Procès-verbaux et témoignages du Comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes sur la Constitution du Canada, 32e parl, 1re sess, nº 19 (4 décembre 1980).
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Date: 1980-12-04
Par: Canada (Parlement)
Citation: Canada, Parlement, Procès-verbaux et témoignages du Comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes sur la Constitution du Canada, 32e parl, 1re sess, nº 19 (4 décembre 1980).
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SÉNAT
CHAMBRE DES COMMUNES
Fascicule n° 19
Le jeudi 4 décembre 1980
Coprésidents:
Sénateur Harry Hays, c.p.
Serge Joyal, député
Procès- verbaux et témoignages
du Comité mixte spécial
du Sénat et de
la Chambre des communes sur la
Constitution
du Canada
CONCERNANT:
Le document intitulé «Projet de résolution portant
adresse commune à Sa Majesté la Reine
concernant la Constitution du Canada», publié par
le gouvernement le 2 octobre 1980
TÉMOINS:
(Voir à l’endos)
Première session de la
trente-deuxième législature, 1980
COMITÉ MIXTE SPÉCIAL DU SÉNAT
ET DE LA CHAMBRE DES COMMUNES
SUR LA CONSTITUTION DU CANADA
Coprésidents:
Sénateur Harry Hays, c.p.
Serge Joyal, député
Représentant le Sénat:
Les sénateurs:
Asselin
Austin
Cottreau
Goldenberg
Lamontagne
Lucier
Roblin
Thériault
Tremblay—(10)
Représentant la Chambre des communes:
Messieurs
Beatty
Breau
Corbin
Crombie
Epp
Fraser
Henderson
Hovdebo
Irwin
Landers
Lapierre
Mackasey
McGrath
Nystrom—(15)
(Quorum 12)
Les cogreffiers du Comité
Richard Prégent
Paul Bélisle
Conformément à l’article 65(4)b) du Règlement de la Cham-
bre des communes:
Le jeudi 4 décembre 1980:
Mlle Nicholson remplace Mlle Campbell (South West Nova);
M. McGrath remplace M. Nielsen;
M. Henderson remplace M. Allmand;
M. Gimaiel remplace Mlle Nicholson;
M. Blaikie remplace M. Ittinuar;
MI » Campbell (South West Nova) remplace M. Lapierre;
M. Breau remplace M. Bockstael;
M. Lapierre remplace Mlle Campbell (South Wert Nova);
M. Landers remplace M. Henderson;
M. Hovdebo remplace M. Blaikie;
M. Henderson remplace M: Gimaiel;
M. Beatty remplace M. Hawkes.
Conformément à un ordre du Sénat adopté le 5 novembre
1980:
Le jeudi 4 décembre 1980:
Le sénateur Lamontagne remplace le sénateur Giguère;
Le sénateur Connolly remplace le sénateur Anderson;
Le sénateur Cottreau remplace le sénateur Bird;
Le sénateur Thompson remplace le sénateur Goldenberg;
Le sénateur Macquarrie remplace le sénateur Asselin;
Le sénateur Goldenberg remplace le sénateur Thompson;
Le sénateur Asselin remplace le sénateur Macquarrie;
Le sénateur Thériault remplace le sénateur Connolly.
PROCÈS-VERBAL
LE JEUDI DÉCEMBRE 1980
(34)
[Traduction]
Le Comité mixte spécial sur la Constitution du Canada se
réunit aujourd’hui à 22 h 39, sous la présidence de M. Joyal
(coprésident).
Membres du Comité présents:
Représentant le Sénat: Les honorables sénateurs Austin,
Connolly, Cottreau, Hays, Lamontagne, Lucier, Macquarrie,
Roblin, Thompson et Tremblay.
Représentant la Chambre des communes: MM. Blaikie,
Bockstael, Mlle Campbell (South West Nova), MM. Corbin,
Crombie, Epp, Fraser, Gimaïel, Hawkes, Henderson, Irwin,
Joyal, La Salle, Mackasey, McGrath et Nystrom.
Autres députés présents: Mme Killens et Mlle Nicholson.
Aussi présents: Du Centre parlementaire: Mr. Peter Dobell,
directeur. Du Service de recherches de la Bibliothèque du
Parlement: M. Louis Massicotte, recherchiste.
Témoins: De l’Association canadienne des conseillers sco-
laires catholiques: M. Philip Hammel, président et le Révé-
rend Patrick Fogarty, secrétaire exécutif. Du Conseil canadien
de développement social: M. Ed Pennington, membre du
Conseil; Mlle Nicole Dumouchel, membre du Conseil et Mme
Karen Hill.
Le Comité reprend l’étude de son ordre de renvoi du Sénat,
du 3 novembre 1980, et de son ordre de renvoi de la Chambre
des communes. du 23 octobre 1980, tous deux portant sur le
document intitulé «Projet de résolution portant adresse com-
mune à Sa Majesté la Reine concernant la Constitution du
Canada», publié par le gouvernement le 2 octobre 1980. (Voir
procès-verbal du jeudi 6 novembre 1980. Fascicule n° 1.)
M. Hammel fait une déclaration puis, avec le Révérend
Fogarty, répond aux questions.
M. Pennington, Mlle Dumouchel et Mme Hill font des décla-
rations et répondent aux questions.
A 13 h 03, le Comité suspend ses travaux jusqu’à nouvelle
convocation du président.
SÉANCE DE L’APRÈS-MIDI
(35)
Le Comité mixte spécial sur la Constitution du Canada se
réunit aujourd’hui à 15 h 33, sous la présidence de M. Joyal
(coprésident).
Membres du Comité présents:
Représentant le Sénat: Les honorables sénateurs Asselin,
Austin, Cottreau, Goldenberg, Hays, Lamontagne, Lucier,
Roblin, Thériault et Tremblay.
Représentant la Chambre des communes: MM. Beatty,
Breau, Corbin, Crombie, Epp, Fraser, Hawkes, Henderson,
Hovdebo, Irwin, Joyal, Landers, Lapierre, Mackasey,
McGrath et Nystrom.
Autres députés présents: MM. Allmand, Harquail, McCain
et McDermid.
Aussi présents: Du Centre parlementaire: M. Petcr Dobell,
directeur. Du Service de recherches de la Bibliothèque du
Parlement: MM. Paul Martin et Louis Massicotte, recherchis-
tes.
Témoin: Du gouvernement du Nouveau-Brunswick: L’hono-
rable Richard B. Hatfield, premier ministre du Nouveau-
Brunswick.
Le Comité reprend l’étude de son ordre de renvoi du Sénat,
du 3 novembre 1980, et de son ordre de renvoi de la Chambre
des communes, du 23 octobre 1980, tous deux portant sur le
document intitulé «Projet de résolution portant adresse com-
mune à Sa Majesté la Reine concernant la Constitution du
Canada», publié par le gouvernement le 2 octobre 1980. (Voir
procès-verbal du jeudi 6 novembre 1980, Fascicule n° 1.)
M. Hatfield fait une déclaration et répond aux questions.
A 18 heures, le Comité suspend ses travaux jusqu’à nouvelle
convocation du président.
Les cogreffiers du Comité
Richard Prégent
Paul Bélisle
TÉMOIGNAGES
(Enregistrement électronique)
Le 4 décembre 1980
[Texte]
Le coprésident (M. loyal): A l’ordre, s’il vous plaît.
Je prierais les honorables membres du Comité de bien
vouloir prendre leur siège afin que nous puissions poursuivre
nos travaux.
Tel qu’il était convenu hier soir a l’ajournement de nos
travaux, nous avons le privilège ce matin d’entendre le Canadi-
an Catholic School Trustees Association, |’Association cana-
dienne des commissaires d’Ecoles catholiques représentée par
Mr. Philip Hammel, Président, the Reverend Patrick Fogarty,
Exécutive Secretary and Mr. Frank Gilhooly, Past Président.
[Traduction]
Je demanderai à M. Hammel de présenter sa délégation, de
faire, comme à l’accoutuméc, une allocatuon en guise de
préambule, ensuite il sera disposé à répondre aux questions
posées par les membres du Comité.
Monsieur Hammel, vous avez la parole.
M. Phillip Hammel (président de l’association canadienne
des commissaires catholiques): Messieurs les coprésidents,
messieurs les membres du Comité.
L’association canadienne des commissaires catholiques est
constituée en société grâce à une charte fédérale et comprend
sept provinces et deux territoires. Elle regroupe les écoles
catholiques de Terre—Neuve, de l’Ontario, de Saskatchewan et
de l’Alberta—financées par l’État—et, bien sûr, les écoles
privées de Colombie-Britannique, du Manitoba, du Québec, du
Yukon et des Territoires du Nord-Ouest. Nous nous occupons
donc de l’enseignement catholique à travers tout le Canada et
nous dispensons notre enseignement à 750,000 élèves, ce qui
vous montre bien que nous intéressons à la question.
Avant de poursuivre, messieurs les coprésidents, je tiens à
vous présenter nos excuses, car nous n’avons pu vous présenter
qu’une version en anglais de notre exposé, le temps nous ayant
manqué; nous vous soumettrons la version française ultérieure-
ment.
Les commissaires des écoles catholiques de tout le Canada
appuient le principe du rapatriement de la constitution cana-
dienne. Nous estimons en effet qu’il faut incorporer dans la
constitution les droits des minorités, la majorité, en temps
normal, se trouvant protégée. C’est avec un certain regret que
l’association des commissaires des écoles catholiques canadien-
nes, après avoir examiné le projet de charte canadienne des
droits et libertés, se doit cfexprimer sa déception et sa profonde
inquiétude à l’égard de la protection, dans l’avenir, des droits
et privilèges réservés aux écoles séparées catholiques romaines
financées par I’État, à qui l’on a reconnu des droits et des
privilèges depuis la création du pays en 1867.
Ce qui nous déçoit, d’abord, c’est que le gouvernement du
Canada, tout en étant l’un des pays signataires de la Déclara-
tion des Nations Unies sur les droits de l’homme ait rejeté,
pour sa propre charte des droits et libertés, le principe énoncé
à l’article 26 d’après lequel les parents ont le droit de choisir le
genre d’éducation qu’ils désirent pour leurs enfants. La nou-
velle charte canadienne devrait proclamer de manière claire et
sans ambiguïté ce droit fondamental, de manière a permettre
aux parents canadiens d’exercer leur choix en toute liberté et
de libérer les fonds nécessaires à sa concrétisation. On ne
créerait pas un précédent au Canada puisque les conditions de
l’union de Terre-Neuve au Canada prévoient une telle liberté.
D’autre part, nous nous inquiétons sincèrement de ce que le
projet de charte ne garantisse pas de manière satisfaisante le
maintien, à l’avenir, des écoles catholiques publiques. Bien que
l’article 93 de la Loi de l’Amérique du Nord britannique ait
assurément force de loi, nous craignons que les jugements et
interprétations des tribunaux fondés sur le projet de charte
marquent une diminution de nos droits et finissent par saper
les valeurs religieuses et les objectifs que se sont assignés les
écoles catholiques. L’article 25 du projet de charte énonçant la
primauté de la charte sur toutes les autres lois constitue un
empiètement sur nos droits prévus par l’article 93 de la ANB
en cas de contradiction affarente entre l’article 13 et les
dispositions de la charte.
Outre la primauté de la charte, l’article 2, prévoyant la
liberté de conscience et de religion, et l’article 15, prévoyant
que tous les citoyens sont égaux devant la loi et ont droit à la
même protection, indépendamment de toutes distinctions fon-
dées, entre autres, sur la religion, prévoit que les droits indivi-
duels pourront prendre le pas sur les droits religieux collectifs.
Nous éprouvons de grandes craintes, car nous savons qu’en
dernière analyse, ce sont les tribunaux qui décideront de
l’application de ces articles, et nous savons qu’aux Etats-Unis,
où l’on dépend aussi des tribunaux, on en est arrivé à éliminer
la prière d’un système d’enseignement fondé, à l’origine, sur la
religion chrétienne. Nous craignons que les tribunaux, en
mettant l’accent sur les droits individuels, n’éliminent les droits
collectifs en matière, par exemple, de politique, d’usages de
dotation en personnel, de critères d’inscription, de prières et
d’usages religieux dans les écoles, d’élargissement des écoles
catholiques, certaines ne dispensant plus aujourd’hui qu’un
enseignement pour certaines années, ainsi que de la participa-
tion de l’Etat au financement, au point que les écoles catholi-
ques ne le restent plus que de nom.
L’article 42 prévoyant d’amender la constitution par le biais
d’un référendum nous donne certains motifs d’inquiétude.
Serait-il impossible qu’à un certain moment, à l’avenir, cer-
tains droits de la minorité, dont notre droit a créer des écoles
catholiques, puissent disparaître par l’apparition d’une simple
majorité à un référendum ou à une série d’entre eux?
L’article 49 donnant compétence exclusive aux assemblées
législatives provinciales pour modifier les dispositions de la
constitution des provinces nous préoccupe non seulement pour
le maintien d’écoles catholiques séparées, mais aussi pour ce
qui a trait aux modifications éventuelles à la législation provin-
ciale, car il serait très difficile de créer de nouvelles écoles
religieuses ou très difficile à celles qui existent déjà de remplir
leur mandat.
Enfin, même si l’article 24 stipule que la charte ne nie pas
l’existence des droits reconnus aujourd’hui dans notre pays,
nous craignons que, comme elle a primauté sur les autres
textes et qu’elle laisse, à l’avenir, les tribunaux l’interpréter, on
mette ainsi gravement en danger l’existence même des écoles
catholiques.
L’Association canadienne des commissaires catholiques
demande que l’on revoie et que l’on modifie le projet de charte
afin de protéger le droit de la minorité catholique aux écoles
catholiques financées par l’Etat. Nous avons pris la liberté
d’annexer à notre mémoire les modifications que nous soumet-
tons à votre attention.
Avec votre permission, je vais vous les lire.
Nous proposons d’ajouter un nouvel article à la suite de
l’article 24 traitant des droits et libertés non expressément
visés et nous proposons que la présente charte ne nie pas
l’existence des droits et libertés qu’elle ne garantit pas expres-
sément, notamment.
a) les droits et privilèges, accordés ou garantis par une
disposition de la constitution du Canada, des écoles séparées,
dissidentes ou autrement confessionnelles;
b) la création ou l’extension, en vertu d’une loi publique ou
autre, d’une école ou d’un système d’écoles séparées, dissident
ou autrement confessionnel ou de tout régime de financement,
à même les fonds publics ou autres, d’une telle école ou d’un
tel système dans la mesure jugée appropriée; ou
c) l’administration d’une école ou d’un système d’écoles
séparées dissident ou autrement confessionnel en conformité de
ses exigences confessionnelles, y compris, mais sans restreindre
la portée de ce qui précède, le droit d’appliquer une politique
sélective en matière d’inscription pour des motifs fondés sur le
sexe ou la religion, et d’embaucher des personnes adhérant aux
tenants d’une religion particulière.
Deuxièmement, nous proposons une modification à l’article
36 portant sur la restriction du recours à la procédure provi-
soire. Notre amendement se lit comme suit:
La procédure prescrite à l’article 33 doit être utilisée pour
modifier toute disposition de la constitution du Canada qui
accorde ou garantit des droits et privilèges aux écoles séparées,
dissidentes ou autrement confessionnelles.
Pour ce qui est de notre troisième modification, elle con-
cerne l’article 50, et porte sur l’amendement limité a la
formule générale. Nous proposons d’ajouter, après l’alinéa (h):
Les droits ou privilèges accordés ou garantis par la constitu-
tion du Canada aux écoles séparées, dissidentes ou autrement
confessionnelles.
Vous noterez peut-être certaines différences particulières,
dans les mémoires qui vous auront été soumis par certains
commissaires d’écoles catholiques de différentes provinces. Je
pense toutefois pouvoir affirmer que nous avons tous la même
intention. En effet, notre conseil réunit des représentants des
sept provinces et territoires mentionnés que nous avons consul-
tés pour constater que nous étions tous d’accord, même si sur
certains points, nous avons une opinion différente.
Nous avons aussi consulté la conférence canadienne des
évêques catholiques ct nous sommes tombés d’accord sur la
manière d’aborder les problèmes, en principe. Après avoir
demandé l’avis de conseillers juridiques, nous estimons avoir
toute raison de craindre que nos droits seront mal protégés et
nous vous demandonc donc instamment d’apporter les modifi-
cations qui s’imposent, à cet égard.
Je vous remercie de nous avoir invités à comparaître devant
le comité mixte, et de bien avoir voulu nous prêter votre
attention.
[Texte]
Le coprésident (M. Joyal): Merci beaucoup, monsieur
Hammel.
Je voudrais maintenant inviter l’honorable James McGrath
a ouvrir cette première ronde d’échanges avec nos témoins.
Monsieur McGrath,
M. McGrath: Merci beaucoup, monsieur le président.
[Traduction]
Monsieur le président, messieurs, j’aimerais tout d’abord
vous féliciter du mémoire concis et exhaustif que vous nous
avez présenté aujourd’hui. ll devrait servir de modèle aux
autres. En effet, vous abordez les problèmes de manière lapi-
daire, et sans détours et nous soumettez les recommandations
qui vous intéressent plus particulièrement. Toutes mes félicita-
tions, donc.
J’aimerais demander à M. Hammel ou à l’un de ses collè-
gues s’il estime qu’en incorporant la charte et en y ajoutant les
modifications qui s’imposent, on évitera ainsi que les tribunaux
fassent passer les droits invididuels avant les droits collectifs,
et je vous renvoie ici, bien sûr, à l’article 2 de la charte traitant
de la liberté de conscience et de religion.
Il me semble que le Canada, en sa qualité de signataire du
protocole ou du Pacte des Nations-Unies a souscrit, juridique-
ment, au principe selon lequel les parents ont le droit de
décider our leurs enfants, du genre d’éducation de leur choix.
Ma question est la suivante: préféreriez-vous que l’on s’abs-
tienne d’incorporer la Charte des droits à la constitution et que
l’on procède plutôt par voie de droit écrit, donnant ainsi la
primauté au bill Diefenbaker?
M. Hammel: Je ne sais si je peux répondre directement à
votre question. Nous voulons à tout prix que les droits collec-
tifs soient protégés, mais nous ne nous sommes pas souciés de
savoir s’il fallait une charte des droits.
S’il y a une charte, l’important, c’est que l’on y incorpore les
droits collectifs et les droits de la minorité, puisque, comme je
vous l’ai dit, la majorité se débrouillera toujours.
Quoi qu’il en soit, nous estimons que nos droits, en tant que
minorité, sont importants.
M. McGrathzlAlors, comment éviter, comme ce fut quelques
fois le cas aux Etats-Unis, que les tribunaux déclarent que la
prière en classe est inconstitutionnelle?
Je suis originaire d’une province où le système d’enseigne-
ment religieux est, de par la loi, financé par l’Etat. En vertu
des conditions d’union de Terre-Neuve au Canada, cette loi est
inscrite dans la constitution fédérale, elle est donc menacée par
les dispositions du bill dont nous sommes saisis.
Vous y avez fait allusion sans entrer dans le détail, et je
reviendrai ultérieurement à ce problème.
M. Hammel: Quelle est votre question?
M. McGrath: Si nous incorporons une charte des droits à la
constitution, comment éviter que les tribunaux jouent un rôle
parallèle à celui des assemblées législatives et définissent les
nouvelles lois de la constitution, énonçant certaines restrictions
applicables à vos méthodes d’embauche de personnel? Quant
aux prières en classe, je vous ai cité le cas des États-Unis où
cela a été, dans certains cas, déclaré inconstitutionnel par les
tribunaux.
Je me trouve donc devant un dilemme; je suis un fervent
parisan de la protection par la loi des droits fondamentaux de
la personne, mais cela n’enlève rien.
M. Hammel: Que l’on passe par le droit écrit ou par
l’incorporation de la charte des droits et libertés, il faut bien
admettre qu’il existe des droits individuels et, comme c’est le
cas pour nous, des droits collectifs organisés. Dans le cas qui
nous occupe, il s’agit de droits religieux collectifs. Si, en tant
que catholique romain, je ne juge pas le droit d’autrui à la
liberté de conscience, j’estime toutefois que la personne qui
n’obéirait pas aux préceptes de la religion catholique romaine
n’appartient pas à notre religion et n’a donc pas la jouissance
des droits réservés à notre communauté.
Ainsi, il existe certains droits collectifs ayant au moins la
même valeur que les droits individuels ou, peut-être, primauté
sur eux.
On ne peut prétendre simplement que les droits individuels
sont absolus.
Le père Fogarty pourrait peut-être ajouter une observation
là-dessus.
Le Révérend Patrick Fogarty (Secrétaire exécutif, Associa-
tion canadienne des commissaires catholiques): Il est d’usage
de considérer quelquefois les droits historiques comme des
vestiges du passé n’ayant rien à voir avec les conflits caractéri-
sant notre société moderne et de leur redonner un certain
prestige, plus actuel en leur faisant comprendre les droits
individuels et peut-être même collectifs.
L’American Bill of Rights dont se sont inspirés bon nombre
de pays n’était pas seulement un document progressif et tourné
vers l’avenir, mais aussi bien actuel, puisqu’il tenait compte de
la réalité de l’époque.
On a constaté les mêmes pressions émanant de la base lors
de la révolution française et de l’incorporation de la Grande
Charte aux lois britanniques.
D’après nous, nous sommes arrivés à un carrefour de notre
histoire où il est temps de combattre du mieux possible pour la
protection des droits individuels sans renier notre passé. Or, le
système d’école religieuses financées par l’Etat trouve en partie
ses racines dans la convention qui a fait de notre pays, ce qu’il
est aujourd’hui.
L’évolution historique de ces droits en vertu de l’Acte de
l’Amérique du Nord britannique devrait faire partie de la
constitution et être traitée sur le même pied que l’octroi des
droits individuels.
Il existe une certaine analogie entre les tentatives faites pour
donner aux droits collectifs le même statut qu’aux droits
individuels et l’inscription, dans la nouvelle constitution, des
droits des minorités anglophones à l’enseignement dans leur
langue. Tous deux ont les mérites bases historiques. Au début,
par exemple, quand des gens comme Louis Riel parlaient de
«nos écoles» et de leur protection dans la nouvelle constitution,
il faisait allusion aux écoles catholiques francophones.
A moins que la loi ne soit particulièrement explicite, les
tribunaux en donnent une interprétation différente où on en est
réduit à adopter des dispositions rectificatrices, comme on l’a
vu au Manitoba, ce qui ne résout pas le problème. ll faut donc
énoncer dans la constitution les droits collectifs qui nous ont
été légués et leur faire revêtir la même importance et le même
prestige qu’aux droits individuels que l’on essaie aujourd’hui
d’obtenir.
Je pense donc que nous sommes arrivés à un moment de
notre histoire où nous pouvons profiter de nos traditions en
étant novateurs sans renier notre passé.
M. McGrath: Savez-vous que des témoins très influents ont
incité le Comité à prévoir, par exemple, à l’article 15 une
clause portant sur l’orientation sexuelle.
Étant donné l’influence que pourraient avoir ces témoins sur
le Comité, vous pourriez être forcés d’engager comme ensei-
gnant, une personne qui ne se cacherait pas de mener un style
de vie allant à l’encontre des mœurs ou des préceptes de
l’Eglise catholique romaine, par exemple, un homosexuel
avoué.
M. Hammel: C’est assurément l’une de nos craintes.
Comme je l’ai dit dans mon exposé, nous nous inquiétons de
certains usages sélectifs en matière dembauche. Nous esti-
mons que l’un des principaux objectifs de nos écoles-«l’objeetif
majeur d’ailleurs—est la formation, dans la religion catholi-
que, de notre jeunesse.
Toute personne menant un style de vie peu conforme aux
enseignements de notre Église verrait donc sa candidature
refusée.
Nous estimons donc pouvoir avoir le droit de suggérer à la
personne qui n’accepte pas la foi catholique d’aller chercher du
travail ailleurs.
M. McGrath: Pourrais-je passer à autre chose.
Le président vient de me signaler que mon temps est presque
écoulé. Vous avez parlé du danger que représente l’article 42
pour ce qui est des droits à une éducation religieuse. Vous avez
également parlé des dispositions de la formule damendement
relative à la tenue d’un référendum, ainsi que des conséquences
que pourrait avoir l’article 49, si l’on accordait aux provinces
le droit d’amender leur propre constitution.
Ne pensez-vous pas que l’article 49 risque de rendre inopé-
rantes les garanties prévues par l’acte de l’Amérique du Nord
britannique? Si l’article 49 est intégré à la constitution, il aura
pour effet d’annuler les garanties prévues par notre présente
constitution dans la mesure où les provinces auront le droit
d’amender leur propre constitution.
M. Hammel: Admettons.
M. Mackasey: Vous êtes sûr?
M. McGrath: Je n’en suis pas sûr, et c’est pour cela que je
pose ma question.
M. Hammel: J’aimerais vous donner un exemple. Nous
demandons simplement la garantie qu’une loi provinciale ne
pourra pas frapper de nullité l’article 19 de l’Acte d’union.
Tout ce que nous voulons c’est que l’article de l’Acte de la
Saskatchewan, qui précise l’article 93 de l’ANB, en donnant
aux écoles catholiques le droit de s’implanter dans cette pro-
vince ne puisse être frappé de nullité par une autre loi
provinciale.
M. McGrath: L’article 49 rend-il inopérant l’article dont
vous parlez? Y a-t-il redondance?
M. Hammel: Je l’ignore.
M. McGrath: Avez-vous obtenu un avis juridique à ce sujet?
M. Hammel: Non. Nous voulons que les droits collectifs qui
nous sont conférés par l’Acte de l’ANB soient protégés. Nous
devons les protéger.
J’ignore si l’article 49 rend inopérant l’article 93 de l’ANB.
M. Fogarty: J’aimerais ajouter quelques mots là-dessus.
J’avais l’impression que l’article 93 de l’ANB relatif aux écoles
religieuses avait priorité sur toute loi provinciale en la matière
ou encore sur toutes interprétations juridiques. Jestime que la
nouvelle constitution devrait accorder la même protection aux
écoles religieuses. Il faut remarquer que lorsque le Parlement
britannique a accordé au Parlement canadien le droit d’amen-
der sa constitution en 19.49, certains domaines ont été exemp-
tés, dont celui des écoles confessionnelles. Le Parlement bri-
tannique a choisi de ne pas donner au Canada le droit de faire
des lois susceptibles d’abroger les droits acquis par l’ANB en
ce qui concerne les établissements d’enseignement religieux.
Nous pensons donc que la nouvelle constitution du Canada
devrait garantir les mêmes droits aux écoles religieuses. Nous
craignons qu’elle permette à une administration provinciale,
avec l’appui du gouvernement fédéral, de modifier sa propre
constitution et de supprimer des droits traditionnellement
inaliénables.
Nous souhaitons donc que les droits acquis par les écoles
confessionnelles au Canada continuent d’être exemptées par la
nouvelle constitution, pour qu’une province ne puisse pas
amender sa propre constitution d’une façon qui aurait pour
conséquence l’aliénation de ce droit. Nous aimerions donc que
les droits acquis en matière d’enseignement religieux soient
enchâssés dans la nouvelle constitution.
C’est la raison pour laquelle nous avons recommandé de
modifier l’article 50 du projet de résolution en y ajoutant un
huitième alinéa, l’alinéa (h). En vertu de la nouvelle constitu-
tion, le droit a un enseignement religieux au Canada devrait
être exempté de toutes possibilités de modification au même
titre que les pouvoirs du Sénat, les principes de la représenta-
tion provinciale ou les critères de résidence des sénateurs.
Comme le Parlement britannique l’a fait en 1949, nous pen»
sons que la nouvelle constitution devrait imposer certaines
restrictions aux pouvoirs des gouvernements provinciaux afin
de préserver les droits acquis aux termes de l’article 93 de
l’Acte de l’Amérique du Nord britannique.
[Texte]
Le coprésident (M. Joyal): Merci beaucoup, monsieur
McGrath.
Je vousdrais maintenant inviter monsieur Lorne Nystrom.
M. Nystrom: Merci, monsieur le président. [Traduction] J’aimerais tout
d’abord souhaiter la bienvenue au groupe qui a comparu
devant nous et, en particulier, à monsieur Philippe Hammel,
un compatriote de la Saskatchewan. J’aimerais poser plusieurs
questions au sujet des déclarations que vous avez faites dans
votre mémoire.
J’ai noté avec beaucoup d’intérêt ce que vous dites à la page
3:
Nous craignons que l’accent mis par les cours sur les
droits individuels ait pour effet de restreindre les droits
collectifs.
Je me félicite que vous ayez soulevé cette question. En effet,
au printemps ou a l’été dernier, j’ai posé à la Chambre une
question au premier ministre, au sujet de l’enchâssement des
droits collectifs dans notre constitution. Il m’a renvoyé ma
question en me demandant ce que j’entendais par «droits
collectifs»?
Vous nous avez donné ce matin une définition des droits
collectifs. Notre président se rappellera que plusieurs groupes
qui ont comparu devant notre comité ont prétendu que la loi
sur les langues officielles, c’est-à-dire le français et l’anglais,
constitue une défense des droits collectifs. Plusieurs groupes
aborigènes ont également comparu devant notre comité au
cours des derniers jours et ils ont insisté pour que leurs droits
collectifs soient enchâssés dans la constitution.
Les droits collectifs sont donc de trois sortes, si l’on compte
les droits à un enseignement religieux. Je suis tres heureux
d’entendre cela.
J’aimerais revenir sur votre mémoire afin de préciser cer-
tains points. J’ai commencé par les droits collectifs. Vous
semblez également vous inquiéter de la primauté que confère à
la charte l’article 25 de la résolution. J’aimerais citer cet
article:
La présente charte rend inopérantes les dispositions
incompatibles de toute autre règle de droit.
Vous mentionnez dans votre rapport les implications que
cela pourrait avoir pour l’article 93 de l’Acte de l’Amérique du
nord britannique. Les membres du Comité n’ignorent pas que
l’artiele 93, qui compte quatre parties différentes, traite de
Véducation. Je suppose donc que e’est surtout le premier
paragraphe de cet article qui vous concerne, ainsi que l’article
I5 de la résolution, puisqu’il stipule les droits à la
non-discrimination.
