Procès-verbaux et témoignages du Comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes sur la Constitution du Canada, 32e parl, 1re sess, nº 36 (12 janvier 1981).


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Date: 1981-01-12
Par: Canada (Parlement)
Citation: Canada, Parlement, Procès-verbaux et témoignages du Comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes sur la Constitution du Canada, 32e parl, 1re sess, nº 36 (12 janvier 1981).
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SÉNAT
CHAMBRE DES COMMUNES

Fascicule n° 36

Le lundi 12 janvier 1981

Coprésidents:
Sénateur Harry Hays, c.p.
Serge Joyal, député

Procès- verbaux et témoignages
du Comité mixte spécial
du Sénat et de
la Chambre des communes sur la

Constitution
du Canada

CONCERNANT:

Le document intitulé «Projet de résolution portant
adresse commune à Sa Majesté la Reine
concernant la Constitution du Canada», publié par
le gouvernement le 2 octobre 1980

COMPARAÎT:

L’honorable Jean Chrétien,
Ministre de la Justice et Procureur
général du Canada

TÉMOINS:

(Voir à l’endos)

Première session de la
trente-deuxième législature, 1980-1981

COMITÉ MIXTE SPÉCIAL DU SÉNAT
ET DE LA CHAMBRE DES COMMUNES
SUR LA CONSTITUTION DU CANADA

Coprésidents:

Sénateur Harry Hays. c.p.
Serge Joyal, député

Représentant le Sénat:

Les sénateurs:

Connolly
Goldenberg
Lamontagne
Lucier
Murray
Petten
Roblin
Tremblay
Wood—10

Représentant la Chambre des communes:

Messieurs

Beatty
Bockstael
Campbell (Miss)
(South West Nova)
Corbin
Crombie
Epp
Hawkes
Henderson
Irwin
Mackasey
McGrath
Nystrom
Robinson (Burnaby)
Tobin—15

(Quorum 12)

Les cogreffiers du Comité
Richard Prégent
Paul Bélisle

Conformément à l’article 65(4)b) du Règlement de la Cham-
bre des communes

Le lundi 12 janvier 1981:

Mlle Campbell (South West Nova) remplace M. Dionne
(Northumberland-Miramichi);
M. Tobin remplace M. Baker (Gander-Twillingate);
M. Beatty remplace M. Friesen;
M. Robinson (Eurnaby) remplace M, Rose.

Conformément à un ordre du Sénat adopté le 5 novembre
1980:

Le lundi 12 janvier 1981:

Le sénateur Connolly remplace le sénateur Wood;
Le sénateur Wood remplace le sénateur Williams;
Le sénateur Goldenberg remplace le sénateur Lapointe;
Le sénateur Murray remplace le sénateur Asselin;
Le sénateur Lamontagne remplace le sénateur Lafond.

PROCÈS-VERBAL

LE LUNDI 12 JANVIER 1981
(65)

[Traduction]

Le Comité mixte spécial sur la Constitution du Canada se
réunit aujourd’hui à 20 h 13 sous la présidence de M. Serge
Joyal (coprésident).

Membres du Comité présents:

Représentant le Sénat: Les honorables sénateurs Connolly,
Goldenberg, Hays, Lamontagne, Lucier, Murray, Petten,
Roblin, Tremblay et Wood.

Représentant la Chambre des Communes: MM. Beatty,
Bockstael, Mlle Campbell (South West Nova), MM. Corbin,
Crombie, Epp, Friesen, Hawkes, Henderson, Irwin, Mackasey,
McGrath, Nystrom, Robinson (Burnaby), Rose et Tobin.

Autres députés présents: Mlle Jewett et M. Waddell.

Comparait: L’honorable Jean Chrétien, ministre de la Jus-
tice et Procureur général du Canada.

Aussi présents: Du Service de recherches de la Bibliothèque
du Parlement: MM. Paul Martin, John McDonough et Louis
Massicotte, recherchistes.

Témoins: Du ministère de la Justice: M. Roger Tassé, c.r.,
sous-ministre et M. B. L. Strayer, c.r., sousministre adjoint,
Droit public.

Le Comité reprend l’étude de son Ordre de renvoi du Sénat
du 3 novembre 1980 et de son Ordre de renvoi de la Chambre
des communes du 23 octobre 1980, tous deux portant sur le
document intitulé «Projet de résolution portant adresse com-
mune à Sa Majesté la Reine concernant la Constitution du
Canada» publié par le gouvernement le 2 octobre 1980. (Voir
procès-verbal du jeudi 6 novembre 1980, Fascicule n° 1 ).

Il est convenu,—Que la question de la prochaine séance du
Comité et des délibérations soit renvoyée au Sous-comité du
programme et de la procédure.

Du consentement unanime, le titre, le préambule, l’adresse,
le projet de loi sur le Canada, l’annexe A du projet de loi sur le
Canada sont réservés.

Le président met en délibération 1’artic1e 1 du projet de loi
sur la Constitution.

Le ministre fait une déclaration puis, avec les témoins,
répond aux questions.

A 22 h 03, le Comité suspend ses travaux jusqu’à nouvelle
convocation du président.

Les cogreffiers du Comité

Richard Prégent
Paul Bélisle

TÉMOIGNAGES
(Enregistrement électronique)
Le 12 janvier 1981

[Texte]

Le coprésident (M. Joyal): A l’ordre, s’il vous plaît.

[Traduction]

Je demanderais aux représentants de la presse munis de
magnétophones et de caméras de quitter la salle afin que nous
puissions ouvrir la séance.

[Texte]

Je prierais les membres des media qui disposent d’équipe-
ment d’enregistrement du son ou de l’image de bien vouloir
quitter la salle afin que les honorables membres du Comité
puissent reprendre l’étude du projet et entendre le témoin
invité ce soir.

