Province du Canada, Assemblée Législative, Débats Parlementaires sur la Question de la Confédération des Provinces de l’Amerique Britannique du Nord (8 mars 1865)


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Date: 1865-03-08
Par: Province du Canada (Parlement)
Citation: Province du Canada, Parlement, Débats Parlementaires sur la Question de la Confédération des Provinces de l’Amerique Britannique du Nord, 8e parl, 3e sess, 1865 aux 775-817.
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ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE.

MERCREDI, 8 mars 1865.

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M. Chambers—Bien que désavantageuse sous certains rapports, la position de l’orateur qui prend la parole vers la fin des débats ne laisse pas que d’avoir aussi son côté avantageux. Si par le savoir et l’argumentation logique de ceux qui l’ont précédé la question se trouve presque épuisée; si leurs vastes connaissances leur ont permis d’émettre de nombreuses idées et d’en tirer de justes conclusions, il reste au moins cet avantage de pouvoir profiter de ces idées, de ces connaissances et de ces conclusions. Si le député qui vient en dernier lieu se trouve empêché d’émettre de nouvelles théories ou même d’apporter de nouveaux arguments, il peut au moins comparer entre elles les diverses opinions déjà exprimées. Je dois d’abord dire qu’au commencement de ces débats je m’étais bercé de l’espoir que cette législature aurait le juste privilège de pouvoir amender telles de ces résolutions qui, après mûre délibération, lui paraîtraient défectueuses; j’avais espéré, M. l’Orateur, qu’on lui laisserait la latitude de perfectionner ces résolutions, qui sont d’un si grand intérêt et d’une importance si vitale pour ces provinces, mais qui, en même temps, portent le cachet de la hâte que l’on a apportée à leur rédaction et adoption. Si ceux qui composaient la convention eussent été infaillibles; si, comme le reste de l’humanité, ils n’étaient pas susceptibles d’errer, je comprendrais, M. l’Orateur, que l’on eut pu demander à cette législature ou à toute autre d’adopter sans amendements la constitution qu’ils ont élaborée pour nous; je comprendrais que l’on eut pu nous demander d’avoir foi en ces délégués, et même de croire à la perfection de leur œuvre. J’avais espéré, M. l’Orateur, que nous pourrions délibérer avec calme et impartialité sur ces importantes résolutions, et qu’après avoir mis de côté tout esprit de parti, nous serions arrivés à des conclusions avantageuses pour toutes ces provinces; cependant, M. l’Orateur, malgré cette déception, malgré tout le désir que nous avons pu avoir d’y faire des changements qui eussent été à l’avantage du Haut-Canada, et bien que moi-même j’eusse préféré que ces résolutions et quelques- uns de leurs détails fussent amendés, je ne suis pas prêt à les rejeter; je ne saurais dire que je m’opposerai par mon vote à la création d’une nouvelle nationalité. (Ecoutez! écoutez!) Et voici quelques unes des raisons qui me portent à agir en ce sens. Lorsque je vois la république voisine engagée dans une des plus terribles et des plus désastreuses guerres qui aient jamais affligé ce continent; lorsque je vois que presque tous les journaux de ce pays lancent chaque jour l’anathème à l’empire britannique; lorsque je vois cette presse menacer notre pays; lorsque je sais que cette nation possède une flotte prête à lutter avec celles des grandes puissances de l’ancien monde, et que ses forces de terre, au moins sous le rapport du nombre, font l’étonnement des plus grandes puissances militaires; lorsque je vois, dis-je, non-seulement les tendances guerrières de cette république, mais aussi l’attitude menaçante qu’elle a prise vis-à-vis de nous, avant toute chose je suis porté à m’occuper de ce qu’il faut faire pour la sûreté de ce pays. Préserver son territoire d’une invasion, protéger l’existence et la propriété de ses administrés sont, je pense, les première choses qui doivent attirer l’attention de tout gouvernement. (Ecoutez!) Et puis, M. l’Orateur, d’accord avec cette maxime: l’union fait la force, je suis porté à croire que l’union des provinces de l’Amérique Britannique du Nord augmenterait leur puissance. (Ecoutez! écoutez!) Je suis loin d’être de l’avis de ceux qui repoussent le projet en entier et qui ne voient dans cette union qu’une source de faiblesse. Il me semble que le caractère politique et national qu’une union donnerait à ces provinces deviendrait avant peu une source de puissance; que le nom même qui serait donné à la nouvelle nationalité équivaudrait à une immense force. Quand je considère l’intérêt manifesté par le peuple d’Angleterre, de France, et, je puis le dire, de toute l’Europe —à l’égard de cette confédération des provinces de l’Amérique Britannique, —force m’est de croire que la nouvelle seule de la création de cette nationalité nous a déjà fait une position et donné une force que nous n’aurions jamais pu espérer dans les plus beaux jours de l’ancien régime. (Ecoutez! écoutez!) Quand je me rappelle, M. l’Orateur, que es grandes […]

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[…] constitutions de l’ancien monde ont été cimentées par le sang de nations ennemies; quand on se rappelle qu’en Angleterre les héritiers de maisons rivales eurent à lutter pendant plusieurs siècles à qui aurait la suprématie, et que l’autorité, le pouvoir et le bon gouvernement n’ont pu être obtenus de factions adverses que par le concours de la force; quand je me rappelle la révolution qui a terminé la longue lutte entre les souverains d’Angleterre et les parlements, et comment, de l’union, de la concorde et de la liberté obtenus seulement par le glaive, est sortie une prospérité jusqu’alors inconnue dans les annales de l’histoire; quand je me retrace l’histoire depuis les temps de la féodalité jusqu’à nos jours, je suis porté à croire que nous manquerions de sagesse si nous laissons passer l’occasion qui nous est offerte d’acquérir à la fois la liberté, la puissance et la prospérité. (Ecoutez! écoutez!) Il va sans dire que cette union augmentera nos moyens de défense, premièrement, parce que si nous devions rester tels que nous sommes, c’est-à-dire autant de provinces séparées, l’acquisition de notre territoire tenterait davantage la république voisine, qui, indubitablement, croira qu’elle peut l’annexer à elle sans beaucoup de frais; mais si nous formons une confédération, le caractère national que nous acquerrons par elle la détournera de cette entreprise. Je suis de même convaincu que le peuple d’Angleterre s’intéresserait plus à nous, qu’il ferait plus de sacrifices d’hommes et d’argent pour notre défense que si nous restions colonies séparées. (Ecoutez! écoutez!) Je crois que la seule mention de cette confédération a attiré les regards du monde sur la grandeur des ressources de ce pays. (Ecoutez! écoutez!) Un fait très significatif aussi, c’est que l’opinion en faveur de cette union est partagée en Europe par des hommes d état éminents. En secondant l’adresse en réponse au dernier discours du trône, lord HOUGHTON a distinctement déclaré, relativement à la partie qui avait trait à la confédération: « qu’il était aise de cette initiative, d’autant qu’il croyait qu’un jour le monde ne se composerait que de grands empire. » Voici en outre ce qu’a dit le comte Derby à cette occasion:

« Dans les circonstances actuelles, je vois avec la plus grande satisfaction cette réforme dont fait mention le discours de Sa Majesté: la confédération des provinces canadiennes. Par cette union, j’espère que le but des provinces canadiennes est de former une puissance assez forte pour pouvoir, avec l’aide de ce pays—et je suis sûr que cette aide ne lui fera jamais défaut—repousser toute agression. »

(Ecoutez! écoutez!)

Je demande maintenant quelle serait notre position si la coalition qui existe aujourd’hui n’eut pas été formée dans le but que nous connaissons? Nous avons vu les luttes de parti et l’agitation qu’elles ont créée; nous avons vu avec quelle avidité le pouvoir était recherché; nous avons vu que les affaires du pays étaient négligées, sa législation devenue presque impossible, et que nos salles législatives étaient devenues le champ clos des luttes personnelles dues à l’animosité qui existait entre les différents partis politiques; nous avons vu les difficultés qui existaient entre les deux sections, auxquelles sont venues se mêler les dissensions religieuses,—difficultés qui se compliquaient de plus en plus et qui tendaient fortement à une dissolution de l’union, parce que nous, les députés du Haut-Canada, n’aurions pu nous soumettre pendant longtemps encore à la privation du juste droit qu’à cette section d’être représentée en cette chambre d’après le nombre de sa population. (Ecoutez! écoutez!) Prenant la question à ce point de vue, je trouve que nous avons été favorisés par les circonstances, puisqu’elles ont ouvert une voie à la solution des difficultés qui nous entouraient de toute part, et offert au peuple de plus grands moyens d’action, à l’égard du développement de ses ressources commerciales, manufacturières et minières, et relativement à nos relations sociales. Croyant que la confédération est à désirer pour le réglement de nos difficultés politiques; croyant que pour maintenir dignement notre existence elle est devenue nécessaire, si l’on veut augmenter nos moyens de défense contre toute agression, je me trouve avoir 1à deux puissants motifs d’être en faveur du projet. (Ecoutez! écoutez!) Bien que j’admette l’opportunité d’une confédération; bien que je sois convaincu qu’il faut que quelque chose soit fait et que la nécessité exige que le gouvernement déploie de la vigueur et de l’énergie pour nous tirer de l’embarras où nous ont plongés nos différends politiques, et pour nous préserver non seulement du danger de difficultés politiques à l’intérieur mais aussi d’une guerre avec l’étranger, il ne s’ensuit pas que je sois un de ceux qui sont prêts à accepter une constitution sans s’assurer d’abord si elle convient au peuple […]

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[…] qu’elle doit régir. (Ecoutez! écoutez!) Je tiens à ce que cette constitution soit selon le désir et la volonté du peuple. (Ecoutez! écoutez!) Si j’appréhendais que cette mesure n’est pas approuvée, acceptée par lui, des membres de cette chambre je serais le dernier à voter pour elle. Voilà pourquoi je désire et demande que tous les renseignements possibles nous soient communiqués. Il va toutefois sans dire que je ne prétends pas dicter au gouvernement la somme d’informations qu’il doit donner et soumettre à cette chambre. Je ne l’accuserai pas d’avoir oublié son devoir en ne nous en donnant pas plus que nous en avons. Je ne prétends pas dire, non plus, qu’à cette période avancée des débats il doive nous faire connaître la politique qu’il a adoptée à l’égard des gouvernement locaux. Je n’ai aucun doute qu’à ce sujet il s’est arrêté à ce qui lui a paru le plus judicieux, mais en même temps, je me réserve le droit d’être mécontent ou satisfait des raisons et renseignements donnés, étant convaincu qu’un député haut-canadien ne saurait être blamâble de vouloir connaître, avant de voter pour la confédération, quelle sera la conséquence de ce changement pour le Haut-Canada. (Ecoutez! écoutez!) Les membres du gouvernement, je l’espère, n’imputeront pas à une mauvaise intention de ma part si je dis que sur d’autres qu’eux, sur de plus jeunes que nous, retomberont les conséquences de ce projet s’il est mis à exécution; mais sur nous, qui aurons voté son adoption, retombera la responsabilité de ces conséquences s’il arrivait qu’elles fussent désastreuses pour le Haut-Canada. (Ecoutez! écoutez!) Le mérite restera à ceux qui auront conçu et réalisé ce projet d’une nouvelle nationalité,—Il n’y a pas non plus à douter qu’à l’aide de places d’honneur et de hautes fonctions bien rémunérées, ils auront su se mettre hors de l’atteinte du peuple, et cela pendant que notre lot à nous sera de voir si les rouages de cette gigantesque invention fonctionnent bien à la place qui leur a été destinée. (Ecoutez! écoutez!) Et malheur à nous si un de ces rouages se déplace ou qu’il survient le moindre accident! N’aimons-nous pas, M. l’Orateur, à consulter le programme d’un spectacle avant d’y assister? Bien que favorables à la confédération, il se peut qu’après examen quelques uns de ces détails soient par nous trouvés inacceptables, de même qu’après avoir examiné ces résolutions, j’ai trouvé que la première ne contenait rien qui ne soit accepté avec empressement par tout fidèle sujet anglais—une confédération sous l’égide de la couronne britannique. Personne n’a encore pris la parole sans exprimer le désir de voir se conserver notre alliance avec la mère- patrie, de voir l’empire britannique augmenter de puissance. (Ecoutez! écoutez!) On a dit ici que la réalisation de ce projet aurait l’effet de relâcher les liens qui nous unissent à l’Angleterre; qu’après avoir acquis un certain degré de puissance, nous finirions par devenir indépendants, par renoncer à notre allégeance, et, en fin de compte, par être convoités et absorbés par la république voisine; or, je crois à la sincérité de l’intérêt que l’Angleterre prend aujourd’hui a notre bien-être, à notre prospérité, à l’établissement de notre nouvelle nationalité; je crois de même à l’affection que nous ont témoigné plusieurs hommes d’état de la mère-patrie lorsqu’ils ont déclaré avoir foi en notre loyauté,—(écoutez!) —par conséquent, je ne pourrais supposer qu’à mesure que nous grandirons en puissance et en prospérité l’intérêt qu’elle nous porte diminuera dans la même proportion. Je pourrais plutôt supposer le contraire. Si cette nation a autrefois donné tant de preuves de sa sollicitude pour nous; si, alors que nous étions pauvres, peu nombreux et comparativement inconnus, elle a prodigué son sang le plus pur et ses plus riches trésors pour notre défense et notre protection, il serait à la fois injuste et illogique de supposer qu’elle pourrait nous oublier ou nous abandonner quelque jour, si nous ne le lui demandons pas. (Ecoutez! écoutez!) Les souvenirs de notre enfance et des soins qu’elle nous a donnés resteront toujours vivaces dans l’esprit et la mémoire de notre mère- patrie, et lorsque l’âge de la maturité arrivera pour nous, je suis sûr qu’alors même elle ne songera pas à oublier l’enfant qu’elle aura tant aimé. De ce côté, je n’ai aucune appréhension. (Ecoutez! écoutez!) Si nous devons avoir une union des provinces, je vois dans la deuxième résolution, M. l’Orateur, la seule méthode qui, selon moi, pourrait en quelque sorte convenir aux diverses sections. Quelques uns se sont prononcés en faveur d’une union législative; mais, pour ma part, je crois que cette union donnerait aussi lieu à des difficultés inévitables et insurmontables. Je ne crois pas qu’un gouvernement général serait capable, quand même il serait disposé comme pourraient l’être des gouvernements locaux, de s’occuper […]

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[…] des affaires locales de toutes les sections. Je crois qu’un gouvernement général, chargé de l’administration des affaires d’un intérêt commun à tout le pays, et des gouvernements locaux pour les provinces, tel que le propose cette résolution, serait le système le plus propre à assurer l’harmonie, l’efficacité et la stabilité de cette union. La seconde résolution aussi ouvre une grande page à l’histoire de notre avenir. Elle prévoit l’époque où des millions d’habitants seront établis dans la verdoyante vallée de la Saskatchewan, où des chemins de fer et des télégraphes sillonneront ce territoire presque sans limites du Nord-Ouest où ne se fait encore entendre que le cri de guerre du sauvage. Elle prévoit les vastes entreprises commerciales qui se poursuivront depuis les bords du Pacifique jusqu’aux riches mines d’or de la Colombie et de là aux rives fertiles de Vancouver. (Ecoutez! écoutez!) Cette résolution, M. l’Orateur, nous prend à l’état de petites colonies dépendantes qu’elle transforme en un vaste territoire, auprès duquel les petites îles qui composent le grand empire auquel nous appartenons, paraissent comme autant de pigmées à côté d’un géant. Par elle, et sans faire, je pense, un trop grand effort d’imagination, nous pouvons nous former le glorieux espoir que dans un temps, éloigné sans doute, alors que les trônes de l’Europe seront peut- être ébranlés, nous serons assez puissants pour envoyer une flotte et une armée au secours de cet empire auquel nous demandons encore aujourd’hui aide et protection. (Applaudissements.) Qui osera dire que la conception de ce projet ne porte pas ce cachet de grandeur qui commande à l’esprit de ceux qui s’élèvent au-dessus des luttes de partis; qui se recommande d’elle-même à la considération favorable de ceux qui désirent arriver à pas de géant à la puissance, à la richesse et a une parfaite civilisation, de ceux qui veulent sortir de l’ornière du préjugé, de la mesquinerie et de la bigoterie pour adopter une sphère politique à la fois large et éclairée. (Ecoutez! écoutez!) Je passe par dessus les 3me, 4me et 5me résolutions, qui toutes ont pour but de jeter les fondements de cette nouvelle nationalité sur les bases solides auxquelles la constitution anglaise a servi de modèle, qui, en un mot, portent le cachet d’une politique contre la sagesse de laquelle aucune voix ne s’est encore élevée dans cette enceinte. Je ne veux maintenant m’occuper que la 11me, qui a été le sujet de beaucoup de discussion en dehors de cette chambre, et que l’on a citée comme une très forte raison portant à faire rejeter le projet. Ceux de l’ancien parti réformiste qui désiraient sincèrement que le principe électif restât appliqué à la chambre haute, jaloux comme ils ont raison de l’être de ces droits et privilèges pour lesquels ils ont longtemps combattu avec ardeur, voient dans cette résolution la consécration d’un principe plutôt rétrograde qu’autrement, le retour à l’ancien régime rétrograde, si toutefois je puis me servir de cette expression. (Ecoutez! écoutez!) Eh bien! M. l’Orateur, jusqu’à un certain point je suis d’accord avec ceux qui entretiennent ces opinions. Pour ma part, je préférerais de beaucoup que le conseil législatif conservât le principe électif, et si toutefois cette mesure doit-être adoptée, il me plairait que les provinces, conformément au conseil donné par le gouvernement impérial dans sa dépêche du 3 déc. 1864, adressée à ce gouvernement en réponse à la sienne du novembre 1864, revînsent sur leur décision concernant la nomination à vie des membres du conseil législatif. Cette demande ne venant d’aucune des provinces en particulier —elle n’est pas non plus due à des préjugés de province ou de section—aucune des provinces ne pourrait s’y refuser si elles sont réellement mues par le désir de former un gouvernement constitutionnel établi sur des principes de stricte justice pour tous, ainsi que le déclare la première de ces résolutions. (Ecoutez! écoutez!) Je n’entrerai pas, M. l’Orateur, dans de nouveaux détails sur ce sujet; je ne discuterai pas les avantages ni les désavantages d’un chemin intercolonial; je dirai simplement que dans les circonstances où nous sommes et qui ne nous permettent pas de rester inactifs; quand le danger nous menace d’un côté et que de l’autre nous est offerte une brillante perspective, qui ne dépend que d’une unité immédiate d’action,— nous ne devons pas pousser la mauvaise volonté jusqu’à refuser de faire les dépenses voulues pour accomplir un projet grandiose qui fera époque dans les âges futurs, pour fonder une nationalité qui pourra peut-être exister, ainsi que l’a dit le savant historien cité par mon hon. ami de Québec, « lorsque quelque voyageur de la Nouvelle-Zélande sera vu sur une arche démolie du pont de Londres et travaillant à faire le croquis des ruines de la basilique de St. Paul. » (Ecoutez!) Je ne voudrais pas, cependant, adopter un projet qui, au point de vue financier, nuirait aux intérêts du Haut-Canada; mais je suis […]

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[…] rassuré sur ce point par les faits et chiffres cités par mes hon. amis d’Oxford Sud et de Sherbrooke, lesquels, j’en suis convaincu. ne désirent pas plus que moi, ou que tout autre Haut—Canadien, être trompé sous ce rapport; je suis rassuré, dis-je, parce que selon eux, la confédération sera avantageuse à notre position financière. J’ai comparé ces faites et ces chiffres et force m’est d’avouer que j’ai confiance en leurs conclusions. (Ecoutez! écoutez!) On a prétendu, M. l’Orateur, parce que quelques comtés du Nouveau-Brunswick n’avaient pas voulu élire les hommes qui ont adopté la confédération comme politique, que nous devions en abandonner le projet; or, M. l’Orateur, sommes-nous, oui ou non, tenus de remplir l’engagement arrêté à Québec? Avec mon hon. ami le procureur-général du Haut-Canada, je dis qu’en conscience, en honneur, en justice et en équité, nous y sommes tenus. (Ecoutez! écoutez!) L’argument tu quoque ne saurait servir d’excuse à un tel manque de foi. Je vous le demande, M. l’Orateur, quelle piteuse figure ferions-nous en disant au gouvernement impérial: les provinces du Nouveau—Brunswick, de la Nouvelle-Ecosse et de l’Ile du Prince-Edouard ont manqué à leurs engagements et nous avons cru devoir suivre leur exemple. Je pense, M. l’Orateur, que la position que l’on se ferait ainsi ne mériterait que la pitié, car elle nous abaisserait aux yeux du gouvernement impérial. (Ecoutez! écoutez!) Je maintiens la justice du principe énoncé par mon hon. ami le procureur-général du Haut-Canada: nous devons adopter ces résolutions et les soumettre au gouvernement impérials afin que le nôtre reste digne de son respect et que nous soyions nous-mêmes respectés. (Ecoutez! écoutez!) Cela fait, notre devoir sera accompli. Si les provinces maritimes ne tiennent pas à leur engagement, nous n’en aurons pas moins fait notre devoir et conservé par la le respect et la bonne volonté de la mère-patrie. (Ecoutez! écoutez!) Avant de terminer, M.l’Orateur, je dois dire qu’il me fait peine de voir que la question préalable ait été proposée, car je voudrais que tout député eut pleine et entière liberté d’exprimer ses opinions, de motiver et d’enregistrer son vote dans les journaux, afin qu’au besoin il soit consulté, soit par lui pour se défendre, soit par d’autres qui voudraient en tirer parti; mais en cela, M. l’Orateur, il ne s’agit que de procédure, et quelque contrariété que j’éprouve de voir que la question ait été présentée sous cette forme, il ne s’en suit pas que je doive rejeter tout le projet de confédération. (Ecoutez! écoutez!)