J’aimerais que vous nous donniez plus de précisions. Vous
vous demandez peut-être si une école catholique a le droit
d’embaucher exclusivement des professeurs catholiques, dans
la mesure où tous sont égaux devant la loi et ont droit à la
même protection de la loi, indépendamment de toute distinc-
tion fondée sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la
couleur, la religion, l’âge ou le sexe. Pourriez-vous développer
cette idée?
M. Hammel: Sur cette question particulière?
M. Nystrom: Oui.
M. Hammel: Nous nous interrogeons en effet sur la légiti-
mité de nos pratiques d’embauche. Etant donne que nos écoles
visent à former des jeunes dans la foi catholique, nous préfé-
rons embaucher des professeurs qui embrassent cette religion,
mais, bien sûr, l’observent et la respectent. De la même façon,
il est normal que l’on préfère embaucher un scientifique pour
enseigner un cours de science. Il va de soi que cela a eu une
importance capitale pour nous, et nous pensons que, lorsqu’il y
a conflit entre les convictions personnelles d’un individu et
celles d’un établissement où il souhaite être employé, cela
suffit à le disqualifier. Comme l’a dit notre collègue, c’est un
privilège qui est reconnu aux écoles religieuses, privilège sans
lequel elles ne pourraient pas exister.
M. Nystrom: En d’autres termes, l’abolition de ce privilège
détruirait le principe même des écoles religieuses?
M. Hammel: Absolument. Si les convictions personnelles
d’un individu ont priorité sur les enseignements religieux d’un
groupe, et dans notre cas, ce groupe est l’Église catholique
romaine, il est évident qu’on ne peut plus parler d’écoles
catholiques. Si 80 p. 100 de nos professeurs ont renoncé à la
foi catholique, on ne peut plus parler d’écoles catholiques.
M. Nystrom: Je vous ai déjà dit que j’étais tout à fait
favorable à l’enchâssement des droits collectifs, mais j’aimerais
néanmoins vous poser une question que j’ai déjà posée aux
Mennonites du Canada. L’article 15 stipule que «tous» sont
égaux devant la Loi. Je ne suis pas avocat, et j’ignore si vous
l’êtes, mais j’aimerais savoir s’il existe des cas de jurisprudence
où le terme de «tous» ait été interprété comme un terme
collectif?
M. Hammel: Je ne peux pas vous donner d’exemples précis,
mais je pense que le terme «tous» s’applique davantage aux
individus qu’aux groupes.
M. Nystrom: Merci beaucoup. J’aimerais vous poser une
question au sujet de l’article 49, qui traite des modifications
des constitutions des provinces par leurs législateurs. Voici ce
que stipule cet article:
49. Sous réserve de l’article 50, la législature de chaque
province a compétence exclusive pour modifier la consti-
tution de celle-ci.
Je ne comprends pas très bien vos objections, car il me
semble que cet article ne fait que prolonger un statu quo. Je
voudrais vous citer l’article 92(1) de l’Acte de l’Amérique du
Nord britannique:
Dans chaque province, la législature pourra exclusivement
faire des lois relatives aux matières tombant dans les
catégories de sujets ci-dessous énumérés:
A savoir:
Premièrement, l’amendement de temps à autre, nonob-
stant toute position contraire énoncée dans le présent acte,
de la constitution de la province.
Il me semble que l’article 49 du projet de résolution ne
change rien à cela, et qu’en fait, il est identique à l’article
92(1) de l’Acte de l’ANB. Je vois que le sénateur Connolly
hoche la tête, et c’est un expert en matière constitutionnelle.
Vous avez peut-être vu quelque chose qui m’a échappé et qui a
échappé à d’autres membres du Comité, à moins que vous
ayiez des objections à faire au statu quo?
M. Fognrty: J’ai l’ait allusion à cela dans la réponse que j’ai
donnée à l’honorable James McGrath. En vertu de l’article 49,
il se peut que les provinces, par exemple, celle de l’Ontario, se
sentent autorisées à interdire l’extension du système des écoles
séparées, extension qui pourrait éventuellement permettre à
ces écoles d’assurer les trois dernières années du cycle secon-
daire. Le droit d’une province de modifier sa constitution
risque donc ainsi de limiter la croissance et l’effort d’écoles
religieuses financées par l’Etat.
C’est la raison pour laquelle nous proposons d’ajouter un
alinéa h) a l’article 50 du projet de résolution, de façon à
imposer une restriction aux modifications qu’une province peut
apporter à la constitution, en ce qui concerne les écoles catholi-
ques financées par l’Etat.
M. Nystrom: Merci. Je ne sais pas quelle est la situation en
Ontario, mais j’aimerais revenir à notre province. Les droits
des écoles confessionnelles de la Saskatchewan, sont je crois
énoncés dans l’Acte de la Saskatchewan de 1905, et font, par
conséquent, partie intégrante de la constitution du Canada.
Étant donné que les provinces n’ont pas le droit de modifier la
constitution du Canada, il me semble que les droits acquis en
vertu de l’article 92(1) de l’Acte de l’ANB ne sont pas
menacés. C’est pour ccttc raison, que selon moi, l’article 49 ne
change rien à rien. Est-ce que je me trompe?
M. Hammel: Je ne puis affirmer que vous vous trompez,
mais c’est néanmoins une possibilité que nous redoutons.
M. Nystrom: Y a-t-il autre chose?
M. Fogarty: Vous ne nierez pas, monsieur Nystrom, que
seul le cycle élémentaire était confié aux écoles confessionnel-
les de la Saskatchewan. Entre la confédération et le début des
années 1960, plusieurs écoles catholiques ont demandé à ce
que le système des écoles séparées soit étendu à la province de
la Saskatchewan, ce qui ne s’est fait qu’au début des années
1960. Nous craignons qu’un gouvernement provincial décide
un jour, non pas de supprimer les droits reconnus aux écoles
confessionnelles, mais plutôt de limiter leur possibilité de
croissance.
Le gouvernement d’une province peut très bien un beau jour
décider d’apporter une clause restrictive à la constitution de la
province, clause qui peut porter atteinte a nos droits acquis.
M. Nystrom: Le président me fait signe de m’arrêter. Je
vous remercie beaucoup.
Le coprésident (M. Joyal): Merci beaucoup, monsieur Nys-
trom. Sénateur Connolly.
Le sénateur Connolly: Merci, monsieur le président.
Tout d’abord, j’aimerais me faire l’écho de ce qu’ont dit
messieurs McGrath et Nystrom au sujet de la qualité de votre
mémoire. Vous allez directement au fait, mais il est vrai que
vous avez une longue expérience en la matière.
Lorsque l’Acte de l’Amérique du Nord britannique a été
adopté, il semble que deux difficultés ont surgi, c’est du moins
ce que rapportent les historiens. La première était la constitu-
tion du Sénat et la deuxième, l’établissement d’un système
d’écoles confessionnelles. Je veux parler de l’article 93.
Je sais que, dans certains milieux, le Sénat jouit d’une
popularité limitée, mais on peut dire que l’article 93 a réelle-
ment été l’arche d’alliance de la constitution. Sans lui, l’union
ne se serait peut-être jamais faite.
Le Père Fogarty a fait allusion aux restrictions que contient
l’article 93(1) qui fait allusion aux écoles dont une catégorie
d’individus étaient autorisés à se doter par la loi a l’époque de
l’Union. Les écoles catholiques ont eu beaucoup de difficultés
à s’établir, mais il faut dire que les restrictions qui existaient
dans les provinces à l’époque de la confédération pour les
écoles eonfessionnelles ou séparées se sont beaucoup relâchées.
En tous cas, en Ontario. Comme le Père Fogarty, je pense que
ces écoles financées par l’État devraient être autorisées à
assurer l’enseignement secondaire jusqu’à l’université. De
nombreuses classes ne sont pas subventionnées et les minorités
ont beaucoup de mal à donner à leurs enfants l’éducation
qu’elles souhaitent.
Ceci dit, j’aimerais ajouter que les Canadiens catholiques,
indépendamment de la langue qu’ils parlent, ont toujours
défendu l’enseignemcnt catholique au niveau de l’université. ll
existe de nombreux systèmes de subventions et d’ententes
financières dans un grand nombre de provinces et le Comité
ignore peut-être que certains collèges et universités catholiques
ont dû se laïciser afin de bénéficier des mêmes subventions que
les universités publiques, subventions essentielles à leur
développement.
L’argument que vous avez fait valoir au sujet de l’article 50
est sans doute bien fondé. Je dis «sans doute», car on nc peut
être sûr de rien lorsqu’il s’agit de la loi. Messieurs McGrath et
Nystrom ont déjà parlé de l’importance de protéger les disposi-
tions de l’article 93 et. . .
M. McGrath: Excusez-moi, sénateur. Vous parlez de l’arti-
cle 50, mais le témoin n’en a jamais parlé. Voulez-vous parler
de l’article 49?
Le sénateur Connolly: Non, il s’agit de l’article 50. J’ai fait
allusion au paragraphe que les témois ont proposé d’y ajouter.
Certains droits collectifs d’une importance extrême sont
enchâssés dans l’article 93 de l’Acte de l’ANB. C’est d’ailleurs
la seule raison de votre présence ici, n’est-ce pas? Si j’ai bien
compris, vous redoutcz que ces droits ne cèdent le pas aux
droits individuels énoncés dans la charte, à cause d’une inter-
prétation juridique ou encore de l’utilisation de la formule
d’amendemcnt. Sommes-nous d’accord?
M. Hammel: Oui.
Le sénateur Connolly: Est-ce que vous admettez que les
changements que vous proposez n’en sont pas moins a la merci
d’une formule d’amendement, si celle-ci ne retient pas le
consentement unanime des provinces?
M. Hammel: C’est exact.
Le sénateur Connolly: Êtes-vous prêt à courir ce risque?
M. Hammel: Prêt à accepter moins que cela?
Le sénateur Connolly: Non. Si les provinces décident à
l’unanimité de modifier l’article 93 ct si la formule d’amende»
ment de la constitution s’avère finalement être la formule de
Victoria définie à l’article 41 de ce projet de résolution,
pensez-vous que cellc-ci doive protéger les dispositions du
présent article 93 de l’AANB?
M. Fogarty: Étant donne que nous nous efforçons d’élaborer
unc nouvelle constitution, nous serions prêts à accepter une
formule qui limiterait les modifications qu’il serait possible
d’apporter à la constitution, si le Parlement et le Sénat étaient
d’accord là-dessus.
Le sénateur Connolly: Et les provinces?
M. Fogarty: Effectivement. Je suppose que nous devrions
donc accepter de courir ce risque. Je ne pense pas que nous
réclamerions, ce faisant, un privilège supérieur à celui que le
pays accepte pour lui-même. Par conséquent, si l’on s’entend
sur le type d’explication à donner au genre d’éléments néces-
saires à l’amendement de la constitution du Canada, même si
nous ne le désirons pas, nous devrons nous montrer réalistes et
l’accepter.
Le sénateur Connolly: J’approuve l’interprétation donnée à
l’article 49 par M. Nystrom. A ce sujet, si le système scolaire
dont vous vous faites l’avocat était menacé par une des provin-
ces, cela viendrait sans doute du retrait de son appui, mais les
dispositions de la constitution auraient primauté même si les
tribunaux en étaient saisis et je crois que vous pourriez tou-
jours avoir recours à eux pour rétablir les droits prévus par la
constitution. C’est une opinion personnelle, elle vaut ce qu’elle
vaut, mais à mon avis il serait impossible de changer tout cela
en essayant d’amender la constitution de la province. Etes-vous
d’accord là-dessus?
M. Fogarty: L’article 49 commence par l’expression: «Sous
réserve de l’article 50». Nous recommandons d’ajouter l’alinéa
(h) à l’article 50, ce qui nous éviterait l’application automati-
que de l’article 49.
Le sénateur Connolly: En apportant l’amendement à l’arti-
cle 50, établirait-on ou rétablirait-on les droits collectifs que
vous revendiquez?
M. Fogarty: Ils seraient établis et, à mon avis, protégés.
Le sénateur Connolly: Une autre question, monsieur le
président, si vous me le permettez.
Je tiens à vous féliciter d’avoir répondu aux questions en
vous concentrant exactement sur les questions de fond qui nous
préoccupent. M. Hammel a fait allusion aux méthodes d’em-
bauche, etc, et du recrutement d’enseignants qui ne soient pas
seulement catholiques de non.
J’aimerais à cet égard faire une observation: Il faudrait
remonter à 1967, époque à laquelle on envisageait l’enseigne-
ment des diverses disciplines autrement qu’aujourd’hui. Les
sciences, les arts, les langues, les mathématiques, mais aussi la
religion et la théologie avaient rang de discipline. Or aujour-
d’hui ces dernières sont mises au rancart. Les témoins ont fait
valoir pour ma plus grand satisfaction et, j’en suis convaincu,
pour celle d’un grand nombre de membres du comité, que
l’éducation religieuse a toujours sa place dans le système
d’enseignement, qu’il s’agisse du niveau primaire, secondaire,
ou universitaire, et certains parmi les plus grands universitaires
du monde ont défendu ce principe et l’ont fait reconnaître.
Je vous remercie.
M. Hammel: Merci, monsieur.
[Texte]
Le coprésident (M. Joyal): Merci, sénateur Connolly.
Je voudrais demander maintenant à l’honorable sénateur
Tremblay de bien vouloir prendre la parole.
Le sénateur Tremblay: Je regrette, c’est monsieur Epp
qui . . .
Le coprésident (M. Joyal): Alors, l’honorable Jake Epp.
[Traduction]
M. Epp: Merci monsieur le président, à vous et aux témoins
de ce matin.
Messieurs, j’enchaîne sur les questions du sénateur Connolly
en vous demandant si vous estimez que l’article 93 de l’Acte de
I’Amérique du Nord britannique protège les droits collectifs et
si les tribunaux pourraient les rétablir si un gouvernement
provincial décidait de les retirer. Le sénateur a signalé la
difficulté rencontrée par le Comité: en effet, nous avons besoin
de témoins qui soient des spécialistes. Dans son mémoire,
l’Association du barreau canadien de Terre-Neuve fait allu-
sion, à la page 3, du caractère unilatéral du projet de résolu-
tion et surtout des termes de l’union. Je n’ai pas le temps de
vous lire tout le chapitre, je me contenterai donc du paragra-
phe le plus important:
Les Terre-Neuviens ont toujours pensé qu’il était impossi-
ble de modifier les termes de l’union sans le consentement
du peuple de la province.
Ensuite, à la page 11, on en vient, monsieur le sénateur, à
discuter de la bonne interprétation ou des interprétations
données aux droits collectifs, dont I’article 93. Il est dit, à la
page 11 du mémoire:
Nos craintes sont d’autant plus fondées que l’article 25 de
la loi sur la constitution de 1980 prévoit que toute loi en
désaccord avec les dispositions de la présente charte est,
dans cette même mesure, inopérante et sans valeur. Deux
points de vue prévalent sur les répercussions du principe
de liberté de religion sur l’article 17 des termes de l’union:
(a) en vertu de l’article 25 de la loi sur la constitution de
1980, l’article 17 deviendra inopérant; ou (b) les tribu-
naux invoqueront le principe de liberté de religion au nom
de l’article 17, de l’histoire et de la tradition en matière de
système scolaire religieux et denseignement dans notre
province.
Plus loin, l’Association donne son opinion:
La division de Terre-Neuve n’est pas parvenue à s’enten-
dre sur la plus probable des deux interprétations. Toute-
fois, nous reconnaissons qu’un problème pourrait survenir
si un athée se voyait refuser un emploi auprès d’une
commission scolaire religieuse a cause de ses croyances, et
il est impossible aujourd’hui de prévoir quelle serait la
décision des tribunaux en la matière.
Monsieur le sénateur, messieurs, le Comité se trouve face à
un dilemme: en effet, après avoir entendu votre témoignage
précieux, nous ne savons toujours pas si, ce que nous allons
approuver sera appliqué avec autant de force que nous le
pensions. Est-ce bien cela?
M. Hammel: C’est un dilemme personnel, n’est-ce pas? Je
ne suis pas certain, monsieur, que nous parvenions jamais à
formuler la disposition de manière si parfaite que toutes nos
craintes soient éliminées. C’est à dessein que nous avons parlé
de craintes, car nous ne pouvons prévoir exactement quels
seront les résultats, mais nous sommes très préoccupés et nous
tenons à faire du mieux possible pour protéger les droits dont
nous jouissons actuellement.
M. Epp: Monsieur le président, encore une question, et
j’espère que les membres du Comité sont bien convaincus du
fait que nous devons trouver des témoins spécialisés qui puis-
sent aborder certains problèmes auxquels, et je parle en mon
nom personnel. je ne trouve pas de solution définitive et qui me
donnent des motifs d’inquiétude.
Un autre groupe est venu témoigner et nous parler de
l’incorporation, dans la charte, des droits et libertés individuel-
les. Voila un principe louable. Toutefois, même si je me rallie à
la manière dont vous abordez le problème, il me semble que,
par cette charte, nous nous éloignons des valeurs morales sur
lesquelles notre pays a été fondé. En nous efforçant de garantir
les droits des particuliers et d’aller dans la voie d’un Etat basé
sur l’humanisme et reconnaissant la valeur absolue de chaque
citoyen—mais ne vous méprenez pas, car je respecte les droits
individuels—en accordant, dis-je, une telle importance aux
droits individuels qu’on en arrivera peut-être, sinon à éliminer,
du moins à amenuiser les droits collectifs-et je vous dirai, à
cet égard, que depuis que je siège au Comité, je suis déchiré
entre ces deux principes—je crains bien que, ce faisant. nous
modifiions l’essence même des lois que nous avons héritées,
c’est-à-dire les valeurs morales de notre société. D’autre part,
nous créons des problèmes aux groupes tels que le vôtre, et à
l’Eglise dans son ensemble, qui ont érigé les structures morales
de notre société, et nous réduisons leur importance.
J’aimerais connaître votre opinion là-dessus, car, franche-
ment, je suis très partagé et je me refuse à prendre part a un
système qui enlève aux parents ou à l’Eglise le privilège de
prendre des décisions collectives qui ont, à mon avis, une
grande valeur pour notre société.
M. Hammel: Je suis tout à fait d’accord. En effet, nous
estimons vouloir essentiellement maintenir les valeurs et les
normes morales.
Tout notre système scolaire religieux est axé sur l’enseigne-
ment de ces valeurs et de ces normes morales à notre jeunesse.
Vous avez parlé de dilemme: nous pensons devoir, en quel-
que sorte, protéger les groupes du matérialisme de notre
société en leur inculquant une optique humaniste de la vie en
société. Il nous incombe de protéger, comme vous I’avez dit, les
groupes qui sont les gardiens des valeurs morales traditionnel-
les sur lesquelles a toujours reposé notre société.
Pour reprendre la question du dilemme, la Saskatchewan,
l’Ontario et l’Alberta disposent de codes provinciaux des droits
de la personne prévoyant une certaine protection contre la
discrimination dans certains domaines, dont la religion, dans le
cas d’établissements religieux.
Le sénateur Connolly: «Discrimination», voilà un mot
effrayant.
M. Hammel: Eh bien, à une certaine époque, c’était un
terme laudatif, même si ces dernières années, il a revêtu une
certaine connotation péjorative.
Cela signifie simplement se montrer sélectif dans la manière
dont on aborde certaines choses; nous préférons sa première
acception et nous avons l’intention de demeurer sélectifs.
Si le codes provinciaux des droits de la personne prévoient
une telle exemption, pourquoi pas un texte valable pour tout le
pays?
[Texte]
Le coprésident (M. Joyal): Merci, monsieur Epp.
Je voudrais maintenant demander à l’honorable Bryce
Mackasey de bien vouloir prendre la parole tout en considérant
que nous avons déjà dépassé l’heure que nous voulions consa-
crer à l’audition de nos témoins invités ce matin.
L’honorable Bryce Mackasey.
[Traduction]
M. Mackasey: Monsieur le président, chaque fois que je
veux prendre la parole, on me demande d’être bref. C’est très
difficile pour des Irlandais.
Vous savez, révérend, que je suis le produit d’un système
d’enseignement où l’on apprenait, au fin fond du Québec,
d’abord à chanter «God save Ireland» avant l’hymne national.
Même si nous sommes très sages, nous ne parviendrons pas à
sortir du dilemme où nous sommes enfermés. Le sénateur
Connolly, ainsi que MM. Epp et Nystrom, nous ont bien
expliqué les avantages et inconvénients des droits collectifs et
des droits individuels.
Nous nous sommes inquiétés de ce qui s’était passé dans les
établissements scolaires des États-Unis et nous avons dit que
nous craignons que cela arrive chez nous.
Il faut bien s’impregner du fait qu’il existe une difference
fondamentale entre les deux constitutions. En effet, la consti-
tution américaine interdit l’établissement d’une religion, alors
que la nôtre va dans le sens inverse, en garantissant la liberté
religieuse. Cela fait toute la différence.
Tous nos textes de loi, ainsi que le projet de constitution,
sont axés sur le principe selon lequel nos valeurs et systèmes
religieux doivent être maintenus, alors que les Américains
élèvent la protection des droits individuels à un tel niveau
qu’ils interdisent l’établissement de groupes religieux ou de
religions, tout simplement.
Je pense donc que nous n’avons pas à craindre de nous
trouver dans la même situation que les Américains.
M. Hammel: Bien au contraire, en effet, même si nos points
de départ sont différents et que nous admettons le principe de
la séparation de l’Église et de l’État aux Etats-Unis, nous
sommes pourtant assujettis à des phrases telle que «protection
égale devant la loi sans distinction» qui sont, sauf erreur,
presque identiques chez tous les deux. Alors, quand nous
devrons traiter de ce genre de problème, inévitablement, nos
tribunaux seront saisis des mêmes cas qu’aux États-Unis; par
conséquent, nos craintes sont fondées.
M. Mackasey: Vous avez bien le droit d’éprouver certaines
craintes et elles sont légitimes. Mais, et je crois que vous-même
l’avez admis. le document ne sera jamais parfait.
Par exemple, les autorités provinciales reconnaissent aujour-
d’hui, d’habitude, la liberté de religion, et je ne pense pas que
cela leur a causé des problèmes. Je n’ai jamais entendu dire
qu’une commission provinciale des droits ait été saisie d’une
affaire et ait dû se prononcer sur les droits individuels et les
libertés religieuses. Et vous?
M. Hammel: Moi non plus, monsieur.
M. Mackasey: Espérons que cela n’arrivera pas.
M. Hammel: Il y a bien sûr l’affaire Caldwell, en Colombie-
Britannique, bien qu’elle n’ait pas encore étéjugée.
M. Mackasey: J’ai dit que j’espérais. Je suppose que cela ne
posera pas de problème, même si, théoriquement, les tribunaux
pourraient en être saisis. Votre argument est valable.
Nous sommes tous confrontés aux dilemme de la moralité,
et je suis d’accord avec tout ce qui a été dit.
Moi aussi, je m’inquiète du fait que l’autorité et les ancien-
nes valeurs perdent du terrain. Peut-être que je me fais vieux,
ou que c’est le fruit de mon éducation.
Toutefois, nous convenons tous qu’il est impossible de légifé-
rer en matière de moralité et que la solution doit venir de
l’éducation et non pas des textes de loi. Peut-être fais-je erreur.
M. Hammel: Cela prouve peut-être qu’il faut dispenser ce
genre d’enseignement, et c’est le principe que nous défendons
ici.
M. Mackasey: Je suis tout à fait d’accord; peut-être que le
libellé ou la formulation de la constitution pourrait permettre
d’éliminer l’intolérance ou de susciter la tolérance, mais
comme je vous l’ai dit, nous sommes tous d’accord là-dessus.
J’ai été impressionné par votre proposition d’ajouter a l’arti-
cle 50 certains droits fondamentaux qui ne pourraient être
touchés par des amendements subséquents à la constitution. Il
y a aussi la question du référendum, Encore une fois, il s’agit
d’identifier les droits collectifs que vous voulez protéger.
Comme M. Nystrom l’a dit, le premier ministre ne voulait pas
être impoli ou moqueur lorsqu’il a parlé des droits collectifs. Il
voulait simplement formuler le problème auquel il faisait face
comme premier ministre et leader du gouvernement. C’est a
lui de décider quels droits collectifs seront protégés.
Il y a, par exemple, le problème de l’article de la Loi sur les
lndiens qui est discriminatoire à l’égard des femmes. Si les
gouvernements ont hésité à supprimer cet article, c’est qu’il
reflète, à tort ou à raison, une tradition qui a été imposée au
peuple indien il y a 113 ans.
Il y a donc un problème. Pouvez-vous proposer un moyen
dïdentifier les droits collectifs qui devraient, en théorie, être
inscrits à l’article 50?
Le révérend Fogarty: Je vais répondre, du moins en partie.
Je risque de me répéter. En 1949, le Parlement britannique a
modifié l’Acte de l’Amérique du Nord britannique pour accor-
der au Parlement du Canada le droit d’agir unilatéralement,
sans le consentement des provinces, pour apporter des modifi-
cations. Mais ce droit comporte des restrictions importantes.
On fait exception, entre autres, pour les droits collectifs
accordés aux écoles confessionnelles en vertu de l’article 93 de
l’Acte de I’Amérique du Nord britannique. Le Parlement
britannique et le Parlement canadien ont convenu ce qui suit:
Rien dans ces lois ne devra préjudicier à aucun droit ou
privilège conféré, lors de l’Union, par la loi à aucune
classe particulière de personnes dans la province, relative-
ment aux écoles séparées.
M. Mackasey: C’est justement ce que j’allais dire. En
ajoutant cette restriction à l’article 50, vous ne faites qu’en-
châsser des droits conférés par l’Acte de l’Amérique du Nord
britannique. Le droit que vous réclamez existe dans la consti-
tution actuelle, mais nous sommes si décidés à adopter une
nouvelle constitution que nous risquons de rejeter ce qui était
valable dans l’ancienne.
Le révérend Fogarty: Oui.
M. Mackasey: Merci, mon Père.
Le coprésident (M. Joyal): Thank you very much, Mr.
Mackasey.
Je constate que le temps réservé aux témoins est écoulé.
Au nom du Comité, je les remercie.
Avant de convoquer les prochaines témoins, je vous signale
que Mm’ Thérèse Killens, qui est député à la Chambre, mais
qui n’est pas membre du Comité, est présente ce matin et
voudrait faire une déclaration. Puisque vous semblez être
d’accord, je donne la parole à Mme Thérèse Killens.
[Texte]
Mme Killens: Merci, monsieur le président, mon interven-
tion sera très courte.
Ce matin nous avons devant nous des témoins qui nous
parlent d’une question fondamentale et qui touche la fibre
même de notre société.
Avant d’être député, j’ai fait partie du groupe Canadian
Catholic School Trustees’ Association pendant cinq ans. J’ai
été surprise de la grande foi exprimée à travers le pays, dans
les autres provinces que le Québec. Il vivait dans de grandes
difficultés et on y retrouvait des gens qui travaillaient dans
l’éducation au point que c’était presque du bénévolat qu’ils
faisaient.
Il y a eu certaines améliorations, spécialement en Colombie
Britannique dernièrement, mais c’est avec beaucoup de dif-
ficulté que ces gens catholiques parvenaient à donner à leurs
enfants une éducation catholique.
J’aimerais que les inquiétudes exprimées ce matin par les
témoins du CCSTA soient prises en considération et je deman-
derais aux membres du Comité et aux législateurs de ressortir
l’essence de ces amendements et d’essayer de les incorporer
dans la Constitution.
Comme vous le savez, l’article 23, amendé ou non, protégera
les droits linguistiques. Donc, on ne peut pas dire ce matin
qu’on ne peut pas toucher à cette question parce qu’il s’agit
d’éducation.
Il m’apparaît important de souligner au Comité que les
droits à l’éducation catholique dans les provinces autres que le
Québec sont aussi importants que les droits linguistiques que
nous allons protéger dans l’article 23 et vous savez très bien
qu’il est question de peut-être l’amender, cet article 23, pour
satisfaire certaines gens qui ne sont pas satisfaites de l’article.
Alors, je termine en demandant au Comité de se pencher
sérieusement sur le mémoire présenté ce matin par le Canadi-
an Catholic School Trustees’ Association et je vous remercie,
monsieur le président.
Le coprésident (M. Joyal): Merci beaucoup, madame
Killens.
[Traduction]
Au nom des honorables membres du Comité, je vous remer-
cie de la concision et de l’excellence de votre exposé.
Je remercie particulièrement M. Frank Gillhooly, ancien
président de l’association, qui est présent, mais qui n’a pas pris
la parole. ll a déjà travaillé au Bureau du vérificateur général,
et je vois que l’importance qu’il accorde à l’économie et à
l’efficacité se fait sentir dans le mémoire et dans l’exposé.
Merci beaucoup.
M. Hammel: Merci beaucoup. Ce que vous avez dit à propos
de M. Gillhooly est très juste.
Je remercie le président et les membres du Comité. Nous
sommes convaincus que vous ferez de votre mieux pour défen-
dre nos intérêts.
Le coprésident (M. Joyal): Nous entendrons maintenant des
représentants du Conseil canadien de développement social.
[Texte]
Je voudrais demander aux représentants du Conseil cana-
dien de Développement social de bien vouloir s’approcher à la
table des témoins afin que nous puissions poursuivre nos
travaux avec eux.
[Traduction]
J’ai le plaisir de souhaiter la bienvenue à Mlle Nicole
Dumouchel, Mme Karen Hill, et M. Ed Pennington, du Con-
seil canadien de développement social,
[Texte]
Il me fait plaisir de souhaiter la bienvenue ce matin aux
représentants du Conseil canadien de Développement social,
the Canadian Council on Social Dcvelopment et de vous
présenter mademoiselle Nicole Dumouchel, Mrs. Karen Hill
and Mr. Ed Pennington.