[Traduction]

Avant de présenter nos témoins, je tiens à signaler aux
honorables membres du Comité que nous entreprenons dès ce
soir une nouvelle étape dans l’étude du projet de résolution
dont nous avons été saisis par la Chambre des communes et le
Sénat du Canada.

Messieurs les membres du Comité voudront sûrement discu-
ter de notre façon de procéder dans les jours qui viennent lors
de l’étude article par article du projet de résolution, et peut:
être serait-il opportun de réunir les membres du Sous-comité
du programme et de la procédure dans les plus brefs délais.
Nous pourrions nous réunir des demain pour les discussions en
sous-comité puissent éclairer les coprésidents, surtout du fait
que des députés ont exprimé depuis quelques jours le souhait
de déposer de nombreux amendements. Je suis sûr que l’hono-
rable sénateur Hays conviendra avec moi que les coprésidents
peuvent être utiles aux députés en s’efforçant de les aider à
améliorer les motions qu’ils envisagent de présenter. Confor-
mément au Règlement de la Chambre des communes, nous
demanderons les conseils et les opinions du membres du
Comité par l’intermédiaire du Comité directeur pour que tous
les partis réunis autour de cette table aient voix au chapitre et
pour que nos délibérations soient facilitées, comme ce fut le
cas lors de la première phase de notre travail, au cours de
laquelle nous avons entendu des groupes et des citoyens
canadiens.

Si nous avons l’assentiment de tous les partis réunis ici, nous
pourrions. à l’issue de la séance, convenir du moment ou se
réunira le Comité directeur pour preparer le travail des jours a
venir.

Ai-je l’assentiment des membres là-dessus?

Honorable Jake Epp.

M. Epp: Monsieur le président, vous avez tout à fait raison
de dire que nous avons besoin de directives pour nos délibéra-
tions lors de la prochaine étape de nos travaux. Ainsi, je pense
que nous sommes tous d’accord pour vous donner le mandat de
réunir le Comité directeur dès demain matin.

Le coprésident (M. Joyal): Monsieur Nystrom.

M. Nystrom: Au nom de mon parti, je vous donne notre
consentement pour réunir le Comité directeur en temps oppor-
tun. Je pense qu’il nous faut discuter de nos délibérations.
Nous avons déjà soulevé quelques questions au sujet des
amendements, au sujet du genre d’amendements dont nous
pourrions discuter, c’est-à-dire, la possibilité de présenter des
amendements sans aucune référence a un article du projet de
résolution. Je pense donc qu’il est souhaitable que nous
réglions cette question dès que possible et que tous les partis
s’entendent là-dessus.

Le coprésident (M. Joyal): Merci, monsieur Nystrom.

L’honorable Bryce Mackasey, sur le même point.

M. Mackasey: Monsieur le président, je me rallie à votre
opinion et à celles qui viennent d’être exprimées. Il serait
judicieux de consacrer dès à présent quelques heures à ce sujet
afin de pouvoir gagner du temps plus tard.

Quoi qu’il en soit, pourriez-vous nous dire, d’ici une heure
ou deux, quand aura lieu la prochaine séance du Comité, et
j’exclus ici toute séance du Comité directeur.

Voulez-vous dire que pendant que le Comité directeur se
réunira pour discuter de ces questions-là, le Comité plénier ne
siégera pas?

Le coprésident (M. Joyal): Tout comme moi, monsieur
Mackasey, vous reconnaîtrez que puisque les deux coprésidents
font partie du Sous-comité du programme et de la procédure,
il serait difficile de réunir le Comité plénier simultanément à
moins qu’on décide d’élire des coprésidents suppléants. Je
donnerai la parole à M. Jake Epp dans un instant, car je tiens
a ajouter qu’à mon avis il est entendu que si le Sous-comité se
réunit, le Comité mixte spécial ne peut pas se réunir en même
temps.

Cela répond-t-il à votre question?

M. Mackasey: Vous y avez répondu d’une façon mitigée.
J’hésitais à soulever la question. mais si je vous ai bien
compris, le Comité ne se réunira pas demain matin, car le
Sous-comité se réunira à ce moment-là, n’est-ce pas?

Le coprésident (M. Joyal): C’est ce que nous envisageons, a
moins que vous ayez une autre proposition à nous faire.

Monsieur Epp.

M. Epp: Monsieur le président, nous voulons aller un petit
peu plus loin que M. Mackasey.

Il m’est facile d’admettre ce qu’il» propose, mais j’ai eu
l’occasion de m’entretenir en privé avec vous, monsieur le
président, de même qu’avec le ministre de la Justice. Il s’agis-
sait évidemment d’entretiens officieux. Le ministre a eu l’obli-
geance de nous donner d’avance un exemplaire des amende-
ments qu’il propose ce soir, et j’ai donc disposé de deux heures
pour les étudier. Je pense qu’il est important, une fois que le
ministre aura fait ses propositions ce soir, que nous disposions
d’une période de réflexion pour en étudier les répercussions. Il
s’agirait d’une trêve, à défaut d’une meilleure expression.

Je vous ai parlé à vous et au ministre, comme je viens de le
dire, et nous envisageons un battement de deux jours, mardi et
mercredi de cette semaine, pour que nous puissions réfléchir
aux propositions gouvernementales. Je pense que le ministre
est d’accord avec nous et qu’il est important que nous nous
entendions tous là-dessus, ce soir, avant de lever la séance.

Le coprésident (M. Joyal): Monsieur Nystrom.

M. Nystrom: J’ai quelque chose à ajouter sur le même sujet,
et puisque certains d’entre nous ont eu la chance de parcourir
les nombreux amendements proposés par le ministre, dont
certains auraient des incidences complexes, il conviendrait
peut-être de se réserver quelques jours pour en approfondir
l’étude et y réfléchir.

