Harry Hays
Serge Joyal, député
Procès-verbaux et témoignages
du Comité mixte spécial
du Sénat et de
la Chambre des communes sur la
Constitution
du Canada
CONCERNANT:
Le document intitulé «Projet de résolution portant
adresse commune à Sa Majesté la Reine
concernant la Constitution du Canada», publié par
le gouvernement le 2 octobre 1980
TÉMOINS:
(Voir à l’endos)
Première session de la
trente-deuxième législature, 1980
COMITÉ MIXTE SPÉCIAL DU SÉNAT
ET DE LA CHAMBRE DES COMMUNES
SUR LA CONSTITUTION DU CANADA
Coprésidents:
Sénateur Harry Hays
Serge Joyal, député
Représentant le Sénat:
Les sénateurs:
Bélisle
Bielish
Bird
Connolly
Cottreau
Goldenberg
Hays
Lapointe
Neiman
Tremblay—(10)
Représentant la Chambre des communes:
Messieurs
Bockstael
Campbell (Miss)
(South West Nova)
Corbin
Crombie
Dinsdale
Epp
Gingras
Hawkes
Henderson
Irwin
Joyal
Mackasey
McGrath
Nystrom
Young—(15)
(Quorum 12)
Les cogreffiers du Comité
Richard Prégent
Paul Bélisle
Conformément à l’article 65(4)b) du Règlement de la Cham-
bre des communes:
Le vendredi 21 novembre 1980:
M. Young remplace Mlle Jewett:
M. Irwin remplace M. Gimaïel;
M. Dinsdale remplace Mlle MacDonald;
M. Gingras remplace M. Lapierre.
Conformément à un ordre du Sénat adopté le 5 novembre
1980:
Le sénateur Cottreau remplace le sénateur Bird;
Le sénateur Connolly remplace le sénateur Rousseau;
Le sénateur Bélisle remplace le sénateur Muir;
Le sénateur Bîrd remplace le sénateur Austin;
Le sénateur Goldenberg remplace le sénateur Haidasz;
Le sénateur Bielish remplace le sénateur Roblin.
PROCÈS-VERBAL
LE VENDREDI 21 NOVEMBRE 1980
(20)
[Traduction]
Le Comité mixte spécial sur la Constitution du Canada se
réunit aujourd’hui à 9 h 37 sous la présidence de M. Joyal
(coprésident).
Membres du Comité présents:
Représentant le Sénat: Les honorables sénateurs Bélisle,
Bielish, Bird, Connolly, Cottreau, Goldenberg, Hays,
Lapointe, Neiman et Tremblay.
Représentant la Chambre des Communes: M. Bockstael,
Mlle Campbell (South West Nova), MM. Corbin, Crombie,
Dinsdale, Epp, Gingras, Hawkes, Henderson, Irwin, Joyal,
Mackasey, McGrath, Nystrom et Young.
Atttre député présent: M. Beatty.
Aussi présents: Du Centre parlementaire: M. Péter Dobell,
directeur. Du Service de recherches de la Bibliothèque du
Parlement: MM. Paul Martin et John McDonough, recher-
chistes.
Témoins: De l’Association canadienne pour les déficients
mentaux: M. Paul Mercure, président; M. David Vickers,
vice-président; M. David Lincoln, président (People First—
Ontario); De la Société franco-manitobaine: Mme Gilberte
Proteau, présidente; Mme Lucille Roch, directrice général;
Joseph Elliott-Magnet; conseiller juridique.
Le président présente le cinquième rapport du Sous-comité
du programme et de la procédure suivant:
1. Qu'unc heure soit réservée par groupe de témoins
sauf dans le cas des groupes «nationaux», tel que défini
après consultation entre les trois partis alors que le temps
pourrait être augmenté.
2. Que le temps alloué pour chaque témoin au premier
tour soit réduit de 15 à 10 minutes.
3. Que la question d'attribution du temps pour le
deuxième tour soit laissé en suspens.
Le cinquième rapport du sous-comité du programme et de la
procédure est adopté.
Le Comité reprend l'étude de son ordre de renvoi du Sénat
du 3 novembre 1980 et de de son ordre de renvoi de la
Chambre des communes du 23 octobre 1980, tous deux por-
tant sur le document intitulé «Projet de résolution portant
adresse commune à Sa Majesté la Reine concernant la Consti-
tution du Canada», publié par le gouvernement le 2 octobre
1980. (Voir procès-verbal du jeudi 6 novembre 1980, Fasci-
cule n°1).
Le sénateur Hays assume la présidence.
MM. Mercure, Vickers et Lincoln font des déclarations et
répondent aux questions.
M. Joyal assume la présidence.
Mme Proteau, Mme Roch et M. Magnet font des déclarations
et répondent aux questions.
A 12 h 02, le Comité suspend ses travaux jusqu'à nouvelle
convocation du président.
Les cogreffiers du Comité
Richard Prégent
Paul Bélisle
TÉMOIGNAGES
(Enregistrement électronique)
Le vendredi 21 novembre 1980
[Texte]
Le coprésident (M. Joyal): Je demanderais aux honorables
membres de ce Comité de bien vouloir prendre place autour de
la table vu que notre séance de ce matin doit être ajournée à
11 h 00 et que nous sommes convenus d'entendre deux groupes
de témoins.
Par conséquent, il nous tarde de débuter immédiatement
pour que nous puissions avoir la meilleure occasion d'utiliser le
temps à notre disposition.
Avant de présenter les témoins qui sont avec nous ce matin,
je voudrais faire un court rapport suite à une réunion hier soir
à l'ajournement des membres du sous-comité de l'agenda et
des procédures.
ll y a d'abord eu un consensus d'aecorder le minimum d'une
heure à chaque groupe de témoins sauf pour les groupes dits
nationaux qui pourraient, suite à des consultations entre les
représentants des trois partis autour de cette table, obtenir ou
à qui on pourrait allouer une période de temps plus longue.
Il a également été convenu que le premier tour de table pour
questionner les témoins soit réduit d'une période de quinze
minutes à dix minutes de manière à pouvoir permettre à un
plus grande nombre de membres de ce Comité de questionner
les témoins.
Quant au second tour de table nous suivrions, pour l'instant.
la pratique déjà suivie dest-à-dire de limiter les interventions â
une période de dix minutes chacune.
Je comprends donc qu'il n'y a pas d'objection à cette
nouvelle procédure. L'expérience nous démontre qu'elle sera
certainement plus profitable que celle que nous avions déjà
d'allouée, quinze minutes au premier tour de table.
Par conséquent, s'il n'y a pas de commentaire ou de question
à ce sujenje considérerais que. . .
Oui, monsieur Nystrom?
[Traduction]
M. Nystrom: Si j'ai bien compris, il n'y a qu'un seul
changement. Au premier tour, les interventions seront de 10
minutes au lieu de 15, et au deuxième, de 5 minutes au lieu de
10. Les Conservateurs commenceront, suivi de mon parti et
des libéraux.
Le coprésident (M. Joyal): Le point que vous soulevez n'a
pas été étudié hier soir, Si les membres du Comité sont
d'accord, je vais noter vos observations et demander au sous-
comité de nous faire rapport lâ-dcssus.
Monsieur Epp?
M. Epp: Merci, monsieur le président, Comprendre ce qui se
passe aux réunions du sous-comité tient presque du tour de
force. Je vais donc résumer ce qui a été convenu à minuit, hier
soir.
Nous avons d'abord décider d'accorder au moins une heure
à chaque témoin, sauf aux groupes nationaux, qui peuvent
avoir plus. Les témoins de ce matin ne seront pas touchés, car
ils ont pris des arrangements pour rentrer chez eux.
Ensuite, les interventions au premier tour seront réduites à
10 minutes.
Enfin, nous n'avons pas encore décidé du temps qui sera
alloué pour les tours suivants. M. Nystrom et moi avons
demandé d'en parler aux membres de nos partis respectifs.
Nous sommes donc d'accord sur les deux premiers points, mais
non sur le troisième.
Le coprésident (M. Joyal): C'est à peu près ce que je viens
de dire.
Si vous voulez, monsieur Nystrom, je renverrai la question
au sous-comité, qui nous en fera rapport.
[Texte]
lt is my pleasure this morning to introduce—de présenter,
au nom de l'Association canadienne pour les Déficients men-
taux, Canadian Association for the Mentally Retarded, mon-
sieur Paul Mercure, président, et monsieur David Vickers,
vice-président.
Je crois comprendre que l'Association a déjà fait parvenir au
greffier de ce Comité qui a bien voulu le faire distribuer, un
mémoire. Je crois comprendre également que vous pourrez
l'aire une courte présentation et ensuite répondre aux questions
que les honorables membres voudront bien vous poser.
Je vois également, à la table des témoins, un autre de vos
collègues, je crois, qui vous accompagne et par conséquent je
demanderais au président, monsieur Mercure, de bien vouloir
nous le présenter.
Monsieur Mercure.
M. Paul Mercure (président de l'Association canadienne
pour les déficients mentaux): Je désire, monsieur le président,
en premier lieu, remercier chacun des membres du Comité des
deux Chambres d'avoir accordé aux représentants de l'Asso-
ciation canadienne pour les Déficients mentaux quelques
minutes de leur précieux temps malgré des échéances très
contraignantes.
Notre délégation comprend, à ma gauche, monsieur Dave
Vickers, père d'une jeune déficiente, vice-président de notre
Association et ex-sous-ministre de la Justice en Colombie-Bri-
tannique et a ma droite, monsieur David Lincoln, président
d'un groupe, «People First», à Fort Erié en Ontario. Il s'agit
d'un groupe de personnes déficientes adultes qui se prennent
en main. Quelques autres personnes nous accompagnent dont
monsieur Harvey Endicott qui est le coordonnateur des servi-
ces et ressources juridiques de l'Association nationale.
L'Association canadienne pour les Déficients mentaux a
pour but de défendre les droits et de promouvoir les intérêts
des quelque 500,000 Canadiens vivant avec un handicap
mental.
Ce mouvement bénévole de citoyens s'appuie sur des asso-
ciations provinciales dans chacune dcs provinces et sur quelque
40,000 membres qui sont répartis dans près de 400 associa-
tions loctilcs. ll y aurait donc lieu de corriger le résumé qui n
été donné. C'est 40,000 membres que nous avons à travers le
Canada.
Dans ses principales démarches, elle entend faire respecter
les droits de toutes les personnes vivant avec un handicap, qu'il
soit physique ou mental. parce que nous faisons cause com-
mune avec d'autres groupes représentant d'autres personnes
handicapées.
C'est notre conviction profonde, comme Association, que
tous les déficients mentaux doivent vivre dans la société loin du
cadre institutionnel aliénant. Ce processus dîntégration sociale
est bien enclenchée dans toutes les parties du Canada et devra
se poursuivre pendant de nombreuses années. C'est ce fait que
les personnes déficientes vivent de plus en plus dans la société
qui rend impérative la protection de leurs droits à ce
moment-ci.
Déjà, en grande partie, dû au travail de notre mouvement.
plusieurs lois, tant provinciales que fédérales. s'adressent à ces
questions. Notre propos ce matin se situe dans le cadre de
décisions prises par notre assemblée générale qui a été tenue a
Toronto en juin dernier et d'assemblées générales antrieures
qui ont pris position sur les droits des personnes handicapées.
Uassemblée de juin a demandé que l'Association fasse la
promotion de l'enchâssement de ces droits dans une nouvelle
Constitution canadienne.
Ces démarches ont résulté en un mémoire spécial présenté
au comité spécial de la Chambre des communes sur les invali-
des et les Déficients.
Je désirerais maintenant souligner que nous sommes heu-
reux du travail que nous avons. je crois, réussi à accomplir au
niveau de ce comité parce que l'essentiel de ce que nous
voulons dire ce matin est mentionné dans le préambule du
document qui est sorti très récemment, en octobre, et qui est
du comité spécial concernant les lnvalides et Handicapés. qui
est un comité des Communes.
Le texte sur lequel je voudrais insister c'est le troisième
paragraphe du préambule qui dit:
Si le Parlement décide d'enchâsser les droits de la per-
sonne dans une Constitution rapatriée, le comité est d'avis
qu'une protection complète et égale devrait être assurée
aux personnes souffrant de handicaps physiques et
mentaux.
Nous demandons que les droits des personnes handicapées
soient donc protégés dans la nouvelle Constitution.
Notre Association n'a pas pris position sur la façon de
rapatrier la Constitution, non pas que nous n'ayons pas d'opi-
nion personnelle. mais des personnes plus compétentes que
peuvent traiter de cette question.
Ce que nous désirons, c'est que la Constitution. une fois
rapatriée. traite des droits positifs de tous les Canadiens et
accorde une protection particulière aux personnes handicapées
parce que cela est actuellement nécessaire à l'exercice de leurs
droits.
Nous ne demandons aucun droit spécial, pas plus d'ailleurs
que nous sommes favorables aux services spéciaux et ségrégués
que nous cherchons à remplacer partout au Canada par des
services intégrés dans la société.
Pour tous, nous demandons une place dans la société et pour
les personnes handicapées. la protection légale nécessaire à
l'exercice des droits dont jouissent les autres Canadiens.
Avant de demander a monsieur Vickers d'exposer nos
demandes d'une façon très spécifique, faimerais que monsieur
David Lincoln qui est président d'un groupe de personnes
déficientes à Fort Erié, comme je le disais tout à l'heure, nous
donne quelques exemples concrets de ce que les intéressés
eux-mêmes vivent quotidiennement.
[Traduction]
Le coprésident (M. Joyal): Monsieur Lincoln.
M. David Lincoln (président, People First): Pour commen-
cer, je précise que People First est un groupe dentre-aide de
déficients mentaux.
J'ai ici quelques exemples. Certains groupes ont besoin de
financement pour leurs ateliers, pour pouvoir engager plus de
personnel et mieux payer les handicapés qui y travaillent.
Je pense en particulier au cas de Carleton Place où certains
de nos clients sont payés deux cents de l'heure pour leur
travail. Nous pensons accomplir une tâche très utile, et le
moins qu'on puisse faire dans le cadre de la défense des droits
de l'homme, c'est de payer un salaire minimum à tous les
handicapés, qui sont des êtres humains, ou qui sont censés
l'être.
En outre, les handicapés ont besoin de logements a loyer
modique et ne doivent pas faire l'objet de discrimination du
simple fait de leur état. Très souvent, le premier mouvement
est de leur refuser un logement; il y a également des considéra-
tions de loyer.
Le plus important, c'est que nous sommes des citoyens
canadiens et que nous devrions avoir le sentiment de faire
partie de la communauté canadienne et ne pas nous sentir des
citoyens de seconde classe.
Le nom de notre organisation, People First est très impor-
tant, et il est important également que nos droits soient
protégés dans la constitution canadienne. Nous vous supplions
de ne pas nous ignorer. Nous sommes des êtres humains et
nous sommes citoyens canadiens avant d'être handicapés.
Le coprésident (sénateur Hays): Merci beaucoup, monsieur
Lincoln,
Monsieur Vickers?
M. David Vickers (vice-président, Association canadienne
pour les déficients mentaux): Monsieur le président. messieurs
les membres du Comité, nous sommes ici ce matin pour
discuter avec vous d'une question de valeurs. Nous allons vous
parler de la valeur qu'on va accorder à l'existence de nos fils et
de nos filles.
Nous allons vous parler de la valeur que l'on accordera a
l'existence de milliers de citoyens canadiens, ces citoyens cana-
diens qui souffrent d'un handicap, réel ou perçu.
Nous ne venons pas vous demander des droits particuliers.
Si nous défendons les gens qui ont un handicap, c'est pour
réclamer pour eux tous les droits dont ils devraient jouir en
tant que citoyens canadiens. Autrement dit, nous venons vous
demander de ne pas les oublier dans la nouvelle déclaration des
droits. pour qu'ils puissent devenir, comme David vient de le
dire. des Canadiens d'abord, des handicapés ensuite.