[Traduction]
Je crois savoir que vous avez déjà fait parvenir un mémoire
écrit aux membres du Comité et que vous souhaitez faire une
déclaration d’ouverturc. Vous pourrez ensuite répondre aux
questions que les membres du Comité vous poseront.
M. Fred Pennington (membre du conseil däadministration,
Conseil canadien de développement social): Merci, monsieur le
président, et messieurs les membres du Comité; je m’appelle
Fred Pennington et je suis un membre élu bénévole du conseil
d’administration du Conseil canadien de développement social.
‘Je remplis les fonctions de directeur exécutif du Conseil de
planification sociale pour la région métropolitaine de Toronto.
Ma collègue, Nicole Dumouchel, travaille pour une firme
privée d’expers-conseils en gestion, à Montréal. Elle a donc
une longue expérience du droit professionnel et des lois en
matière de santé du Québec. Elle comparaît aussi à titre de
membre élu bénévole du conseil d’administration du Conseil
canadien de développement social.
Notre troisième représentante, Karen Hill, est chargée de
programme au sein du Conseil canadien. Elle a joué un rôle
important dans la rédaction de ces documents.
Le mémoire du Conseil canadien a été approuvé au début de
la semaine par son comité exécutif. Monsieur le président, ce
n’est qu’hier qu’on nous a demandé de témoigner aujourd’hui
devant votre Comité. Nous avons pris bonne note des remar-
ques qui ont été faites et nous vous encourageons à faire tout
votre possible pour permettre aux groupes invités à comparaî-
tre de se préparer le plus longtemps à l’avance.
Le Conseil canadien de développement social est un orga-
nisme national bénévole qui participe à l’élaboration et à la
promotion de politiques sociales justes. Rien ne reflète mieux
le caractère d’un pays. et la qualité de la vie de ses habitants,
que ses politiques sociales. Etant donné que la constitution
constitue le cadre essentiel dans lequel les politiques sociales
sont élaborées et appliquées, notre organisme s’est vivement
intéressé aux efforts déployés récemment par le gouvernement
fédéral et les gouvernements provinciaux pour en arriver à un
consensus sur la structure et le contenu de la nouvelle constitu-
tion canadienne.
Uélaboration d’une nouvelle constitution est un événement
rare pour une nation et son peuple, dans la mesure où très
souvent, elle est le résultat d’une guerre ou d’une révolution. Il
est rare que les habitants d’un pays libre et démocratique aient
la possibilité de définir les droits et libertés auxquels ils
souscrivent, et d’en faire un document constitutionnel vivant.
En raison de la rareté historique des réformes constitution-
nelles, peu nombreux sont ceux qui peuvent, à juste titre, se
poser en experts. Nous ne prétendons pas être des experts en
matière de droit constitutionnel. Cependant, le Conseil cana-
dien de développement social a derrière lui soixante années
d’expérience dans le domaine de l’élaboration et de la promo-
tion des politiques sociales. C’est de ce point de vue que nous
avons l’intention de vous offrir notre position.
Nous avons choisi de souligner trois aspects du projet de
résolution. Premièrement, nous étudions le rôle des citoyens
dans un processus de réforme constitutionnelle. Deuxième-
ment, nous nous penchons sur les implications de certains
articles du projet de résolution pour ce qui est de la participa-
tion des citoyens et des politiques sociales. Troisièmement,
enfin, nous encourageons le gouvernement à enchâsser les
droits sociaux, éléments essentiels de toute charte des droits de
la personne.
Nous parlerons à tour de rôle, ce matin, de la participation
du citoyen, de l’incidence de certains articles du projet sur les
politiques sociales, et enfin, des droits sociaux.
Pour ce qui est de la participation des citoyens, nous esti-
mons que les Canadiens n’ont pas participé de façon satisfai-
sante à l’actuel processus de réforme constitutionnelle. Nous
nous félicitons de la prolongation du délai de clôture des
travaux, puisque cela nous permet et permettra à d’autres
groupes de comparaître devant votre Comité. Cependant, nous
pensons que le caractère d’urgence qui est inévitablement lié
au processus de réforme empêche le public canadien de com-
prendre ce processus, d’y répondre, et enfin, d’y participer. Si
on veut que les citoyens y participent de façon efficace, il faut
leur donner le temps de comprendre de quoi il s’agit, il faut
leur permettre d’accéder à l’information, d’entrer en contact
avec ceux qui prennent les décisions, et enfin, de se faire
entendre.
Le processus actuel de la réforme constitutionnelle est bien
loin de tout cela. La réforme constitutionnelle au Canada a
toujours été un processus politique plutôt qu’un processus de
consultation et de participation directe de l’ensemble des
Canadiens. L’élaboration d’une nouvelle constitution doit être
davantage qu’un exercice politique, et tous les Canadiens qui
le souhaitent doivent pouvoir exprimer leur opinion. C’est un
processus qui doit aller au-delà des relations intergouverne-
mentales. C’est un processus qui exige beaucoup plus des
parlementaires que la simple élaboration d’une loi. Chacun
sera à même d’en ressentir les implications, dans l’immédiat
comme dans le futur.
La constitution d’un pays est davantage qu’un énoncé des
relations qui existent entre les gouvernements. Une constitu-
tion est également plus qu’un instrument juridique. La nou-
velle constitution du Canada doit être l’expression de notre
histoire, de notre caractère, de nos valeurs et de nos aspira-
tions. C’est pour cette raison que tous les Canadiens doivent
avoir le droit et la possibilité de participer et de contribuer à
son élaboration. Nous aimerions déposer les deux requêtes
suivantes: premièrement, nous demandons que le Secrétariat
d’Etat augmente ses subventions au titre des programmes pour
les groupes communautaires, afin que tous les groupes qui le
désirent puissent se renseigner sur la réforme constitutionnelle
et y participer.
Deuxièmement, nous demandons que le gouvernement du
Canada encourage la participation directe des Canadiens à la
réforme de la constitution en débloquant des fonds et des
ressources supplémentaires à l’échelon local: de cette façon, la
compréhension et la participation des Canadiens seront
accrues.
Faimerais faire quelques remarques au sujet de l’absence de
préambule. Non seulement la constitution canadienne doit être
un instrument juridique qui énonce les relations qui doivent
exister entre les gouvernements et entre l’État et les citoyens,
mais encore elle doit définir les idéaux et les valeurs de notre
nation. Notre constitution doit non seulement reconnaître l’liis-
toire et la nature de notre pays, mais encore [elle doit énoncer
les valeurs auxquelles nous aspirons.
Un célèbre parlementaire canadien, Edward Blake, disait, il
y a plus de 100 ans, que: «L’avenir du Canada . . . dépend
largement de l’existence d’un esprit national.» Le préambule de
notre constitution devrait refléter cet esprit national.
Un préambule doit servir d’inspiration à tous les Canadiens.
Il doit démontrer, d’autre part, que notre constitution est
davantage qu’une loi: elle est le fondement de notre avenir.
Monsieur le président et messieurs les députés, en ce qui
concerne la participation des citoyens, je rappelle qu’une cons-
titution doit avoir pour fonction première de définir les rela-
tions qui existent entre le gouvernement et les gouvernés.
Comme le gouvernement du Canada l’a reconnu dans son
rapport de 1969, intitulé: La constitution et le peuple du
Canada, il est nécessaire que certaines garanties constitution-
nelles existent, afin de faire en sorte que la société, par le biais
de ses gouvernements, respecte les droits des individus. Nous
sommes d’accord avec ce que le premier ministre Trudeau a
déclaré en 1978. à savoir que le renouvellement de la fédéra-
tion doit confirmer la primauté des individus par rapport aux
institutions, garantir leurs droits et libertés, tout en confirmant
le caractère inaliénable.
Pour ce qui est de l’article 2, il serait utile de préciser ce que
l’on entend par «chacun». Ce terme s’applique-t-il également
aux organismes et aux groupes?
Nous aimerions souligner que les lois fiscales actuellement
en vigueur interdisent à des œuvres des bienfaisance agréées
d’exprimer leurs opinions sur les mesures prises par le gouver-
nement. Paradoxalement, ces mêmes organismes sont souvent
encouragés à consulter les ministres du gouvernement et son
parfois critiqués s’ils négligent de participer à des discussions
que le gouvernement voudrait publiques.
Nous pensons que la stabilité d’une société, ainsi que sa
réceptivité au changement, se mesurent à son degré de tolé-
rance et dencouragcment de la liberté d’expression. Nous
proposons donc que le Comité envisage de modifier le libellé de
l’article 2, de façon a ce qu’il reflète mieux l’importance de la
liberté d’expression pour les individus comme pour les
organismes.
Quant à l’article 7, garanties juridiques, voici ce qu’il
stipule:
7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de
sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en
conformité avec les principes de justice fondamentale.
Nous aimerions rappeler que Bertrand de Jouvenal a défini
la participation politique et le droit à l’intimité comme étant
les deux fondements de la démocratie.
En faisant allusion à «la sécurité de la personne», nous
pensons que l’article 7 ne fait qu’aborder de façon indirecte le
droit à l’intimité.
En raison de l’importance de ce droit dans un processus
démocratique, nous pensons qu’il est indispensable de le ren-
forcer en en faisant l’objet d’un article distinct, dont le libellé
soulignerait clairement sa portée et son importance.
Nous pensons par ailleurs que la constitution devrait conte-
nir d’autres articles renforçant les traditions et pratiques
démocratiques. Uenchâssement du principe de la liberté de
l’information, par exemple, permettrait de rappeler au gouver-
nement et aux citoyens que le gouvernement n’existe que par la
volonté du peuple.
Nous voudrions rappeler au Comité l’une des recommanda-
tions essentielles du groupe de travail sur l’information
gouvernementale:
1. Soient publiquement déclarés le droit des Canadiens
à une information complète, objectivdet divulguée en
temps utile, ainsi que l’obligation de l’État de dispenser
cette information sur ses programmes et politiques et que
cette déclaration constitue désormais le fondement de
nouvelles politiques gouvernementales dans ce domaine.
Ce droit et cette obligation pourraient être inscrits dans
un nouveau texte constitutionnel, au chapitre de la liberté
d’expression.
Monsieur le président, honorables députés, je demanderai
maintenant à Nicole Dumouchel de poursuivre la lecture de
notre mémoire.
Mile Nicole Dumouchel (membre du conseil d’administra-
tion, Conseil canadien de développement social): Monsieur le
président, j’aimerais parler plus précisément de la place accor-
dée aux politiques sociales par la nouvelle constitution.
Dans ce paragraphe, nous développons les préoccupations de
notre organisme au sujet de la place qui est faite aux politiques
sociales dans le projet de résolution. Sauf si le libellé de la
résolution elle-même l’exige, nous n’aborderons pas les ques-
tions de compétence. Tout en reconnaissant la nécessité de
répartir entre les deux paliers de gouvernement la responsabi-
lité des politiques sociales, il y a d’autres aspects plus précis
des politiques sociales que nous sommes impatients d’aborder
dans le cadre des discussions relatives aux articles 91 et 92 de
l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, lorsque ce dernier
aura été rapatrié.
Nous aimerions parler en particulier des paragraphes 3e) et
3th) de l’article 6, qui traitent de la liberté de circulation et
d’établissement. Nous pensons que les paragraphes 3e) et 3b)
de l’article 6 restreignent la liberté de circulation et d’établis-
sement énoncée au paragraphe 2b), dans la mesure où ils font
de la nation une série d’Etats souverains.
Si nous avons bien compris cet article, les gouvernements
provinciaux pourraient invoquer n’importe quel prétexte, à
l’exception des critères de résidence, pour faire adopter une loi
interdisant aux citoyens canadiens ou aux immigrants reçus de
circuler d’une province à l’autre ou au sein d’une même
province. Bien que tenues de ne pas faire de distinction fondée
sur l’âge, la race, le sexe ou l’origine nationale, les provinces
peuvent néanmoins adopter une loi empêchant, pour une raison
ou une autre, des Canadiens de circuler dans cette province.
Bien que l’Acte de l’Amérique du Nord britannique confie
déjà ce droit aux provinces, c’est néanmoins toujours lïntérêt
national qui l’emporte. Nous estimons que l’article 63a)
accroît les droits provinciaux en matière de migration et, par
conséquent, limite le champ de la compétence fédérale.
Non seulement nous pensons que la liberté de circulation et
d’établissement doit être reconnue a tous les Canadiens, mais
encore, nous prétendons que l’article 63b) restreint gravement
l’accès des Canadiens aux services sociaux. En ce qui concerne
les services sociaux publics, nous estimons que les critères
d’admissibilité constituent déjà une restriction importante.
Seul un individu justifiant de 10 années au moins de résidence
au Canada peut se prévaloir des prestations des programmes
de sécurité de la vieillesse ct de supplément du revenu garanti.
D’autre part, il existe des restrictions du même ordre au niveau
provincial pour ce qui est de l’accês des Canadiens aux loge-
ments sociaux, aux crédits d’impôt ct aux suppléments discré-
tionnaires du revenu.
En exigeant que tous les Canadiens soient admissibles aux
prestations de l’assistance publique, indépendamment de leur
lieu de résidence, le Régime d’assistance publique du Canada
a, pour la première fois, permis de renforcer la liberté de
circulation et d’établissement.
Étant donné que le Régime d’assistance publique du Canada
reconnaît que la transférabilité des prestations de l’assistance
publique est un principe fondamental, nous sommes en droit de
nous interroger sur ce qu’il en adviendra, si le paragraphe 3b)
de l’article 6 est adopté. On peut très bien prétendre que les
prémisses sur lesquelles se fonde le Régime d’assistance publi-
que du Canada ne sont pas fondées et que ces prestations ne
s’appliquent pas à tous les Canadiens. Quelles conséquences
cela aura-t-il pour les Canadiens qui ont besoin de l’assistance
publique? Dans une société aussi mobile que la société cana-
dienne, il serait tragique qu’en vertu de la nouvelle constitu-
tion, le lieu de résidence devienne un critère d’admissibilité
pour ce qui est des services sociaux.
Pour que notre constitution reflète véritablement nos espoirs
dans l’avenir, pour qu’ellc constitue une déclaration des princi-
pes embrassés par la nation, il faut, à coup sûr, que ces articles
qui, actuellement, témoignent d’une attitude insulaire et d’un
manque de générosité, soient retirés. On doit se demander quel
objectif plus élevé ces restrictions viseraient. Quel intérêt
national?
L’enchâssement permanent d’entraves aux services sociaux
est inacceptable. Nous recommandons que la constitution
canadienne reflète la liberté de circulation et d’établissement
en s’inspirant de l’article 12 du Pacte international relatif aux
droits civils et politiques.
L’article 15: nous pensons que l’intention, ici, est louable,
mais nous nous rangeons du côté de ceux qui contestent
l’efficacité de cet article, qui doutent du nombre de groupes
qui pourraient être protégés par ces dispositions, à cause des
mécanismes de mise en application prévus.
On l’a déjà dit aux membres du Comité, ni les handicapés
physiques, ni les handicapés mentaux ne seraient protégés en
vertu de cet article. L’article 15, tel qu’il est libellé, n’exclurait
pas la discrimination pour des raisons d’orientation sexuelle, de
situation de famille, de convictions politiques ou de statut
socio-économique. Il est clair qu’une déclaration qui va guider
les décisions judiciaires pendant des décennies devrait être
souple et précise, afin de pouvoir s’adapter à l’évolution des
conditions sociales, et elle doit comporter en même temps une
garantie des droits dont jouit le peuple.
Nous pensons que les handicaps, l’orientation sexuelle et le
statut socio-économique, de même que la situation de famille
et les convictions politiques, doivent être ajoutés à la liste des
motifs énoncés ici et qu’on doit assouplir cet article en ajoutant
«tels que» a la description des motifs. Cet article doit inclure
une interdiction de faire de la discrimination à la fois d’après
l’esprit et la mise en application de la loi.
Nous proposons également l’inclusion d’un article distinct
reconnaissant l’égalité entre les sexes, et nous favorisons un
libellé conforme à l’article 3 du Pacte international relatif aux
droits civils et politiques.
L’article 31 soulève une quantité de questions quant à
l’intention et aux répercussions. Un glossaire de termes est
indéniablement nécessaire pour apporter des précisions.
Il est troublant de constater qu’on ne définit pas ce que
constitue le service public essentiel. De quoi s’agit-il? D’un
service que toute la population utilise actuellement? Cela
inclut-il le service qu’une majorité pourrait utiliser a l’avenir?
De quel genre de service s’agit-il? Le supplément de revenu,
les services sociaux, les programmes culturels sont-ils inclus?
L’expression «de qualité acceptable» doit également être
définie. Nous demandons des précisions, mais néanmoins, nous
approuvons la direction que l’intention de cet article offrira,
car elle permettra l’élaboration de normes nationales pour les
programmes sociaux. Depuis dix ans, certains progrès ont été
réalisés, mais puisque la mesure de la qualité laisse encore â
désirer, on n’a pas pu apporter les améliorations nécessaires à
la planification et à l’offre de programmes sociaux.
Outre l’absence de définition, nous ne comprenons pas très
bien quelles sont les répercussions de l’article 31 sur les
programmes sociaux. On pourrait déduire de l’article 31 que
les provinces seront responsables de tous les services essentiels,
y compris ceux pour lesquels le gouvernement fédéral assume
la première responsabilité et l’initiative, même si on peut
contester sa compétence constitutionnelle dans ce domaine.
Les services reliés à l’emploi sont un exemple, comme la
création d’emplois et la formation de la main-d’oeuvre.
Depuis des années que durent les pourparlers constitution-
nels, on a beaucoup parlé de cette compétence et du finance-
ment des programmes sociaux, mais, à notre connaissance, et
d’après ce que le public en sait, cette question n’a pas encore
été réglée.
La révision attentive du financement des programmes
sociaux ajoute à nos préoccupations en ce qui a trait à l’inci-
dence potentielle de l’article 31 sur les programmes sociaux.
Nous pensons qu’il serait déplorable que l’article 31 soit
utilisé pour résoudre la question en interdisant tout choix
possible à l’avenir.
Mme Hill poursuivra sur la question des droits sociaux.
Mme Karen Hill (directeur de programme, Conseil cana-
dien de développement social): Merci, Nicole.
Nous demandons que les droits sociaux soient enchâssés
dans la constitution canadienne. Comme on l’a dit il y a
plusieurs années, toute proclamation des droits de l’homme qui
ne garantirait pas, en même temps que les libertés fondamen-
tales, certaines mesures concrètes pour réduire les inégalités
entre les hommes serait incomplète. Elle permettrait que
l’écart entre les faibles et les forts s’élargisse. Nous pensons
que la vaste majorité des Canadiens reconnaîtraient comme
tels les droits sociaux suivants: le droit à l’emploi et à la
protection contre le chômage, le droit à des conditions de
travail sûres et saines, le droit de former un syndicat ou d’y
adhérer, le droit à un niveau de vie suffisamment élevé, avec
l’accès au minimum vital, le droit à la santé, quelles que soient
les circonstances économiques, le droit à la protection de la
famille, le droit à l’éducation et le droit à la sécurité sociale et
à Vassurance sociale. Tous ces droits sont contenus dans les
dispositions d’une des conventions internationales dont le
Canada est signataire.
Nous reconnaissons que les droits sociaux ne peuvent pas
être aussi facilement définis que les droits civils. En effet, il
existe entre les deux groupes de droits des différences essentiel-
les, dont la plus évidente est le fait que dans le cas des droits
civils, l’Etat désire protéger l’individu contre toute attaque à sa
liberté. Pour ce qui est des droits sociaux, l’Etat désire aider
les gens à s’épanouir, en vertu de certaines protections. Il
semble exister un conflit apparent entre ce double rôle de
l’Etat, et cela milite contre l’enchâssement des droits sociaux
dans la constitution, parce que, d’une part, l’Etat veut interdire
l’ingérence, mais, d’autre part, l’État exprime sa conviction
que les individus ont besoin d’aide. Nous pensons cependant
que la notion qui soude les droits sociaux et les droits civils est
la notion de liberté. Les droits civils et politiques permettent à
l’individu d’être protégé contre toute ingérence, tandis que les
droits sociaux lui donnent l’occasion d’exercer cette liberté en
le protégeant contre les limitations de la nature, des autres
individus, de la société elle-même. L’objectif des droits sociaux
est donc celui de légalité des chances plutôt que de l’égalité
comme telle.
Nous proposons que le Comité envisage d’ajouter des arti-
cles à la nouvelle constitution, pour refléter le libellé des
principes décrits dans le Pacte international relatif aux droits
sociaux, économiques et culturels.
En résumé, je vous rappellerai que dans notre mémoire écrit,
nous faisons des remarques et des recommandations au sujet
de certains articles dont nous n’avons pas parlé dans notre
exposé. Il s’agit de remarques sur la rédaction de la résolution,
le mécanisme de mise en application, et de recommandations
sur les libertés fondamentales, l’action positive et les droits des
autochtones. Ayez l’obligcance de vous reporter à notre
mémoire écrit pour de plus amples détails à cet égard.
Dans notre exposé, nous avons souligné qu’il est vital, à
notre avis, que la constitution se fasse avec une plus grande
participation des Canadiens. Et nous proposons également que
le droit à la vie privée ct le principe de la liberté de l’informa-
tion soient enchâssés. Nous avons exprimé les préoccupations
que nous causent l’article sur la liberté de circulation et
détablissement et son incidence pour les assistés sociaux. Nous
avons contesté les répercussions des mesures de péréquation
sur les programmes sociaux et nous demandons l’enchâssement
des droits sociaux.
Nous vous remercions de nous avoir fourni l’occasion de
présenter notre point de vue aujourd’hui, et nous répondrons
volontiers aux questions que vous voudriez bien nous poser.
Le coprésident (M. Joyal): Merci beaucoup, Mme Hill.
[Texte]
Je voudrais demander à M. Hawkes de bien vouloir ouvrir le
débat. [Traduction] J’aimerais demander à M. Hawkes d’ouvrir le débat.
M. Hawkes: Monsieur le président, auparavant, j’aimerais
invoquer le Règlement. Combien de temps avons-nous à consa-
crer à ces témoins.?
Le coprésident (M. Joyal): Nous envisageons en général de
leur accorder au moins une heure, mais je suis à la disposition
des membres du Comité, nous sommes très souples. En géné-
ral, je suis la liste des intervenants, et je ne vois aucune raison
de procéder différemment ce matin; donc, nous devrions siéger
jusque vers 13 heures.
M. Hawkes: Monsieur le président, il s’agit d’un des mémoi-
res les plus originaux que nous avons eus, en ce sens qu’on y
trouve beaucoup de renseignements nouveaux, de renseigne-
ments différents, et j’ose espérer que si nous manquons de
temps, le comité directeur jugera opportun de demander aux
témoins de revenir nous expliquer certaines de ces données. Je
vois beaucoup de gens autour de la table faire signe de la tête;
donc, je conclus que nous sommes tous d’accord. Le mémoire
est extrêmement complexe et très bien présenté, et les témoins
n’ont eu le temps que de survolver ses 30 pages. Toutefois,
peut-être pourrions-nous commencer par vous demander de
confirmer le résumé que je vais faire des points principaux que
vous voulez faire valoir, afin de me permettre de m’assurer que
je suis sur la bonne voic avant de passer à des questions plus
détaillées.
Lorsque vous parlez de la procédure, pour moi, et d’une
certaine façon en termes différents, vous voulez dire que la
constitution n’aura aucune légitimité auprès du public si une
majorité parlementaire l’imposc à un certain moment au lieu
de prévoir une procédure qui permette la participation adé-
quate des citoyens, des autres niveaux de gouvernement et de
groupes dîntéréts. La question de la légitimité est-elle au
moins l’un de vos points principaux, au coeur même de votre
mémoire?
M. Pennington: Oui, la légitimité est certainement une
préoccupation. Notre organisme, évidemment, est non parti-
san, mais nous estimons que les individus et les organismes
communautaires, dans tout le pays, devraient avoir amplement
la possibilité de participer au processus.
M. Hawkes: Vous plaidez très éloquemment en faveur d’une
prolongation du délai ou d’un temps suffisant pour permettre
d’apposer un sceau de légitimité. Votre préoccupation envers le
délai porte-t-elle également sur le fait que le libellé de certains
articles aura des effets autres que ceux qui avaient été voulus,
qu’il faut du temps pour vraiment examiner la formulation,
afin de nous assurer que nous ne faisons pas mal au lieu de
bien faire; c’est bien pourquoi vous proposez que nous enten-
dions beaucoup de groupes et que nous ayons beaucoup de
temps, pour que nous fassions les choses bien plutôt que mal?
M. Pennington: C’cst juste, et en outre, je crois qu’il est
clair que nous devons tenter de vous faire comprendre à quel
point il est important d’offrir aux citoyens la possibilité de
participer au processus, de façon à instruire le public; donc, la
formulation constitue une partie très nette de cet objectif.
L’autre partie, c’est de permettre aux gens de comprendre ce
qui se passe, ce qui leur permet ensuite de contribuer en
conséquence.
M. Hawkes: Si je résume certains des articles que vous avez
étudiés ici en détail, ai-je raison de conclure que vous dites, en
réalité, que le libellé qu’on trouve dans le projet de résolution
retirerait des droits sociaux, du moins dans certaines circons-
tances, et que les gens peuvent se retrouver avec moins de
droits qu’ils n’en ont actuellement, du moins en vertu de
certains articles, a cause de leur libellé?
Mme Hill: Monsieur le président, je dirais, avec votre
permission, à M. Hawkes, que dans plusieurs cas, nous nous
préoccupons du libellé. Dans nos esprits non juridiques, plu—
sieurs questions se posent qui viendraient à l’esprit de monsieur
tout le monde, ce que nous prétendons être. Nous ne pouvons
pas dire en toute certitude que certains droits sociaux disparaî-
tront, mais nous pouvons certainement exprimer avec force
notre inquiétude à cet égard, surtout, par exemple, dans le cas
de l’article sur la liberté de circulation et (Yétablissement.
M. Hawkes: Vous serez sans doute heureux d’apprendre que
ce que vous dites correspond plus ou moins à ce qu’a dit le
ministre de la Justice pendant ses treize heures de témoignage.
Chaque fois qu’on lui demandait quelle serait l’incidcnce sur
les citoyens et sur les droits sociaux, il répondait qu’il ne savait
pas et que la question serait tranchée par les tribunaux. J’ai
répondu que c’est là la preuve que la Loi est mal rédigée. En
tant que législateurs, nous devons pouvoir évaluer l’impact
d’une loi avant qu’elle ne soit adoptée, surtout une loi aussi
importante que celle-ci.
Vous partagez donc l’avis du ministre de la Justice et de ses
fonctionnaires, qui sont les seuls spécialistes que nous allons
entendre. Nous essayons d’ohtenir la permission d’entendre
d’autres spécialistes et je vous encourage à appuyer nos efforts.
J’ai conclu de votre mémoire que vous craignez que le projet
de résolution compromette non seulement les droits sociaux,
mais aussi les programmes sociaux existants et qu’il empêche
d’améliorer ces programmes. Est-ce exact?
Mlle Dumouchel: Oui. Le fait de limiter la mobilité peut
compromettre les programmes qui relèvent du gouvernement
fédéral ou qui sont financés par celui-ci, surtout les program-
mes à frais partagés.
M. Hawkes: Vous partagez donc l’avis des groupes aborigè-
nes qui ont comparu au cours des deux ou trois derniers jours.
Les autochtones craignent que le libellé du projet de résolution
compromette leurs programmes sociaux et leurs droits et
demandent qu’il soit renforcé. Même si vous ne parlez pas de
cet aspect dans la liste des recommandations, je crois avoir
compris votre position.
A la page 14 du mémoire, vous parlez de l’article 6, qui
porte sur la liberté de circulation et dïétablissement. Or, les
ministres et les membres du parti au pouvoir nous ont assuré, à
la Chambre des communes et ici au Comité, que le gouverne-
ment fédéral tient absolument à ce que la liberté de circulation
et détablissement soit garantie dans la Constitution. Vous
dites, dans votre mémoire, que si ces dispositions étaient
incluses dans la Constitution, il serait possible de limiter la
mobilité beaucoup plus qu’on ne le fait aujourd’hui. C’est le
premier point que vous soulevez et vous le dites très bien.
Est-ce exact?
Mlle Dumouchel: Oui, car nous ne croyons pas que la
mobilité doit être limitée. La création d’un groupe d’Etats
autonomes donnerait beaucoup plus d’autorité aux provinces et
minerait le Canada dans son ensemble.
M. Hawkes: Autrement, l’article en question permettrait
aux gouvernements provinciaux d’empêcher certaines person-
nes d’entrer dans la province?
Mlle Dumouchel: Absolument.
M. Hawkes: C’est donc votre interprétation. Vous dites
également que l’article 6.(3)(b) permet au gouvernement de
limiter l’accès aux services sociaux financés par des fonds
publics. Au Canada, on se préoccupe beaucoup de la capacité
de financement des divers paliers de gouvernement. Dans son
budget du 28 octobre, le ministre des Finances nous a bel et
bien dit que les économies se feraient aux dépens des ‘program-
mes sociaux. L’article 6.(3)(b) du projet de résolution autori-
serait le ministre des Finances à réduire le budget des pro-
grammes sociaux. Etes-vous d’accord avec cette conclusion?
M. Pennington: Oui. C’est ce que nous essayons de faire à
ceux qui ont besoin de ces services. Lorsque les gens commen-
ceront à comprendre les répercussions que peut avoir la modi-
fication des arrangements financiers entre le gouvernement
fédéral et les provinces et les autres problèmes que nous avons
soulevés dans le mémoire, il y aura beaucoup plus de particu-
liers et d’organismes qui voudront comparaître. Toutes ces
questions sont reliées et il faut que les Canadiens puissent les
comprendre et en parler.
M. Hawkes: Tant que le public ne sera pas renseigné, on
peut changer le monde sans qu’il le sache. C’est contre cela
que nous luttons de ce côté-ci de la Chambre.