Peut-être voudrez-vous accepter une motion de M. Epp, que
le Comité se réunisse de nouveau jeudi matin à 9 h 30, si bien
que nous disposerions de mardi et mercredi pour réfléchir et
étudier les amendements dont nous sommes saisis. Si M. Epp
ne peut pas proposer cette motion, je le ferai et demanderai
que nous nous réunissions de nouveau jeudi matin à 9 h 30.

Le coprésident (M. Joyal): Monsieur Mackasey, vous avez
la parole. Je reviendrai à vous, monsieur Epp.

Monsieur Mackasey.

M. Mackasey: Monsieur le président, je ne voudrais pas que
nous débattions d’une motion tout de suite, car je désirerais
obtenir quelques renseignements supplémentaires.

Ce n’est pas le ministre qui décide quand le Comité siégera.
Ce sont les membres du Comité. Ma remarque est faite en
toute candeur sans nulle intention de me montrer irrespec-
tueux.

Je comprends bien que nous puissions vouloir disposer de
deux jours entiers pour discuter des répercussions ou de l’inci-
dence des amendements, dont la matière est abondante. Nous
n’avions pas prévu cela.

Je suis, en principe, en faveur de la proposition qui est faite.
Néanmoins, quand les partis d’opposition présenteront les
nombreux amendements, tout à fait légitimes, qu’ils entendent
proposer, nous faudra-t-il également renier deux jours de
délibérations pour en étudier les répercussions?

M. McGrath: Pourquoi pas?

M. Mackasey: Pourquoi pas? Parce que nous ne voulons pas
siéger jusqu’au mois de juin, notre mandat ne nous le permet-
tant pas. Je crois que nous avons suffisamment de temps si
nous l’utilisons à bon escient. Je n’ai pas d’objection de prin-
cipe au délai de 48 heures; je n’en vois tout simplement pas le
besoin.

Je pourrais comprendre que le Comité directeur nous recom-
mande un délai d’attente, mais ce n’est pas à nous de le faire.
Tant que le Comité directeur n’aura pas eu l’occasion d’en
discuter, je prie l’opposition de ne pas présenter de motion
exigeant un délai de 48 heures. Vous obtiendriez un consente-
ment unanime, si votre motion demandait tout simplement que
la question soit renvoyée au Comité directeur pour étude.

Le coprésident (M. Joyal): M. Robinson, sur le même sujet.

M. Robinson: Merci, monsieur le président.

Je crois qu’une motion a déjà été présentée. Je suis heureux
d’entendre M. Mackasey dire qu’il n’a aucune objection au
délai de 48 heures, car il ne faut surtout pas négliger le fait
que nous faisons tous partie de caucus qui, à ma connaissance,
ne se réunissent pas avant mercredi. On nous présente une pile
de modifications fort importantes. et nous devrions tous avoir
l’occasion d’en discuter sérieusement avec nos caucus respec-
tifs, avant que nous n’entreprenions l’étude article par article
en comité.

Je trouve donc la motion raisonnable et je suis heureux de
voir que M. Mackasey n’a rien contre un délai de 48 heures.

M. Mackasey: Monsieur le président, finvoque le Règle-
ment. Je n’ai pas précisé 48 heures. J’ai tout simplement dit
que j’étais disposé à accepter personnellement que le Comité
directeur nous recommande un certain délai d’attente, qu’il
soit de 48 heures, de 4 heures ou de 96 heures. Nous devons
d’abord connaître l’opinion éclairée du Comité directeur puis-
que c’est là sa responsabilité,

Je ne veux pas me faire piéger à nouveau comme ce fut le
cas au début de nos délibérations. Je ne veux pas qu’à nouveau
le Comité se mette à donner des ordres au Comité directeur.
C’est le contraire qui doit se produire. Je n’ai aucune objection
de principe à ce que les travaux soient ajournés, mais je ne suis
pas disposé à voter immédiatement en faveur d’un délai de 48
heures, par exemple, puisqu’il se pourrait qu’on ait besoin d’un
délai plus long ou peut-être même plus court.

Le coprésident (M. Joyal): Merci, monsieur Mackasey.

L’honorable Jake Epp.

M. Epp: Monsieur le président, j’espère que cela tire à sa
fin. M. Mackasey vient de tomber dans le piège qu’il a
lui-même tendu. Monsieur le président, il est essentiel que ces
modifications soient étudiées en caucus. Je signale aussi à M.
Mackasey que l’Opposition n’a pas encore décidé quand elle
présentera ses modifications et je vais vous expliquer pourquoi
afin que chacun comprenne bien.

Nous interrogerons longuement le ministre à propos des
modifications qu’il présente et aussi à propos de certains
témoignages que nous avons entendus. En effet, certains
témoins ont posé des questions et les députés ministériels ont
dit que le ministre viendrait répondre à ces questions plus tard.
Je suis heureux de voir que le ministre est maintenant disponi-
ble pour toute la durée de nos délibérations, comme il le dit
lui-même à la fin de sa déclaration. Nous lui en sommes très
reconnaissants.

Toutefois, outre le ministre de la Justice, d’autres ministères
pourraient fort bien être concernés par certaines des disposi-
tions du projet de résolution.

Je songe par exemple au ministère des Affaires indiennes et
du Nord, qui dispose de toute une équipe de conseillers juridi-
ques chargés d’étudier l’effet sur ce ministère du projet de
résolution s’il devait être adopté dans sa forme actuelle.