M. Geoffrion—M. l’Orateur:— Lorsque je proposai l’ajournement, hier soir, je n’entendais pas faire, le lendemain, une revue générale du projet sous discussion, car je pense qu’il a été suffisamment discuté pour que le pays puisse juger de ses mérites et de ses désavantages. Mon intention était plutôt de m’attacher à certains points du plan qui, dans mon opinion, n’ont pas été assez mis au jour, et de faire quelques réflexions sur ce qui a été dit, tant dans cette chambre que dans le conseil législatif, relativement à la protection des institutions du Bas-Canada. Dans la chambre haute, l’hon. premier ministre (Sir ETIENNE PASCAL Taché) disait dans son discours du 3 février dernier:

« Si nous obtenons une union fédérale, ce sera l’équivalent d’une désunion des provinces, et par là le Bas-Canada conservera son autonomie avec toutes les institutions qui lui sont si chères et sur lesquelles il pourra exercer la surveillance nécessaire pour la préserver de tout danger. »

Et l’hon. soliciteur-général (M. LANGEVIN), après avoir expliqué à sa manière les résolutions sur le mariage et le divorce, s’exprimait ainsi dans son discours du 21 février dernier:

« C’est là un point important, et les députés Canadiens—Français doivent être heureux de voir que leurs compatriotes dans le gouvernement n’ont point failli à leur devoir sur une question aussi majeure. Il va sans dire que sur bien d’autres points plusieurs d’entre eux n’admettront pas que nous ayons bien rempli notre devoir; mais sur le point en question, nous ne pouvons différer, car nous avons tous une règle commune, et, je le répète, ils doivent être heureux que leurs coreligionnaires dans la conférence ne se soient pas oubliés en cette occasion. »

Il s’agit donc pour cette hon. chambre, M. l’Orateur, de voir si nos institutions nationales sont véritablement protégées par les résolutions que nous ont été soumises. Pour bien le faire, il faut établir ce qui nous distingue comme nationalité. Je le dis en toute sincérité, je n’ai jamais reconnu qu’il y avait d’autre différence entre les Anglais et les Canadiens-Français qui habitent ce pays que celle de leur religion, leur langue et leurs lois, car nous avons le même attachement qu’eux à l’empire britannique, et je suis convaincu qu il nest pas un hon. membre de cette chambre qui […]

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[…] oserait exprimer une opinion contraire. (Ecoutez! écoutez!) Ceci établi, M. l’Orateur, je me permettrai d’attirer l’attention de la chambre sur la vingt-neuvième résolution. Elle se lit comme suit:—

« Le parlement général aura le pouvoir de faire des lois pour la paix, le bien-être et le bon gouvernement des provinces fédérées, (sans toutefois porter atteinte à la souveraineté de l’Angleterre,) et en particulier sur les sujets suivants: »

Après une longue énumération des sujets sur lesquels le gouvernement général pourra législater, l’on arrive au paragraphe trente- et-un, qui a trait au mariage et au divorce. Le 2 juillet 1864, le premier ministre (Sir ETIENNE PASCAL Taché), dans un éloquent discours prononcé lors de la seconde lecture du bill de divorce BENNING, s’exprimait ainsi dans le conseil législatif:

« Je m’oppose à la seconde lecture du bill et je le fais sur le principe que le divorce est anti-chrétien et anti-national. » [Et après avoir cité différents passages de la bible:]— » Le divorce est immoral dans ses conséquences, bien plus, il détruit le famille. »—[Plus loin:] « Je serais fâché de blesser les sentiments de qui que ce soit, mais nous avons à protéger la société en général et nous avons certains devoirs à remplir. Pour ma part, je manquerais envers ma conscience, ma religion et mon pays, si je ne m’opposais à ce bill. Il n’y a que la mort qui puisse dissoudre le mariage.—Cette opinion est des apôtres; c’est aussi la doctrine de tous les pères et des conciles. »

Le 9 juillet de la même année, l’hon. solliciteur-général du Bas-Canada, dans le discours qu’il prononça dans cette enceinte à cette occasion, s’exprimait aussi dans les termes suivants:

« Si je m’oppose au bill qui nous est soumis, ce n’est pas que je ne croie pas que la personne qui en fait la demande ne soit pas lésée, mais parce qu’elle se trouve en contradiction formelle avec mes principes sur cette matière; et, de plus, parce que je considère que cette chambre n’a pas le droit de dissoudre le mariage contracté entre les parties en cause et de leur permettre de se remarier. »

Cette opinion de l’hon. solliciteur-général du Bas-Canada fut soutenue par la totalité des députés Canadiens-Français et des catholiques, qui ont déclaré en cette occasion, en votant même contre la première lecture du bill, qu’ils étaient opposés en principe au divorce; et leur opinion fut partagée et appuyée par la plus grande partie des journaux du Bas-Canada. Le Canadien disait à cette occasion:

« Le bill de divorce a obtenu, nous regrettons de le dire, sa première lecture dans la chambre, hier soir. La division a été de 61 voix contre 42. Il n’y a donc aucun espoir de voir cette mesure anti-sociale repoussée. Le devoir des esprits sages du moins, c’est d’avertir la société des périls qu’on lui fait courir, c’est de protester énergiquement contre les funestes atteintes qu’on lui porte. MM. LANGEVIN, McGee et Cartier ont rempli, hier soir, ce noble devoir, et, au nom de la société bas- canadienne, ils ont fait entendre à la société haut- canadienne d’éloquents avertissements. »

Le Courrier du Canada, à propos de la même question, disait:

« Si quelqu’un dit que l’église est dans l’erreur, lorsque, pour différentes raisons, elle décide que la séparation entre gens mariés, en ce qui concerne le lit nuptial ou la cohabitation, peut avoir lieu pour un temps déterminé et indéterminé, qu’il soit anathème. Voilà la doctrine de l’église catholique sur le mariage, et ici, comme toujours elle s’accorde parfaitement avec les lois de la nature qui repoussent, elles aussi, le divorce comme quelque chose de monstrueux. »

Le Journal de Québec, du 9 juin 1864, s’exprimait ainsi:

« La question du divorce vient périodiquement occuper l’attention de la législature et attrister les consciences catholiques. Le divorce est le dissolvant le plus puissant des sociétés, car le mariage c’est la formule sociale; ouvrez une fois la porte un divorce sous un prétexte quelconque, comment l’empêcherez-vous de déborder et de submerger la société toute entière?  »

Eh bien! M. l’Orateur, comme je le disais il y a un instant, ces opinions étaient celles de tous les Canadiens catholiques, et, sur la même question, je ne puis voir de raison qui justifie ce revirement d’opinion qui s’est produit chez un certain nombre de députés canadiens et chez nos ministres catholiques. S’il est vrai qu’un catholique ne peut admettre en principe le divorce, et si nous sommes, en conscience, tenus de l’empêcher en notre qualité de législateurs, en votant contre toute proposition tendant à le faire sanctionner, je me demande comment on peut voter pour une résolution qui demande d’accorder à la législature générale le droit de législater sur cette matière. L’hon. député de Montmorency, dans le discours qu’il a prononcé avant-hier dans cette enceinte, nous a dit que si on n’avait pas spécifié dans les résolutions que le parlement fédéral aurait le droit de législater sur le divorce, ce pouvoir aurait pu s’exercer non seulement par ce dernier, mais aussi par les législatures locales. Par la quarante- troisième résolution, on voit, à l’article 15: […]

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[…] « que la propriété et les droits civils. moins ce qui est attribué à la législature fédérale, devront être laissés aux gouvernements locaux. » Il est évident que si on n’avait pas dit dans les résolutions que la législature fédérale aurait le droit de législater sur le mariage et le divorce, ce droit serait resté aux législatures locales.

L’Hon. M. Cauchon — Et si cette résolution n’avait pas été énoncée dans le projet, que serait-il arrivé?

M. Geoffrion—L’insertion de cette clause nous place exactement dans la position que nous occuperions sous l’union législative. Par l’insertion de cette clause, la législature fédérale se trouve avoir le droit, non seulement de législater sur le mariage et le divorce, mais aussi sur nos droits civils, à nous, Bas-Canadiens; elle peut, quand elle le voudra, s’attaquer à nos lois civiles. L’hon. député de Montmorency admet que la 48e clause et le paragraphe 15 assurent la protection de nos droits civils, et que si on n’avait pas précisé ce qui apparaît dans cette partie des résolutions, les législatures locales seules auraient eu le drort de s’en occuper. Et il suffit, M. l’Orateur, de jeter un coup-d’œil sur notre code civil pour se convaincre que tel est le cas. A l’article 74 du titre 5, je lis ce qui suit: « Le mariage ne se dissout que par la mort naturelle de l’un des conjoints; tant qu’ils vivent l’un et l’autre, il est indissoluble. » Eh bien! M. l’Orateur, s’il est vrai que notre droit civil français dit que le mariage ne peut pas être dissous par aucun moyen quelconque et par aucune autorité, si le droit de législater sur le divorce et le mariage n’avait pas été laissé à la législature générale, il n’aurait été permis à personne de divorcer et de se remarier.

L’Hon. Sol.-Gén. Langevin—Qu’arrive-t-il aujourd’hui?

M. Geoffrion—Qu’est-ce qui arrive? Il est vrai que la législation nous fournit des précédents; mais chaque fois que dans la législature du Bas-Canada il s’est présenté une demande de divorce, les députés catholiques ont voté pour la rejeter. Aujourd’hui, la législature fédérale pourra décréter le divorce, grâce à l’insertion de cette clause dans le projet. On nous dit qu’en agissant ainsi on avait voulu éloigner un danger qui se recontrait aujourd’hui dans les législatures locales; mais on s’est grandement fourvoyé, puisque sous le nouveau régime le premier venu pourra se présenter à la législature générale et obtenir un bill de divorce. Et si l’on n’eût pas donné ce droit a la législature fédérale, il eût été impossible de divorcer dans le Bas-Canada, vu que la majorité de la législature locale sera canadienne- française et catholique, et que le mariage et le divorce se seraient trouvés sous le coup de cette législature. (Ecoutez! écoutez!) L’hon. solliciteur-général nous a dit dans son discours,—et je conçois que c’est avec beaucoup de peine qu’il a pu expliquer l’article relatif au divorce, que les membres catholiques de la conférence ne s’étaient pas opposés à cet article, et que, bien qu’ils fussent opposés en principe au divorce, ils reconnaissaient qu’il y avait des cas où il était permis aux catholiques de se séparer. Je ne puis m’empêcher de dire, M. l’Orateur, que c’est une bien faible raison pour justifier la concession au gouvernement général du droit de législater sur le divorce. Le même paragraphe des résolutions dit que le gouvernement fédéral aura le droit de législater sur le mariage, et l’hon. soliciteur-général, dans son discours, explique cet article comme suit:—

« Le mot mariage a été placé dans la rédaction du projet de constitution, pour attribuer à la législature fédérale le droit de déclarer quels seront les mariages que l’on devra considérer comme valides dans toute l’étendue de la confédération, sans toucher pour cela, le moins du monde, aux dogmes ni aux rites des religions auxquelles appartiennent les parties contractantes. »

Je ne puis m’empêcher de reconnaître que cette déclaration est très habile, et pour une personne qui ne l’examinerait que légèrement, je conviens qu’elle serait portée à croire que le gouvernement maintient que la législature fédérale ne pourra décréter que le mariage civil est obligatoire, et qu’il faudra qu’un mariage ait lieu devant l’église catholique ou protestante pour être valide. Mais our celui qui examine bien attentivement a portée de la clause en question, il est facile de voir qu’elle ne peut pas être du tout interprétée dans ce sens-là, et que sa présence dans la constitution rendra loisible au gouvernement général de décréter que le mariage civil seul sera valide, en sorte que les enfants qui naîtront de mariages contractés devant l’église et non ratifiée par un magistrat civil seront bâtards. Je maintiens que c’est la seule interprétation qui puisse être donnée à cette clause, et je défie l’hon. sol.-gén. du Bas-Canada (M. LANGEVIN) […]

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[…] de lui en donner une autre qui soit juste. (Ecoutez! écoutez!) Il nous a donné réellement une magnifique explication de cette clause, mais il me semble que la chambre est appelée à se prononcer sur des résolutions écrites, et qu’elle doit les interpréter telles qu’elles lui sont soumises; elle n’a pas à scruter les intentions intimes du gouvernement sur leur objet. Si elles ont un autre sens que celui que leur lettre comporte, la chambre a le droit d’exiger que le gouvernement les explique et les corrige. La motion qui est maintenant devant la chambre, M. l’Orateur, se lit comme suit:

« Qu’il soit présenté une humble adresse à Sa Majesté, priant Sa Majesté qu’il lui plaise gracieusement de soumettre au parlement impérial une mesure à l’effet d’unir les colonies du Canada, de la Nouvelle-Ecosse, du Nouveau-Brunswick, de Terre-neuve et de l’Ile du Prince-Edouard en un seul gouvernement, basée sur certaines résolutions qui ont été adoptées à une conférence de délégués des dites colonies, en la cité de Québec, le 10 octobre 1864. »

Je dis donc que si cette adresse est votée, on n’aura pas le droit de se plaindre si le gouvernement impérial adopte des dispositions pour dire que la législature fédérale aura le droit de statuer sur tout ce qui se rapporte au mariage et au divorce.

L’Hon. M. Cauchon — Qui devra rédiger la constitution?

M. Geoffrion — Le gouvernement impérial.

L’Hon. M. Cauchon—Pas le moins du monde: elle sera rédigée ici et soumise ensuite au gouvernement impérial.

M. Geoffrion—Si je comprends bien ce que je lis, l’adresse demande à Sa Majesté de vouloir bien soumettre au parlement impérial une mesure à l’effet d’unir les colonies du Canada, de la Nouvelle-Ecosse, du Nouveau-Brunswick, de Terre- neuve et de l’Ile du Prince-Edouard en un seul gouvernement, basée sur certaines résolutions qui ont été adoptées à une conférence de délégués des colonies. Or, si c’est au gouvernement impérial à adopter cette mesure, il lui sera loisible de faire comme en 1856 relativement au conseil législatif, et l’on n’aura pas le droit de se plaindre s’il y fait certains amendements qui pourraient ne pas être de notre goût, puisque l’on dit dans nos résolutions que les gouvernements locaux auront le droit de législater sur la propriété et les droits civils, moins ce qui est attribué au gouvernement fédéral, et que parmi les sujets ainsi laissés à ce dernier, se trouvent le mariage et le divorce. (Ecoutez! écoutez!) Je sais, M. l’Orateur, ce qui va m’être répondu. On dira que par esprit de parti je me pose en défenseur de la religion, et que je veux faire croire à cette hon. chambre que si elle vote pour les résolutions, elle va mettre en danger nos institutions. Mais il me semble, M. l’Orateur, que pour nous tous, catholiques, l’indissolubilité du mariage est un article religion, et que si les résolutions ne reconnaissent pas cette doctrine de l’église, elles devront être rejetées par chacun de nous. On va peut-être me répondre: « mais comment se fait-il que notre clergé catholique reste tranquille quand on sape ainsi un des dogmes de notre église, et se prononce en faveur de la confédération? » Je nie, M. l’Orateur, que le clergé canadien soit en faveur du projet ministériel, et la preuve, c’est que les requêtes qui ont été envoyées contre le projet étaient signées par plusieurs prêtres.

L’Hon. M. Cauchon—Par combien?

M. Geoffrion—Plusieurs ont signé ces requêtes. Je conçois qu’il y ait quelques membres du clergé qui soient en faveur projet; mais je ne pense pas que le clergé en général professe les mêmes sentiments. Nous n’avons pas reçu une seule requête en faveur de la confédération, et tous les jours il nous en arrive un grand nombre pour repousser le projet.

L’Hon. M. Cauchon—N’amenez donc pas le clergé dans cette enceinte: nous ne l’avons pas fait, nous!

M. Geoffrion—Oui, vous l’avez fait. L’hon. procureur-général du Bas-Canada a dit dans cette chambre que le clergé était en faveur du projet. Eh bien! moi, je maintiens qu’un grand nombre de prêtres sont opposés à la confédération. (Ecoutez! écoutez!) Je vois dans le Canadien d’aujourd’hui une correspondance écrite par un membre du clergé, qui s’exprime ainsi sur le projet de confédération…

M. Robitaille— Cette corresponddance est-elle bien écrite par un prêtre?

M. Geoffrion—Si l’hon. membre en doute, il pourra se renseigner auprès de l’hon. député du comté de Québec, qui est le propriétaire de ce journal. Voici ce que ce prêtre dit dans sa correspondance: « Le clergé! Non, il n’est point pour votre confédération telle que proposée. Un grand nombre, il est vrai, y vont de confiance et se fient à nos hommes; mais un bon nombre […]

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[…] ainsi la redoutent et voudraient y voir des amendements. » Il est facile de comprendre, pour quiconque se donne la peine de refléchir sure cette question, que parmi le clergé comme parmi les laiques, il se trouve un grand nombres d’hommes qui, ayant toujours eu confiance dans les ministres bas-canadiens, ont été habitués a les considérer comme les protecteur-nés de la religion et de res institution nationales, et soient prêts à accepter les déclaratrons et les explications données dans cette chambre par nos ministres,—explications qui disaient tout simplement que la législation du gouvernement fédéral n’aurait pas autres effet que d’établir la légalité des mariages contractés dans n’importe quelle province de la confédération lors ne les conjoints passeraient dans le Bas-Canada. On comprend facilement qu’avec de pareilles explication les membres du clergé, qui ont toujours eu confiance dans les ministres du jour, ne soient pas susceptibles de trop s’alarmer. Mais si on veut bien interpréter cette clause des résolutions dans leur véritable sens, on devra convenir que la législation du gouvernement fédéral sur le mariage et le divorce pourra très souvent blesser nos sentiments comme catholiques, puisqu’elle pourra décéter que le mariage est amplement un acte civile et que les mariages contractés devant l’église, soit catholique ou protestante, qui ne seront pas ratifiée par un magistrat, ne seront pas valides. Maintenant, voyons quel sera l’effet de ces dispositions par rapport à nos lois. L’honorable procureur-général du Bas-Canada nous a fait un éloge pompeux de notre code civil; il a même it qu’il était infiniment supérieur au code français et à tous les codes connus. (Rires.) On nous dit que nos institutions et nos lois civiles seront pleinement protégées, et que la législature fédérale pourra seulement législater sur les lois des aures provinces, nos lois civiles étant à l’abri de son action. Si cette disposition relative au mariage et au divorce est adoptée, quel en sera l’effet sur nos lois civiles? Le solliciteur- général du Bas-Canada nous dit que le but de cette résolution était de rendre valide dans toute la confédération un mariage contracté dans n’importe quelle province. Il me semble, M. l’Orateur, qu’un homme dans la position de l’hon. député de Dorchester, qui, par rapport à cette même position, a droit de monter sur le banc, et a préséance sur la plupart des membres du barreau du Bas-Canada, n’aurait pas du montrer une ignorance aussi impardonnable de notre droit civil. En regardant à l’article 19, titre 5 du code civil, je lis ce qui suit:—

« Le mariage célébré hors du Bas-Canada entre deux personnes sujettes à ses lois, ou dont l’une seulement y est soumise, est valable, s’il est célébré dans les formes usitées au lieu de la célébration, pourvu que les parties n’y soient pas allées dans le dessein de faire fraude à la loi. »

Ainsi, M. l’Orateur, puisque le mariage d’un Bas-Canadien contracté dans un un autre pays suivant ses lois, est valide dans notre pays, l’explication et l’interprétation données par l’hon. solliciteur-général de la clause relative au mariage et au divorce n’a aucune valeur, et on peut retrancher cette clause des résolutions. (Ecoutez! écoutez!) Si j’ai bien compris cette clause, il sera permis à la législature de décréter une foule de choses sur le mariage: ainsi, elle pourra changer cette partie du code qui a fixé l’âge à laquelle un enfant peut se marier sans le consentement de ses parents; changer la manière de contracter mariage; changer les droits et devoirs des époux l’un envers l’autre; elle pourra aussi affecter notre code civil au titre des obligations, du mariage, des tutelles, de la puissance paternelle, etc., en un mot, dans un grand tiers de ses dispositions. Si c’est là la magnifique protection qu’on prétend devoir être offerte par la constitution nouvelle à nos lois et à nos institutions religieuses et civiles, ou a bien raison de craindre qu’elles seront, un jour ou l’autre, atteintes dans leur vitalité. Maintenant j’attirerai l’attention de la chambre, et surtout des députés canadiens—français, sur la quarante- sixième résolution, qui a trait à l’usage de la langue française dans les législatures fédérale et locale. Elle se lit comme suit:—

« Les langues anglaise et française pourront être simultanément employées dans les délibérations du parlement fédéral ainsi que dans la législature du Bas-Canada, et aussi dans les cours fédérales et les cours du Bas-Canada. »

Si l’on examine attentivement ces résolutions, l’on voit de suite qu’elle n’affirme pas que la langue française sera sur le même pied que la langue anglaise dans les chambres fédérale et locale. En effet, au lieu de « devra » qu’on aurait dû mettre dans cette résolution, en a écrit « pourra, » de sorte que si la majorité anglaise décide que les votes et délibérations ainsi que les bille de ces chambres ne soient imprimés qu’en anglais, rien ne pourra empêcher que sa décision ne soit mise à effet. I1 va sans dire que nous pourrons nous servir de la langue française dans les discussions; […]

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[…] mais, d’un autre côté, il est évident que la majorité pourra décréter, quand elle le voudra, que les bills et les délibérations de nos chambres ne soient pas imprimés en français, et, par conséquent, cette clause ne nous offre aucune garantie, à nous, Canadiens-Français. Je suppose que pour tous les actes ou résolutions de cette chambre, l’on entend donner aux mots la signification qui leur est donnée par la loi du pays, et l’on ne devra point être surpris si, pour expliquer les résolutions qui nous sont soumises, je m’attache à la lettre même de ces résolutions, et si je ne fais pas d’efforts d’imagination pour deviner l’intention de ceux qui les ont rédigées. Le statut provincial, 22, Vic. chap. 29, réglant l’interprétation des statuts, dit:

« Chaque fois que par un acte quelconque il est prescrit qu’une chose sera faite, l’obligation de l’accomplir sera sous-entendue; mais lorsqu’il est dit qu’une chose pourra être faite, de pouvoir de l’accomplir sera facultatif. »

Dans les résolutions qui nous sont soumises, l’on emploie dans la version anglaise le mot « may, » que l’on a traduit en français par le mot « pourront, » et on dit que les langues française et anglaise pourront être simultanément employées dans les délibérations du parlement fédéral ainsi que dans la législature du Bas-Canada, et aussi dans les cours fédérales et les cours du Bas-Canada. Il est donc facile de voir que cette résolution rend l’usage de la langue française excessivement précaire, et que la majorité pourra la proscrire de nos votes et délibérations et de notre législature. Les députés bas-canadiens, qui ont toujours soutenu les ministres du jour, devraient exiger d’eux que l’on affirmât dans les résolutions que la langue française sera sur le même pied que la langue anglaise. La garantie qu’elles nous offrent sous ce rapport n’en est pas une. Je ne suis point le premier qui ait signalé les dangers que courraient nos institutions et nos lois; le Canadien de cette ville les a signalées en maintes et maintes occasions, et l’hon. député de Montmorency lui-même, qui tout dernièrement admettait dans cette chambre qu’il est le rédacteur en chef du Journal de Québec, écrivait ce qui suit dans cette feuille, en date du 18 janvier 1865. Après avoir parlé de la conduite passée des Haut-Canadiens et particulièrement de l’hon. président du conseil (M. Brown) vis-à-vis des Bas-Canadiens il ajoute:—

« Pour le Bas-Canada, il est d’autres questions encore que celle de l’argent: il y a les questions religieuses, sociales et nationales. C’est ici que se trouvent pour le succès du projet, les plus grandes difficultés; mais elles ne sont pas insurmontables, car quelques légers changements dans la lettre— changements qui n’affecteront en rien les intérêts des autres provinces,—feront accueillir la constitution nouvelle par l’immense majorité de la population du pays. Nous pouvons dire, sans crainte, qu’il est prodigieux que la convention ait approché si près de l’équité, après quelques jours de travail seulement et au milieu de tant et d’innombrables obstacles. »

Il me semble, M. l’Orateur, que si l’hon. député de Montmorency a eu raison de dire à l’administration qu’il y avait danger pour notre nationalité et nos institutions et qu’il fallait des changements, nous, députés canadiens-français sommes tenus d’exiger que ces résolutions qu’on nous soumet offrent une protection suffisante pour ces mêmes institutions, et qu’elles ne soient point écrites de manière à donner lieu à deux interprétations Comment la discussion du projet de confédération a-t-elle été conduite dans le Bas-Canada? Le voici: tout 1es journaux ministériels ont d’abord prié et supplié la population de ne pas condamner la mesure avant de la connaitre; ils ont crié bien haut que le gouvernement avait besoin d’être laissé tranquille pour élaborer son projet; puis, quand le projet a été livré à la publicité, ces mêmes journaux ont déclaré que bien certainement il devait être amendé dans certaines parties avant d’être adopté par le pays, et qu’ils seraient les premiers à demander ces changements qui, d’ailleurs, seraient facilement obtenus de l’administration, sinon, qu’ils les rejetteraient comme dangereux pour le Bas-Canada. Il n’est pas même jusqu’a la Minerve qui n’ait fait ces admissions. On a dit: le gouvernement ne fera pas une question ministérielle de l’adoption du projet tel qu’il est; on pourra le discuter, et, si on y découvre quelque danger pour nos institutions religieuses et nationales, on pourra le faire disparaître en l’amendant. Il y a même plus. Au commencement de la discussion du projet, le procureur-général du Haut-Canada lui-même a déclaré dans cette enceinte que les députés pourraient proposer des amendements et que la chambre en disposerait. Eh bien! qu’a-t-on vu depuis? On a vu ce même ministre venir déclarer que le projet devait être accepté tel qu’il se trouvait, et que le gouvernement ne permettrait aucun amendement. Est-ce là une conduite de nature à nous donner confiance dans le projet et dans l’administration qui le propose?

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J’en appelle aux membres bas- canadiens, et je leur demande s’ils sont prêts à ratifier par leur verdict une conduite aussi inexcusable de la part du gouvernement, et s’ ils ne doivent pas insister pour qu’il nous donne plus de garanties pour nos institutions religieuses et nationales. (Ecoutez! écoutez!) J’espère que les députés canadiens-français seront à la hauteur de leur devoir et qu’ils insisteront pour que le gouvernement déclare dans ces résolutions que toute les choses qui nous sont chères soient à l’abri des attaques de nos adversaires. Toute fausse interprétation doit être enlevée de ces résolutions. Si, comme on le dit, notre langue sera amplement protégée sous le nouveau régime, je ne vois pas pourquoi on ne le statuerait pas en toute lettre dans la constitution. Les explications de l’hon. soliciteur-général du Bas-Canada (M. LANGEVIN) sont bien belles et bonnes; mais elles ne suffisent pas, et je leur préfère une déclaration écrite dans la constitution même qui statuer formellement que ces choses ne pourront être touchées par aucune législation du gouvernement fédéral. (Ecoutez! écoutez!) Je demande pardon aux députés anglais d’avoir été obligé d’exiger du gouvernement de plus amples garanties pour nos institutions religieuses et nationales; mais j’espère qu’ils comprendront que ce n’est pas par esprit d’hostilité contre leurs propres institutions, et que les mêmes motifs qui leur font demander de plus amples garanties pour leurs nationaux, en minorité dans le Bas-Canada,— garantie réclamée l’autre soir par l’hon. député de Montréal-Centre (M. ROSE),—me font aussi demander la même chose pour mes compatriotes. (Ecoutez! écoutez!)

