Procès-verbaux et témoignages du Comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes sur la Constitution du Canada, 32e parl, 1re sess, nº 18 (3 décembre 1980).


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Date: 1980-12-03
Par: Canada (Parlement)
Citation: Canada, Parlement, Procès-verbaux et témoignages du Comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes sur la Constitution du Canada, 32e parl, 1re sess, nº 18 (3 décembre 1980).
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SÉNAT
CHAMBRE DES COMMUNES

Fascicule n° 18

Le mercredi 3 décembre 1980

Coprésidents:
Sénateur Harry Hays
Serge Joyal, député

Procès-verbaux et témoignages
du Comité mixte spécial
du Sénat et de
la Chambre des communes sur la

Constitution
du Canada

CONCERNANT:

Le document intitulé «Projet de résolution portant
adresse commune à Sa Majesté la Reine
concernant la Constitution du Canada», publié par
le gouvernement le 2 octobre 1980

TÉMOINS:
(Voir à l’endos)

Première session de la
trente-deuxième législature, 1980

COMITÉ MIXTE SPÉCIAL DU SÉNAT
ET DE LA CHAMBRE DES COMMUNES
SUR LA CONSTITUTION DU CANADA

Coprésidents:
Sénateur Harry Hays
Serge Joyal, député

Représentant le Sénat:

Les sénateurs:

Anderson
Asselin
Austin
Bird
Giguère
Goldenberg
Lucier
Roblin
Tremblay—(10)

Représentant la Chambre des communes:

Messieurs

Allmand
Bockstael
Campbell (South
Western Nova)
Corbin
Crombie
Epp
Fraser
Hawkes
Ittinuar
Lapierre
Nielsen
Nystrom
Mackasey—(15)

(Quorum 12)

Les cogreffiers du Comité

Richard Prégent
Paul Bélisie

Conformément à l’article 65(4)b) du Règlement de la Cham-
bre des communes

Le mercredi, 3 décembre 1980:

M. Henderson remplace M. Allmand:
M. Waddell remplace M. Mitcheli;
M. Côté remplace M. Lapierre;
Mlle Campbell (South West Nova) remplace Mme Hervieux-
Payette;
M. Lapierre remplace M. Henderson;
M. lttinuar remplace M. Waddell;
M. Nielsen remplace M. McGrath;
M. Hawkes remplace M. Beatty;
M. Allmand remplace Mme Côté.

Conformément à un ordre du Sénat adopté le 5 novembre
1980:

Le sénateur Goldenberg remplace le sénateur Lapointe;
Le sénateur Anderson remplace le sénateur Stanbury;
Le sénateur Bird remplace le sénateur Petten;
Le sénateur Giguère remplace le sénateur Lamontagne.

ORDRE DE RENVOI DU SÉNAT

Le mardi 2 décembre 1980

IL « EST ORDONNÉ—Que le Sénat se joigne à la Chambre
des communes pour modifier l’ordre de renvoi instituant le
Comité mixte spécial sur la Constitution du Canada en rem-
plaçant les mots «9 décembre 1980» par les mots «6 février
1981»; et

Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes
pour l’en informer.

ATTESTÉ:

Le greffier du Sénat

Robert Portier

ORDRE DE RENVOI DE LA CHAMBRE DES COMMU-
NES

Le mardi 2 décembre 1980

IL EST ORDONNÉ,—Que l’ordre de renvoi instituant le
Comité mixte spécial sur la Constitution du Canada soit
modifié en remplaçant les mots «9 décembre 1980: par les
mots «6 février 1981:; et

Qu’un message soit envoyé au Sénat pour en informer Leurs
Honneurs et les inviter à se joindre à la Chambre pour
effectuer la modification susdite.

A TTESTÉ:

Le Greffier de la Chambre des communes

C. B. KOESTER

PROCÈS-VERBAL

LE MERCREDI 3 DÉCEMBRE 1980
(33)

[Traduction]

Le Comité mixte spécial sur la Constitution du Canada se
réunit aujourd’hui à 15 h 39, sous la présidence du sénateur
Hays (coprésident).

Membres du Comité présents:

Représentant le Sénat: Les honorables sénateurs Anderson,
Asselin, Austin, Bird, Giguère, Goldenberg, Hays, Lucier et
Roblin.

Autre sénateur présent.’ L’honorable sénateur Bielish,

Représentant la Chambre des communes: MM. Allmand,
Bockstael, Mlle Campbell (South West Nova), MM. Corbin,
Epp, Fraser, Hawkes, Irwin, lttinuar, loyal, Lapierre, Macka-
sey, Nielsen et Nystrom.

Autre député présent: M. Beatty.

Aussi présents: Du Centre parlementaire: M. Peter Dobell,
directeur. Du Service de recherches de la Bibliothèque du
Parlement: M. Paul Martin.

Témoins: Du Council for Yukon Indians: M. Elijah Smith,
vice-président; M. David Joe, avocat-conseil; M. Harry Allen,
président; M. Michael Smith, avocat-conseil.

Le Comité reprend l’étude de son ordre de renvoi du Sénat,
du 3 novembre 1980, et de son ordre de renvoi de la Chambre
des communes, du 23 octobre 1980, tous deux portant sur le
document intitulé «Projet de résolution portant adresse com-
mune a Sa Majesté la Reine concernant la Constitution du
Canada», publié par le gouvernement le 2 octobre 1980. (Voir
procès-verbal du jeudi 6 novembre 1980, Fascicule n° 1).

M. Allen fait une déclaration puis, avec les témoins, répond
aux questions.

A 17 h 27, le Comité suspend ses travaux jusqu’à nouvelle
convocation du président.

Les cogreffiers du Comité

Richard Prégent
Paul Bélisle

TÉMOIGNAGES

(Enregistrement électronique)
Le mercredi 3 décembre 1980

[Traduction]

Le coprésident (sénateur Hays): La séance est ouverte. Cet
après-midi nous avons l’honneur de recevoir le Conseil des
Indiens du Yukon représenté par M. Harry Allan, président.
Au nom du coprésident, M. Joyal, et des membres du Comité,
nous sommes heureux de vous accueillir. Je crois savoir que
vous avez une brève déclaration à faire, mais, auparavant,
monsieur Allen, voulez-vous bien nous présenter vos collègues.

M. Harry Allen (Président, Conseil des Indiens du Yukon):
Merci, monsieur le président. Tout d’abord, j’aimerais vous
présenter mes collaborateurs. A ma droite se trouve M. David
Joe, conseiller juridique, chargé des négociations sur les reven-
dications territoriales de notre peuple. A côté de David Joe, se
trouve M. Elijah Smith, vice-président du Conseil des Indiens
du Yukon, responsable des revendications territoriales. A ma
gauche se trouve Michael Smith, notre conseiller juridique,
également chargé des négociations sur les revendications terri-
toriales, et je suis moi-même Harry Allen, président du Conseil
des Indiens du Yukon.

Monsieur le président, honorables membres du Comité,
notre présence ici aujourd’hui témoigne de l’importance que
nous attachons à vos délibérations. Vous savez combien nous
avons exercé de pressions pour pouvoir présenter notre
mémoire; par conséquent, je vous remercie de l’occasion que
vous nous offrez de vous présenter le point de vue de notre
peuple.

Le Conseil des Indiens du Yukon représente environ 6,000
Indiens vivant au Yukon. A certains égards nous représentons
un peuple unique en ce sens que, successivement, nous avons
choisi de repousser les désignations d’Indiens inscrits et d’In-
diens non-inscrits, désignations créées par votre gouvernement.

L’année dernière, nos 12 collectivités du Yukon ont décidé
de se réunir pour former un gouvernement indien central, le
Conseil des Indiens du Yukon.

La principale des responsabilités que nous exerçons à l’égard
de notre peuple concerne la négociation d’une entente avec le
Canada pour que nos droits d’aborigènes, nos droits en tant
que propriétaires et occupants originels du Yukon, soient
clairement définis et inclus.

En plus de ce rôle, nous avons aussi surtout comme respon-
sabilité d’améliorer les conditions misérables dans lesquelles
notre peuple vit du point du vue social et économique. Nous
avons déjà lancé un certain nombre de programmes et nous
sommes en train d’en élaborer et d’en lancer de nouveaux.

Bien que nous ayons réalisé des progrès considérables au
cours de la dernière décennie, monsieur le président, et bien
que nous nourrissions de grands espoirs quant à l’avenir de
notre peuple, nous sommes ici aujourd’hui parce que les propo-
sitions constitutionnelles du gouvernement, si elles sont adop-
tées, menaceront notre espoir d’assurer la reconnaissance des
droits et des protections que notre peuple mérite. Il est certain
que personne parmi les membres du Comité ne souhaite que
l’on en arrive à une telle issue.

Monsieur le président, je reviendrai sur ce point plus tard,
mais, auparavant, je pense qu’il importe de dissiper les malen-
tendus qui auraient pu naître du fait de la comparution, la
semaine dernière, des représentants du gouvernement territo-
rial du Yukon. Je serai bref et précis à ce propos.

Tout d’abord, en ce qui concerne la déclaration de M.
Pearson sur la nature des liens entre notre peuple et le
gouvernement territorial du Yukon, je dois dire que, même si
nous sommes un peuple civilisé et que nous nous traitons
mutuellement en conséquence, il existe assurément, comme M.
Pearson le sait fort bien, des différences profondes entre nos
points de vue, nos aspirations et nos préoccupations
respectives.

Deuxièmement, contrairement à ce qu’on a laissé entendre,
le peuple indien du Yukon n’est pas opposé au développement.
Je demanderai aux membres du Comité de relire ma lettre que
le gouvernement territorial du Yukon a déposée la semaine
dernière. Il est facile de constater que j’y demande a mon
homologue, M. Pearson, de répéter la politique maintes fois
déclarée de son gouvernement selon laquelle le règlement des
problèmes concernant nos droits a priorité sur l’obtention du
statut de province. Il ne s’agit pas la d’un rejet du développe-
ment. Il s’agit simplement de la reconnaissance d’une vérité,
sans laquelle il ne peut y avoir de règlement juste.

Finalement, mon homologue a déclaré la semaine dernière
que les droits des aborigènes devaient être protégés et inclus
dans la Constitution canadienne. Chacun sait que nous
appuyons ce principe de tout coeur. Parallèlement, monsieur le
président, je dois signaler que, malheureusement, la déclara-
tion de M. Pearson sur les droits des aborigènes a peu de
rapport avec les actions passées de son gouvernement. En fait,
monsieur le président, le décalage entre les paroles et les gestes
est si grand que, au lieu d’une déclaration de principe, il
semble plutôt s’agir d’un effort de relations publiques. Comme
il y a d’autres questions urgentes, je préfère ne pas m’attarder
sur ce point maintenant, mais je serai ravi d’y revenir pendant
la période des questions, si cela intéresse l’un ou l’une d’entre
vous.

Monsieur le président, j’en arrive par conséquent à des
préoccupations plus fondamentales.

Depuis 1973, le Conseil des Indiens du Yukon et le gouver-
nement canadien ont essayé, par le biais de consultations et
négociations, de produire un règlement global des droits abori-
gènes spéciaux et des libertés de notre peuple.

Monsieur le président, l’entente à laquelle nous arriverons
aura une incidence profonde sur notre peuple et sur le Yukon.
Elle déterminera ce que veut dire être un Indien du Yukon;
elle déterminera les droits et les libertés de notre peuple sur les
plans social, politique, culturel et économique. Monsieur le
président, il est également clair que cette entente établira un
nouvel arrangement politique et social au sein du territoire du
Yukon. En effet, en plus des points auxquels je viens de faire
allusion, elle permettra à notre peuple de travailler avec les
habitants du Yukon non originaires de cette région pour
construire une société dont tous les Canadiens seront fiers.

Comme je l’ai dit précédemment, notre présence ici aujour-
d’hui témoigne du fait que les propositions dont vous êtes saisis
portent un préjudice grave à nos capacités d’atteindre ces
objectifs.

Monsieur le président, messieurs et mesdames les membres
du Comité, je vous demande de me montrer où, dans les
propositions actuelles du gouvernement, on reconnaît que les
autochtones constituent un groupe unique, un groupe spécial
de Canadiens. Où est-il dit que nous jouissons de droits
spéciaux découlant de notre statut ancestral de premières
nations du pays? Où, monsieur le président, pour parler préci-
sément du cas du Yukon, est-il dit dans votre document sur les
libertés fondamentales que les droits que nous négocions
actuellement seront inclus dans la constitution?