D’autres modifications seront également proposées. Nous ne
voulons donc pas donner à tous les membres du Comité
l’impression que nous allons présenter tout de suite nos modifi-
cations, avant même d’avoir eu l’occasion d’interroger le minis-
tre de la Justice et d’autres encore, à propos des ramifications
possibles des amendements proposés par le gouvernement. Ce
n’est qu’après seulement que l’Opposition déposera les siens.

Monsieur le coprésident, inutile de retarder nos travaux plus
longtemps.

Je propose donc que la question des prochaines séances du
Comité et de tout son horaire soit renvoyée au Sous-comité.

M. Mackasey: Je suis d’accord avec vous.

Le coprésident (M. Joyal): Si les membres sont d’accord, je
vais maintenant céder la parole à M. Irwin qui va clore le
débat.

Monsieur Irwin.

M. Irwin: Monsieur le coprésident, je suis en faveur de la
motion. L’Opposition a besoin d’un certain temps et le Comité
directeur a lui aussi besoin d’un peu de temps pour étudier la
situation. Ce n’est pas tous les jours que trois partis doivent
étudier l’amendement de la constitution. Toutes ces modifica-
tions sont importantes et la question doit certainement être
étudiée par le Comité directeur.

Le coprésident (M. Joyal): Je vous remercie, monsieur
Irwin.

Je constate que tous les partis sont d’accord.

Je suis donc très heureux d’accueillir, au nom de tous les
membres du Comité et de l’honorable sénateur Hays, le minis-
tre de la Justice. Nous en sommes à un nouveau stade de nos
travaux, à savoir l’étude article par article du projet de motion.

Afin de pouvoir permettre au ministre de témoigner, je
demanderais aux membres du ‘Comité d’accepter de réserver le
titre, le préambule et l’Annexe A du projet de résolution. Nous
passons donc à l’article 1 de I’Annexe B.

Article 1—Droits et libertés au Canada.

Le coprésident (M. Joyal): J’invite maintenant le ministre
de la Justice à nous faire sa déclaration.

[Texte]

Monsieur le ministre Jean Chrétien.

L’honorable Jean Chrétien (ministre de la Justice): Merci,
monsieur le président.

Tout d’abord, je voudrais offrir à tous les membres de ce
Comité mes meileurs vœux pour l’année 1981.

J’espère que nous pourrons régler ce problème-là dans les
premiers mois de l’année et je voudrais aussi profiter de
l’occasion pour remercier les hon. députés et sénateurs de ce
Comité pour le travail très efficace qu’ils ont fourni à l’étude
de cette résolution au cours des derniers mois. Le nombre
d’heures passées par les membres de ce Comité a été extrême-
ment utile. Ils ont, comme je le dirai tantôt dans mon discours,
reçu un très grand nombre de témoins.

Alors, je les remercie bien sincèrement pour l’excellent
travail qu’ils ont offert au Comitéjusqu’à daté,

J’ai avec moi ce soir, monsieur le président, mon sous-minis-
tre, M. Roger Tassé, et mon sous-ministre adjoint, M. Barry
Strayer, qui sont les témoins numéro 1 et numéro 3 et moi, en
bon libéral, je suis le témoin du milieu, numéro 2.

[Traduction]

Depuis ma dernière présence devant ce Comité, le 13
novembre dernier, vous avez consacré plus de 175 heures à
étudier lé projet de résolution sur la constitution. Vous avez
entendu quelque 300 témoins qui parlaient au nom d’une
centaine de groupés provenant de toutes les régions du pays.
De plus, quatre premiers ministres provinciaux sont venus
exposer les points de vue de leur gouvernement respectif,
Enfin, de nombreuses propositions constructives vous sont
parvenues sous formé de documents écrits.

J’ai étudié très attentivement, tant ces documents écrits que
ces témoignages. Bien entendu, j’ai aussi ténu compte des
opinions émises par les membres de ce Comité durant ses
délibérations.

J’ai pu également profiter des conseils de ceux d’entre vous
qui sont membres du gouvernement, membres du caucus du
parti libéral ou membres du Cabinet. Ainsi le gouvernement
s’est mis à l’écoute des opinions que les Canadiens ont bien
voulu exprimer devant ce Comité.

Je déposé aujourd’hui devant vous un document qui mét en
lumière, au profit des membres du Comité, tous les projets de
modification de la résolution que je suis disposé à recomman-
der a ce stade-ci.

On n’a cessé de vous répéter le désir des Canadiens dé
posséder une Charte des droits et libertés, Vous avez entendu
cette volonté exprimée par l’Association canadienne des libér-
tés civiles, par des groupements en faveur des droits de la
personne ét des libertés civiles, par l’Association du Barreau
canadien, par lé Conseil consultatif canadien de la situation dé
la femme, par le Conseil consultatif canadien sur le multicul-
turalisme, par dés représentants dé groupés religieux, par le
Congrès juif canadien, par dés représentants des minorités de
l’une ou l’autre des langues officielles, ainsi que par des
représentants des groupes ethniques qui, avec nous tous, for-
ment ce pays.

Le témoignage éloquent et émouvant de l’Association des
Japonais canadiens m’a impressionné, de même que celui dé la
Coalition nationale des Noirs, où l’on parle au nom des gens
qui ont été victimes de discrimination au Canada.

Le projet de charte qui fait maintenant l’objet de votre
analysé est le résultat de compromis auxquels en sont vénus le
gouvernement fédéral et les provinces au cours de l’été dernier.
Plusieurs témoins vous ont dit que les Canadiens ne sont pas
satisfaits du genre de compromis qui affaiblit l’efficacité de la
protection constitutionnelle des droits et libertés. J’accepte,
quant à moi, la légitimité d’une telle critique.

Je veux aujourd’hui annoncer la volonté du gouvernement de
proposer dés changements majeurs au projet de résolution, afin
dé renforcer la protection des droits et libertés dans la charte.