Vous ne parlez pas, dans la partie de votre mémoire qui
traite de la liberté de circulation et d’établissement, d’une
question qui a été soulevée à maintes reprises au cours des
deux ou trois derniers jours. Je suis vice-président du Comité
spécial sur l’emploi et nous avons voyage partout au Canada.
Le Comité de la constitution ne peut pas se déplacer, le
Comité de l’emploi s’est rendu à Bathurst, à Moncion, au nord
du Manitoba, en Saskatchewan, en Alberta, dans le Yukon et
dans les Territoires du Nord-Ouest. Les gens de ces régions et
les députés qui les représentent sont inquiets, parce qu’il n’y a
rien pour protéger les personnes qui habitent dans les régions
où le chômage est élevé et les emplois peu nombreux. Non
seulement ils ne sont pas protégés contre les masses de gens qui
peuvent vouloir venir s’installer dans la région, mais ils ne
reçoivent pas de traitement préférentiel pour ce qui est de la
formation ou de l’embauche. Comme ils sont souvent désavan-
tages sur le plan de l’éducation et de l’expérience profession-
nelle, ils veulent être absolument certains que les habitants de
la région soient les premiers à être informés et embauchés. Ils
veulent que cela soit inscrit dans la Constitution et être
protégés contre des invasions de ce genre.
Est-ce que vous avez oublié d’en parler ou pensez-vous que
cela devrait relever de l’article 15 ou d’un autre article?
Pensez-vous que ces personnes-là ont raison?
Mme Hill: Je vais vous donner une réponse personnelle, qui
ne réflète pas forcément la position de l’administration du
Conseil. Pour pouvoir répondre à la question, il faudrait
essayer de réconcilier le bien du pays dans son ensemble et les
droits des particuliers qui habitent dans certaines régions. Il
faut assurer un certain équilibre.
Le coprésident (M. Joyal): Merci, monsieur Hawkes. Je
vous inscris au deuxième tour.
Monsieur Blaikie, s’il-vous-plaît.
M. Blaikie: Je veux d’abord féliciter le Conseil canadien du
développement social de l’excellence de son mémoire. Le
mémoire est excellent parce qu’il traite à la fois de la justice
sociale et de la liberté individuelle et parce qu’il met justement
le doigt sur les limites conceptuelles du projet de résolution. ll
traite de la question des droits sociaux dans son ensemble et il
distingue entre une constitution qui expose les limites d’un
État et une constitution qui définit les responsabilités de l’Etat
envers les citoyens, surtout en ce qui concerne les besoins
sociaux et économiques. Le Comité a entendu d’autres groupes
de témoins qui s’intéressent plus aux droits collectifs qu’aux
droits sociaux et une constitution adéquate ne viserait pas
seulement les droits individuels, mais aussi les droits sociaux et
collectifs. Vous dites dans votre mémoire que les droits des
autochtones, que je considère comme étant des droits collectifs,
devraient éte enchâssés. Vous aurez peut-être l’occasion de
préciser de quelle façon les droits des aborigènes et des autoch-
tones, qui sont des droits collectifs, influent sur l’aspect social
de leur vie.
La première question, monsieur le président, porte sur la
participation du public, non seulement pour assurer la légiti-
mité de la Constitution, mais parce que la participation du
public est valable en soi. Je veux savoir ce que vous pensez de
la disposition portant sur le référendum. Croyez-vous que cette
disposition suffise à assurer la participation du public si la
constitution doit être modifiée de nouveau?
M. Pennington: favoue, monsieur le président, que nous
n’avons pas eu le temps d’étudier la question et de prendre
position. Si nous avons l’occasion de comparaître devant le
sous-comité, comme vous l’avez proposé au début de la séance,
nous pourrons peut-être en parler à ce moment-là.
M. Blaikie: Pouvez-vous parler plus en détail de l’article 31
et de l’cnchâsscment de la péréquation? Vous semblez vouloir
que les gouvernements fédéral et provinciaux aient la possibi-
lité de collaborer à l’élaboration de programmes sociaux.
Croyez-vous que la disposition portant sur la péréquation soit
trop générale et qu’elle ne définisse pas assez clairement les
responsabilités du gouvernement fédéral dans le domaine, par
exemple, des normes sociales?
Dans le domaine des droits sociaux, vous ne voulez pas que
l’accès aux soins médicaux dépende de la capacité de payer.
On en a beaucoup parlé récemment lorsque les gouvernements
fédéral et provinciaux se disputaient la juridiction en matière
de santé. Sans parler de l’aspect juridique, pouvez-vous nous
dire pourquoi la disposition portant sur la péréquation vous
semble inadéquate. Qu’est-ce qui pourrait arriver si elle était
adoptée?
Le coprésident (M. Joyal): Mlle Dumouchel.
Mlle Dumouchel: Dans cet article, il y a bien des termes mal
définis: engagement, dispositions, services essentiels, qualité
acceptable. Il est clair que des programmes sociaux et des
programmes de soins médicaux relèvent des provinces. La
contribution fédérale n’est pas toujours en évidence, même si le
gouvernement fédéral a joué un rôle important dans l’élabora-
tion et la mise en vigueur d’un vaste éventail de programmes
sociaux. Il faut que la qualité des programmes soit plus égale,
mais qui peut définir la qualité acceptable? S’agit-il du mini-
mum ou du maximum? L’article est très imprécis et nous
préférerions, en tant qu’organismc qui s’occupe des politiques
sociales et de la santé, que les définitions soient plus claires
pour qu’on n’ait pas à se fier à l’interprétation des gouverne-
ments futurs.
M. Blaikie: Nous avons l’intention de proposer un amende-
ment pour rendre cette disposition plus précise et veiller à ce
que soit inclus le principe des paiements de péréquation.
J’espère que cela vous conviendra.
Voulez-vous proposer des moyens d’améliorer la disposition
portant sur la péréquation?
Mme Hill: Ce qui nous inquiète, c’est que l’article est trop
peu précis. C’est peut-être plus clair pour les avocats. Nous ne
voulons pas que l’article 31 empêche le gouvernement fédéral
ou les gouvernements provinciaux de participer à des program-
mes sociaux.
Veuillez nous excuser de n’avoir pas donné plus de détails.
Nous ne voulons tout simplement pas que l’article 31 modifie
la planification, le financement ou la mise en vigueur de
programmes sociaux.
M. Blaikie: Je voudrais revenir, si je peux, à la participation
du public. Qu’est-ce qu’il faut faire pendant les mois à venir
pour bâtir un pays, renouveler le fédéralisme et refaire la
constitution? Qu’est-ce que vous envisagez comme participa-
tion? Croyez-vous, par exemple, que l’échéance du 6 février
nous donne suffisamment de temps?
M. Pennington: Notre société est très complexe et il est
essentiel que les citoyens et les groupes, y compris le nôtre,
comprennent les questions qui les touchent et expriment leurs
opinions.
Il devrait leur être permis de participer à des discussions
publiques concernant leur propre communauté, discussions que
nous devrions favoriser.
Le Conseil canadien de développement social, dont le siège à
Ottawa, est responsable des politiques sociales d’un bon
nombre d’organismes: organismes de planification sociale,
organismes chargés de la famille et des enfants, etc. Ce sont
des organisations qui offrent des services aux personnes dans le
besoin.
Vous avez entendu les témoignages d’un grand nombre
d’autres organismes nationaux. Chacun de ces organismes
pourrait être une tribune permettant aux Canadiens de s’expri-
mer et de communiquer directement ou indirectement avec
vous. Il serait également souhaitable de prévoir des tribunes
permettant aux particuliers non organisés de s’exprimer et de
participer.
M. Blaikie: J’aimerais ajouter quelques mots à ce qu’a dit
M. Hawkes. Il serait peut-être bon d’inviter à nouveau ce
groupe à comparaître devant notre Comité. Le concept des
droits sociaux est un concept très important sur lequel les
membres du Comité devraient réfléchir sérieusement.
J’espère que nous pourrons vous entendre à nouveau. J’aime-
rais vous remercier d’avoir soumis à la réflexion du Comité un
concept aussi important.
Le coprésident (M. Joyal): Merci monsieur Blaikie.
faimerais maintenant donner la parole à l’honorable séna»
teur Connolly, suivi de l’honorable David Crombie.
Le sénateur Connolly: Merci, monsieur le président.
Tout d’abord, j’aimerais vous remercier de nous avoir pré-
senté un mémoire aussi intéressant. Je voudrais vous féliciter
également de l’intelligence avec laquelle vous avez répondu
aux questions posées.
Si j’ai bien compris ce qu’a dit Mme Hill, elle fait la
différence suivante entre les droits individuels énoncés dans la
Charte proposée et les droits sociaux: selon elle, la reconnais-
sance des droits individuels permet d’éviter que le gouverne-
ment soit tout le temps sur le dos des gens.
Cela résume-t-il ce que vous avez dit?
Mme Hill: De façon générale, oui.
Le sénateur Connolly: Les droits sociaux dont vous avez
parlé et que votre Conseil a pris l’engagement de défendre,
sont ‘des droits qui visent surtout à protéger l’individu au sein
de l’Etat.
Je crois que cela résume assez clairement votre point de vue.
Si je ne m’abuse, bien sûr, ces droits sociaux sont des droits qui
évoluent, c’est-a-dire qu’ils sont conférés par une loi. On peut
dire que depuis quelques années, ces droits sont beaucoup plus
libéraux qu’il y a disons 50 ou 75 ans, si les députés de
l’opposition n’ont rien à redire à ce terme. Les besoins
d’aujourd’hui sont différents.
Je n’ai pas l’intention de vous tendre un piège. J’essaie
simplement de résumer votre point de vue.
Mme Hill: Sénateur Connolly, je ne suis pas si sûre que les
besoins aient changé. Lorsque l’on parle des droits individuels
par rapport aux droits sociaux, il faut se demander qui est
responsable en la matière et qui peut résoudre les problèmes.
Il y a 50 ou 100 ans, on était persuadé que l’individu était
responsable de son propre destin. Par conséquent, lorsqu’un
individu ne réussissait pas dans la vie, on considérait que
c’était de sa faute ou bien de la malchance.
Le sénateur Connolly: C’est la philosophie du laissez-faire.
Mme Hill: En effet.
La situation a évolué au cours des années. Non seulement le
problème est perçu d’une façon différente, mais encore on se
rend de plus en plus compte que les difficultés que rencontrent
les individus ne sont pas nécessairement de leur faute et que,
par conséquent, il faut prendre des mesures collectives.
Le sénateur Connolly: En d’autres termes, la société dans
son ensemble a créé de nouveaux problèmes et par conséquent
le gouvernement doit prendre des mesures pour résoudre ces
nouveaux problèmes. Est-ce bien ce que vous nous dites?
Mme Hill: C’est cela.
Le sénateur Connolly: Certains parleront de socialisme,
mais, quoi qu’on en dise, il faut reconnaître que la collectivité
a pour responsabilité d’aider ceux qui ne peuvent pas se sortir
des difficultés dans lesquelles ils se trouvent.
Voilà ce qui me préoccupe: vous semblez souhaiter que
certains droits sociaux soient enchâssés dans une charte.
Tout gouvernement a pour fonction de faire des lois qui
assurent le bien-être de ses administrés. Etant donné que les
besoins sociaux sont en constante évolution, ne vaudrait-il pas
mieux que nous nous en remettions à la responsabilité générale
du gouvernement d’établir et d’appliquer des nouveaux pro-
grammes visant à répondre à des besoins nouveaux?
Mme Hill: Si j’ai bien compris votre question. sénateur
Connolly, vous nous dites qu’en raison de l’évolution rapide des
droits sociaux, nous ne devrions peut-être rien inscrire dans la
constitution, quitte à adopter une loi sociale de temps en
temps?
Le sénateur Connolly: C’est là en effet une des responsabili-
tés non écrites du gouvernement.
Mme Hill: Je pense qu’on vient de souligner deux choses.
Tout d’abord, d’après nous, la constitution est beaucoup plus
qu’une ensemble de lois, beaucoup plus que la loi suprême du
pays. D’après nous, ce document établit également les rapports
entre le peuple et l’Etat. .
Par conséquent, il est important de définir non seulement les
droits du gouvernement, mais également ses responsabilités.
Le deuxième volet de ma réponse, c’est que nous reconnais-
sons bien sûr que les besoins sociaux et la façon d’y répondre
changent de temps en temps, compte tenu des différentes
situations, des compétences professionnelles auxquelles on peut
faire appel et des moyens financiers dont on dispose.
Je pense qu’il convient également de souligner la différence
qu’il y a entre les droits sociaux et les droits civils. Les droits
sociaux ne sont pas vraiment des principes juridiques, mais
plutôt des plans d’action, des déclarations d’objectifs, d’espoirs
et d’aspirations.
Le sénateur Connolly: Il existe des programmes pour répon-
dre à ces besoins.
Mme Hill: Les programmes en question découlent de ces
objectifs et de ces aspirations, que la société dans son ensemble
doit accepter.
Nous reconnaissons, bien sûr, qu’il se peut fort bien que l’on
n’atteigne jamais tous ces objectifs sociaux. Je ne pense pas,
par exemple, que l’on puisse un jour éliminer totalement la
discrimination ou la pauvreté.
Mais ce n’est pas pour cela qu’il faut abandonner ou cesser
de faire tout effort, et nous espérons que cela n’empêchera pas
les honorables membres du Comité d’incorporer dans la consti-
tution certaines phrases qui reconnaîtront la responsabilité
qu’a le gouvernement envers les citoyens du pays sur le plan
des droits sociaux.
Le sénateur Connolly: Ne seriez-vous pas d’accord, par
conséquent, avec la théorie générale selon laquelle les gouver-
nements doivent adopter des lois en vue de garantir la paix,
l’ordre et le bien-être des citoyens, théorie qui, sans le dire de
façon explicite, imputerait au gouvernement la responsabilité
de répondre à ces nouvelles conditions sociales que vous aime-
riez voir corriger?
Mme Hill: Je ne connais bien sûr pas chaque mot contenu
dans le projet de résolution, ni dans l’Acte de l’Amérique du
Nord britannique.
Si mes souvenirs sont exacts, on parle de «paix, ordre et bon
gouvernements, et non pas de «paix, ordre et bien-être du
peuple».
Le sénateur Connolly: Oui, mais je m’intéresse ici au prin-
cipe général et non pas au texte exact.
J’aimerais vous poser une question. Vous avez parlé des
délais, d’après vous, insuffisants qui ont été prévus pour les
discussions au sujet de ce projet de résolution.
Ne seriez-vous pas d’accord pour dire qu’en fait la proposi-
tion correspond à certaines étapes de la constitution cana-
dienne? Ne pensez-vous pas que le peuple canadien a eu
l’occasion, très souvent au cours des dernières années, de faire
connaître son avis à ce sujet? Je pourrais vous citer deux ou
trois exemples: un comité mixte de la constitution a été créé au
début des années 1970 et il a été présidé par MM. MacGuigan
et Molgat; le comité a parcouru tout le pays pour discuter de
la constitution avec toutes les personnes qui voulaient compa-
raître. Il y a également eu tout récemment la Commission
royale d’enquête Pepin-Robarts, qui, elle aussi, a donné l’occa-
sion aux Canadiens de faire connaître leurs points de vue.
Vous avez peut-être d’ailleurs comparu devant ce groupe.
Aussi, il y a deux ans, le Parlement a étudié le Bill C-60, bill
que je n’aimais pas et que, je pense, peu de gens aimaient. . .
mais c’était là une autre occasion.
Ne pensez-vous pas que depuis dix ans on parle presque sans
cesse de questions constitutionnelles?
Mlle Dumouchel: En tant que membre d’un organisme
national qui dispose des moyens de réagir au projet de résolu-
tion, je répondrais que oui.
Cependant, en tant que simple citoyen qui n’a pas accès aux
services de recherchistes et d’avocats et de tout le reste, je
répondrais que non.
Je pense que le CCDS essaie aujourd’hui d’expliquer au
Comité qu’il faudrait donner aux organismes concernés le
temps de réagir. Il faut également tenir compte du fait que les
gens, en général, commencent a mieux comprendre de quoi il
est question.
Mais il est peut-étre vrai que les politiciens discutent de
cette question depuis dix ans.
Le sénateur Connolly: Ce ne sont pas seulement les politi-
ciens qui en discutent.
Mlle Dumouchel: Alors, les politiciens et les gens. Cela est
vrai. On a pu constater certaines réactions. Mais je pense, et
c’est ce qu’a dit le CCDS, qu’il vous faudrait essayer d’obtenir
autant de données et de documentation que possible. Il faut, je
pense faire preuve de prudence. Nous sommes prêts à mettre à
l’essai de nouvelles formules, à voir comment nous pourrions
les interpréter; les gens, eux aussi, sont prêts à participer. Je
pense que la population canadienne participe peut-être plus
maintenant qu’elle ne l’a jamais fait par le passé. Tout ce que
nous vous disons, c’est qu’il faut être prudent.
Le sénateur Connolly: D’après ce que j’ai pu constater, votre
organisme a contribué à cela, et nous vous en sommes
reconnaissants.
Le coprésident (M. Joyal): Merci beaucoup, sénateur Con-
nolly. Monsieur David Crombie.
M. Crombie: Merci, monsieur le président.
J’aimerais, avec tous mes collègues membres du Comité,
féliciter le Conseil pour son excellente présentation. J’espère
que nous pourrons discuter d’un certain nombre des concepts
qu’il a soulevé dans sa présentation.
Monsieur le président, membres du Conseil, je pense que les
remarques les plus accablantes que vous faites se rapportent à
l’article 31. J’aimerais donc revenir sur les commentaires que
vous avez faits au sujet de l’article 31, notamment ce qui
figure à la page 21, ou plutôt à la page 20. Vous dites que
vous, le Conseil, ne savez pas trop quelle sera l’incidence du
projet de résolution au niveau des programmes sociaux. Cette
remarque m’inquiète beaucoup, comme elle inquiètera sans
doute tous les Canadiens.
Afin que tous les membres du Comité vous comprennent
bien lorsque vous parlez de programmes sociaux, lesquels,
d’après vous, pourraient étre compromis par l’adoption de ce
projet de résolution sur la constitution?
Le coprésident (M. Joyal): Mlle Hill.
Mlle Hill: Oui, merci. monsieur le président. Nous nous
inquiétons surtout des programmes pour lesquels la question de
la juridiction reste vague, car nous nous en tenons au sens
premier du libellé du projet de résolution qui dit, grosso modo,
qu’aucun changement ne sera apporté sur le plan des juridic-
tions en vigueur à l’heure actuelle. Nous tenons donc pour
acquis que les responsabilités définies dans les articles 91 et 92
resteront les mêmes. Il est cependant un certain nombre de
programmes sociaux pour lesquels la question de la juridiction
n’est pas très claire, et c’est à ces programmes que nous
pensons lorsque nous nous inquiétons de l’incidence qu’aura
l’article 31. Il s’agit, par exemple, des services reliés à l’emploi
comme les programmes de formation de la main-d’oeuvre et de
création d’emplois pour lesquels, à notre connaissance, ce sont
les provinces qui sont responsables. Mais nous savons tous que
le gouvernement fédéral a beaucoup participé à certains pro-
grammes de création d’emplois comme le PIL, le PACLE et
Perspectives Jeunesse, par exemple, ainsi que d’autres pro-
grammes du même genre.
J’ajouterai que nous ne eritiquons pas l’un ou l’autre palier
gouvernemental pour les activités qu’il entreprend. Nous nous
demandons simplement ce qui va se passer. C’est ce genre de
choses qui nous préoccupe.
M. Crombie: Les plus importants programmes sociaux que
nous avons au pays sont sans doute le régime d’assistance
publique et le régime d’assurance-maladie. Le régime d’assis-
tance publique du Canada, comme vous le savez, englobe les
programmes de bien-être social, de Formation professionnelle
et de réhabilitation des personnes défavorisées, qui correspon-
dent à une participation financière annuelle du gouvernement
fédéral de l’ordre de 1,8 milliard de dollars par année. Si
j’ajoute à cela le régime d’assurance-maladie, qui compte pour
2.2 milliards de dollars, cela donne un total de 4 milliards de
dollars environ que le gouvernement fédéral verse au titre de
ces deux importants programmes sociaux.
D’après vous, ces programmes courent-ils les mêmes
risques?
Mme Hill: Je pense, monsieur le président, que c’est là une
question que je poserai. D’après ce que j’ai cru comprendre, la
juridiction pour ce qui est du régime d’assistance publique du
Canada est peut-être mieux définie que celle du programme de
création d’emplois, mais je ne pense pas que la différence soit
très grande. Je mïnquièterais comme vous, monsieur Crombie,
de l’incidence qu’aurait cet article sur le régime d’assistance
publique du Canada.
M. Crombie: Monsieur le président, membres du Comité,
me permettez-vous de poursuivre la discussion au sujet de ce
qui figure à la page 21?
Vous avez généreusement inscrit dans votre présentation une
citation tirée du budget du ministre des Finances. J’aimerais
vous lire cette citation qui est tirée de la page 33 de son
budget:
Le gouvernement entend réaliser des économies nettes au
sein de l’enveloppe des politiques sociales en vue de finan-
cer des initiatives qui relèvent d’autres enveloppes. . . On
comptera parmi ces économies des réductions des trans-
forts fédéraux aux provinces, pour des questions qui relè-
vent de la juridiction des provinces.
Le régime d’assistance publique du Canada est un pro-
gramme qui vient en aide aux provinces et aux Canadiens les
plus démunis. Je pense que vous avez utilisé la page 33 de la
déclaration du ministre des Finances, où l’on parle de l’étude
entreprise par le ministère des Finances, pour appuyer vos
craintes que le gouvernement fédéral compte manquer à ces
obligations financières pour ce qui est du régime d’assistance
publique du Canada et du régime d’assurance-maladie. Est-ce
cela qui vous inquiète?
M. Pennington: Monsieur le président, il y a quelque semai-
nes, le Conseil canadien a expliqué à plusieurs reprises qu’il
s’inquiétait de cet examen, peu connu, des programmes de
subventionnement de services sociaux entrepris par des fonc-
tionnaires fédéraux, et qu’il craignait que ce dernier compro-
mette l’avenir des programmes sociaux au Canada. Nous ne
savons pas ce qui se passe. Nous avons fait des déclarations
publiques; d’autres organismes communautaires ont fait de
même. L’examen en cours, l’inquiétude et les connaissances ou
le manque de connaissances des provinces envers le secteur des
services bénévoles, dont nous sommes l’un des principaux
représentants… toutes ces choses sont si étroitement liées
que nous nous inquiétons beaucoup, et je dis cela de façon tout
à fait non partisane, pour les gens qui, d’un bout à l’autre de
notre grand pays, reçoivent ces services. D’ailleurs, nous conti-
nuerons de nous en inquiéter jusqu’à ce que nous soient
clairement expliqués les véritables objectifs de ce processus
interne et plus ou moins secret.
M. Crombie: Une dernière question, monsieur le président.
Si je vous ai bien compris, vous vous inquiétez de l’étude
entreprise par le ministre des Finances et du libellé de l’article
31. Vous voulez qu’on vous rassure au sujet de l’avenir de la
participation du gouvernement fédéral au niveau de l’aide aux
provinces et aux Canadiens les plus pauvres. A la page 21 de
votre mémoire, vous dites que vous aimeriez que le gouverne-
ment et le Comité vous assurent que l’article 31 n’aura aucune
incidence sur les juridictions en vigueur, etc.
Cherchez-vous en fait une garantie que le gouvernement
fédéral ne diminuera pas ses engagements financiers pour ce
qui est du régime d’assistance publique du Canada, du régime
d’assurance-maladie et des autres programmes sociaux aux-
quels il participe depuis très longtemps? C’est cela que vous
voulez obtenir, n’est-ce pas?
M. Pennington: Dans un sens oui, mais nous serions rassurés
si nous étions mieux renseignés sur ce qui se passe. Nous
aurions davantage confiance en tout ce processus d’examen du
subventionnement fédéral des services sociaux si la commu-
nauté dans son ensemble, dont nous faisons nous-mêmes
partie, et ses dirigeants, disposaient de plus de renseignements
sur ce qui se passe.
Outre les points dont nous parlons à la page 20, et que vous
avez soulevés monsieur Crombie, nous aimerions souligner de
nouveau l’importance de la question de la liberté de circulation
et d’établissement, dont nous faisons état aux pages 15 et 16 de
notre mémoire, et la nécessité, selon nous, que cette liberté soit
protégée.
M. Crombie: Merci beaucoup, monsieur le président. Merci.
Le coprésident (M. Joyal): Merci beaucoup, monsieur
Crombie.
Monsieur Bryce Mackasey, vous avez la parole.
M. Mackasey: Monsieur le président, je vous remercie. Je
ne prendrai que quelques minutes. J’aimerais tout d’abord
souhaiter la bienvenue à nos invités. Je dois dire que si j’étais
en train de regarder ce débat à la télévision, je pense que
j’aurais la fausse impression que vous êtes d’accord avec un
certain nombre des remarques faites par M. Hawkes, qui a
parlé du fait d’examiner le bill de façon très rapide et superfi-
cielle et qui a parlé également de «supposé expert» lorsqu’il
parlait du ministre. Ai-je raison?
Partagez-vous son avis? M. Hawkes pourrait faire ces décla-
rations et vous poser une très simple question qui pourrait, j’en
suis sûr, laisser au public l’impression que vous étes d’accord
avec lui.
M. Pennington: Monsieur le président, monsieur Mackasey,
je pense que j’ai essayé à maintes reprises d’expliquer que le
Conseil canadien de développement social est un organisme
non partisan. Mais je suppose qu’il est toutefois difficile de
séparer la motivation ou l’orientation d’une série de questions
de la réponse qu’un organisme comme le nôtre peut donner. Je
pense que ce que nous voulions faire, c’était établir et confir-
mer notre point de vue et exposer un ensemble de principes et
d’inquiétudes. Nous nous inquiétons par exemple de l’accès
aux services, de l’accès aux renseignements des gens qui ont
peut-être besoin d’aide, de l’accès aux services et de la qualité
de ces derniers. Nous nous sommes attachés, dans notre pré-
sentation, à vous expliquer ces principes et nous espérons avoir
réussi. Nous ne voulions pas que nos déclarations soient assi-
mitées aux termes utilisés par quelqu’un dans la formulation
d’une question.
M. Mackasey: Ce qui inclut mes propres questions, car je
respecte les témoins et je comprends votre dilemme, je com-
prends votre gêne en ce moment;je dois constamment rappeler
à mes collègues du Comité et au public que vous ne ‘partagez
pas nécessairement ces opinions.
J’aimerais maintenant parler de la main-d’oeuvre, car à une
certaine époque, j’ai été ministre de la main-d’oeuvre. Je dois
dire que l’un de nos dilemmes dans ce pays, c’est justement de
savoir si la main-d’oeuvre constitue un prolongement de l’ensei-
gnement comme le prétendent les provinces ou si elle constitue
une préoccupation légitime du gouvernement fédéral dans
l’espoir peut-être un jour d’élaborer une stratégie industrielle.
Si vous deviez vous prononcer en faveur de l’un ou de l’autre,
quelle serait votre préférence?
Mme Hill: Sans vouloir faire la difficile, monsieur le prési-
dent, j’aimerais dire que le Conseil serait heureux de se
pencher sur la question si on lui fournissait les données de base
nécessaires pour étudier cette question et formuler une politi-
que. A ma connaissance, on ne l’a jamais fait encore.
M. Mackasey: Je ne veux pas sembler facétieux, mais je
dirais qu’une telle recommandation serait des plus utiles puis-
que nous tentons grâce à cette constitution de préparer le
terrain pour des réunions futures entre le gouvernement fédé-
ral et les provinces dans un cadre bien compris par le public et
voulu par celui-ci, à savoir que la constitution est maintenant
chez nous; ce qui est plus important, nous avons une formule
d’amendement et l’opinion publique dit: «Partez de ça et
améliorez-le». Je ne crois pas qu’il soit possible et vous pouvez
nous en tenir responsables, mais nous ne pouvons mettre au
point un document parfait cette fois-ci. Toutefois, nous esti-
mons que si nous pouvons au moins préparer maintenant un
document de base, ensuite l’opinion publique et des groupes
respectables comme le vôtre insisteront pour qu’au cours des
prochaines années, nous formulions le genre de constitution
dont nous avons très évidemment besoin; je vous remercie
beaucoup.
[Texte]
Le coprésident (M. Joyal): Merci, monsieur Mackasey.
[Traduction] Sénateur Lucier, je sais que vous voulez invoquer le
Règlement, mais je vais d’abord remercier nos témoins et
ensuite nous y reviendrons.
Je constate que nous avons dépassé le temps que nous avions
convenu d’allouer ce matin au mémoire de nos témoins et aux
questions des honorables membres du Comité. Personnelle-
ment, j’aimerais en leur nom remercier les témoins de leur
présentation et des réponses qu’ils ont données ce matin. Je
tiens à les assurer que nous sommes tout à fait conscients, je
crois que tous les honorables membres de ce Comité sont
conscients du fait que vous représentez la majorité silencieuse,
que vous représentez les citoyens canadiens qui ne sont pas
organisés.
Nous avons entendu environ 30 groupes jusqu’à présent et je
sais qu’ils sont tous bien organisés, qu’ils tiennent des réunions
annuelles, qu’ils ont des conseils d’administration, que parfois,
ils ont un secrétariat et un budget d’exploitation pour le plus
grand bénéfice de leurs membres.
Vos membres sont beaucoup plus éparpillés parmi le public
canadien et nous savons que les opinions que vous avez présen-
tées ce matin sont celles des gens et je tiens donc à vous répéter
que vous devez quitter cette salle ce matin fermement convain-
cus que nous savons que vous parlez au nom de ces gens.
Merci beaucoup.
M. Pennington: Merci, monsieur le président.
Le sénateur Lucier: Monsieur le président?
[Texte]
Le coprésident (M. Joyal): Le sénateur Lucier, sur un
rappel au Règlement.