Les membres du Comité savent que le projet de charte ne
précise rien de tout cela. Il a fallu attendre bien hier pour que
le Conseil des autochtones du Canada en traite, et de façon
superbe. Monsieur le président, pourquoi en est-il ainsi?

Comment se fait-il que votre gouvernement peut justifier vos
propositions en disant que les Canadiens attendent depuis H3
ans une constitution faite au Canada tout en détournant les
yeux du fait que nous attendons depuis beaucoup plus long-
temps une simple déclaration de nos droits? Je pense que les
membres du Comité devraient réfléchir sur toute cette période
pendant laquelle nous avons attendu et, parallèlement, ils
devraient songer aux immenses coûts personnels et culturels
que nous avons encourus pendant cette attente.

Je ne puis m’empêcher de remarquer que le projet de charte
inclut les droits fondamentaux des Canadiens, y compris,
monsieur le président, les droits des futurs Canadiens, pas
encore nés, et les droits des futurs Canadiens qui n’ont pas
encore immigré au Canada. Je demande aux membres de votre
comité de m’expliquer, et d’expliquer à notre peuple, pourquoi
nos droits ne peuvent pas être aussi inclus dans cette charte?
Pourquoi faut-il que nous attendions après le rapatriement?
N’avons-nous pas déjà attendu plus que n’importe qui d’autre?

Monsieur le président, je remarque en outre que, dans une
lettre qu’il a récemment envoyée au président de la Fraternité
nationale des Indiens, le premier ministre déclare qu’il sera
plus facile pour notre peuple de faire inclure nos droits après le
rapatriement. Il attribue cela à la nouvelle maturité et au
sentiment de générosité qu’une constitution faite au Canada
créera parmi les Canadiens.

Monsieur le président, je ne souhaite pas remettre en ques-
tion les compétences intellectuelles fort réputées de notre
premier ministre, mais je ne parviens pas à voir la logique de
cet argument.

A mon humble avis, si notre peuple ne peut pas vous
convaincre aujourd’hui de modifier la rédaction de ce texte
pour que l’on reconnaisse et que l’on protège notre statut
spécial. . . , je vous demanderai, monsieur le président, mes-
sieurs et mesdames les membres du Comité, de nous expliquer
comment ce sera plus facile après le rapatriement.

Je suis certain que vous comprenez le dilemme auquel nous
devons faire face: Compte tenu de la formule d’amendement
qui a été proposée, compte tenu des attitudes connues des
divers gouvernements provinciaux, comment nous sera-t-il plus
facile de faire reconnaître nos droits et de les faire inclure dans
les textes constitutionnels après le rapatriement? Il est certain
que, en l’occurrence, il serait beaucoup plus logique que le
gouvernement fédéral exerce son autorité maintenant, qu’il
modifie les propositions, qu’il nous accorde la reconnaissance
et la protection que nous attendons depuis l’arrivée de vos
ancêtres.

Monsieur le président, je puis dire en toute certitude que
personne parmi les membres du Comité, ni dans cette salle, ni
parmi les téléspectateurs n’ignore que nous sommes arrivés ici
les premiers, que nous sommes ici depuis des dizaines de
milliers d’années.

Oui, monsieur le président, les membres de votre comité et
vous-même conviendrez qu’il vous serait fort difficile de trou-
ver des Canadiens qui soient fiers des rapports que l’histoire a
tissés entre nous, les peuples originels et vous, la majorité
dirigeante. Pourquoi en est-il ainsi, monsieur le président?
Pourquoi se fait-il que les Canadiens ne vantent pas les liens
qui nous unissent, et même qu’ils n’en parlent que rarement, et
seulement quand ils y sont contraints?

Monsieur le président, toutes ces questions font directement
ressortir la nature de la constitution dont vous êtes en train de
faire une nouvelle rédaction. Ou bien la charte des droits
créera de nouveaux liens, ou elle confirmera d’aneiennes injus-
tices. Cette décision se trouve fermement entre vos mains.

Quel que soit le résultat de vos délibérations, il aura une
incidence directe sur l’avenir du Conseil des Indiens du Yukon.
Je ne le répéterai jamais assez. Le règlement que, en toute
bonne foi, nous cherchons à négocier traite de tous nos droits
et libertés, des revendications territoriales, des ressoureæ, de la
chasse, de la pêche, du piégeage, de l’enseignement, de la
politique sociale et économique, des programmes pour nos
anciens, des institutions gouvernementales, en bref, de notre
avenir en tant que peuple. Si ce règlement n’est pas consacré
par les protections contenues dans la constitution, elle risquera
par la suite de faire l’objet d’attaques sur le plan politique et
sur le plan juridique.

Votre comité ne doit pas permettre qu’il puisse en être ainsi.
C’est la raison essentielle pour laquelle nous sommes ici
aujourd’hui.

Je vous remercie pour votre attention, Je suis maintenant
prêt à répondre à vos questions.

Le coprésident (sénateur Hays): Merci beaucoup, monsieur
Allen, La parole est à M. Nielsen, qui sera suivi de M.
lttinuar.

M. Nielsen: Merci, monsieur le président.

A mon tour, je suis heureux d’accueillir mes compatriotes
canadiens, mes compatriotes du Yukon, et je suis satisfait de
constater qu’ils ont enfin obtenu le droit de comparaître devant
le comité mixte pour exprimer leurs préoccupations à l’égard
du projet de modification constitutionnelle. M. Allen, prési-
dent du CIY et ses collaborateurs qui comparaissent aujour-
d’hui devant le Comité sont appuyés par au moins une dou-
zaine de personnes du Yukon assises dans les rangs du pubic,
Permettezunoi également d’indiquer que, bénéficiant d’un des
programmes lancé au Yukon, M. Joe a été fort récemment
admis au barreau du Yukon, je crois savoir qu’il est un des
premiers autochtones né et élevé au Yukon à entrer au Bar-
reau du Yukon.

Ma première questin concerne ce que vous avez dit à propos
de l’entente que vous étes en train de négocier et qui définira
les libertés et les droits de vos peuples sur le plan social,
politique, culturel et économique, et qui établira un nouvel
arrangement social et politique avec le Yukon.

J’aimerais savoir si le CIY estime que l’on devrait attendre
la fin de ces négociations avant de modifier les propositions
constitutionnelles dont notre comité mixte est actuellement
saisi.

M. Allen: Si nous avons voulu comparaître devant le
Comité, c’est avant tout en raison du simple fait que nous
négocions présentement avec le gouvernement du Canada nos
revendications dans le territoire du Yukon, et de ces revendica-
tions découleront certains droits particuliers au peuple Indien
du Yukon qui, à notre avis, devraient être entrés dans la
constitution. Nous recommandons au Comité de prévoir dans
la constitution une disposition permettant l’inclusion des droits
des aborigènes,

M. Nielsen: Quels qu’ils soient à la fin des négociations,
n’est-ce pas?

M. David Joe (conseiller juridique, Conseil des Indiens du
Yukon): Nous aimerions que l’on modifie l’article 24 du projet
de résolution et que l’on introduise, par exemple, une déclara-
tion des droits des Indiens ou une déclaration des droits des
autochtones sous forme de principes très généraux permettant
l’inclusion des droits que nous négocions actuellement de sorte
que, quels que soient ces droits à l’heure actuelle et à l’avenir,
ils soient finalement inclus.

M. Nielsen: Dans la constitution.

M. Joe: C’est cela.

M. Nielsen: Êtes-vous pour la première recommandation du
gouvernement territorial du Yukon qui proposait l’inciusion
des droits des aborigènes dans la constitution?

M. Joe: Oui.

M. Nielsen: Compte tenu des réserves exprimées dans vos
réponses aux questions que je vous ai posées précédemment?

M. Joe: Oui.

M. Nielsen: Monsieur Allen, dans votre déclaration, en
parlant de M. Pearson, vous dites «mon homologue». Voulez-
vous dire par là que vous vous estimez le chef d’un gouverne-
ment au Yukon au même titre que M. Pearson?

M. Allen: Eh bien, c’est vrai. Le peuple des Indiens du
Yukon a douze gouvernements différents, ils représentent les
communautés indiennes du Yukon sous la houlette du Chef et
du Conseil de bandes.

M. Nielsen: Le ClY est-il en faveur d’un gouvernement
séparé des autochtones au Yukon?

M. Joe: On me demande de répondre a cette question. Bien
sûr, je ne puis entrer dans les précisions en ce qui concerne les
modèles constitutionnels que nous avons présentés à la table de
négociations sinon nous irions à l’encontre du principe de
secret que nous avons convenu de respecter avec le gouverne-
ment du Canada. Cependant, comme M. Allen l’a déclaré, vu
que nous avons actuellement douze gouvernements de bandes
indiennes, il faut un certain sens de coordination, il faut que
l’on sente qu’un gouvernement central indien s’occupe des
questions concernant les testaments, les biens, les régimes
matrimoniaux de propriété dans les collectivités indiennes, ces
genres de choses.

M. Nielsen: Est-ce que les autochtones du Yukon auraient
seuls le droit d’élire les dirigeants de ce gouvernement
autochtone?

M. Joe: Oui.

M. Nielsen: Estimez-vous que vous devriez continuer à avoir
le droit d’élire les membres de l’assemblée législative du
Yukon?

M. Joe: Oui.

M. Nielsen: Dans votre déclaration, vous parlez de dévelop-
pement. Je suppose que vous considérez la construction du
gazoduc de la route de l’Alaska comme une forme de dévelop-
pement, n’est-ce pas?

M. Allen: Oui.

M. Nielsen: Etes-vous contre cette forme de développement,
tant que vos ‘revendications territoriales n’auront pas définiti-
vement été réglées?

M. Allen: C’est vrai.

M. Nielsen: Donc vous étes contre le développement en
général, ou bien seulement dans certains cas particuliers?

M. Joe: Monsieur Nielsen, vous avez d’abord demandé si
nous étions contre le gazoduc tant que l’entente ne sera pas
appliquée. La réponse est oui, nous sommes contre; pour ce qui
est du développement en général, ce n’est certainement pas le
cas.

M. Nielsen: Je vais poser ma question d’une autre façon.
Vous convenez avec moi que la construction du gazoduc de la
route de l’Alaska est une forme de développement matériel.

M. Joe: Oui.

M. Nielsen: Vous étes contre cette forme de développement
matériel tant que vos revendications n’auront pas été réglées,
n’est-ce pas?

M. Joe: Oui.

M. Nielsen: Êtes-vous contre toute autre forme de dévelop-
pement matériel au Yukon tant que vos revendications n’au-
ront pas été réglées?

M. Joe: Donnez-moi un exemple d’une autre forme de
développement, et je pourrai vous donner une réponse précise.

M. Nielsenî Deux à cinq mines sont sur le point d’entrer en
exploitation. Etes-vous contre le développement de l’industrie
minière du Yukon, contre l’exploitation de ces nouvelles mines,
tant que vos revendications n’auront pas été réglées?

M. Joe: Pour ce qui est des deux a cinq mines dont vous
parlez, c’est une première nouvelle pour nous; quand nous
aurons été informés de la chose plus ou moins officiellement,je
pense que nous serons en mesure de vous répondre. Monsieur
Nielsen, vous devez avoir des entrées que nous n’avons pas.

M. Nielsen: Prenons un cas hypothétique, par conséquent.
Etes-vous contre la création de toute nouvelle mine au Yukon
tant que vos revendications n’auront pas été réglées?

M. Joe: C’est une question à laquelle il est très difficile de
répondre parce qu’elle est hypothétique; du point de vue
politique, il nous serait dangereux de vous répondre aujour-
d’hui, que ce soit par l’affirmative ou autrement. Nous préfé-
rons réagir en fonction des événements, comme nous avons
fait, publiquement, quand la loi sur le pipeline du Nord a été
promulguée.

M. Nielsen: Par conséquent, la question de votre opposition
au développement reste ouverte, et vous prendrez position en
fonction des événements, au fur et à mesure qu’ils se
produiront?

M. Joe: C’est exact.

M. Nielsen: S’ils se produisent.

M. Joe: C’est exact.

M. Nielsen: Dans votre déclaration, vous parlez de différen-
ces profondes de points de vue, d’aspirations et de préoccupa-
tions respectives du gouvernement territorial du Yukon et du
Conseil des Indiens du Yukon.