Article premier: Beaucoup de témoins et la plupart des
députés ont exprimé des réserves au sujet de l’article 1 de la
Charte canadienne des droits et libertés. On prétend que dans
sa version actuelle, ce texte laisse au Parlement, puis aux
assemblées législatives, trop de possibilités de réduire les droits
et libertés.

Le but du texte original, c’était de nous assurer que les
citoyens, les assemblées législatives et les tribunaux n’allaient
pas considérer les droits comme étant absolus, mais plutôt
comme des droits raisonnablement délimités. Alors que d’au-
cuns prétendaient qu’aucune disposition restrictive n’était
requise, la plupart des témoins en ont vu la nécessité, tout en
souhaitant que la formulation en soit améliorée.

Vous avez reçu des recommandations très constructives. Au
nom du gouvernement, je suis prêt à accepter une modification
semblable à celle que proposaient monsieur Gordon Fairwea-
ther, président de la Commission canadienne des droits de la
personne, et le professeur Walter Tarnopolski, président de
l’Association canadienne des libertés civiles. La formulation
que je propose ici tend à rendre les dispositions restrictives
encore plus strictes que ne le faisait le texte proposé par
messieurs Fairweather et Tarnopolski. Je recommande que
l’article 1 se lise ainsi:

La Charte canadienne des droits et libertés garantit les
droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être
restreints que par une règle de droit, dans les limites qui
soient raisonnables et dont la justification puisse se
démontrer dans le cadre d’une société libre et démocrati-
que.

Ainsi s’assure-tvon que toute restriction est non seulement
raisonnable et prescrite par la loi, mais que l’on peut aussi en
démontrer la justification.

Article 2: Pour ce qui regarde les libertés fondamentales, le
gouvernement est prêt à accepter la recommandation que lui
fait l’Association du Barreau canadien d’établir une distinction
à l’article 2 entre la liberté de réunion pacifique et la liberté
d’association.

Les garanties juridiques: On est revenu à plusieurs reprises
sur les articles 8 et 9. Le gouvernement est prêt à accepter la
recommandation du premier ministre Hatfield du Nouveau-
Brunswick et de certaines associations, comme l’Union cana-
dienne pour les libertés civiles, le Congrès juif canadien,
l’Eglise unie, l’Association du Barreau canadien et d’autres,
afin que ces articles soient modifiés comme suit:

8) Chacun a droit à la protection contre les fouilles. les
perquisitions et les saisies illégales.

9) Chacun a droit à la protection contre la détention ou
l’emprisonnement arbitraires.

En d’autres termes, cela signifie que le caractère illégal des
fouilles, perquisitions et saisies devient le critère du droit à la
protection contre ces mesures, plutôt que celui prévu par le
texte actuel qui permet celles fondées sur la loi. De même le
caractère arbitraire de l’emprisonnement d’une personne ou sa
détention devient le critère du droit à la protection contre ces
mesures plutôt que celui prévu par le texte actuel de l’article 9
qui permet celles fondées sur la loi.

Certains témoins ont souligné le fait que, si l’article 10
garantit à tout individu que l’on arrête ou que l’on détient le
droit d’avoir recours sans délai à l’assistance d’un avocat, ce
droit ne prévoit pas d’obligation d’en informer l’individu. Je
suis donc disposé à accepter le texte suivant:

Tout individu que l’on arrête ou que l’on détient a le droit
d’avoir recours sans délai à l’assistance d’un avocat et
d’être informé de ce droit.

Certaines recommandations ont été faites à l’article 11
consacré au droit de l’inculpé.

M. Robinson, député du Nouveau parti démocratique de
Burnaby, Colombie-Britannique, a soulevé des arguments con-
vaincants en faveur du droit à un procès devant jury, dans les
cas de crimes graves. Je me range à cette recommandation très
constructive et j’accepterais volontiers la modification sui-
vante:

Sauf s’il s’agit d’une infraction relevant de la justice
militaire, tout inculpé a le droit de bénéficier d’un procès
avec jury lorsque la peine maximale prévue pour l’infrac-
tion dont il est accusé est un emprisonnement de cinq ans
ou une peine plus grave.

Je tiens à souligner qu’il s’agit ici d’une mesure d’ordre
général et qu’il y aura encore dans le Code criminel des
dispositions permettant des procès devant jury, là où la peine
maximale prévoit une période d’emprisonnement de moins de 5
ans. Les procès devant jury n’ont jamais été prévus pour les
clauses relevant de la justice militaire, ni au Canada, ni aux
Etats-Unis.

L’Association du Barreau canadien de même que l’Associa-
tion de la Colombie-Britannique pour les libertés civiles ont
argué que le Projet de résolution devrait clairement reconnaî-
tre le droit de tout inculpé de ne pas être forcé de témoigner
contre lui-même en cours de procès. Le droit de ne pas
s’incriminer est acquis depuis longtemps et devrait être explici-
tement consigné dans la Charte. Afin de clarifier ce point, il
faut modifier l’article 11; et ce nouveau texte se trouve contenu
dans la documentation supplémentaire que je dépose devant ce
comité.

Le Congrès juif canadien, l’Association nord-américaine des
étudiants juifs ainsi que certains membres du Comité ont fait
des recommandations afin de s’assurer que les alinéas (e) et (f)
de l’article 11 n’écartent pas la possibilité de poursuivre les
individus soupçonnés d’avoir commis un crime prévu par le
droit international. Le Pacte international des droits civils et
politiques reconnaît à tout pays le droit de poursuivre et de
condamner toute personne coupable d’un crime reconnu
comme tel par le droit international au moment de sa perpétra-
tion. Ce pacte permet ainsi d’intenter des poursuites contre une
personne et de la condamner pour un crime pour lequel elle n’a
pas été poursuivie ni punie dans un autre pays.