Nous vous demandons de réfléchir un instant aux besoins
d'un Canadien moyen. Pensez à vos propres besoins et à la
façon dont ils ont été satisfaits au cours de votre vie. A cet
égard, les handicapés ne sont en rien différents de vous ou de
moi. Pour réaliser leur potentiel, ils ont besoin tout d'abord de
pouvoir exister et ils ont besoin en particulier de soins médi-
caux suffisants.
En second lieu, il leur faut une bonne instruction, avec le
moins de restrictions possible.
Troisièmement, il leur faut une bonne formation profession-
nelle, puis la possibilité d'exercer ce potentiel professionnel.
Quatrièmement, ils ont besoin d'un logement adéquat, éga-
lement avec le moins de restrictions possible.
Cinquièmement, ils ont besoin d'activités récréatives et
sociales.
Les chartes et les codes sur les droits de l'homme contien-
nent des clauses anti-discriminatoires, des normes de conduite
prohibitives, En plus de ces normes négatives, notre Associa-
tion voudrait que l'on adopte des normes positives. Nous
prétendons que les valeurs que nous défendons tous en tant que
Canadiens devraient figurer dans la charte comme une condi-
tion fondamentale des droits sociaux, économiques et culturels
au Canada.
Malheureusement, le temps ne nous a pas permis de faire
une étude exhaustive dans ce sens. En préparant notre
mémoire, nous avons essayé de nous en tenir à la question
fondamentale de savoir quelles étaient ces valeurs que nous
voulons défendre et comment nous pouvons les inscrire dans
une charte des droits, elle-même enchâssée dans la constitution
canadienne.
Par conséquent. nous nous sommes référés aux pactes inter-
nationaux sur les droits de l'homme. Ces pactes, conclus sous
l'égide des Nations utiles, ont été signés par le Canada et par
les provinces.
On nous dit que la ratification de ces pactes, la nomination
d'un représentant canadien au Comité des droits de l'homme
et la ratification subséquente du protocole facultatif restent
une manifestation exemplaire de coopération fédérale-provin-
ciale.
Par conséquent, depuis le 19 août 1976, datc d'entrée en
vigueur du document, nous pouvons nous référer à une série de
valeurs internationales lorsque nous étudions des questions
comme celles que nous étudions aujourd'hui.
Le premier de ces pactes traite des droits économiques,
sociaux et culturels; le second, des droits civils et politiques.
Notre liste, tirée de ces pactes, se trouve à la page 2 de notre
mémoire.
De l'article 6 du second pacte et de l'article 12 du premier.
notrs avons tiré le droit à la vie et le droit aux services de santé.
Tous les autres droits viennent du premier pacte et compren-
nent l'article 11, le droit a une alimentation, à des vêtements et
a un logement suffisants; l'article 10, le droit à la protection et
à l'aide à la famille; l'article 13, le droit à une instruction
suffisante; l'article 7, le droit au travail et à des conditions de
travail justes et favorables; l'article 8, les droits syndicaux et,
l'article 9, le droit à la sécurité sociale.
Arrêtons-nous un instant sur le droit à l'instruction qui est
un droit fondamental, mais qui est néanmoins refusé à un
grand nombre de Canadiens handicapés en dépit de ce pacte
international signé par le Canada et par les provinces. C'est un
droit fondamental a la croissance et au développement de
toutes les personnes que ce droit à l'instruction dans un
environnement le moins restrictif possible. Il est particulière-
ment intéressant de noter que l'article 23 du projet de loi
constitutionnelle 1980 prévoit, et je cite:
le droit de faire instruire leurs enfants, aux niveaux
primaire et secondaire, dans la langue de la minorité dans
toute région . . .
Etc. Il y a forcément quelque chose qui manque ici et qui
porte atteinte a la logique de cet article. Bien sûr, il faut
constitutionnaliser le droit à l'instruction sans oublier la ques-
tion tout aussi importante du droit à l'instruction dans la
langue de la minorité. Sans cette valeur qu'est le droit à
l'instruction, les handicapés se voient refuser dès le départ de
nombreux avantages de la société canadienne.
Nous savons bien que nous vivons dans un monde imparfait.
Il est peut-être très difficile de parvenir à un accord sur toute
une série de droits positifs, mais c'est une tentative digne de ce
grand passé qui est le nôtre.
Une clause and-discriminatoire telle que l'article 15 est
indispensable, mais nous ne saurions trop insister auprès de
votre Comité sur l'importance de la mention expresse d'un
handicap, physique ou mental
tannée 1981 sera l'année internationale des handicapés. Il
serait vraiment déplorable que nous n'en profitions pas pour
constitutionnaliser la protection de tous les Canadiens qui
vivent avec un handicap, réel ou perçu. On entend souvent dire
qu'il faut éviter de mentionner le cas des handicapés pour
éviter de porter atteinte à l'efficacité de programmes destines à
redresser un long passé de discrimination négative. Nous pen-
sons que les exceptions faites d'ordinaire dans le cas des
programmes d'action positive peuvent éviter cela. C'est d'ail-
leurs ce que vous faites dans un paragraphe de l'article 15.
D'autres prétendent que pour profiter d'une clause anti-dis-
criminatoire. il faudrait d'abord prouver que l'on est handi-
capé. Cette objection ne tient plus si la terminologie est
suffisamment large, comme c'est le cas dans la définition de
l'expression «personne handicapée» que l'on trouve dans la loi
américaine sur la réhabilitation de 1973. On y définit une
«personne handicapée» comme étant toute personne qui a (a)
une déficience physique ou mentale qui limite considérable-
ment une ou plusieurs activités vitales de cette personne; (b)
une personne dont la déficience est documentée ou (c) est
considérée comme souffrant d'une déficience.
Il faut remarquer que le paragraphe (c) de cette définition
insiste beaucoup plus sur l'acte discriminatoire que sur la
question de savoir si la personne qui fait l'objet d'une discrimi-
nation peut s'insérer dans la catégorie protégée. C'est l'objectif
essentiel de la définition statutaire.
En résumé, notre Association prie instamment les membres
de ce Comité d'élargir la déclaration des droits positifs pour
tous les Canadiens et de tenir compte en particulier des droits
économiques, sociaux et culturels qui sont le fondement actuel
de notre société,
Enfin, nous nous associons à un grand nombre d'autres
organisations canadiennes pour vous demander d'ajouter la
mention «handicap physique ou mental» à la liste des motifs de
discrimination interdits qui figurent à l'article 15. Je vous
remercie.
Le coprésident (sénateur Hays): Merci beaucoup, monsieur
Vickers.
L'honorable Walter Dinsdale.
M. Dinsdale: Je souhaite la bienvenue à ces messieurs qui
viennent de défendre si bien la cause des déficients mentaux.
Vous devez savoir que nous avons un comité parlementaire
spécial chargé d'enquêter sur les déficients et les handicapés et
qui travaille depuis maintenant près de six mois. Très vite,
nous sommes parvenus a la conclusion que l'un des domaines
des droits de l'homme qui était le plus négligé, une négligence
allant parfois jusqu'au tragique, était celui des handicapés
mentaux, à la fois les malades mentaux et les attardés
mentaux.
Pendant nos audiences, nous avons entendu des représen-
tants de People First, et l'un des exposés les plus frappants
nous a été fait spontanément par un de vos représentants de
Vancouver qui n'avait pas de notes et qui a essayé de définir
Parriération mentale. Je parle de Brian. Il a dit: «Je suis un
attardé mental», puis il s'est frappé le front et il a ajouté: «Cela
veut dire que je ne pense pas très vite». l1 a fait ensuite une
pause, assez dramatique, puis il a dit: «Je connais des homes
politiques qui souffrent de la même incapacité». Ce que vous
venez de nous dire ce matin ne fait que le confirmer.
Le sujet nous a tellement inquiétés que notre Comité spécial
a jugé bon de publier un rapport intérimaire. J'imagine que
vous avez dû le lire; on y disait, entre autres:
Si le Parlement souhaitait constitutionnaliser les droits de
l'homme dans une constitution rapatriée, votre Comité
estime qu'une protection pleine et entière doit être prévue
pour les personnes qui souffrent d'un handicap physique
ou mental.
Monsieur le président, jusqu'à présent il n'existe aucune
protection en dehors de la charte des droits de l'homme des
Nations unies que nous avons signée, aucune protection des
handicapés mentaux.
Ceci étant dit, monsieur le président, j'aimerais que nous
nous penchions un peu sur les détails et je voudrais demander
aux représentants des attardés mentaux qui sont parmi nous ce
matin s'ils estiment que l'article 1er, qui fait l'objet de grandes
controverses depuis le début de nos 'audiences. abroge les droits
garantis par l'article 15 du projet de loi. J'imagine que nos
témoins doivent avoir la résolution sous les yeux. C'est à mon
sens un point fondamental. car on s'aperçoit aujourd'hui.
monsieur le président, quïlexiste une discrimination certaine
contre les handicapés, en particulier les handicapés mentaux.
Le fait que les attardés mentaux devraient jouir de tous les
droits d'une charte des droits de l'homme est loin d'être un
principe universellement reconnu. Estœe que les deux articles
entrent en conflit?
M. Vickers: Monsieur le président. personellement j'estime
que c'est donner d'une main pour reprendre de l'autre. Nous
n'avons pas réfléchi à cette question particulière. car il nous a
semble plus important de nous occuper de la constitutionnali-
sation des droits des handicapés.
Mais en lisant l'article 1er, en le lisant d'un oeil de juriste.
j'ai effectivement l'impression qu'on donne d'une main pour
reprendre de l'autre.
J'ai lu les observations que M. Fairweather a faites devant le
Comité et je dois dire que je suis entièrement d'accord avec les
amendements qu'il réclame. Effectivement, cet article mérite
qu'on y réfléchisse encore.
M. Dinsdale: Monsieur le président, dois-je en déduire que
M. Vickers voit là une contradiction flagrante? Ce n'est pas
exactement ce qu'il a dit, mais cela revient a dire que les deux
articles s'annulent l'un l'autre. n'est-ce pas?
M. Vickers: Oui. l'un sert de contrepoids à l'autre.
M. Dinsdale: Dans notre rapport intérimaire. nous avons dit
avec beaucoup de vigueur que la charte des droits de l'homme
ou la Loi sur les droits de la personne devrait regrouper tous
les droits qui figurent dans la Loi sur les droits de la personne
pour les handicapés. Pensez-vous que cela constituerait une
protection suffisante des droits des gens que vous représentez
ce matin? Une Loi sur les droits de la personne a été adoptée
en 1977. A l'époque. l'opinion publique était telle que le seul
droit mentionné dans ladite loi. cela remonte à trois ans et
prouve donc bien avec qu'elle lenteur nous apprenons. était le
droit à l'emploi.
A l'époque, beaucoup de gens avaient prétendu qu'il était
impossible d'aller plus loin. Nous ne voulons pas revenir sur
ces arguments aujourd'hui, mais la loi limite les droits accor-
dés aux handicapés, et même pour le droit au travail, les
handicapes mentaux ne sont pas mentionnés.
Maintenant, est-ce que vous pensez que les besoins des
personnes que vous représentez seraient suffisamment défen-
dus si nous appliquions la recommandation du Comité spé-
cial—je peux attester du dynamisme de ce Comitéw-et si nous
modifions la Loi canadienne sur les droits de la personne en y
mentionnant les handicapés?
M. Vickers: Je reviens à cette considération de valeurs. Je
pense aux possibilités d'emploi. aux considérations de logement
et d'instruction. Si l'on considère cela comme des valeurs
canadiennes, effectivement il faudrait les constitutionnaliser
dans la déclaration des droits et ne pas se contenter d'une
simple mention dans la Loi sur les droits de la personne qui
peut être modifiée par le Parlement du jour au lendemain.
Effectivement, si l'on voit le problème sous l'angle des
valeurs canadiennes, si l'on se place du point de vue des
handicapés, il faudrait que ces valeurs soient constitutionnali-
sées et qu'elles n'existent pas seulement dans la déclaration des
droits. Une déclaration des droits est un deuxième prix. Nos
amis handicapés n'ont jamais gagné le moindre prix et, bien
sûr, ils ne sont pas en position de refuser quoi que ce soit, ne
serait-ce qu'un amendement au code fédéral.
D'un autre côté, e'est toujours un deuxième choix, c'est du
moins la façon dont nous voyons les choses. Et les gens que
nous défendons ont droit aujourd'hui à quelques premiers prix.
M. Dinsdale: Dans votre exposé, vous avez parlé d'un point
particulièrement important, les possibilités dînstruetion et de
formation. Nous avons rencontré six cents personnes dans tout
le Canada et notis nous sommes aperçus que les possibilités
d'apprentissage pour les personnes qui souffrent d'un handicap
étaient très limitées au Canada, les plus touchés étant les
attardés mentaux.
On constate que cette année a été particulièrement bonne
pour les handicapés. Nous avons eu le Congrès mondial à
Winnipeg et 1981 sera l'Année internationale des handicapés;
d'ailleurs, notre rapport doit être publié à cette occasion. Le
rapport traitera notamment de la désinstitutionnalisation,
dest-à-dire la possibilité de faire sortir les handicapés de ces
entrepôts humains où ils sont parqués, sans possibilité de
divertissements, d'instruction et de transport, sans parler de
tous les autres services vitaux qui leur sont indispensables.
Dans tout cela, il y a également unc considération économique;
en effet, il en coûte terriblement cher de les garder sans
essayer de les réinsérer dans la société.
Par conséquent, si le Parlement constitutionnalise une
charte des droits pour les handicapés, comme vous le recom-
mandez, et si nous pouvons supprimer la contradiction entre
les articles 1 et 15, pensez-vous que cela servira la cause de la
désinstitutionnalisation?
M. Mercure: Effectivement, nous pensons que cela devrait
aider nos associations locales à protéger les droits des indivi-
dus. Cela devrait également nous aider a mettre sur pied des
services dans la communauté.
S'il faut si longtemps pour désinstitutionnaliser, e'est que la
plupart des professionnels, la plupart des gouvernements
même, sont en faveur d'une telle démarche mais ils ne peuvent
pas concevoir qu'on lâche ces gens dans la communauté sans
services auxiliaires ce qui, à long terme, serait pourtant beau-
coup plus efficace et probablement beaucoup moins coûteux.
De plus, nous estimons que toute ségrégation débouche très
rapidement sur une modification du comportement et que c'est
une question fondamentale de valeur pour notre société que
d'accepter la personne humaine telle qu'elle est, de ne pas
séparer ou aliéner un groupe de gens données.
La ségrégation des attardés mentaux ne remonte pas à très
loin. C'est seulement depuis une centaine d'années que le
problème se pose; c'est une des conséquences de l'industrialisa-
tion. Jadis, les handicapés mentaux vivaient dans la
communauté.
Le coprésident (sénateur Hays): Merci beaucoup, monsieur
Dinsdale.
Monsieur young.
M. Young: Merci beaucoup. Moi aussi, je voudrais vous
remercier d'être venu devant ce Comité et de nous avoir
présenté un mémoire de cette qualité. De fait, je siège égale-
ment au Comité spécial concernant les invalides et les handica-
pés; pendant l'été, nous avons entendu plus de 400 témoins qui,
tous, nous ont dit que les invalidités et les handicaps devaient
être mentionnés dans une nouvelle charte des libertés et des
droits.
Je passe tout de suite à un domaine précis qui me semble
témoigner non seulement de l'attitude de la société envers les
invalides et les handicapés, mais également de celle des tribu-
naux face à ces personnes, en particulier les attardés mentaux.
Si vous le permettez, je vais consacrer quelques minutes à
l'article 7 du projet de charte qui porte sur les droits juridiques
et je vais essayer de faire le lien avec l'article 15, malgré
l'absence de toute disposition relative aux invalides et aux
handicapés.