C’est un autochtone, monsieur Paul Burko, qui préside le
conseil des élections du Yukon, poste équivalent au niveau
fédéral, à celui de directeur des élections. Par ailleurs, des
progrès ont été réalisés dans l’enseignement des langues
autochtones dans les écoles du Yukon, même si, comme moi,
vous pouvez penser qu’ils n’ont pas été assez rapides; des
autochtones figurent maintenant parmi les membres des con-
seils scolaires et ainsi de suite. Dans ces conditions, j’aimerais
que vous nous précisiez quels sont ‘les désaccords qui peuvent
exister entre le gouvernement territorial du Yukon et le Con-
seil des Indiens du Yukon.

M. Joe: Comme vous le savez, l’exemple le plus récent que
nous ayons concerne cette nouvelle ordonnance municipale qui
a été présentée à la Chambre du Yukon. Cette ordonnance ne
reconnaît pas les pouvoirs actuels du conseil de bande locale
des collectivités indiennes.

A l’heure actuelle je ne sais pas quelle est la position des
gouvernements territoriaux à propos de l’adaptation de struc-
tures communes et d’une nouvelle ordonnance municipale au
Yukon.

Nous avons nos propres aspirations. Nous n’avons pas été
consultés avant la création des structures que va maintenant
établir cette ordonnance.

C’est là l’exemple le plus récent dont je puisse vous parler.

M. Nielsen: Avez-vous demandé à être consultés?

M. Allen: Nous ne savions pas qu’ils allaient rédiger cette
ordonnance.

Le coprésident (sénateur Hays): La parole est monsieur
Ittinuar, qui sera suivi par le sénateur Lucier.

M. Ittinuar: Merci, monsieur le président. Je suis heureux
d’accueillir à Ottawa les représentants du Conseil des indiens
du Yukon. J’aimerais vous féliciter pour votre mémoire.

Je remarque que votre déclaration au Comité ne contient
pas d’amendements précis comme ceux que nous a présentés le
comité Inuit sur les questions d’intérêt national.

Cela veut-il dire que vous proposerez des amendements par
la suite ou que vous appuyez ceus du Conseil des autochtones
du Canada?

M. Joe: Monsieur Ittinuar, si nous n’avons pas inclus
d’amendements précis concernant les articles qui nous préoc-
cupanet directement, c’est que, dans notre mémoire écrit nous
faisons part de nos préoccupations concernant ces divers
articles.

Nous avons aussi l’intention d’appuyer la position qu’adop-
tera la Fraternité nationale des Indiens. Nous sommes mem-
bres de cette Fraternité, nous sommes actuellement en discus-
sion avec elle et nous préférons ne pas porter préjudice à son
action en déposant le point de vue d’une collectivité indienne
particulière représentant une certaine région du Canada.

M. Ittinunr: Merci.

Cela dit, je ne pense pas pouvoir aller beaucoup plus loin à
propos de vos préoccupations concernant la constitution.

Permettez-moi de vous poser une question d’ordre général.
Quels sont les articles qui vous préoccupent dans ce projet de
résolution?

M. Joe: Ce qui nous préoccupe avant tout, c’est l’insuffi-
sance de l’article 24 qui, je suppose, devrait inclure les droits
actuels des autochtones au Canada; la charte dit qu’elle ne nie
pas l’existence des droits qui existent.

Cela ne semble être qu’une vague référence à ce que sont ces
droits.

Il est certain que les tribunaux ne les ont pas définis. Il est
certain également qu’ils n’ont pas non plus été définis par le
pouvoir législatif.

Comme je l’ai signalé précédemment, il serait souhaitable
d’inclure un article concernant une déclaration générale des
droits des autochtones, qui faciliterait l’inclusion de l’entente à
laquelle nous aurons pu parvenir à la fin de nos négociations.

Nous sommes également préoccupés par l’article 6 du projet
de loi qui concerne la liberté de circulation et d’établissement
au Canada.

Comme l’a dit précédemment l’homologue de M. Allen, M.
Pearson, aucune préférence ne sera faite au Yukon en matière
d’embauche. Cela pourrait être déclaré comme contraire à la
constitution.

Les règlements d’application de la loi sur le pipeline du
Nord prévoient que la préférence sera accordée aux habitants
du Yukon en matière d’embauche; cette disposition pourrait
être supprimée, et cela nous inquiète.

Comme nous l’avons indiqué, nous nous inquiétons égale»
ment de l’article 15 concernant l’égalité devant la loi parce
que, si nous arrivons à une entente que le gouvernement du
Canada inclut dans la loi, rien dans la constitution ne dit que
cette entente ne pourrait pas être déclarée contraire à la
constitution, du fait de l’interprétation de l’article 15. Nous
nous préoccupons donc de cette situation.

Nous nous préoccupons également des dispositions concer-
nant les modifications constitutionnelles provisoires, lesquelles
ne prévoient pas la participation des autochtones du Canada,
ce que laisse notamment entendre l’article 32, je crois, à
propos des conférences constitutionnelles.

Aucun rôle n’est prévu pour les autochtones en ce qui
concerne les modifications provisoires de la constitution;
pareillement, l’article 41 concernant la procédure de modifica-
tion de la constitution du Canada ne fait aucunement allusion
à une participation à long terme des autochtones. A ce propros
également, nous sommes inquiets.

M. Ittinuar: Je crois savoir que c’est vous l’avocat.

Ce sont a peu près les mêmes préoccupations que celles
exprimées par le Comité inuit sur les questions nationales
(CIQN). Tout ce que vous dites mïntéresse beaucoup.

Permettez-moi d’aborder un autre sujet; le règlement de vos
revendications au Yukon avec le gouvernement fédéral.

Les négociations de revendications se font, dans la plupart
des cas, en deux étapes. Premièrement il y a l’étape de l’accord
de principe au cours de laquelle le gouvernement fédéral et le
demandeur s’accordent sur les princpes; ensuite, on se penche
sur les détails.

Pourriez-vous nous dire à quelle étape vous en êtes. Certes,
je comprends que ces négociations ont un caractère confiden-
tiel, mais peut-être pourriez-vous nous dire à quelle étape vous
en êtes?

M. Joe: Avant de vous répondre, permettez-moi de faire une
réserve en ce sens que nous n’avons pas adopté de système
d’étapes formelles avec le gouvernement du Canada à propos
du règlement de ces droits. Nous n’avons pas décidé d’avoir
d’abord une étape pour l’accord de principe puis une autre
pour l’entente finale. Nous sommes venus à la table de négo-
ciation en souhaitant obtenir une entente aussi globale que
possible. Pour répondre à votre question, je dirai que vous
devriez nous donner un peu de temps, cinq à six mois peut-
être, et, si les deux parties se comportent en toute bonne foi, il
sera éventuellement possible d’arriver à une entente de prin-
cipe au bout de ces six mois.

M. Ittinuar: Merci.

Permettez-moi maintenant d’en venir à un domaine très
délicat pour la plupart des habitants du Yukon, autochtones ou
non.

La semaine dernière, quand M. Pearson a comparu devant
le Comité, l’honorable député du Yukon lui a demandé quel
rôle les associations autochtones avait joué dans la préparation
du mémoire du gouvernement du Yukon. Sur ce, M. Pearson a
déposé un document, une lettre du Conseil des Indiens du
Yukon.

Ma question est la suivante: estimez-vous que le gouverne-
ment du Yukon a suffisamment consulté votre organisation sur
les questions concernant la Constitution et êtes-vous d’accord
avec M. Pearson pour dire que le gouvernement élu du Yukon
parle au nom de tous les résidents du territoire, ou êtes-vous en
désaccord avec cette déclaration de M. Pearson?

M. Allen: Je dois dire que les relations de travail entre le
gouvernement territorial du Yukon et notre association se
réduisent à très peu de choses. La preuve en est que le peuple
indien du Yukon n’est pas consulté lorsqu’on rédige une propo-
sition, quelle qu’elle soit.

Quand le gouvernement territorial du Yukon a préparé le
mémoire qu’il a déposé devant votre Comité, il ne nous a pas
consultés, il n’y fait même pas allusion aux droits des aborigè-
nes, question grave et extrêmement importante pour le peuple
indien du Yukon. C’est là que se posent de grandes difficultés.

Souvent on parle de faits nouveaux, de nouvelles ordonnan-
ces et de nouvelles lois au Yukon, mais on ne tient pas compte
du peuple indien, qui n’est d’ailleurs pas consulté.

M. Ittinuar: Monsieur le président, permettez-moi de poser
une question supplémentaire. Je vais à nouveau faire allusion
au CIQN, parce que c’est le groupe avec lequel j’ai le plus
étroitement travaillé. J’aimerais vous poser une question à
propos de l’intégration du secteur des ressources non renouve-
lables et du secteur des ressources renouvelables. Comment
envisagez-vous la chose? Je suppose qu’en général vous n’êtes
pas contre le développement sauf peut-être dans certains cas
précis dont vous avez parlé avec M, Nielsen et pour des raisons
qui ne sont peut-étre pas pour le moment évidentes aux
membres du Comité. Cependant, en général, comment voyez-
vous l’intégration de ces deux secteurs? Au Yukon comme
dans les Territoires du Nord-Ouest, il doit y avoir des chas-
seurs et des trappeurs ainsi que des salariés qui travaillent sur
les chantiers de construction. Comment envisagez-vous l’inté-
gration entre ces deux ensembles, le développement d’une part
le non-développement de l’autre?

M. Michael Smith (conseiller juridique, Conseil des Indiens
du Yukon): Merci beaucoup. Permettez-moi de répondre
à cette question. Comme vous le savez, je voudrais faire
quelques commentaires à propos de ce qu’a dit le gouverne-
ment territorial du Yukon sur nos relations avec lui. Vous
savez que le gouvernement territorial du Yukon a notamment
pour objectif de transformer le territoire en province de façon
à pouvoir contrôler les ressources, tant renouvelables que non
renouvelables, de façon à pouvoir en acquérir la propriété.

Par ailleurs, le peuple indien négocie et il demande un
contrôle suffisant de ces ressources pour participer au dévelop-
pement. A l’heure actuelle, donc, le gouvernement territorial
du Yukon déploie des efforts pour obtenir le contrôle des
ressources renouvelables: le développement hydro-électrique a
une incidence profonde sur nos fillages et sur le piégeage. Par
exemple, si l’on construisait un barrage dans la région de
Casmacks, région connue sous le nom de Eagle’s Nest Bluff, il
faudrait déplacer l’un des villages indiens. La construction de
ce barrage aurait eu aussi pour effet d’inonder les zones où les
Indiens vont trapper, Il y a donc là des intérêts contradictoires
et nous voulons que nos revendications territoriales soient
reconnues de façon à pouvoir contrôler suffisamment ce type
de mise en valeur.

M. Ittinuar: Merci beaucoup.

Le coprésident (sénateur Hays): Merci beaucoup, monsieur
lttinuar. La parole est au sénateur Lucier qui sera suivi par
l’honorable Jake Epp.

Le sénateur Lueier: Merci monsieur le président. A mon
tour, je suis heureux d’accueillir mes amis du Yukon, il est
toujours agréable de les voir à Ottawa, il est toujours agréable
de leur donner l’occasion d’exprimer leurs opinions.

Monsieur le président, ma première question se rattache à
ce qui a été dit la semaine dernière quand M. Pearson a
comparu. Monsieur Allen, vous dites dans votre mémoire qu’il
y a 6,000 Indiens au Yukon. On avait dit que cela représente
une grande partie de la population stable du yukon. Est-ce
exact, à votre avis, et avez-vous un chiffre de ce que vous
considérez être une partie stable de la population? M. Pearson
n’a pas pu répondre à cette question et avec raison parce que,
comme il l’a dit, ils n’ont pas de statistique à ce propos.

M. Allen: A l’heure actuelle, le peuple indien du Yukon
représente un tiers de la population du territoire et, selon des
recherches faites par le ministère des Affaires indiennes, 45 p.
100 de la population du Yukon est constitué de personnes en
transit, de personnes qui y restent pour un maximum de trois
ans environ, De ce fait, il est clair que le peuple indien du
Yukon représente la majorité de la population permanente du
territoire.