L’Hon. Sol.-Gén. Langevin—Mon hon. ami voudra bien me permettre de lui donner une courte explication. Il a dit qu’il espérait que le gouvernement et les députés de ce côté-ci de la chambre admettraient qu’il avait voulu défendre les intérêts religieux et nationaux du Bas-Canada. L’hon. député de Verchères n’a pas besoin d’avoir de crainte à ce sujet: car on doit toujours supposer—et il n’est pas un hon. membre de ce coté-ci qui ne partage ces sentiments— que toute opinion exprimée dans cette enceinte par les messieurs de l’opposition relativement à ces questions qui touchent à notre nationalité et à notre religion, est franche, et sincère. Nous croyons donc qu’en s’exprimant comme il l’a fait, l’hon. député de Verchères a été sincère et franc. Cependant, je me permettrai de lui répondre sur deux points. La première question est celle du mariage. L’hon. député n’a pas cité toute la partie de mon discours qui a trait au mariage; il s’est contenté d’en citer la première partie, mais il aurait dû citer la seconde, qui est comme suit:

« Le fait est que le tout consiste en ceci: que le parlement central pourra décider que tout mariage contracté dans le Haut-Canada, ou toute autre province confédérée, d’après la loi du pays où il aura été contracté, quand bien même cette loi serait différente de la nôtre, serait considéré comme valide dans le Bas-Canada, au cas où les conjoints viendraient y demeurer, et vice versa. »

Ceci n’était qu’un développement de ce que j’avais dit, etje déclarais plus loin que l’interprétation que j’avais donnée du mot mariage était celle du gouvernement et de la conférence de Québec, et que nous voulions que la constitution fût rédigée dans ce sens. L’hon. député de Verchères a cité la partie du projet de code civil et dit qu’un article porte qu’un mariage contracté dans n’importe quelle province suivant les lois du pays où il aura été contracté, sera valide dans n’importe quel pays du monde, et il déduit de cela que puisque le code civil le déclarait, nous n’avions pas besoin de le mettre dans les résolutions. Mais l’hon. député devrait savoir que cette partie du code peut être rappelée un jour ou l’autre, et que si cela arrivait les conjoints mariés sous les circonstances précitées n’auraient plus la protection qu’ils ont aujourd’hui et que nous voulons leur assurer par la constitution. Je maintiens donc qu’il était essentiel d’insérer le mot « mariage » comme il l’a été dans les résolutions, et qu’il n’a pas d’autre signification que celle que je lui ai donnée au nom du gouvernement et de la conférence; ainsi, l’hon. député de Verchères n’avait aucune raison de dire que la législature fédérale pourrait changer la partie du code civil qui fixe l’âge à laquelle l’enfant pourra se marier sans le consentement de ses parents. Un autre point sur lequel l’hon. député de Verchères a insisté sans doute pour avoir des éclaireissements, que je serai content de lui donner si cela peut le faire voter pour les résolutions,—et j’ai la conviction qu’ils devront le satisfaire,— c’est celle de la langue française sous la confédération. La quarante-sixième résolution se lit comme suit:

« Les langues anglaise et française pourront être simultanément employées dans les délibérations […]

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[…] du parlement fédéral ainsi que dans la législature du Bas-Canada, et aussi dans les cours fédérales et les cours du Bas-Canada. »

L’hon. député de Verchère a dit qu’il est vrai qu’on pourra discuter les questions en langue française dans le parlement fédéral et dans la législature du Bas-Canada, ainsi que dans les cours de justice de la confédération, mais que la rédaction de la résolution n’affirmait pas que cette langue pourrait être employée dans la rédaction des lois et des votes et délibérations des législatures fédérale et locale. Eh bien! M. l’Orateur, je suis certain que l’hon. député de Verchères apprendra avec bonheur qu’il a été parfaitement entendu à la conférence de Québec que la langue française ne serait pas seulement parlée dans les cours de justice et dans le parlement fédéral et le parlement local du Bas-Canada, mais que de même qu’aujourd’hui les votes et les délibérations de ces législatures, ainsi que toutes les lois fédérales et de la législature du Bas-Canada, seront imprimées dans les deux langues. Il y a même plus: la langue française sous la confédération sera parlée devant les tribunaux fédéraux, avantage que nous n’avons pas aujourd’hui quand nous avons à nous présenter devant les cours d’appel de la Grande-Bretagne. Ainsi donc, l’hon. député de Verchères, de même que cette hon. chambre, devront être heureux de voir que ses représentants à la conférence de Québec n’ont point failli à leur devoir sur ce point Ce sont les principes sur lesquels sera basée la nouvelle constitution, et je ne crois pas trop dire en prétendant qu’il était impossible de garantir davantage ce privilége essentiel de notre nationalité, ainsi que nos institutions civiles et religieuses. Je tenais à donner cette explication à l’hon. député de Verchères ainsi qu’à cette hon. chambre, et j’ai confiance qu’elles satisferont pleinement le pays. (Ecoutez! écoutez!)

M. Geoffrion—L’hon. député de Dorchester (le Sol.-Gén. LANGEVIN) nous a expliqué que l’intention des membres de la conférence de Québec avait été que non seulement la langue française serait en usage dans la législature fédérale et le parlement local du Bas-Canada, ainsi que devant les tribunaux du pays, mais que ce serait un droit garanti par la constitution aux populations françaises sous la confédération. Cet hon. ministre nous a aussi dit que le mot « mariage » inséré dans les résolutions ne veut pas dire autre chose que ce qu’il a expliqué a la chambre dans son discours, et que nous devions être heureux que les représentants de la population française à la conférence aient ainsi garanti ses institutions civiles et religieuses. Pour ma part, M. l’Orateur, j’avoue que je ne puis comme lui apercevoir cette magnifique protection qu’il nous a vantée. Si les résolutions maintenant devant la chambre veulent dire quelque chose, on ne peut trouver cette signification que dans la lettre même de ces résolutions. Il sera toujours loisible à une majorité anglaise de se servir de la lettre de la constitution et de venir nous dire: cela ne sera pas; nous ne le voulons pas, et la constitution ne vous garantit pas droits que vous prétendez qu’elle vous confère. Et elle pourra d’autant plus facilement le faire, que les résolutions n’affirment pas que ces choses seront inattaquables. S’il y a eu à ce sujet dans la conférence une autre entente que celle qui apparait dans les résolutions, la chambre devrait en être saisie avant d’être appelée à voter sur ces résolutions; car si l’intention des conférendaires est telle que le dit l’hon. solliciteur-général pour le Bas-Canada, et qu’elle soit suivie, la chambre est exposée à ce que, sur toute autre résolution, l’intention soit également contraire à ce qui est écrit et qu’elle soit suivie. Les résolutions devront être interprétées telles qu’elles sont, sans égard a l’intention des conférendaires, et à cause de cela, je ne puis m’empêcher de déclarer que les Canadiens-Français commettraient une bien inexcusable imprudence en adoptant une résolution qui dit que la législature fédérale aura le droit de législater sur le mariage et le divorce, et qui dit tout simplement que la langue française pourra être employée dans la législature fédérale. La députation française, je le répète, devrait exiger que l’on remplaçât le mot « pourra » par le mot « devra » dans la résolution qui a trait à cette matière, pour la publication des procédés de cette législature. Si on n’agit pas ainsi et si on ne s’entoure pas de toutes ces précautions, tôt ou tard la majorité anglaise dans le parlement fédéral pourra proposer et obtenir que les lois ne soient imprimées qu’en anglais; et si nous nous contenons de l’entente dont nous a parlé l’hon solliciteur-général du Bas-Canada, on pourra nous répondre, quand nous voudrons nous opposer à cette injustice: « Il fallait prendre et exiger de plus amples garanties, et vous deviez voir à ce que la constitution fût plus […]

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[…] explicite et plus précise sur ce point. » Et nous aurons rien à répondre à cela! Il faudra nous résigner; il nous faudra subir toutes les restrictions que la majorité pourra nous imposer. Je maintiens donc que la députation canadienne—française de cette chambre devrait exiger du gouvernement que cette entente entre les conférendaires fit partie de la constitution, et que les garanties qu’on nous dit être octroyées par la constitution fussent plus explicitement exprimées qu’elles ne le sont dans les résolutions. Si nous votons ces résolutions telles qu’elles sont, nous voterons sans avoir exactement quelle est la nature des garanties qu’elles nous offrent. (Applaudissements.)

M. Rémillard M. le PRÉSIDENT:— La question d’une un on fédérale des provinces britanniques de l’Amérique du Nord est si importante qu’elle occupe en ce moment non-seulement cette hon. chambre, mais le monde politique presque tout entier. Je crois donc qu’il est du devoir de ceux auxquels elle est soumise de faire connaître, chacun à sa manière, les raisons qui les engageront à adopter ou rejeter cette union. Quand pour la première fois, en 1861, le comté de Bellechasse me faisait l’honneur de m’envoyer ici comme son représentant, j’étais bien loin de m’attendre à être appelé, au commencement de 1865, à prendre part à la discussion d’une semblable mesure, dont dépend, suivant moi, tout notre avenir. Les choses vont si vite dans ce siècle de progrès de tout genre, qu’il ne faut pas s’étonner si on nous propose aujourd’hui d’envisager la position politique de notre jeune pays. Je l’avouerai de suite, M. le PRÉSIDENT, cette position ne m’a pas paru enviable depuis quelques années. En effet, qu’avons-nous vu en politique? Nous avons vu dans cette enceinte des scènes regrettables et souvent répétées, des luttes acharnées et incessantes parmi nos hommes d’Etat au sujet de certaines difficultés sectionnelles qui ont besoin d’être réglées à l’amiable, si nous voulons éviter pour plus tard des troubles sérieux; nous avons vu des ministères se succéder presque tous les six mois, des ministères accusés tous les jours—et avec raison dans bien des cas—de s’être rendus coupables d’actes de corruption pour prolonger leurs faible existence. Nous avons vu au dehors des journaux remplis d’attaques personnelles et d’injures de toutes sortes, des élections générales tous les ans, remportées dans bien des comtes par la fraude et l’exploitation de misérables préjugés. (Ecoutez! écoutez!) Le peuple en était rendu à croire que c’est chose méritoire pour le ciel que de calomnier un député ou un candidat et de lui faire perdre la bonne réputation qu’il s’était acquise quelquefois par bien des sacrifices. (Ecoutez! écoutez!) Les honnêtes gens ne peuvent éprouver que du dégoût pour une semblable politique, ennemie de tout patriotisme et dangereuse pour nos institutions. Le peuple canadien, intelligent, courageux et brave, est appelé à jouer un rôle plus noble et plus digne que celui-là. C’est à nos hommes d’ Etat, à quelque partis qu’ils appartiennent, à lui fournir la carrière qui lui convient, sans s’occuper des préjugés ni des opinions données à une autre époque et dans d’autres circonstances. (Ecoutez! écoutez!) Nous surtout, Canadiens- Français, si nous voulons continuer de jouir, au milieu des peuples divers qui habitent cette vaste Amérique, des institutions qui nous ont été précieusement conservées, auxquelles nous tenons plus qu’à la vie, nous avons besoin de chercher des alliances avec les habitants des autres provinces britanniques de l’Amérique, avec lesquelles nous avons des intérêts communs, qui auront les mêmes ennemis que nous à repousser en cas d’invasion, et qui, comme nous, ont l’avantage d’être sous la protection de la Grande-Bretagne. Dans un temps où nous sommes, pour ainsi dire, menacés par les Etats-Unis, serions- nous assez insensés pour mépriser les conseils qui nous viennent de la Grande-Bretagne, sans laquelle nous ne pourrions rien pour notre protection, et de prétendre sérieusement que nous pouvons sans danger faire manquer l’union fédérale que nous discutons, dans le projet de laquelle nos hommes d’Etat ont eux-mêmes fait accepter les conditions qu’ils ont cru être les plus équitables pour sauvegarder les plus chers intérêts de tous? Si nous en agissions ainsi, nous connaîtrions bien mal notre position vis-à-vis de l’Angleterre et, des Etats-Unis, nos redoutables voisins. Les hommes distingués de la conférence tenue à Québec, dans le mois d’octobre dernier, l’ont dit unanimement: « Une union fédérale sous la couronne de la Grande- Bretagne, aurait l’effet de sauvegarder les intérêts les plus chers et d’accroître la prospérité de l’Amérique Britannique du Nord, pourvu qu’elle puisse s’effectuer à des conditions équitables pour les diverses provinces. » Les hommes les plus éminents en Angleterre ont répété la même chose et approuvé le […]

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[…] projet de la conférence. Je n’entreprendrai pas, M. le PRÉSIDENT, de discuter les différents articles qui se trouvent dans le projet d’union; les hon. députés qui m’ont précédé dans cette discussion ont dit, suivant moi, tout ce qui peut être dit sur chacun de ces articles. D’ailleurs, les écrits savants et bien pensés qui ont été publiés en cette ville, dans le Journal de Québec et le Courrier du Canada, n’ont pas moins contribué à faire connaître ce projet que les nombreux discours qui ont été prononcés dans cette chambre. Malgré la bonne opinion que j’ai de quelques-uns des hon. députés qui ont essayé de prouver à cette chambre et au pays que l’union proposée serait plus funeste qu’avantageuse aux diverses provinces qui y sont concernées, je dois avouer que leur raisonnement ne m’a pas convaincu—je dirai même qu’il ne m’a pas paru convainquant. (Ecoutez! écoutez!) L’hon. député de Lotbinière, par exemple, en qui j’ai confiance, il le sait, et avec lequel je regrette infiniment de différer d’opinion sur une mesure aussi importante, ne veut aucun changement dans notre constitution actuelle. Il trouve que tout a été pour le mieux. Voici ce qu’il nous dit dans son éloquent discours:

« Ne nous laissons pas éblouir par l’ambition de devenir tout d’un coup un grand peuple! Les Etats-Unis sont un grand peuple, mais quel est le peuple, quelque petit qu’il soit, qui envie aujourd’hui leur grandeur? Contentons-nous de notre sort; peu de peuples en ont un meilleur. »

Je suis de l’avis de mon hon. ami jusqu’à un certain point. Comme lui, je n’envie pas le sort des Etats-Unis, mais je diffère d’avec lui sur le moyen à prendre pour nous protéger contre nos adversaires, même contre les Etats-Unis, et pour conserver notre nationalité. L’hon. député, pour prouver que l’union proposée serait un mal, nous a cité l’extrait suivant de l’ouvrage de lord BROUGHAM, sur la Philosophie Politique:

« L’union fédérale, en conservant une ligne de démarcation entre ses différents membres, encourage au plus haut degré la croissance de tous ces préjugés pernicieux que tout gouvernement doit regarder comme son premier devoir de déraciner, puisqu’ils conduisent directement à l’anarchie et à la guerre civile. »

Je puis être dans l’erreur, mais il me semble que cet extrait de l’ouvrage de lord BROUGHAM n’est pas tant contre une union fédérale comme celle qui nous est proposée que contre la situation actuelle des Cana diens-Français. En effet, il y a une ligne de démarcation bien marquée dans cette province entre les habitants du Haut-Canada et ceux du Bas-Canada. C’est cette ligne de démarcation-là même qui a occasionné les difficultés sectionnelles que nos hommes d’Etat ont entrepris de régler à l’amiable. Les chefs de l’opposition eux-mêmes ont entrepris de régler les difficultés d’une manière bien moins avantageuse pour le Bas-Canada. Si donc l’opinion de lord BROUGHAM devait faire autorité ici, il serait du devoir du gouvernement de cette province de faire disparaître cette ligne de démarcation dont je parle, entre les habitants du Haut-Canada et ceux du Bas-Canada. Ce n’est pas cela, j’en suis sûr, que désirerait mon hon. ami. (Ecoutez! écoutez!) En parlant des sept provinces unies (maintenant la Hollande et la Belgique), l’hon. député de Lotbinière a lu l’extrait suivant de lord MACAULAY:—

« L’union d’Utrecht, construite à la hâte, au milieu des convulsions d’une révolution dans le but de faire face aux exigences du moment, n’avait jamais été pesée avec calme, ni perfectionnée dans une époque de tranquillité. Chacune des sept provinces que cette union réunissait en un seul faisceau conservait presque tous les droits de souveraineté et exigeait du gouvernement fédéral le respect absolu de ces droits. »

C’est tout ce que l’hon. député nous a cité de lord MACAULAY. Comme on le voit, M. le PRÉSIDENT, cet auteur n’est pas contre une union fédérale; il démontre seulement d’où venaient les vices de l’union d’Utrecht. Cette union avait été faite à la hâte, au milieu d’une révolution, dans le but de faire face aux exigences du moment. Mais notre projet d’union a été pesé avec calme, dans un temps de tranquillité,—tranquillité qui nous vient indubitablement du gouvernement de coalition actuel. Donc, l’auteur qui vient d’être cité ne démontre qu’une chose: c’est que nous aurions tort d’attendre les convulsions d’une révolution ou d’une invasion pour discuter les bases d’une union fédérale. (Ecoutez! écoutez!) L’hon. député de Lotbinière a donné à entendre que le plus sûr moyen de gagner l’amitié des provinces maritimes, de conserver leur sympathie, leur zèle en cas d’attaque, était de n’avoir pour ainsi dire rien de commun avec ces provinces. Je crois, au contraire, que le Bas-Canada gagnerait à se faire connaître davantage, à faire connaître l’esprit de justice et de libéralité de ses habitants, et ses institutions telles qu’elles sont. La […]

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[…] meilleure entente ne règne-t-elle pas parmi les habitants des différentes origines, dans toutes les classes de la société? Nous constatons tous les jours avec plaisir, — et je le dis avec bonheur, — que le Bas-Canada a beaucoup gagné dans l’esprit des hon. députés du Haut-Canada, depuis qu’ils leur a été donné de séjourner au milieu de nous, de voir par eux-mêmes ce que sont nos institutions, et ce que nous sommes nous-mêmes. (Ecoutez!) J’espère que mon hon. ami, le député de Lotbinière, me pardonnera si je prends la liberté de discuter encore quelques instants certaines parties de son discours, mais je tiens beaucoup à lui faire voir que je l’ai écouté avec attention et que s’il ne m’a as convaincu, ce n’est pas ma fant. Pour nous mettre en garde contre l’union proposée, l’hon député nous a fait jeter un coup-d’œil rapide sur l’histoire de l’ancienne Grèce, pour nous montrer la haine que l’Athénien portait au Spartiate. Il craint sans doute que cette haine, si l’union a lieu, ne se manifeste entre l’habitant du Bas-Canada et celui de l’Ile de Terreneuve ou de l’Ile du Prince-Edouard. Il nous a fait voyager aussi à travers diverses contrées où il nous a fait voir des insurrections fréquentes, des échauffourées et des troubles de toutes sortes chez des peuples vivant sous le régime d’unions fédérales, et il en conclut que les unions fédérales sont mauvaises et pernicieuses. Mais l’hon. député nous a-t-il montré que la situation politique de ces peuples, avant leur union, fût analogue à la nôtre? Nous a—t—il montré que la base de ces unions fédérales fût semblable à la base de celle que nous projetons? Ces unions ont-elles fait passer ces peuples de l’état de prospérité, de tranquillité et de bonheur, à l’état où on a bien voulu nous les représenter? Etaient-ils situés comme nous le sommes? Avaient-ils les mêmes penchants, les mêmes goûts, les mêmes antécédents que nous? Tiraient-ils comme nous leur origine des deux plus sages, des deux plus grandes nations du monde? Comme nous, enfin, avaient-ils la couronne d’Angleterre pour les protéger? Non, ils n’avaient aucun des avantages que nous possédons, et la comparaison n’était pas possible (Ecoutez! écoutez!) D’ailleurs. M. le PRESIDENT, ne suffit-il pas d’un coup-d’oeil sur l’histoire de tous les pays pour y voir partout, sous toutes les institutions possibles, non seulement des échauffourées mais bien des guerres fréquentes et des révolutions sanglantes et pleines d’horreur? Les constitutions de l’Angleterre et de la France n’ont- elles as été arrosées par des ruisseaux de sang? Tous ces raisonnements et tous ces arguments de l’hon. député de Lotbinière ne s’appliquent donc pas à la question qui nous est soumise, et ne sont pas de nature à changer l’opinion de ceux qui sont en faveur d’une union fédérale de toutes les provinces de l’Amérique Britannique du Nord. (Ecoutez!) J’en reviens maintenant a certaines objections présentées par d’autres hon. députés de l’opposition contre le projet actuel du gouvernement. Ainsi, ils nous ont parlé du divorce et ont essayé de nous faire voir qu’il y aurait de grands inconvénients à laisser au parlement fédéral le droit de législater sur le divorce. Mais ils ne remarquent pas ne par ce moyen les députés du Bas-Canada, c’est-à-dire la législature locale du Bas-Canada, n’aura pas à s’occuper de ces questions, et qu’il vaut mieux les laisser à une législature a la majorité de laquelle on ne peut pas refuser le droit de s’en occuper. Aujourd’hui, tous les députés catholiques du Bas-Canada sont opposés au divorce par raison et par conscience, et cependant, même dans la législature actuelle, ils ne peuvent pas l’empêcher. Pourquoi donc accuser le gouvernement de n’avoir pas empêché dans le parlement fédéral ce qu’il ne peut pas même empêcher ici?

L’Hon. M. Laframboise Il pouvait empêcher le divorce dans le Bas-Canada.

M. Rémillard—A-t-il jamais été bien facile dans le Bas-Canada d’imposer des lois aux Anglais de cette province et de les empêcher d’obtenir ce qu’ils considèrent comme un droit? Non; c’eût été une injustice que de vouloir imposer nos opinions sur ce sujet a la population anglaise et protestante du Bas-Canada, et si on eût essayé de le faire, la confédération n’aurait peut-être pas pu avoir lieu, parce que la majorité des membres de la convention aurait soutenu leurs prétentions, et cela eût suffi pour empêcher la confédération. (Ecoutez! écoutez!) Il ne faut pas faire un crime au gouvernement d’avoir permis à la législature fédérale de législater sur les sujets sur lesquels nous avons nous-mêmes le droit de législater. Pour ma part, M. le PRESIDENT, je ne me suis pas occupé de cette question pour juger le plan de confédération. J’ai assez de confiance dans le clergé pour admettre que sur cette question c’est lui qui est le meilleur juge et qui delt décider s’il […]

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[…] y a danger ou non; et il n’y a pas de doute que les évêques et le clergé se sont consultés sur cet article, et qu’ils en sont venus à la conclusion que c’était un mal qu’il n’y avait pas moyen d’empêcher. L’hon. député de Verchères (M. Geoffrion) a prétendu qu’il fallait dire clairement dans es résolutions quelles étaient les intentions des membres de la conférence à propos du mariage et du divorce, afin que le gouvernement impérial ne puisse pas nous imposer une constitution autre que celle que nous demandons. Eh bien! j’ai plus de confiance que lui dans la parole de nos hommes publics et dans la justice du gouvernement impérial. Nos hommes d’Etat ayant fait un compromis et demandé une constitution pour les provinces de l’Amérique Britannique du Nord, qui doit faire disparaître les difficultés qui existent dans la province, peut-on croire un instant que quand ce projet—qui a pour but de rétablir l’harmonie, l’accord et la paix dont nous avons besoin—sera porté en Angleterre, en y insèrera une clause qui soulèverait les Bas-Canadiens en masse? C’est alors que nous verrions pleuvoir les pétitions devant la chambre, ayant en tête les signatures des chefs du clergé, pour réclamer contre cette injustice; c’est alors que l’on verrait de véritables pétitions contre cette atteinte à nos droits religieux. Si l’on menaçait ainsi nos institutions, le peuple du Bas-Canada se ferait justice à lui-même si on la lui refusait, et nous n’aurions plus cette aix qui règne aujourd’hui en Canada entre les populations d’origine et de croyance différentes, parce que le peuple est sans inquiétude. (Ecoutez! écoutez!) J’ai assez de confiance dans le clergé et les évêques du Bas-Canada pour croire que si cette clause, sur laquelle on insiste tant, devait nuire à nos intérêts religieux, ils sauraient réclamer énergiquement et nous faire rendre justice. Nos évêques n’ont pas l’habitude de craindre l’autorité civile lorsque leur devoir les appelle à défendre les intérêts qui leur sont confiés. (Ecoutez! écoutez!) On dit encore que le clergé n’est pas en faveur du projet de confédération, parce que deux ou trois de ses membres ont écrit dans les journaux et ont signé des pétitions hostiles au projet. Mais est-ce bien la la manifestation de l’opinion du clergé? Non, car ils n’écrivent pas au nom du clergé, mais seulement en leur qualité de citoyens,—et ils signent leurs écrits de leur titre de citoyen. Certains membres du clergé peuvent bien différer d’opinion avec le reste de leurs confrères; comme citoyens, ils peuvent croire que le projet de confédération est mauvais, mais c’est certainement le petit nombre,—comme dans la chambre c’est le petit nombre des membres qui sont opposés à la confédération. (Ecoutez! écoutez!) On parle aussi de l’usage de la langue française; on dit qu’on ne pourra pas la parler dans le parlement fédèral. Mais, pour ma part, je pense que si le projet est adopté, la langue française sera plus en usage et plus considérée dans le parlement fédéral qu’elle ne l’a été dans cette législature depuis quelques années. On craint que les lois, les documents et les délibérations du parlement fédéral ne soient pas imprimés en français. Mais que dit la clause 16 des résolutions? Elle dit:—

« Les langues anglaise et française pourront être simultanément employées dans les délibérations du parlement fédéral ainsi que dans la législature du Bas-Canada, et aussi dans les cours fédérales et les cours du Bas-Canada. »

Ainsi, si l’on peut exclure l’usage de la langue française, on pourra aussi exclure l’usage de la langue anglaise, car toutes deux sont sur un pied d’égalité parce que l’on ne dit pas que les lois et les délibérations du parlement fédéral seront imprimées en français, on en conclut qu’elles le seront en anglais; mais on pourrait dire la même chose pour l’anglais, puisqu’il n’est pas dit qu’elles seront imprimées dans cette langue. L’hon. député de Verchères (M. Geoffrion) voudrait avoir quelque chose de plus, et qu’au lieu de dire dans les résolutions que la langue française pourra être employée, l’on devrait dire qu’elle devra être employée. Dans ce cas on pourrait forcer les membres du Bas-Canada à parler français, mais forcera-t-on aussi les membres du Haut-Canada à parler cette langue, eux qui n’en comprennent pas un mot? Je serais avec l’hon. député de Verchères si l’on pouvait forcer les députés bas-canadiens à parler français et ceux du Haut-Canada à parler anglais; de cette manière, ils apprendraient mutuellement les deux langues. Je pense bien que si l’hon. procureur-général du Bas-Canada avait toujours parlé français dans cette chambre, les députés du Haut-Canada auraient appris cette langue pour la comprendre, mais comme il veut se faire comprendre sans leur donner ce trouble, il parle le plus souvent en anglais. (Ecoutez! écoutez!) On dit que l’on n’exprime pas assez clairement, dans ces résolutions, les garanties que nous voulons avoir pour notre […]

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[…] langue nos lois et nos institutions, et que le gouvernement impérial pourra nous donner, en conséquence, autre chose que ce que nous demandons. Mais est-ce que le gouvernement impérial ne pourrait pas nous imposer la confédération comme il nous a imposé l’union? Et puisqu’il ne le fait pas et qu’il veut seulement être consulté, nous ne devons pas croire qu’il nous imposera des conditions contraires à nos intérêts.