[Traduction]
Le sénateur Lucier: J’aimerais présenter une question de
privilège, monsieur le président. A la page 14:40 de nos
délibérations du 27 novembre, une question posée par M.
Fulton à laquelle M. Pearson a répondu se trouve à la mau-
vaise page. Elles devraient se trouver à la page précédente. A
la même page aussi, monsieur le président, M. Nielsen m’ac-
cuse de malhonnêteté alors que la déclaration a été attribuée à
M. Munro d’Esquimalt-Saanich. M, Munro est un homme
honorable et on lui doit réparation. ll ne dirait pas une chose
pareille et je ne crois pas que l’on doive lui attribuer de tels
propos.
Le coprésident (M. loyal): Merci. Je vais veiller à ce que les
corrections appropriées soient faites au procès-verbal de notre
réunion de ce jour-là.
La séance est levée jusqu’à 15h 30 cet après-midi, nous
aurons l’occasion d’entendre le Premier ministre du Nouveau-
Brunswick.
[Texte]
La séance est ajournée jusqu’à 3 h 30 cet après-midi alors
que nous aurons l’occasion d’entendre le premier ministre du
Nouveau-Brunswick.
SÉANCE DE APRÈS-MIDI
Le coprésident (M. Joyal): À l’ordre, s’il vous plaît.
Je demanderais aux représentants des média qui disposent
d’équipement d’enregistrement du son ou de l’image de bien
vouloir quitter la salle afin que nous puissions poursuivre nos
travaux.
[Traduction]
Cet après-midi, j’ai l’honneur et le privilège d’accueillir, au
nom de tous les honorables membres du Comité, le premier
ministre Richard Hatfield. Nous sommes très heureux qu’il
soit avec nous cet après-midi pour poursuivre la discussion que
nous avions entamée il y a un mois.
Nous avons eu l’occasion déjà d’entendre votre collègue de
l’Ile-du-Prince-Edouard, l’honorable Angus MacLean, de
même que le Premier ministre de la Nouvelle-Ecosse, l’honora-
ble John Buchanan, et maintenant vous nous faites le plaisir
d’étre là. Je crois que vous avez un exposé préliminaire à faire
puis que vous répondrez aux questions des membres du
Comité.
Monsieur Hatfield.
L’honorable Richard Hatfield (Premier ministre du Nou-
veau-Brunswick): Thank you, Mr. Chairman. Messieurs les
sénateurs, messieurs les députés, je désire d’abord vous remer-
cier de m’avoir fourni cette occasion de vous présenter l’opi-
nion du gouvernement du Nouveau-Brunswick sur cette ques-
tion si importante pour notre nation.
J’ai fait distribuer un mémoire que je ne lirai pas. J’ai
également fait distribuer un certain nombre de recommanda-
tions précises qui correspondent aux modifications que le
gouvernement du Nouveau-Brunswick aimerait voir apporter à
cette résolution quand elle sera adoptée par le Parlement puis
par le Parlement de la Grande-Bretagne.
Dès le départ, je dois préciser quelle est ma grande priorité,
la grande priorité du gouvernement du Nouveau-Brunswick,
c’est-à-dire le rapatriement de notre constitution. Nous devons
absolument prendre cette mesure ultime pour affirmer la
souveraineté du pays et ce, sans tarder.
La population du Nouveau-Brunswick m’a fait le privilège
et l’honneur de la représenter depuis dix ans à titre de premier
ministre de la province. Pendant toute cette période, je suis
demeuré convaincu que les premiers ministres du pays, et j’en
ai connu plus d’une vingtaine, pouvaient en arriver à un
consensus et présenter au Parlement du Canada, puis au
Parlement de la Grande-Bretagne, une recommandation una-
nime visant le rapatriement de notre constitution. Toutefois,
après dix années de travail et après une tentative suprême faite
tout au long de l’été dernier par le Comité de la réforme
constitutionnelle dont je suis membre, et surtout après avoir eu
l’impression à ces réunions de l’été qu’un consensus commen-
çait à se dégager sur la façon de gouverner le pays, j’en suis
maintenant arrivé à la conclusion qu’il était impossible pour
les premiers ministres du Canada de s’entendre, à l’unanimité,
sur une méthode à la fois de rapatriement et de modification
de notre constitution.
Je le répète; j’ai longtemps cru au principe d’un consensus
obligatoire. Comme vous pouvez le constater, je ne crois plus
en ce principe. C’est peubêtre fort souhaitable et même l’idéal,
mais il ne nous a pas permis d’aboutir et je ne crois pas qu’il le
permette un jour. Que ceux qui demeurent convaincus de la
possibilité d’un consensus entre les premiers ministres, et donc
entre les assemblées législatives et le Parlement du Canada et
ses deux chambres, que ceux qui y croient le prouvent puisque
cette résolution du Parlement leur en donne l’occasion. En
effect, elle prévoit une période de deux ans avant l’entrée en
vigueur d’une formule d’amendement qui représente la der-
nière étape dans la reconnaissance de la souveraineté de notre
nation, Il s’agit d’une dormule d’amendement acceptée et
incluse dans notre constitution et non pas de propositions
visant à modifier la formule comme on en trouve dans la
résolution. Je dis donc à ceux qui croient à l’obtention d’un
consensus qu’ils auront l’occasion de le prouver au cours des
deux prochaines années. Ces deux années suffisent amplement.
C’est un délai raisonnable et si je continue à jouir de la
confiance de la population du Nouveau-Brunswick, je vais
certainement contbuer de la façon la plus constructive et la
plus dynamique possible afin d’arriver à un consensus, ce que
je crois avoir essayé de faire depuis dix ans.
On entend bien des opinion divergentes et des critiques à
propos de la résolution. Il faudrait être idéaliste pour croire
que n’importe qui peut écrire un tel document en faisant
l’unanimité de tout un chacun jusque dans les moindres
détails. Cependant, une chose dans cette résolution me préoc-
cupe davantage et c’est la question de savoir si elle peut
vraiment promouvoir la justice au pays. A mon avis, elle ne le
peut pas car elle n’apporte pas de justice pour les droits
linguistiques.
Quand notre pays a vu le jour en 1867, on a décidé que deux
langues seraient reconnues, respectées et parlées au pays. On
n’obligeait pas tous les gens à parler les deux langues mais tous
les Canadiens avaient le droit de parler soit le français, soit
l’anglais. Ce droit doit être maintenu. Chaque fois que notre
pays a fait face à des difficultés, c’est que l’on avait perturbé
l’équilibre entre les droits des agnlophones et ceux des franco-
phones au Canada ou alors que l’on avait détruit l’équilibre
entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provin-
ciaux.
En lisant cette résolution, j’ai l’impression qu’elle ne s’éloi-
gne pas du tout de l’une des grandes vertue de notre régime
qu’ont instauré les fondateurs du pays en 1867, à savoir que les
gouvernements provinciaux ont juridiction sur les questions qui
touchent la population de plus près, tandis que le gouverne-
ment fédéral a juridiction sur les questions d’intérêt national.
Cette résolution respecte et protège ce concept; c’est pourquoi
je me dois de l’appuyer.
Toutefois, tout en maintenant les droits dont jouissent pré-
sentement les francophones et anglophones du Canada, elle
n’essaye pas de les étendre et c’est bien malheureux. J’espère
que votre Comité et le Parlement accepteront l’une des recom-
mandations que je vous présente car elle permettra, bien
modestement, de promouvoir les droits des francophones et des
angophones, quelle que soit la langue de leur choix, et de
protéger ces langues dans notre constitution.
Je m’inquiète de ce que vous ne semblez pas vous rendre
compte que la résolution impose une exigence linguistique à
une seule province, celle de Québec, mais elle n’en impose
aucune aux autres provinces. J’ose espérer que vous acquiesce-
rez à la requête du gouvernement du Nouveau-Brunswick, et
certainement à celle de son assemblé législative, voulant que
certaines dispositions de la Loi sur les langues officielles du
Nouveau-Brunswick soient incluses dans la Charte des droits
et dès maintenant, avant que la résolution ne soit présentée à
la Grande-Bretagne, afin qu’elle se trouve déjà dans la consti-
tution rapatriée.
Vous vous rendez certainement compte toutefois que la
résolution est imparfaite quand il s’agit d’assurer un traite-
ment équitable aux francophones vivant à l’extérieur des pro-
vinces de Québec et du Nouveau-Brunswick. J’espère que vous
trouverez la façon de protéger les droits du groupe de franco-
phones le plus nombreux à l’extérieur du Québec et du Nou-
veau-Brunswick, à savoir ceux de l’Ontario, en vous assurant
que les dispositions s’appliquent à cette province. Sinon, vous
ne ferez que perpétuer une injustice; or, je vous assure qu’une
nation ne peut pas survivre très longtemps avec une telle
injustice. J’ose espérer que vous ne voudrez pas être partie à la
perpétuation, voire à la consécration d’une telle injustice.
Si vous ne trouvez pas une façon d’assurer la protection des
francophones de l’Ontario, je crois que vous devrez envisager
très sérieusement de supprimer l’obligation, pour la province
de Québec d’assurer l’enseignement en anglais aux Canadiens
du Québec et vous vous en tenir à la disposition originale
suivant laquelle 1e gouvernement provincial a le droit de
déterminer dans quelle langue les cours seront donnés et il peut
prendre toutes les décisions voulues dans le domaine de l’ensei-
gnement puisque c’est là un domaine de compétence
provinciale.
Je veux espérer que vous y parviendrez afin que le mouve-
ment constaté au Nouveau-Brunswick s’étende à l’ensemble du
pays. En effet, le gouvernement du Nouveau-Brunswick et sa
population ont finalement reconnu cette volonté des fondateurs
du pays qu’il soit possible et même utile au mieux-étre et à
l’avancement des gens que deux langues soient reconnues et
utilisées, avec tous les avantages que cela comporte. Voilà ce
dont nous avons pris conscience au Nouveau-Brunswick et
même si la situation n’est pas idéale, nous continuons d’appor-
ter des améliorations. D’ailleurs, si vous donnez suite à notre
voeu, la constitution nous obligera a apporter des améliora-
tions.
Vous comprendrez, je l’espère, la sagesse de ce qui se
produit au Nouveau-Brunswick et accepterez le fait que, dans
le meilleur intérêt du Canada, nous devons faire progresser les
choses dans la province qui compte le plus grand nombre de
francophones à l’extérieur du Québec et du Nouveau-Bruns-
wick.
Je voudrais également aborder d’autres questions, entre
autres, le libellé de la disposition sur la péréquation. ll est très
important de préciser que ces paiements doivent être faits aux
gouvernements provinciaux, sans condition, et qu’ils servent a
promouvoir le droit des citoyens canadiens à une qualité
acceptable de services quel que soit leur lieu de résidence et
quelle que soit la capacité du gouvernement provincial à la leur
assurer. Tous les Canadiens ont le droit de profiter des riches-
ses naturelles de l’ensemble du pays,
J’apprends avec joie que l’on a promis de retirer de la
formule de Victoria la proportion de 50 p. 100 pour les quatre
provinces maritimes. J’ai toujours cru, comme on le reconnaît
de plus en plus, que cela rabaissait le statut de la province de
l’Ile-du-Prince-Edouard, ce qui aurait été regrettable puisque
la population du pays reconnaît certainement qu’une province
aussi peu peuplée que celle-là a tout autant d’importance dans
les relations fédérales-provinciales qu’une province aussi peu-
plée que l’Ontario, c’est cela qui enrichit notre pays. Je ne
voudrais surtout pas que cela change.
Je recommande également certaines améliorations de la
Charte des droits que vous étudierez, j’espère, et même que
vous devriez accepter.
Je voudrais ajouter à la liste de droits que ne peut restrein-
dre le Parlement, ceux des handicapés physiques, car ils ont un
problème bien particulier et la constitution devrait les protéger
de toute discrimination fondée sur leur handicap.
J’ai déjà parlé des droits des Indiens. Je crois que les traités
avec les Indiens doivent être respectés et cela devrait être
précisé dans la constitution que nous renverra la Grande-Bre-
tagne. Suite à certaines des déclarations faites depuis quelques
jours, je tiens à dire que j’appuie le principe que lc gouverne-
ment fédéral doit continuer d’étre responsable pour les Indiens
du Canada comme il l’a été par le passé. De plus, et à cause de
ma position, je ne peux pas appuyer les revendications du droit
à un gouvernement autonome par les Indiens puisqu’ils forme-
raient un gouvernement indépendant au sein du Canada.
En terminant, je profite de l’occasion, comme je l’ai fait
chaque fois que j’ai pu discuter de notre constitution et du
processus politique le plus souhaitable pour notre pays, pour
répéter que je suis catégoriquement opposé au principe du
référendum. Je veux que toute allusion à un référendum soit
retirée de notre constitution. Je regretterais vivement qu’une
telle disposition y figure en permanence. Je sais que l’on a
promis d’utiliser très rarement ce mécanisme politique, mais je
trouve tout de même cela extrêmement dangereux et nuisible
pour le Canada. C’est un défi de démocratie puisque, d’après
ma définition, un gouvernement est responsable et comptable
devant la population.
Dans un référendum, on ne retrouve pas ces éléments de
comptabilité et de responsabilité. On ne sait pas qui tenir
responsable des résultats et l’on ne peut certes pas en rendre
comptable un individu ou une collectivité. A mon sens, au lieu
d’être un mécanisme politique démocratique, c’est nettement
un moyen qui part du principe que la raison du plus fort est
toujours la meilleure. Dans un pays comme le Canada, com-
posé de tant d’éléments divers, un pays qui se fait le champion
de sa diversité, on ne peut pas tolérer une arme politique
comme le référendum puisque cela impose une seule solution
sans l’espoir d’un compromis ni d’un règlement raisonnable.
Les gens sont obligés de prendre partie, avec la conséquence
inévitable que l’on impute à un groupe reconnaissable la
responsabilité de résultats et que bien des gens en sont amers
ou méprisés suivant les résultats du vote dans certaines
régions, certains milieux ou certaines provinces. Je trouve donc
que c’est un mauvais concept politique qui peut étre applicable
dans certains pays, mais certainement pas recommandable ici,
ni même réalisable.
Je vais faire tout en mon pouvoir pour essayer de convaincre
toute la population canadienne de rejeter la formule du réfé-
rendum et tout gouvernement qui pourrait la préconiser.
Si, au cours des deux prochaines années, je n’arrivais pas â
convaincre les Canadiens de ne pas admettre ce principe
dangereux, je devrai alors reconnaître que la majorité d’entre
eux le désirent. Le cas échéant, ils y auront droit.
J’espère que tous ceux qui sont convaincus que le concept est
mauvais répéteront sans cesse leur point de vue et que, d’ici
deux ans, nous aurons réussi a convaincre la majorité des
représentants du peuple que ce concept ne doit pas être intégré
à notre constitution ni à son processus d’amendement.
En terminant, à nouveau, je vous prie de réfléchir sérieuse-
ment au côté pratique de cet exercice qui n’a pas eu lieu depuis
1927 comme plusieurs l’ont dit. Songez bien aux efforts qui
ont vraiment été faits depuis 10 ans ou depuis 1967.
C’est bien cette année-là que l’on a vraiment commencé à
travailler au rapatriement de notre constitution. J’ai participé
à ce labeur.
Je me sens maintenant obligé de dire que les premiers
ministres du Canada se sont vus offrir tous les compromis
imaginables, toutes les occasions d’atteindre un consensus et
une formule de rapatriement qui aurait plu à tous. Chaque
fois, les offres ont été rejetées.
Comme j’ai toujours prétendu que notre priorité devait être
le rapatriement de la constitution, on m’a souvent dit que ce
n’était pas important, que c’était inutile, que nous ne devions
pas perdre notre temps à le faire, et ainsi de suite.
Après une telle tentative, il est devenu évident que le
gouvernement fédéral devait assumer ses responsabilités et
agir.
J’ai toujours été en faveur du rapatriement de la Constitu-
tion, il en existe des preuves, mais il n’a jamais été possible de
se mettre d’accord.
Aujourd’hui, nous nous trouvons dans l’obligation de pren-
dre une décision politique, cette décision est nécessaire depuis
le début et il y va de l’intérêt de ce pays; en effet, il nous
appartient maintenant d’affirmer la pleine et entière souverai-
neté de notre pays.
En terminant, je tiens à vous dire qu’en m’élisant. la popula-
tion du Nouveau-Brunswick m’a fait l’honneur de me permet-
tre de participer à ce processus pendant toutes ces années.
J’en suis convaincu, cette entreprise sera couronnée de
succès, et je crois que de plus en plus la population de ce pays
s’en rend compte, car ce rapatriement de la constitution est en
effet soutenu par la population du Canada. C’est le souhait de
la population canadienne. Personnellement, j’y tiens absolu-
ment.
Au cours des deux années qui viennent, j’ai bien l’intention
de profiter de toutes les possibilités qui seront offertes d’amé-
liorer ces dispositions. Je crois que deux ans, c’est un délai
raisonnable et qu’il devrait nous permettre, une fois notre
constitution rapatriée. d’en faire une constitution améliorée,
une constitution digne de la population de ce pays.
Merci.
[Texte]
Le coprésident (M. Joyal): Merci beaucoup, monsieur
Hatfield.
Je voudrais d’abord demander à l’honorable Duff Roblin de
bien vouloir ouvrir cette ronde de discussions avec notre invité
de cet après-midi.
Sénateur Roblin.
[Traduction]
Le sénateur Roblin: Merci, monsieur le coprésident.
Je suis heureux d’étre le premier à intervenir cet après-midi.
Cela me permet de souhaiter la bienvenue à notre invité qui
représente non seulement une des premières provinces de la
confédération, mais qui, depuis de nombreuses années, s’est
fait le porte-parole des opinions de son gouvernement et de sa
province.
Certainement, ce qu’il nous a dit et nous dira aujourd’hui
nous sera précieux.
J’ai été heureux de l’entendre défendre avec tant de fougue
ce projet de rapatriement car cela est conforme à l’opinion
générale de cette Chambre, et je serais fort surpris que ce ne
soit pas également conforme à l’opinion générale du pays.
Une fois la question du rapatriement acquise, on en arrive à
la formule d’amendement et là, il n’y a pas la même
unanimité.
Notre témoin peut-il nous dire comment il envisage l’équili-
bre qui existe ou qui devrait exister entre les deux niveaux de
gouvernement de notre fédération.
Nous savons que notre constitution n’a jamais été un dogme
immuable, qu’elle a changé au fur et à mesure du développe-
ment de notre nation. Je pense qu’aujourd’hui elle est très
différente de ce qu’elle était en 1867.
Un certain nombre d’études fort importantes ont été faites
sur l’équilibre entre le pouvoir des provinces et celui du
gouvernement fédéral. Nous avons le rapport Pepin-Robarts,
nous avons vu le Livre beige du Parti libéral au Québec, nous
avons vu le Livre blanc de 1978 du gouvernement fédéral
lui-même.
Dans tous ces documents on retrouve un même principe,
celui de la non-subordination entre les gouvernements provin-
ciaux et le gouvernement fédéral. Ce terme, je le précise
toutefois. s’applique uniquement à des circonstances ordinai-
res, ce principe de nomsubordination ne peut s’appliquer qu’en
temps de paix.
J’imagine que vous êtes assez en faveur de cette doctrine
parce que, dans le document écrit que vous nous avez soumis,
vous dites, et je vais citer quelques lignes, j’espère que ce ne
sera pas hors de contexte, sinon, je vous prie de me le dire:
Cela signifie que non seulement chaque gouvernement a
droit à certaines compétences et que chaque gouverne-
ment provincial est égal à l’intérieur de la fédération, mais
qu’une dcs responsabilités fondamentales du gouverne-
ment central est de s’assurer que la fédération fonctionne
dans les secteurs qui ne relèvent pas des provinces ou dans
ceux qui touchent la capacité des provinces de fonctionner
à l’intérieur de la fédération.
Puis à la page 5, un peu plus loin, à propos de la péréquation,
je crois, mais cela pourrait probablement s’appliquer à bien
d’autres choses, vous dites:
La péréquation est toutefois plus qu’un principe. Elle
sert au but constitutionnel que j’ai mentionnné et, par son
caractère inconditionnel, elle reconnaît la compétence
exclusive des provinces.
Et je demande donc à M. Hatfield s’il défend ce principe de
non-subordination entre les deux niveaux de gouvernement et
sinon, par quoi il le remplacerait?
M. Hatfield: Je souscris, effectivement, au principe de
non-subordination.
Depuis 10 ans, tout au cours des discussions constitutionnel-
les, je ne me suis jamais trop inquiété de la répartition des
pouvoirs. En effet, j’ai toujours pensé que les pouvoirs dont
jouissaient les provinces étaient tout à fait suffisants.
Comme il m’est arrivé de le dire, si l’on accordait de plus
amples pouvoirs à la province du Nouveau-Brunswick, il est
fort probable que celle-ci n’aurait pas les moyens de les
assumer. Bref, nous ne réclamons pas de plus amples pouvoirs.
Je crois vraiment que la constitution assure une répartition
raisonnable des pouvoirs. Peut-être d’autres provinces vou-
dront-elles certains changements pour des raisons particulières.
Il m’est d’ailleurs déjà arrivé d’approuver ce genre de réclama-
tion, par exemple, les souhaits de la province de Québec en
matière de communication. Mais je suis en faveur de la théorie
de la non-subordination. Il faut absolument que notre constitu-
tion réfléchisse et protège toujours le droit d’une province ä
exercer ses pouvoirs et le droit du gouvernement fédéral à
exercer les siens.
Le sénateur Roblin: Si je vous parle de cela, c’est que, et je
me permets de citer le rapport Pepin-Robarts:
Dans une union généralement fédérale, les provinces
devraient être considérées comme possédant un statut
constitutionnel égal à celui du gouvernement central.
Maintenant, je vous demande si à votre avis le document
que nous avons sous les yeux porte atteinte à cet équilibre
constitutionnel entre les gouvernements fédéral et provin-
ciaux?
M. Hatfield: Seulement dans la mesure où il dicte à la
province de Québec la façon dont ses pouvoirs dans le domaine
de l’éducation doivent s’cxercer. C’est le seul cas que je puisse
relever, et cela m’inquiète très fort.
Le sénateur Roblin: Vous ne pensez pas que la formule
damcndement porte atteinte à cet équilibre?
M. Hatfield: Non, parce que nous n’avons pas de formule
damendemcnt. Tout ce que nous avons pour l’instant, ce sont
des propositions.
Le sénateur Roblin: Eh bien, je vous repose la question à
propos de la proposition: pensez-vous qu’elle porte atteinte à
cet équilibre?
M. Hatfield: Quelle proposition? Vous voulez parler de la
formule de Victoria?
Le sénateur Roblin: Celle qui prévoit un référendum si on ne
réussit pas à se mettre d’accord.
M. Hatfield: Comme je l’ai dit, pour commencer, je suis
contre le référendum. La raison d’être de cette option, la seule
et unique raison, c’est que le gouvernement a appris d’expé-
rience après avoir fait un dernier effort pour essayer de
parvenir à un accord, que ce serait peut-être le seul moyen de
faire bouger les premiers ministres du Canada, les législatures
et également le Parlement du Canada. ll devait y avoir une
meilleure solution; si cela s’avérait impossible, il nous faut tout
de même notre constitution et nous avons besoin d’une formule
d’amendement. S’il est impossible d’y parvenir en exerçant ce
sens du compromis propre aux Canadiens, j’imagine qu’il
faudra appel à une solution inacceptable.
Le sénateur Roblin: Je crois que vous et moi sommes assez
d’accord sur ce point. Moi aussi j’estime que la bonne volonté
et le sens du compromis dont les Canadiens sont capables
devraient nous permettre de trouver une formule d’amende-
ment raisonnable.
M. Hatfield: Moi aussi et c’est précisément ce que j’ai dit.
Tous ceux qui croient cela sont mis au défi par cette disposi-
tion des deux ans.
Le sénateur Roblin: C’est vous et moi que l’on met au défi.
Par contre, moi je préférerais qu’on puisse se mettre d’accord
avant de s’adresser à la Grande-Bretagne. C’est là que nous
divergeons.
M. Hatfîeld: Je croyais cela également, je l’ai cru jusqu’au
moment où j’ai dit ce que je pensais de la résolution.
Moi aussi je regrette que cela n’ait pas été possible mais je
dois me résoudre à la réalité et reconnaître que l’expérience a
démontré que cela n’était pas possible.
Le sénateur Roblin: Je comprends bien ce sentiment, c’est
une expérience que j’ai faite également. Mais à mon sens, une
des formules, peut-être celle de l’Alberta ou de Vancouver,
devrait pouvoir permettre de parvenir à un consensus. En tout
cas, j’aimerais beaucoup que l’on essaie d’y parvenir.
M. Hatfield: Eh bien, nous avons la possibilité d’essayer.
Mais j’aimerais que nous le fassions le plus vite possible.
Le sénateur Roblin: Le problème avec ces règles-là, c’est
que si vous voulez une formule différente de celle que vous
avez là, il vous faut obtenir l’accord de provinces représentant
80 p. 100 de la population. Cela signifie que deux provinces
peuvent très facilement refuser d’accepter si elles jugent qu’il
n’y va pas de leur avantage.
Mais tout comme vous, je veux relever le défi et j’aimerais
également que cela soit fait avant que nous allions en
Angleterre.
Maintenant, j’en viens à une autre chose que vous avez
mentionnée. Il s’agit de la question linguistique, Dans ma
province, l’article 23 de la Loi sur le Manitoba nous oblige â
accorder certains droits aux francophones du Manitoba,
devant nos tribunaux, à la législature, etc.
D’après votre mémoire, il semble que vous souhaitiez appli-
quer la même règle, ou à peu près la même, dans le cadre de
l’article 133 de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique ou
de l’article 23 de la Loi sur le Manitoba, au Nouveau-Bruns-
wick.
M. Hatfield: Nous voulons aller au-delà de l’article 133,
parce que dans le cadre de la Loi sur les langues officielles du
Nouveau-Brunswick—nous avons étudié cela en profondeurw
si nous nous contentions des dispositions de l’article 133 ou de
l’équivalent dans la résolution, nous supprimerions des droits
qui existent déjà dans la province du Nouveau-Brunswick. Par
conséquent, nous voulons aller auvdelà de ces dispositions et
nous voulons également que cela figure dans la Charte des
droits.
Le sénateur Roblin: Je comprends fort bien ce que vous
dites, parce que les droits dans le domaine de l’éducation
prévus par la Charte actuelle mettraient les francophones du
Manitoba dans une situation encore pire que celle dans
laquelle ils se trouvent actuellement.
M. Hatfield: Comment pourrait-elle être encore pire?
Le sénateur Roblin: Tout simplement parce qu’il s’agit de
savoir qui est autorisé à utiliser le français dans les écoles. La
politique actuelle au Manitoba est plus libérale aux termes de
l’article 23 de la Loi sur le Manitoba. Je suis entièrement
d’accord avec vous dans ce cas.
Mais vous nous avez lancé un défi. Vous dites que vous
voulez protéger les francophones de la province de l’Ontario et
vous dites qu’il appartient à ce comité d’assurer cette protec-
tion. Pouvez-vous nous dire comment, à votre avis, nous pou-
vons y parvenir, quelles dispositions nous devrions prendre
vis-à-vis de l’Ontario.
M. Hatfield: Le Parlement du Canada doit appliquer cette
disposition à l’Ontario ou bien cesser de l’appliquer aux anglo-
phones de la province de Québec.
C’est une inégalité évidente qui ne peut durer, absolument
pas.
Le sénateur Roblin: Voilà l’expression d’une opinion tout à
fait noble et je ne voudrais pas y toucher.
Mais j’ai l’impression que vous demandez au gouvernement
fédéral de s’ingérer dans la question des droits des anglophones
au Québec ou bien d’imposer à l’Ontario des dispositions en
faveur des francophones.
Ce ne sont pas vos objectifs que je conteste, vous voulez que
tout le monde soit traité de la même façon, mais je me
demande si le gouvernement fédéral a bien le droit s’il peut
s’arroger le droit d’effectuer ces changements en passant par»
dessus les provinces.
M. Hatfield: Je le répète, il fut un temps où je croyais qu’il
était possible de se mettre d’accord avec les provinces, qu’il
était possible de se mettre d’accord sur les questions linguisti-
ques et sur la formule d’amendement.
Aujourd’hui, j’ai l’impression que si nous attendons beau»
coup plus longtemps, que si nous attendons au-delà de ce délai
de 2 ans après l’adoption de notre formule d’amendement
définitive, nous risquons de constitutionnaliser une inégalité
terriblement dangereuse pour notre pays.
Il m’apparaît clairement que le Parlement national est res-
ponsable de la protection du pays et doit s’assurer qu’aucune
province n’exerce ses pouvoirs au détriment de l’ensemble du
pays, et qu’il n’autorise pas une région donnée à prendre plus
d’importance que tout le reste du pays.
Ceux d’entre nous qui croyons en la citoyenneté canadienne
devons croire que si la constitution reconnaît deux langues
officielles, ce qui est conforme aux lois de notre Parlement, ce
qui est d’autre part une nécessité politique et une réalité, sans
parler des avantages que cela représente, alors nous devons
faire reconnaître cet état de choses, d’autant plus qu’un si
grand nombre de Canadiens sont en cause.
Le sénateur Roblin: Je comprends ce que vous voulez dire.
J’ai une dernière observation à ce sujet.
Pendant la conférence de septembre, vous avez beaucoup
insisté sur le fait que d’habitude les Canadiens arrivaient à des
solutions grâce au processus du libre assentiment,
J’ai d’ailleurs la citation sous les yeux, et je suis entièrement
d’accord avec vous.
Mais il me semble que plusieurs principes se heurtent ici,
certains voulant que nous réglions nos problèmes nationaux
par le vieux système du libre consentement, d’autres jugeant
que le gouvernement fédéral doit agir unilatéralement; c’est un
problème très difficile.
M. Hatfield: Je crois que le Parlement du Canada doit faire
tout ce qui est en son pouvoir pour défendre le point de vue du
libre consentement. Par contre, si ce système-là ne suffit plus à
défendre les intérêts de notre pays, alors le Parlement du
Canada a le devoir et la responsabilité de défendre les intérêts
de l’ensemble du pays.