Le sénateur Lucier: Monsieur le président, j’en arrive donc
à ma question suivanteiqui traite du statut de province pour le
Yukon. Dans son mémoire, M. Pearson a déclaré que la
population du Yukon devrait prendre une décision en la
matière, par la voie d’un référendum. En réponse à une
question, il a déclaré que les conditions pour pouvoir participer
à un tel référendum seraient les mêmes que celles qui s’appli-
quent aux élections fédérales, à savoir des conditions ‘en
matière de résidence. Je n’en suis pas certain, mais je crois
savoir que, pour participer à un tel référendum, il faudrait
résider depuis un an au moins au Yukon. Que pensez-vous du
statut de province pour le Yukon? Je ne vous demande pas si
vous acceptez que l’on organise un référendum à ce propos. Je
vous pose simplement une question sur la méthode, Acceptez-
vous cette condition d’un an de résidence pour pouvoir voter à
l’occasion d’un tel référendum?

M. Allen: Nous serions absolument opposés à une condition
d’un an de résidence pour pouvoir participer à un référendum
concernant le statut de province pour le Yukon. Je pense qu’iI
faudrait imposer une condition de 5 ans de résidence à ceux
qui voudront prendre part à une décision aussi importante pour
le Territoire du Yukon.

Le sénateur Lucier: Merci. Depuis combien de temps êtes-
vous en négociation sur vos revendications territoriales?

M. Allen: Depuis 7 ans environ.

Le sénateur Lucier: Il n’y a pas de date limite, elles peuvent
se prolonger. Tout le monde espère qu’elles se termineront la
semaine prochaine mais elles pourraient se prolonger pendant
plusieurs années. Elles sont fort compliquées et elles pourraient
durer, n’est-ce pas?

M. Allen: Comme vous le savez, c’est le gouvernement du
Canada qui constitue l’autre partie aussi faut-il arriver à des
ententes mutuelles à la table de négociation pour pouvoir
accélérer le processus. Si nos négociations durent depuis long-
temps, c’est tout simplement parce que, dans le passé, nous
avons eu affaire à beaucoup de ministres, nous avons eu affaire
a beaucoup de chefs négociateurs de la partie fédérale, nous
avons eu affaire à des personnes qui n’avaient pas de mandat,
nous nous sommes heurtés à des difficultés parce que nous
n’avions pas accès aux ministres ou à ceux qui prennent les
décisions et je pense que, actuellement, les négociations sur les
revendications territoriales sont en train de progresser, ce que
vous pourrez constater d’ici plusieurs mois.

Le sénateur Lucier: Très bien. J’espère que vous avez raison
à ce propos. Je ne vais pas défendre le gouvernement fédéral,
je sais fort bien que ce que vous dites est vrai, monsieur Allen.
Tout ce que je veux dire c’est que, des deux côtés, il a jusqu’à
présent été très difficile de se rapprocher pour arriver à une
solution satisfaisante. Ce que je veux dire, c’est qu’iI n’y a pas
de limite dans le temps, ces négociations pourraient encore
durer. J’en arrive en fait à la question du développement au
Yukon et de votre point de vue à ce propos. On peut dire,
n’est-ce pas, qu’il y a encore dïmmenses étendues de terre non
identifiées qui sont incluses dans vos revendications?

M. Allen: C’est vrai.

Le sénateur Lucier: Que ce soit du point de vue de la
propriété ou de la gestion, les ressources non renouvelables
font aussi partie des discussions et elles pourraient avoir une
incidence sur les revendications.

M. Allen: Oui.

Le sénateur Lucier: Ainsi, si vous vous prononciez pour un
développement global au Yukon, à l’heure actuelle, vous
approuveriez en fait quelque chose qui fait l’objet de négocia-
tions, dans certains cas vous donneriez vos terres avant que
vous ne décidiez où elles se trouvent?

M. Allen: Eh bien, c’est vrai. Si le statut de province était
octroyé aujourd’hui, cela porterait préjudice à nos négociations
vue que nous y étudions beaucoup de ces éléments.

Le sénateur Lucier: Merci. A votre avis, il serait beaucoup
plus raisonnable d’inclure vos protections de la Charte des
droits telle qu’elle est proposée à l’heure actuelle plutôt que
d’attendre pour cela que les provinces participent aux décisions
qui seront prises sur ce que l’on inclura dans la Charte?

M. Allen: Eh bien, c’est vrai. Nos préoccupations sont très
claires, je pense, et si nous sommes présents devant votre
Comité, c’est qu’on ne fait que de vagues références aux droits
des Indiens dans ces propositions. Le gouvernement du Canada
semble toujours hésiter à reconnaître les droits des Indiens, et
surtout ceux du peuple indien du Yukon qui négocie actuelle-
ment certains droits. Nous estimons par conséquent que les
dispositions actuelles de la résolution ne prévoient pas, pour
l’avenir, l’inclusion des droits qui seront négociés.

Le sénateur Lucier: Par conséquent, vous vous opposez à ce
qui figure dans cette Charte des droits, mais vous estimez que
les autochtones du Canada seraient bien mieux protégés par
une charte des droits incluse dans la résolution telle qu’elle est
à l’heure actuelle?

M. Allen: C’est vrai.

Le sénateur Lucier: Merci.

Monsieur Allen, vous déclarez dans votre mémoire:

Notre plus importante responsabilité à l’égard de notre
peuple concerne la négociation d’une entente avec le
Canada de façon à ce que nos droits d’aborigènes, nos
droits de propriétaires et d’occupants originels du Yukon
soient clairement définis et inclus.

Depuis le tout début de vos négociations, vous avez adopté
une position selon laquelle vous êtes les propriétaires de toutes
les terres du Yukon tant que les revendications n’auront pas
été réglées car, à ce moment, vous pourrez alors décider de la
répartition des parts. Estvce bien correct?

M. Allen: C’est vrai.

Le sénateur Lucier: Dans son mémoire, M. Pearson fait
beaucoup pour le peuple du Yukon vu qu’iI propose que les
droits des peuples aborigènes du Canada, pas du Yukon,
devraient être reconnus, l’éprouve toujours de la difficulté à
imaginer comment ils pourraient être inclus dans un document
constitutionnel tant qu’ils n’auront pas été clairement détermi-
nés. Je me demande si M. Pearson voulait en fait dire que, au
nom du Territoire du Yukon, il accepte que vos droits aux
terres du Yukon soient inclus dans la Constitution. Vous
estimez donc que vous êtes les détenteurs de toute cette terre
mais comment cela pourrait-il être inclus dans une loi ou dans
une Charte des droits?

M. Joe: Il y a un certain nombre de dangers qui se posent à
ce propos, nous sommes en quelque sorte pris dans un dilemme
parce que, si nous définissons précisément en quoi consistent
les droits des aborigènes, nous devons prendre deux mesures:
nous abandonnons toute idée de négociation mutuelle avec le
gouvernement du Canada et avec le gouvernement du Yukon
pour déterminer ces droits. J’estime que ce n’est pas là une
solution très intéressante; ou bien nous incluons une disposition
de portée générale et j’estime justement que les dispositions
actuelles de l’article 24 sont un peu trop générales. On n’y dit
pas de quels droits autochtones il est question, s’agit-il des
droits des traités, des droits relatifs à la Proclamation royale,
droits dont nous jouissons au titre du transfert de terres au
Canada de 1870 à propos de la terre de Rupert et des
Territoires du Nord-Ouest? Rien de tout cela n’est très clair.
Nous proposons qu’on laisse se poursuivre le processus de
négociation mais qu’on le facilite en prévoyant une disposition
qui permettra d’inclure dans la Constitution toute entente qui
pourra être conclue avec le gouvernement du Canada, quand
ce jour merveilleux arrivera.

Le sénateur Lucier: Je ne voudrais pas être pessimiste mais
je me demande ce qui se passerait si vous n’aviez pas . . .

M. Epp: Vous connaissez bien le gouvernement.

Le sénateur Lucier: Je me demande simplement ce qui se
passerait si vous ne parveniez pas à une entente sur les terres,
Je pense que c’est probablement là le meilleur exemple que
l’on puisse prendre. Si vous ne parvenez pas à une entente avec
le gouvernement du Canada à propos des terres alors que les
droits des aborigènes sont inclus dans les textes du Yukon,
qu’advient-il du reste de la population du Yukon?

M. Nielsen: Je pourrais vous donner un exemple encore
meilleur.

Le sénateur Lucier: Monsieur Nielsen aura un autre tour,
monsieur le président, et faimerais bien qu’il me laisse termi-
ner celui-ci.

M. Joe: J’aime bien votre définition des droits des
autochtones.

M. Epp: Je pensais bien que vous l’aimeriez.

M. Joe: Je suis certainement l’un de ceux qui croient que
nos droits en tant qwautochtones nous confèrent le droit de
propriété sur toutes les terres du Yukon. Cependant, comme
M. Allen l’indiquait, nous comprenons que des événements
politiques se sont produits au cours des 150 dernières années
sur lesquels nous n’avons eu et nous n’avons toujours aucun
contrôle. Tout ce que nous souhaitons maintenant, c’est
d’abord d’en arriver à une issue heureuse dans nos négociations
et ensuite de pouvoir inclure cette entente avec le gouverne-
ment du Canada dans un document comme celui-ci, c’est-à-
dire la constitution canadienne. Nous voulons voir incluse une
telle entente comme ce fut le cas pour les conditions de l’Union
en Colombie-Britannique en 1871, l’Acte du Manitoba de
1870. Ces droits seraient entérinés dans le document.

Le sénateur Lucier: Merci, monsieur le président.

Le coprésident (sénateur Hays): Merci beaucoup, sénateur
Lucier. C’est à M. Epp, suivi de M. Allmand.

M. Epp: Merci, monsieur le président.

Je suis également heureux de souhaiter la bienvenue aux
représentants du Conseil des indiens du Yukon, en particulier
M. Elijah Smith une fois de plus, un ancien de la bande fort
respectée et un vétéran de la Seconde Guerre mondiale.

Je souhaiterais d’abord parler de la question de la légitimité,
monsieur Allen. Le principe fondamental de toute constitution
ou de tout projet de constitution doit être la légitimité; il faut
se demander si non seulement la démarche est légitime, mais
également si les gens qui s’en occupent agissent de façon
légitime. Ils doivent avoir le mandat et l’imprimatur nécessai-
res pour légitimiser le processus ainsi que son résultat.

Je vous pose donc la question suivante, monsieur Allen:
croyez-vous que le gouvernement du Yukon représente tous les
citoyens du territoire?

M. Allen: Ce n’est pas le cas.

M. Epp: Vous pouvez nous dire pourquoi?

M. Allen: Eh bien, je vous dirai simplement que les 12
communautés indiennes du Yukon ont tenu des assemblées
générales et qu’à ces assemblées générales, de multiples résolu-
tions ont été présentées affirmant que le gouvernement du
territoire du Yukon ne représente pas le peuple indien du
Yukon.

M. Epp: Les Indiens du Yukon ne votenbils pas pour les
représentants qui siègent à l’Assemblée législative du Yukon?

M. Allen: Nous n’avons eu le droit de vote qu’à partir de
1960.

M. Epp: Je l’admets, mais cela a été vrai dans tout le
Canada, non pas seulement pour les Indiens du Yukon. Nous
savons tous quelle était la situation à cette époque. Depuis
1960, cependant, les Indiens du Yukon, c’est-à-dire les mem-
bres du Conseil des Indiens du Yukon, non pas seulement les
dirigeants du Conseil des Indiens du Yukon, n’ont-ils pas voté
pour les représentants qui siègent à l’Assemblée législative du
territoire du Yukon?

M. Allen: Oui.

M. Epp: Y a-t-il eu des membres du Conseil des Indiens du
Yukon qui ont été élus à l’Assemblée législative du territoire?

M. Allen: Oui.

M. Epp: Y en a-t-il présentement qui y siègent?

M. Allen: Oui, par choix personnel.

M. Michael Smith (conseiller juridique, Conseil des Indiens
du Yukon): Il convient de préciser que ces gens-la se disent à la
fois membres du Conseil des Indiens du Yukon et du gouverne-
ment du territoire du Yukon. Ce sont des Indiens qui se sont
présentés sous la banière de leur parti. C’est ainsi que nous
avons un membre du parti libéral et un autre du parti conser-
vateur. Ils ont adhéré à ces partis; ils ne se sont pas présentés
sous la bannière du Conseil des Indiens du Yukon.

M. Epp: Je comprends très bien. Je ne parle pas des gens de
façon générale mais des membres du Conseil des Indiens du
Yukon. Je tente de déterminer si en tant que membres du
Conseil des Indiens du Yukon ils estiment tous qu’ils ne
peuvent pas admettre la légitimité de l’Assemblée du Yukon,
de l’opposition comme du gouvernement.