L’Hon. M. Laframboise—On veut l’imposer aux provinces d’en-bas, qui n’en veulent pas.

M. Rémillard —Certains députés trouvent notre position actuelle excellente et ne voulent pas la changer, disent—ils. Mais ce n’est pas la l’opinion du plus grand nombre, et presque tous les membres de l’opposition ont déclaré que des changements étaient indispensables et nécessaires. L’hon. député d’Hochelaga l’a reconnu et a fait connaître son opinion sur ce point. Lorsque j’ai supporté l’administration Macdonald- Dorion, j’ai compris que ses membres étaient d’avis que des changements étaient nécessaires et qu’on ne pouvait pas rester très longtemps dans notre position actuelle. L’hon. député d’Hochelaga a admis qu’il fallait respecter l’opinion du Haut-Canada et qu’il fallait lui accorder la représentation basée sur la population, et l’influence du Haut-Canada s’est fait sentir sur le gouvernement Macdonald-Dorion. Elle s’est fait sentir surtout lorsqu’à la veille des dernières élections générales, il a fallu mettre l’hon. M. Sicotte hors du ministère pour satisfaire le Haut-Canada. Par le moyen de M. Sicotte, on avait fait des élections assez avantageuses pour renverser le gouvernement Cartier- Macdonald, contre lequel j’étais parce que je voulais voir faire une coalition entre les partis et parce que je trouvais que ce gouvernement avait employé trop libéralement les deniers publics. Mais je prévoyais que tôt ou tard je reviendrais au parti conservateur, dont je m’étais séparé à cause de la conduite extravagante de deux ou trois de ses chefs, et en conséquence j’ai fait mon éléction alors sans le secours d’aucun parti. J’ai lutté seul contre le parti conservateur dans mon comté. J’ai été fidèle aux amis avec lesquels je marchais dans le temps, et je ne regrette pas d’avoir marché avec eux; tant qu’ils ont eu besoin de moi je les ai appuyés, afin de leur permettre de profiter des circonstances pour amener un changement dans les affaires financières du pays. Je n’ai pas voulu changer de parti alors; mais les choses et les circonstances ayant changé, j’ai consulté mes amis dans le comté que je représente, et j’ai alors pu marcher avec les hommes que je crois capables de protéger et de conserver nos institutions et les intérêts du pays en général. C’est pour cela que je suis prêt à accepter le projet de confédération préparé par eux,—car j’ai plus de confiance pour la conservation de nos droits et de nos institutions dans les hommes du pouvoir que dans ceux avec lesquels j’ai marché autrefois. (Ecoutez! écoutez!) Je ne puis faire autrement que de le déclarer. Je ne veux insulter personne; je dis seulement les raisons qui m’ont porté à marcher avec eux, et comme je vois qu’il faut toujours être pour un parti ou pour un autre dans cette chambre, c’est-à-dire pour celui qu’on croit être le meilleur, je n’hésite pas à dire mon opinion et à me déclarer en faveur du parti conservateur. (Ecoutez! écoutez!) J’avais l’intention de répondre au discours de l’hon. député de Richelieu (M. Perrault), mais je m’aperçois que les idées me viennent difficilement, et, d’ailleurs, je ne veux as ennuyer la chambre plus longtems.

Plusieurs Voix—Continuez! continuez!

M. Rémillard—Eh bien! j’ai entendu avec peine l’hon. député de Richelieu parler comme il l’a fait. Si quelqu’un répétait en anglais ce qu’il a dit en français, je craindrais beaucoup qu’il ne soulevât les préjugés des députés anglais contre nous. (Ecoutez! écoutez!) L’année dernière, il disait aux députés du Haut-Canada: « Les Canadiens-Français apprennent les armes, et si vous insistez pour avoir la représentation basée sur la population, vous les aurez contre vous; » et, cette année, il dit qu’un Bas-Canadien peut lutter contre dix Haut- Canadiens. Il se trouve heureux d’être abrité par le drapeau anglais, et cependant tout son discours n’a été qu’une insulte au gouvernement anglais. (Ecoutez! écoutez!) Il oublie donc que les Canadiens—Français sont en minorité?—Il a beaucoup parlé des grands hommes qui ont sauvé notre nationalité; mais si ces hommes s’étaient servi du langage de l’hon. député, ils n’auraient pas obtenu ce qu’ils ont obtenu. (Ecoutez! écoutez!) Notre nationalité aurait disparu depuis longtemps, car, je le répète, son discours n’a été qu’une insulte à l’Angleterre et aux Anglais. Son discours, heureusement, n’a pas été compris par les députés […]

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[…] anglais de cette chambre, et par conséquent il n’a pu faire aucune impression sur eux; et ceux qui l’ont compris, d’ailleurs, savaient qu’il parlait pour lui-même seulement, et qu’il ne représentait pas l’opinion des députés ni du peuple du Bas-Canada. Je suis donc convaincu qu’ils n’en voudront pas aux Canadiens-Français à cause de ce discours. (Ecoutez! écoutez!) L’on a dit que le projet de confédération allait être la cause de l’imposition de taxes énormes, et qu’il nous faudrait pourvoir à la défense du pays. Cependant, la plupart des hon. députés qui s’opposent à ce projet admettent qu’il faut pourvoir à la défense du pays, ou au moins fournir notre quotepart. Le gouvernement, actuellement, à le droit de présenter un bill de milice ou de défense, et les députés peuvent l’accepter ou le rejeter s’il est trop onéreux pour nous,— et en serait—il autrement dans le parlement fédéral? Nous ne perdrons rien avec la confédération sous le rapport de la défense, car nous aurons des alliés qui nous aideront à économiser et à empêcher l’adoption de toute mesure qui serait au-dessus des forces du pays, car le peuple des autres provinces n’aime pas plus les taxes que celui du Bas-Canada. On sait parfaitement que notre position ne serait que plus avantageuse sous la confédération par rapport, à la défense, car si les Etats-Unis attaquaient les provinces anglaises, ils attaqueraient toutes les provinces ensemble; mais ils commenceraient probablement par attaquer le Canada, parce qu’ils s’occupent plus du Canada que des provinces d’en-bas. Dans un cas de difficultés entre l’Angleterre et les Etats-Unis, le fardeau de la guerre retomberait sur nous, car nous serions attaqués les premiers il est donc de notre intérêt de pouvoir recevoir de l’aide des provinces maritimes, et de pourvoir transporter les secours qu’elles nous enverraient et que nous cherrait l’Angleterre, par chemin de fer. Sous le rapport de la défense, je crois que le Bas-Canada se trouverait à occuper la position la plus avantageuse dans la confédération, étant placé au centre des provinces. (Ecoutez! écoutez!) Sous le rapport matériel, nous ne pourrions ne profiter et progresser. Il n’y a ne es annexionistes du district de Montréal qui ont peur de la confédération. En effet, le district de Montréal fait toutes ses affaires commerciales avec les Etats-Unis; mais si nous ne voulons pas nous annexer aux Etats-Unis, et si nous voulons conserver les insti tutions que nous chérissons tant, je prétends qu’il faut former une confédération qui soit capable de nous protéger contre les Etats-Unis. Si nous ne voulons rien faire pour montrer à l’Angleterre que nous somme disposés à améliorer notre position par rapport à la défense des provinces de l’Amérique Britannique du Nord, nous nous exposons à voir l’Angleterre en retirer ses forces et nous abandonner, parce qu’elle ne peut pas faire la lutte seule contre les Etats-Unis. Avec nous, elle serait sûre de la victoire. (Ecoutez! écoutez!) Nous devons donc faire une constitution qui établira des relations entre toutes les provinces de manière à n’en faire qu’un seul Etat et un seul peuple qui s’unisse dans un cas de guerre. Nous pouvons changer notre constitution sans changer nos institutions; et je prétends que plus le gouvernement sera monarchique, plus nos institutions seront en sûreté, car dans ces institutions c’est surtout l’esprit monarchique qui domine. C’est parce que nous avons toujours été en paix que ces institutions ont grandi et prospéré. Si l’Angleterre abandonnait ses colonies, les Etats-Unis s’empareraient de nous, et nous disparaîtrions bientôt, car la constitution américaine n’est pas suffisante pour protéger nos institutions. Les citoyens des Etats-Unis auraient peu de respect pour ces institutions, et la loi ne serait pas assez forte pour empêcher la masse de se répandre au milieu de nous et de nous enlever ce qui nous est le plus cher. (Ecoutez! écoutez!) Je termine en disant que je me joins avec plaisir aux hommes qui proposent ajourd’hui un projet que je crois de nature à sauvegarder nos institutions, notre langue; nos lois et notre religion,—à ce grand parti qui possède la confiance de la grande majorité des habitants de ce pays. (Applaudissements.)

M. Paquet—M. l’Orateur:—Bien que je n’aie pas l’habitude de prendre la parole dans cette chambre, et malgré que la question qui nous occupe soit déjà depuis longtemps discutée, je ne puis néanmoins laisser passer une occasion aussi importante sans enregistrer les raisons que j’ai de protester contre les changements constitutionnels qu’on nous propose et qui ne tendent à rien moins qu’à un renversement complet de la constitution qui nous régit depuis l’union du Haut et du Bas-Canada. Depuis la prorogation des chambres, en juin dernier, je cherchais inutilement à m’expliquer les […]

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[…] avantages que nous, Bas—Canadiens, devions rétirer de la confédération, et je me perdais dans les motifs et le but d’une telle union, quand j’eus l’avantage de lire dans le discours de l’hon. membre pour Sherbrooke qu’au reste ce projet de confédération n’était pas une question nouvelle depuis lord Durham, il n’y manquait que la question pratique. » Après avoir lu ce passage significatif, je me suis mis à étudier et à rechercher quelles étaient les tendances et l’esprit de lord Durham et surtout son but. Je n’ai pas été longtemps à me convaincre, comme tout député Bas—Canadien doit le voir en lisant ce fameux rapport, que tout y est calculé de manière à assurer notre anéantissement comme Canadiens-Français, et qu il ne désire rien moins que de nous mettre sous une domination exclusivement anglaise. Quand nous voyons, M. l’Orateur, les députés Haut-Canadiens s’extasier d’aise devant un tel projet et se déclarer d’autant plus satisfaits qu’ ils obtiennent par là beaucoup plus qu’ils n’avaient espéré au début; quand l’hon. membre pour Lambton (M. MCKENZIE), tout en n’avouant comme toujours qu’ incomplètement sa pensée, s’exprime dans les termes que je vais vous citer, on a raison de s’alarmer quelque peu. Voici ce que disait l’autre jour en chambre cet hon. membre:—

« Je pense, en premier lieu, que la confédération est désirable; en 2nd lieu, qu’elle est utile, et en 3e lieu qu’elle est la seule chose possible, et que c’est plus forte recommandation de toutes. Il est clair que nous devons avoir un règlement quelconque, et je pense que le moyen proposé remédiera parfaitement à nos difficultés. Je crois en outre que ce plan nous donnera, à nous Haut- Canadiens, beaucoup plus qu’un grand nombre d’entre nous ne pouvait attendre, et que ce serait faire acte de la plus extrême folie de la part des Haut-Canadiens que de voter à l’encontre de ce projet. Je suis persuadé aussi qu’ayant obtenu, par ce moyen la représentation d’après la population, et justice pour le Haut-Canada, en ayant alors le contrôle absolu de nos ressources avec l’espoir d’édifier une grande nation anglaise sur ce continent, les Haut-Canadiens doivent être heureux de passer par-dessus des détails insignifiants, en vue des grands avantages que ce projet leur offre. Je supporterai donc la mesure, et je dis quelle est extrêmement satisfaisante non seulement pour mes constituent, mais bien aussi pour tous les habitant du Haut-Canada. »

S’il est permis, M. l’Orateur, aux hon. membres de la section Haut-Canadienne d’exprimer de tels sentiments, j’espère que mes concitoyens du Bas-Canada me permettront de revendiquer nos propres droits. (Ecoutez! écoutez!) Mais continuons, et examinons cette confédération à laquelle il ne manque plus que la question pratique:—

« Je n’entretiens aucun doute sur le caractère national qui doit être donné au Bas-Canada: ce doit être celui de l’empire britannique, celui de la majorité de la population de l’Amérique Anglaise; celui de cette race puissante qui doit, dans un temps peu éloigné, prédominer sur tout le continent de l’Amérique du Nord. Sans effectuer ce changement d’une manière trop prompte ou trop brusque, qui pourrait blesser les susceptibilités et sembler mépriser le bien-être de la génération actuelle, ce doit être néanmoins la première et la ferme détermination du gouvernement anglais d’établir une population anglaise avec une langue et des lois anglaises, dans cette province, et de ne confier son gouvernement à aucune autre qu’à une législature décidément anglaise. »

Un peu plus loin, à la page 22 du rapport, je lis ceci:—

« Si la population du Haut-Canada est justement estimée à 400,000, la proportion anglaise dans le Bas-Canada à 150,000, et les Canadiens- Français à 450,000, l’union des deux provinces ne donnera pas seulement une majorité anglaise, mais une majorité qui augmentera considérablement chaque année par l’influence de l’émigration anglaise; et je n’entretiens aucun doute que les Canadiens—Français, une fois en minorité tant par le cours légitime des événements que par le travail des causes naturelles, abandonneront leurs vaines espérances de nationalité. »

Voix—Ecoutez! écoutez!

L’Hon. M. Cauchon—Il s’était trompé; il s’agissait de l’acte d’union, voilà tout.

M. Paquet—Oui; il s’agissait alors du commencement de la fin. (Ecoutez! écoutez!) Un peu plus loin, je lis ceci:—

« Une union législative générale élèvera nos hommes publics et satisfont les espérances de tous ceux qui ont des aspirations. Ils ne regarderont plus avec convoitise et étonnement la grande arène de la république avoisinante, mais ils verront les moyens de satisfaire toute légitime ambition dans les hautes fonctions de la judicature et le gouvernement exécutif de leur propre union. »

Un peu plus loin encore, je trouve ce passage:—

« Mais, même dans l’administration de la justice, une telle union remédierait immédiatement à un des besoins les plus impérieux de la province, en facilitant la formation d’un tribunal d’appel pour toutes les colonies de l’Amérique du Nord. »

Un peu plus loin, je lis encore ceci:—

« La complétion de toute communication satisfaisante entre Halifax et Québec produirait indubitablement entre ces provinces des relations d’une […]

  •              (p. 794)

[…] nature telle qu’une union générale serait d’une nécessité absolue. Plusieurs explorations ont prouvé qu’un chemin de fer serait parfaitement pratiquable dans tout son parcours, » etc., etc.

Voici enfin le chemin de fer intercolonial! Ainsi, comme il est facile de le voir, lord Durham, du commencement à la fin de son rapport, prêche en faveur de la confédération qu’on est à la veille de nous imposer. Mais avant lord Durham le juge Sewell, en 1814, avait exprime une opinion à peu près s’emblable à celle du noble lord, et en 1839 on a tracé tout le plan de confédération actuel. L’hon. député de Montmorency a prétendu que lord Durham s’était trompé; mais moi je trouve qu’an nombre des reproches qu’on doit faire aux conférendaires, on devrait y ajouter celui de ne pas avoir donné crédit à lord Durham de son œuvre et de n’avoir pas signé sur le projet de confédération qui nous est maintenant soumis: vraie copie du projet de lord Durham, tel qu’exposé dans son rapport au gouvernement britannique. (Ecoutez! écoutez!) On nous a parlé également de la nationalité canadienne—française. Lord Durham en parle aussi dans son rapport, et voici comment:—

« L’erreur du Bas-Canada consiste surtout dans ce vain effort de conserver une nationalité canadienne-française au milieu des Etats et colonies anglo-américains. »

Quand parle-t-on d’imposer une nouvelle nationalité, si ce n’est quand on veut ravir à un peuple celle qu’il possède déjà. On s’y opposera, j’espère, car autrement, M. l’Orateur, je ne pourrais comprendre la logique des hon. députés qui déclarent emphatiquement y tenir à tout prix. Je sais bien qu’on ne change pas la nationalité d’un peuple par un simple acte de législation; mais pourquoi nous créer ainsi des entraves? pourquoi subir un joug tyrannique quand il n’y a pas de raison légitime pour nous y contraindre? Une autre considération qui me fait espérer à juste titre, je pense, que l’œuvre de destruction projetée ne s’accomplira pas de suite au gré des membres de l’administration, c’est qu’on réussit difficilement à ostraciser un peuple qui compte au- delà d’un million d’habitants. L’exemple de la Belgique est là pour nous le prouver, ainsi que la Grèce qui, après trois siècles de tyrannie et d’oppression, se dressait fièrement et s’écriait: « Nous sommes encore Grècs! » J’ai confiance donc qu’à leur exemple en dépit de toutes les constitutions qu’on nous prépare, de toutes vexations auxquelles on veut nous soumettre, nous pourrons, nous aussi, sortir triomphants de ces épreuves et nous écriér: Nous sommes encore Canadiens-Français! (Ecoutez! écoutez!) Les membres de l’administration, surtout ceux du Bas-Canada, devraient, dans notre intérêt comme dans le leur, ne pas oublier qu’une génération qui rompt avec les générations qui l’ont précédée, court risque d’être reniée par les générations qui doivent suivre; que l’existence sociale ne se concentre pas dans une seule époque; que du présent elle reflue dans le passé…elle reflue aussi dans l’avenir. Ces messieurs feraient bien de réfléchir à cela avant de nous imposer la question pratique de lord Durham. Passant maintenant, M. l’Orateur, à la question financière, je regrette de ne pas partager l’opinion de l’hon. député de Dorchester (le solliciteur-général pour le Bas-Canada), qui prétend avoir donné à ce sujet une opinion officielle. Bien qu’il ait affirmé avoir puisé aux sources authentiques, les résultats qu’ils obtenus par son calcul diffèrent de ceux que j’ai obtenus moi-même en me basant sur les chiffres qui lui ont servi pour établir la proposition. Il a prétendu que nous aurions un excédant de $200,000.

M. J.B.E. Dorion—Et il a ajouté que nous pourrions les prêter.

M. Paquet—Je vais maintenant soumettre à cette hon. chambre un tableau des dépenses que devra encourir le gouvernement local du Bas-Canada:—

Administration de la justice $364,785
A déduire—le salaire des juges 50,000
———
$314,785
Education 254,000
Institutions scientifiques 5,900
Hôpitaux et charités 124,949
Bureau des arts 3,500
Agriculture 50,000
Réparations et édifices publics 15,000
Colonisation et chemins 113,000
Mesureurs de bois 35,000
Contigents de bureaux et autres contingents 77,000
Travaux publics 30,000
Glissoires 15,000
Arpentage 30,000
Prisons et cours 10,500
Terrain de la chambre 4,444
Législation 200,000
Gouvernement exécutif 100,000
Départments publics 100,000
Terres publiques 37,000
Publication des lois 20,000
Elections 19,000
Police riveraine 30,000
Imprévus 19,000
  •             (p. 795)
Intérêt de la dette fédérale—quote-part du Bas-Canada 300,000
———
Total des dépenses $1,885,078
Revenue local estimé à environ $1,400,000
———
Déficit 485,078

Ces chiffres sont tirés des comptes publics de l’année dernière. En soustrayant donc de cette somme le montant du revenu probable du gouvernement local, au lieu d’un excédant on trouve un déficit de $485,078, et je vous demande, M. l’Orateur, comment nous pourrons le rencontrer autrement que par la taxe directe ou en diminuant les octrois publics, qui ne sont déjà trop élevés? (Ecoutez! écoutez!) Si nous n’adoptons pas la dernière alternative, il ne restera, dis-je, d’autre moyen que la taxe directe. L’hon. ministre des finances nous le dit d’ailleurs expressément en ces termes:—

« La législature fédérale aura le pouvoir d’employer tous les systèmes d’impôts qu’elle croira devoir adopter pour subvenir aux dépenses de son administration, tandis que les législatures locales seront obligées de recourir à la taxe directe pour faire la même chose, si leurs revenus ne suffisent pas. »

Pour ma part, M., l’Orateur, je dis que le pays n’est pas prêt à se soumettre à un tel état de choses, et je suis en cela, comme sur le projet lui-même, parfaitement certain d’exprimer les vues de mon comté. (Ecoutez! écoutez!) Un troisième point, que, je soumettrai humblement à la considération de cette chambre, c’est celui de ne pas presser l’adoption de la mesure avant qu’il y ait eu un appel au peuple. Je crois et j’espère que la chambre aura trop de respect pour elle- même et pour le peuple pour voter à présent les résolutions telles qu’elles nous sont soumises. Si toutefois on ne voulait pas tenir compte de l’opinion publique, je me flatte qu’on respectera au moins les précédents. Nous trouvons dans l’histoire du Canada, par Christie, qu’en 1823, quand il fut proposé dans le parlement canadien de faire des changements à la constitution, la décision suivante fut adoptée par le gouvernement du Bas-Canada, et le paragraphe que je vais lire fut inséré dans le discours du trône:—

Je suis prié de vous informer que les ministres de Sa Majesté ont proposé au parlement certains changement à l’acte 31e George III, chap. 31, surtout dans le but d’unir en une seule les deux législatures du Haut et du Bas-Canada; mais cette mesure, a été retirée et remise à là prochaine session, afin d’avoir l’opportunité de s’assurer des sentiments du peuple de ces provinces à cet égard. »

(Ecoutez! écoutez!)

Nous trouvons un autre exemple dans la même histoire, par le même, qui aura, je l’espère, l’effet d’appuyer fortement ma proposition:

« En 1839, lord John Russell donna avis dans la chambre des communes le 3 juin, de certaines résolutions qu’il avait l’intention de soumettre relativement à l’union projetée des Canadas. Il fut engagé, néanmoins, à la suggestion de Sir ROBERT PEEL, à y renoncer et à introduire tout d’abord son bill à cet effet. En le faisant, il constata que son intention n’était que d’obtenir la seconde lecture, afin que la discussion pût avoir lieu de part et d’autre; mais qu’ayant reçu de nombreuses pétitions de la part du Haut-Canada contre l’union projetée, il ne croyait pas prudent de législater définitivement sur le sujet pendant cette session. » (Ecoutez! écoutez!)