Afin que ces principes soient bien consignés dans la Charte,
le gouvernement est prêt à accepter la modification suivante:

Toute personne accusée d’un crime a le droit de n’être pas
déclarée coupable en raison d’une action ou d’une omis-
sion qui, au moment où elle est survenue ne constituait
pas une infraction prévue par ce droit interne ou le droit
international. Elle a le droit de ne pas être poursuivie ou
punie de nouveau pour une infraction dont, selon le cas,
elle a déjà été, au Canada, définitivement acquittée ou
déclarée coupable,

Après avoir mentionné le Pacte international, j’aimerais
prendre un instant pour corriger une erreur d’interprétation
qui me paraît trop répandue. Le fait que le Canada ne
mentionne pas dans sa Charte tous les articles dix Pacte ne
signifie pas qu’il y déroge. Le Pacte exige des Etats qu’ils
protègent certains droits et n’en violent pas certains autres. Il
n’exige pas que ces droits soient enchâssés dans leur
Constitution.

On a fait plusieurs recommandations au sujet de l’article
11(d). La modification que l’on proposé a pour objet d’établir
comme critère du droit au cautionnement qu’il ne soit pas
refusé sans juste cause plutôt que pour des motifs fondés sur la
loi. Je suis disposé à accepter une modification qui se lirait
ainsi:

Toute personne accusée d’un délit a le droit de n’être pas
privée sans juste causé d’une mise en liberté assortie d’un
cautionnement raisonnable.

Ce texte est fidèle à la formulation qui se retrouve à ce sujet
dans la Déclaration canadienne des droits.

L’article 13 du projet de résolution, dans sa version actuelle,
ne protège ni l’inculpé, ni toute autre personne qui témoigne-
rait de son propre chef, contre l’utilisation de son témoignage
pour l’incriminer dans des poursuites subséquentes.

Je voudrais proposer unamendement qui assure que ce
principe, clairement reconnu dans le droit de la preuve, soit
inséré dans les dispositions de la Charte. La formulation
exacte se retrouve dans la documentation supplémentaire que
je dépose devant le comité.

[Texte]

Les droits à l’égalité—On a beaucoup discuté des disposi-
tions antidiscriminatoires de la Charte, telles qu’on les trouve à
l’article 15. Je veux m’arrêter là-dessus un moment. Je veux
d’abord affirmer que je suis d’accord avec le Conseil consulta-
tif canadien de la Situation de la Femme et avec l’Association
nationale dé la Femme et le Droit afin que cet article soit
intitulé «les droits à l’égalité» de sorte à mettre l’accent sur
l’aspect positif de cette importante partie de la Charte des
droits.

J’aimerais aussi profiter de cette occasion pour féliciter tous
ceux qui ont témoigné en rapport avec cet article, et tout
spécialement le Conseil consultatif canadien de la Situation de
la Femme pour son excellent mémoire aussi bien que pour son
impressionnante présentation devant le Comité. J’avoue que le
travail de ce Conseil a grandement influencé le gouvernement;
il en est ainsi des présentations et mémoires de plusieurs
témoins qui se sont exprimés sur ce sujet, au nom de mouve-
ments féminins, de personnes handicapées ou d’autres groupes.

Toute disposition sur les droits à l’égalité doit faire la preuve
qu’il existe un principe positif de l’égalité dans le sens le plus
large; à cela s’ajoute le droit à des lois qui assurent protection
égale et bénéfice égal sans discrimination. Afin de m’assurer
que l’égalité touche tout aussi bien lé fond même que l’applica-
tion de la loi, je propose que l’Article 15(1) soit ainsi formulé:

La Loi ne fait exception de personne et s’applique égale-
ment à tous et tous ont droit à la même protection et au
même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discri-
mination, notamment des discriminations fondées sur la
race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la reli-
gion, le sexe ou l’âge.

Je sais que plusieurs témoins ont recommandé d’ajouter des
motifs de discrimination pour y inclure, entre autres, l’état des
personnes handicapées; d’autres recommandent de supprimer
toute énumération de ce genre ét de laisser plus de discrétion
aux tribunaux. C’est avec beaucoup de soin que le gouverne-
ment s’est penché sur cette question.

Le gouvernement exprime l’opinion que certains motifs de
discrimination sont depuis longtemps réprouvés. La race, les
origines ethniques ou nationales, la couleur, la religion et le
sexe, autant de motifs que l’on retrouve dans la Déclaration
canadienne des Droits, et que l’on définit plus facilement que
d’autres.

Je veux insister sur le fait que l’établissement d’une liste
spécifique des motifs les plus évidents de discrimination ne
signifie pas qu’il n’existe pas d’autres motifs de discrimination.
Dans la mesure même où notre société évolue, nos valeurs
changent; et l’on découvrira toujours de nouveaux motifs de
discrimination. En des circonstances normales, ces motifs
devraient se retrouver dans les textes de la loi sur la Protection
des Droits dé la Personne, car c’est là que le législateur peut
les définir clairement, en prévoir les conditions d’exercice et en
préciser les mesures de protection.

Par exemple, il n’y a que quatre ans que la loi canadienne
sur les Droits de la Personne a commencé à assurer aux
personnes handicapées une protection dans le domaine du
travail et de l’emploi.

Récemment encore, le Comité spécial du Parlement sur les
handicapés dont David Smith est le président recommandait
que changements et améliorations en faveur dés handicapés
soient apportés à la loi canadienne sur les Droits de la Per-
sonne. Et le gouvernement agira favorablement en ce sens en
ce qui a trait à certaines des recommandations du Comité. Le
gouvernement se propose de promouvoir certaines des recom-
mandations que lui a faites la Commission canadienne des
Droits de la Personne dans ce domaine et il proposera les
modifications qui s’imposent.