Le sénateur Roblin: Merci beaucoup,
[Texte]
Le coprésident (M. Joyal): Merci beaucoup, monsieur le
sénateur Roblin.
Je voudrais inviter maintenant monsieur Lorne Nystrom,
suivi de monsieur Eymard Corbin.
Monsieur Nystrom.
M. Nystrom: Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Je souhaite la bienvenue au premier ministre Hatfield qui
nous rend visite cet après-midi. Je suis très heureux de vous
voir parmi nous, monsieur.
Je veux commencer par vous féliciter de l’ouverture d’esprit
dont vous avez fait preuve au sujet des droits linguistiques. Je
vous félicite également pour cette déclaration que vous avez
faite à propos de ce que vous avez l’intention de recommander
à votre Législature. Je suis certain que cette proposition sera
acceptée à l’unanimité par votre province.
Une telle ouverture d’esprit me fait vraiment très plaisir, et
c’est à ce propos que je veux vous poser des questions.
En octobre, vous avez fait des observations qui nous ont
beaucoup intéressés à propos de la question linguistique.
Par exemple, j’ai ici un article du quotidien francophone Le
Droit, un journal de la ville d’Ottawa où vous dites:
[Texte]
Le sentiment anti-français se trouve en Ontario et il est
temps de le faire savoir.
Et vous avez dit aussi que vous avez l’intention:
D’attaquer publiquement la législature de l’Ontario et son
premier ministre pour ce qu’ils ont fait.
[Traduction]
De même, dans la Gazette de Montréal, on trouve un article
semblable intitulé, Hatfield accuse l’Ontario d’être le méchant
dans la lutte pour les droits linguistiques.
Je cite les propos que l’on vous attribue:
«Il y a un sentiment anti-français en Ontario», a dit
Hatfield.
puis:
«Il faut dénoncer cela.»
L’article dit encore:
Il a dit que Davis s’était présenté aux discussions constitu-
tionnelles tenues à Ottawa plus tôt cette année avec la
ferme intention qu’il n’y ait aucun changement, que l’on
n’impose pas à l’Ontario plus de droits que les francopho-
nes n’en ont déjà.
On vous cite à nouveau:
«J’ai l’intention d’attaquer publiquement l’Assemblée
législative de l’Ontario et son premier ministre pour ce
qu’ils ont fait.»
Monsieur le premier ministre, dites-moi donc ce qu’ils ont
fait. Pouvez-vous me décrire un peu plus précisément vos
sentiments de même que ce que vous pensez de I’Ontario et du
rôle clé que cette province devrait jouer dans l’unité du pays?
M. Hatfield: Je suis heureux de pouvoir répondre à cette
question car elle me permet de prendre position, la même que
toujours, à savoir que le problème est dû à l’Assemblée législa-
tive de l’Ontario. Le problème n’est pas dû aux députés, ni
même au premier ministre de cette assemblée.
C’est bien connu que les chefs des partis politiques ontariens
ne sont pas en faveur de ce que l’on appelle là-bas un bilin-
guisme institutionalisé.
Dans une déclaration faite le 17 octobre dernier, à Frédéric-
ton, je disais que l’Assemblée législative de l’Ontario avait pris,
au sujet de la reconnaissance des deux langues officielles, une
position inacceptable.
A l’auditoire auquel je m’adressais à New York, j’ai dit qu’il
me fallait pointer du doigt la région où ceux qui se préoccu-
pent de leur pays rencontraient de la résistance. Cette région,
ce n’est pas l’Ouest du Canada, car, a ce moment-ci de notre
histoire, la protection des droits linguistiques dans cette région
ne nous intéresse pas autant. La région à laquelle on porte de
l’intérêt c’est celle ou l’on retrouve la plus grande concentra-
tion du pouvoir politique, la province de l’Ontario. Le gouver-
nement de l’Ontario et son assemblée législative se vantent
d’avoir réussi à empêcher que la nouvelle constitution n’impose
la reconnaissance des deux langues officielles.
Ma propre expérience me permet de vous assurer qu’une
telle position ne peut être prise qu’au détriment du pays. C’est
pour cette raison, parce que je me soucie de ce pays et parce
que je sais quelle est l’importance d’un Canada fort et uni pour
la province que je représente, que je m’en inquiète.
Je ne veux pas continuer à subir les difficultés économiques
qui nous échoient à cause de l’instabilité politique du Québec.
Les résidents du Nouveau-Brunswick ont dû payer pour cela et
il faut que cela cessé. Quand je suis allé au Québec, j’ai dit aux
québécois qu’ils pouvaient et devaient faire preuve de con-
fiance dans la nation canadienne. lls l’ont fait, et pas seule-
ment à causé de ma participation, car elle était bien minime
même si j’estime avoir participé, même d’une façon bien
limitée, au succès de la campagne menée au Québec. Je me
séns tout aussi justifié d’aller diré à la population de l’Ontario
que, comme je l’ai dit à New York, ce n’est pas elle qui n’aime
pas les français, et heureusement un reporter a cité mes propos
à ce sujet, c’est plutôt l’Assemblée législative dé l’Ontario qui
se montre réticente à faire preuve d’autant d’intérêt qu’elle
n’en a montré dans son débat avant lé référendum.
Il faut en discuter et y faire face et ce serait préférable que
l’Assémblée législative de l’Ontario le fasse elle-même. Je
voudrais qu’elle décide ce qui est dans le meilleur intérêt de
l’Ontario et de l’ensemble du pays, mais je n’ai pas l’intention
dé me tourner les pouces en attendant, pas plus que je ne l’ai
fait pendant que l’Assemblée législative du Québec essayait dé
briser mon pays. Je suis Canadien, je ne vais pas me croiser les
bras tandis qu’une autre assemblée législative, celle de l’Onta-
rio ou d’ailleurs, contribue a ébranler notre pays.
M. Nystrom: Je désire remercier le premier ministre de sa
déclaration et, comme lui, je crois que l’Ontario joue un rôle
de premier plan dans l’avenir du pays puisque, à tout le moins,
c’est la province la plus peuplée car elle compte 36 ou 37 p.
100 de notre population et que la minorité francophone est
assez importante puisqu’elle compté environ 600,000 person-
nés.
J’aimerais faire une dernière fois mention de l’article où,
monsieur le premier ministre, vous parlez de la position de
l’Ontario par rapport à celle du Québec. Vous dites, et je cite à
nouveau:
Quant à l’Ontario et à la nécessité d’un énchâssement, il
dit
Il s’agit dé vous,
que ces droits doivent être inclus dans la constitution
sinon il suffit qu’un autre fanatique soit élu pour que tous
les droits linguistiques soient abolis.
Hatfiéld a dit que Davis avait joué un double jeu dans
le débat précédent le référendum du Québec sur la souve-
rainété puisqu’il avait parlé d’accroître les droits des
francophones, ce qu’il avait nié par la suite.
«Je crois que l’Ontario a délibérément trompé la popu-
lation québécoise», a-t-il dit en ajoutant que la position
prise par Davis l’insultait personnellement.
Les propos de M. Hatfield ont été réfutés par des
représentants de l’0ntario qui les ont jugés gratuits et
ridicules.
Monsieur le premier ministre, je veux vous donner une
chance de vous justifier en nous disant plus particulièrement
de quelle façon vous croyez que la population québécoise a été
délibérément trompée par l’Ontario au cours de la campagne
référendaire. ll en est également question dans le reportage
français, mais je ne vais pas le lire.
M. Hatfield: Je dois dire que le reportage du journal «Le
Droit» était plus précis que tous les autres. Pour ce qui est de
l’élection d’un fanatique qui abolirait tous les droits linguisti-
ques, je faisais allusion à la province du Nouveau-Brunswick et
non à l’Ontario car de toute façon il n’existe aucun droit
linguistique qu’un fanatique pourrait abolir.
Je suis certain que mes propos ont mal été interprétés car les
gens auxquels je m’adressais n’étaient pas vraiment au courant
de ce qui se passe au Nouveau-Brunswick ni au Canada en
général.
Au Nouveau-Brunswick comme en Ontario, nous avons tenu
un grand débat pour prier les Québécois de demeurer au sein
du Canada et de faire confiance à l’avenir. Si j’ai dit que
l’Ontario avait voulu les berner, c’est que les Québécois ont
finalement montré qu’ils avaient foi en ce pays et qu’ils lui
faisaient confiance, mais l’assemblée législative de l’Ontario a
alors rétorqué qu’elle n’était pas tout à fait disposée à faire
tous les accommodements nécessaires. La langue de ces gens
devait continuer d’être traitée en Ontario comme la langue
d’une minorité et non comme la langue d’un Canadien.
Je ne crois pas que c’est ce que les Québécois voulaient, ni ce
pourquoi ils ont voté dans le référendum. Ils voulaient plutôt
que leur langue soit traitée comme une langue canadienne et
non comme la langue d’une minorité.
Les gens qui parlent français au Canada ne constituent pas
vraiment une minorité, c’est ce que stipule la Loi sur les
langues officielles et c’est également ce que dit la Constitution.
Ils ne constituent pas une minorité puisqu’ils sont Canadiens à
part entière et ils ne font qu’exercer leur droit de parler l’une
des langues du Canada.
M. Nystrom: Je voudrais maintenant reprendre une question
qu’a posée le sénateur Roblin, Ce sera ma dernière question
car mon temps est presque écoulé.
Aujourd’hui, vous avez dit quelque chose de très intéressant,
quelque chose comme: il faudrait appliquer les mêmes lois
linguistiques à l’Ontario qu’au Québec et au Manitoba ou
alors laisser le Québec abroger les lois qui sont déjà en vigueur
dans sa province. ll est très intéressant de remarquer que le
chef du parti libéral du Québec, M. Claude Ryan, a dit a peu
près la même chose hier. On peut le lire à la première page du
Devoir de ce matin. Puisque vous connaissez les deux groupes
linguistiques du pays, ditesvmoi pourquoi vous trouvez cela si
important? J’ai posé la même question à M. Chrétien il y a
trois semaines, à savoir s’il n’envisageait pas de laisser le
Québec et le Manitoba abroger les lois linguistiques déjà en
vigueur dans leurs provinces respectives s’ils n’avaient pas
l’intention d’appliquer au Nouveau-Brunswick et à l’Ontario
les mêmes règles que dans ces deux provinces. ll m’a répondu
par la négative, prétextant que c’étaient là des droits acquis et
que ces provinces étaient donc liées par ceux-ci.
Pourtant, vous nous dites quelque chose de tout différent
aujourd’hui et M. Ryan aussi a dit quelque chose d’un peu
différent hier. A votre avis, pourquoi est-ce si important pour
l’unité du Canada dans l’avenir? Est-ce parce que ce sera
perçu comme une terrible injustice par le Québec?
M. Hatfield: L’été dernier, le seul moment où le débat était
vraiment orageux, c’est quand on discutait de cette question-là,
et pas des autres points à l’ordre du jour du Comité de la
réforme constitutionnelle. Chaque fois qu’on en venait à ce
sujet, presque chaque semaine, je répétais avec force que l’on
ne pouvait pas attaquer le Bill-101, la Charte des langues
adoptée par le Québec et qui refuse certains droits aux anglo-
phones, si l’on n’était pas prêt à donner ces mêmes droits aux
francophones des autres régions du Canada.
Je sais que c’est nier les droits des anglophones de Montréal;
cela ne me plaît pas et je voudrais bien que le Québec modifie
cette loi. Même si en pratique elle n’est pas appliquée rigou-
reusement, le fait qu’elle existe crée une situation embarras-
sante pour bien des assemblées législatives et non pas seule-
ment pour le Québec. Je ne crois pas que les députés
l’apprécient particulièrement. Cependant, je n’aime pas que
l’on refuse ainsi un droit aux Canadiens vivant dans les autres
provinces.
Je ne veux pas que ce soit non plus aux Canadiens du
Nouveau-Brunswick, même s’il y en a quelques-uns qui ne
peuvent exercer leurs droits. Toutefois, nous permettons à tous
les gens du Nouveau-Brunswick d’exercer leurs droits à l’ensei-
gnement en anglais ou en français, à leur choix, même si cela
peut créer des difficultés.
En pratique, bien des gens du Nouveau-Brunswick, surtout
des francophones, ne peuvent exercer leurs droits.
Une fois que ces droits seront prévus par la constitution,
nous serons suiffisamment motivés pour veiller à ce que le plus
grand nombre de citoyens possible puisse exercer leurs droits.
Ainsi, ce sera vraiment une question de choix.
Il faut d’abord corriger l’injustice qui règne en Ontario,
sinon, vous susciterez le mécontentement et les critiques légiti-
mes des francophones de toutes les régions du Canada, en
particulier ceux du Québec, ce qui est à mon sens très grave
car, autant je m’attache à l’Ontario en raison de son pouvoir
politique au Canada, autant je mînquiète du Québec pour la
même raison et aussi pour sa capacité politique de se scinder
de notre nation comme ils l’ont prouvé pendant de nombreuses
années jusqu’à l’issue du référendum.
[Texte]
Le copresident (M. Joyal): Merci, beaucoup, monsieur
Nystrom.
Monsieur Corbin, suivi de l’honorablc sénateur Tremblay.
Monsieur Corbin?
Mr. Corbin: Merci, monsieur le président. [Traduction] Je vousdrais d’abord
féliciter le premier ministre Hatfield, et le remercier de com-
paraitre ici aujourd’hui. Je tiens aussi à ajouter que M.
Hatfield est un homme courageux et que je le respect énor-
mément pour cette raison.
[Texte]
Monsieur le premier ministre, vous avez à plusieurs reprises
aujourd’hui de même que par le passé, fait référence au
référendum québécois et au résultat de ce référendum et
pourtant vous comparaissez devant nous aujourd’hui pour nous
dire que vous vous opposez a toute formule de référendum.
D’une part, il m’apparait que vous n’êtes pas du tout déçu
par le résultat du référendum québécois, il a permis quand
même de tirer certaines choses au clair et, d’autre part, vous
voulez refuser à l’institution fédérale l’opportunité de pouvoir
se servir aussi de cet outil en cas d’impasse dans les négocia-
tions constitutionnelles.
Est-ce que vous pourriez commenter ce point de vue?
[Traduction]
M. Hatfield: Comme le premier ministre du Québec, je crois
que le référendum n’a pas contribué à l’avancement de sa
cause, si bien qu’il a maintenant fait savoir aux Québécois qu’il
n’aurait plus recours à cc mécanisme politique car il ne lui a
pas réussi, ce dont je me réjouis d’ailleurs.
Je suis convaincu qu’aucun gouvernement au pouvoir à
Québec n’aurait pu quasiment scinder le pays comme il l’a
presque fait s’il n’avait pas été autorisé à recourir au référen-
dum. ll n’aurait jamais été élu en 1976 s’il n’avait pas-réussi,
grâce à une astucieuse tactique à faire oublier la question de
l’indépendance pour faire valoir celle d’un bon gouvernement.
On avait alors demandé aux gens de voter pour un bon
gouvernement en promettant un référendum sur l’avenir du
Québec.
Quel que soit l’objet d’un référendum, je ne peux accepter la
méthode. Chaque fois que l’on s’en est servi au Canada, ce fut
dans l’intérêt non pas du pays, ni du gouvernement, mais bien
d’un parti politique. Puisque c’est une tactique politique, les
Canadiens ne devraient pas accepter un tel concept. Les
politiciens peuvent recouvrir à n’importe quelle stratégie, mais
à mon sens, notre constitution ne devrait pas accorder aux
partis le recours à des manoeuvres politiques. Voilà ce qui
m’inquiète.
Le Parlement pourrait déjà maintenant recourir au référen-
dum puisquïl peut se servir de tous lcs moyens à sa disposition
et il en sera toujours ainsi.
Or, installer cette arme politique un camp au-dessus des
autres en l’incluant dans la constitution. me paraît très grave
et très dangereux car on pourrait y avoir recours n’importe
quand et n’importe comment.
De plus, pour ce qui est du référendum au Québec, les gens
qui y ont participé et qui croyaient vraiment à l’indépendance
tout comme ceux qui s’y opposaient. ont tous eu du mal à
accepter le vote des anglophones du Québec. On a d’ailleurs
dit que c’était très important de voir que le référendum avait
été remporté en faveur du Canada par une majorité, même si
c’était une majorité simple chez les francophones du Québec.
Voilà un autre argument qui va à l’encontre du référendum
dans un régime démocratique puisque chacun a le droit de
vote.
Dans un référendum, il n’y a toujours qu’une seule question.
Prenons par exemple la fiscalité. On peut se demander si le
vote d’un particulier qui ne paie pas de taxes, qui vit du
bien-être social, qui est à la retraite ou invalide ou entretenu
par le gouvernement provincial ou fédéral, a autant de valeur
que celui d’un autre qui possèderait des biens d’une valeur de
lOO millions de dollars. Des tas de gens vous répondent qu’il y
a une différence. En Californie, on tient des centaines de
référendums et on y dit souvent que le vote d’un contribuable
dans un plébiscite devrait avoir beaucoup plus de poids que
celui d’un hippy.
M. Corbin: Monsieur le premier ministre Hatfield, je vais
vous arrêter la parce que mon temps de parole s’écoule et vous
me faites traverser la frontière.
M. Hatfield: Désolé.
M. Corbin: Je sais que vous êtes un des politiciens les plus
roublards après Allan MacEachen, mais j’ai plusieurs ques-
tions sérieuses à vous peser, sans vouloir vous manquer de
respect.
M. Hatfield: Au contraire, c’est un compliment.
[Texte]
M. Corbin: Monsieur le premier ministre, croyez-vous que
l’article 23 du projet de résolution de la charte des droits
empiète dans un domaine dejuridiction provinciale exclusive?
[Traduction]
M. Hatfield: Non, je crois que toute cette question des
droits est beaucoup plus importante que la question des pou-
voirs des gouvernements provinciaux ou fédéral.
[Texte]
M. Corbin: Monsieur le premier ministre, l’article 133 de
l’Acte de l’Amérique du Nord britannique apporterait-il
quelque chose de plus aux citoyens du Nouveau-Brunswick que
n’en fournit présentement sa loi provinciale sur les Langues
officielles, selon votre opinion?
[Traduction]
M. Hatfield: L’article 133?
M. Corbin: L’article 133 de l’Acte de l’Amérique du Nord
Britannique, cela donnerait-il au Nouveau-Brunswick . . .
M. Hatfield: Cela ne leur accorderait rien de plus que la
protection de la constitution. Cela ne protègerait pas la langue
en ce qui concerne les services offerts par le gouvernement. En
d’autres termes, les citoyens du Nouveau-Brunswick ont main-
tenant le droit de se servir de l’anglais ou du français pour
communiquer avec leur gouvernement et recevoir sa réponse,
mais je ne crois pas que ce droit leur est conféré par l’article
133.
[Texte]
M. Corbin: Alors, vous confirmez mon impression que même
sans l’article 133 de l’Acte de l’Amérique du Nord britan-
nique, la loi des Langues officielles du Nouveau-Brunswick
assure une protection adéquate à ses citoyens et c’est pour
cette raison-la que vous vouliez que nous l’incorporions dans
notre projet de résolution.
[Traduction]
M. Hatfield: Cela n’assure pas?
M. Corbin: Mais si.
M. Hatfield: Oh, pardon cela assure. Bon, jusqu’à un cer-
tain point. Je crois que nous sommes en train de revoir en ce
moment la loi sur les langues officielles du Nouveau-Bruns-
wick et, pas au printemps, mais à la session d’après, j’espère
que je pourrai faire adopter un certain nombre d’amendements
à cette loi sur les langues officielles du Nouveau-Brunswick.
Évidemment, l’autre problème avec cette loi sur les langues
officielles du Nouveau-Brunswick, c’est que l’on peut jouer
avec, exactement comme cela s’est fait au Québec et, comme
l’ont constaté les gens du Québec, ces droits qu’on prend
souvent pour acquis peuvent disparaître, Je veux tout simple-
ment m’assurer que cela ne pourra se produire.
M. Corbin: En l’incluant dans notre. . .
M. Hatfield: En l’insérant dans la charte.
M. Corbin: Bon, cela confirme mon impression, Croyez-vous
que le contenu de cette résolution, cet ensemble constitutionnel
que nous avons sur papier à l’heure actuelle, reflète comme il
se doit l’accord minimal auquel en sont arrivés les premiers
ministres depuis quelques années et surtout lors de leur confé-
rence de septembre?
M. Hatfield: Il s’agit certainement d’un minimum et je crois
pouvoir dire très franchement que je n’y trouve rien auquel les
autres premiers ministres sbpposcraicnt farouchement, car
j’en ai entendu bon nombre exprimer leurs idées à ce sujet. Le
premier ministre de la Colombie-Britannique ne s’oppose pas à
l’idée de la péréquation parce qu’il croit que l’argent devrait
aller directement au peuple par opposition au gouvernement.
Voilà le principe qu’il a adopté, ce qui signifie qu’il pourrait
peut-être s’opposer à cela.
En ce qui concerne la charte des droits, la plupart des
premiers ministres et beaucoup de citoyens de notre pays
croient que les Parlements et les législatures peuvent mieux
protéger leurs droits que la Constitution, mais cela mis à part,
la formule d’amendement. en ce qui me concerne, n’est pas si
importante que cela. J’ai déjà dit que si nous n’en venons à
aucun accord, le Parlement peut fort bien choisir toute formule
d’amendement qu’il veut, mais je ne sais pas s’il se trouve dans
ce document des choses auxquelles les premier ministre s’oppo—
sent farouchement. Je crois que la grande objection porte sur
ce qu’il ne s’y trouve pas, certaines choses qu’on aurait voulu y
trouver.
[Texte]
Le coprésident (M. Joyal): Merci, monsieur Corbin.
Je demanderais a l’honorable sénateur Tremblay de bien
vouloir poursuivre le débat, suivi de l’honorable sénateur
Lamontagne.
Sénateur Tremblay.
Le sénateur Tremblay: Merci, monsieur le président.
Monsieur le premier ministre, je veux d’abord m’associer à
ceux qui m’ont précédé pour vous remercier de l’honneur que
vous nous faites en venant présenter vos vues devant ce Comité
sur le projet de résolution qui est devant nous.
J’aimerais concentrer mes questions sur un seul point qui
pour moi est vraiment important et c’est la position que vous
prenez en ce qui concerne les référendums.
Le dernier paragraphe du mémoire que vous avez préparé
est très explicite à cet égard et il se lit comme suit:
Dans la résolution constitutionnelle, on devrait enlever
toutes dispositions relatives aux référendums.
Ce passage qui me semble très clair m’apparaît un peu
moins clair par certains propos que vous avez tenus en réponse
à des questions du sénateur Roblin. J’avais compris que vous
insistiez pour que les dispositions relatives aux référendums
soient enlevées du projet de résolution avant que ce projet ne
soit transmis à Londres.
Est-ce que cette interprétation est correcte, que votre posi-
tion c’est que vous amendez donc avant la transmission à
Londres toutes les dispositions relatives aux référendums?
[Traduction]
M. Hatfield: C’est mon souhait, mais si cela ne se fait pas,
je crois tout de même que cette résolution devrait être trans-
mise et adoptée dès que possible par Londres et par le Parle-
ment du Canada afin que nous puissions entrer carrément dans
cette période de deux ans qui doit permettre d’essayer de
réformer véritablement notre propre Constitution.
[Texte]
Le sénateur Tremblay: Ce n’est donc pas une condition sine
qua non pour que vous appuyiez le projet de résolution que les
dispositions relatives aux référendums soient enlevées avant.
Vous acceptez qu’elles soient maintenues s’il n’y a pas d’autres
façons de procéder.
[Traduction]
M. Hatfield: Oui, bien sûr que j’accepte. J’accepterais,
respecterais et appuierais la constitution du Canada si c’est
comme cela que le peuple canadien veut procéder.
[Texte]
Le sénateur Tremblay: Alors, si vous me le permettez,
monsieur le premier ministre, je voudrais analyser un peu les
conséquences de cette position. Comme vous le savez, vous
l’avez souligné vous-même, il y aura une période de deux ans
au cours de laquelle les intéressés, les gouvenements et les
législatures, chercheront à établir une formule d’amendement.
A un moment donné, au bout de la période de deux ans, un
référendum aura lieu qui permettra de choisir entre la formule
qui est présentée à l’article 41 et l’autre formule qui pourrait
être soumise par les Provinces ou même une formule nouvelle
qui remplacerait celle qu’on voit maintenant à l’article 41.
Pour le choix de cette formule dont on dit qu’elle serait la
formule normale, il y aura un référendum mais l’article 42 qui
est une autre formule d’amendement ne sera jamais soumise à
un référendum. Elle sera devenue partie intégrante de la
Constitution du moment que le projet de résolution est adopté
par le Parlement britannique.
Dans ces conditions, je crains fort, monsieur le premier
ministre, que si vous acceptez qu’elle soit transmise a Londres,
malgré votre objection très forte de principe aux référendums,
je crains fort que vous n’ayez approuvé que les référendums
unilatéraux ne soient institués en permanence et je voudrais
que vous m’expliquiez un peu comment vous conciliez cet
ensemble-là.
[Traduction]
M. Hatfield: A mon avis, l’article 42 est une disposition
concernant le recours au référendum à toutes sortes de fins. Il
me semble que le gouvernement s’est engagé à ne s’en servir
que si les relations fédérales-provinciales se trouvaient dans
une impasse. Je m’y oppose quelles que soient les fins auxquel-
les on veuille s’en servir. Je j’oppose à ce référendum figurant à
l’article 42. Enfin, si la majorité du peuple canadien fait savoir
au Parlement du Canada que c’est ce qu’il veut, alors cela se
fera.
Je’ ne suis pas ici pour remettre en question le régime
parlementaire canadien. J’y crois. Je me fie à ce régime et je
crois sincèrement qu’il reflète la volonté du peuple canadien et
que si l’on veut que cela se fasse, cela se fera: cependant, mon
expérience politique me fait dire que si d’ici deux ans, avant
que notre constitution ne soit adoptée définitivement, c’est-à-
dire avec une formule d’amendement, je crois que nous aurons
l’occasion de changer bon nombre de choses et je crois aussi
que le Parlement canadien le fera, je fais confiance au parle-
ment du Canada et je me dis que si le peuple croit qu’on peut
en venir à un accord, laissons ceux qui y croient s’y employer
pendant deux ans. Si, après ce délai, nous ne réussissons pas â
en venir à un accord, alors acceptons le fait que le devoir du
gouvernement national en une telle circonstance est d’agir
dans l’intérêt de la nation et ne pas se laisser retarder par une
partie de la nation ou la moitié de la nation ou les trois quarts
de la nation. Ce gouvernement a une obligation envers la
nation entière et doit agir dans l’intérêt de toute la nation.
C’est pour cela qu’on vous a conféré les pouvoirs dont vous
disposez au Parlement.
[Texte]
Le sénateur Tremblay: Si vous me le permettez, monsieur le
premier ministre, je vais poursuivre davantage et, très respec-
tueusement, je me permets de vous poser la question suivante.
L’article 42 institue en permanence comme formule d’amende-
ment qu’on pourra utiliser en vertu de l’article 47, même pour
modifier la formule d’amendement qui aura été établie au titre
de l’article 41, estace que comme premier ministre d’une
province, comme premier ministre représentant pour le Nou-
veau-Brunswick l’un des deux ordres de gouvernement, vous
nous dites que vous acceptez en principe qu’un seul des deux
ordres de façon permanente puisse toujours renverser le point
de vue de l’ordre de gouvernement provincial?
[Traduction]
M. Hatfield: Non, je n’accepte pas cela. Je vous dis que je
profiterai de l’occasion que l’on m’offre, grâce à cette résolu-
tion, d’essayer de convaiere le peuple canadien et la majorité
du peuple, d’essayer de convaincre les premiers ministres et le
Parlement du Canada qu’ils ne devraient pas se servir de cet
outil politique et je vais vous dire extatement pourquoi il est si
important d’avoir une formule d’amendement; c’est la que vous
pourrez alors modifier la constitution, c’est-à»dirc abroger ou
enlever l’article 42 et c’est à cela que je m’emploierai, faire
aborger l’article 42.
[Texte]
Le sénateur Tremblay: Or, pour abroger l’article 42 une fois
que ce sera adopté par le Parlement britannique, il faudra
utiliser l’autre formule d’amendement.
Croyez-vous que selon l’autre formule d’amendement en
vertu de laquelle le Fédéral a un droit de veto, pensczwous
qu’il va accepter d’abroger 42 après l’avoir établi maintenant
contre la volonté des Provinces, que ce soit l’arme dont il peut
toujours se servir pour renverser l’opinion des Provinces? Ca
me semble très improbable.
[Traduction]
M. Hatfield: Je suis fermement convaincu que si les provin-
ces pouvaient se mettre d’accord ou que même si huit des dix
provinces se mettaient d’accord, pour demander que cette idée
de référendum disparaisse absolument de la constitution, le
Parlement du Canada agirait alors en ce sens. La majorité des
députés du Parlement agiraient en ce sens. Le problème, c’est
d’essayer d’obtenir pareil accord. Voilà le problème.
[Texte]
Le coprésident (M. Joyal): Merci, monsieur le sénateur
Tremblay.
Je suis allé bien au-delà de la période de temps que nous
avions acceptée parce que je reconnaissais qu’il s’agissait là
d’une question importante.
[Traduction]
M. Hatfield: Étant sénateur, vous ne vous fiez peut-être pas
au Parlement, monsieur le sénateur.
[Texte]
Le coprésident (M. Joyal): L’honorable sénateurLamon-
tagne, suivi de l’honorable James McGrath.
Monsieur Lamontagne.
Le sénateur Lamontagne: Merci, monsieur le coprésident,
Je voudrais d’abord, monsieur le premier ministre, vous
féliciter de votre présentation qui, à mon avis, confirme une
fois de plus que vous êtes un grand Canadien.