Voilà encore un fait qui prouve qu’en Angleterre, en 1839, ou a opposé une mesure à sa seconde lecture et qu’on a donné un an au peuple canadien pour qu’il eût le temps de réfléchir sur le mérite du projet de l’union des deux Canadas, et s’il devait oui ou non, l’adopter. (Ecoutez! écoutez!) J’éspère donc, M. l’Orateur, que ce qui a été fait en 1889, le sera de nouveau relativement au plan de confédération proposé. Pour ces différentes raisons, je conclus que le gouvernement ne devrait pas nous humilier d’abord, en nous enlevant les privilèges auxquels nous avons droit; nous ruiner ensuite par un projet qui doit tripler les dépenses, et, en dernier lieu, manquer au respect auquel le peuple a droit, en refusant de le consulter avant de changer sa constitution. Au reste, si je ne me trompe pas, le parti qui désire ces changements constitutionnels est le parti qui s’est appelé conservateur, qui s’est fait élire pour conserver et protéger la constitution, qui nous a opposés parce qu’il criait bien haut que nous étions les alliés de l’hon. membre pour, South Oxford (M. Brown), à qui nous voulions concéder, disaient-ils, la représentation par la population, ce puissant levier qui devait mettre toutes nos institutions civiles et religieuses en danger. Eh, bien! que tout ces hon. membres aujourd’hui? Au lieu de conserver notre constitution, ils la changent et même la renversent en accordant au Haut-Canada la prépondérance dans la représentation. Je le prouve en citant l’extrait suivant du discours de l’hon. ministre des finances (M. Galt):—

  •             (p. 796)

« Maintenant, il fallait introduire dans la représentation de la députation à la chambre basse le principe de la représentation au prorata de la population; car, sans cela, le Haut-Canada, qui demandait depuis si longtemps cette réforme, n’eût jamais consenti à entrer dans la confedération. »

Si le Haut-Canada n’eût jamais consenti à entrer dans la confédération sans la représentation basée sur la population, il l’a donc obtenue puisqu’il a consenti à en faire partie? Alors, pourquoi dire que cette mesure ne lui a pas été concédée? En terminant, je dirai que la confédération proposée des provinces n’est qu’une union législative déguisée, et j’ajouterai ce qu’un homme bien connu dans le pays, par ses talents et son éloquence, disait il y a peu de temps dans une assemblée tenue dans la ville de Montréal, pour condamner le projet ministériel: Que la confédération actuelle est la chrysalide de l’union législative, et que le papillon ne se fera pas longtemps attendre. (Applaudissements.)

M. O’Halloran—M. l’Orateur:— Avant de faire quelques observations sur les résolutions que vous avez à la main, je puis dire que si j’éprouvais quelque hésitation à me prononcer sur leur mérite, je récuserais la chambre comme n’ayant pas la juridiction voulue pour les adopter; car, nous avons été envoyés ici pour faire des lois et non pour établir des législatures. (Ecoutez! écoutez!) On nous a députés ici pour faire fonctionner la constitution de ce pays et non pour la détruire. De Gaspé à Sarnia, il n’est pas un électeur, quelque humble que soit sa condition, qui n’ait autant que nous le droit de se prononcer sur cette question. Par conséquent, si c’était mon désir de ne pas m’occuper de cette question, je pourrais justifier mon abstention en disant qu’elle est étrangère à mon mandat ou à l’engagement que j’ai contracté envers ceux dont je suis le député. En exerçant le pouvoir de régler cette question, de changer tout le système gouvernemental, d’opérer une révolution, paisible il est vrai, sans consulter la volonté du peuple, on s’arroge un droit qui ne nous a jamais été conféré, et cet acte est une usurpation. Je ne prends pas la parole pour discuter le projet dans ses détails, — je ne ferais que répéter ce qui a déjà été dit et bien mieux dit que je ne pourrais espérer le faire, — mais bien pour protester contre l’usurpation dont cette chambre s’est, à mon avis, rendue coupable en entreprenant de passer ce projet en voulant, dans la mesure de ses facultés, imposer au peuple de ce pays une constitution qu’il ne pourra connaître que lorsqu’il sera appelé à lui obéir. C’est aussi pour m’élever contre ce procédé inique à l’aide duquel on essaie de supprimer en cette chambre la liberté de discussion, et de nous forcer, contre notre gré, notre raison et notre jugement, à adopter une mesure pour laquelle un très grand nombre d’entre nous n’ont aucune sympathie réelle. Ce n’est pas me répondre si l’on me dit que je puis librement exprimer mes vues sur cette mesure, que je puis la discuter de même, et en indiquer les défauts, et qu’ensuite l’on me refuse le privilége d’obtenir l’expression de l’opinion de la chambre, de faire enregistrer dans ses annales les motifs de mes objections, et de présenter des résolutions ou motions qui pourraient peut-être rencontrer les vues de la majorité en au moins faire connaître au peuple de ce pays l’opinion des membres de cette chambre sur des amendements qui pourraient être proposés à cette mesure. Au commencement de cette session, j’ai donné avis que je proposerais deux résolutions qui n’auraient peut-être pas obtenu l’assentiment de la majorité de cette chambre, mais qui exprimaient les vues du grand nombre de mes commettants; eh bien! si je pouvais les mettre en délibération, cela les intéresserait de voir jusqu’à quel point leur opinion est partagée par les représentants du peuple; cela les intéresserait de voir jusqu’à quel point les députés du Haut-Canada sont prêts à assurer à la minorité anglaise du Bas-Canada ces droits et cette liberté qu’ils réclament pour eux, et ainsi nous pourrions juger quel degré de protection nous trouverions dans le parlement fédéral contre toute oppression que pourrait possiblement nous faire subir notre législature locale. Car, si les hon. députés du Haut-Canada ne veulent pas nous entendre aujourd’hui; s’ils montrent de l’indifférence pour l’injustice qui est à la veille d’être commise envers les habitants du Bas-Canada, parlant la langue anglaise, par la constitution projetée, quelle garantie avons-nous qu’ils ne manifesteront pas le même égoïsme, alors que nous serons impuissauts à repousser cette injustice? Je vais lire ces résolutions que j’avais l’intention de proposer, afin d’obtenir l’opinion de la chambre sur une modification de cette mesure qui, s’il faut qu’elle soit adoptée, aurait pu être amendée de manière à faire disparaître bien des motifs d’objection qu’une grande partie du peuple de cette section a contre elle. La première de ces résolutions […]

  •             (p. 797)

[…] est ainsi conçue:—

Résolu — Qu’admettant que le système du gouvernement fédéral soit celui qui doive être préféré dans l’union des provinces Anglo-Américaines, cependant toute confédération de ces provinces qui ignorerait les différences de race, de de langue et de religion des états ou territoires que l’on veut ainsi réunir, et qui ne serait pas rédigée de manière à assurer aux habitants de chaque état ou territoire l’administration de ses propres affaires locales suivant leurs vues particulières, ne serait nullement désirable ni propre au bon gouvernement de ceux pour qui elle est faite, ni ce qu’elle devrait être pour leur assurer la paix et la tranquillité.

Je ne reproduis cette résolution que pour montrer l’idée que javais en la rédigeant, car j’avoue que je m’espérais pas alors ne la majorité consentirait à accepter la modification qu’elle comporte: je ne voulais qu’indiquer de quelle manière la partie anglaise du Bas-Canada croit que ses intérêts seraient le mieux sauvegardés. La deuxième résolution que je voulais proposer est comme suit:

Résolu—Que dans la vue d’assurer à la partie des habitants du Bas-Canada qui parlent la langue anglaise la jouissance de leurs institutions et de leurs droits dans toute confédération projetée des provinces, le Canada devrait être partagé en trois divisions civiles, savoir: le Canada-Ouest, le Canada-Central et le Canada-Est.

Pourquoi s’oppose-t-on à une union législative? La raison pour laquelle la population d’origine française du Bas-Canada est opposée à une pareille union, est justement celle qui porte la minorité du Bas-Canada à se déclarer en sa faveur, car c’est cette union là que nous voulons. Nous voulons aussi que le peuple du Canada vive dans l’harmonie, qu’il n’ait pas de préjugés de section et que nos institutions reposent sur le principe large d’une nationalité canadienne qui réunira les races et, avec le temps, fera disparaître toute distinction de langage, de religion ou d’origine; mais nos compatriotes Franco- Canadiens ne veulent pas consentir à cela. S’ils ne veulent pas prêter l’oreille à nos arguments, qu’ils écoutent les leurs. Si la fédération est nécessaire pour protéger leurs droits, elle l’est dix fois davantage à la protection des droits de la minorité parlant la langue anglaise. Ils nous disent que nous pouvons nous fier à leur libéralité et tolérance bien connues; mais nous ne pouvons consentir à leur être redevable de nos libertés quand le droit d’avoir ces libertés devrait nous être acquis. Nous croirons commettre une indignité en nous soumettant à cette humiliation. Par ces observations que je suis forcé de faire pour la défense des droits de ceux que je représente ici, je n’entends rien d’irrespectueux pour ceux d’une autre origine, pour les hon. membres d’origine française que je vois autour de moi, (écoutez! écoutez!), car, sous bien des rapports, j’ai toujours sympathisé et sympathise encore avec eux. Je n’ai d’autre désir que de vivre en paix au milieu de mes compatriotes Franco-Canadiens; je désire conserver ces relations amicales qui ont toujours existé entre les deux populations du Bas Canada. Ainsi que je viens de le dire, je sympathise avec les Franco—Canadiens sous beaucoup de rapports; je respecte leur caractère et j’admire leur lois, et cet antagonism que je leur ai manifesté ne vient pas de moi: il m’est imposé. Qu’il me soit permis d’attirer l’attention des hon. membres, de ceux du Haut-Canada particulièrement, sur la position ne va faire à la minorité du Bas-Canada la constitution projetée soumise à cette chambre. Je dois d’abord dire que bien qu’elle ne forme qu’un quart de la population, elle possède au moins le tiers de la propriété et paie la moitié des taxes. Sous beaucoup de rapports, le Franco-Canadien diffère grandement de l’Anglais ou de l’Anglo-Saxon. Il est plus simple dans ses habitudes, plus frugal dans sa manière de vivre et moins enclin à la nouveauté. Il se contente de voyager dans une voiture comme celle qu’avait son grand-père. Il est attaché à ses institutions, à ses anciens usages et à ses anciennes lois. Il diffère de l’Anglais qui, lui, est plus extravagant, plus porté à la nouveauté; ses goûts et habitudes diffèrent aussi énormément; mais, comme il serait mal de pousser la comparaison plus loin, je m’arrête là pour éviter des faits que je ne suis pas libre d’ignorer. Voyons comment, à l’égard de ses idées et intérêts particuliers, se trouvera placée la minorité du Bas-Canada sous la constitution projetée. En premier lien, je désire attirer votre attention sur la 14me résolution, qui prescrit de quelle manière, spécialement après que seront établis les gouvernements locaux, sera constituée la chambre haute de la législature générale, dont les membres seront nommés à vie par le gouvernement fédéral sur la recommandation respective des gouvernements locaux. Nous devons ne pas oublier que dans cette législature locale qui sera imposée au Bas-Canada, l’élément anglais ne sera certainement pas de plus d’un cinquième. Sous ces circonstances, et en vertu des dispositions particulières […]

  •             (p. 798)

[…] concernant le pouvoir accordé aux gouvernements locaux de recommander au gouvernement général la nomination des conseillers législatifs, pensez-vous que dans le Bas-Canada, dont la législature locale se composera pour les quatre-cinquièmes de Franco- Canadiens et seulement d’un cinquième d’origine anglaise, pensez-vous, dis-je, que beaucoup de députés au lais parviendront à se faire nommer au conseil législatif? Comment cela serait-il possible quand les membres du conseil législatif doivent être nommés sur la recommandation des gouvernements locaux? Comment sera-t-il possible que l’élément anglais de cette section soit justement représenté dans la chambre haute fédérale quand, dans notre gouvernement local, les quatre cinquièmes se composeront de Franco- Canadiens? Comment, dis-je, un Anglais du Bas-Canada obtiendrai-t-il cette recommandation sans prouver qu’il est plus Français que Saxon en principe? (Ecoutez! écoutez!) Il est encore prescrit, par la 23me résolution, que « les législatures des diverses provinces diviseront respectivement celles-ci en comtés et en définiront les limites. » Combien, alors, il sera facile à la législature locale, en vertu de cette clause, de faire disparaitre la moitié des colléges électoraux anglais du Bas-Canada. Ne pourrait-elle pas faire ces divisions de manière à ce que l’élément anglais ne soit pas représenté dans la proportion de son chiffre? On laisserait quelques divisions entièrement anglaises, mais à la population anglaise ne serait pas moins ainsi enlevée l’influence que son nombre et sa richesse lui permettraient d’exercer dans la législature locale. Cette législature aura encore le pouvoir de changer du amender, de temps à autre, sa constitution. Tels que nous sommes aujourd’hui, nous pourrions faire une constitution; la majorité parlant la langue anglaise, en cette chambre, pourrait faire une constitution ui protégerait, à son gré, la population anglaise du Bas-Canada; mais, par ce projet, il sera au pouvoir des législatures locales de changer et modifier cela de maniere à satisfaire au désir ou aux préjugés de la majorité française. Sous le nouveau système, nous ne serons plus en mesure de conserver nos droits et les priviléges que ce parlement aurait pu nous donner, mais ils pourront nous être enlevés dès la première session de la législature locale. Voyez en outre les pouvoirs qui, par cette constitution, sont conférés au gouvernement local. Le premier que je remarque lui permet de taxer directement. Pour tous les gouvernements, le pouvoir de taxer est le plus important qu’ils puissent avoir, car il concerne toutes les classes de la société, et donne lieu à des contestations et à beaucoup, de difficultés. C’est le plus important de tous les pouvoirs législatifs et il est conféré à la législature locale d’une province où une nationalité compose les quatre cinquièmes de la population, et où l’autre nationalité paie la moitié des taxes. La législature locale aura aussi le contrôle de l’immigration—chose qui n’est pas peu importante et qui intéresse grandement la minorité anglaise du Bas-Canada, mais elle ne pourra rien à l’égard des mesures qui pourraient être adoptées pour la diriger et contrôler. La législature locale devra avoir aussi le contrôle de l’instruction publique, et quel est le sujet qui soit plus important que celui-là et qui puisse donner lieu à plus de difficultés entre les deux nationalités qui, par cette disposition, seront amenées à un antagonisme? Même sous notre système actuel, avec 65 députés haut-canadiens parlant la langue anglaise, et qui, naturellement, doivent être portés à sympathiser avec l’élément anglais du Bas Canada, ce dernier a encore à se plaindre de ce qu’il ne peut obtenir de législation à son gré sur ce point. A quoi pourrait-il donc s’attendre s’il avait à se soumettre à une législature dont les quatre cinquièmes des députés seraient d’origine et de religion différentes, et dont les préjugés et les intérêts seraient adverses aux droits du cinquième composant la minorité? (Ecoutez! écoutez!) La législature locale contrôlera aussi « l’établissement, l’entretien et la régie des hôpitaux, des asiles, des lazarets et des institutions de charité quelconques. » Il est de même positif que la population bas-canadienne parlent la langue anglaise, par sa richesse et sa manière coûteuse de vivre, par ses habitudes de luxe, sa disposition aux changements et ses aspirations vers le progrès, et aussi par ses idées qui diffèrent généralement de celles des Franco-Canadiens, consomme plus que la moitié des articles imposables importés en ce pays, et paie la moitié des taxes; de sorte que les fonds qu’elle versera dans la caisse publique seront répartis par une majorité qui, sur aucun point, ne sympathisera avec elle; le produit de ses taxes pourra être appliqué à des objets qui ne lui conviennent pas ou qu’elle considérera désavantageùx à ses intérêts, et contre toute […]

  •             (p. 799)

[…] cette oppression, qui pourrait être exercée contre elle, si on lui impose la constitution projetée, elle n’aura aucun recours. (Ecoutez! écoutez!) Il est pénible pour moi d’attirer l’attention de la chambre sur toutes ces choses, sur l’antagonisme qui devra inévitablement s’élever entre les deux nationalités si elles sont amenées ensemble dans une législature avec une si grande disparité de moyens pour faire valoir leurs droits. On nous dit—et je me réjouis de l’exactitude de ce fait—que jusqu’ici les deux races du Bas-Canada ont vécu en paix; mais, à présent, il serait impossible qu’elles vécussent ainsi; il serait impossible qu’avec une si grande disparité de nombre et des intérêts si opposés elles ne vivent pas en lutte. La discorde serait continuelle, et au lieu de régler les difficultés des deux sections, d’amener la paix et de faire disparaître les jalousies et les animosités, la nouvelle constitution aura produit un effet tout contraire. L’animosité n’en sera que plus ardente par le fait que le champ clos de la lutte sera plus circonscrit. Ce n’est pas la paix que vous auras apportée, mais bien tous les éléments qui conduisent à la guerre civile. (Ecoutez! écoutez!)

M. Powell—Le chef de l’opposition du Bas-Canada professe-t-il les mêmes idées que vous sur ce sujet? (Ecoutez! écoutez!)

M. O’Halloran—Je ne m’inquiète pas de savoir quelles idées professe ou répousse n’importe quel hon. député de cette chambre. Ce que j’ai à faire, c’est de veiller à ce que mes mandataires ne soient pas frustrés dans leurs intérêts, et c’est sans doute ce que doit faire aussi le chef de l’opposition pour ceux qu’il représente. Mais je le vois, M. l’Orateur, on veut détourner l’attention de la minorité anglaise du Bas-Canada, on veut l’empêcher d’examiner attentivement ces questions sérieuses qui s’offrent à notre considération, et cela à l’aide de sophismes que l’on fait habilement miroîter, comme ceux de nouvelle nationalité, de grand empire, l’union fait la force, et autres prétextes plus ou moins plausibles que l’on cherche à faire valoir auprès d’elle. Il serait facile de les mettre à néant ces grands projets de grandeur à l aide desquels on cherche à conduire le peuple en erreur, aussi facile que d’en démontrer le ridicule. Avec gravité on nous demande:— »quel est l’homme qui voudrait rester pauvre s’il était à même de devenir riche à l’instant? Quel est celui qui voudrait rester faible s’il n’avait qu’à le vouloir pour devenir puissant? Qui voudrait rester nain s’il n’avait qu’à en formuler le souhait pour ajouter des coudées à sa taille? Quel est le pays qui aimerait à rester simple colonie, quand, d’un seul trait de plume, il pourrait devenir empire et fonder une nouvelle nation. » Tous ces sophismes, M. l’Orateur, n’en imposerent pas au peuple de ce pays. En quoi ce projet augmentera-t-il d’une piastre la richesse de ce pays, le nombre de ses habitants ou l’étendue de son territoire? On ne nous l’a pas appris, du moins, dans le cours de ces débats. J’ai écouté attentivement tout ce qu’on a pu arguer en sa faveur, mais je n’ai entendu personne qui ait essayé de prouver cela. On a répété sur tous les tous que nous étions à la veille de concentrer la force de ce pays pour résister à une invasion. Ne sommes-nous pas unis déjà sous un gouvernement? Ne vivons-nous pas sous le contrôle du même pouvoir exécutif? Est-ce que l’on ne combat pas sous le même drapeau? Ne prêtons-nous pas allégeance au même souverain? Tout habitant de la Nouvelle-Ecosse, du Nouveau-Brunswick, de Terre- neuve et de l’Ile du Prince-Edouard, n’est—il pas autant que le peuple de cette province sous le contrôle du chef de notre gouvernement? Elle n’est que sophisme cette idée que nous allons augmenter la puissance du pays par une union avec les provinces maritimes. On a aussi essayé de nous alarmer en répandant la rumeur d’une invasion, en disant qu’il nous faut déployer autant de force qu’on le pourra pour empêcher que nous soyions absorbés par la république voisine, et l’on nous a ensuite gravement annoncé qu’un nombre de personnes, déléguées de leur propre mouvement, s’étaient réunies autour d’une table couverte d’un tapis vert, et que là elles avaient adopté des résolutions qui allaient changer toutes les lois physiques de notre pays. Terre- neuve et l’Ile du Prince-Edouard doivent être transportées dans le lac Ontario, et tout notre territoire consolidé et fortifié; notre immense frontière ne sera plus exposée à une attaque, ou, si elle est attaquée, il sera maintenant plus facile de la défendre. Tout cela est-il autre chose que le sophisme le plus absurde? Des résolutions couchées sur le papier pourront-elles changer les lois de la nature ou modifier la géographie physique du pays? Terreneuve, après que la confédération sers devenue un fait accompli, sera-t-elle moins éloignée de cette province […]

  •             (p. 800)

[…] qu’auparavant? Je crois, M. l’Orateur, qu’il est généralement admis que le Canada sera incapable de protéger ses frontières contre une invasion, c’est-à-dire contre celle d’une armée des Etats-Unis, car c’est la seule que nous appréhendions. Il est de même reconnu que les provinces maritimes sont aussi incapables de défendre les leurs; or, à moi qui sait cela, compte-t-on me convaincre qu’en ajoutant leurs frontières à celles du Canada; qu’en réunissant leurs forces aux nôtres nous ne serons pas aussi faibles qu’à présent? Entre le terrain à défendre et les forces défensives—la même disproportion n’existera-t-elle pas toujours? (Ecoutez! écoutez!) D’abord, M. l’Orateur, je ne vois aucune nécessité immédiate qui puisse exiger ces changements constitutionnels. Je pense que la constitution qui nous régit actuellement suffit à nos besoins, et que toutes les difficultés, soit réelles ou imaginaires, qui entravent notre marche, peuvent très bien se régler sans recourir à ce changement radical. Selon moi, nous n’avons d’autres difficultés que celles de section à section, car il n’en existe pas qui ont pour cause les différences de religion, d’origine, de langue ou de lois. En examinant bien, on verra que ces difficultés ne sont que fiscales et qu’elles sont dues à ce que notre gouvernement dépasse le véritable but de son existence. N’accordez plus d’octrois locaux; renoncez à votre système absurde de compenser une dépense par une autre dépense. Qu’il ne soit plus fait de dépense pour des fins simplement locales ou pour des objets qui ne sont pas directement du ressort de l’administration générale. (Ecoutez! écoutez!) En suivant cette règle de droit, par exemple, les habitants du Haut-Canada auraient- ils à contribuer au rachat de la tenure seigneuriale du Bas-Canada, qui, à son tour, ne serait pas appelé à payer une partie de la dette municipale du Haut? Si nos difficultés sont dues aux différences de langue ou de race, comment se fait-il que la population anglaise du Bas-Canada sympathise depuis si longtemps avec le parti ultramontain de cette section? (Ecoutez! écoutez!) Je pense que vous n’en pourriez trouver la raison qu’en supposant qu’ils doivent rester ainsi d’accord pour conserver leur influence et leur pouvoir respectifs sous un système où la caisse commune est considérée comme un objet que l’on peut légitimement et publiquement piller. Chaque section semble avoir toujours regardé l’échiquier public comme un objet de bonne prise, et il est irréfutable que le Bas-Canada, généralement, en a retiré la meilleure part. Ces faits ont mécontenté les populations d’autres localités du pays, lesquelles ont entrepris de se coaliser pour obtenir de la caisse publique de semblables mais injustes avantages. Le remède à cet état de choses est d’enlever à la législature le pouvoir de faire des octrois pour des fins locales. Qu’il ne soit pas perçu de revenu plus qu’il n’est absolument nécessaire pour subvenir aux dépenses générales du pays; que ce qu’il en restera soit partagé avec économie pour les objets généraux, et nous n’entendrons plus parler de difficultés de section. (Ecoutez! écoutez!) Comme corollaire de cette idée, j’ai à faire, M. l’Orateur une autre observation très importante au sujet de l’administration du gouvernement de notre pays. Je crois que maintenant ce n’est plus un crime de « diriger ses regards vers Washington. » Il n’y a pas encore longtemps, ces paroles comportaient le sens d’un reproche, mais les temps saut changés, nos amis de la droite ont non-seulement jeté leurs regards vers Washington, mais ils y sont allés et nous ont rapporté tout ce qu’il y avait de plus mauvais dans le système américain pour l’introduire dans la nouvelle constitution. Je regrette beaucoup qu’ils n’aient pas appris à Washington, en dans toute autre partie des Etats-Unis, l’économie dans l’administration des deniers publics. (Ecoutez!) Je regrette qu’ils n’y aient pas puisé ce principe qui prédomine de l’autre côté de la frontière, savoir: que le gouvernement du jour doit imposer au pays le moins de fardeaux possible. Aujourd’hui, M. l’Orateur l’huissier qui se tient à la porte de cette chambre est plus payé que le gouverneur de l’Etat de Vermont. Le messager qui, dans ce coin de la chambre, enveloppe nos papiers, reçoit un salaire plus élevé que l’indemnité accordée à un sénateur des Etats-Unis. Le gouverneur-général est plus payé que le Président des Etats-Unis. Nous sommes le peuple le plus taxé de la terre. Et nous payons le service public à un taux plus élevé qu’aucune nation du monde.

L’Hon. Proc.-Gén. Macdonald— Nous nous payons bien nous-mêmes (Rires.)

M. O’Halloran—On l’a dit et on s’est servi de cela comme argument pour prouver que nous devons nous agiter; que nos affaires ne peuvent plus marcher dans le sentier suivi jusqu’à ce jour; qu’un changement est devenu nécessaire. M. l’Orateur, […]

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[…] une des erreurs les plus répandues en fait d’économie politique, est que la prospérité d’un pays dépend de son plus ou moins de législation. Pour notre compte nous légiférons beaucoup trop. On nous noie dans les lois, si je puis ainsi parler. Lorsqu’à chaque session je vois des bills présentés à cette chambre par centaines, je me dis toujours: « Au nom du ciel, que va devenir le pays si tous ces bills passent à l’état de loi? » (Rires.) On semble croire en Canada que l’herbe même ne saurait pousser sans autorisation spéciale par acte du parlement. Aucun changement n’apportera remède aux maux dont on se plaint, car le germe de ces maux est en nous. Il nous faut une administration sage et économe, mais pas de nouvelles lois, pas de changements dans notre constitution,

Des formes de gouvernement

Discuter est chose peu sage.