L'article 7 du projet de charte prévoit que:
Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa
personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit
A l'heure actuelle, le Code criminel permet au Gouverneur
général d'émettre un mandat, et on me dit qu'en fatc de juin
1980, 834 personnes avaient été envoyées dans des institutions
psychiatriques après avoir été accusées d'un crime quelconque
et après être passées devant une commission d'examen formée
de psychiatres et de juristes qui les avait déclarés inaptes à
subir un procès.
Comme je l'ai dit, plus de 800 Canadiens sont détenus dans
des institutions sans avoir jamais été jugés et, dans le cas des
attardés mentaux, sans espoir de l'être jamais.
Je vais vous citer un cas à titre d'exemple, celui d'Emerson
Bonnar qui, en 1964, a été accusé de tentative de vol d'un sac à
main de femme.
Depuis 1964, il est enfermé dans une institution au Nou-
veau-Brunwick, une institution à sécurité maximum, je pense,
parce que la commission d'examen ne l'a pas jugé apte à subir
un procès.
Étant donné l'absence de toute mention des invalides et des
handicapés dans ce projet et étant donné la définition juridique
des droits, pensez-vous que cela pourrait aider une personne
comme Emerson Bonnar?
M. Vickers: Je n'en suis pas certain. Je connais très bien le
cas Bonnar. C'est un exemple classique d'un individu à qui on
a donné une étiquette dès le début, une étiquette qui lui est
restée collée sur le front toute sa vie. On lui a donné l'étiquette
d'«attardé mental» et d'«individu violent», mais tout ce qui s'est
passé depuis 1964 et que l'on peut constater aujourd'hui
prouve que c'est une erreur.
Selon toute évidence, il nesagit pas d'un individu violent. ll
n'a toujours pas été jugé pour le vol du sac a main. A mon
sens. et je l'ai déjà dit, c'est l'exemple classique d'un abus du
système pénal. Le public ne le sait peut-être pas, et M.
Dinsdale a parlé du problème des difficultés d'apprentissage,
mais 75 à 80 p. 100 des jeunes dont s'occupe la justice sont des
enfants qui ont des difficultés d'apprentissage, et cela nous
ramène au problème de l'instruction. Nous le savons et les
juristes y travaillent depuis 10 ou 15 ans.
Si les statistiques du Comité présidentiel américain sur
Farriération pouvaient s'appliquer à ce pays—et j'ai l'impres-
sion que c'est le cas—on s'apercevrait qu'environ 10 p. 100 au
moins des adultes qui sont aux prises avec le système pénal
sont des attardés mentaux. C'est à nous qu'il appartient de
reconnaître ces statistiques et de poser le problème en termes
de droits fondamentaux et non plus en termes de droit pénal.
Ne vaudrait-il pas mieux. par exemple, constitutionnaliser
les droits positifs à l'instruction dans une déclaration des
droits, comme le droit à la formation professionnelle, pour que
ces personnes puissent se faire une place sur le marché du
travail. devenir des citoyens à part entière et non plus gaspiller
leur vie, comme Emerson Bonnar, dans des institutions à
sécurité maximum, destinées aux aliénés dangereux?
La Commission nationale de réforme du droit et notre
organisation ont fait des recommandations, il y a environ six
ans, pour la modification des articles 543 et suivants du Code
criminel car, en effet, il est certain que le mal vient des
dispositions du Code,
Je ne nie pas qu'il serait utile de modifier la charte des
droits. Emerson Bonnar est privé de sa liberté depuis 14 ans,
au nom de la justice et en vertu du Code criminel. Qu'il
s'agisse ou non de principes fondamentaux de la justice, les
résultats sont les mêmes.
L'Association a pris parti pour Emerson Bonnar, et nous
essayons de faire en sorte que la situation soit corrigée. Toute
démarche en notre faveur, qu'il s'agisse de modifier le Code
criminel ou d'enchâsser des droits dans la constitution, nous
serait fort précieuse.
Le coprésident (sénateur Hays): Merci. Monsieur Young.
ce sera votre dernière question.
M. Young: Y en a-t-il, parmi les 834 personnes détenues
sans avoir subi de procès, qui sont des déficients mentaux?
M. Vickers: Je l'ignore, mais nous sommes en train de
mener une enquête, en collaboration avec les autorités provin-
ciales, pour répondre a cette question. Lorsque j'étais sous-
ministre en Colombie-Britannique. en 1974, il y avait 120
personnes dans cette situation.
Nous avons étudié les cas de mauvaise orientation et nous
avons pu, en très peu de temps. réduire le chiffre de 120 à 80.
Je ne sais plus combien il y en a en Colombie-Britannique,
mais j'a entendu parler d'un jeune Amérindien détenu pendant
trois ans sans avoir subi de procès pour avoir lancé une brique
dans une vitrine. Si on étudiait le dossier de tous ceux qui se
trouvent dans cette situation, on relèverait certainement des
abus de ce genre, et nous menons notre enquête. Le chiffre
s'élèverait sans doute à 15 ou 20 p. 100.
Le coprésident (sénateur Hays): Merci beaucoup, monsieur
Young. Sénateur Lapointe.
[Texte]
Le sénateur Lapointe: Je voudrais d'abord m'adresser en
français à monsieur Mercure pour le féliciter ainsi que ses
collègues de leur exposé très clair et très éclairant pour tout le
Comité.
Je regrette beaucoup que l'un des membres le plus actif du
Comité sur les handicapés, madame Thérèse Killens ne soit
pas ici ce matin pour accompagner monsieur Teasdale et
l'autre collègue du Parti démocratique, mais je vais essayer de
la remplacer de mon mieux, parce que moi aussi je suis très
intéressé à cette cause.
Alors vous dites, monsieur Mercure, que vous approuvez
totalement la Charte des droits et que vous appuyez les droits
fondamentaux, les droits démocratiques, les droits de mobilité
et les droits de langage, n'est-ce pas?
M. Mercure: Oui.
Le sénateur Lapointe: Ce qui semble vous inquiéter et dont
n'ont pas parlé mes collègues, c'est le droit de faire partie des
syndicats, les «trade unions».
Alors est-ce que vous pourriez expliquer si les syndicats
eux-mêmes sont réfractaires à vous inclure dans les syndicats
ou bien si ça dépend des lois déjà existantes.
M. Mercure: ll y a des cas, effectivement—je demanderais à
monsieur Vickers de préciser davantage—mais il y a des cas,
effectivement, où des employeurs, il a maintenant aussi un
encouragement au Québec l'Office des handicapés cherche
grandement à augmenter le nombre de places dans le marché
du travail pour les handicapés, dont les déficients.
Il y a plusieurs cas concernant les handicapés où on cherche
à obtenir que des emplois soient considérés comme très con-
venables pour des handicapés et où il est question des droits
syndicaux, particulièrement la seniorité, empêchent que ce soit
réalisé.
Je donne un exemple, par exemple, des chambres noires
pour les aveugles. Dans plusieurs cas on a voulu que des
aveugles soient prioritairement choisis dans les chambres
noires dans des entreprises de photographie, et ces questions là
sont refusées par les syndicats, et disons que ce sont des
questions qui sont reliées à cette question de «membership»
dans les syndicats.
Est-ce que Bill tu pourrais compléter la réponse.
[Traduction]
M. Vickers: Mon expérience avec le mouvement ouvrier m'a
montré qu'il n'est pas différent des organisations communau-
taires. quelles soient publiques ou privées. ll s'agit essentielle-
ment d'une question d'attitude, et j'ai constaté que si des
personnes handicapés envisagent de travailler, les syndicalistes
sont généralement prêts à leur faciliter les choses.
Je n'ai de reproche a faire à personne. Le problème remonte
au très jeune âge et c'est pourquoi l'enseignement est tellement
important. En effet, une personne qui a la possibilité de faire
ses études à côté d'un handicapé grave n'aura probablement
pas tendance à adopter, plus tard, une attitude négativeà son
égard. Au lieu de ressentir de la pitié, elle sera plus prête à
l'accepter comme un simple membre de la société canadienne.
Lorsque j'ai soulevé ces problèmes sur la côte ouest, auprès des
milieux ouvriers, j'ai constaté qu'ils réagissaient de la même
manière que vous ct moi et qu'ils étaient prêts a faire quelque
chose.
Évidemment, tout comme les employeurs normaux et les
organisations publiques et privées, ils sont encore loin d'avoir
réellement répondu a tous les besoins de nos amis handicapés.
C'est pourquoi l'inscription des droits des handicapés dans la
constitution est importante, puisqu'elle permettrait de signaler,
en quelque sorte, au mouvement syndical que tous, y compris
les handicapés, jouissent de droits canadiens fondamentaux.
Cela représente en quelque sorte la construction d'un phare
pour l'avenir et signifie, pour nos handicapés, qu'ils auront des
possibilités professionnelles qui ne leur étaient jusqu'à présent
pas offertes.
Le sénateur Lapointe: Vous avez dit que vous aimeriez que
le salaire minimum soit mentionne' dans la charte?
M. Vickers: Non, je ne pense pas qu'il faille régler cette
question, en tant que telle, dans la charte des droits. Je crois
qu'il faut plutôt y parler des possibilités de formation et
d'emploi. Ce que voulait dire David, c'était qu'il y a aujour-
d'hui des gens qui gagnent 2c. l'heure dans des ateliers, ou $1
la semaine, ce qui est inacceptable.
ll est temps que ces ateliers ne soient plus considérés comme
des possibilités d'emploi mais comme des situations permettant
aux handicapés d'avoir une vie à part entière. ll ne s'agit donc
pas de créer plus de possibilités de travail dans des ateliers
mais plutôt de nouvelles possibilités d'emploi professionnel,
permettant à leurs détenteurs de gagner un salaire normal. et
non pas de recevoir une subsistance. Dans ce cas, ces gens
devraient gagner au moins le salaire minimum, car cela leur
permettrait, comme cela s'est fait dans le passé, de ne plus
dépendre du bien-être social et d'être en mesure de subvenir à
leurs besoins et à ceux de leur famille, Nous ne demandons
donc rien de special mais simplement que leur soient offertes
les mêmes possibilités qu'aux autres Canadiens.
Le sénateur Lapointe: Vous dites dans votre mémoire que la
province de Québec a une clause de protection des handicapés
qui semble vous satisfaire. Voudriez-vous ajouter quelque
chose là-dessus ou considérez-vous quc cette protection est
suffisante dans la mesure où elle est assurée par les droits de la
personne au Québec?
[Texte]
M. Mercure: La loi 9, évidemment, et l'Office des Hand-
icapés au Québec a grandement contribué à la protection des
droits des personnes handicapées au Québec et je pense que
c'est considéré comme une législation avancée et que plusieurs
autres Provinces considèrent une approche comme celle-là et
ce que nous demandons ce matin c'est une protection plus
grande qu'une protection légale parce qu'une protection dans
lc texte de la Constitution même. si on modifie l'article
numéro l, serait probablement une protection plus grande
qu'une protection légale ordinaire d'une loi parce que le gou-
vcrnement ne pourrait pas par une simple loi modifier cet
droits-là, il devrait prendre les moyens spéciaux prévus pour
amender une Constitution. ll faut dire quand même que les
gens au Québec commencent à apprendre à vivre avec ces
nouveaux droits et le travail de nos associations locales c'est de
s'assurer que ces droits-là ont des résultats concrets dans la vie
quotidienne des personnes handicapées.
[Traduction]
Le coprésident (sénateur Hays): Ce sera votre dernière
question, madame le sénateur.
Le sénateur Lapointe: Très bien. Êtes-vous satisfait du
rapport du Comité concernant les invalides et les handicapés,
qui affirme qu'il faudrait accorder une protection complète et
égale aux personnes souffrant aussi bien de handicaps physi-
ques que de handicaps mentaux?
[Texte]
M. Mercure: Oui. Nous avons mentionné au début que nous
sommes très satisfaits d'avoir réussi, je pense, à obtenir le
point. Cependant, c'est actuellement dans des termes extrême-
ment larges, il faudra que ce soit précisé éventuellement, mais
le troisième paragraphe du préambule du comité de la Cham-
bre, je l'ai lu tout à l'heure et un membre de la Commission l'a
lu aussi, en anglais, c'est un paragraphe que l'on trouve très
satisfaisant.
[Traduction]
Le coprésident (sénateur Hays): Merci beaucoup, sénateur
Lapointe. ll nous reste un orateur, monsieur MeGrath.
M. MeGrath: Je serai bref, monsieur le président. Nous
avons bien un autre témoin, n'est-ce pas?
Le coprésident (sénateur Hays): Oui.
M. McGrath: Je ne voudrais donc pas faire attendre plus
longtemps les témoins du Manitoba, d'autant plus que nous ne
leur accordons déjà que très peu de temps.
J'ai été frappé par la question de mon collègue, M. Dins-
dale, concernant le traitement des handicapés mentaux légers
sans avoir recours à des établissements spécialisés. Je sais que
c'est quelque chose qui se fait de plus en plus dans le pays et
notamment en Ontario. Je sais également que vous connaissez
le Livre vert de Welch, intitulé Community living for the
mentally retarded. ll est cependant un autre aspect de ces
problèmes qui me préoccupe et au sujet duquel j'aimerais avoir
la réaction de votre Association. ll s'agit du fait que les
municipalités semblent avoir de plus en plus tendance a adop-
ter des législations interdisant les résidences collectives. Donc,
d'un côté nous voulons faire sortir les handicapés mentaux des
établissements publics et les libérer de la psychologie fourre-
tout avec laquelle on a toujours voulu les traiter, dans le passé,
pour leur permettre de vivre des vies normales, dans toute la
mesure du possible. D'un autre côté, cependant, on constate
que des municipalités, dans le but, sans doute, de protéger
l'intérêt de leurs contribuables, bien que je ne vois pas en quoi
cela puisse être une menace à cet égard, adoptent des lois
négatives au sujet de ces résidences. Pensez-vous que l'on
pourrait régler ce problème au moyen de la charte?
M. Vickers: il ne fait aucun doute que cela se produit de
plus en plus, dans le pays, pour un certains nombre de raisons.
La première concerne, encore une fois, les attitudes généra-
les de la population. Pour les modifier, je répète que nous
devons commencer a agir avec les enfants, a l'école, en les
incitant à accepter les handicapes dont peuvent souffrir leurs
concitoyens.
Évidemment, cela ne règle pas lc problème des personnes
plus âgées qui ont toujours du mal à accepter les handicapés.
L'une des difficultés, selon moi, résulte des politiques de
financement des gouvernements provinciaux, lesquelles sont
orientées vers des résidences collectives de 8 ou 10 membres. Il
est bien évident qu'une résidence acceptant 8 ou 10 personnes
est loin de représenter un milieu familial normal. Nous préfé-
rerions donc que ce type de financement soit accordé à des
résidences pour 4, 5 ou même 6 personnes, car, selon nous, cela
leur permettrait de vivre dans un milieu beaucoup plus proche
du milieu familial.
Le troisième problème résulte de l'incapacité de certaines
personnes à comprendre que les handicapés ont parfaitement le
droit de vivre normalement, dans leur collectivité. Certes. il y a
récemment eu des décisions judiciaires encourageantes à ce
sujet, telles que l'affaire Bell, devant la Cour suprême du
Canada, laquelle a cependant été un peu diluée, en quelque
sorte, par une décision de la Cour suprême de l'Ontario. En
Colombie-Britannique, des dé sions ont interdit aux munici-
palités locales d'adopter des règlements de zonage trop limita-
tifs. Je crois donc que ce problème ne pourra être résolu que
par des interventions a la fois structurelles et administratives.
Si nous voulons le régler une fois pour toute, nous devrons nous
attaquer à des questions plus fondamentales, telles que la
modifiation des attitudes de la population et les politiques de
financement des gouvernements.
Cela dit, il ne fait aucun doute que notrc recontmandution,
comme Association, est d'encourager la vic en collectivité pour
tous les Canadiens et pas seulement pour les handicapés
mentaux légers.