M. M. Smith: Le Conseil des Indiens du Yukon préconise
depuis longtemps que les Indiens soient appelés à jouer un rôle
utile dans le gouvernement du territoire. Ces dernières années,
les relations avec le gouvernement et les ministres du gouver-
nement du territoire du Yukon étant ce qu’elles sont, les
Indiens de façon générale ont estimé qu’iI fallait boycotter les
élections. Le Conseil des Indiens du Yukon lui-même interdit à
ses dirigeants ou a ses employés de se présenter en vue de faire
partie du gouvernement du territoire du Yukon.

M. Epp: Vous leur interdisez de voter?

M. M. Smith: Non, pas de votér.

M. Epp: Il est donc possible qu’il y ait des dirigeants du
Conseil des Indiens du Yukon qui votent pour des membres du
gouvernement du Yukon même si, en vertu de vos règlements,
ils ne peuvent pas se présenter eux-mêmes.

M. M. Smith: Nous n’avons pas le pouvoir d’interdire à qui
que ce soit de voter lors des élections en vue d’élire les
membres du le gouvernement du territoire du Yukon.

M. Epp: Je suis heureux de vous l’entendre dire parée que
je’en déduis que vous admettez quand même la légitimité du
gouvernement du Yukon.

M. M. Smith: Dans une certaine mesure.

M. Epp: J’admets que la question est délicate, mais je
voudrais savoir si vous admettez la légitimité de l’élection d’un
député au Parlement fédéral?

Une voix: Ils ne sont pas tellement heureux des résultats.

M. Epp: Je ne parle pas des résultats, c’est une question de
choix personnel.

M. M. Smith: Je ne sais pas si nous avions vraiment le choix
lors de la dernière élection.

M. Epp: Je suis bien d’accord avec vous. Vous avez cepen-
dant élu la personne la plus apte à occuper le poste. Ce qui
m’intéresse, c’est le principe. Il y a, comme vous les savez,
divers ordres du gouvernement au Canada. J’estime pour ma
part qu’ils sont légitimes. J’ai peut-être quelques réserves
relativement au gouvernement actuel à l’échelon fédéral, mais
en tant que citoyen, je ne mets pas en doute cette légitimité.
Ce que j’essaie vraiment de déterminer, c’est si vous contestez
la légitimité soit du gouvernement fédéral, soit du gouverne-
ment du Yukon, du gouvernement du Territoire, si vous con-
testez le droit du Parlement fédéral, mis à part la question des
revendications territoriales, d’adopter la Loi sur le Yukon.

M. Joe: Je suis heureux que vous posiez la question de cette
façon, monsieur Epp, puisque nous reconnaissons en effet la
légitimité, comme vous le dités, du gouvernement du Canada
ainsi que de sa création, le gouvernement du Yukon, même si
elle est quelque peu déformée a ce moment-ci à causé de son
manque d’indépendance constitutionnelle. Cela dit, si notre
réponse est oui, et M. Smith a indiqué qu’elle l’était avec des
réserves, le gouvernement du Canada, pour sa part, doit
reconnaître la légitimité de ses propres lois touchant lés
Indiens du Canada comme la Proclamation royale.

M. Epp: Je ne mets pas en doute le bien-fondé, de votre
argument, monsieur Joe. J’essaie simplement de vous faire
remarquer que si vous avez raison d’agir comme vous le faites
pour ce qui est de la question des revendications territoriales et
des rôles que doit jouer le gouvernement du Yukon, vous devez
admettre, comme je l’admets moi-même et il est généralement
admis, que le gouvernement fédéral a le pouvoir d’adopter une
loi comme celle qui légitimise le gouvernement du Yukon. J’ai
du mal à comprendre que vous considériez le processus des
revendications territoriales (et je suis heureux de constater que
les progrès qu’il fait ont peut-être quelque chose à voir avec
certains d’entre nous, du moins nous l’espérons) comme dis-
tinct et étranger à la question de la légitimité du gouvernement
du Yukon.

M. Joe: Il l’est.

Le coprésident (sénateur Hays): Merci beaucoup, monsieur
Epp. M. Allmand.

M. Allmand: Monsieur le président, messieurs, jusqu’à
quelle époque les indiens du Yukon peuvent-ils retracer leur
histoire au Territoire du Yukon?

M. Allen: Elle remonte à 60,000 ans en arrière selon les
derniers renseignements.

M. Allmand: Je demande pardon?

M. Allen: A 60,000 ans en arrière.

M. Allmand: Vous avez vraiment fait des recherches qui
démontrent qu’elle remonte à aussi loin?

M. Allen: Nous n’avons pas fait de recherches. Il y a des
ouvrages qui montrent que notre histoire remonte à cette
époque.

M. Allmand: Très bien. Avant la ruée vers l’or de 1898, quel
était le pourcentage des non-Indiens dans la population du
Yukon? Je ne vous demande pas de chiffres précis, mais je sais
que vous avez obtenu certains renseignements lorsque vous
avez effectué des recherches en vue de préparer vos revendica-
tions. Quel était le pourcentage des non-Indiens avant la ruée
vers l’or de 1898?

M. Elijah Smith (vice-président, Conseil des Indiens du
Yukon): Eh bien, je n’étais pas encore né à l’époque . . .

Une voix: Demandez a Stanley Knowles.

M. E. Smith: Je me rappelle cependant du temps où il y
avait très peu de Blancs au Yukon. Je pourrais presque tous les
nommer parce qu’ils n’étaient pas plus de 12 ou 15 à l’époque
où j’étais enfant et où je jouais au hockey au Yukon.

M. Allmand: C’était a quelle époque, Elijah?

M. E. Smith: En 1922.

M. Allmand: D’après ce que je sais de l’histoirc, pendant la
période de la ruée vers l’or, soit de 1898 à 1905, à peu près
100,000 étrangers, et la plupart des Blancs, sont venus au
Yukon; avant cette époque, les non-Indiens représentaient un
très faible pourcentage de la population. Ensuite, après la ruée
vers l’or, soit vers 1910, la plupart de ces Blancs ont quitté le
Yukon et la population est redevenue indienne dans une très
forte proportion.

M. E. Smith: C’est exact.

M. Allmand: L’afflux important de non-Indiens qui a suivi
au Yukon s’est produit lors de la construction de la route de
l’Alaska. C’est exact?

M. E. Smith: Oui.

M. Allmand: Je pense que c’est ce à quoi le sénateur Lucier
voulait en venir tout à l’heure. Actuellement, si je comprends
bien, vous estimez que vous représentez plus de 50 p. 100 de la
population permanente du Yukon, de ceux qui restent plus de
trois ans?

M. E. Smith: Eh bien, si vous excluez Faro, Keno Hiii,
Clinton Creek ainsi que les employés du gouvernement, vous
avez moins de 200 Blancs ià-bas.

M. Allmand: Je ne sais pas s’il convient d’exclure Faro et les
employés du gouvernement. Je m’intéresse seulement à ceux
qui restent plus de trois ans. D’après ce qu’a dit le sénateur
Lucier, 45 p. 100 de la population est itinérante, ce qui fait que
les indiens doivent être en majorité chez ceux qui restent de
façon permanente.

M. E. Smith: Je vous rappelle que M. Pearson a déclaré ici
que les Blancs formaient la majorité de la population. C’est
vrai que les Blancs sont en majorité, mais ils s’attribuent les
indiens non-inscrits que nous réclamons comme des nôtres
parce que leurs ancêtres sont indiens et qu’ils sont partie à nos
revendications territoriales, lis sont de vrais habitants du
Yukon.

M. Aiimand: Cela posé, je voudrais savoir, d’abord, combien
il y a eu de députés indiens depuis qu’un député du territoire
du Yukon est élu au Parlement fédéral?

M. E. Smith: Aucun.

M. Aiimand: A l’Assembiée législative actuelle au Yukon, je
pense qu’elle compte quinze députés. . .

M. Allen: Seize.

M. Allmand: Je vous demande pardon, seize. Combien y
a-t-il d’indiens?

M. Allen: Deux.

M. Allmand: Deux sur un total de seize. Chez les hauts
fonctionnaires, maintenant, chez ceux qui travaillent dans ce
magnifique nouvel immeuble du gouvernement du Yukon,
combien y a-t-il d’Indiens?

M. E. Smith: Je n’ai jamais vérifié, mais je serais surpris
qu’il y en ait dix dans tout le Yukon.

M. Ailmand: Monsieur Allen, vous croyez que les hauts
fonctionnaires . . .

M. Allen: C’est vrai. Il y a très peu d’indiens, s’il y en a. Au
niveau supérieur, je crois qu’ils sont totalement absents.

M. Allmand: J’aborde un point beaucoup plus précis. Vous
avez déjà répondu à des questions à ce sujet. Je voudrais savoir
de quelle façon vous voulez que nous modifions la résolution
constitutionnelle de façon à ce qu’elle protège vos droits en
tant qu’Indiens et autochtones. Si je comprends bien, vous
souhaitez qu’une protection des droits des autochtones soit
incluse dans cette proposition. Que pensez-vous de dispositions
qui garantiraient vos droits en vertu des traités dans les
domaines visés par les traités?

M. Allen: Je pense que David Joe a répondu à la question
plus tôt. Nous souhaiterions voir un nouvel article dans la
résolution qui traite des droits des autochtones, et ces droits
incluraient les droits des autochtones, les droits en vertu des
traités et les droits consentis aux tenues de toute entente
négociée a l’avenir avec le gouvernement du Canada.

M. Alimand: Que diriez-vous d’un article qui parlerait des
droits confirmés par toute autre entente avec lcs autochtones?

M. Allen: Oui.

M. Allmand: Qu’en pensez-vous?

M. Joie: D’inciurc les droits confirmés par tout autre entente
avec les autochtones?

M. Allmand: Oui, les droits ainsi confirmés.

M. Joe: Je pense que vous reprenez ici lcs termes de votre
propre projet de loi d’initiative privée, n’est-ce pas?

M. Ailmand: Oui.

M. Joe: C’est peut-être suffisamment large.

M. M. Smith: Je rappelle que ces droits seraient toujours
assujettis à l’article permier de la résolution qui parle des
réserves normalement acceptées dans une société libre ct
démocratique de régime parlementaire. Ces réserves très
importantes prévues à l’article premier continucraient donc de
s’appliquer. Le Parlement aurait tout le loisir de nous enlever
n’importe quel droit.

M. Allmand: Vous recommandez que l’article premier soit
refait.

M. M. Smith: Certainement.

M. Alimand: C’est tout, monsieur le président,

Le coprésident (sénateur Hays): Merci beaucoup, monsieur
Allmand. C’est à M. Hawkes, suivi de M. Ron Irwin. Mon-
sieur Hawkes.

M. Hawkes: Merci, monsieur 1c président, merci, messieurs,
d’être ici aujourd’hui.

A la page 5 de votre mémoire, vous parlez de la lettre du
premicr ministre à la Fraternité des indiens en date du 30
octobre dans laquelle il prétend qu’il serait plus facile pour les
indiens et les Autochtones de faire inclure leurs droits dans la
Constitution après le rapatriement. Vous corttestez cette affir-
mation du Pretnier ministre. Hier, les représentants du Conseil
national des autochtones du Canada nous ont dit ne pas croire
en la bonne foi du Premier ministre lorsqu’il a fait cette
déclaration le 30 octobre puisqu’il avait demandé un mémoire
du Bureau des relations fédérales-provinciales, dont Michael
Kirby était censé être l’auteur, si je me souviens bien, et que
l’avis des hauts fonctionnaires dans cc méritoire était qu’il
serait plus difficile de faire inclurc les droits des indiens après
le rapatriement qu’avant.

Je suppose que vous donnez cet exemple dans votre mémoire
pour illustrer le fait que dans le passé vous avez reçu plusieurs
assurances par lettre et de vive voix, sans qu’il y ait des suites
le plus souvent, et que vous ne voulez pas rcstci’ les mains vides
encore une fois. Si la constitution est révisée, vous voulez que
son libellé reconnaisse vos droits devant les tribunaux, vous
accorde la protection d’au moins une des institutions du gou-
vernement. C’est ce qui vous inquiète, le libellé précis de la
constitution.

Ai-je bien interprété votre mémoire?

M. Allen: Oui.

M. Hawkes: Le sénateur Lucier vous a demandé plus tôt si
vous étiez en faveur d’unc Charte des droits. Je voudrais que
vous vous expliquiez davantage à ce sujet, si vous le voulez
bien. Etes-vous en faveur de cette Charte des droits que nous
avons devant nous?