Vous dites dans votre mémoire que la résolution que nous
étudions présentement est le résultat d’un processus de
négociations fédérales-provinciales commencé en juillet dernier
et qui a continué au cours de la conférence de septembre.
Voulez-vous dire par là que la résolution est devenue la suite
logique de l’absence d’accord qui s’est manifestée lors de la
conférence de septembre et que, contrairement à ce que le
premier ministre Buchanan a dit devant ce comité-ci la
semaine dernière, cette résolution est maintenant la seule
solution pratique à l’impasse constitutionnelle dans laquelle
nous nous trouvons présentement?
[Traduction]
M. Hatfield: Malheureusement, oui, j’en suis venu à cette
conclusion. Je crois que lors de la Conférence constitutionnelle,
et suite à cette conférence, ayant obtenu l’approbation de mon
conseil des ministres, le gouvernement du Nouveau-Brunswick
a décidé de demander au gouvernement du Canada, et il l’a
fait, qu’on rapatrie la constitution avec une formule d’amende-
ment à l’unanimité. Considérant ce fait, considérant la résolu-
tion proposée, considérant le fait que s’y trouvait presque tout
ce que je demandais depuis fort longtemps, j’ai cru qu’il fallait
tout de même appuyer cette mesure; après mûre réflexion,
lorsque je fais un retour en arrière, je m’aperçois que de temps
à autre on nous avait offert l’occasion de la rapatrier avec une
formule d’amendement ou la possibilité de s’accorder une
formule d’amendement et que nous n’avons pas accepté ces
offres, alors je me dis que oui, c’est le seul recours que nous
ayons, que ma foi et confiance én matière d’unanimité des
onze gouvernements étaient déplacées, que cela m’a pris long-
temps pour en arriver à cette conclusion; cependant, j’en suis
arrivé à cette conclusion et je m’en tiens là.
[Texte]
Le sénateur Lamontagne: Lors de la réunion des premiers
ministres provinciaux à Toronto, avez-vous tenté de nouveau
de vous entendre sur une formulé d’amendement et sur l’en-
châssement d’une charte des droits et, si vous n’avez pas fait
cette nouvelle tentative, est-ce parce que vous saviez à l’avance
qu’un accord unanime n’était pas possible même à cette
occasion-là?
[Traduction]
M. Hatfiéld: Je n’ai pas fait cet effort car dès que la
résolution a été présentée, il m’a fallu décider quelle attitudeje
devais adopter. Après avoir étudié les solutions de rechange
venues dé tous les azimuts, je les ai toutes rejetées parce
qu’elles n’étaient pas pratiques, qu’elles ne pouvaient fonction-
ner, qu’elles n’étaient pas justes ét je n’ai donc pas essayé de
proposer quoi que ce soit . . . J’ai tout simplement avisé mes
collègues à la réunion de Toronto de mon attitude, j’en ai
ensuite averti le Premier ministre du Canada et le peuple du
Nouveau-Brunswick.
[Texte]
Le sénateur Lamontagne: Vous semblez dans votre mémoire
favoriser, implicitement tout au moins, la formule de Victoria.
Est-ce à dire que vous ne’supportez pas la formule de Vancou-
ver parce qu’elle pourrait conduire, par exemple, à une espèce
de jungle constitutionnelle étant donné la clause d’option ou de
«opting out» si vous voulez, que cette formulé de Vancouver
contient.
[Traduction]
M. Hatfield: Monsieur le sénateur, j’ai appuyé, avec d’au-
tres membres de la Législature du Nouveau-Brunswick, et je
crois que nous étions une des rares législatures à le faire, je
crois que nous étions une des rares législatures à le faire à
l’unanimité, enfin, j’ai appuyé la formule Fulton-Favreau. A
l’époque, quand j’en ai parlé à la Législature du Nouveau-
Brunswick, j’ai dit que j’cntrétenais de sérieuses réserves à ce
propos, mais que je croyais qu’il était très important d’aboutir
enfin, que je faisais confiance au peuple de notre pays, que si
les défauts que j’y voyais se faisait connaître d’eux-mémés,
alors je croyais que notre système politique réagirait de façon à
les corriger. C’est ce que je pense aussi de la formule d’amen-
dement dite de l’AIberta. Il s’y trouvait bien des défauts.
J’étais sûr que ni le Parlement ni les législatures du Canada
n’appuyeraient l’idée qu’une province pourrait décider de ne
pas accorder son adhésion, je voulais quand même que nous
réalisions des progrès, je voulais essayer quelque chose pour
enfin atteindre l’objectif ultime qui est le rapatriement.
Encore une fois, je crois que cela aurait pu marcher et on
aurait pu l’améliorer en accordant nos violons. Il me semble
que c’est la province d’Alberta qui a le plus de problèmes en ce
qui concerne le droit de veto que l’on pourrait accorder à
toutes les provinces. En ce qui concerne la formule de Victoria,
je l’appuie, oui; oui, car je crois que c’est la meilleure formulé;
oui, je crois que c’est la formule qui sera la mieux acceptée
dans l’avenir et je crois qu’il s’agit-là de la configuration
ultime, son acceptation par les Canadiens dans 50 ans et même
dans 100 ans.
Si je prends cette position c’est parce que je perçois que dans
notre pays, et cela a été clairement confirmé dans les discus-
sions que nous avons eues cet été en comité, il existe des corps
d’opinion tout à fait différents.
ll y a un corps d’opinion de l’Ouest, un autre que l’on
pourrait appeler l’Ontario, qui s’est constitué du fait de notre
histoire et des politiques des gouvernements passés etc.; il y a
l’attitude ou l’opinion de la région appelée le Québec; il y a
l’opinion de cette autre région appelée les Maritimes et à
Terre-Neuve, du fait probablement de son entrée récente dans
la confédération, le point de vue est encore différent de celui
des autres provinces maritimes.
Pour moi la formule de Victoria représente tous ces corps
d’opinion et je ne pense pas qu’elle donne un droit de veto au
Parlement de l’Ontario. Je considère au contraire qu’elle
donne un droit de veto à la population de cette région assez
vague et il y en a probablement qui sont du même avis au
Manitoba; d’autres dans l’ouest du Québec.
Mais il y a des secteurs d’opinion dans notre pays et la
formule de Victoria, contrairement aux autres, reflète cela
pour le mieux.
On a même proposé qu’il y ait sept provinces. J’avais déclaré
que je ne pouvais l’accepter. Cela parce que cela éliminait les
trois provinces maritimes. Il était tout à fait concevable d’ap-
porter un amendement ou une amélioration sans que nous
puissions rien dire du tout. Nous jugions cela intolérable.
La seule formule qui à ma connaissance assure que tous ces
corps d’opinion, qui me semblent très réels et très facilement
identifiables au Canada, sont représentés, c’est la formule de
Victoria. C’est pourquoi je l’appuie:
J’ajouterai sur une note historique que la province du Nou-
veau-Brunswick a apporté une grande contribution à l’évolu-
tion de la formule de Victoria et que c’est peut-être pourquoi
nous y sommes tellement favorables.
[Texte]
Le sénateur Lamontagne: Est-ce que j’ai droit à une der-
nière question?
Le coprésident (M. Joyal): Très rapide, monsieur Lamon-
tagne, s’il vous plaît.
Le sénateur Lamontagne: Elle ne sera pas rapide, alors je
vais passer.
Le coprésident (M. Joyal): Alors très courte, très courte
monsieur Lamontagne.
Le sénateur Lamontagne: Je voudrais revenir sur le prob-
lème du référendum. Vous favorisez la résolution actuelle
parce que vous constatez que nous sommes arrivés à une
impasse présentement au niveau des négociations fédérales
provinciales.
Par ailleurs, vous vous opposez assez fermement, peut-être
moinscet après-midi, à la tenue de référenda. Ne pensez-vous
pas que même avec une formule d’amendement plus souple
que la règle de l’unanimité, il serait encore possible que
d’autres impasses surviennent à l’avenir et qu’alors la formule
du référendum amendée et vue vraiment comme une formule
d’exception devienne la seul façon de résoudre ces nouveaux et
possibles blocages constitutionnels à l’avenir.
[Traduction]
M. Hatfield: Je crois que la meilleure formule est celle qu’a
utilisée récemment le gouvernement canadien, à savoir, d’assu-
mer sa responsabilité nationale et d’agir.
En effet si nous avons une formule d’amendement perma-
nente, il va falloir la respecter tant que nous n’aurons pas
utilisé tous les autres systèmes à notre disposition pour essayer
de supprimer les obstacles ou de résoudre la question d’une
autre façon.
Rappelons-nous quelle était la situation: Pourquoi était-il
impossible de trouver un consensus? Pourquoi fut-il impossible
à tous ces premiers ministres de se mettre d’accord? Pourquoi
onttils échoué?
J’en suis arrivé a la conclusion que s’ils ont échoué, c’est
pour une raison très simple: A titre de premier ministre d’une
province, chacun, s’il veut rester au pouvoir, doit se rappeler
qu’il doit d’abord concentrer son attention sur ce qu’il juge ètre
les vœux de la population qu’il représente ou les intérêts de sa
province; tout dépend de la façon dont on interprète cela.
Cela explique donc pourquoi il sera toujours nécessaire que
le gouvernement national prenne des mesures qui ne seront pas
toujours acceptables pour un premier ministre en particulier.
Sinon, il faudra se résoudre à quelque chose qui me semble, de
toute façon, légitime dans notre régime politique, à savoir que
le gouvernement canadien s’engage dans des campagnes élec-
torales provinciales et s’adresse directement à cet échelon
politique en déclarant «Voilà ce que votre gouvernement a
bloqué». Je trouve cela parfaitement légitime et je ne vois pas
pourquoi de toute façon, il ne le ferait pas.
[Texte]
Le coprésident (M. Joyal): Merci, monsieur le séna-
teur Lamontagne.
[Traduction]
L’honorable James McGrath, puis Mr, Herb Breau.
M. McGrath: Merci, monsieur le président.
Je trouve un peu illogique que le premier ministre soit à la
fois fermement opposé à la solution du référendum, et con-
vienne, par contre, que le gouvernement fédéral dans certaines
circonstances, s’engage dans des élections provinciales.
Je ne voudrais pas toutefois poursuivre cela. Je préfère
reprendre ce qu’il disait tout à l’heure au sénateur Lamenta-
gne à savoir que s’il y avait un accord assez général dans un
certain nombre de grands secteurs, si je comprends bien, par
exemple, la formule de Vancouver avait reçu à l’automne
dernier le consensus de toutes les provinces; le premier ministre
MacLean, lorsqu’il a comparu devant nous nous l’a répété,
tout le monde était d’accord sur cette formule au cours de l’été
et à la réunion des premiers ministres qui a suivi les pourpar-
lers de l’été, on était presqu’entièrement d’accord sur sept des
12 ou 13 points à l’ordre du jour. A votre avis, si l’on avait
donné un peu plus de temps aux premiers ministres, les progrès
réalisés sans l’ombre d’un doute, puisque l’on était parvenu à
se mettre d’accord sur sept des points de l’ordre du jour,
n’auraient-ils pas pu continuer et combien de temps, à votre
avis, aurait-il fallu pour avancer plus loin?
M. Hatfield: Je vous répondrai a ce sujet que nous avons
deux ans pour faire justement avancer tout cela.
Le défi que je lance a ceux qui pensent que l’on peut y
arriver par consentement unanime est le suivant: Prouvons-le!
Je ferai certainement ma part dans ce sens.
Il me semble important de donner mon avis personnel sur
cette question de l’accord unanime des provinces.
Les provinces sont en effet parvenues à deux genres d’ac-
cords selon les circonstances. D’une part, les accords qu’elles
ne rompraient en aucune circonstance; permettez-moi de vous
dire que ceux-ci furent très, très rares. Je pense pouvoir en
citer un et je ne suis même pas certain, je dirai toutefois qu’il
s’agissait de la juridiction provinciale sur les ressources au
large des côtes. Je ne suis même pas sûr que si l’on avait
poussé les choses jusqu’au bout, l’accord aurait tenu. De toute
façon ce fut un des accords les plus certains.
Il y en a eu d’autres, de sortes des consensus, si vous voulez
qui, dans une certaine mesure restaient conditionnels.
J’ai été très clair, du moins je pensais l’avoir été, en tout cas
je comprenais bien ce que je disais; je savais ce que je voulais,
à savoir que si nous ne nous mettions pas d’accord sur la
question des langues, nous nbbtiendrons pas de constitution
qui serait acceptable pour la population de tout le pays.
Ce que j’ai essayé de dire et ce que j’ai dit plus directement
en privé qu’en public, c’était qu’il fallait y parvenir. Il le fallait
et il ne servait à rien d’essayer de parvenir à un consensus très
vague si en fait nous ne nous mettions pas d’accord là-dessus
car cela nous poserait d’énormes problèmes dans toutes nos
assemblées législatives.
M. McGrath: La difficulté que je vois à essayer de parvenir
à un consensus important dans les deux ans prévus est que les
provinces ont le couteau à la gorge quand on considère l’article
42 et votre position très ferme sur le référendum.
Cela m’amène à un autre point sur lequel je pense que l’on
est en général d’accord. J’ai du mal à comprendre, par exem-
ple, et je comprends que vous vous inquiétiez de l’incidence de
l’article 42 sur notre fédération quand on sait que cela donne
au gouvernement fédéral le droit de passer outre les assem-
blées législatives et de consulter directement la population; j’ai
donc du mal à comprendre comment vous pouvez envisager
que l’on utilise cette période de deux ans pour abroger l’article
42 quand, si je ne m’abuse, neuf des dix provinces y sont déjà
fermement opposées.
A titre de parlementaire je prétends même que notre Parle-
ment n’a pas le droit d’adopter l’article 42.
M. Hatfield: Toutefois, à mon avis, le gouvernement cana-
dien en a le droit.
Pour ce qui est du mandat du Parlement, je ne sais pas trop
comment répondre. ll faut comprendre que dans les circons-
tances présentes, la constitution peut être amendée. L’article
91 peut être abrogé dans une adresse commune du Parlement
canadien. Ce pouvoir me semble dangereux. J’ai tout essayé
depuis dix ans, et c’est peut-être en raison de cette expérience,
d’amener les premiers ministres à comprendre que le Parle-
ment canadien détenait ce pouvoir et qu’un jour il l’exercerait.
Aujourd’hui le Parlement de Grande-Bretagne qui a la haute
main sur l’Acte de l’Amérique du Nord britannique reconnaît
ce pouvoir.
M. McGrath: Monsieur le premier ministre, certains pen-
sent au contraire que ce que le gouvernement fédéral demande
à Westminster n’est pas conforme aux dispositions du statut de
Westminster qui a conféré sa souveraineté au Canada en
retirant ainsi au Parlement de Westminster le droit de légifé-
rer dans certains domaines.
Toutefois, je vais en rester la car j’espère que nous aurons
l’aide d’experts un peu plus tard et je suis bien sûr que vous ne
voyez aucune objection à ce que nous invitions des experts
pour ce genre de questions.
L’honorable Robert Stanfield, qui a été premier ministre de
Nouvelle-Écosse et qui fut chef de l’Opposition pendant plus
de dix ans, a déclaré récemment qu’à son avis le Parlement
n’avait pas le droit d’apporter unilatéralement des modifica-
tions aussi fondamentales à la constitution. Il allait jusqu’à
dire que ce qu’essayait le gouvernement pouvait se comparer à
un ooup d’Etat. Considérons par exemple que six des dix
provinces traînent le gouvernement fédéral devant les tribu-
naux précisément à propos du caractère unilatéral des modifi-
cations qu’il propose dans cette résolution. Cela m’amène à
une autre question.
A titre de premier ministre, jugez-vous qu’il soit normal que
le gouvernement continue ce qu’il a commencé avant que les
cours de justice n’aient pu rendre leur décision sur les ques-
tions qui leur ont été soumises par ces six provinces?
M. Hatfield: Je crois au système parlementaire canadien. Je
juge que c’est le meilleur au monde et qu’il est suprême. Je
crois aussi que c’est là que ces questions-là doivent être
résolues; je crois que les meilleurs experts en matière de
constitution se trouvent au sein du Parlement canadien et des
assemblées provinciales.
Je crois que ceux qui vont chercher des conseils à l’extérieur
n’ont pas la même confiance que moi dans le Parlement et les
assemblées législatives, confiance dont ils sont pourtant bien
dignes.
M. McGrath: Comme il est écrit dans le fameux mémoire
Kirby, qui était destiné seulement aux ministres, mais qui a été
divulgué juste avant la dernière réunion des premiers minis-
tres, croyez-vous les recommandations de ce mémoire, selon
lesquelles M. Kirby et ses collègues préconisent que le gouver-
nement fédéral fasse adopter sa résolution rapidement par le
Parlement, avant que les tribunaux canadiens n’aient pu sta-
tuer sur sa constitutionnalité, parce que justement les provin-
ces envisagent d’en saisir les tribunaux?
M. Hatfield: Sachez que je me dissocie de toute stratégie du
gouvernement fédéral à cet égard.
Sa façon de procéder n’est pas professionnelle et n’est
certainement pas un modèle à suivre. Je ne veux absolument
pas y être associé.
Cela ni ne me concerne ni ne mîntéresse. Je m’intéresse
seulement a voir le Canada décider seul de sa propre
constitution.
Retournons à 1971. Cette annéelà, bon nombre de provin«
ces étaient prêtes à demandera leur législature de reconnaître,
au niveau provincial, le français et l’anglais comme langues
officielles ou dkippliquer l’article 133 de l’AANB. J’aurais
voulu que la constitution du Canada fût déjà au Canada, car
aujourd’hui cette entente y serait enchâssée.
En fait, on aurait pu éviter toutes les négociations qui ont
lieu entre 1976 et 1980 si nous avions eu notre propre
constitution.
Je me souviens que chaque province canadienne endossait le
principe de la péréquation sans réserve. Si la constitution avait
été rapatriée à ce moment-là, ce principe y figurerait
aujourd’hui.
Toutefois, parce qu’on a voulu l’idéal, la solution la plus
parfaite et la meilleure stratégie, nous n’y sommes pas
parvenus.
Je suis convaincu que tous ces retards en entraîneront
d’autres.
Le pays a attendu assez longtemps; il faut foncer. Le peuple
canadien veut que son pays réalise son potentiel; mais d’abord,
il faut franchir cette étape.
[Texte]
Le coprésident (M. Joyal): Merci, monsieur McGrath.
Monsieur Herb Breau suivi de l’honorable Crombie.
M. Breau: Merci beaucoup, monsieur le président.
Je veux me joindre à tous ceux qui ont souhaité la bienvenue
la plus cordiale au premier ministre de ma province. Je veux
moi aussi le féliciter de sa prise de position non seulement
aujourd’hui mais depuis quelques années sur les questions
constitutionnelles, les questions de langue, mais je veux par-
ticulièrement le féliciter pour la manière dont il défend son
point cet après-midi devant parfois des questions difficiles
J’aimerais particulièrement souligner une partie de son
mémoire que j’apprécie lorsqu’il dit:
La résolution devant nous est un pas nécessaire et vital si
les Canadiens voulaient vraiment aller de l’avant, rapatri-
er leur Constitution et en faire l’instrument moderne et
utile d’un pays véritablement autonome.
Alors, je veux le féliciter particulièrement de ce passage-là.
J’aimerais dire que je suis heureux de voir que le premier
ministre du Nouveau-Brunswick veut enchâsser des droits
linguistiques dans la Constitution qui dépassent l’article 133 de
l’Acte de l’Amérique du Nord britannique et je suis heureux
de voir les modifications qui sont proposées par le premier
ministre du Nouveau-Brunswick là-dessus.
J’aimerais simplement lui demander s’il propose simplement
que le Parlement canadien modifie la résolution sur la base de
cette requête au nom de la Province du Nouveau-Brunswick ou
est-ce qu’il a l’intention que la législature du Nouveau-Brun-
swick passe une résolution elle aussi afin que lorsque cette
résolution-ci ira en Grande-Bretagne le geste symbolique et
très important de rapatriement et de l’enchâssement des droits
linguistiques fédéraux serait fait aussi avec l’assentiment de la
législature du Nouveau-Brunswick.
J’aimerais lui expliquer la raison pour laquelle je demande
cette question-là. symboliquement je pense que ça serait
important pour les Acadiens que la législature du Nouveau-
Brunswick qui, forcément, est à majorité anglophone, dirigée
par un Anglophone, je pense que ce geste symbolique ajoute-
rait beaucoup non seulement à l’harmonie politique du Nou-
veau-Brunswick à l’avenir mais que ce serait aussi un geste
historique très important.
[Traduction]
M. Hatfield: Comme je voulais le faire à l’issue de la
conférence de Victoria, j’ai certainement l’intcntion de déposer
à l’assemblée législative du Nouveau-Brunswick, afin d’obtenir
son endossement aux conclusions et à cette résolution qu’aura
approuvées le Parlement du Canada,
Je ne peux le faire tout de suite, car cette résolution est à
l’étape de projet. Avant notre ajournement normal, en juin ou
juillet 1981, j’espère que la résolution sera adoptée par le
Parlement, et qu’on pourra l’endosser unanimement au
Nouveau-Brunswick.
En ce moment, j’ai confiance que cette résolution, modifiée
selon nos propositions et les suggestions que d’autres ont faites
et qui seront bien accueillies fespère, sera adoptée sans réserve
par l’assemblée législative.
Quant au statut des langues officielles, les pressions que je
sens et que j’entends exprimer par les membres de l’assemblée
législative tendent surtout à renforcer la Loi sur les langues
officielles et non pas à l’amenuiser ou à la rejeter.
M. Breau: alors, monsieur le premier ministre, toutes les
modifications que vous proposez à la résolution fédérale seront
présentées à l’assemblée législative du Nouveau-Brunswick,
comme le sera la position que vous avez prise ici.
M. Hatfield: C’est juste.
M. Breau: N’étant pas juriste, je n’ai pu en vérifier la
légalité, mais je crois que les recommandations que vous faites
vont au-delà de l’autorité de la Loi sur les langues officielles
du Nouveau-Brunswick, ou est-ce le libellé qui est différent?
M. Hatñeld: Non, le libellé est différent, et les recomman-
dations vont effectivement au-delà de notre Loi sur les langues
officielles, car ces nouvelles dispositions exigent que les règle-
ments soient rédigés dans les deux langues, ce qui n’est pas le
cas dans la loi actuelle. La Loi n’exige pas que toutes les lois et
leurs règlements soient rédigées dans les deux langues. C’est le
but de nos recommandations. Nous avons déjà adopté cette
orientation, mais ceci nous obligerait à accélérer cette
évolution.
M. Breau: Merci beaucoup, merci aussi de veiller à ce que
l’assemblée législative du Nouveau-Brunswick adopte cette
résolution à un moment donné, car, comme Acadien et habi»
tant du Nouveau-Brunswick, je ne voudrais pas qu’on dise que
le Parlement du Canada a dû régler les problèmes du Nou-
veau-Brunswick. C’est donc un point important sur le plan
historique, et vous comprendrez pourquoi au Nouveau-Bruns-
wick . . .
M. Hatfield: Oui.
M. Breau: Il a toujours été possible de trouver suffisamment
de gens, des deux groupes linguistiques, qui puissent être
convaincus de veiller au bien de la province. Comme député
fédéral, je ne voudrais pas que l’histoire reflète que j’ai dû
voter en faveur d’une résolution concernant le Nouveau-Bruns-
wick, mais qui laisserait l’impression que le Parlement du
Canada a dû faire quelque chose que la population du Nou-
veau-Brunswick souhaitait. Je préfère que cette résolution ait
l’approbation de l’assemblée législative du Nouveau-Bruns-
wick.
M. Hatfield: Très bien.
M. Breau: Merci beaucoup.
M. Hatfield: Oui, je suis d’accord.
[Texte]
Le coprésident (M. Joyal): Merci beaucoup, monsieur
Breau, d’avoir restreint votre usage du droit de parole.
M. Breau: Je vous remercie, monsieur le président, de
m’avoir reconnu même si je ne suis pas un membre en règle de
ce Comité.
[Traduction]
Le coprésident (M. Joyal): Je crois que vous êtes le premier
sur notre liste aujourd’hui. Je suis heureux de voir que lorsque
nous avons des témoins de marque, comme c’est le cas aujour-
d’hui, les députés des provinces que la question touche de près
viennent en grand nombre. Ils sont les bienvenus.
J’aimerais maintenant inviter l’honorable David Crombie à
prendre la parole, suivi par M. Mike Landers. Monsieur
Crombie? J’aimerais rappeler aux honorables députés que le
premier ministre Hatfield m’a prévenu qu’il a un autre rendez-
vous et qu’il demandé à nous quitter entré 17 h 30 et 18 h 00.
M. Hatfield: Mon rendez-vous n’est qu’après 18 h 00.
Le coprésident (M. Joyal): Donc, si je comprends bien, nous
siégerons jusqu’à 18 h00. Je constate que j’ai environ huit
intervenants sur ma listé et je demanderais donc a tous les
députés dé se limiter dans la mesure du possible à cinq minutes
de façon à ce que tous aient l’occasion de s’adresser à notre
témoin cet après-midi.
L’honorable David Crombie?
M. Crombie: Merci beaucoup, monsieur le président. Je
serai en effet aussi bref que possible.
Ma préoccupation porte plutôt sur certaines choses que vous
avez dites, monsieur le premier ministre, que sur des points
précis de votre mémoire.
Plus particulièrement, je suis un peu préoccupé par l’impres-
sion que vous avez laissée à la suite de votre réponse à M.
Nystrom, je crois qu’il était question des fanatiques de l’Onta-
rio ou de ceux du Nouveau-Brunswick, je ne sais plus au juste.
Vous avez dit que les droits linguistiques n’existant pas en
Ontario, on ne pouvait pas les abolir.
Je voulais donc vous demander si vous êtes ou non du même
avis que ceux qui prétendent qu’en Ontario le problème pro-
vient peut-être plus de la difficulté de faire accepter le principe
que la pratique. Dans ce contexte, j’aimerais vous rafraîchir
l’esprit et la mémoire sur ce qui s’est passé depuis 10 ans en
Ontario. Je le fais toutefois, comme vous le savez probable-
ment monsieur le premier ministre, comme quelqu’un qui
appuie votre position générale sur cette question. J’ai toujours
pensé qu’il n’était pas très délicat de simplement laisser l’im-
pression que la province d’Ontario ne fait rien dans ce secteur
quoi qu’elle fasse du principe. Je sais que critiquer l’Ontario
est un passe-temps national, mais je ne crois pas que cela soit
particulièrement productif en vue d’unir le pays.
M. McGrath: Les soirées pour critiquer Toronto.
M. Crombie: J’ai l’habitude d’entendre critiquer Toronto et
c’est peut-être là un phénomène qu’on a généralisé pour englo-
ber toute la province.
Selon les renseignements que j’ai, monsieur le premier
ministre, sur l’enseignement en Ontario, et j’aimerais savoir si
vous acceptez ces chiffres, il y aurait selon Statistiques
Canada, en 1979, 107,000 étudiants qui suivaient des cours de
français, qui recevaient leur instruction en français dans la
province de l’Ontario. Toujours d’après Statistiques Canada,
en 1979, cela représente 91.5 p. 100 du nombre total d’élèves
admissibles à l’enseignement dans leur langue maternelle, un
peu derrière le Nouveau-Brunswick (94.3 p. 100) et évidem-
ment 7 points derrière le Québec qui offre ses cours à tous ses
élèves.
La province de l’Ontario a également rendu bilingue un plus
grand nombre de tribunaux du criminel et a désigné dix
domaines bilingues du droit civil, ce qui devrait englober dans
le programme environ 80 p. 100 des Franco-Ontariens.
Pour ce qui est des lois, la traduction et des lois et des
règlements, le programme quinquennal coûte déjà 3 millions
de dollars.
J’ai vérifié dans mon portefeuille et j’ai constaté qu’en ce qui
concerne le bilinguisme institutionnel, pour reprendre l’expres-
sion que vous avez utilisée, ma carte d’assurance-maladie, ma
carte (l’hospitalisation, mon permis de conduire, ma carte
d’enregistrement de véhicule-automobile sont bilingues, et
j’ajouterai même, à cause de l’article publié ce matin dans The
Gazelle de Montréal, que mes contraventions sont bilingues.
Compte tenu de tous ces faits, et je pourrais vous donner des
montagnes de renseignements pour examiner la situation de
l’Ontario, je me demande si vous pensez qu’il pourait être utile
de tenter de convaincre les gens que ce qui est important dans
le cas de la contribution de l’Ontatio serait de commencer à
louer les vertus de sa pratique de façon à en faire un principe,
plutôt que de simplement laisser les esprits non avertis croire
que l’Ontario est toujours le foyer de la bigoterie au pays.
Des voix: Bravo, bravo!
M. Hatfield: Je ne crois pas que l’Ontario soit le foyer de la
bigoterie, et lorsqu’on m’a cité, heureusement, on a rapporté
que j’avais dit que ce ne sont pas les citoyens de l’Ontario qui
sont anti-français, mais que je croyais en fait, et c’est sincère,
que les citoyens de l’Ontario seraient prêts à appuyer la
reconnaissance des deux langues officielles.
A mon avis, il est important que vous compreniez qu’au
Nouveau-Brunswick, lorsque notre législature a adopté à
l’unanimité la Loi sur les langues officielles, nous n’avons pas
été en mesure de faire respecter cette loi pendant dix ans, et je
ne puis dire maintenant qu’elle est totalement applicable.
Toutefois, nous avons reconnu l’égalité des deux langues; en
conséquence, nous avons entrepris dans toute la province de
mettre en oeuvre les politiques édictées par cette loi.
A mon avis, c’est pourquoi nous avons aujourd’hui de bien
meilleures relations entre les habitants du Nouveau-Bruns-
wick, puisqu’on accepte maintenant que moi, comme Canadien
anglophone vivant au Nouveau-Brunswick, j’aie véritablement
le droit de parler ma langue, tout comme les autres citoyens de
la province qui croient avoir le même droit. Ainsi, les deux
groupes linguistiques du Nouveau-Brunswick vont de l’avant
avec une certaine confiance dans tous les domaines, économi-
que, culturel, social, politique, etc. 11s sont dynamiques puis-
que, maintenant, ils prennent presque pour acquis le fait que
leur langue survivra.