En Colombie-Britannique, le coût des établissements publics
s'élève à 100 dollars par jour par résident. Il s'agit donc de
36,000 dollars par an pour maintenir quelqu'un dans un
établissement. sans que l'on ait même commencé à parler de
programmes de réinsertion sociale. Etant donné fénormité de
ces coûts, nous pensons qu'il serait beaucoup plus rentable de
permettre ces gens de rentrer dans leur communauté, en leur
permettant de s'y épanouir.
Certes, il pourrait y avoir des problèmes de financement
transitoires pour passer d'un système à l'autre, mais il nous
paraît que la dignité individuelle devrait être le facteur fonda-
tnental. Ces personnes sont en effet des Canadiens qui ont le
droit de vivre comme vous et moi, selon leurs possibilités.
M. McGrath: Certes, mais je vous demandais si nous pour-
rions interdire ce type d'attitude au moyen d'une charte des
droits?
[Texte]
M. Mercure: Je dois dire que e'est une question où la
situation au Canada est très différente d'un endroit à l'autre.
Je voudrais attirer l'attention du Comité sur le fait qu'au
Québec aucune action légale ne peut être prise en vertu d'un
règlement de zonage pour empêcher un foyer de groupes de
s'établir dans quelle que communauté que ce soit en vertu d'un
article de la Loi 9 qui a été obtenu par nos associations.
Alors cette question là, au Québec, et je crois qu'au Manito-
ba aussi il y a un règlement de même nature qui a un effet
provincial et qui empêche, au Québec e'est définitif, aucune
poursuite de quelle que façon que ce soit ne peut être entre-
prise par qui que ce soit pour empêcher un foyer de groupes
pour des personnes handicapées de s'établir, quels que soient
les règlements de zonage.
C'est une législation provinciale.
[Traduction]
Le coprésident (sénateur Hays): Merci beaucoup,
monsieur McGrath.
Nous vous remercions, messieurs, d'avoir bien voulu
comparaître.
Nous avons reçu un exemplaire de votre mémoire et nous en
tiendrons compte au moment de rédiger notre rapport.
Je vous remercie d'avoir comparu. Nous vous en sommes
très reconnaissants.
[Texte]
M. Mercure: Merci. et nous comptons bien que votre travail
sera très fructueux, merci de votre attention.
Le coprésident (M. Joyal): Merci, monsieur Mercure, mon-
sieur Lincoln et monsieur Vickers.
Je voudrais maintenant demander aux représentants de la
Société franco-manitobaine, madame Gilberte Proteau,
madame Lucille Roch, directrice générale et Me Joseph-Elliott
Magnet, conseiller juridique, de bien vouloir prendre place à la
table des témoins.
il me fait plaisir, au nom des honorables membres de ce
Comité de vous souhaiter la bienvenue.
Vous avez remis au greffier de ce Comité un mémoire que
vous avez pris l'initiative vous-même d'amender la semaine
dernière, et dont vous avez fait parvenir la copie amendée aux
membres de ce Comité.
Je crois donc comprendre que vous souhaiteriez que les
questions qui pourraient vous être adressées au sujet de ce
mémoire portent sur la version amendée, c'est pourquoi je
prends le loisir ce matin d'insister auprès des honorables
membres de ce Comité de bien vouloir avoir entre les mains la
copie du mémoire amendée.
Je crois également comprendre que vous avez une courte
déclaration d'ouverture, et que par la suite vous serez dispon-
ibles auprès des membres du Comité pour une période de
questions.
Madame Proteau.
Mme Gilberte Proteau (présidente de l'Association franco-
manitobaine): Merci, monsieur.
Oui, en effet, nous avons une version amendée et nous
voudrions que les mentbres de ce Comité utilisent uniquement
la version amendée.
Je ferai d'abord une déclaration générale, madame Lucille
Roch fera ensuite un court énoncé de précisions et de par-
ticularités, et ensuite monsieur Magnet présentera les aspects
légaux de notre présentation.
Nous sommes heureux de pouvoir nous adresser à notre
Parlement canadien en français. Nous avons pu, cette semaine,
nous adresser a notre Parlement manitobain en français.
c'était une première au Manitoba, et pour nous c'était un
moment bien important.
Nous espérons pouvoir continuer de le faire au Manitoba,
car c'est un droit auquel nous aspirons depuis bien longtemps.
Lors de l'entrée en Confédération du Manitoba en 1870,
nous les Canadiens-français étions majoritaires dans notre
province. le Manitoba. Nous avions foi en la Confédération, foi
en une Constitution qui nous garantissait, du moins le cro-
yions-nous, prospérité et vic paisible en français sur notre
territoire, côtc-à-côte avec nos compatriotes anglophones.
Louis Riel avait vaillamment défendu nos droits et lui aussi
avait foi, alors, en ces gouvernements du Canada et du
Manitoba, qui maintiendraient pour lui et son peuple ce droit
inaliénable de vivre en français dans leur coin de pays.
Nous étions alors un peuple regroupé, une collectivité auto-
nome, fière et vivante. Nous avions notre hôpital, nos
paroisses, nos écoles et la gouverne de nos écoles, notre culture,
notre territoire. Nous vivions en français sans nul préjudice
aux autres indiens ou anglophones.
Moins de vingt ans plus tard, toutefois, tout s'était écroulé,
Quinze ans seulement après l'Acte du Manitoba, et il y a eu de
cela 95 ans cette semaine même, le 16 novembre 1885 a
Régina. la Gendarmerie royale du Canada, par ordre du
gouvernement du Canada, pendait Louis Riel.
La mort de cet homme était syntboliquc de perturbations
profondes. Nous le sûmes bientôt.
Cinq ans plus tard, en effet, en 1890, et seulement vingt
après l'Acte du Manitoba, le gouvernement du Manitoba d'un
coup dc plume législative abolissait notre droit à la vie fran-
çaise au Manitoba.
Nous avions été trahis, deux fois déjà en vingt ans, et on
nous réduisait à devenir un peuple obligé de plaider chacune de
ses idées, chacun de ses droits, année après année sans relâche.
Le gouvernement du Canada ne put faire mieux que de
rédiger un compromis, le compromis Laurier-Greenway, en
1896, mais même cela le gouvernement du Manitoba réussit
encore une fois à l'anéantir.
En 1896 un autre coup de plume législative, et voilà, c'était
fait. Pas un cri fédéral, pas une action pour redresser ces torts.
90 ans sont passés, ainsi 90 ans de lois injustes et de luttes.
Mais nous sommes encore un peuple fier et vivant. Nous avons
regagné du terrain. Mais nous ne sommes pas rétablis dans nos
pleins droits.
Ce matin nous venons encore une fois plaider notre cause,
mais cette fois nous venons demander que justice soit bien
faite, que l'on reconnaisse notre collectivité francophone, que
l'on nous donne les moyens qui nous permettront de reprendre
le contrôle de nos institutions.
Je suis manitobaine et mes parents sont manitobains. Notre
famille est de souche canadienne depuis près de 300 ans. Nos
racines sont profondes au Canada et dans la langue française.
Pourquoi donc ai-je dû alors commencer à vivre sous des lois
oppressives? Pourquoi alors quand j'allais à l'école ai-je dû,
moi. cacher mes livres français quand venait lïnspecteur sco-
laire du Manitoba? C'est un fait, je l'ai vécu.
Pourquoi m'a-t-on fait sentir et vivre que d'être une minorité
francophone. c'était illégal et mauvais?
Comment peut-on bâtir un Canada fort et uni quand on
élève des enfants dans la peur? Si je ne suis pas raciste
aujourd'hui c'est parce qu'adultej'ai compris qu'il y avait des
valeurs humaines trop importantes pour les aviliser ainsi.
Si je ne suis pas assimilée, si j'ai encore aujourd'hui cette
richesse à apporter au Canada, celle de mes racines françaises,
et cela je puis le faire en deux langues confortablement. c'est
que mes ancêtres ont lutté sans cesse, mais ce n'est pas une vie
que de lutter sans cesse.
Nous avons des énergies à mettre ailleurs.
Pourquoi encore aujourd'hui faut-il que mes fils jouent au
hockey strictement en anglais et n'ont jamais l'occasion d'aller
a des écoles de sports en français? Pourquoi faut-il que leurs
directeurs d'école soient obligés de sktdresser en anglais à
notre conseil scolaire? Comment se fait-il que nous n'ayons pas
le pouvoir de décision pour nos écoles et nos jeux et nos
services sociaux?
En quoi cela vous porte-Ml préjudice, vous qui êtes de
racines autres que francophones?
En 1874 Louis Riel avait dit:
Tout ce que nous recherchons e'est l'application de l'Acte
du Manitoba, rien de plus mais également rien de moins.
Et dans cet Acte. comme dans celui du Canada, il y avait le
cadre de la loi et Fcsprit de la loi. C'est selon l'esprit de la loi
que nous voulons vivre.
Riel avait vision d'un peuple francophone libre et paisible,
vivant en français au Manitoba. Riel est mort, mais sa vision
ne l'est pas. Nous y adhérons toujours et c'est cela, mesdames
et messieurs. que nous voulons vivre.
Nous souhaitons que ceux qui rédigeront la version finale de
la Constitution canadienne rédigent plus que des articles de loi.
ll faut que s'inscrive dans cette Constitution une vision large et
généreuse du Canada. Il faut que ces articles soient faits en
fonction des personnes, des communautés et des collectivités
du Canada afin que nous puissions vivre ensemble dans un
Canada uni et fort.
Le coprésident (M. Joyal): Merci, madame Proteau, de
votre témoignage.
Madame Roch.
Mme Lucille Roch (directrice générale de la Société fran-
co-manitobaine): Bon, alors vous avez un rôle fort important
en tant que législateur, vous allez être appelé a recommander
au Parlement des modifications sur le projet de loi et ce
faisant, vous allez être appelé en fait a définir d'une façon très
concrète le Canada de demain.
On vous demande donc d'être généreux, d'avoir une vision
du Canada qui permettra a tous les canadiens de se sentir chez
eux n'importe où au Canada.
La liberté de circulation et d'établissement ne voudra rien
dire si les canadiens et disons le, si les canadiens-français aussi
ne peuvent quitter leur province de peur de perdre leur langue
et de ne pouvoir transmettre à leurs enfants une culture.
En autant que la collectivité francophone sera forte, le
Canada sera fort. En autant que les collectivités francophones
auront une égalité de chance avec leurs compatriotes anglo-
phones, auront une égalité vraie, substantielle et permanente,
nous aurons un Canada fort.
Pour ce faire nous avons donc besoin de moyens qui vont
nous aider a développer davantage notre collectivité. Nous
avons besoin dînstitutions et de services qui vont nous aider à
nous assurer que nous pouvons demeurer ce que nous sommes,
francophones. Et, qui vont assurer que nous allons étre cap-
ables de diriger ou de contrôler notre épanouissement.
Ceci est important afin d'éviter des situations où notre
évolution se fait au hasard.
Actuellement au Manitoba, le gouvernement n'a pas de
politique de développement de sa collectivité francophone.
Alors pour ce qui est de services en français, les services de
santé ou de loisirs ou de services juridiques, les services qu'on
nous offrent sont des services qu'on nous offrent au hasard.
C'est particulièrement remarquable que souvent on vient a
bout d'obtenir soit des documents, des brochures, et cetera, qui
sont accessibles en français, mais e'est très difficile en fin de
compte de savoir qu'est—ce que le gouvernement provincial
offre, parce qu'il n'y a pas d'action concertée, les choses sont
faites au hasard. Et c'est souvent par hasard qu'on va retrouv-
er un fonctionnaire. par exemple dans le domaine de lagricul-
ture, qui parle français, qui pourra offrir un service en français
dans une région où il y a une concentration francophone.
Étant donne que les choses se font au hasard, donc c'est très
difficile pour la communauté de prendre des choix réels. Les
choses deviennent souvent des choses qui arrivent parce que
c'est une question de hasard.
Donc pour nous autres c'est important que la Constitution
ayant des principes de base qui vont nous permettre de déve-
lopper des ntoyeits pour l'épanouissement de notre com-
munauté. C'est importaitt pour nous que la Constitution soit à
la fois assez précise, que les grands principes soient établis,
mais aussi que la Constitution soit assez généreuse, assez
ouverte afin de permettre aux différentes collectivités francow
phones, qui ne sont pas toutes au même stage de leur déve-
loppement de s'épanouir
Je voudrais noter que nous trouvons un peu regrettable qu'il
n'y ait pas eu de préambule comme tel au document, au projet
de loi tel que proposé par le gouvernement. Nous croyons que
c'est important d'avoir un préambule, parce qu'en fin de
compte ça donne un peu, comment dirais-je, le ton de la
Constitution.
Monsieur Trudeau a indiqué qu'à une date ultérieure on
nous présenterait un préambule. A ce moment la j'imagine
qu'on va encore une fois se présenter devant vous pour vous
donner nos opinions là-dessus. Je pense que c'est suffisant de
dire que nous appuyons le concept des deux peuples fondateurs
et que nous voudrions voir ceci inclut dans une Constitution.
Le coprésident (M. Joyal): Merci, madame Roch.
Mc Elliot Magnet, je crois que vous vouliez commenter
certaines des recommandations du mémoire amendé.
[Traduction]
M. J. E. Magnet (conseiller juridique. Société franco-mani-
tobaine): Merci, monsieur le président.
Je m'appelle Joseph Magnet et je suis le conseiller juridique
de la Société franco-manitobaine.
Ces dernières semaines ont été les plus extraordinaires de
ma vie. Comme vous, j'ai passé mon temps à écouter des
opinions sur le Canada de l'avenir. Comme vous, j'envisage un
Canada où la paix, la justice et la prospérité soient suprêmes.
Et, comme vous, j'ai travaillé à la formulation d'une politique
constitutionnelle.
Pour comprendre notre position, il faut savoir d'où nous
venons. Je viens du Manitoba, où il n'y a pas de montagnes
pour empêcher de voir vers l'est jusqu'au Québec et vers
l'ouest jusqu'au Pacifique. Je suis ici pour défendre la collecti-
vité franco-manitobaine.
Je comprends maintennant ce peuple fier et courageux. qui
vit en minorité et dont l'évolution n'a guère été paisible.
Je comprends aussi, mesdames et messieurs, ce que les
Québécois craignent de devenir. Je comprends la difficulté de
réunir les deux peuples fondateurs.
Le Canada a deux langues et deux cultures. Si les droits des
minorités anglophones et francophones ne sont pas protégés
dans la constitution, celle»ci ne survivra pas. Notre avenir
dépend de notre capacité de comprendre ce principe. Si nous
ne protégeons pas les ittinorités francophones et anglophones.
nous aurons échoué dans nos tentatives de bâtir un grand pays.
Au Canada, il y a une double inégalité. Et la situation
empire. L'article 6 du projet de résolution prétend accorder à
chaque résident permanent du Canada le droit de s'installer
n'importe où au pays. Nous appuyons ce principe, tout en
reconnaissant qu'il est un peu invraisemblable. Un Québécois
ne peut pas s'installer à Vancouver sans être assimilé. De la
même façon. il est de plus en plus difficile pour des habitants
de la Colombie-Britannique d'aller s'installer au Québec sans
être assimilés.
A notre avis, la résolution proposée approuve, et même
encourage, l'élargissentent du fosse séparant les communautés
francophone et anglophone et, à notre avis, c'est une erreur. La
constitution devrait encourager les communautés minoritaires
à prospérer, à se développer et à s'épanouir afin que, l'avenir,
les Canadiens français puissent se sentir à l'aise partout au
Canada.
Nous représentons le Manitoba. Nous avons préparé un
exposé qui, à notre avis, aidera votre Comité à trouver le
mécanisme nécessaire pour favoriser et encourager l'épanouis-
sentent des communautés franco-manitobaines et nous espé-
rons que, grâce a cela, le rêve d'une seule nation canadienne
sera bientôt une réalité.
Pour en venir au contenu détaillé de notre méritoire, j'aime-
rais vous signaler que nos recontmandations numérotées figu-
rent à la fin. Au sujet de l'article 1, le Congrès juifcanadicn a
déjà déclaré devant votre Comité qu'il était superflu. Sans
m'attarder lit-dessus, j'aimerais vous dire quc nous sommes
d'accord avec eux.