M. Allen: Non,

M. Hawkes: La raison pour laquelle vous n’êtes pas en
faveur de cette Charte est donnée en partie à la page 6 de votre
mémoire, si je comprends bien. Entre autres choses, vous dites
ceci:

Ou bien la Charte des droits établit de nouveaux rapports
ou bien elle confirme de vieilles injustices.

Vous voyez cette Carte-ci comme confirmant de vieilles
injustices surtout?

M. Allen: C’est cela.

M. Hawkes: C’est cela.

M. Allen: Oui.

M. Hawkes: Pouvez-vous nous donner un ou deux exemples
de vieilles injustices qui seraient confirmées, selon vous, par
cette Charte?

M. Joe: Il y a d’abord la question des membres du gouverne-
ment indien et de la bande indienne et de qui en décide.
Actuellement, la décision est dictée par certains articles de la
Loi sur les Indiens. Lorsqu’il s’agit de déterminer qui doit faire
partie de la bande, il est tenu compte d’un certain nombre de
critères précis et objectifs, mais également de certains critères
subjectifs et de portée strictement locale. Si l’article 15 de la
constitution qui parle de droits égaux dans la communauté leur
est imposé, les Indiens du Yukon verraient là un système qui
va à l’encontre de leurs désirs et de leurs traditions. Ils veulent
déterminer eux-mêmes qui est des leurs.

M. Hawkes: J’aborde maintenant un point qui n’a pas
suffisamment retenu l’attention et qui se trouve dans votre
mémoire. Il a été soulevé dans d’autres mémoires mais n’a pas
suscité de questions. Vous dites que le gouvernement fédéral a
le pouvoir de consulter les Indiens et de modifier la constitu-
tion du Canada sans l’accord de quelque autre gouvernement
au pays. Vous dites que non seulement il en a le droit, mais
encore qu’il en a le devoir. Selon vous, donc, la constitution du
Canada, même non rapatriée, peut être modifiée par ce seul
ordre de gouvernement s’il est vraiment sincère et s’il tient a
redresser les injustices passées.

M. Allen: C’est vrai.

M. Hawkes: C’est votre point de vue. Pouvez-vous nous dire
comment il se fait que vous croyez cela après toutes ces années
d’inaction du gouvernement fédéral qui n’a rien fait pour
modifier la constitution et inclure ces droits que vous voudriez
voir inclure?

M. Joe: Nous apprenons avec le temps. Nous voyons ce qui
s’est passé avec nos frères du sud qui ont conclu des ententes
spécifiques avec le gouvernement dans le passé et qui ont vu
ces ententes foulées aux pieds dans une certaine mesure,
liesprit de ces ententes n’a pas été respecté.

Nous voyons également ce qui se passe avec l’entente plus
limitée qui lie une compagnie comme Cyprus Anvil. Avec
l’appui du gouvernement fédéral, cette compagnie se présente
au Yukon sous le prétexte de donner de l’emploi aux Indiens..
En vertu de l’entente conclue, environ 25 p. 100 de la main-
d’oeuvre de la mine doit être indienne. Or, jusqu’à présent, la
compagnie n’a pas été forcée de respecter ces conditions. Ce
n’est qu’un exemple.

Nous n’avons plus foi en la parole du gouvernement cana-
dien. Si nous réussissons à en venir à un règlement, nous
préférons risquer de passer par une procédure d’amendement
très restrictive, je m’attends à ce qu’elle le soit, pour faire
inclure les ententes que nous pourrions conclure avec le
Canada.

Nous n’avons plus foi en la parole du gouvernement cana-
dien. Les paroles sont une chose, les actes une autre. Jusqu’à
présent, nous n’avons pas vu d’actes.

Le coprésident (sénateur Hays): Merci, monsieur Hawkes.
Votre temps est écoulé.

Le sénateur Lucier: Monsieur le président?

Le coprésident (sénateur Hays): Oui.

Le sénateur Lucier: Je voudrais apporter une précision, si
vous le permettez. M. Hawkes a semblé me faire dire que
j’étais d’accord avec la Charte des droits dans sa forme
actuelle. Ce n’était pas ma question. Ma question tendait à
savoir si les Indiens du Canada seraient mieux protégés par
une Charte des droits, pas nécessairement celle-ci. Je conviens
du fait que le libellé de cette Charte doit être refait. Je voulais
seulement savoir si une Charte des droits était utile.

Le coprésident (sénateur Hays): Merci beaucoup. C’est à
M. Irwin.

M. Irwin: Monsieur Allen, vous avez dit qu’il n’y avait que
deux Indiens sur seize députés à l’Assemblée législative et qu’il
y avait très peu de fonctionnaires indiens. A quels partis
appartiennent les seize députés à l’Assemblée législative?

M. Joe: Il y a onze conservateurs, deux libéraux, un démo-
crate, un indépendant et un siège vacant.

M. Irwin: Dans vos négociations, est-ce que l’Assemblée
législative vous appuie, vous ignore ou s’oppose à vous de façon
générale?

M. Allen: Elle est en général contre les aspirations des
Indiens du Yukon.

M. Irwin: Pourquoi?

M. Allen: C’est difficile à dire. L’attitude du gouvernement
du territoire du Yukon est simplement d’éviter de discuter des
objectifs et des aspirations des Indiens du Yukon. Il ne semble
pas vouloir admettre qu’il y a des bandes indiennes, des
gouvernements indiens, des communautés indiennes. Il ne veut
pas discuter avec eux. Les Indiens du Yukon ont besoin de
programmes spéciaux, de sources de financement spéciales. Le
gouvernement du Yukon ne semble pas vouloir le reconnaître.

M. Irwin: Quelles sont les relations entre le parti conserva-
teur provincial et le parti conservateur national? Sont-ils rap-
prochés ou distants?

M. Allen: Je l’ignore.

M. Irwin: Vous avez dit que vous aviez de graves réserves
relativement au droit de libre circulation, vous ne voulez pas le
voir enchâssé dans la constitution pour éviter que les Cana-
diens du sud aillent travailler dans le nord. Que feriez-vous si
c’était l’inverse? Que diriez-vous si la Saskatchewan, l’Alberta,
l’Ontario ou n’importe quelle autre province décrétait qu’il
faut y avoir habité pendant deux ou trois ans pour y travailler?

M. Allen: Je pense qu’il faut tenir compte du contexte
politique. Au Yukon, il faut composer avec les besoins et les
aspirations des Indiens relativement au processus de décision.
Les Indiens du Yukon doivent être appelés à jouer un rôle de
premier ordre. Actuellement, nous avons un taux de chômage
d’environ 80 p. 100 chez les nôtres. Il n’y a pas de développe-
ment économique au Yukon; en outre, les Indiens reçoivent
très peu de formation. Toutes ces circonstances militent en
faveur d’une clause de résidence sur le territoire du Yukon afin
que les Indiens aient un accès quelconque à l’emploi, à la
formation et aux avantages qui découlent du développement.

M. Irwin: Vous donnez des raisons d’ordre économique,
mais je voudrais que vous nous parliez des raisons d’ordre
culturel. J’ai lu dans un récent rapport quelavénement de la
télévision, surtout du sud du Canada et des États-Unis, a eu un
impact considérable sur la culture du nord. Par exemple, les
Indiens qui sont habituellement des gens très pacifiques entre
eux, même s’ils vivent dans un élément hostile, deviennent plus
agressifs. Le rapport établit le lien direct avec la violence qui
est montrée à la télévision en provenance du sud, dans des
émissions comme la Soirée du hockey ou Starsky and Hutch.

Diriez-vous que la culture du sud pénètre de plus en plus
dans le nord? Quel en est l’impact sur votre propre culture?

M. Joe: Il y a effectivement un impact culturel. Et cet
impact pourrait être dévastateur si l’article sur le droit de libre
circulation était maintenu. Lorsque nous avons comparu
devant la Commission d’enquête Lsysk, qui avait pour but de
déterminer l’impact socio-économique de la construction d’un
pipeline d’un coût d’environ 6 milliards de dollars, nous avons
appris que 2,000 personnes environ viendraient par jour au
Yukon pendant la période de construction.

Je ne veux pas penser à l’impact culturel que pourraient
avoir toutes ces personnes de passage au Yukon.

Nous pouvons comprendre les aspirations propres à certai-
nes provinces et leur hésitation face à la possibilité d’une
main-d’oeuvre changeante au pays. En ce qui nous concerne,
nous ne voulons pas voir nos valeurs culturelles laissées sans
protection face à la possibilité d’un développement industriel
débridé et d’un afflux de travailleurs temporaires qui taxe-
raient au maximum notre infrastructure en exigeant les servi-
ces auxquels ils sont habitués.

M. Irwin: Cet argument a plus de valeur à mes yeux.

Je puis concevoir l’effet désastreux qu’aurait un tel dévelop-
pement sur votre culture. Il est cependant très difficile d’expli-
quer à un citoyen de l’Alberta, de l’Ontario ou de Terre-
Neuve, pourquoi il ne peut pas travailler en-dehors de sa
province.

De façon générale, je pense que les Canadiens seraient prêts
à accepter l’hypothèse voulant qu’ils risquent de détruire la
culture du nord, en réalité les nombreuses cultures fragiles du
nord. La majorité des Canadiens seraient peut-être d’accord
avec une clause discriminatoire fondée sur cette hypothèse.
Comme lÎa dit quelqu’un, il ne faut pas confondre idée et
uniformité.

ll est essentiel pour tous les Canadiens que votre culture
survive.

.l’ai quand même bien du mal à accepter l’idée des droits des
autochtones, surtout lorsque les gens emploient des formules
comme «les droits des autochtones depuis des temps immémo-
riaux». Comment voyez-vous les droits des autochtones?

M. Joe: Tout simplement comme ceci. Nous sommes les
premiers propriétaires des terres. Tout ce qui se trouve en
surface et dans le sous-sol nous appartient.

Nous avons formé certains groupes sociaux; nous nous
sommes gouvernés nous-mêmes selon nos propres valeurs cul-
turelles et sociales; nous avons notre propre langue. Ce sont
nos droits en tant qu’autochtones. Ils comprennent tout cela.

M. Irwin: Faites-vous la différence entre la possession et
l’occupation? La possession est un concept introduit par
l’homme blanc. Je ne l’ai jamais entendu dans le contexte des
droits des autochtones. Je pensais qu’iI s’agissait seulement du
droit d’occuper dans ce contexte.

M. Joe: Si vous occupez le territoire et qu’iI n’y a personne
d’autre, vous en êtes le propriétaire.

Il semble qu’on tente de nous imposer la notion britannique
du droit de propriété qui veut que le droit de découverte par le
gouvernement du Canada lui confère la souveraineté sur ces
territoires. Il lui suffit d’un simple trait de plume.

M. Irwin: Vous acceptez que les notions de mariage et de
crime soient introduites dans le contexte des droits des
autochtones?

M. Joe: Oui.

M. Irwin: Merci.

Le coprésident (sénateur Hays): Merci beaucoup monsieur
Irwin. Monsieur Nystrom.

M. Nystrom: Merci beaucoup, monsieur le président.

Je souhaite la bienvenue à Harry Allen et au Conseil des
indiens du Yukon. Je vous remercie de votre mémoire et de vos
réponses.

Je dois vous dire d’abord que je vous appuie fermement. Je
pense que les autochtones de ce pays sont spéciaux et distincts.
Vos ancêtres ont précédé de plusieurs milliers d’années les
miens et vous avez ainsi droit à des dispositions spéciales dans
la Constitution.

J’estime que les droits des autochtones prévus dans les
traités doivent être inclus dans la Constitution. Nous devrions
également trouver une formule pour faire participer les
autochtones au processus d’amendement et pour leuraccorder
une certaine forme de gouvernement responsable.

Je vous suis reconnaissant de vos réponses, en peirticulier à
M, Warren Allmand, lorsque vous avez indiqué le nombre
d’Indiens, de Blancs et de travailleurs temporaires au Yukon.
Ces renseignements sont très utiles au Comité.

Je voudrais revenir avec vous sur certains autres problèmes
qu’éprouvent les Indiens du Yukon.

A la page 3 de votre mémoire, vous indiquez ceci:

Malheureusement, la déclaration de M. Pearson relative-
ment aux droits des autochtones ne tient pas compte des
actes de son gouvernement dans le passé. L’écart entre ses
paroles et ses actes est tel, monsieur le président, que le
gouvernement du territoire du Yukon peut être accusé de
sîntéresser davantage aux relations publiques qu’aux
questions de principe.