« Administrez habilement »

« Celui que vous avez, tel serait mon adage. »

Transférez le siége du gouvernement à Outaouais, portes le nombre des membres de la legislature de 130 à 194, vous trouverez toujours, sous toute nouvelle forme de gouvernement, les mêmes difficultés tant que vous continuerez à faire des dépenses extravagantes. Ces difficultés se présenteront toujours tant, que la législature ou lors législatures du pays auront des attributions qui n’appartiennent pas proprement à un gouvernement général; tant que les localités ne seront pas obligées de se suffire par leurs propres ressources, les mêmes difficultés se recontreront tant à Outaouais qu’à Québec. « Caelum non animum mutant qui trans mare currunt. » « Vous changez de pays mais sans changer de mœurs » avec tous vos changements constitutionnels. Je l’ai dit dès l’abord, je ne reconnais point à cette chambre le droit de donner une nouvelle constitution au pays avant d’en avoir appelé au peuple. Qui vous a envoyés ici pour faire une constitution? Vous êtes délégués pour administrer la constitution telle qu’elle est. D’un bout à l’autre de l’Amérique Britannique du Nord, il n’y a que notre gouvernement qui ait osé s’arroger le droit de changer la constitution sans consulter le peuple. Je sure même surpris, M. l’Orateur, que notre gouvernement actuel si fort et si présomptueux ait eu cette audace, car, tôt ou tard il faudra qu’il en vienne à l’appel au peuple. (Ecoutez!) J’ai mis la main ce soir sur une résolution proprosée par l’hon. procureur-général de Terreneuve, à la législature de cette colonie. Elle est importante parce qu’elle indique, dans les provinces du golfe, un sentiment unanime en faveur de l’appel au peuple. Cette mesure a été soumise aux populations du Nouveau—Brunswick et a eu le sort qu’elle méritait. Elle va être soumise aux électeurs de la Nouvelle—Ecosse. Mais notre administration est beaucoup plus sage que celle de ces provinces. Elle n’a pas osé soumettre la mesure à l’examen du peuple; cela prouve une fois de plus l’habileté diplomatique pour laquelle plusieurs des hon. messieurs sont renommés depuis longtemps. (Ecoutez!) Voici la resolution dont j’ai parlé et qui comprend toute la politique du gouvernement de Terreneuve sur le projet de confédération:

Résolu,—Qu’ayant examiné sérieusement le projet d’une union fédérale des provinces anglaises de l’Amérique Britannique du Nord, aux conditions indiquées dans le rapport des délégués à la conférence tenue à Québec le 10 octobre dernier, —aussi la dépêche du très honorable secrétaire d’état au département des colonies en date du 3 décembre 1864,—aussi les observations de Son Excellence le gouverneur dans le discours du trône à l’ouverture de cette session,—enfin le rapport des délégués de Terreneuve,—le comité est d’opinion que, vu la nouveauté et la haute importance de ce projet, il est à désirer avant que le vote de la législature soit pris sur le sujet, que la question soit soumise à l’examen des électeurs surtout parce que l’action des autres provinces ne semble pas exiger que la mesure soit discutée à la hâte et que, le parlement en étant à la dernière session, aucun délai inopportun ne peut résulter de ce mode de procéder: le comité recommande donc que la décision finale sur ce projet soit remise à la prochaine session.

(Ecoutez! écoutez!)

Un Hon. Membre— Mais c’est le rapport d’un comité.

M. O’Halloran—Oui, mais ce rapport a été soumis à la législature par l’hon. procureur-général comme étant la politique du gouvernement. Naturellement, si cette résolution n’est pas adoptée, le projet sera doublement rejeté par la législature. Ainsi, dans cette petite province, dont les intérêts comparés aux nôtres ne sont que d’une maigre importance, la législature ne veut pas faire un pas avant d’en avoir appelé au peuple; mais ici, où les intérêts en jeu sont considérables, la mesure va être passée sans que le peuple soit consulté, sans même qu’il ait le temps de juger des mérites de la question. (Ecoutez! écoutez!) Nos populations […]

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[…] n’auront rien à dire sur la nouvelle forme de gouvernement par laquelle elles-mêmes et les générations futures seront régies. Je sais bien, M. l’Orateur, n’on me traitera d’audacieux parce que je nie à cette chambre le droit de juger en pareille matière. Mais j’ai bien réfléchi avant de faire cette déclaration et je défie aucun hon. membre de me citer, en aucun pays, un précédent en faveur de la marche qu’on vont suivre. Nous ne sommes pas en temps de révolution, nous n’attendons aucun évènement considérable; mais, si tel était malheureusement le cas, je doute qu’on puisse citer un précédent même dans les révolutions les plus violentes de l’Angleterre, dont l’histoire nous fournit une foule de précédents. On peut dire des précédents invoqués en faveur du gouvernement qu’ils prouvent trop; or: qui nimis probat nil probat; s’ils suffisent à justifier le ministère, ils peuvent établir aussi logiquement que cette chambre a le droit de prolonger indéfiniment son existence et que nous pouvons, par un vote, nous déclarer tous membres à vie. Nommons-nous tout de suite membres à vie du parlement fédéral; cela ne serait pas plus mal que de marcher dans la voie qu’on nous trace. (Ecoutez!) On dit qu’il est important que la mesure passe immédiatement, mais ceci est un expédient tout-à-fait étranger aux principes constitutionnels. (Ecoutez! écoutez!) On a pompeusement cité l’union de l’Irlande à l’Angleterre en faveur de la mesure. Selon moi, c’est un bien triste précédent que nous devrions tendre à éviter. Voici ce qu’en pense une autorité incontestable. Je lis dans « l’Histoire de la Constitution Anglaise de May, » page 505 du 2nd volume, à propos de l’union de l’Irlande avec l’Angleterre:—

« Un grand but fut atteint par les moyens les plus vils et les plus éhontés. GRATTAN, lord CHARLEMONT, PONSONEY et PLUNKETT, avec quelques patriotes, continuèrent à protester contre le sacrifice des liberés et de le libre constitution de l’Irlande. Leur éloquence et leurs vertus civiques commandent le respect de le postérité; mais les misérables historiens de leur pays leur ont nié jusqu’à leurs sympathies. »

Tel est, M. l’Orateur, le jugement d’un historien anglais impartiel sur les moyens employés pour consommer ce grand crime politique, et cette déclaration est un juste éloge des efforts patriotiques qui voulaient l’empêcher. J’ai cru devoir faire cette citation pour les raisons suivantes: j’y trouve d’abord le sinistre prédiction des malheurs dans lesquels on veut nous entraîner; j’y vois en même temps un juste éloge décerné à la poignée d’hommes courageux qui s’opposent ici ce soir à la mesure, et enfin j’y lis la condamnation solennelle de ceux qui foulent aux pieds les droits du peuple et qui oublient, dans l’orgueil de leur pouvoir éphémère, ceux qui leur ont donné les places qu’ils occupent ici et qui les ont chargés non de violenter mais d’exécuter la volonté du peuple, qui est la seule et vraie source de tout pouvoir politique. (Applaudissements.)

M. J.S. Ross—Je ne retiendrai pas longtemps la chambre, car, à mon avis, il est temps que ce débat finisse aussitôt qu’il sera possible; je crois aussi que telle est l’opinion de cette chambre, et c’est une raison de plus pour que je sois bref. L’hon. monsieur qui vient de reprendre son siége a traité un point auquel je ne ferai point allusion, tout le monde comprend ce dont je veux parler, cela suffit. Mais il a dit qu’aucun changement de constitution n’était nécessaire et je tiens à montrer qu’il y a, au contraire, sous ce rapport nécessité urgente. La chambre se rappelle qu’il y a un an les choses en étaient rendues au point que toute législation, dans cette chambre, était impossible, tout les difficultés de partis étaient nombreuses. La preuve en est que le gouvernement d’alors déclara même qu’il lui était impossible d’administrer les affaires du pays. Or, pourquoi un gouvernement, si habile néanmoins, a-t-il fait une pareille déclaration si elle n’était pas nécessaire? (Ecoutez! écoutez!)

L’Hon. J.S. Macdonald—Pourquoi ne votiez-vous pas pour nous, cela aurait arrangé les choses? (Ecoutez! et rires.)

M. Ross—J’ai toujours eu une haute opinion de l’hon premier-ministre d’alors, mais je ne partageais pas ses vues politiques. M. l’Orateur, je citerai un autre fait qui prouvera combien de difficultés entravaient la situation. L’hon. membre pour South Oxford proposa la nomination d’un comité pour examiner certains changements constitutionnels. Ce comité fit rapport à la chambre, et voici le dernier paragraphe du rapport de ce comité: —

« Un sentiment général semble prévaloir parmi les membres du comité en faveur de changements tendant à un système fédératif appliqué au Canada seul, ou à toutes les provinces de l’Amérique Britannique du Nord; et la question a été suffisamment étudiée pour permettre au comité de recommander qu’elle soit reprise, par un comité, à la prochaine session du parlement. »

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Ce rapport était signé par douze membres, au nombre desquels je vois le nom de l’hon. membre de Chateauguay qui déclarait donc, avec les autres, que certains changements constitutionnels étaient nécessaires. Il me semble que cela prouve assez, M. l’Orateur, que cette question ne nous a pas été soumise ex abrupto et que nous l’avions en vue depuis quelque temps. A cette époque, le ministère plaça sa résignation entre les mains de Son Excellence; il se forma un nouveau gouvernement qui réunit les chambres le 3 mai et fut battu le 14 juin. A cette époque, la ministère avait, je crois, obtenu du gouverneur l’autorisation de dissoudre les chambres. On essaya une reconstruction, qui permît aux affaires de marcher. Après quelques délais la reconstruction fut opérée et, dans le programme qu’il adopta, le gouvernement actuel annonçait que la question de la confédération serait examinée et qu’à la session suivante il presénterait une mesure propre à faire disparaître les difficultés existantes en introduisant, en Canada, le système fédéral avec des dispositions permettant que les provinces du golfe vinssent plus tard se joindre à la confédération. S’il existait tant d’objections à un changement, pourquoi ne les a-t—on pas faites à l’époque? La chambre ne s’est—elle pas compromise en acceptant la nouvelle de ce projet sans faire d’objection? Je crois donc que le gouvernement a agi avec franchise et fermeté en annonçant son projet; que ce projet soit bon ou mauvais il a tenu ses engagements, puisqu’il soumet aujourd’hui à la chambre un projet de confédération. (Ecoutez!) Ce projet comble-t-il tous nos vœux? Sur ce point là nous pouvons ne pas être unanimes. Pour moi, depuis que je m’occupe de politique, j’ai toujours eu en vue ce projete. J’ai été en faveur d’une union législative. Je pense encore que c’est celle qu’il nous faut; mais, dans une question aussi importante, je suis prêt à entendre raison. Nous ne pouvons espérer la réalisation de toutes nos vues particulières, et nous devons faire des concessions en acceptant ce qu’on pourra nous offrir de mieux. Ecoutez!) Nous savons tous avec quelle hésitation la constitution des Etats—Unis fut acceptée. Washington lui-même, le père de cette grande république, y trouvait beaucoup à redire ainsi que plusieurs autres hommes éminents, mais il l’accepta comme la meilleure qu’il pût alors obtenir. (Ecoutez!) Or, en nous nous reportant aux travaux de la conférence de Québec, nous trouvons réunis dans cette conférence les hommes qui ont depuis plusieurs années dirigé le portique de leur pays, tant pour le Canada que pour les provinces maritimes. (Ecoutez!) Et je suis persuadé que les délégués ont tous abordé la question avec les sentiments d’un pur patriotisme, un sincère désir de régler nos difficultés et de fonder dans cette partie du glorieux empire britannique un gouvernement solide et durable. (Ecoutez! et applaudissements.) De plus, M. l’Orateur, je crois que rien n’est plus acceptable que ce projet aux populations de ce pays. (Ecoutez!) Pour moi, lorsque je soumis la question à mes électeurs, je fus accueilli par de chaleureux applaudissements en lisant la première clause des résolutions ainsi conçue:—

« Une union fédérale, sous la couronne de la Grande—Bretagne, aurait l’effet de sauvegarder les intérêts les plus chers et d’accroître la prospérité de l’Amérique Britannique du Nord, pourvu qu’elle puisse s’effectuer à des conditions équitables pour les diverses provinces. »

(Ecoutez! écoutez!)

Le district électoral que j’ai l’honneur de représenter n’est pas un des plus grands du Haut-Canada, mais je n’en suis pas moins fier des électeurs de l’ancien comté de Dundas, qui son heureux de vivre sous la couronne anglaise et ne maintiendraient pas un instant le représentant qui ne serait pas fidèle a cette union. (Applaudissements.) Je crois, M. l’Orateur, que l’heure des changements est venue, et qu’il faut faire disparaître, le plus tôt possible, l’incertitude qui semble paralyser l’esprit public en Canada. Plus vite nous serons tous pénétrés de la grandeur de notre avenir et plus nous serons fiers de notre pays, plus notre prospérité sera avancée. (Applaudissements.) Et ce changement est désirable non seulement au point de vue canadien, mais en ce qui regarde nos voisins, avec lesquels nous désirons vivre en paix tant qu’ils nous laisseront tranquilles ici. C’est tout ce que nous désirons de nos voisins, mais, en même temps, il serait bon de leur faire comprendre que nous ne désirons nullement unir nos destinées aux leurs. (Applaudissements.) On a dit, M. l’Orateur, que cette question était nouvelle. Je me rappelle avoir lu, il a quelques années, des lettres adressées à lord John Russell par l’hon. M. HOWE, de la Nouvelle—Ecosse, et qui faisaient voir combien cette union était désirable.

Dr. Parker—Je demanderai à l’hon. monsieur si ces lettres n’étaient pas en faveur d’une union législative […]

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M. Ross—Je crois que oui, mais je suis persuadé que si l’auteur de ces lettres avait été présent à la conférence de Québec il eût agi comme les autres délégués. Je trouve encore qu’en 1849, à Kingston, une réunion de cent quarante hommes éminents, présidée par un citoyen hautement respecté, l’hon. George MOFFAT, (je veux parler de cette organisation, la Ligue Anglaise), adopta comme projet essentiel à l’avenir du pays l’union des provinces du l’Amérique Britannique du Nord. (Applaudissements.) Si j’en avais le temps, M. l’Orateur, je pourrais démontrer que fréquemment à la chambre des communes, l’on a parlé de l’union de ces provinces comme d’un événement qui ne manquerait pas d’arriver. Depuis que cette question s’agite dans le pays, j’ai lu avec une grande satisfaction des articles des journaux des Etats-Unis dans lesquels on s’attache à démontrer les avantages de cette union, un entr’autres dans le Times de Chicago, dans lequel l’écrivain vante bien haut la prévoyance dont fait preuve le peuple canadien en cherchant à sauvegarder ses intérêts dans l’avenir. (Ecoutez! écoutez!) Si je le voulais, je pourrais encore apporter nombre d’autorités pour prouver les avantages d’une union des provinces. L’union, soit législative, soit fédérale, fait la force, et nous devons rechercher l’union si nous voulons prospérer et grandir. Cependant, je dois dire que tout, suivant moi, doit nous porter à rechercher l’union législative, et, en examinant les choses, on s’accordera à trouver qu’on ne peut raisonnablement supposer que les provinces d’en-bas préfèrent la forme fédérale à cette dernière. Rien de plus facile que de s’apercevoir de ce qui leur fait priser l’institution de parlements locaux, car c’est certainement leur demander trop que de leur enlever toute espèce d’administration pour la remettre entre les mains d’une population supérieure en nombre, et avec qui elles n’ont en comparativement que il de relations. On peut également avoir raison de croire que le système d’une union législative ne soit trop embarassé et que la législature générale ne soit trop absorbée par la discussion des affaires particulières de chacune des provinces. Mais, je crois que lorsque ce régime aura fonctionné quelque temps et que nous serons mieux connus, on verra qu’il est avantageux et que l’union de tous ces fragments de population, en un seul faisceau, a été un acte tout à fait sage. On verra que nous comprendrons mieux nos intérêts lorsqu’ils ne feront qu’un, et qu’il sera d’autant plus facile de se passer de parlements locaux et de les grouper dans une seule et même législature. (Ecoutez! écoutez!) Le projet actuel présente encore cet autre avantage qu’il établit un gouvernement général pour tout le pays, et qu’il sera facile pour ceux qui le voudront, du consentement du peuple, de consolider le régime existant sans entraîner des changements politiques aussi radicaux que ceux d’aujourd’hui. Mais prenons un autre point de vue qui se trouve confirmé par les faits. Du moment que nous nous unissons, que nous montrons à l’univers que nous élargissons l’horizon de notre avenir, il se fera un tel accroissement dans notre population que la besogne ne manquera ni pour les parlements locaux, ni pour la législature fédérale. Ce système aura, en outre, pour effet de produire dans les gouvernements locaux un esprit d’émulation pour administrer leurs provinces le mieux et le moins cher possible. Une fois ces parlements locaux institués, je ne doute pas de voir le peuple comprendre l’importance de modifier son régime municipal, attendu que ce dernier se trouvera trop subordonné aux gouvernements locaux. Quoiqu’il en soit, ce sont là des sujets à discuter plus tard. (Ecoutez!) J’aborderai, maintenant, M. l’Orateur, la question de la confédération au point de vue commercial. On a prétendu qu’à cet égard le pays n’y gagnera rien, et qu’il n’y aura pas acroissement d’affaires entre les provinces; mais je prierai la chambre de se rappeler notre position actuelle, et je regrette de dire que nous avons d’excellentes raisons de l’envisager ainsi. Chacun sait que les Etats-Unis ont donné avis de l’abrogation du traité de réciprocité et qu’on a tout lieu de croire qu’il en sera de même du système de transit; or, une fois isolés de ce côté, quelle se trouve être notre situation? Nous devenons sans communications avec la mer pendant six mois et, à cet égard, nous restons soumis au bon plaisir d’une puissance étrangère. (Ecoutez!) On a insisté sur la construction du chemin de fer intercolonial comme étant une nécessité commerciale; quoique ce projet doive nous entraîner dans de grandes dépenses, je crois néanmoins qu’il nous faut l’exécuter. Je me permettrai, à propos de ce sujet, de définir ma position. Lorsque le gouvernement demanda à la chambre d’affecter un crédit à l’exploration du chemin de fer intercolonial, j’étais […]

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[…] tellement opposé à cette entreprise que je votai contre le ministère; aujourd’hui, j’en vois la nécessité, et, ainsi que je l’ai dit, l’époque de construire ce chemin est arrivée. (Ecoutez! écoutez!) J’espère qu’il sera fait avec toute l’économie possible, et qu’une fois achevé il sera d’une immense utilité pour notre commerce. (Ecoutez! écoutez!) Et je défierai aucun hon. monsieur de prouver que ce chemin n’accroîtra pas les relations commerciales entre les différentes provinces. Le Haut-Canada est un pays agricole qui produit un excédant de céréales auquel il faut trouver un débouché; et si les Etats-Unis nous sont fermés où nous dirigerons- nous? L’engranger ou l’emmagasiner durant l’hiver coûterait beaucoup. On prétend que l’exportation en hiver n’est point profitable: mais les Etats-Unis n’exportent-ils pas continuellement en hiver de grandes quantités de grains et de produits en Angleterre et dans d’autres parties du monde? Qui nous empêcherait d’en faire autant lorsque nous aurons le chemin de fer intercolonial? (Ecoutez!) Peut-être d’hon. messieurs essaieront- ils de prouver que tel n’est pas le cas, et tenteront-ils de dissimuler les faits; je crois pour ma part que c’est l’intention des Etats-Unis d’inaugurer des mesures coercitives afin de nous persuader que nos intérêts sont les mêmes que les leurs, et de continuer cette ligne de conduite avec nous, non pas jusqu’à l’envahissement immédiat ou à la subjugation, mais je crains qu’elle ne soit restrictive, afin de nous faire sentir autant qu’ils le pourront notre condition de dépendance: telle est, je crois, leur politique. Ils ne se proposent pas de nous envahir de suite, mais bien de faire en sorte que nous sentions que nos intérêts sont avec eux et non avec d’autres. (Ecoutez! écoutez!) Je comprends très bien la signification de ce désir de leur part d’annexer le Canada, bien qu’ils prétendent que telle n’est pas leur intention. En se transportant aux premiers temps des Etats-Unis, on voit que par les clauses de la confédération de divers Etats il est pourvu dans le 11e article que: dans le cas où le Canada se joindrait à eux, il participerait à tous les droits et priviléges de l’union; ce qui était refusé à tout autre pays, sauf le consentement de neuf états. Plus tard, la guerre de 1812 montra l’ardent désir des Américains de s’attacher le Canada, et je crois que leurs hommes d’état d’aujourd’hui sont animés des mêmes vues, et que leur but est de nous faire sentir que nos intérêts ne peuvent plus rester isolés des leurs, mais qu’il nous faut les y rattacher. Il n’y a pas longtemps que j’allai écouter une certaine lecture faite en cette ville, laquelle me parut n’être qu’un plaidoyer exprès et fait à dessin pour nous engager à lier nos destinées à celles des Etats voisins. On y disait que la grande cause des difficultés des Etats-Unis était maintenant disparue et qu’il n’y avait plus rien qui s’opposait à leur progrès matériel et social. Je reconnais sans doute, M. l’Orateur, que les Américains sont un grand peuple et que leurs progrès ont été considérables: mais je ne vois point que n’ayions pas les mêmes avantages si nous y prenons garde. (Ecoutez écoutez!) Dans tous les cas, si nos avantages ne sont pas aussi grands ils nous suffisent, et nous devons être contents. Il est encore une autre considération dont je veux faire mention. Si on réfléchit à la population qui peuple ces provinces et si nous considérons son origine, son caractère, si nous nous rappelons qu’elle est progressiste, entreprenante et pleine d’initiative, est—il raisonnable de supposer que nous resterons éternellement dans cet état d’incertitude? Est-il raisonnable de supposer que nous devons toujours rester divisés en plusieurs provinces séparées seulement par une ligne imaginaire? Est—ce que nous ne voulons ni grandir, ni croître? Nous est-il possible d’espérer pouvoir atteindre aucune importance nationale sous un régime tel que celui d’aujourd’hui? Je crois donc que l’on devrait consolider les intérêts des diverses provinces; et d’abord rien ne s’y oppose à l’égard du territoire qui, s’étendant de l’Atlantique au Pacifique, est assez vaste pour nourrir un grand peuple. J’ai entendu dire par des personnes, dont l’autorité fait foi en pareille matière que la génération est née de ceux qui sont destinés a voir l’Amérique Britannique du Nord peuplée par 60,000,000 d’habitants. Peut—être cette opinion est—elle exagérée, mais personne ne doute de l’accroissement considérable qui se fera dans notre population du moment où le projet actuel aura reçu son exécution. (Ecoutez! et applaudissements.) L’hon. député d’Hochelaga (M. A. A. Dorion) a dit, dans le cours de ses remarques, ne le jour où seraient adoptées ces résolutions serait un jour néfaste. M. l’Orateur, telle peut—être l’opinion de l’hon. monsieur, mais elle n’est certainement pas la mienne. Je crois, au contraire, que le jour où nous ne pourrons nous entendre pour accomplir une union entre nous, ce jour—là sera le jour néfaste (Applaudissements.)

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L’hon. monsieur a également dit que ce projet était trop conservateur de sa nature: je comprends que cela puisse lui déplaire; mais, pour moi, je n’en suis aucunement inquiet. (Applaudissements.) Il déclare que c’en est fait du grand parti libéral. Je serais fâché qu’il en fût ainsi, car j’ai toujours tenu à être libéral et modéré dans mes opinions politiques. (Ecoutez! écoutez!) Tout en regrettant que le projet actuel eut pour effet de ruiner aucun parti important, je verrais plus particulièrement avec peine la destruction du grand parti libéral. (Ecoutez! écoutez!) Mais je ne crois pas qu’il puisse être détruit de cette manière; car, lorsque la confédération sera accomplie, nous aurons les mêmes partie que ci-devant. Il pourra se faire quelque modification quant aux hommes, mais j’ai la conviction qu’il y aura encore un grand parti libéral. (Applaudissements et rires.) Les partis sont nécessaires au bon fonctionnement des pays; mais on ne doit pas soutenir l’esprit de parti afin de semer la discorde et la division; au contraire, tous les partis doivent faire trève et s’unir pour élever un pouvoir qui devra être senti et respecté par tout l’univers. (Ecoutez! écoutez! et applaudissements.) L’hon. député de Brome (M. Dunkin) a fait quelques remarques qui m’ont frappé par leur singuliarité, mais qui sont un exemple de la façon dont il s’exprime. Il s’est attaché à citer des auteurs et des hommes d’état anglais tout ce qu’il a pu trouver de contraire au projet; mais, aussitôt qu’on a voulu lui prouver que l’opinion en Angleterre était en faveur, il s’est retourné et a répondu que l’on ne pouvait accorder aucun poids à ce que l’on pensait en Angleterre sur la politique canadienne. (Ecoutez! écoutez! et rires.) Comme cet hon. membre n’est pas à son siége, je ne dirai rien de plus de ses assertions. L’hon. député de Cornwall, (M. J. S. Macdonald), pour qui j’ai toujours eu le plus grand respect, a prétendu que l’on n’avait crié à l’annexion qu’afin de faire voter le projet;—mais, voilà que l’hon. député d’Hochelaga (M. A. A. Dorion) prétend de son côté que c’est précisément le même projet qui doit nous pousser vers l’annexion. (On rit.)