En quelques mots, nous estimons quc l'article l essaie de
concilier un système de suprématie parlementaire et une
charte basée sur un système de révision juridique, mais que
cela ne marche pas. Soyons honnêtes. Les deux systèmes sont
incontpatibles. Toute limite imposée à la suprématie parlemen-
taire provient inévitablement d'un système basé sur une charte.
Les articles 17, 18 et 19 concernent le droit d'employer la
langue officielle de son choix devant le Parlement, les tribu-
naux fédéraux et pour l'impression des lois fédérales.
A notre avis, cela n'est pas suffisant. Ces articles ne font que
maintenir le statut quo qui, en ce qui concerne les Franco-
Manitobains, signifie le déclin et le démembrement, et non pas
la renaissance que, à notre avis, la constitution devrait encou-
rager. Nous estimons donc que, pour protéger les minorités
canadiennes-françaises, ces droits devraient être explicitement
étendus aux autres contmunautés canadiennes-françaises.
Sans vouloir nous faire les porte-parole des autres associa-
tions francophones, nous affirmons que, en ce qui concerne le
Manitoba, l'épanouissement de la communauté franco-manito-
baine exige que ces droits soient étendus, dans la constitution.
à la minorité manitobaine.
Certes, l'article 23 de l'Acte du Manitoba contient déjà la
plupart de ces garanties, mais pas toutes. Le fait que ces
articles fassent mention des tribunaux et de l'Assemblée légis-
lative du Manitoba aura des conséquences considérables. En
effet, il s'agit là de la réaffirmation de l'engagement du
Canada à l'égard du principe de la dualité, qui sera donc
imposé à la conscience des Canadiens.
De plus, si ces droits sont étendus au Manitoba, ils sont
automatiquement entérinés dans la charte et il est donc plus
difficile de les modifier. Selon l'article 50b) de la résolution, la
charte ne peut être modifiée que par les articles 41 et 42, soit
la formule de Victoria ou la formule du référendum à majorité
double. Nous pensons que e'est un mécanisme tout à fait
correct. Les droits importants des minorités devraient être
soumis au mécanisme des articles 41 et 42 avant d'être dimi-
nués, ou même abrogés.
Les articles 17 à 19 de la résolution contiennent, à notre
avis, de graves lacunes, étant donné qu'ils ne parlent pas des
services parajudiciaires et administratifs du gouvenement. Or,
c'est dans ces domaines-là que la plupart des contacts se font
entre les citoyens et les gouvernements. A notre avis. les droits
linguistiques devraient se répercuter dans le secteur adminis-
tratif. Des organismes de réglementation ou d'adjudication,
comme le CRTC ou le comité disciplinaire du barreau manito-
bain, devraient s'efforcer d'appliquer le bilinguisme. De plus,
lorsque cela est nécessaire. les tribunaux administratifs
devraient également poursuivre le même objectif, afin de
promouvoir le français au Manitoba.
Le sénateur Connolly: Au niveau provincial et au niveau
fédéral?
[Texte]
The Joint Chairman (Mr. Joyal): A l'ordre, s'il vous plaît.
Mr. Magnet, continue.
[Traduction]
M. Magnet: Aux deux niveaux, et cette suggestion figure
dans l'amendement que nous proposons à l'article 19. ll s'agit
de la recommandation numéro 4.
Nous avons également inclus les organismes d'adjudication
et nous avons ajouté un article 19a), qui encourage les
organismes administratifs à appliquer le bilinguisme lorsque
cela est nécessaire, pour promouvoir le français au Manitoba.
A notre avis, cela entraînerait des procédures moins com-
pliquées. ll s'agit de la recommandation numéro 5.
Cela nous a amenés à proposer un amendement à l'article
20. Au Manitoba, des problèmes se sont posés au niveau des
contacts entre les Franco-Manitobains et les organismes du
gouvernement fédéral. Selon la Loi sur les langues officielles,
les bureaux du gouvernement fédéral doivent être bilingues,
mais si l'employé bilingue doit sortir de son bureau pour aller
assurer des services à l'extérieur, le bureau n'est plus bilingue.
De même, nous estimons que ces employés devraient assurer
les services la où ils sont le plus nécessaires, c'est-à-dire sur le
terrain. ll s'agit là de la recommandation numéro 6 de notre
résumé des recommandations.
Venons-en maintenant à la question des droits à l'instruction
dans la langue de la minorité. Ces droits sont absolument
indispensables au développement de la communauté franco-
manitobaine. C'est là l'essentiel. Franchement, nous ne
sommes pas convaincus que nos besoins sont les mêmes que
ceux de la minorité anglophone au Québec. Nous insistons
donc sur le fait que les besoins de la communauté franco-mani-
tqbaine sont distincts. Nous avons besoin d'écoles et du droit à
l'instruction dans la langue de la minorité. Telle est, en
quelques mots, notre revendication. Ce besoin fondamental
existe depuis 1870 et c'est encore la condition essentielle à
l'épanouissement d'une communauté franco-manitobaine. En
ce qui concerne cette province, nous proposons donc que l'on
instaure la liberté de choix; que des fonds publics financent en
partie l'instruction dans la langue de la minorité; que l'admi-
nistration des écoles de langue française soit circonscrite à la
communauté minoritaire. Dans les régions où la minorité est
peu représentée, nous reconnaissons que la création d'une école
sép' ée n'est peut-être pas la meilleure solution. Dans ces
cas-là, qu'il faut considérer comme des cas exceptionnels, nous
pensons que la création d'une classe française devrait suffire
dans une école anglaise, avec une administration anglaise.
Nous élargissons ce droit aux immigrants du Manitoba.
Nous ne pensons pas que le gouvernement de cette province
devrait être autorisé à forcer les immigrants à s'assimiler au
système anglophone. lls sont déjà soumis à suffisamment de
pressions culturelles.
Je viens de parler des recommandations faites aux numéros
7 et 8, dans notre résumé des recommandations, où nous avons
proposé un article 23.1 et un article 23(2)1.
Pour en terminer avec la question des droits à l'instruction
dans la langue de la minorité, nous pensons que l'enseignement
en immersion est la solution de l'avenir. Ce système a déjà eu
d'importantes conséquences bénéfiques au Manitoba et
ailleurs.
Nous proposons donc que la constitution reconnaisse le droit
à l'enseignement en immersion dans l'une ou l'autre des lan-
gues officielles. ll s'agit là de notre recommandation numéro 7,
où nous proposons l'article 23.2.
Nous avons donc ajouté des alinéas à l'article 23, et nous
laissons aux autres communautés le soin de proposer la sup-
pression, la modification ou l'adoption de cet article.
En ce qui concerne l'article 25, nous voulons simplement
éviter des discussions stériles en ce qui concerne l'application
rétroactive et future de la charte. En conséquence, nous propo-
sons un amendement à l'article 25, amendement qui figure à
notrc recommandation numéro 9.
Nous nous préoccupons beaucoup des dispositions de modifi-
cation des amendements qui touchent certaines provinces, mais
pas toutes. ll s'agit la des articles 34 et 43 de la résolution
proposée.
L'article 34 permet, par simple titajorité du Parlement et
avec le consentement du gouvernement du Manitoba, de dimi-
nuer ou d'abroger les droits constitutionnels actuels des
FrancovManitobains. Selon cet article, il ne serait même pas
nécessaire de consulter l'assemblée législative du Manitoba.
Notre société juge cela intolérable. Les droits de la minorité ne
doivent pas dépendre de la volonté d'un pouvoir exécutif et
d'unc simple majorité anglophone.
L'article 43 améliore la situation, mais il est toujours irréa-
liste. ll faudrait en effet l' majorité de l'assemblée législative
manitobaine et la majorité du Parlement pour abroger ou
diminuer les droits existants de la minorité franco-manito-
baine.
Les droits des minorités sont fragiles et c'est la raison pour
laquelle il ne faut pas permettre a de simples majorités de les
modifier facilement. C'est là la raison d'être de l'enchâssement
de ces droits. Si la majorité peut les modifier, leur enchâsse-
ment dans la constitution est de la foutaise. En conséquence.
nous proposons que les droits constitutionnels existant a l'arti-
cle 23 de l'Acte du Manitoba exigent les procédures d'amende-
ment des articles 41 et 42, a savoir, avec quelques modifica-
tions, la formule de Victoria ou la formule de référendum a
majorité double, Ce que nous proposons au sujet des articles
16 à 19 figure aux recommandations 10 et 11.
Non seulement cela est-il équitable, mais c'est aussi logique.
Notre recommandation est conforme aux principes de l'env
châssement dans la constitution. Nous avons également fait
une autre proposition, logique elle aussi, selon laquelle les
amendements qui touchent certaines provinces, mais pas
toutes, ne doivent pas être adoptés par des majorités simples.
Cela n'est possible que par un vote des trois quarts des
membres de l'assemblée législative de la province en cause et
du Parlement. Il s'agit de nos recommandations 10 et 11.
Enfin, nous estimons que la charte comporte une lacune
grave en ce qu'elle ne contient aucune disposition relative à
l'application. Voilà maintenant 90 ans que les Franco-Manito-
bains luttent pour faire respecter les promesses de l'article 23
de l'Acte du Manitoba, et cela prouve bien à quel point une
clause d'application est indispensable.
Quoi qu'il en soit, notre expérience n'est pas unique. Dans
l'affaire Hogan contre la Reine, qui mettait en cause la
Déclaration des droits de Diefenbaker, la Cour a jugé que des
preuves avaient été obtenues illégalement, contrairement aux
dispositions de la Déclaration des droits, mais qu'elles n'étaient
pas moins admissibles, faute d'une clause d'application dans le
bill Diefenbaker.
Nous pensons qu'une clause d'application est indispensable
et nous proposons un paragraphe 25a), qui figure dans le
résumé de nos recommandations, au numéro 12, et je cite:
Toute personne ou tout groupe dont les droits, privilèges
ou immunités constitutionnels sont atteints ou menacés
par un pouvoir public a droit à une pleine et entière
réparation ordonnée par décret de la Cour supérieure,
Une réparation financière est accordée le cas échéant.
Merci, monsieur le président.
[Texte]
Le coprésident (M. Joyal): Merci, monsieur Magnet.
Comme les honorables membres de ce Comité l'auront
réalisé, la Chambre des communes présentement a débuté ses
travaux et je comprends, bien sûr, que plusieurs membres
autour de cette table voudraient certainement poser des ques-
tions à l'un ou l'autre des témoins que nous avons ce matin.
Par conséquent, si les témoins ont cru réaliser que certains
des membres de ce Comité sabsentaient, il faut évidemment
en attribuer l'absence à ce motif.
Je crois comprendre également que certains des honorables
sénateurs et députés demeureront autour de la table de
manière à ce qu'il puisse y avoir peubétre au moins quelques
questions de posées à nos témoins mais je reste entre les mains
du Comité pour décider de l'emploi de notre temps à ce
moment-ci.
Monsieur Epp.
[Traduction]
M. Epp: Monsieur le président, j'invoque le Règlement.
Pour commencer, je souhaite remercier la Société pour son
mémoire.
Ce que vous venez de dire nous met tous dans une situation
assez difficile, puisque les deux Chambres doivent être repré-
sentées à ce Comité pour que nous ayons le quorum. Cela n'est
pas insoluble, mais il y a un autre problème: le Comité ne peut
pas siéger pendant que la Chambre siège, si je comprends bien
le Règlement. D'un autre côté, nos témoins nous ont présenté
des arguments très intéressants, qui méritent d'être approfon-
dis; quelle est donc la solution?
Le coprésident (M. Joyal): Monsieur Mackasey.
M. Mackasey: Monsieur le président, pour éviter de nous
lancer dans un débat interminable, nous pourrions rassurer
tout le monde et décider que nous pouvons rester, mais qu'il
n'y aura pas de vote.
[Texte]
Le coprésident (M. Joyal): Je m'excuse, monsieur Mack-
asey, de vous interrompre mais...
[Traduction]
Je vais lire un passage du mandat du comité mixte spécial à
l'intention de M. Epp; c'est ce que je vérifiais quand j'ai donné
la parole à M. Mackasey. Je vous lis un extrait de notre
mandat:
Le Comité est autorisé à siéger pendant les séances et les
ajournements de la Chambre des communes.
Par conséquent, rien ne nous empêche de siéger pendant la
période des questions, à condition, bien sûr, que les membres
du Comité soient d'accord. D'ailleurs, nous avions convenu
hier soir, au comité directeur. que nous consacrcrions trois
quarts d'heure à la Société franco-manitobaine. Je sais bien
que ce temps a été presque entièrement consacré à l'exposé.
Maintenant, c'est aux membres du Comité de décider s'ils
souhaitent faire un tour de questions.
[Texte]
Monsieur Epp.
[Traduction]
M. Epp: Eh bien, monsieur le président, vous avez raison de
dire que l'exposé a pris presque tout le temps alloué; je ne crois
pas toutefois que nous devrions pénaliser les témoins pour
avoir fait valoir leur point de vue, Nous reconnaissons tous le
fait que les 28 minutes qu'ils ont eues ne suffisaient pas; nous
avons déjà discuté de cette question lors de la réunion du
sous-comité, hier, et plusieurs d'entre nous avaient prévu ce
problème. Je proposerais donc qu'on fasse maintenant un tour
de questions, pour ensuite siéger pendant la période des ques-
tions, sans toutefois établir un précédent.
Le coprésident (M. Joyal): C'est une bonne suggestion.
Monsieur Mackasey.
M. Mackasey: Monsieur le président, certains d'entre nous
seraient peut-être satisfaits d'un tour. Ce qui importe mainte-
nant, c'est que nous avons le droit de siéger en même temps
que la Chambre. Nous n'essaierons pas de profiter de notre
avantage numérique; ce qui est plus important, c'est d'avoir
une certaine continuité pour ce qui est des témoins. Cela ne
veut pas dire que nous devrions continuer sans fin. Nous
sommes prêts à accepter cette proposition. du moment qu'on
ne crée pas de précédent. Vous êtes du Manitoba. monsieur
Epp, et vous savez quelle distance. quel coût et quel effort cela
représente pour ces personnes de venir nous présenter un
mémoire très complet.
M. Epp: Monsieur Mackasey. je n'essaie pas de dire qu'on
ne devrait pas les entendre. Je sais que vous n'essaye2 pas de
m'attribuer ce désir. Je crois que tous ceux d'entre nous qui
ont une certaine expérience savent que le problème vient de ce
que la période des questions fonctionne selon un régime diffé-
rent de celui qui s'applique normalement.
M. Maekasey: Et vu votre prestige, c'est peut-être plus
important pour vous que pour moi. Je suis un simple député de
l'arrière-ban, et la période des questions est donc parfois un
peu ennuyeuse.
Le coprésident (M. Joyal): Je vois que nous avons le
consensus quant à la proposition faite par M. Epp.
[Texte]
Monsieur Corbin, vous voulez rajouter quelque chose?
M. Corbin: Monsieur le président, une considération encore
plus fondamentale. Nous commençons toutes nos réunions en
retard. Ce matin nous avons perdu de 10 a l2 minutes. Je
voudrais que la présidence, dorénavant, applique la règle.
Nous devons nous rencontrer à 9 h 30 précises; il faudrait que
les députés et les sénateurs soient ici à l'heure. Je pense que si
on peut arriver à 9 h 30 on pourrait aussi arriver peut-être a
9 h 15. C'est pour cela que nous accusons un retard en ce
moment.
Le coprésident (M. Joyal): Merci, monsieur Corbin.
Alors. je reconnaîtrais l'honorable sénateur Tremblay.
Monsieur Tremblay.