Vous voulez bien vous expliquer davantage à ce sujet? Vous
pouvez nous donner des exemples de la façon dont le gouverne-
ment du Yukon traite les vôtres?

M. Allen: La meilleure indication que je puis donner est le
fait que nos relations de travail avec le gouvernement du
territoire du Yukon sont très mauvaises.

Le gouvernement du territoire du Yukon s’est fermement
opposé aux revendications territoriales, le moyen qu’avaient
choisi les Indiens du Yukon pour atteindre leurs objectifs et
réaliser leurs aspirations en vue d’un avenir meilleur.

En outre, vous avez pu voir comment le gouvernement du
territoire du Yukon a agi avec les Indiens du Yukon. Il les
poursuit continuellement pour leur activité de chasse, une
activité qui est essentielle à leur mode de vie.

Prenez le cas de Joe Henry, un vieil Indien âgé de 80 ans: il
a été poursuivi par le gouvernement du territoire du Yukon
pour avoir tiré de la carabine.

M. Nystrom: C’est votre propre gouvernement qui a fait
cela?

M. Allen: Le gouvernement du territoire du Yukon. C’est
une autre preuve qu’iI n’a pas voulu accepter le mode de vie
indien, le fait qu’il y ait des gens qui vivent de ce que leur offre
la nature, qui aient leur vie propre, leur culture distincte.
Comme je l’ai dit, ils ont un mode de vie tout à fait a part, Le
gouvernement n’en n’a pas tenu compte. Il nous intente des
poursuites continuellement. Lorsque nous lui faisons des pro»
positions, il s’oppose fermement.

Encore un autre exemple. Le gouvernement du territoire du
Yukon a conclu une entente avec le Pawnee Tribal Brothe-
rhood, permettant à ces gens d’aller dans le sanctuaire de la
faune du Yukon pour y vivre selon leur culture traditionnelle
et amener leurs enfants dans les régions qu’ils ont toujours
occupées,

ll existe une lettre d’entente entre le gouvernement du
territoire du Yukon et le Pawnee Tribal Brotherhood. Or, le
gouvernement du territoire a rompu l’entente et décidé d’inten-
ter des poursuites aux membres du Pawnee Tribal Brothe-
rhood pour avoir occupé le sanctuaire de la faune. Ce genre
d’incidents se produit tous les jours entre le gouvernement du
territoire du Yukon et les Indiens. 1l illustre bien à quel point
les relations sont mauvaises.

Lorsque les Indiens du Yukon se réunissent pour discuter de
leurs revendications territoriales et de leurs aspirations de
façon générale, nombreux sont ceux des 12 communautés qui
ne se gênent pas pour déclarer, parfois à la presse, que le
gouvernement du territoire du Yukon ne les représente pas
vraiment. En voilà des raisons.

M. Nystrom: Il y a des problèmes en ce qui concerne les
lignes de piégeage ou le piégeage de façon générale?

M. Joe: Pour ce qui est des lignes de piégeage, le gouverne-
ment du territoire ne reconnaît pas notre culture. Il discute
avec nous de ses décrets ou de ses règlements sur les lignes de
piégeage ou sur d’autres questions, mais il ne tient pas compte
de notre mode de vie en tant qu’Indiens. Si vous examinez les
règlements sur la redistribution des sentiers de piégeage sur le
territoire du Yukon, vous vous apercevrez que bien souvent ils
ferment des régions à des familles qui les avaient utilisées
traditionnellement et limitent de façon indue le nombre de
membres de ces familles.

M. Nystrom: Je me demande si vous ne pourriez peut-être
pas expliquer davantage les raisons qui vous poussent à vous
opposer à la construction d’un pipe-line avant le règlement de
vos revendications. Je suppose que dans une large mesure elles
ont trait a vos droits de chasse, de piégeage et de pêche. Vous
avez peut-être des sentiers sur les terres que doit traverser le
pipeline proposé. Vous voulez nous dire pourquoi vous êtes
opposés à la construction d’un pipe-line avant tout règlement?
Votre point de vue nous serait très utile.

M. Allen: Nous sommes fermement opposés à la construc-
tion d’un pipe-line parce que dans le passé les développements
au Yukon ont très mal servi les Indiens, En tant qu’Indiens,
nous avons actuellement très peu de sources de revenus.
Compte tenu de la situation au Yukon, quel est notre moyen le
plus sûr de travailler et de tirer un revenu quelconque? Voyez
les nouveaux programmes qui nous sont destinés: voyez notre
participation sur le plan politique, voyez les structures politi-
que destinées à protéger nos droits aujourd’hui, En tant qu’ln-
diens, nous croyons fermement que nous devons rester ensem-
ble aujourd’hui pour le bien-être de nos enfants de demain. Les
droits et les compensations sur lesquels nous pouvons nous
entendre avec le gouvernement du Canada doivent profiter aux
générations futures.

C’est la raison pour laquelle nous nous sommes violemment
opposés à la construction d’un pipe-line.

Nos revendications territoriales sont pour nous le moyen
obtenir la participation que le gouvernement nous avait pro-
mise dans le passé.

Ce n’est pas la construction d’un pipe-line ou un autre
développement économique de ce genre qui peut nous donner
cette participation entre-temps.

M. Nystrom: Les négociations durent depuis combien de
temps?

M. Allen: Depuis environ sept ans.

M. Nystrom: Sept ans.

M. Allen: Oui.

Le coprésident (sénateur Hays): Merci, monsieur Nystrom.
Vous avez quelque peu dépassé votre temps de parole.

C’est à M. Mackasey, suivi de M. Nielsen.

M. Maekasey: Merci, monsieur le président.

Je tiens à vous dire au départ, monsieur Allen, qu’en écou-
tant ces derniers jours les exposés des autochtones, il m’est
apparu clairement que, comme dans bien des pays, des torts
considérables ont été infligés à des peuples qui avaient occupé
le territoire pendant des milliers et des milliers d’années, et
cela bien avant que le premier Irlandais débarque au pays.

l’espère qu’au-delà de ces 15,000 années dont a parlé M.
Allmand, un lien aura été établi entre les Indiens et les
Irlandais. Nous venons peut-être de la même souche.

Je pense qu’iI convient de souligner un aspect de la question
qui a été oublié jusqu’ici: vous avez deux séries de droits, Nous
avons tendance à oublier dans nos discussions que vous jouissez
des droits qui unissent tous les Canadiens et qui sont consacrés
dans la Charte. Ces droits s’appliquent à vous également, vous
en convenez, n’est-ce pas?

M. Allen: Oui.

M. Mackasey: Vous avez, en outre, des droits qui peuvent
être considérés contre des droits spéciaux, du fait que vous
avez été les premiers occupants de ce continent. Ces droits au
cours des siècles ont été ignorés de façon flagrante. Vous en
convenez aussi?

M. Allen: En effet.

M. Maekasey: Vous n’avez donc pas d’objection aux droits
fondamentaux qui sont prévus pour tous les Canadiens, y
compris vous-mêmes.

M. Allen: Non.

M. Maekasey: Vous êtes Canadien également. Le fait que
certains de vos membres votent, cependant, ne doit pas nuire
de quelque façon que ce soit aux négociations, à votre position
voulant que vous soyez distincts.

Toute la question tourne donc autour de la deuxième série
de vos droits, vos droits en tant qu’autochtones. Vous l’indi-
quez en termes assez poétiques à la page 3 de votre mémoire,
là où vous dites qu’une fois les négociations terminées, il sera
possible de savoir si les Indiens du Yukon . . . Je paraphrase, je
sais que c’est ici quelque part.

Je vous pose cette question comme quelqu’un qui, tout en
comprenant votre point de vue, est placé devant un dilemme. Il
me semble que nous avons ici deux choix, celui de négocier, de
continuer de négocier la définition de ces droits, ou celui de
prendre un raccourci, comme certains autres groupes l’on
proposé, et d’entérimer dans la constitution une définition très
vague des droits des autochtones, quitte à ce qu’ils soient plus
tard mieux définis et éclaircis par les tribunaux. Vous voyez ce
dilemme vous-même?

M. Joe: Nous ne voulons pas courir ce risque, nous pour-
rions, par exemple, oublier un autre droit dans la constitution.

Je dis cela, car si nous voulons vraiment faire partie inté-
grante du Canada, il faut que nous participions à toute
réforme future et, par conséquent, nous devons avoir une assise
politique pour pouvoir demander l’insertion de droits supplé-
mentaires qui auraient pu ètre laissés de côté à l’origine.

Mais si la tendance actuelle-et c’est bien ce qui ressort du
projet de loi sur le rapatriement, consiste à nous exclure de
toute réforme, c’est très dangereux; si c’est bien le cas, le
danger est réel en effet.

M. Mackasey: J’ai bien peur qu’une fois encore, en voulant
rectifier certaines injustices, nous ayons tendance à en créer de
nouvelles, ce qui est de tradition pour ceux qu’on appelle la
communauté blanche.

En ce qui concerne la première catégorie, dest-â-dire être
Canadien plutôt que d’avoir un status à part, vous participeriez
à la réforme en ce sens que la formule actuelle vous autorise-
rait à voter, en supposant qu’il faille organiser un référendum;
vous voteriez en tant que Canadien et non en tant que Cana-
dien doté d’un statut à part.

A partir du moment où vous voulez les deux, les choses se
compliquent énormément; je veux dire par là que la solution
idéale au problème serait que, dans un avenir prévisible, les
négociations trouvent une issue qui vous conviennent, moyen-
nant quoi vous seriez théoriquement comme tous les autres
Canadiens, cela menace, bien sûr, votre culture.

Je ne prétends pas parler au nom de l’autre partie, et pour
l’heure il n’y a pas de division; mais je trouve que le paragra-
phe (b) de l’article 24 aurait l’avantage de rappeler aux
Canadiens, et peut-être à la Cour suprême, que, si les négocia-
tions aboutissent, les résultats pourront être automatiquement
insérés dans la constitution, est-ce bien ce que vous préconisez?

M. Joe: Oui; quel que soit l’accord auquel on aboutira, il
sera inséré dans la constitution canadienne qui le garantira.
C’est absolument vrai.

M. Mackasey: De préférence en ajoutant à l’article 24
quelque chose qui aille dans ce sens?

M. Joe: Ou en rédigant une nouvelle clause,

M. Mackasey: Une nouvelle clause à l’article 24, c’est-à-
dire un paragraphe?

Pour terminer . . .

Le coprésident (sénateur Hays): Ce sera votre dernière
question, monsieur Mackasey.

M. Mackasey: Oui, je m’y attendais. C’est pourquoi j’ai dit
«pour terminer», monsieur le président.

Pensez-vous que le paragraphe (2) de l’article 15 sur les
programmes d’action sociale soient suffisamment puissants, ou
clairement rédigés? Pensez-vous que cet article sur les pro-
grammes d’action sociale appaise la crainte que vous avez de
voir arriver une masse de personnes en transit et d’être encore
une fois écartés des emplois temporaires? Verriez-vous un
inconvénient à ce que cet article serve à protéger votre condi-
tion légitime de résidents d’une région qui connaîtra une
expansion, grâce, par exemple, à la construction d’un
pipe-line?

M. Joe: Le paragraphe (2) de l’article 15 n’est pas suffisam-
ment vaste pour l’instant. Il parle de programmes à l’intention
des groupes défavorisés. Pour que le résultat de nos négocia-
tions entre là-dedans, il doit faire l’objet d’un programme
destiné à un groupe désavantagé. Ce n’est sûrement pas le but
de nos négociations, Celles-ci visent à obtenir la garantie de
certains droits dans la législation canadienne et le paragraphe
(2) de l’article 15 n’est pas . ..

M. Mackasey: Je parle de la période de transition, c’est-à-
dire de la période où vous négociez encore les droits dont vous
voudriez éventuellement obtenir la garantie?

M. Joe: Si vous acceptez que les droits des autochtones du
Canada soient garantis par la constitution; il va falloir modi-
fier le projet de résolution.

M. Mackasey: Merci, monsieur le président.

Le coprésident (sénateur Hays): Merci, monsieur Macka-
sey. La parole sera à M. Nielsen, suivi de M. Epp.