L’Hon. J.S. Macdonald—Le premier ministre a dit que nous marchions rapidement vers l’annexion, et que cette mesure devait mettre fin à cet état de choses.

M. Ross—Je crois avoir fatigué l’attention de cette hon. chambre par mes remarques déjà trop longues: c’est pourquoi, si l’occasion s’en présente, je reviendrai sur la question et je parlerai de quelques autres considérations. (Cris:—continuez!) Ainsi que je l’ai dit, les membres de la conférence de Québec se sont occupés de la question dans le dessein bien arrêté de combiner une constitution qui produirait le bien-être du pays, et quoique je sois loin d’approuver toutes les résolutions, quoiqu’il y ait des choses que j’aimerais à voir modifier, je voterai cependant pour le projet. Ainsi, par exemple, j’aurais aimé que dans la constitution du conseil législatif ont eut gardé le système actuel; mais les délégués ayant cru bon de le changer, je ne saurais me justifier de voter contre le projet à cause d’un ou de deux détails qui me déplaisent. (Ecoutez! écoutez!) —Nous devons nous attendre à faire jusqu’à un certain point le sacrifice de nos opinions, afin d’arriver à un meilleur ordre de choses que celui que nous avons aujourd’hui. Pour ma part, je crois de mon devoir d’agir de cette façon et suis persuadé que le pays contracte une dette de reconnaissance envers les hon. ministres si le projet qu’ils ont combiné vient à être mis à exécution. (Ecoutez!) C’est pourquoi, j’espère que quoiqu’il advienne, et quelque échec que rencontre ce projet, qu’il finira par être voté, et que les législatures prieront. Sa Majesté de faire passer une loi pour lui donner suite. Puis, lorsque cette constitution aura été complétée et ratifiée, lorsqu’il n’y aura plus de doute sur l’identité de ses principes avec ceux de notre gouvernement actuel, tout Canadien loyal et de cœur aura raison de bénir la Providence de l’avoir fait naître sur une terre aussi favorisée. (Applaudissements.)

M. Bowman—Comme la discussion sur cette grande question me parait tirer rapidement ver sa fin, je veux faire part à la chambre de quelques observations avant le vote. La question de réformes constitutionnelles est loin d’être nouvelle en Canada, car elle a déjà occupé l’attention des hommes publics, de la presse et de l’opinion de ce pays, depuis déjà des années;—et les demandes à ce sujet de la part du Haut-Canada ont été tellement pressantes, qu’il a été impossible depuis quelque temps de former un ministère qui fut assez fort pour administrer le pays avec succès. La population du Haut-Canada a depuis nombre d’années agité la question d’une augmentation de représentation dans les chambres, et […]

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[…] peu refuseront d’en reconnaître la justice. A cause de la différence de la population du Haut et du Bas-Canada, et de l’injustice faite au premier, je suis convaincu de la nécessité de certains changements afin de combiner un système de gouvernement plus satisfaisant. (Ecoutez! écoutez!) Le peuple comprend tellement l’importance de cette question que je suis persuadé qu’il est prêt à laisser le champ libre à tout projet qui promettrait d’inaugurer un nouvel et plus satisfaisant état de choses. (Ecoutez! écoutez!) Il y a, suivant moi, deux moyens d’atteindre ce- résultat; le premier, par l’union législative du Haut et du Bas-Canada basée sur la représentation d’après le chiffre de la population, le second, par une union fédérale soit entre les deux Canadas, soit entre toutes les provinces de l’Amérique du Nord. En s’adoptant pas l’un ou l’autre de ces deux remèdes, les deux provinces courent de grands dangers de se séparer finalement,—ce qui ne saurait manquer d’être fatal à notre existence comme ce colonie anglaise. (Ecoutez! écoutez!) Notre proximité des Etats-Unis rend nécessaire de maintenir notre union presqu’à aucun prix. Mais, pour changer notre constitution, il serait à souhaiter qu’on obtint le consentement de la majorité des députés des deux sections de la province; car, bien ne le projet pût être voté par une majorité d’une section appuyée d’une minorité de l’autre section, il ne donnerait pas de cette manière toute la satisfaction désirable. Les demandes du Haut-Canada pour changer le mode de représentation ont rencontré, de la part du Bas-Canada, une telle résistance et une telle opposition, que même plus chauds défenseurs de la mesure ont été convincus que la chose était impossible au moins pour quelque temps. Partant de la supposition qu’il est impossible avec l’union actuelle d’opérer ce changement, je crois qu’il est de notre devoir de tâcher, par un autre moyen, de résoudre nos difficultés. Suivant moi, la formation d’un système de gouvernement basé sur le principe fédéral avec une législature centrale exerçant son contrôle sur toutes les questions communes aux provinces, et une législature locale afin de permettre à chaque état d’administrer ses propres affaires, serait le seul système qui pût plaire au peuple de ces provinces: or, le projet actuel n’est rien autre chose. Les adversaires du projet ont prétendu qu’il n’y avait aucune nécessité d’un tel changement que le Haut-Canada avait cessé ses demandes de réformes constitutionnelles et qu’il est tout-à-fait heureux de sa présente condition. Je me permettrai de dire à ces hon. messieurs qu’ils sont dans l’erreur la plus complète. Le désir d’un changement est tout aussi fort que jamais dans le Haut-Canada, qui ne sera satisfait que lorsque justice lui aura été faite d’une manière ou d’une autre. (Ecoutez! écoutez!) Nous ne sommes pas le seul peuple qui ait jugé nécessaire de changer sa constitution, car on voit à peine une nation civilisée qui n’ait pas été un jour ou l’autre forcée de modifier la forme de son gouvernement afin de se tenir à la hauteur des évènements, de même qu’il est assez rare que ces grands bouleversements politiques, qui consolident ou ruinent une puissance, ne soient pas amenés par de violentes commotions civiles où des milliers de citoyens perdent la vie ou leur fortune. La situation actuelle des Etats—Unis en est un triste exemple. La constitution de ce malheureux pays fut l’œuvre des hommes d’état les plus sages et les plus éminents, et cependant, moins d’un siècle après, voilà que le peuple américain, qui la regardait comme la plus parfaite du monde, se trouve plongé dans les horreurs d’une guerre civile et tente de faire disparaitre la cause qui lui a suscité tant de troubles et de maux. Si donc nous réussissons à donner une base permanente à la consolidation de ces provinces, si nous réussissons à combiner une union qui aura pour effet de perpétuer les institutions anglaises sur ce continent et arrêter ainsi le courant d’absorption de la république voisine, nous aurons travaillé pour notre postérité et mis un obstacle infranchissable aux discordes intestines. (Ecoutez! écoutez!) Nous devons dans la discussion de ce projet mettre de côté le souvenir des anciennes liaisons de parti, afin de lui donner cette considération calme et réfléchie que demande son importance. Lorsque nous songeons aux difficultés de section à faire disparaître, aux intérêts à reconcilier et aux préjugés à vaincre, il est évident que nous ne pouvons étudier ce projet qu’avec des dispositions à accepter un compromis. Il nous faut entrer dans la voie des concessions mutuelles afin de respecter les droits et les sentiments de tous, autant que cela est compatible avec la justice que l’on d oit à tous. J’ajouterai que quoique n’approuvant pas la mesure actuelle dans tous ses détails, je crois cependant qu’à tout prendre c’est encore la mieux combinée dans, les circonstances actuelles, et c’est à […]

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[…] ce titre que je lui donnerai mon appui. Je crois, par exemple, que la clause qui règle la constitution du conseil législatif est contraire au sentiment de la majorité du peuple du Haut-Canada, et en particulier à celui de mes électeurs. Tout le monde conviendra que le système électif nous a donné un conseil législatif composé d’hommes qui feraient honneur à n’importe quelle nation, et je confesse que j’aimerais à voir continuer le même système. Cependant, quelque disposé que je sois à voter un amendement qui aurait pour but de continuer le système actuel, pourvu qu’il ne mît aucun obstacle au succès de tout le projet, je ne crois pas que mes électeurs le rejeteraient pour la seule raison qu’il s’y trouve quelques détails qu’ils n’appreuvent pas. Pour ma part, M. l’Orateur, j’affirme que je n’agirai pas ainsi. Les adversaires du projet en appellent à la partie française de notre population en lui disant que sa nationalité est en danger, qu’elle va être absorbée par la législature centrale et que l’on va attenter à ses droits et priviléges; ils se tournent ensuite du côté des Anglais du Bas-Canada, et leur disent que leur nationalité et leurs écoles courent les plus grands dangers de se trouver à la merci des Français dans la législature locale. Ce n’est pas tout: pour se rallier des amis dans l’ouest ils menacent les contribuables du Haut-Canada et tâchent de les convaincre que c’est sur eux que va retomber la plus forte partie des impôts du nouveau système. On a déjà démontré que les provinces maritimes contribueront pour leur part aux dépenses civiles, qu’elles paieront par tête autant que le Haut et bien plus que le Bas-Canada, de sorte que cette objection ne s’appuie sur rien. Ceux qui cherchent à renverser la mesure en soulevant les préjugés et les animosités de race, devraient se rappeler qu’ils suivent une ligne de conduite destinée à empêcher tout gouvernement de fonctionner, et que, s’ils venaient à réussir, ils convaincraient le Haut-Canada que le Bas est déterminé à lui refuser toute justice. (Ecoutez! écoute!) D’autres ont prétendu que la confédération produirait la séparation avec la métropole; je crois que les amis de l’union sont tout aussi désireux de maintenir les liens qui nous unissent à l’Angleterre que ses adversaires, et qu’il est à désirer que ces liens durent aussi longtemps que possible. Mais, en supposant même que nous jetons les fondements d’un empire anglo-américain destiné à devenir indépendant de le métro pole, lorsque ses ressources auront atteint un développement suffisant et que sa population sera assez nombreuse, assez forte et assez prospère, je ne pense pas que cette pensée doive nous empêcher de voter le plan actuel. Une autre objection est la probabilité que les provinces du golfe s’opposent à l’ouverture du territoire du Nord-Ouest laquelle probabilité n’a de fondements que dans la tête des adversaires de la confédéraration, car comment ne s’apercevraient-elles pas qu’il est aussi de leur intérêt de voir ouvrir cette partie du territoire à la colonisation, et d’étendre par là leur commerce et leurs relations? L’ouverture de ce territoire serait donc mutuellement avantageuse à elles comme à nous. On a beaucoup parlé de soumettre la mesure actuelle au peuple avant de l’adopter, et je dois dire que jamais je me saurais décidé à la voter sans connaître le sens de l’opinion publique d’une façon ou d’une autre, à moins qu’une majorité de mes électeurs ne se déclarât favorable au projet. C’est pourquoi j’ai tenu des assemblées publiques dans mon comté, afin de savoir ce que pensaient mes électeurs.—Ces assemblées furent très fréquentes et presque chaque fois la grande majorité s’est prononcée non seulement en faveur des principaux traits de la mesure, mais a même exprimé le désir de la voir voter par le parlement sans en appeler au peuple. Je voterai donc avec plaisir les résolutions actuelles, persuadé qu’en agissant ainsi je ne ferai que m’acquitter de mon devoir envers mes électeurs et le pays en général.(Applaudissements.)

M. Walsh—M. l’Orateur:—J’avais l’intention au commencement de la discussion actuelle, de prier la chambre d’écouter avec bienveillance quelques observations détaillées que j’avais à faire sur la question importante contenue dans les résolution mises entre vos mains. J’aurais voulu passer en revue les évènements qui ont rendu nécessaire la combinaison du plan qui se discute aujourd’hui dans toutes les colonies Anglo- Américaines du Nord de ce continent,—remonter à la source de l’agitation qui a été la suite des difficultés entre le Haut et le Bas-Canada, et montrer comment ces difficultés avaient grandi au point de ne nous laisser d’autre alternative qu’une dissolution de l’union ou une constitution nouvelle dans le genre de celle qui est soumise aujourd’hui à notre sanction. J’aurais voulu exposer au long mes raisons pourquoi nous […]

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[…] devions rejeter la première et adopter la seconde, car je crois, avec à peu près tous les députés de cette chambre, que l’union actuelle des deux provinces a plus que réalisé les espérances les plus larges de ceux qui travaillèrent à son accomplissement. Depuis l’union, nous avons grandi en population, en revenu et en ressources dans une proportion presqu’inouïe; nous avons vu deux population différentes d’origine, de langue et d’institutions, n’ayant de commun que leur allégeance à la même couronne, se fondre rapidement en une seule par le nom et les sentiments; de sorte qu’à tous égards l’union actuelle a été féconde en excellents résultats. Aussi, me proposais-je, dans le cas où j’aurais traité le sujet à fond, de dire que si j’avais eu à voter entre le maintien de cette union et sa dissolution avec retour à l’ancien ordre de choses, j’aurais été, pour ma part, des plus hostiles à cette dernière mesure. (Ecoutez! écoutez!) Mais des circonstances majeures ayant fait hâter la clôture du débat plus tôt que je ne m’y attendais, je ne mettrai pas la patience de cette chambre à l’épreuve à cette heure avancée en lui exposant bien au long ce que j’ai à dire sur la question. Dans les quelques observations que je ferai je veux me borner à parler des oints principaux de la mesure. Au lieu de me lancer dans de longs extraits de ce qu’ont dit d’autres hommes, ou dans des commentaires à perte de vue sur les divers systèmes de gouvernement dans les autres pays, je me bonerai à parler des résultats probables que devra avoir pour nous le plan qui nous est présenté. (Ecoutez! écoutez!) Comme plusieurs des hon. orateurs qui m’ont précédé, je dirai que le jour où je m’occupai d’affaires publiques, je ne pus m’empêcher de songer qu’il viendrait un temps où non seulement l’union des provinces de l’Amérique Britannique du Nord serait à souhaiter mais même absolument indispensable. Je considère cette mesure désirable au point de vue commercial et militaire. Tout député qui siège dans cette enceinte, même depuis le temps assez court où j’y suis entré, conviendra que l’opinion de la chambre a complètement changé depuis les dernières années sur cette importante question des défenses du pays. Je vois avec plaisir que sans exception de parti tous nous comprenons mieux nos devoirs à cet égard, et que le peuple agissant par ses députés est tout-à-fait disposé à accepter sa part de responsabilité dans la défense de ces provinces. (Ecoutez! écoutez!) A cet égard, la démarche que nous prenons en ce moment est de la plus haute importance, parce que tout en nous reposant beaucoup sur l’aide de l’Angleterre pour nous défendre en cas de nécessité, il est évident que les provinces en s’unissent ensemble et en agissant toutes de concert avec la métropole, peuvent organiser un systéme de défense bien plus effectif que celui que nous pourrions combiner en demeurant séparés et isolés. (Ecoutez! écoutez!) Mais, c’est au point de vue commercial que je crois devoir surtout m’attacher en étudiant cette question. Nous devons la considérer sous le rapport des relations commerciales plus fréquentes que fera naître la construction du chemin de fer intercolonial;—c’est ainsi qu’un nouveau marché sera ouvert par l’enlèvement des barrières qui s’élèvent aujourd’hui entre les provinces du golfe et nous. Persuadé que nos relations d’affaires avec les provinces- sœurs devraient êtres libres et sans entraves, je suis chaudement en faveur de la construction de ce chemin de fer. Après avoir exposé les raisons générales qui me portent à appuyer l’union de ces provinces, j’ajouterai que si j’avais le choix et que je pusse décider la question par mon vote, je dirais:— « Donnez- nous une union législative! »—qui aurait, je le crois, pour effet de rapprocher plus étroitement tous les colons entr’eux et de rendre leurs intérêts bien plus identiques que le système fédéral. Mais, comme les discours prononcés à l’ouverture des débats dans cette chambre par des membres de la conférence du 10 octobre, nous apprennent que les deux modes ont été discutés par les délégués et que l’union fédérale l’a emporté, l’autre ayant été déclaré impossible, il ne nous est par conséquent pas permis de décider la question dans l’autre sens. Nous en avons asser vu et entendu pour nous convaincre que probablement toutes les autres provinces refuseraient d’entrer dans une union législative. L’hon. proc.-gén. du Haut-Canada, dans le discours qu’il a prononcé à l’ouverture du débat, nous en a assez dit à ce sujet, pour nous persuader que cette question avait été discutée dans la conférence, et que si ce dernier mode avait été rejeté c’était à cause de son impossibilité. C’est pourquoi persuadé qu’il ne nous reste plus qu’à décider entre l’union fédérale ou rien du tout, je donne mon assentiment à l’union fédérale sans hésiter. (Ecoutez! écoutez!) L’une des plus fortes objections que […]

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[…] l’on apporte contre cette mesure, est que le gouvernement fédéral coûtera bien plus cher que celui que nous avons ajourd’hui:—cela peut-être vrai jusqu’à un certain point, quoique pas autant qu’on a voulu le faire croire. Nous ne devons pas perdre de vue que chaque province possède un gouvernement com let dans tous ses détails; par conséquent, il ne restera que peu de chose à y ajouter qui sera de donner simplement des législatures locales à chacun des Canadas. En vertu de ces principes généraux, je me déclare favorable au projet d’union actuel, et, ainsi que l’a très bien fait remarquer l’hon. député de Dundas (M. J. S. Ross), les termes dans lesquels se trouvent conçu le projet doivent plaire beaucoup à tous ceux qui étaient en faveur d’une union de ce genre. Pour ma part, en remplaçant le mot « fédérale » par celui de « législative, » les termes de la première résolution ne peuvent pas me satisfaire davantage. Voici cette résolution:—

« Une union fédérale sous la couronne de la Grande-Bretagne aurait l’effet de sauvegarder les intérêts les plus chers et d’accroître la prospérité de l’Amérique Britannique du Nord, pourvu qu’elle puisse s’effectuer à des conditions équitables pour les diverses provinces. »

Je dirai ici, M. l’Orateur, et je suis sûr de n’être en cela que l’écho de tous ceux qui m’écoutent, que ce que veut le peuple, c’est qu’on effet l’union soit basée sur des principes de justice égale envers toutes les provinces. (Ecoutez! écoutez!) Les termes de la troisième résolution ne sont pas moins satisfaisants:—

« En rédigeant une constitution pour le gouvernement général, la convention ayant en vue de resserrer autant que possible les liens qui nous unissent à la mère-patrie, et de servir les plus chers intérêts des habitants de ces provinces, désire, autant que le permettront les circonstances, prendre pour modèle la constitution britannique. »

En effet, où trouver un remède plus parfait ou un meilleur système de gouvernement que celui de la constitution anglaise? (Ecoutez! écoutez!) L’un des caractères par lequel ce projet se recommande fortement à mon approbation est celui par lequel il diffère de la constitution de la république voisine, car je crois que la cause en grande partie des troubles qui désolent aujourd’hui ce malheureux pays, est due à l’absurde doctrine des droits des Etats. Au lieu de déposer l’autorité suprême dans le gouvernement central, qui ensuite peut le déléguer aux gouvernements des divers Etats, on a adopté précisément le principe contraire;— ce sont les gouvernements locaux qui y possèdent le pouvoir et qui en délèguent une partie à la législature centrale. Je suis heureux d’observer que dans le plan soumis à notre approbation, on a fait du gouvernement central le dépositaire du pouvoir suprême et qu’on lui a subordonné les législatures locales. (Ecoutez! écoutez!) Je vois aussi avec plaisir que, dans l’organisation de la législature générale des provinces-unies, la question si ardue et si longtemps agitée de la représentation d’après le chiffre de la population est en voie d’être réglée d’une manière satisfaisante, car on se propose de faire représenter dans la chambre des communes chaque province suivant le chiffre de sa population. Une telle mesure fait disparaître la source des difficultés qui ont agité depuis si longtemps le Haut et le Bas-Canada, et ont rendu nécessaire de recourir au remède qui nous est aujourd’hui proposé. Quant au conseil législatif, je dois dire qu’ayant toujours été de ceux qui se sont opposés à l’introduction du principe électif dans la constitution de ce corps, je n’ai pas beaucoup de peine à approuver le changement que l’on propose. J’ai toujours cru que nous ne pouvions pas nous attendre à ce que deux branches d’une même législature, émanant de la même source, pussent fonctionner ensemble avec harmonie. (Ecoutez! écoutez!) On pourra appeler cela un mouvement rétrograde, et cependant j’y adhère, parce qu’il place les choses dans l’état où elles auraient dû rester. En pressant cette chambre d’adopter ou de rejeter la mesure, le gouvernement obéit, j’en suis sûr, à des motifs excellents, et il est de son devoir d’en agir ainsi. Tout disposé que je sois à donner mon vote au gouvernement, je reconnais cependant la force des objections soulevées par le secrétaire des colonies dans sa dépêche du 3 décembre dernier au gouverneur-général, au sujet de la constitution de la chambre haute en ce qui touche la chiffre des membres. Quoiqu’il n’y ait aucun doute que ces résolutions soient passées dans leur forme actuelle, je verrais néanmoins avec plaisir le parlement impérial faire à ce sujet, comme à d’autres, les changements qu’il croire nécessaires, et je m’y soumettrais avec plaisir. (Ecoutez! écoutez!) Il y a deux ou trois questions qui se rapportent à ces résolutions dont je dirai quelque chose. La premiére est l’éducation. On en a déjà […]

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[…] beaucoup parlé depuis l’ouverture des dé bats: étant du nombre de ceux qui ont voté la loi actuelle des écoles séparées du Haut-Canada, je dois dire qu’en votant ainsi j’ai cru devoir faire pour la minorité d’une province ce qui était justice pour la minorité de l’autre province, et ainsi rendre justice à tous. Aussi, vois-je avec plaisir qu’on a inséré dans les résolutions le principe des droits des minorités dans chaque division du pays au sujet de l’éduction. J’avouerai que si je demeurais dans le Bas-Canada, je serais loin de me croire traité avec justice si j’étais obligé de contribuer au maintien d’écoles auxquelles je new pourrais en conscience envoyer mes enfants. (Ecoutez! écoutez!) Et puis, j’ai eu la satisfaction lorsque je retournai parmi mes électeurs, de les voir satisfaits de mes explications, et mon vote apprové par eux. Une autre question que je regard comme très importante pour les colonies et que je ne vois pas traitée, dans le plan actuel, est celle de ‘administration et de la vente des terres de la couronne. Je regrette d’en voir laissé le contrôle aux législatures locales, car je pense que s’il est une question sur laquelle le gouvernement ait eu lieu de subir de graves reproches autrefois, c’est celle de l’administration des terres de la couronne. On n’a pas tiré parti de ces terres pour établir un système sage et libéral d’immigration et pour les offrir gratuitement à tous ceux qui voulaient venir s’y établir. N’y a-t-il pas quelque chose d’humiliant pour tout homme qui a des intérêts dans ce pays de voir les torrents d’immigration se diriger de l’Angleterre vers les Etats-Unis, et prendre même pour s’y rendre, la route du St. Laurent? (Ecoutez! écoutez!) Nous avons manqué autrefois de faire ce qu’il fallait pour engager ces immigrants à se fixer parmi nous, et je crains qu’en abandonnant cette question aux législatures locales, la question de l’immigration ne soit traitée dans l’avenir avec le même esprit étroit qu’elle l’a été par le passé. J’aurais aimé à pouvoir songer que la législature générale adopterait un plan libéral et vaste pour l’immigration, enverrait ses agents dans le ports européens, d’où sortent le plus d’immigrés, afin d’explique à ces individus les avantages qu’ils trouveraient à se diriger ici. Aussi, ai-je vu avec peine les délégués faire l’arrangement dont je viens de parler au sujet de cette important question. (Ecoutez! écoutez!) La troisième question qui se rapporte à ces résolutions, quoique ne ne formant pas partie du plan de constitution, est celle de la construction du chemin de fer intercolonial. Avant d’aller plus loin, j’avouerai que mes idées ont subi un grand changement à ce sujet depuis mon arrivée en chambre. En effet, en 1862, à mon entrée au parlement, j’étais l’adversaire déclaré de toute contribution de la part du Canada à cette entreprise. Je croyais, à cette époque, que cette entreprise ne serait pas avantageuse au Canada; mais les événements survenus depuis m’ont convaincu que le temps est arrivé où nous devons assumer notre juste part des frais de construction d’une voie de communication aussi importante. Quels pénibles sentiments ne doit pas éprouver un Canadien visitant le Nouveau-Brunswick ou la Nouvelle-Écosse, quand il se sent étranger au milieu d’une population qui, bien que vivant à nos portes, n’a cependant aucune relation commerciale avec nous. Ce sont, à vrai dire, des voisins que nous ne fréquentons guère. A mon avis, il est grandement temps de faire disparaître les barrières qui nous séparent, et c’est la construction seule du chemin de fer intercolonial qui amènera ce résultat. L’on a prétendu, M. l’Orateur, dans le cours de ce débat, que cette chambre a outrepassé ses pouvoirs en prétendant régler une question de cette nature avant que de la soumettre au peuple, et l’on va même jusqu’à dire qu’avant de donner suite à ces résolutions, l’on devrait permettre à l’opinion publique de se prononcer, en décrétant une élection générale. Quelques uns des députés qui ont soutenu cette proposition, en ont donné pour raison que l’esprit public était encore plongé dans les doutes au sujet du changement proposé, et qu’en conséquence, l’on ne devait pas hésiter à donner à l’opinion publique ample occasion de se formuler. Mais, étrange coincidence! nous voyons ces mêmes députés inonder la chambre de pétitions de leurs électeurs, dans lesquelles ils ne demandent pas un délai pour pouvoir mûrir le projet, mais tout simplement qu’il ne soit as adopté. Ces pétitions font voir que le peuple a étudié la question; qu’il la connait à fond; que son opinion est formée et que la mesure ne doit pas être adoptée. Il faut en que l’esprit public soit suffisamment préparé à se prononcer pour ou contre le projet, ou que ces électeurs signent des pétitions sur des données ni ne suffisent pas pour fonder un jugement correct. Mais, M. l’Orateur, je […]

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[…] suis d’avis qu’il est possible de constater la tendance de l’opinion publique presque sur toutes les questions, et cela sans en appeler aux électeurs; quant à moi, les élections ne me sourient pas. (Ecoutez! et rires.) Je pense que presque tous les électeurs du Haut-Canada ont pris communication de ces réso lutions et qu’ils en comprennent aussi bien la portée que plusieurs membres de cette chambre; et nous avons lieu de croire, M. l’Orateur, que la population du Haut-Canada, au moins, est presqu’unanimement favorable à la mesure. (Ecoutez!) Avant que de me rendre à mon poste, j’ai consulté mes commettants sur la question actuelle; j’ai convoqué des assemblées dans les différentes municipalités de mon comté, et je crois avoir, en un mot, au meilleur de ma capacité soumis le projet actuel aux électeurs de cette partie de la province. J’ai entendu beaucoup parler de l’importance qu’on attachait à soumettre la question au peuple.