Le sénateur Tremblay: Monsieur le président, je voudrais
d'abord remercier l'ensemble de la délégation de la Société
Franco-manitobaine et souligner en particulier que la présenA
tation de madame Proteau, pour un Québécois francophone.
pour un sénateur en particulier dont un des rôles c'est la
défense des droits des minorités dans l'exercice même de ses
fonctions. la présentation de madame Proteau correspond à des
zones particulièrement sensibles lorsqu'elle a décrit. briève-
ment sans doute mais d'une façon très sentie et significative,
l'histoire du groupe franco-manitobain. C'est dire que nous
sommes très sensibles aux problèmes que la collectivité franco-
manitobaine a vécus et à sa préoccupation de changer le cours
de l'histoire.
Compte tenu, cependant. du temps qui nous est imparti. on
me permettra de ne pas élaborer davantage sur cet aspect des
choses et d'en venir à des questions de fond qui se posent pour
nous. comme Comité, qui avons à voir les choses dans des
perspectives d'ensemble.
J'ai compris. par la présentation de monsieur Magnet. les
explications qu'il nous a données, que comme association
franco-manitobaine vous avez abordé les choses dans la pers-
pective de votre situation particulière et si j'ai bien compris
monsieur Magnet, il n'excluait pas que d'autres groupements
également particuliers en termes provinciaux pourraient pré-
senter leurs propres vues. Mais il reste que lorsque chacun de
ces points de vue régionalisés. si je puis dire. s'exprime, la
façon dont il propose de résoudre les problèmes qui le concerne
porte. d'une certaine manière, un principe plus général, et ma
question portera là-dessus.
Est-ce qu'en proposant. par exemple, d'inscrire ou d'ajouter
à l'article 17 du projet de résolution ou à l'article 18 et
plusieurs autres, lorsque vous proposez qu'on ajoute le Mani-
toba, vous proposez une approche que je qualifierais de provin-
ciale en ce sens que vous ouvrez la porte à ce qu'une autre
Province, la Province de Québec. mais dans ce cas-la du point
de vue de la minorité anglophone. l'Ontario du point de vue de
la minorité francophone, devraient ainsi être ajoutée à l'article
17 et aux autres, où vous faites de même, dans une sorte
d'énumération des situations singulières des Provinces. cette
énumération tenant compte des caractères particuliers de
chaque situation.
Est-ce qu'il y a là une sorte de principe d'approche que nous
devrions adopter? C'est là ma première question.
Le coprésident (M. Joyal): Monsieur Magnet.
[Traduction]
M. Magnet: Permettez-moi de vous faire remarquer qu'en
vertu de l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britanni-
quc, qui renferme les dispositions quant à l'enseignement, les
droits à l'instruction dans la langue de la minorité sont décrits
de façon distincte pour chaque province; cet usage est repris
dans les lois visant les conditions d'adhésion des différentes
provinces, de la Colombie-Britannique. de Terre-Neuve, etc,
Donc, les droits à l'instruction dans la langue de la minorité.
qui sont garantis en vertu de la constitution. ne sont pas les
mémés à Terre-Neuve qu'au Québec, en Alberta, en Saskat-
chewan, ou au Manitoba. Ces droits diffèrent selon la pro-
vince. Voilà la structure qui existe dans notre constitution; cela
s'explique par le fait qu'en 1867. comme aujourd'hui, les
collectivités minoritaires, et surtout les collectivités minoritai-
res de langue française, étaient et sont encore a des étapes de
développement différentes.
A mon avis, l'article 23 du projet de résolution n'est pas
réaliste en essayant de formuler une règle qui s'appliquera à la
minorité anglophone du Québec et aux différentes minorités
francophones à travers le pays. Ces collectivités ne sont pas
pareilles, elles ne suivent pas la même évolution; leurs besoins,
leurs aspirations et leur histoire diffèrent.
Nous avons donc proposé une règle pour le Manitoba que
nous croyons réalisable et conforme avec la constitution exis-
tante et la tradition canadienne; oui, nous croyons que la règle
devrait être différente au Québec, et je vous donnerai un
exemple: le Québec ressent le besoin, et ce, je crois. partielle
ment à cause de l'histoire du Manitoba. d'intégrer les immi-
grants au système d'enseignement francophone. C'est l'esprit
des dispositions de la Loi 10! traitant de l'enseignement. Je
comprends ce besoin, surtout que j'ai eu affaire à ce groupe.
Nous ne croyons pas que le gouvernment du Manitoba
devrait ressentir un besoin semblable de légiférer en vue
d'assurer l'intégration des immigrants au système d'enseigne-
ment anglophone du Manitoba. Nous ne croyons pas que ce
besoin existe. Si l'article 23 du projet de résolution visait
surtout le Québec. nous le comprendrions; pour nous, cet
article n'est pas réaliste, et nous avons besoin d'une loi
différente.
[Texte]
Le coprésident (M. Joyal): Sénateur Tremblay.
Le sénateur 'l'remblay: Je vous remercie, donc j'ai bien
compris l'intention sous-jacente et il s'agit bien d'un nouveau
principe, e'est le principe d'une approche singularisée, adaptée
aux diverse. situations régionales et provinciales.
Je pense que e'est intéressant, c'cst la première fois que ceci
nous est présenté comme un principe, parce que les témoins qui
sont venus devant nous nous ont formulé un principe contraire,
à savoir que la raison fondamentale de l'inscription d'un droit
quelconque dans une charte c'est que ce doit soit le même et
identique partout.
Ceux qui étaient présents au moment où ce principe a été
formulé se rappelleront de Vautour, il n'est pas des moindres.
Vous formulez un principe au contraire de l'adaptation de la
Charte aux situations régionales particulières et non pas le
principe de l'uniformité dlapplication de certains droits tout au
moins, les droits linguistiques en particulier. Je crois que cela
est à retenir.
Deuxième question, et ce sera la dernière, je pense que j'ai
presque écoulé mon temps.
Deuxième question. et il y a peut-être là une manière de
paradoxe. En même temps que vous régionalisez vous inscrivez
dans la Charte. en inscrivant dans la Charte vous imposez que
même les régionalisations soient obligatoires et il y a la une
autre question, mais est-ce que e'est bien clair dans votre esprit
que cela doit être imposé plutôt que laissé à l'initiative des
autorités responsables des destinées régionales, si je peux dire,
les Provinces elles-mêmes.
Le coprésident (M. Joyal): Madame Proteau.
Mme Proteau: Jaimcrais répondre a cette question.
C'est peut-être malheureux, mais le dossier des législatures
en ce qui concerne la minorité francophone ct en ce qui
concerne les minorités, en tout cas celles hors Québec, au
Canada les dossiers sont accablants.
J'ai toute une liste ici, mais je ne la lirai pas, je vous ferai
grâce de ça, mais je veux vous donner simplement une dizaine
de dates: 1871, Nouveau-Brunswick; 1877, Île-du-Prince-
Edouard; 1890. Manitoba; 1892, Territoires du Nord-Ouest;
1905, Alberta et Saskatchewan: 1912, Keewatin; 1912, Onta-
rio; 1916, Manitoba.
Des actes de la législature qui graduellement supprimaient
partout au Canada le droit au français.
C'est pour ça, monsieur, que nous voulons que dans la
Constitution, tout en ayant un principe d'adaptation de la
régionalisation il y ait aussi un principe d'obligation, parce que
l'histoire est la pour le dire.
Le sénateur Tremblay: Bien. je vous remercie de cette
réponse, je crois qu'elle est claire.
Le coprésident (M. Joyal): Monsieur Magnet.
[Traduction]
M. Magnet: Ajoutez le l'ait. ce qui est le plus important, que
notre régionalisation a trait aux droits collectifs, qui sont après
tout des éléments extraordinaires dans les constitutions. Si on
tient compte du droit constitutionnel comparé, ce sont des
éléments extraordinaires. lls existent pour résoudre des problè-
mes extrêmement difficiles. et ils créent des problèmes au sein
de la constitution.
L'article 15(1) de la présente charte contient. par exemple.
une disposition contre la discrimination qui prévoit. entre
autres, l'interdiction de toute distinction fondée sur la religion.
Supposons que la charte soit adoptée dans sa forme actuelle.
Les droits individuels prévus à l'article 15(1) vont s'inscrire
dans le cadre de l'article 93 de l'Actc de l'Amérique du Nord
britannique; là où les écoles eonfessionnelles peuvent mainte-
nant renvoyer un professeur ou une secrétaire pour des raisons
confessionnelles, une école catholique pourrait renvoyer un
professeur qui divorce. ll faudrait établir un équilibre entre ce
fait et l'article 15(1); il s'agit d'un conflit entre un droit
individuel et un droit collectif, et quelque chose devra céder.
Maintenant, nous croyons que ces droits collectifs extraordi-
naires devraient être entérinés, à cause de l'histoire citée par
Mme Potreau. Nous croyons que e'est la seule façon d'agir.
L'expérience nous a appris que les majorités ne protègent pas
les minorités. Il s'agit ici de protection pour les minorités
collectives. Toutefois, pour ce qui est des droits individuels,
nous appuyons l'adoption de cette charte, sans l'aspect
«régional».
[Texte]
Le sénateur Tremblay: Une dernière question supplémen-
taire, monsieur le président.
Par conséquent, il y a de nouveau un principe, et d'ailleurs je
pense que votre mémoire se prête au dégagement de certains
principes. e'est en cela qu'il est intéressant, par conséquent
vous faites une distinction très nette entre ce que fappcllerais
les droits individuels universels à l'intérieur du Canada et
certains droits qui tiennent au caractère particulier des collee»
tivités, c'est bien ça votre idée?
M. Magnet: Exact.
Le sénateur Tremblay: Et vous donnez par conséquent, ou
peut-être, je ne sais trop vous me le direz, vous donnez une
priorité aux droits universels ou une priorité aux droits, disons
particuliers.
Le coprésident (M. Joyal): Madame Proteau.
Mme Proteau: Ca dépendra peut-être des situations.
Mais dans la vie d'une minorité. les droits collectifs sont
extrêmement importants. Moi comme individu au Manitoba,
quand je parle anglais. il n'y a pas de problèmes, jamais nulle
part, mais moi comme individu au Manitoba quand je veux
m'exprimer et vivre en français, si je n'ai pas derrière moi la
collectivité pour m'appuyer, pour me supporter, dans laquelle
je puis vivre, que valent mes droits individuels?
C'est bien beau de dire que j'ai le droit individuellement
comme citoyen canadien de faire instruire mon enfant dans la
langue officielle de mon choix. Mais si je n'al pas la collectivité
derrière moi, comment pourrais-je faire instruire mon enfant
en français au Manitoba?
En anglais, il n'y a pas de problèmes. Pour une majorité, les
droits collectifs ça n'existe même pas, la collectivité est anglo-
phone ou bien majoritairement en cette langue et tout le
support est la. Ca existe automatiquement, droit individuel se
confond avec droit collectif.
Mais pour une minorité le droit collectif devient primordial.
très important, parce que c'est la vie de la collectivité qui
assure la vie de l'individu et nonvpas le contraire.
Le sénateur Tremblay: Merci beaucoup, j'en ai terminé,
monsieur le président.
Le coprésident (M. loyal): Merci monsieur Tremblay,
merci madame Proteau.
Je demanderais maintenant monsieur Robert Bockstael.
M. Bockstael: Merci monsieur le président.
D'abord je voudrais souhaiter la bienvenue à madame Pro-
teau et à madame Roch and weleome Mr. Magnet.
Je veux d'abord toucher à la lettre dïntroduction que vous
avez attachée à votre bref.
Je vois que la Société est favorable à l'enchâssement consti-
tutionnel des droits et des libertés et des droits linguistiques
des minorités et que par la présente vous ne vous fiez pas. ou
vous croyez que vos droits sont moins assurés par les législatu-
res provinciales.
Vous exigez donc que vous ayez droit aux tribunaux. accès à
la justice et aux tribunauxjudiciaires ainsi qu'administratifs et
pourvu que ceux-ci ont le pouvoir de forcer ou de mettre en
vigueur les droits constitutionnels.
C'est ça essentiellement que vous voudriez voir enchâssé
dans la Constitution, est-ce quej'ai bien compris?
Mme Proteau: Je crois que oui. monsieur Bockstael.
M. Bockstael: Eh bien comme beaucoup d'autres des délé-
gations qui sont parues devant ce Comité conjoint, ils ont
énoncé ce que vous dites aussi, que c'est plutôt difficile de se
fier à la largesse d'un gouvernement provincial et de s'attendre
que la majorité va vouloir faire des concessions à ces minorités,
c'est donc la raison pour laquelle vous êtes fortement en faveur
de l'enchâssement de ces droits.
Mme Proteau: Oui. en effet les majorités, de toute façon
l'histoire du Canada n'est pas unique dans ce sens-là, les
majorités n'ont pas toujours été très favorables aux minorités.
première des choses.
Le recours à la justice. e'est un recours qui est normal, je
crois, et d'ailleurs je ne peux pas m'empécher de dire ici que
monsieur Lyon qui est si ferme contre l'enchâssement des
droits linguistiques parce qu'il dit que les législatures peuvent
légiférer comme il faut pour les manitobains, lui-même
actuellement veut traîner le Fédéral en Cour pour protéger ce
que lui croit être ses droits de province, et lui-même s'appro-
prie actuellement un droit qu'il veut refuser à nous comme
minorité. C'est un peu étrange.
M. Bockstael: C'est bien. Dans une des recommandations
ou dans plusieurs des recommandations que vous faites. vous
voulez faire du Manitoba. on pourrait dire dans une façon de
parler une exception. Mais une exception grâce au fait que
dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, le Manitoba
avait une position tout à fait spéciale dans son entrée en 1867
et en 1871, si on regarde l'article 133 de cet Acte de l'Amé-
rique du Nord britannique ainsi que l'Acte du Manitoba de
1870.
Je suggérerais que la Section 21 de la Constitution est
explicite en protégeant les droits de l'Aete du Manitoba, et
dans l'annexe, dans l'article 52, sous-article (1) et dans la
cédule ou l'annexe, on voit que ces Actes-là continuent à
maintenir leur pouvoir. Donc il n'y a pas de grand danger,
d'après les opinions exprimées par plusieurs avocats, que vos
droits seraient protégés.
Cependant, lorsque nous regardons l'article 22, l'article 22
propose d'observer les droits, les coutumes selon la Loi des
langues autres que le français et l'anglais. ll y aurait moyen,
dans mon opinion, dînscrire aussi que ces privilèges soient
assurés en ce qui a trait a l'anglais ou le français ou l'une ou
l'autre, selon les lois qui existent. Il y aurait peut-être une
possibilité que le Comité regarde, il y a certainement l'attitude
du Comité de regarder à ce que ce soit bien décrit, parce qu'il
semble lorsque vous avez parlé, monsieur Magnet, qu'un des
problèmes c'est l'enforcement, ce n'est peut-être pas le bon
mot français. mais «you spoke of enforcement», l'application de
ces droits par les tribunaux.
ll faut être explicite dans la rédaction de la Constitution afin
que les juges, les tribunaux soient en mesure de ne pas avoir
d'ambigui'té, et c'est ce que vous cherchez à ce qu'on inclut
dans cette Constitution, je présume.
J'étais aussi curieux comme l'était le sénateur Tremblay,
que vous ne voulez pas vous ingércr dans l'opinion de Québec,
qui semble différer de celle du Manitoba, en ce que vous
suggérez qu'en matière d'éducation dans l'une ou l'autre
langue officielle, vous désirez qu'il y ait libre choix, tandis que
ça ne semble pas être l'attitude de la province de Québec, mais
vous avez fait valoir les raisons pourquoi vous enumérez des
différences régionales.
Je serais curieux de savoir quelle est votre opinion en tant
que Soci é franco-manitobaine, si vous appuyez que le gou-
vernement fédéral exige que les droits des minorités linguisti-
ques au Nouveau-Brunswick et en Ontario soient imposés à ces
provinces-là, aux parlements de ces provinces-la.