M. Nielsen: Merci, monsieur le président. J’approuve entiè-
rement ce que vient d’affirmer M. Joe. Avant de poser des
questions supplémentaires, j’ai deux remarques à faire, dont
l’une découle de la question posée par M. Irwing au sujet de la
liberté de circulation et d’établissement. En estimant à 2,000 le
nombre de gens qui migrent quotidiennement à cause de la
construction du pipe-line, monsieur Joe est très modeste. On a
calculé que le chiffre s’établit entre 2,000 et 10,000, et les
répercussions sur la culture non seulement des Indiens mais de
toute la population du Yukon sont extrêmement importantes.
Prenons le cas des députés et des sénateurs qui viennent de
Rouen, ville de 18,000 habitants, située dans la province de
Québec. Imaginez que soudain, entre 2,000 et 10,000 anglo-
phones arrivent dans cette ville; imaginez la même chose pour
Granby, dont la population est de 27,000 habitants. Les réper-
cussions culturelles seraient analogues à celles que vient de
décrire M. Joe.

Mon commentaire a trait à la réponse de M. Allen concer-
nant le gouvernement territorial du Yukon; j’ai pris en note ce
qu’il a dit. Le gouvernement du Yukon s’oppose au règlement
des revendications territoriales, Sans manquer de respect
envers M. Allen et pour être juste, je suis convaincu que c’est
inexact, et que le gouvernement territorial du Yukon désire
vraiment un règlement juste et équitable des réclamations
territoriales du Yukon. Pour les membres du Comité qui ne le
sauraient pas, je ferai remarquer que le gouvernement du
Yukon participe au processus de négociations. Je pense qu’il le
fait de bonne foi, dans un esprit de coopération et en cherchant
à respecter l’échéance de six mois dont a parlé M, Joe. Il
participe et négocie sérieusement et de bonne foi.

Pour ce qui est de la constitution, j’aurais une question à
l’adresse de M. Joe en sa qualité d’avocat. Etant donné
l’article 25 de la charte proposée, quels articles de la Loi sur
les Indiens, qu’il connaît très bien, je le sais, pourraient être
considérés comme n’ayant aucun effet. Avez-vous fait cette
anaylse?

M. Joe: Personnellement, je ne l’ai pas faite, mais je pré-
sume que les membres de la Fraternité nationale des indiens
l’ont faite, car ils sont directement visés par ces articles de la
Loi sur les indiens. Ils auront des réponses plus précises à vous
fournir lâ-dessus lorsqu’ils comparaîtront devant le Comité, le
cas échéant.

M. Nielsen: Au sujet des commentaires de M. Mackasey,
l’article 15(2) est presque copié mot pour mot sur l’article 52
de la Loi sur les droits de la personne, Si nécessaire, c’est donc
votre disposition provisoire.

M. Mackasey: Sauf que cela aura plus de poids dans la
constitution que dans la charte des droits, autrement, vous ne
l’incluriez pas dans la constitution.

M. Nielsen: C’est précisément ce que dit M. Joe. Il faut
élargir cette disposition, il n’est pas suffisant que ce soit
uniquement dans la Loi sur les droits de la personne.

Au chapitre des droits linguistiques, comme je |’ai dit dans
ma question préliminaire, le Yukon a peut-être, concernant les
droits linguistiques autochtones, fait plus que toute autre
juridiction au Canada, et, si j’ai bien compris, le gouvernement
du Yukon entreprend consciencieusement d’autres mesures
progressives.

Présentement, même avant le règlement final de vos négo-
ciations, pensez-vous que nous pourrions prendre des disposi-
tions pour enchâsser dans le projet constitutionnel soumis au
Comité mixte les droits linguistiques des autochtones?

M. Joe: A mon sens, cela ne pose aucune difficulté.

M. Nielsen: Avez-vous pensé à en faire une ébauche? En
avez-vous une a soumettre au Comité?

M. Joe: Non, nous n’en avons pas.

M. Nielsen: Les revendications territoriales des autochtones

Tahltons, en Colombie-Britannique, portent sur des régions
relevant de la juridiction des territoires du Yukon. Etes-vous
pour ou contre ces revendications en ce qu’elles touchent au
Yukon?

M. Joe: Évidemment, nous sommes favorables aux revendi-
cations des Tahltons, car, à leur instar, nous avons des revendi-
cations en Alaska, danslles Territoires du Nord-Ouest et en
Colombie-Britannique. Evidemment, nous respectons le fait
que d’autres tribus indiennes ont des revendications sur les
territoires du Yukon. Ce que nous aimerions faire avec le
gouvernement du Canada, les Tahltons et tous autres groupes
autochtones ayant des réclamations qui peuvent empiéter sur
les nôtres au Yukon, c’est d’établir ensemble les principes selon
lesquels nous allons aborder cette question difficile à l’avenir.
Pour l’instant, il n’y a pas de principes.

M. Nielsen: C’est exactement où je voulais en venir avec ma
dernière question.

Monsieur Joe, il me semble que le gouvernement a besoin
d’aide pour établir un tel principe.

Le coprésident (sénateur Hays): C’est votre dernière
question.

M. Nielsen: Selon vous, est-ce qu’un règlement monétaire,
par opposition à un règlement territorial, serait satisfaisant
pour les réclamations extra-territoriales des autochtones, pour
les réclamations qui s’étendent au-delà de la juridiction où ils
habitent?

M. Joe: Je pense qu’il serait préférable de poser la question
aux personnes visées en leur proposant cette option. Pour
l’instant, je ne suis vraiment pas en mesure d’y répondre.

M. Nielsen: Concernant les revendications extræterritoria-
les du Conseil des Indiens du Yukon.

M. Joe: Présentement, selon mes directives, c’est non.

M. Nielsen: Une dernière question, monsieur le président,
s’il vous plaît. A-t-on laissé croire au Conseil des Indiens du
Yukon qu’il participerait d’une manière ou une autre aux
conférences des premiers ministres ou à l’élaboration du projet
constitutionnel dont le comité conjoint est actuellement saisi?

M. Joe: Non.

Le coprésident (sénateur Hays): Merci beaucoup, monsieur
Nielsen. Monsieur Hawkes, aviez-vous une question à poser?

M. Hawkes: Pour éclairer ma lanterne, simplement, Votre
préoccupation des dispositions concernant la liberté de circula-
tion comporte deux volets, n’est-ce pas? Vous voulez vous
protéger contre l’invasion, contre l’afflux de gens, mais, en
même temps, vous voulez redresser les conditions économiques
défavorables en faisant enchâsser dans la constitution des
programmes d’embauche et de formation préférentiels précis.
Voilà les deux principaux. . .

M. Allen: Oui.

M. Hawkes: D’accord. Il y a une autre question à laquelle je
veux que vous portiez attention, A la page 3, j’ai souligné la
déclaration suivante:

Certes, on ne peut pas justifier cette précipitation vers une
borne constitutionnelle.

Ces propos figurent dans votre mémoire et non dans votre
déclaration préliminaire. Vous mentionnez aussi que l’accord
devrait être enchâssé. Vous dites également que vous comptiez
parvenir en six mois à l’accord auquel vous travaillez depuis
sept ans, Je me demande si vous voulez dire qu’il serait utile,
de votre point de vue, d’attendre avant de rapatrier la constitu-
tion, que l’on apaiserait vos inquiétudes énormément en atten-
dant un peu plus longtemps. Quelle durée avez-vous prévu
pour ces mesures? Six mois suffisent-ils? Nous encouragez-
vous à attendre un an ou huit mois encore?

M. Allen: C’est un délai raisonnable, à mon avis.

M. Hawkes: D’accord. En guise de précision, je veux
demander en dernier lieu si vous croyez que les changements
constitutionnels touchant les autochtones, notamment, les
indiens du Yukon, devraient recevoir le consentement des gens
concernée? Aussi, croyez-vous que, désormais, toute modifica-
tion constitutionnelle touchant les Canadiens ou les autochto-
nes devrait être sujette à leur approbation?

M. Allen: Cette option-ci.

M. Hawkes: A savoir que les autochtones devraient, par
l’entremise, des représentants, accorder leur consentement à
tout changement constitutionnel qui les touche.

M. Joe: C’est exact. Mais l’inverse ne vaut pas, c’est-à-dire,
tout amendement futur à la constitution qui touche un droit
provincial ou la charte des droits des Indiens de la province en
question devrait être soumis à l’approbation des autochtones.
Puisqu’une charte des droits des autochtones sera probable-
ment enchâssée dans la constitution, il faudra que ceux-ci
soient consultés et qu’ils approuvent toute modification consti-
tutionnelle. Ègalement, avant d’accorder ou d’enlever un droit
provincial touchant les autochtones, on devrait les consulter
sur la formule d’amendement.

Le coprésident (sénateur Hays): Merci beaucoup, monsieur
Hawkes, Avez-vous une question à poser, monsieur Nystrom?

M. Nystrom: Oui, quelques petites questions, si vous me le
permettez. J’aimerais redemander à M. Allen s’il juge, comme
certains, que si les droits des autochtones ne sont pas enchâssés
dans la constitution, ils ne le seront peut-être jamais. Il
faudrait appliquer une formule de modification qui, quelle que
soit la combinaison choisie, pourrait être bloquée par le gou-
vernement du Canada, le gouvernement du Québec, le gouver-
nement de l’Ontario, deux provinces de l’Ouest ou deux pro-
vinces maritimes. Estimez-vous que si vos droits ne sont pas
enchâssés et si l’on doit rapatrier la constitution selon la
procédure proposée, il sera extrêmement difficile de faire ainsi
à l’avenir?

M. Allen: C’est vrai. Étant donné les circonstances politi-
ques actuelles et la façon dont le gouvernement respecte les
droits des autochtones, ses promesses et ses engagements
envers ceux-ci, ainsi que les décisions rendues dans les tribu-
naux, on ne peut simplement laisser aux suivants la négocia-
tion des droits des autochtones.

Il faut reconnaître les droits des autochtones dans une
certaine mesure et il faut les enchâsser. Ainsi, le gouvernement
s’engagerait de façon permanente envers le peuple indien. Nos
expériences nous ont clairement démontré que, s’il n’y a pas
d’engagement, le gouvernement ne négociera pas avec le
peuple indien.

M. Nystrom: Ma dernière question . . . En conclusion,
d’après vos propos antérieurs, la proclamation royale de 1763
est très importante et devrait être enchâssée dans la constitu-
tion en vue de protéger votre peuple, vos revendications territo-
riales et vos droits constitutionnels, n’est-ce pas? Je parle de la
proclamation de 1763.

M. Joe: Oui, il faudrait enchâsser non seulement la procla-
mation royale, mais aussi de nombreux documents constitu-
tionnels liés à l’article 24, auxquels on ne fait même pas
allusion. Par exemple, le 23 juin 1870, un arrêté en conseil a
prévu le transfert des Territoires du Nord-Ouest et du Yukon
au Canada, en vertu de la Loi sur le Manitoba. Il me semble
que, pour assurer le respect des droits accordés aux autochto-
nes du Canada en vertu desdits documents, il faudrait les
incorporer dans la constitution.

M. Nystrom: Merci beaucoup.

Le coprésident (sénateur Hays): Merci beaucoup, monsieur
Nystrom.

Messieurs Allen, Smith et Joe, représentants des indiens du
Yukon, il nous a fait plaisir de vous entendre aujourd’hui, et je
vous remercie au nom du Comité. Nous allons tenir compte de
votre mémoire lors de la rédaction du rapport, et je suis certain
que le Comité a beaucoup appris cet après-midi. Je vous
remercie au nom du Comité et du coprésident.

M. Allen: Monsieur le président, j’aimerais vous remercier,
ainsi que les membres du Comité, de nous avoir offert l’occa-
sion de présenter les points de vue de notre peuple. Nous vous
en savons gré, je vous en remercie.

Le coprésident (sénateur Hays): Merci beaucoup.

MM. les membres du Comité, nous allons entendre l’Asso-
ciation des conseillers scolaires canadiens demain à l0 h 30.
Nous aurons aussi une réunion à 11h30 avec le Conseil
canadien du développement social—mais cela est sujet à révi-
sion—et une autre à 15 h 30, où nous entendrons M. Hatfield,
premier ministre du Nouveau-Brunswick. Vendredi, à 9 h 30,
comparaîtra la Commission des droits de la personne de
Saskatchewan.

La séance est levée.

TÉMOINS

Du «Council for Yukon Indians»:
M. Harry Allen, président;
M. Elijah Smith, vice-président;
M. David Joe, avocat-conseil;
M. Michael Smith, avocat-conseil.

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