Mais la où le législateur n’agit pas, les tribunaux devraient
pouvoir intervenir. C’est pourquoi la modification que je pro-
pose mentionne certains motifs de discrimination; la liste n’en
est pas exhaustive. Au contraire, cette modification reste lar-
gément ouverte, satisfaisant ainsi aux recommandations adres-
sées à ce Comité par plusieurs témoins. Il est difficile d’identi-
fier avec légitimité tout nouveau motif de discrimination dans
une domaine où la loi évolue rapidement; c’est pourquoi je
préfère cette attitude ouverte qui fait que l’on évite d’énumérer
des catégories et d’en exclure d’autres.

Dans l’article 15(2) de la résolution, on permet la création
de programmes visant à améliorer la condition des personnes
ou des groupes défavorisés. Je propose la modification qui suit:

Le paragraphe (1) n’a pas pour effet d’interdire les lois,
programmes ou activités destinés à améliorer la situation
d’individus ou de groupes défavorisés notamment du fait
de leur race, de leur origine nationale ou ethnique, de leur
couleur, de leur religion, de leur sexe ou de leur âge.

Cet article favorise tout programme de promotion sociale
qui pourrait autrement être interdit par les dispositions anti-
discriminatoires du paragraphe 15(1).

Cette modification ne doit pas écarter tout autre programme
conçu en faveur des défavorisés, que ce soit a cause d’un
handicap, de la situation de famille ou de toute autre discrimi-
nation ainsi reconnue par un tribunal. Il s’agit ici de nous
assurer qu’aucune initiative, qu’aucun programme destinés à
combattre la discrimination ne soient interdits sous prétexte
qu’ils permettent une discrimination à rebours dans la progres-
sion vers l’égalité.

Les droits linguistiques—Les droits linguistiques ont fait
l’objet de maints débats et discussions, non seulement devant
ce Comité, mais aussi dans toutes les régions du pays. Qu’on
me permette d’établir très clairement la position du gouverne-
ment sur cette question.

Disons d’abord que notre objectif est d’enchâsser les disposi-
tions de la loi sur les Langues officielles dans la Constitution.
Cela signifie qu’une garantie constitutionnelle confirmera au
français et à Vanglais leur statut de langues officielles du
Canada et leur reconnaîtra l’égalité dans toutes les institutions
du Parlement et du gouvernement canadiens. Et aussi le
français et l’anglais se verront garantir un statut égalitaire
devant tous les tribunaux qui tombent sous la juridiction du
Parlement du Canada. Cela signifie la confirmation du droit
des Canadiens de communiquer avec le gouvernement fédéral
et d’en recevoir les services dans l’une ou l’autre des langues
officielles.

En second lieu. cette politique du gouvernement vise à
garantir dans la Constitution le droit de tous les citoyens
canadiens appartenant a une minorité francophone ou anglo-
phone dans chacune des provinces d’envoyer leurs enfants dans
une école où l’on enseigne en cette langue minoritaire, là où le
nombre d’élèves justifie un tel droit à l’éducation dans une
langue minoritaire. En agissant ainsi, le gouvernement tient
compte d’une entente où en sont venus les premiers ministres
provinciaux, en 1977, à St-Andrews au Nouveau-Brunswick,
puis en 1978, à Montréal. Les premiers ministres sont con-
venus du texte suivant, et où ils disaient en substance que

Chaque enfant de la minorité francophone ou anglophone
a droit de recevoir une éducation dans sa langue dans les
écoles élémentaires et secondaires, dans toutes les prov-
inces où le nombre d’enfants le justifie.

C’est là un principe que le gouvernement enchâsse dans la
Constitution; il ne s’agit pas d’imposer des règles qui n’aurai-
ent pas fait l’accord des premiers ministres.

Troisièmement, cette politique tend à encourager puis à
mieux assurer la protection des deux langues officielles dans
toutes les provinces et en collaboration avec les gouvernements
provinciaux. Le gouvernement n’a jamais voulu imposer un
bilinguisme institutionnel aux provinces.

Autant je voudrais voir l’Ontario devenir officiellement
bilingue et donner droit à la langue française à l’assemblée
législative, confirmé dans la Constitution et avec traduction
dés législations ainsi que le service aux citoyens devant les
tribunaux provinciaux, autant je dois tomber d’accord avec
l’opinion émise par M. Ryan jeudi dernier, à Toronto, alors
que M. Ryan déclarait:

Je ne l’imposerais jamais à l’Ontario. L’initiative doit être
prise par cette province; cela doit être clair comme de
l’eau de roche.

Quatrièmement, le gouvernement entend, selon sa politique,
protéger les droits acquis des Canadiens de faire instruire leurs
enfants en français ou en anglais, si telle est la langue dans
laquelle ils ont eux-mêmes reçu leur instruction au Canada et
si cette langue est minoritaire dans la province de leur
résidence.

Sur ces questions, les politiques du gouvernement n’ont pas
changé. Et c’est dans cette perspective que j’aimerais présenter
et exprimer les modifications que nous sommés prêts à accept-
er en ce qui concerne les dispositions sur les droits linguistiques
à insérer dans la Charte des droits et libertés.

D’abord, le premier ministre Hatfield, agissant au nom du
gouvernement du Nouveau-Brunswick, a demandé que la
Charte affirme que le français et l’anglais constituent les
langues officielles du Nouveau-Brunswick; que l’usage de ces
deux langues soit garanti dans les cours de justice, dans les
textes de loi, comme à la législature; et que les citoyens du
Nouveau-Brunswick aient le droit de communiquer avec leur
gouvernement et d’en recevoir les services dans l’une ou l’autre
des langues officielles.