[Traduction]
M. Magnet: Je vais répondre à vos questions successivement.
Premièrement, vous avez fait valoir le fait que nous aime-
rionss faire du Manitoba une exception. Eh bien, il est évident
que le Manitoba est une exception; il a une histoire exception-
nelle, il fait l'objet d'une exception dans la constitution, il a des
droits constitutionnels qui diffèrent des droits des autres pro-
vinces; à cet égard. toutes les provinces sont des exceptions,
puisque l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britanni-
que maintient en vigueur tous les droits assurés par la loi au
moment de l'union; il est donc nécessaire d'appliquer l'article
93 de la constitution actuelle, de vérifier dans les lois de
Terre-Neuve quels droits la loi assurait à telle ou telle catégo-
rie de personnes au moment de l'union. Non seulement Terre-
Neuve est une exception, mais différentes catégories de per-
sonnes, à Terre-Neuve, font l'objet d'exceptions constitution-
nelles. Voilà l'esprit du Canada.
ll est donc vrai que nous maintiendrions ce système; nous ne
voyons aucune autre solution. Personnellement, je suis forte-
ment en faveur de l'application de l'article 133 a l'Ontario et
au Nouveau-Brunswick et, comme l'a dit l'Association cana-
dienne des libertés civiles, à d'autres provinces également. Cela
dit, la Société franco-manitobaine s'exprime en son nom
propre et non pas au notn des autres communautés francopho-
nes du pays. Le cas du Manitoba nous paraissant être distinct
des autres. nous recommandons l'inscription dans la constitu-
tion des articles 17 à 19 concernant le Manitoba.
En ce qui concerne l'article 23 de l'Aete du Manitoba, vous
dites qu'il nous donne ces droits, ce qui est exact. Il ne s'agit
cependant pas exactement des mêmes droits, car les articles 17
à 19 ont une portée un peu plus générale que la résolution
proposée. L'article 17 dit que chacun a le droit d'employer la
langue officielle de son choix dans les débats et travaux du
Parlement, ce qui s'applique à ce Comité, par exemple. Par
contre, en vertu de l'Acte du Manitoba, nous n'aurions pas le
droit de venir devant votre Comité en utilisant la langue
officielle de notre choix. ll y a des exceptions de ce genre dans
toutes les dispositions linguistiques.
Ce n'est pas parce que les exceptions sont plus générales que
nous demandons que ces dispositions soient inscrites dans la
constitution et appliquées au Manitoba, c'est parce que le
Manitoba a besoin de ces protections, qui doivent non seule-
ment être inscrites dans la charte, mais faire également l'objet
d'une clause d'application. En effet, jusqu'à présent, nous
n'avons pas réussi à faire appliquer l'article 23 de l'Acte du
Manitoba. En outre, il importe de les soustraire à l'application
des pouvoirs d'amendement.
Vous dites que l'article 21 du projet de résolution préserve
l'article 23 de l'Acte du Manitoba, ce qui est exact, mais
l'article 34 et l'article 43 du projet de résolution créent une
nouvelle situation. relativement a la procédure d'amendement.
C'est cela qui nous fait peur.
Le sénateur Connolly: Voudriez-vous répéter?
M. Magnet: Certainement. Les articles 34 et 43 du projet de
résolution proposent une méthode d'amendement de la consti-
tution, et donc d'amendement de l'article 23 de l'Acte du
Manitoba, dans son application à certaines provinces, mais pas
â toutes. Actuellement, si vous vouliez modifier l'Acte du
Manitoba, conformément aux décisions Foray et Blakey, vous
devriez passer par Westminster. Ni le Parlement fédéral, ni
l'Assemblée législative du Manitoba n'ont le pouvoir de le faire
seuls. ll s'agit la d'un élément fondantental de notre droit
constitutionnel, réaffirmé dans l'Aete de l'Amérique du Nord
britannique de 187i.
L'article 34, quant à lui, donne ce pouvoir aux assemblées
législatives et fait donc dépendre les droits des minorités,
même s'ils sont inscrits dans la constitution, de la simple
volonté de la majorité. Ces droits pourraient donc être éliminés
pour toujours par le gouvernement du Manitoba, s'il obtenait
la majorité de son assemblée législative. Cela nous paraît
injuste, illogique et absurde, dans la mesure où l'objectif de la
constitution est d'entériner des droits. La raison pour laquelle
on veut les entériner est que l'on veut rendre leur suppression
très difficile, c'est-à-dire imposer une procédure d'amende-
ment extraordinaire pour les modifier.
Nous voulons donc exprimer certaines réserves au sujet des
articles 34 et 43 et nous nous demandons si le législateur n'a
pas simplement ignoré l'Aete du Manitoba. Personnellement,
je crois qu'il s'agit d'une simple erreur. Je peux me tromper,
mais si c'est une simple erreur, il revient au Comité d'y
remédier.
Le coprésident (M. Joyal): Monsieur Bockstael.
M. Boekstael: Je vous remercie de nous signaler ces lacunes,
si je peux les appeler ainsi, ou ces oublis, en nous demandant
d'y remédier.
J'aimerais cependant corriger une erreur que j'ai faite tout à
l'heure. Lorsque j'ai posé une question sur votre attitude
personnelle au sujet de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick,
j'ai ajouté dans ma phrase: le gouvernement fédéral. En fait, je
voulais demander si vous considérez que la constitution devrait
imposer des droits linguistiques minoritaires aux gouverne-
ments de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick. C'est par inad-
vertance que j'ai ajouté le gouvernement fédéral.
Cela étant dit, j'estime que vos remarques sont très impor-
tantes et soulèvent des problèmes dont nous devrons tenir
compte. Je suis certain que le Comité le fera. Je vous remercie
de votre témoignage.
Le coprésident (M, Joyal): Thank you, Mr. Bockstael.
Monsieur Nystrom,
M. Nystrom: Pour rester sur le même sujet, je crois que l'on
pourrait résoudre le problème soulevé par M. Magnet en
incluant tous les droits linguistiques dans la charte, Acutelle-
ment, l'article 23 de l'Aete du Manitoba est laissé de côté, tout
comme l'article 133, qui n'est applicable qu'au Québec. Si
nous étendons ces droits a d'autres provinces, dest-à-dire, au
moins, à l'Ontario et au Nouveau-Brunswick, nous pourrions
résoudre le problème en incluant tous ces droits linguistiques
dans la charte, comme les articles 16 à 21. En outre, si vous
examinez l'article 50, vous constaterez que la seule méthode
prévue pour modifier la charte des droits n'est pas bilatérale,
c'est-a-dire au moyen du Parlement et de l'assemblée législa-
tive d'une province, mais par le recours à la formule d'amende-
ment, ce qui me paraît tout à fait conforme à la volonté de tous
les membres de ce Comité.
[Texte]
Je voudrais remercier la Société franco-manitobaine d'être
venue ici ce matin—excusez, je parle avec un accent de la
Saskatchewan, je ne suis pas françaismmais je suis très heu-
reux de vous voir ici ce matin et je veux poser seulement une
ou deux questions.
En lisant votre mémoire, je retrouve ceci et je cite:
«Aujourd'hui, au mépris de la décision de la Cour
suprême du Canada, la législature du Manitoba persiste à
refuser aux Franco-manitobains la protection de l'article
23 de l'Acte du Manitoba.»
Est-ce que vous avez discuté de ce sujet avec le gouverne-
ment du Manitoba et est-ce que c'est seulement une question
de temps? Est-ce que vous avez besoin de plus de temps pour
renforcer l'Aete du Manitoba, section 23, ou d'après votre
expérience au Manitoba, est-ce qu'il y a d'autres choses que
nous devons enchâsser dans notre Constitution pour votre
protection ou est-ce seulement une question de temps pour le
gouvernement manitobain?
[Traduction]
M. Magnet: Tout ce que je puis dire, c'est que l'association
examine sa situation juridique, à la suite de la de on Foray,
et qu'elle n'a pas encore pris de décision quant au recours
juridique le plus approprié. Je puis cependant vous dire que
116 projets de loi ont été adoptés lors de la dernière session du
l'Assemblée législative du Manitoba, dont neuf en français.
Cela signifie que par rapport à ce qui est prévu dans la
constitution du Canada, nous avons accumulé un retard sup-
plémentaire de 106 lois.
Certes, ce n'est pas là un problème facile résoudre. Le
gouvernement du Manitoba estime que la cottstitution ne lui
demande quand même pas de l'aire l'impossible, ce que nous
acceptons. Cependant, dans la mesure où l'on se demande
comment telle ou telle disposition doit être appliquée, ou si elle
est raisonnable, on aborde un problème d'interprétation cottsti-
tutionnelle tout à fait nouveau. L'association examine donc la
situation.
En ce qui concerne nos droits collectifs, je pense que notre
article d'application représente un pas en avant. Il donne en
effet un recours aux tribunaux et leur permet d'imposer des
injonctions au gouvernement, ce qui a d'ailleurs été juge
nécessaire dans d'autres fédérations ayant une constitution
écrite. Certains disent parfois qu'il ne leur paraît pas normal
que des juges donnent des ordres à une assemblée législative.
Quant à nous, nous estimons qu'il s'agit là d'une évolution
inévitable de notre droit constitutionnel et nous considérons
que ce principe devrait être inscrit dans la constitution.
Je remarque également qu'en vertu du l'acte international
de 1966 relatif aux droits civils et politiques, ratifié pur le
Canada, notre pays a l'obligation de s'assurer que toute per-
sonne, dont les droits ou libertés reconnus par le pacte sont
violés, dispose d'un recours efficace.
[Texte]
Mme Roch: L'hiver dernier, après le jugement de la Cour
suprême, la Société franco-manitobaine a rencontré son gou-
vernement provincial, a discuté avec eux de leur interprétation
du jugement de la Cour suprême. A ce moment-là, il était
assez clair que l'interprétation était dans le strict minimum
que la loi pouvait nous donner.
Comme monsieur Magnet l'a souligne, il y a eu quelques
tentatives, on a traduit, on nous a dit, il y a quelques semaines
500 pages de lois, On nous a permis cette semaine de présenter
notre mémoire au gouvernement provincial en français.
En terme de choses concrètes, en terme de cours, en terme
de services à la communauté, le vouloir politique de dévelop-
per, la communauté n'a pas encore été exprimé.
M. Nystrom: Une dernière question, monsieur le président.
Comme vous le savez, mon parti a l'intention de proposer un
amendement afin que l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du
Nord britannique s'applique à l'Ontario et au Nouveau-Brun-
swick et monsieur Magnet said that he did not want to
comment on what Franco-Ontarians may want, mais je veux
vous poser une question.
D'après vous, si l'article 133 s'applique à I'Ontario, est-ce
que cette situation est meilleure pour les franco-manitobains
d'avoir le même règlement que l'Ontario pour les minorités
françaises qui existe maintenant au Québec pour les minorités
anglaises?
Le coprésident (M. Joyal): Madame Roch.
Mme Roch: Je pense que toute législation qui pourrait
développer davantage le français au Canada, c'est sûr que la
Société franco-manitobaine appuierait cette législation.
C'est qu'on ne veut pas venir ici et dire qu'il faut absolu-
ment le faire étant donné qu'on voulait parler surtout des
intérêts des franco-manitobains.
Si on parle de développer davantage la loi. on parle de
développer davantage le fait français au Canada. c'est sûr que
cela va être à l'avantage des franco-manitobains. Ça va per-
mettre une mobilité entre les provinces qui parfois n'est pas . . .
qui pose. . . Quand le choix ou, disons, quand nous ne somme
plus dans une position de déménager, de sortir du Manitoba. si
le fait français est important pour vous autant qu'il l'est pour
nous, on peut toujours se poser des questions à savoir dans
quelle direction on va aller.
M. Nystrom: Merci, monsieur le président.
Le coprésident (M. Joyal): Merci, madame Roch. Merci,
monsieur Nystrom.
Je crois que l'honorable Bryce Mackasey avait une petite
question à poser également à nos témoins.
M. Mackasey: Merci, monsieur le président.
Si j'avais le choix, ce serait une longue intervention au lieu
d'une petite question.
Madame Proteau, je suis venu au monde dans la ville de
Québec. pas seulement dans la province de Québec, pas seule-
ment dans la ville de Québec mais dans la paroisse St-Malo, je
me permets de me considérer comme Québécois, je suis Qué»
bécois. Si, par exemple, vous me demandez si je suis d'expres-
sion française, il est évident que non.
J'aimerais bien quand même, monsieur le président, poser
quelques questions, s'il vous plaît, à monsieur Magnet, si
possible.
Le coprésident (M. Joyal): Monsieur MacKasey, je m'ex-
cuse de vous interrompre mais lorsque j'ai dit une petite
question, je crois que tous les honorables membres autour de
cette table auront compris qu'il s'agit d'un euphémisme.
Je veux simplement vous faire remarque que l'heure avance
et qu'il y a également l'honorable sénateur Tremblay qui veut
également poser une toute petite question et comme tout le
monde a eu ses petites questions, j'aimerais bien quc la durée
du temps des questions soit identique pour tout le monde.
Alors vous avez la parole, monsieur MacKasey.
M. Mackasey: Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Je commencerai par poser mes questions au conseiller juridi-
que de nos témoins. J'aborderai tout d'abord le même article
que le sénateur Tremblay, et je voudrais signaler aux témoins.
qui n'en sont peut-être pas conscients, que les membres de ce
Comité font toujours preuve de beaucoup d'objectivité. Le
sénateur Tremblay et moi-même visons le même ojectif,
c'est-à-dire la rédaction d'une constitution qui amènera la paix
et l'harmonie dans notre pays, réduira le plus possible les
possibilités de discrimination et augmentera les chances offer-
tes à tous les citoyens.
Je comprends ce que vous demandez lorsque vous parlez de
la liberté de choix pour les immigrants au Manitoba. A mon
avis, vous demandez que les nouveaux Canadiens arrivant au
Manitoba aient le droit, surtout lorsqu'ils deviennent citoyens,
au bout de trois ans, de recevoir un enseignement dans l'une ou
l'autre des deux langues officielles du pays. Je suis cependant
un peu troublé par votre hésitation à faire appliquer cette règle
aux immigrants et aux nouveaux Canadiens dans la province
de Québec.
Avant que vous ne répondiez, j'aimerais vous rappeler une
situation que vous comprendrez très bien, puisque vous avez
passé toute votre vie au Manitoba. En effet, que ccla nous
plaise ou non, les anglophones du Québec représentent une
minorité dans leur province. Or, nous ne nous sommes jamais
sentis minoritaires. Nous sommes la minorité la mieux traitée
au pays. Lorsque j'étais dans votre province, à la demande de
M. Pearson, en 1963, 1964 et 1965, je m'étais dit que notre
pays serait vraiment merveilleux si les Franco-Manitobains
pouvaient jouir des mêmes droits et privilèges que les anglo-
phones du Québec. Ces droits résultaient d'ailleurs de toutes
sortes de choses, et pas seulement de l'application de l'article
133 aux tribunaux et à l'assemblée législative. lls découlaicnt
également de l'attitude de la population québécoise. C'est
d'ailleurs ce qui m'avait amené à dire à René Lévesque.
lorsque j'étais à l'Assembléc nationale, que la séparation crée-
rait des problèmes absolument fantastiques lorsqu'on se rcn-
drait compte du grand nombre de mariages mixtes qu'il y avait
dans la province. Je faisais d'ailleurs souvent des blagues avec
M. O'Neil et M. Burns là-dessus.
Cela dit, je suis parfaitement conscient de la fragilité des
libertés.
Ayant vécu au Québec et ayant siégé a l'Assemblée natio-
nale du Québec pendant 18 mois, lors de l'imposition de la Loi
101 à la population québécoise, je suis parfaitement conscient
du fait que cette loi, même si son objectif était souhaitable,
reste, à maints égards. très discriminatoire. En effet, tout
comme le bill 22, elle supprime le caractère officiel de l'anglais
dans la province. Elle interdit aux commerçants anglophones
de mettre dans leurs magasins des affiches en anglais ou des
affiches bilingues. Elle met fin au droit de la minorité anglo-
phone du Québec de traiter cn anglais avec son propre gouver-
nement. De plus, a tort ou à raison, bien que ce soit a raison, a
mon avis, elle considère qu'elle maintient la liberté de choix
dans le domaine de l'enseignement, afin qu'un nombre raison-
nable de nouveaux Canadiens venant s'installer dans la pro-
vince puissent choisir le système scolaire anglophone.