M. M.C. Cameron—J’aimerais à savoir de l’hon. député s’il a exposé à ses électeurs les chiffres qui font voir la différence qui existe entre les dépenses qu’entraine une union législative et une union fédérale. S’il ne l’a pas fait, alors le peuple n’était pas en mesure de formuler une opinion sur ce qui convenait le mieux à ses intérêts.

M. Walsh—Si je n’ai pas énoncé par des chiffres la différence entre le coût du fonctionnement d’une union législative et d’une union fédérale, c’est que tant que l’organisation des gouvernements locaux ne sera pas arrêtée, il est impossible de préciser les montants exacts: conséquemment, je suis d’avis que le peuple est aussi bien en position de faire ces calculs, que moi-même ou mon hon. ami, tout avocat qu’il soit. (Ecoutez!) Je dois, néanmoins, dire à l’hon préopinant que j’ai fait connaître à mes commettants le fait ne les résolutions actuelles décrétant que la présente législature aura l’avantage de rédiger elle-même les constitutions des gouvernements locaux du Haut et du Bas-Canada, et que le gouvernement fédéral devant payer à chaque province une subvention annuelle de 80 centins par tête pour le fonctionnement du gouvernement local et la confection de travaux locaux, toute somme excédant cette subvention devra nécessairement être perçue au moyen de la taxe directe, et que par cet arrangement, nous avions une ample garantie que la plus grande économie possible serait exercée dans tous les départements administratifs. (Ecoutez!) Telle est, M. l’Orateur, la réponse que j’ai cru devoir faire à la question de l’hon. député; malheureusement, la différence qui existe entre lui et moi, est, qu’étant tous deux favorables à une union législative, il ne veut pas en accepter d’autre. Pour ma part, croyant qu’elle est irréalisable pour le moment, j’accepte le projet qui nous est aujourd’hui proposé, dans l’espoir que le peuple, consultant son expérience, ne tardera pas à demander l’abolition des gouvernements locaux et l’adoption de l’union législative. (Ecoutez!) J’ajouterai—et avec un sentiment de bien vive satisfaction—qu’aux assemblées tenues dans mon comté, les électeurs ont paru très favorables au système actuel, et que des résolutions à cet effet ont été proposées et secondées, presque dans chaque cas, par des personnes appartenant a différents partis politiques. (Ecoutez!) — Plusieurs députés ont prétendu que le peuple n’a pas eu l’avantage d’étudier ces résolutions— pour la raison que le gouvernement avait fait inscrire le mot « confidentiel » sur l’enveloppe en les envoyant aux membres de la législature. Quant à moi, je dois avouer que je n’ai pas eu de difficulté à surmonter cet obstacle. Comme je ne pouvais faire usage de l’exemplaire qui me fut expédié sans violer la confiance que l’on reposait en moi, je comparai cette version avec celle publiée dans les journaux, et ayant constaté que c’était une copie fidèle de l’original, je m’emparai de cette dernière, et aux assemblées qui eurent lieu, j’en fis lecture à mes commettants au lieu de me servir du document confidentiel que j’avais reçu (Ecoutez! et rires.) Je crois que d’autres auraient pu suivre mon exemple sans scrupule et au grand avantage de leurs électeurs. (Ecoutez!) Ne désirant pas fatiguer plus longtemps l’attention de cette chambre, je me contenterai d’observer que je regrette beaucoup de voir qu’une question d’une importance aussi vitale—une question qui laisse bien loin derrière elle toutes celles qui ont jusqu’à ce jour occupé la chambre— une question qui n’intéresse pas le Canada uniquement, mais encore toutes les provinces de l’Amérique Britannique du Nord—une question qui exercera une influence directe sur les générations à venir,—qu’une pareille question, dis-je, ait été envisagée au point de vue des intérêts des préjugés et triomphes de parti! (Applaudissements.) Notre but, […]

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[…] en discutant cette mesure, ne devrait pas être de nous enforcer de renverser une administration pour en ramener une autre au pouvoir, mais bien de rechercher les moyens les plus propres à assurer la prospérité présente et future des provinces de l’Amérique Britannique du Nord. (Ecoutez!) Quant à moi, personnellement, je ne m’occupe guère des hon. membres qui siégent sur les banquettes ministérielles, en tant qu’il s’agit de cette question que j’envisage à un tout autre point de vue que celui de l’esprit de parti. Quand on songe à la position de ces provinces, l’on ne peut se cacher le fait qu’il importe grandement que nous votions ces résolutions. Si le projet ne réussit pas, à cause de l’hostilité des provinces maritimes, nous n’en sommes pas responsables.—Si nous sommes d’avis que le projet actuel favorise nos intérêts, je dis que nous sommes tenus d’appuyer l’administration qui nous l’offre comme la base de notre union. Croyant sincèrement que c’est là la position qu’il convient de prendre, c’est, comme je l’ai déjà exprimé, avec un grand plaisir que je lui offre mon concours. (Ecoutez!) L’on me permettra, j’ose l’espérer, de répondre à une observation faite par l’hon. député de North Waterloo (M. BOWMAN). L’hon. monsieur a prétendu que si ce projet est adopté, il nous conduira à l’indépendance. Or, c’est ce à quoi j’objecte, à tel point que si je savais que la mesure que nous discutons en ce moment devait dissoudre les liens qui nous unissent à la mère—patrie, je la repousserais de mon vote, sans me soucier des conséquences de ma démarche. Je crois qu’il n’est rien que nous devions si ardemment désirer—rien de si glorieux pour ces colonies, que de rester, comme nous le sommes aujourd’hui, attachés à la Grande-Bretagne.

M. Hon. M. Cockburn—L’hon. député de North Waterloo a simplement dit que la mesure nous empêcherait d’être absorbés par les Etats-Unis.

M. Walsh—Je ne désire pas donner une fausse interprétation aux paroles prononcées par cet hon. monsieur, c’est pourquoi je suis heureux de voir que j’ai mal compris ses observations. M. l’Orateur, j’ai occupé l’attention de la chambre plus longtemps que je ne le croyais quand j’ai pris la parole. Je me suis borné à commenter les points principaux du projet; mais je n’ai pas, comme d’autres, perdu un temps précieux à citer des autorités, ou à lire des extraits de journaux pour faire voir quel a été le passé politique de certains membres des deux partis en cette chambre. Que m’importe à moi ce que pensaient, il y a douze mois, certains hon. membres au sujet de la représentation basée sur la population ou de toute autre question? La mesure dont la chambre est actuellement saisie, doit se recommander et se juger d’après son mérite. Ainsi, croyant donc que l’adoption de ce projet sera la source des plus grands avantages pour nous, Canadiens, et pour nos descendante, je le dis encore, c’est avec un vif plaisir que j’appuierai ces résolutions de mon vote. (Applaudissements.)

M. Gibbs—M. l’Orateur—En prenant la parole à une heure aussi avancée de la nuit, je ne puis, comme grand nombre d’autres députés, m’empêcher d’admettre que ce débat a duré assez longtemps et que nous devons nous empresser de le clore. Néanmoins, à titre de député récemment élu par un comté riche et populeux, engagé dans de grandes opérations commerciales, manufacturières et agricoles, je crois qu’il est de mon devoir de faire connaitre à cette chambre quelles sont mes vues sur la question de la confédération des provinces de l’Amérique Britannique du Nord, qui nous occupe en ce moment. A mon avis, nos ministres méritent des éloges pour la manière énergique et sincère avec laquelle ils se sont appliqués à tenir, envers le pays, les engagements qu’ils avaient contractés dans le cours de l’été dernier. (Ecoutez!) Je considère que l’opinion de cette chambre est fermée depuis bien longtemps, et que la votation sur cette question aurait pu, sans inconvénient, avoir lieu dès que le procureur- général du Haut-Canada eût terminé la lecture des résolutions et le discours qu’il fit à ce sujet. J’ai observé, M. l’Orateur, que presque tous les députés qui ont parlé de la mesure se sont prononcés en faveur d’une union quelconque avec les provinces maritimes. Lors de la réunion des délégués des provinces maritimes à Charlottetown, c’était d’une union législative dont on s’occupait alors; mais à la conférence de Québec, le principe fédéral fut substitué au principe législatif; le Bas-Canada et les provinces maritimes votèrent unanimement dans ce sens; mais, parmi les délégués du Haut-Canada il y eût divergence d’opinions, le procureur-général préférant une union législative, et l’hon. président du conseil une union, fédérale. (Ecoutez! écoutez!) Le sujet de l’ union des […]

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[…] provinces a été vu d’un œil favorable, non- seulement par nos hommes d’état qui, depuis des années, l’envisageaient comme la mesure la plus propre à mettre un terme aux difficultés qui arrêtaient la législation du pays, mais encore par les principaux hommes d’état de la métropole, qui regardent la proposition comme un moyen efficace de créer une puissante nation et aussi de maintenir sur ce continent les institutions monarchiques. (Ecoutez!) M. l’Orateur, quelle qu’ait put être la divergence d’opinions qui a donné lieu aux discussions prolongées de la conférence, il y a néanmoins un point qui, à en juger par les discours des délégués ainsi que par les résolutions elles-mêmes, semble avoir été accueilli avec la plus parfaite unanimité, je veux parler de l’expression de notre loyauté et de notre attachement à la couronne de la Grande-Bretagne. (Ecoutez!) L’on aurait pû croire inutile d’exprimer ce sentiment dans les résolutions; néanmoins, voici qu’on le trouve ainsi énoncé dans la première:—

« Une union fédérale sous la couronne de la Grande Bretagne aurait l’effet de sauvegarder les intérêts les plus chers et d’accroître la prospérité de l’Amérique Britannique du Nord. »

Quant à l’avenir que nous réserve cette union projetée, il est singulier de voir ce qui a été dit et écrit à ce sujet; les une prétendent qu’elle entrainera inévitablement notre séparation de la mère-patrie et finalement notre indépendance; et les autres affirment, avec non moins d’assurance, qu’elle produira l’annexion aux Etats-Unis. (Ecoutez!) Quelque puisse être le résultat final de cette union, il n’en est pas moins avéré par tout le monde qu’un changement quelconque est devenu nécessaire dans les relations actuelles entre le Haut et le Bas-Canada; il est donc satisfaisant d’apprendre que l’on a enfin trouvé un moyen d’apaiser les animosités qui ont si souvent au pour théâtre l’enceinte même de cette chambre. (Ecoutez!) Nous pouvons nous féliciter, M. l’Orateur, du fait que pendant que nos voisins sont engagés dans une lutte sanguinaire au sujet du maintien de leur constitution, il nous est permis de discuter librement et sans entraves une mesure d’une si grande importance pour nous, et qui est appelée à créer une révolution, pacifique il est vrai, mais une révolution dans nos institutions politiques, et cela avec la sanction du gouvernement actuel nous devons allégeance! (Ecoutez!) Les dispositions de cette mesure ont été publiées et commentées par tout le pays; bien plus, elles ont été discutées à fond dans grand nombre de localités. Dans le comté que j’ai l’honneur de représenter, le sujet de la confédération a été le thème de la dernière élection, et je suis en position d’affirmer qu’à peu d’exceptions près, l’opinion publique y est favorable au projet. (Ecoutez!) Il s’est bien dans quelques rares cas trouvé des hommes marquants qui ont prétendu qu’ils n’étaient pas d’avis que nous devions former partie de cette union, mais c’était l’exception. L’un de ces messieurs, le préfet d’un des plus importants cantons de mon comté, était présent à une grande assemblée des électeurs; or, après avoir prononcé son discours, il ne s’est pas rencontré une seule voix pour faire écho aux sentiments exprimés par lui. (Ecoutez!) Un autre, ex-préfet et ex-membre du parlement, bien qu’il n’ait jamais eu l’honneur de siéger dans cette chambre, porte également la parole devant une assemblée considérable, mais avec le même résultat. La seule opposition qui se soit manifestée, dans tout le cours de la lutte, ne s’adressait aucunement au projet même, mais à des questions de détail. (Ecoutez!) Ce fut surtout la constitution dû conseil législatif à laquelle l’on s’est le plus attaqué; mon adversaire prétendait que la chambre haute devait rester élective, tel qu’aujourd’hui, au lieu d’être nommée par la couronne, comme le veut la mesure actuelle. Je suis prêt à corroborrer ce qu’a dit l’autre soir l’hon. président du conseil, lorsqu’il a affirmé qu’il n’hésiterait pas à se présenter devant aucune classe d’électeurs libéraux du Haut-Canada et à leur faire ratifier ce principe. (Ecoutez!) Du moins c’est ce que témoigne le résultat de l’élection de South Ontario. J’admets volontiers que le peuple n’a pas demandé de modification à la constitution du conseil législatif; mais il ne suit pas de là qu’il veuille rejeter le projet dans son ensemble pour la raison que les résolutions comportent ce changement. (Ecoutez!) Lorsque l’on a cherché à faire croire à mes commettants qu’en appuyant le principe de la nomination par la couronne, je travaillais à créer une aristocratie dans ce pays, et que le résultat en serait que les terres de cette province finiraient un jour par devenir la propriété exclusive d’une classe privilégiée, j’ai répliqué que tel n’avait pas été le cas dans le passé, et que dans un pays comme le nôtre, un fait de ce genre ne pourrait jamais se produire; j’ajoutai en […]

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[…] outre que le chef du parti réformiste, l’hon. président du conseil, s’était presque trouvé seul dans cette chambre en 1850 pour repousser l’introduction du principe électif. Je n’ai pas d’autre désir, M. l’Orateur, que de voir s’établir cette union sur des bases justes et équitables; or, je pense que nous atteindrons ce but en adoptant le mode proposé de faire assumer au gouvernement central les dettes dont chaque province est responsable, au taux de $25 par tête. Je regrette néanmoins que l’on ait fixé à un chiffre aussi élevé que 80 centins par tête, la subvention accordée aux législatures locales, car je crains que le revenu sera si considérable, ajouté aux revenus provenant de sources locales, que le surplus disponible, après paiement des dépenses du gouvernement, pourra induire les gouvernements à se lancer dans des extravagances qui ont tant compromis notre passé et pourraient, sous ce système, compromettre également notre avenir. J’ai fait des recherches très- minutieuses M. l’Orateur, pour constater quelle sera la position probable du Haut-Canada en vertu de l’arrangement que l’on propose, et je trouve que ses revenus et dépenses seront approximativement comme suit:

REVENU.

Honoraires judicaires $100,000
Fonds d’emprunt municipal 180,000
Fonds de construction, H.C. 30,000
Fonds des écoles de grammaire 20,000
Terres de la couronne 280,000
Fonds de l’éducation 8,000
Travaux publics 64,000
Subvention à 80 centins 1,117,000
Autres sources 32,000
————
$1,831,000

DÉPENSE.

Administration de la justice $275,000
Education 265,000
Sociétés scientifiques et littéraires 10,000
Prisons, du fonds de construction 32,000
Chemins et ponts 75,900
Administration des terres de la couronne 75,000
Intérêt des obligation excédant l’actif 225,000
Intérêt sur la dette assumée 150,000
Balance disponible 625,000
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$1,831,000

Dans cet aperçu, je n’ai pas mentionné le fonds des municipalités, vu que les recettes sont distribuées l’année suivante entre les municipalités. Portant la dépense du gouvernement local à $150,000, nous avons une balance de $476,000 par année pour les besoins locaux. Je considère cette subvention comme beaucoup trop élevée, et j’espère encore qu’on en diminuera le chiffre (Ecoutez!) Mon hon. ami de North Ontario, partant de l’hypothèse que les provinces maritimes contribueront un cinquième du revenu de la confédération, et ne la balance sera fournie par les Canadas, dans la proportion relative de deux piastres pour le Haut-Canada, et une piastre pour le Bas, cherche à asseoir son argumentation sur cette supposition pour démontrer que chaque nouveau représentant acquis au Haut-Canada, coûtera $17,000. Or, M. l’Orateur, je suis d’avis que quand l’union sera accomplie et que les droits auront été répartis également, cette objection disparaîtra au moins jusqu’à un certain point, car il est bien avéré que les provinces maritimes consomment beaucoup plus par tête, d’articles importés, que nous n’en consommons ici. Mais si l’on étend ce principe aux affaires de canton et de comté, les cantons les plus riches auront droit à des appropriations calculées d’après la somme qu’ils fournissent au revenu du comté. Or, cela est un principe qui n’a jamais été admis ni en théorie ni en pratique. Mais, comme il était nécessaire d’établir une base pour prélever les fonds nécessaires aux dépenses des gouvernements locaux sans les forcer à recourir à la taxe directe, je crois que le principe de calculer d’après la population n’est pas injuste. (Ecoutez!) Mais on prétend que le Haut-Canada contribue déjà dans cette proportion et qu’il paiera une somme trop élevée dans la confédération. A cela, je réponds que si la proportion que paient le Haut et le Bas-Canada est juste, et que si la subvention est calculée sur le revenu et non sur la population, cet argument est juste. Mais voyons si l’arrangement proposé pour la distribution des deniers publics n’est pas une grande amélioration apportée à notre système actuel. Le Haut-Canada s’est constamment plaint de ce que, dans cette distribution, on ne tenait compte ni du revenu ni de la population. D’après le système actuel, la subvention de 80 centins par tête, soit $2,005,103 eût été partagée également entre les deux provinces:

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Le Haut-Canada aurait ainsi reçu $1,002,701
D’après la population il recevra 1,116,872
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Différence en faveur du nouveau système $114,171

Les deniers publics ayant été jusqu’à présent divisés également entre le Haut et le Bas-Canada, je crois que la balance de la dette publique, soit $5,000,000, fût divisée de la même manière et non, comme l’a indiqué l’hon. ministre des finances, d’après la population. Mais on prétend aussi que le projet entraînera des dépenses excessives. J’avais espéré, M. l’Orateur, qu’une alliance avec les populations frugales et économes des provinces du golfe aurait amené, dans l’administration de nos finances, une économie qui n’a pas signalé les dernières années. (Ecoutez!) En ce qui concerne les frais d’administration des gouvernements locaux, tout dépend des législatures locales, les résolutions indiquant les sources d’où sera tiré le revenu et quelle sera la subvention locale, le tout sans avoir recours à la taxe directe. Mais, à mon point de vue, ce projet nous donnera une importance nationale. (Ecoutez!) A cela on répond que notre importance n’augmentera qu’avec notre population. Lorsque les provinces qui forment aujourd’hui les Etats déclarèrent leur indépendance, elles avaient une population de 2,500,000. Ou prétend que leur population a augmenté plus rapidement que la nôtre, mais les faits prouvent que cette opinion n’est pas exacte; en effet, en 1860 leur population était de 30,000,000, soit une augmentation de 1200 pour cent; tandis que la nôtre qui, en 1784, était de 145,000, était en 1861 de 3,000,000, soit une augmentation de 2,300 pour cent. (Ecoutez!) La confédération nous donnera une nationalité anglaise, je veux dire que de diverses provinces dépendant de la Grande- Bretagne, elle formera une nation conservant allégeance à la couronne anglaise. On a dit aussi que les avantages commerciaux que donnera la confédération seraient également obtenus par une union législative. Cela est vrai, mais n’est point réalisable; et l’union est désirable parce qu’elle établira entre les diverses provinces des relations commerciales, qui se développent surtout en ce moment du côté des Etats-Unis. (Ecoutez!) Ceci m’amène, M. l’Orateur, à parler du rappel probable du traité de réciprocité. Le pays apprendra avec joie ne, d’après la déclaration faite à la chambre lundi dernier, le ministère fait tout ses efforts pour opérer, avec l’intervention de l’Angleterre, le renouvellement de ce traité avec les Etats-Unis. (Ecoutez!) Je ne suis pas de ceux qui croient que tous les avantages de ce traité ont été pour le Canada; je n’en veux pour preuve que les chiffres suivants:

En 1854, commerce total $24,000,000
En 1863 43,000,000
————
Augmentation de près de 180 pour cent en dix ans $19,000,000
Exportations du Canada aux Etats-Unis pendant les dix années $150,000,000
Importations au Canada 195,000,000
————
$45,000,000
————
La différence en faveur des Etats-Unis étant payée en or
En 1854, le montant des marchandises exemptes de droit était de $2,000,000
Et en 1863 19,000,000
————
Augmentation de 850 pour cent en dix ans $17,000,000

Je ne redoute point le renouvellement du traité. Avec des concessions mutuelles et une bonne entente, les conditions en seront réglées à la satisfactions des deux parties. (Ecoutez!) On a dit que la construction du chemin de fer intercolonial était indispensable à l’union qui, sans cela, n’existerait que de nom. D’après certains calculs, le chemin ne pourra servir à transporter des marchandises à un prix avantageux. On a démontré, par exemple, que le transport d’un baril de farine de Toronto à Halifax, à raison de 2 centins par mille pour chaque tonneau, coûterait $2.35. Aujourd’hui le Grand-Tronc transporte un baril de farine, de Toronto à Montréal, pour 25 centins en hiver et, à ce taux, le transport de Toronto Halifax coûterait $1.22. Si on pouvait obtenir ce résutat, on réaliserait une économie de 85 centins sur le prix actuel du transport par le St. Laurent, et de plus on économiserait les frais d’assurance et d’entrepôt. Le côté stratégique de la question a été longuement discuté. Ce chemin de fer reliera toutes les provinces et les mettra à même de s’aider les unes aux autres en cas d’attaque. A ce point de vue ce chemin est une nécessité.

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Je lis dans le rapport de Lord Durham:

L’union pour la défense commune est le lien qui relie tous les grands états du monde, et jamais pareille union n’a été plus nécessaire qu’entre ces diverses colonies.

(Ecoutez! écoutez!)

Et, finalement, que nous propose-t-on pour remplacer cette union si elle est rejetée? Rien de mieux; et alors pourquoi perdre une occasion qui, peut-être, ne se représentera jamais? Les membres d’une même famille ne doivent-ils pas s’unir dans le succès comme dans les revers? Par cette union, nous développons nos relations commerciales, nous pourvoyons à notre défense commune et nous réglons les difficultés qui existent entre le Haut et le Bas-Canada. (Ecoutez!) Je suis donc en faveur du projet, mais je crois que les populations qu’il affecte doivent être consultées. Je voterai donc contre la question préalable, me réservant le droit de voter pour l’amendement de l’hon. membre pour Peel, qui a pour objet l’appel au peuple. (Applaudissements.) Si cet amendement est rejeté, je voterai pour la motion principale.

Le débat est alors ajourné.

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