Je m’inquiète de la situation en Ontario, même si je recon-
nais que cette province a pris des mesures très progressives que
je connais bien. Toutefois, cette province n’est pas prête à
reconnaître ce droit, ou elle veut imposer des limites à ce droit
accordé aux citoyens canadiens. Elle précise qu’il faut qu’il y
ait un certain nombre de citoyens canadiens en place avant que
leurs droits soient reconnus. Elle ne veut pas reconnaître
officiellement ces droits, elle veut seulement les mettre en
pratique. A mon avis, une telle attitude crée au Canada, parmi
la population canadienne-française, l’impression que ces
citoyens sont minoritaires et non majoritaires. A mon avis, ce
genre de citoyenneté mitigée est intolérable dans un pays qui, à
cause de cela, ne durera pas.
Je n’ai aucun intérêt a faire des observations sur les lois de
l’Ontario, pas plus que je n’avais d’intérêt à faire des observa-
tions au sujet des lois du Québec. Je n’ai pas aimé la Loi 22 et
je n’ai pas aimé me prononcer contre cette mesure législative,
mais j’ai cru devoir le faire. Etait-ce parce que je voulais
mîngérer dans les affaires du Québec? Est-ce que je veux
m’ingérer dans les affaires de l’Ontario? Non.
Si j’ai cru bon d’intervenir, c’est que ma province, qu’il est
mon devoir de servir, a grandement besoin d’un Canada uni et
fort, comme tout le monde le sait au Nouveau-Brunswick.
Nous savons également que si on ne respecte pas la qualité de
la citoyenneté dans toutes les parties du pays, et ce qui est
encore plus important, si on ne respecte pas notre citoyenneté
dans les parties du pays qui sont politiquement les plus fortes,
alors notre pays court un grave danger.
Si je parle ainsi, c’est pour ma province dont les intérêts
seront favorisés dans un Canada fort; les progrès réalisés dans
ma province seront ralentis, réduits ou diminués dans un
Canada divisé, déchiré par des querelles internes et constam-
ment réfermé sur lui-même.
Voilà pourquoi je suis intervenu. Je veux protéger les inté-
rêts du Nouveau-Brunswick, et non pas critiquer vainement
l’Ontario.
Je vous rappelle qu’on a confié a l’Ontario plus de responsa-
bilités politiques qu’à toute autre province. C’était vrai dans le
passé et c’est encore vrai aujourd’hui; lors de la dernière
élection fédérale, l’Ontario a obtenu plus de sièges et plus de
pouvoirs politiques à la Chambre des communes.
Si cette province a cette responsabilité, elle doit s’en servir.
Si cette province a autant de pouvoirs, elle doit étre disposée à
faire preuve d’une certaine responsabilité dans la protection
des intérêts et de l’unité du pays.
Je dis cela en reconnaissance du fait que l’Ontario dispose
de ce pouvoir, et non pour étre vainement critique. Je recon-
nais que l’Ontario a été généreuse dans l’exercice de ses
pouvoirs, elle a bien appuyé toutes les parties du pays. Je
comprends pourquoi elle réagit mal au sentiment exprimé
contre elle dans l’ouest du pays peut-être, puisqu’elle a appuyé
l’ensemble des provinces canadiennes.
Toutefois, dans ce domaine précis, elle laisse tomber le
Canada, elle nuit à l’unité du pays, ce qui me préoccupe. Je
m’inquiète pour le Nouveau-Brunswick.
M. Crombie: Une autre question, si vous le permettez,
monsieur le président.
Le coprésident (M. Joyal): Une brève question.
M. Crombie: Je serai très bref. Monsieur le premier minis-
tre, on sait que le Nouveau-Brunswick a mis un certain temps
à accepter le principe de la loi et à le faire respecter. Les
dispositions linguistiques régissant maintenant les tribunaux,
la législature et l’enseignement au Nouveau-Brunswick ont été
adoptées en 1968, je crois, et on a dû attendre jusqu’en 1977
pour que tous les articles de la loi soient proclamés. Cela
confirme qu’il est sage de s’assurer que les services promis
seront assurés, afin d’éviter le cynisme de la part de gens qui
pourraient dire que ce n’était que vœux pieux.
Voici ma question, monsieur le président: afin de permettre
à la province de l’Ontario d’assurer certains services conformé-
ment aux dispositions que vous voudriez avoir adopter relative-
ment à l’usage du français dans les tribunaux et à la législa-
ture, on pourrait peut-étre accorder à cette province un certain
temps pour mettre en oeuvre ce principe. Je crois qu’on a déjà
parlé officiellement et officieusement du fait que si l’on pro-
cède comme vous le recommandez, il serait peut-être sage
d’accorder à l’Ontario un certain temps pour mobiliser les
ressources nécessaires au respect de cette promesse d’un ser-
vice bilingue dans les tribunaux.
M. Hatfield: Il est important que vous compreniez que mon
opinion est celle-ci: c’est grâce au fait que nous ayons pris cette
mesure très symbolique en 1968 que nous constatons aujour-
d’hui la confiance des gens dans la qualité de la citoyenneté
des habitants du Nouveau-Brunswick.
Quoique je ne puisse le prouver, je puis vous assurer que si
nous n’avions pas adopté la Loi sur les langues officielles, le
Nouveau-Brunswick ne se trouverait pas dans la situation dont
il jouit aujourd’hui. Croyez-en mon expérience, je suis premier
ministre du Nouveau-Brunswick depuis 10 ans. Nous avons
pris position, nous avons reconnu les deux langues, puis nous
sommes allés de l’avant. Si nous n’avions pas fait cela et si
nous avions eu une Loi 22, aucun chef politique n’aurait réussi
à la faire accepter au Nouveau-Brunswick. C’est pourquoi
nous avons d’abord adopté cette position symbolique.
M. Crombie: Devrait-on prévoir une période de mise en
oeuvre, comme on l’a fait au Nouveau-Brunswick entre 1968 et
1977?
M. Hatfield: Tout ce que je demande, c’est que le gouverne-
ment reconnaisse le statut officiel des deux langues en Ontario.
C’est tout. Je le demande dans l’intérêt du pays. Ce n’est pas
que je veuille m’ingérer dans les affaires de la province, mais je
sais ce qui se produira alors. Ce sera comme au Nouveau-
Brunswick, et, avec le temps, cela ne représentera plus aucune
difficulté. C’est la situation actuelle au Nouveau-Brunswick.
Vous en ferez vous-mêmes la preuve, tout comme au Nouveau-
Brunswick, la population en viendra à la conclusion que ça
marche, que c’est possible et que c’est bien.
M. Crombi Alors, si j’ai bien compris. vous seriez prêts à
accepter une p iode de mise en oeuvre, comme pour le Nou-
veau-Brunswick, n’est-ce pas?
M. Hatfield: Je puis vous assurer qu’au Nouveau-Brunswick
un citoyen pourrait poursuivre le gouvernement devant les
tribunaux, en vertu de la Loi sur les langues officielles, tout
comme cela serait possible en vertu d’un bon nombre de lois
d’application générale. Il y a peut-être des erreurs, mais l’un
des problèmes du public, lorsqu’il s’agit de reconnaître les deux
langues, c’est que les citoyens croient que les francophones
seront déraisonnables. Je puis témoigner du fait qu’au con-
traire, ils sont peut-être trop patients, ils ne sont pas déraison-
nables dans leurs demandes, ils sont réalistes, corrects et
justes; ils exercent toujours une pression sur le gouvernement,
ce à quoi nous avons réagi, mais je crois que cette pression est
nécessaire.
Le coprésident (M. Joyal): Merci beaucoup, monsieur
Crombie.
M. Crombie: Merci, monsieur le premier ministre.
Le coprésident (M. Joyal): Monsieur Landers, suivi de
monsieur Fred McCain.
M. Landers: Merci, monsieur le président.
Je désire également souhaiter la bienvenue au premier
ministre. Je vous félicite de la position que vous avez adoptée
et je vous fais part de tout le respect que je puis avoir pour
quelqu’un qui tente d’assurer ma défaite lors de chaque élec-
tion fédérale, sans toujours échouer.
Cela dit, je voudrais savoir si votre cabinet est solidaire sur
cette question et, dans l’affirmative, ou si vous croyez que c’est
le cas, étes-vous disposé à réprimander un certain ministre du
cabinet, représentant Saint-Jean, qui affirme que cette résolu-
tion entrainera la destruction de la Fédération canadienne
dans sa forme actuelle?
M. Hatfield: Je n’ai pas connaissance qu’on ait dit une telle
chose et j’affirme avoir l’appui du cabinet sur cette question.
M. Landers: Alors, si quelqu’un parlait ainsi en privé et que
je vous donnais le nom de cette personne, vous seriez disposé à
en discuter avec elle, n’est-ce pas?
M. Hstfield: Certainement, mais je crois que bien des gens
expriment certaines réserves quant à cette résolution, sans
toutefois s’y opposer ou proposer qu’elle soit rejetée.
M. Lanciers: J’ai appris récemment que lorsque les représen-
tants de la communauté francophone de Saint-Jean ont
demandé au ministère provincial de l’Education des fonds pour
la construction d’un centre culturel et d’une éoole francophone,
y compris une école secondaire francophone, on leur a dit
d’attendre après la prochaine élection provinciale. Je voudrais
savoir comment vous pouvez concilier cette réponse et la
position que vous adoptez ici aujourd’hui?
M. Hatfield: Une fois de plus, je ne sais pas qui leur a dit
cela. lls m’ont rencontré personnellement à ce sujet, et je leur
ai dit que j’ai essayé de trouver un moyen de respecter nos
engagements quant a la construction d’une école secondaire
pour assurer le plein éventail des services éducatifs en français
à Saint-Jean. Je crois que nous y travaillons. Compte tenu de
la réalité politique du Nouveau-Brunswick, je ne pense pas
pouvoir construire des centres culturels partout où il y a une
population francophone ou anglophone suffisante. Toutefois, je
suis disposé à faire des efforts comme le gouvernement l’a fait
à Fredericton. Comme je le disais, c’était un élément néces-
saire à la ville de Fredericton, capitale du Nouveau-Brunswick.
Cependant, comme je l’expliquais a ces gens qui réclamaient la
construction d’un centre culturel, je vais essayer d’obtenir les
installations qui serviront leurs intérêts et qui concrétiseront
bientôt à Saint-Jean notre politique d’assurer l’enseignement
en français jusqu’en 12e année.
M. Landers: Rappelons-nous que le premier ministre Davis
a invoqué des problèmes d’argent, et non de temps, dans cette
province d’Ontario qui est affligée par la pauvreté, je présume.
Cela dit, afin d’inciter le Nouveau-Brunswick et l’Ontario à
offrir l’enseignement en français, croyez-vous que si le gouver-
nement fédéral utilisait son portemonnaie autant que ses
cordes vocales, les choses iraient plus vite en Ontario et au
Nouveau-Brunswick?
M. Hatfield: Je m’inquiète du fait que le gouvernement
fédéral ait décidé de réduire les sommes consacrées à ce qu’on
appelle l’enseignement en langue minoritaire; nous aurons
besoin d’aide à l’occasion et, par exemple, le Manitoba a
peut-être besoin d’aide dans ce travail gigantesque qu’est la
traduction de ses statuts. Je ne sais pas si je puis parler ainsi.
A l’occasion, nous avons demandé l’aide du gouvernement
fédéral pour les cours de langue et pour la mise en oeuvre de
notre Loi sur les langues officielles; nous avons obtenu cette
aide. Nous n’avons pas obtenu tout ce que nous demandions,
ce qui est rare de toute façon.
Toutefois, je me préoccupe de cette réduction des sommes
consacrées aux langues officielles, car cela signifierait que
nous devrons ralentir nos programmes d’instruction en langue
seconde au Nouveau-Brunswick, ce que nous ne souhaitons
pas. Je puis vous assurer que la population du Nouveau-Bruns-
wick s’y oppose également, car un nombre toujours croissant
de parents, tant chez les francophones que chez les anglopho-
nes, demandent que leurs enfants bénéficient de cours dans
l’autre langue.
M. Landers: Puisque vous avez parlé de la souveraineté
canadienne, croyez-vous que le gouvernement britannique
devrait considérer le projet de résolution portant adresse com-
mune comme un bill du gouvernement et recourrir à une
convocation impérative.
M. Hatfîeld: Je ne sais pas ce que cela signifie. Je ne crois
pas que le gouvernement de la Grande-Bretagne ait le droit de
dire quoi que ce soit au sujet de la souveraineté du Canada. Je
crois que cette aberration dont nous sommes responsables au
Canada force le gouvernement de la Grande-Bretagne à agir,
comme il a l’intention de le faire; il nous a d’ailleurs prévenu, a
donné suite à l’adresse commune du Parlement et du Sénat du
Canada; effectivement, je crois que c’est une obligation. La
Grande-Bretagne a d’ailleurs intérêt à ce que cela se fasse avec
un minimum d’hésitation et de discussion et très rapidement.
En effet, il appartient au gouvernement de la Grande-Bretagne
de soumettre un bill au Parlement.
Le coprésident (M. Joyal): Merci, monsieur Landers.
M. Landers: Une dernière question, monsieur le présdient.
Le coprésident (M. Joyal): Je suis désolé, mais je dois m’en
tenir à la règle des cinq minutes. ll me reste huit noms sur ma
liste, et je tiens à ce que nous ayons tous la possibilité de poser
des questions à notre témoin.
M. Landers: Merci, monsieur le président.
Le coprésident (M. Joyal): Monsieur McCain, suivi de
l’honorable sénateur Goldenberg.
M. McCain: Monsieur le président, je suis très heureux que
notre premier ministre ait décidé de comparaître et de venir
défendre devant nous les principes auxquels il croit. Je pense
qu’il l’a fait avec beaucoup de courage et de conviction. ll est
évident que les premiers ministres voient les choses d’une façon
différente, qu’ils ont tous un courage et des convictions qui
leur sont propres: il est évident que les provinces ont élu pour
les diriger des hommes forts. Ce n’est pas parce que des
hommes forts ont été élus qu’ils vont forcément être d’accord
et toujours poursuivre des objectifs identiques. Et c’est peut-
étre pour cette raison que certains ont vu un échec dans le
processus de négociation entre le gouvernement fédéral et les
juridictions provinciales qui sont relativement indépendantes.
J’espère que les amendements constitutionnels qui seront effec-
tués laisseront aux premiers ministres cette même marge d’opi-
nion individuelle, cette même indépendance idéologique, et
leur permettront, tout comme le premier ministre Hatfield l’a
fait, de continuer à représenter leur province dans les négocia-
tions avec le gouvernement fédéral.
Il y a certaines choses dans cette résolution, certains détails
de forme qui mînquiètent. Ayant une certaine expérience de la
législature provinciale et de celle d’Ottawa, je ne suis pas
certain d’être d’accord avec la constitutionnalisation des paie-
ments de péréquation; en effet, ces dispositions vont faire
partie des droits constitutionnels avec la bénédiction du gou-
vernement; or, ce qui m’inquiète tout autant, c’est le fait
qu’elles soient constitutlonnalisées sans formule parce que cela
donne au gouvernement fédéral un pouvoir discrétionnaire et
risque fort de mettre certaines provinces, par exemple, n’im-
porte quelle province de l’Atlantique a l’heure actuelle, ainsi
que deux ou trois autres, dans une situation fort embarras-
sante. J’aimerais savoir comment, à votre avis, les différentes
provinces peuvent maintenir la sécurité de leur base économi-
que si une formule n’est pas constitutionnalisée en même
temps que le principe?
M. Hatfield: J’en conviens, cela mérite réflexion et j’aime-
rais beaucoup que nous parvenions à une formule qui soit
acceptable pendant très longtemps, pendant 20 ans par exem-
ple. Parce que tout comme vous, je m’inquiète du sort de
certaines provinces, et je ne parle pas de l’Ontario, de l’Alberta
ou de la Colombie-Britannique qui ne souffriraient pas telle-
ment d’une suppression de la péréquation, mais des autres qui
souffriraient beaucoup si le gouvernement fédéral décidait de
mettre fin à la péréquation; je précise que ce n’est pas un
jugement de valeur sur le gouvernement d’Ottawa. A l’excep-
tion d’une très courte période, depuis que je suis premier
ministre, j’ai toujours traité avec le même parti politique â
Ottawa, mais il me semble que ce grand principe de la
péréquation porte forcément atteinte à un autre grand principe
canadien, un principe politique, en ce qu’il rend le gouverne-
ment fédéral responsable de trouver l’argent pendant que les
gouvernements provinciaux reçoivent toutes les bénédictions.
Or, il arrive que les gouvernements provinciaux ne soient pas
aussi généreux et n’accordent pas au gouvernement fédéral
autant de crédit que nous ne l’avons fait au Nouveau-Bruns-
wick. Cette constatation faite, je crois que ce que nous avons
sous les yeux est un strict minimum. Nos préoccupations sont
valables et j’aimerais que ce principe de la péréquation soit
renforcé, car il peut faire beaucoup pour notre pays et égale-
ment pour notre processus politique.
Je ne crois pas que nous réussirons jamais à nous mettre
d’accord sur une formule; nous avons déjà eu suffisamment de
mal à nous mettre d’accord sur cet énoncé, et d’ailleurs nous
ne nous sommes même pas mis d’accord. Plus d’une province
se ferait tirer l’oreille et la raison pour laquelle certaines
provinces et le gouvernement fédéral ont accepté cela—et,
espérons-le, accepteront une meilleure version des intentions
qu’ils ont manifestées dans la résolution-bref, c’est à mon
avis, un succès considérable et je pense que nous devrions
l’utiliser pour conserver la formule.
Le coprésident (M. Joyal): Thank you very much, Mr.
McCain, je vous remercie beaucoup. Il me reste les noms de
trois collègues de votre côté, et puis . . .
M. McCain: Une observation très courte, je vous prie. Je
serai très bref.
Le coprésident (M. Joyal): Bon, allez-y.
M. McCain: Vous étes tout dévoué au programme du
bilinguisme, mais ce qui m’inquiète c’est que lorsque le gouver-
nement fédéral a assumé la responsabilité de ce programme, le
premier chiffre qui avait été cité avait été 200 millions de
dollars. Je crois que la somme ne fut jamais dépensée, mais en
1978-1979, elle fut ramenée de 168 millions à 140 millions de
dollars. Votre ministre de l’Education veut aujourd’hui réser-
ver 5 p. 100 de son budget, c’est-à-dire 13.6 millions de dollars,
sous forme de dépenses supplémentaires dans les écoles profes-
sionnelles, etc. Or, s’il veut réduire les allocations au bilin-
guisme que ce gouvernement s’est engagé à verser, il sera très
difficile de continuer a croire en une constitutionnalisation de
la péréquation telle qu’elle existe actuellement. Je crois que
nous devons nous en inquiéter.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Le coprésident (M. Joyal): Merci, monsieur McCain.
[Texte]
Je voudrais maintenant inviter l’honorable sénateur Golden-
berg, suivi de l’honorable John Fraser.
Le sénateur Goldenberg: Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Tout comme mes collègues, je veux vous féliciter, monsieur
le premier ministre Hatfield, pour la façon éloquente et coura-
geuse dont vous avez défendu vos opinions. Vous venez de
prouver une fois de plus quel magnifique Canadien vous êtes.
Je n’ai qu’une question à soulever, c’est le concensus, dont
on vous a déjà parlé à plusieurs reprises. Vu l’impression que
j’ai, en écoutant les questions qui vous ont été posées, qu’on
prenait pour acquis que si les dix premiers ministres provin-
ciaux se mettaient d’accord, le gouvernement fédéral serait
obligé de suivre. D’autre part, ce que vous avez dit de la
responsabilité du Parlement fédéral m’a beaucoup intéressé.
Pensez-vous qu’en parvenant à un concensus—il ne s’agit
pas forcément d’unanimité—les premiers ministres pourraient
forcer le gouvernement fédéral à se soumettre, ou bien êtes-
vous d’accord avec Sir John A. MacDonald qui, dans une
lettre datée du 14 mai 1886 écrivait au lieutenant-gouverneur
de la Nouvelle-Ecosse:
Pour toutes les questions relatives aux relations entre le
Dominion et la province, les représentants de la Nouvelle-
Eccsse siègent au Parlement du Dominion et sont les
défenseurs constitutionnels des désirs de la population
dans le cadre de ces relations.
M. Hatfield: Non, je ne suis pas d’accord, je ne crois pas
qu’un concensus des provinces constitue une obligation pour le
Parlement du Canada, que ce soit légalement ou moralement.
Par contre, je crois, et j’espère, que cela pourrait constituer
une obligation politique; je veux parler d’un concensus vérita-
ble, mettant en cause l’ensemble de la population. Par contre,
s’il s’agissait d’un concensus comme’ celui auquel on est par-
venu dans 1e cas de la juridiction commune sur les pêches, ce
serait autre chose; d’ail1eurs, cela n’a pas duré très longtemps,
parce qu’au départ les convictions n’étaient pas très profondes.
Je pense effectivement que les sessions du Parlement sont
trop longues et que les députés passent trop de temps à Ottawa
pendant l’année, mais je ne crois pas qu’ils aient perdu pour
autant le contact avec la réalité politique, et je ne pense pas
non plus que les premiers ministres aient perdu ce contact.
Dans le cas d’un consensus très large, je crois que le
Parlement réagirait favorablement. C’est probablement un
acte de foi et rien d’autre; ce n’est pas quelque chose que je
pourrais prouver devant un tribunal. Non, c’est simplement
qu’à mon avis le système est efficace.
Le sénateur Goldenberg: Mais vous ne pensez pas qu’il
faudrait rendre ce consensus obligatoire pour le Parlement
fédéral?
M. Hatfield: Non.
Le sénateur Goldenberg: Merci.
Le coprésident (M. Joyal): Merci beaucoup, sénateur Gol-
denberg. L’honorable John Fraser, une question très courte.
M. Fraser: Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur le premier ministre, je m’associe à mes collègues
pour vous souhaiter la bienvenue et, pour commencer, je vous
félicite du courage dont vous avez fait preuve dans vos déclara-
tions au cours des années, en particulier chaque fois que vous
avez défendu les droits linguistiques des francophones de ce
pays. Ceci étant dit, je suis entièrement d’accord avec vous et
je passe à un autre sujet parce que, représentant au Parlement
une circonscription de l’Ouest, je m’inquiète de vous entendre
dire certaines choses et donner certaines impressions; je ne sais
pas si vous l’aviez fait intentionnellement, mais vous semblez
penser que cette proposition que nous avons sous les yeux, pour
imparfaite qu’elle soit, doit être adoptée si nous ne pouvions
pas nous mettre d’accord pour la modifier. Vous semblez
penser qu’il vaut mieux l’adopter, ne serait-ce que pour avoir
une formule d’amendement et pouvoir effectuer des change-
ments. Vous dites que vous êtes prêt à constitutionnaliser des
dispositions qui ne vous plaisent pas, dans l’espoir qu’un jour
vous réussirez à persuader quelqu’un de s’en débarrasser.
Maintenant, vous nous dites également que nous ne devons
pas demander l’avis des experts. Nous avons une liste des
experts qui doivent comparaître et, soit dit en passant, ceux
que nous avons entendus jusqu’ à présent défendent les mêmes
principes que vous, mais en même temps nous disent de ne pas
adopter ce projet sous sa forme actuelle. Je vois très mal
comment votre proposition qui est d’adopter ce projet, pour
regrettable qu’il soit, dans l’espoir de pouvoir le modifier plus
tard, pourra servir à quelque chose. Comment cela peut servir
à promouvoir l’unité nationale? Cela m’échappe complète-
ment.
Alors, monsieur le premier ministre, je vous demande si vous
vouliez vraiment dire que pour incomplète et insatisfaisante
que soit cette proposition, nous devons l’adopter; je vous
rappelle que si nous l’adoptions sous sa forme actuelle, même
en vertu de l’article 41, l’Ontario pourra éternellement faire
échec à vos désirs de réforme linguistique; d’autre part, vous
n’êtes peut-être pas en faveur d’un référendum, mais un gou-
vernement fédéral qui ne se montre pas à la hauteur des
espoirs et des attentes de décence et d’ouverture d’esprit que
vous défendez pourrait organiser un référendum à n’importe
quel moment.
M. Hatfield: Pour commencer, je n’ai pas dit qu’il ne fallait
pas prendre l’avis des experts. J’ai dit que vous ne deviez pas,
vous qui êtes des représentants élus, considérer que vous étes
dans une position d’infériorité lorsque vous êtes appelés à faire
un jugement politique, ni vous abaissez devant un universitaire
ou un fonctionnaire, etc.
J’ai personnellement le plus grand respect pour le processus
politique. Je pense que le métier d’homme politique est une des
meilleures professions au monde, je n’en préférerais aucune
autre.
J’ai écouté les experts, j’ai parlé avec eux. J’ai réfléchi à ce
qu’ils m’ont dit et je suis certain que vous devez faire de même.
Mais dans le cas qui nous occupe, ce qu’il faut c’est un
jugement politique. Vous avez été élus pour exercer ce juge-
ment politique, et je vous prie instamment de le faire.
En second lieu, notre système doit forcément se fonder sur la
confiance. A mon sens, pour réussir, vous devez être convaincu
non pas que le pire va se produire, mais que le meilleur va
arriver. C’est ma conviction personnelle.
Je disais déjà cela au moment où nous discutions de la
formule Favreau en 1960 à la législature du Nouveau-Bruns-
wick. J’avais déjà de graves réserves à exprimer, mais aujour-
d’hui, nous devons nous occuper du rapatriement de notre
constitution.
Il est impossible d’en surestimer l’importance, impossible de
surestimer les frustrations que nous avons éprouvées, année
après année, nous qui voyons l’importance de cette entreprise,
qui prévoyons certaines choses pour assister ensuite à leur
réalisation.
Mais je vous assure que si vous attendiez d’avoir un consen-
sus, si vous attendiez d’être certains que tout le monde vous
suit, que tous les experts sont d’accord, tout ce que vous
récolterez, ce sera un nouveau délai. Vous n’arriverez à rien
d’autre.
Donc, récupérer la constitution, et puis faites confiance au
système. Si les Canadiens voulaient un référendum, ils l’au-
raient. Ils en ont déjà eus, ils peuvent en avoir d’autres. De
mon côté, je ferai tout ce que je pourrai pour les dissuader
d’adopter cette solution; j’essaierai de les persuader de
l’éliminer.
Le coprésident (M. Joyal): Merci beaucoup, monsieur
Fraser.
M. Fraser: Monsieur le coprésident, permettez-moi une
observation. Nous sommes ici pour réviser une constitution et
les dispositions de cette constitution seront là pour nous proté-
ger si le pire et non pas le meilleur se produit.
M. Hatfield: Monsieur le coprésident, moi aussi je suis
appelé à exercer mon jugement politique. Je respecte les
opinions exprimées par les autres, je vous assure que je les
respecte. J’ai toujours essayé d’être juste et d’écouter; j’ai
toujours fait mon possible pour comprendre.
Mais en même temps, je demande aux autres de respecter
mes opinions et de croire que j’exprime ces opinions non pas
parce que je suis aveugle ou négligent, mais parce que j’ai la
conviction de ce que je dis, de ce que je répète d’ailleurs depuis
assez longtemps et toujours publiquement.
J’assiste a beaucoup d’événements qui ne me plaisent pas. Il
y a beaucoup de choses au Nouveau-Brunswick qui relèvent de
ma responsabilité et qui ne me plaisent pas, mais tant que je
n’aurai pas trouvé le moyen de les changer, je suis obligé de les
supporter.
Le coprésident (M. Joyal): Merci beaucoup, monsieur
Fraser.
Je présente mes excuses aux honorables députés qui n’ont
pas pu prendre la parole cet après-midi. Ils sont cinq. Je vais
vous donner leurs noms pour que notre témoin sache qu’ils
désiraient lui parler. Il s’agit de l’honorable Perrin Beatty, de
l’honorable Jake Epp, de l’honorable Bryce Mackasey, de M.
Jean Lapierre et, bien sûr, de M. Herb Breau.
Monsieur le premier ministre, je crois que vous avez un
rendez-vous à 18 h 00 précises, ce qui va vous obliger à nous
quitter. C’est pour cette raison que nous interrompons la
séance.
Je vous remercie donc au nom de l’honorable sénateur Hays,
coprésident de ce Comité, et au nom de tous les membres de ce
Comité d’avoir accepté de répondre à toutes les questions qui
vous ont été posées, même celles à caractère local. Vous avez
répondu avec beaucoup de franchise et vous êtes dignes d’être
pris en exemple par tous les Canadiens qui regardent nos
délibérations. En effet, le Canada est fait d’hommes et de
femmes qui ont des convictions fermes et qui sont prêts à se
lever pour les défendre.
Je vais terminer avec une cituation du philosophe français
de la Renaissance, Montaigne, qui a dit:
[Texte]
Je me commande de faire tout ce que j’ose dire tout haut.
Traduit très librement cela signifie: «I order myself to do
everything that I dare to speak loudly».
[Traduction]
Je crois que vous êtes l’exemple vivant de cette maxime.
Merci beaucoup.
[Texte]
La séance est donc ajournéejusqwà 9 h 30 demain matin où
nous entendrons les représentants de la Saskatchewan Human
Rights Commission.
The meeting is adjourned to 9.30 a.m. tomorrow when we
will hear the Saskatchewan Human Rights Commission.
TÉMOINS
Le jeudi 4 décembre 1980
A 9 h 30 du matin
De l’Association canadienne des conseillers scolaires catholi-
ques:
M. Philip Hammel, président;
Révérend Patrick Fogarty, secrétaire exécutif.
A 15 h 30
Du gouvernement du Nouveau-Brunswick:
L’honorable Richard B. Hatfield, premier ministre du
Nouveau-Brunswick.