Cela dit, malgré la conviction exprimée par le témoin, ceux
d'entre nous qui vivent dans cette province sont prêts à accep-
ter l'article 23(1), qui limite les droits des nouveaux Canadiens
au Québec. Je doute cependant que les nouveaux Canadiens
soient prêts à l'accepter. Je dois vous rappeler également que
la Loi 101, comme vous l'avez dit. supprime le droit des
anglophones du Manitoba a faire éduquer leurs enfants en
anglais dans la province de Québec. droit que les autres
provinces nient aussi aux francophones, Par contre, notre
projet de résolution mettrait au moins un terme à cet abus.
Le sénateur Connolly a dit que si votre proposition était
adoptée dans son sens le plus large, elle renforcerait la régiona-
lisation et donnerait donc un aspect complètement différent,
peubétre justifié. pour le sénateur Connolly, à notre constitu-
tion. Dans le cas de la mobilité, si l'on acceptait ce principe
jusqu'au bout, on accepterait la volonté du premier ministre
Peckford de la supprimer. Je crois donc qu'en proposant la
liberté de choix uniquement pour le Manitoba, mais pas pour
la minorité anglophone, et j'insiste sur le mot minorité, même
si elle n'est peubêtre pas encore en danger de disparition, vous
ne faites pas franchement face aux réalités.
Le coprésident (M. Joyal): Monsieur Magnet?
M. Magnet: Je ne puis répondre au nom d'une minorité
anglophone.
M. Mackasey: Mais moi, je le peux.
M. Magnet: Non seulement vous le pouvez, mais vous avez
le devoir de le faire, au sein de ce Comité, et de proposer une
politique constitutionnelle correspondant à ces besoins. Quant
a moi, je ne veux pas le faire.
Si vous le voulez, je pourrais ajouter une note personnelle à
votre déclaration. J'ai en effet vécu aussi au Québec, pendant
dix ans, comme anglophone. Ayant eu le privilège de travailler
avec le groupe franco-manitobain, j'ai constaté que mes opi-
nions ont changé considérablement. Les Franco-Manitobains
sont entrés dans la Confédération en 1870, comme majorité
ayant des garanties constitutionnelles. Leur statut a été con-
testé, en 1890, au moyen d'une loi inconstitutionnclle. Leur
nombre a diminué. Actuellement, ils font face à un taux
d'assimilation de 54.3 p. 100. Ils sont donc en voie de dispari»
tion. Je connais les craintes des Québécois et, même si je ne
suis pas prêt à adopter leur position, je comprends qu'ils
craignent que la même chose ne se produise dans leur province.
Comme je vous l'ai dit, il s'agit la simplement d'une observa-
tion personnelle. Je comprends la situation, mais cela ne veut
pas dire que je suis en faveur de ce qui est proposé pour y
remédier.
En ce qui concerne la régionalisation, je pense que la
solution individualiste, qui a été notre tradition constitution-
nelle, pendant près de 115 ans, à l'égard des droits collectifs,
est la réponse adéquate. Je n'en vois pas d'autre.
L'article 23 du projet de résolution propose une solution
concernant les citoyens du Canada, dont
la première langue apprise et encore comprise est celle de
la minorité francophone ou anglophone, etc.
Ceci attire notre attention tout particulièrement sur la situa-
tion du Québec, et l'on perçoit un vent un peu menaçant pour
les minorités francophones à l'extérieur du Québec. Au Mani-
toba, cependant, il s'agit d'un ouragan. En effet, cet article
signifie que les Franco-Manitobains continueront à être soumis
aux lois du gouvernement provincial qui réduisent leur statut.
[Texte]
Le coprésident (M. Joyal): Merci, monsieur Magnet.
Mr. Mackasey: Mr. President . . .
Le coprésident (M. Joyal): Je m'excuse, monsieur, si vous
voulez me le permettre. monsieur Mackasey, j'avais demander
tantôt avec beaucoup de complaisance, je crois que tous les
membres autour de cette table sont complaisants, une courte
question, une petite question. Je crois que vous avez mal saisi
le point que j'ai exprimé, lorsque je parlais de petite question,
vous m'avez interprété comme référant au compte tenu, et je
croyais faire référence plutôt à une courte question.
Alors si les honorables membres doivent continuer à siéger,
je vous demanderais d'être vraiment court dans votre exposé.
[Traduction]
M. Mackasey: Je serai encore plus court que vous, monsieur
le président.
J'allais, par un rappel au Règlement, vous demander de vous
assurer que l'on n'ait pas l'impression, d'après mes déclara-
tions, que je ne suis pas conscient de l'histoire du Manitoba et
des injustices qui ont été faites aux Franco-Manitobains, et
que je n'ai pas fait de mon mieux, durant toute ma vie, pour le
faire savoir, dans tout le pays.
J'espère également que vous n'intcrpréterez pas mes remar-
ques comme une opposition à la liberté de choix au Manitoba.
Je voulais simplement dire qu'il serait bien plus préférable que
cette liberté de choix existe dans tout le pays.
Le coprésident (M. Joyal): Monsieur Magnet.
M. Magnet: Je comprends bien et je respecte votre position.
[Texte]
Le coprésident (M. Joyal): Merci, monsieur Magnet de
votre réponse courte.
Monsieur le sénateur Tremblay.
Le sénateur Tremblay: Monsieur le président, j'espère que
ma question sera courte.
Je veux d'abord remercier monsieur Magnet d'avoir bien
mis en relief que la situation actuelle n'en est pas une d'unifor-
mité, mais qu'on retrouve des situations très diverses inscrites
déjà dans la Constitution et sans y toucher la définition des
droits, je voudrais à cet égard évoquer la diversité des situa-
tions qui est faite par les dispositions actuelles des diverses lois
constitutionnelles quant au recours, à ce que vous appelez le
«enforcement».
Là-dessus aussi il y a diversité. Par exemple, dans le cas de
l'article 93 lorsqu'il s'applique au Québec ou au Manitoba, on
a le recours de l'appel au gouverneur général en conseil, et
dans ce cas la on peut parler du gouvernement. monsieur
Bockstael. après quoi une législation remédiatrice est possible
par le Parlement canadien.
On sait l'histoire de l'utilisation de ces divers recours, le
Manitoba les a vécus de façon dramatique, on ne trouve pas le
même recours dans l'Acte de Terre-Neuve, on ne le trouve pas
non plus dans la Saskatchewan, mais on le retrouve au
Manitoba.
Est-ce que la proposition que vous faites d'un recours à la
Cour supérieure des diverses provinces, dans les diverses prov-
inces, remplacerait a votre avis ce pouvoir extraordinaire que
le gouverneur général en conseil et le Parlement ont de passer
une législation remédiatrice lorsqu'une province commet une
infraction en vertu d'un droit comme ceux de 93 qui sont
octroyés par la Constitution ou l'une ou l'autre des constitu-
tions, puisqu'il y en a plusieurs à cet égard.
Le coprésident (M. Joyal): Monsieur Magnet.
[Traduction]
M. Magnet: Nous proposons la possibilité d'un recours
obligatoire, ou par injonction, des cours supérieures (s minus-
cule), ce qui inclut la Cour fédérale.
L'article 22(3) de l'Aete du Manitoba et l'article 93(3) de
l'Aete de I'Amérique du Nord britannique ne m'impression-
nent pas énormément. Je crois que d'après la convention
constitutionnelle qui existe maintenant, ces articles ne seraient
pas réellement utilisés. Je crois que ce serait une chose extraor-
dinaire de voir le Parlement utiliser ces pouvoirs pour décréter
des lois dans la province de Québec. Je crois que cela irait à
l'encontre des conventions constitutionnelles qui existent déjà.
Je remarque que M. Gérald Beaudoin partage cette opinion
dans son livre sur l'amendement constitutionnel.
Je signalerzti également qu'au Manitoba, nous avons vécu
une expérience quant au recours au pouvoir fédéral extraordi-
naire face à la négation des droits linguistiques; on a fait appel
au gouverneur en conseil, en 1890, en vertu de l'Acte du
Manitoba. Le gouvernement Bowell a demandé au gouverne-
ment du Manitoba de rétablir le droit à l'enseignement catho-
lique. Le gouvernement du Manitoba a refusé. Le gouverne-
ment Bowell a préparé une loi, mais le débat s'est prolongé et
le gouvernement a été défait; comme vous le savez, Laurier a
accédé au pouvoir, et ce fut la fin de l'histoire.
Donc, cela a existé pendant un bout de temps; on s'attendait
à quelque chose, mais en vain. Maintenant, je crois que d'après
la convention constitutionnelle, cela n'a plus aucun effet, et si
on l'éliminait de la constitution, cela ne me dérangerait pas
énormément.
Le sénateur Tremblay: Est-ce que vous élimineriez ces
articles, ou est-ce que vous les laisseriez comme tels, sans
aucun effet?
M. Magnet: Eh bien, cela dépend de votre sens esthétique.
Je suis un peu traditionaliste, et j'aime beaucoup ce langage
archaïque et mignon. Je l'ai maîtrisé quand je faisais mes
études de droit, à grands frais pour moi-même et ma femme.
Je serais donc heureux de le garder. Mais comme je l'ai dit, je
ne crois pas que cela ait un effet constitutionnel indépendant.
[Texte]
Le coprésident (M. Joyal): Merci monsieur Magnet.
Avcc l'autorisation et le consentement des honorables mem-
bres de ce Comité, monsieur le sénateur Bélisle me fait remar-
quer qu'il a une question extrêmement courte à poser.
Monsieur le sénateur Bélisle.
Le sénateur Bélisle: Messieurs les coprésidents, honorables
collègues, permettez-moi tout d'abord de vous féliciter d'être si
tolérants. Vous êtes si tolérants que vous faites de la tolérance
une vertu. Je crois que toutes les personnes alentour ne devrai-
ent pas se répéter trop souvent, et je dis ça avec beaucoup de
sincérité envers tous mes collègues.
Le coprésident (M. Joyal): La patience est également une
vertu, je vous ferais remarquer monsieur Bélisle.
Le sénateur Bélisle: D'accord.
Je voudrais brièvement remercier les témoins du Manitoba,
non seulement ils ont été très éloquents, mais je pense qu'ils
nous ont éclairés et renseignés sur leur position.
Je comprends, comme franco-ontarien, que vous avez vécu
des problèmes et malgré vos problèmes vous avez apporté une
grande contribution à l'évolution canadienne.
Moi, comme franco-ontarien, je suis fier de reconnaître ça,
parce que nous aussi franco-ontariens avons subi beaucoup
d'injustices.
Je ne suis pas venu ici pour apporter des griefs, mais pour
écouter vos requêtes, et je vous en félicite.
On a discuté beaucoup de sujets, perrnettez-moi de vous
poser une simple question: Vous dites a la page 4 «La Constitu-
tion devrait garantir un éventail plus large de services fédéraux
en langue française au Manitoba. Les services du Gouverne-
ment fédéral devraient être offerts en français, même lorsque
ces services sont disponibles ailleurs que dans les bureaux du
Gouvernement».
Est-ce que vous ne jouissez pas, comme Franco-Manito-
bains, de tous les privilèges du français qui est distribué dans
tous les services gouvernementaux du Gouvernement fédéral?
Le coprésident (M. Joyal): Madame Proteau.
Mme Proteau: Jouir, jouir de tous les services francophones
du Gouvernment fédéral, c'est beaucoup dire. La jouissance
est bien petite.
Le sénateur Bélisle: Etes-vous servis d'abord?
Mme Proteau: Vous savez, je me ferais un plaisir de vous en
parler longuement après ce Comité, parce que là vraiment ça
prendrait trop de temps,
L'intention est bonne, l'application est fort difficile. Quand
on a marqué ça, c'est parce qu'il ne faut pas oublier qu'il y a
encore du travail à faire de ce côté-là et beaucoup de travail à
faire de ce côté-là.
Alors ce n'est pas que ça n'existe pas, mais ça existe d'une
façon très limitative, et c'est difficile à appliquer. Je pense
qu'on aurait probablement avantage, comme collectivité fran-
cophone, de s'asseoir avec notre Gouvernement fédéral et de
dire: écoutez dans certains domaines ça marche, dans d'autres
domaines ça ne marche pas, il y a telles choses et telles choses
et telles choses qu'on pourrait faire, telles choses dont on
aurait besoin et telles choses dont on n'aurait pas besoin.
Alors ça éclairerait peut-être aussi au niveau des langues
officielles, cette loi qui est bonne en principe, mais qui est
difficile à appliquer dans l'Ouest, parce qu'on fin de compte la
majorité est largement anglophone.
[Traduction]
Le sénateur Bélisle: Notre éminent témoin a dit que les
droits collectifs devraient être cntérinés dans la constitution.
Ce n'est pas clair, dans mon esprit; je me demande s'il veut
aller au-delà des deux langues officielles. Etes-vous allé
au-delà, ou pensez-vous que tous les droits collectifs devraient
être inscrits dans la constitution?
M. Magnet: Nous n'en avons pas parlé dans notre exposé,
qui visait les droits collectifs des minorités de langue officielle.
Je ne voudrais pas parler de questions que je n'ai pas étudiées,
comme les droits collectifs des peuples autochtones, dont il est
question à l'article 24, ou les droits collectifs des minorités, Je
ne suis tout simplement pas en mesure de faire des remarques
à ce sujet.
[Texte]
Le sénateur Bélisle: Merci.
Le coprésident (M. Joyal): Merci monsieur Bélisle.
Monsieur Corbin a demandé la parole.
M. Corbin: Oui, très brièvement, monsieur le président.
C'est une question de portée générale. Je voudrais savoir de
nos témoins ce matin s'ils ont pu détecter au sein de la
population ntanitobaine, contrairement a l'appui et à la réac-
tion plutôt froide qu'ils ont toujours eue de leur Gouvernement
provincial, s'il y a dans la population manitobaine anglophone,
quand même un peu plus que de la sympathie pour la supposi-
tion que vous exprimez ici ce matin.
Pourriez-vous faire un commentaire sur ce point-là, s'il vous
plaît?
Le coprésident (M. Joyal):Madame Proteau.
Mme Proteau: Nous sommes très heureux de pouvoir répon-
dre a cette question. parce que nous détectons de plus en plus
et avec des preuves très évidentes, en effet plus que la sympa-
thie de plusieurs personnes et plusieurs groupes au Manitoba
qui sont anglophones et d'autres minorités, mais il y a de plus
en plus une compréhension de notre situation et de nos exi-
gences, et il y a de moins en moins de peur dans un bon
segment de la population.
M. Corbin: Merci.
Le coprésident (M. Joyal): Merci beaucoup madame Pro-
teau au nom de la Société franco-manitobaine de mente que
madame Roch, directrice générale et Me Elliott Magnet. Je
vous remercie doutant plus de vous être prêtés a notre séance
de ce matin, que comme vous l'avez constaté l'heure qui devait
vous être allouée a été largement dépassée, ct je crois qu'aucun
des membres amour de cette table ne regrettera de vous avoir
entendus et surtout de vous être prêtés à toutes nos questions.
Je vous rentcrcie doite bien chaleureusement.
Je ferais remarquer aux honorables membres de ce Comité
que nos séances reprendront lundi soir à 8 h 00 et nous enten-
drons le Protestant School Board of Greater Montreal.
La séance est ajournéejusqua 8 h 00 lundi soir.
TÉMOINS
De l'Association canadienne pour les déficients mentaux:
M. Paul Mercure, président;
M. David Vickers, vice-président;
M. David Lincoln, président (People First—Ontario).
De la Société franco-manitobaine:
Mme Gilberte Proteau, présidente;
Mme Lucille Roch, directrice générale;
M. Joseph Elliott-Magnet, conseiller juridique.