Je suis très heureux de pouvoir présenter ces propositions du
premier ministre du Nouveau-Brunswick visant à modifier les
articles 16 à 20 en conséquence. Je les dépose devant le Comité
dans ma déclaration supplémentaire. La vision que se fait
monsieur Hatfield du Canada est celle d’un homme d’état et je
l’en félicite. Son attitude devrait servir d’émulation aux autres
provinces et, le temps venu, la procédure de modification, en sa
version actuelle, leur permettra, après résolution de leurs
législatures et du Parlement canadien, de progresser vers
l’égalité de statut et d’usage du français et de l’anglais.

Et monsieur Hatfield nous a assurés que ce que nous plaçons
devant le Comité aujourd’hui comme modifications sera
approuvé par l’assemblée législative du Nouveau-Brunswick
aussitôt que cette législature se réunira à nouveau.

La seconde modification concernant les droits linguistiques
vise à donner aux Canadiens le droit de communiquer avec le
gouvernement fédéral et d’en recevoir les services soit en
français, soit éri anglais. Cette modification répond aux inquié-
tudes qu’exprimait le Commissaires aux langues officielles
devant l’article 20 qui, selon lui, devrait assurer aux Canadiens
le droit de communiquer avec tous les bureaux fédéraux et
d’en recevoir les services dans l’une ou l’autre des langues
officielles, et cela, indépendamment du nombre de personnes
utilisant ces services ou ces communications dans les diverses
régions du pays. De plus, comme nous le suggère l’Association
du Barreau canadien, c’est aux cours de justice et non plus au
Parlement que cette modification confie le rôle de déterminer
les endroits où les bureaux fédéraux devraient offrir des servi-
ces dans les deux langues.

Le texte de la modification que je propose pour l’article 20
se retrouve dans la documentation supplémentaire que je
dépose devant le Comité.

J’ai dit plus haut, monsieur le président, que la disposition
de l’article 23 favorisant les droits à l’éducation dans une
langue minoritaire avait fait l’objet d’une entente entre les
premiers ministres provinciaux à St-Andrews puis à Montréal.
Sur cet article, le Comité a entendu plusieurs mémoires; tous
les représentants de groupes minoritaires et de langues officiel-
les ont approuvé en principe cet article, sous réserve qu’il soit
amélioré.

Le sénateur Rizzuto a tout particulièrement exprimé l’opin-
ion que les droits acquis doivent être garantis. La modification
que je, propose accorde cette garantie et se présente à peu près
comme ceci:

a) Il y aura deux façons possibles d’avoir droit à l’instruc-
tion dans la langue de la minorité. Dans le premier cas les
citoyens ayant reçu leur instruction de niveau primaire
dans l’une des langues officielles du pays pourront envoy-
er leurs enfants dans des écoles de cette langue, si cette
langue est celle de la minorité dans leur province de
résidence. Dans l’autre cas, les citoyens dont la langue
première apprise et encore comprise est le français ou
l’anglais pourront envoyer leurs enfants dans une école de
cette langue s’il s’agit de la langue minoritaire de la
province de leur résidence.

b) Tous les enfants d’un citoyen canadien pourront rece-
voir leur instruction primaire et secondaire dans la langue
officielle de la minorité dans laquelle l’un de ces enfants a
déjà entrepris son instruction au Canada.

L’article 23(2) se penche sur le problème des fonds publics à
investir, là où le nombre d’élèves justifie l’instauration d’un
enseignement en langue officielle minoritaire, dans l’une ou
l’autre des régions d’une province. On a dit de cet article qu’il
était trop restrictif.

C’est pourquoi je propose une modification qui ne renvoie
pas spécifiquement à des installations d’enseignement mais
plutôt à la prestation sur les fonds publics de l’instruction dans
la langue de la monorité. Cela a pour but de ne pas restreindre
les obligations à des installations seulement, mais bien de
s’étendre à toutes les méthodes d’enseignement, de façon à
inclure les progrès technologiques dont parlait le Commissaire
aux langues officielles.

[Traduction]

J’aborde maintenant la question des droits des peuples
autochtones.

Des groupes représentant les peuples autochtones se sont
présentés devant vous. Ils ont eu toutes les chances d’étre
entendus et j’en suis heureux. Le gouvernement a été impres-
sionné par ce genre de témoignage, mais il est malheureuse-
ment impossible d’accepter toutes les suggestions qui nous ont
été faites.

La plupart des questions soulevées devant ce Comité doivent
faire Vobjet de négociations entre les divers gouvernements et
les Autochtones. Le premier ministre s’est engagé à reprendre
ces négociations immédiatement après le rapatriement.

l1 est tout de même possible de préciser les droits des
peuples autochtones auxquels la Charte ne portera pas
atteinte, de même qu’il est possible de les distinguer d’autres
droits et libertés implicites. C’est pourquoi je propose—c’est
un peu ce que souhaitait le premier ministre Blakeney—que
l’article 24 soit reformulé pour se lire ainsi:

Le fait que la présente Charte garantit certains droits et
libertés ne constitue une négation:

a) ni des droits ou libertés—ancestraux, issus de traités
ou autres—que peuvent avoir les peuples autochtones
du Canada, notamment des droits ou libertés qui ont pu
être reconnus par la Proclamation royale du 7 octobre
1763;

b) ni des autres droits ou libertés qui peuvent exister au
Canada.

De plus, comme le demandait le Conseil des lnuit sur les
questions nationales, l’arrêté en Conseil du 23 juin 1870, qui
admet dans l’union la Terre de Rupert et 1e Territoire du
Nord-Ouest sera inclus dans l’annexe 1 de la Loi constitution-
nelle de 1981.

Le multiculturalisme

Vous avez reçu des recommandations de la part de person-
nes représentant les groupes ethniques; que ce soit des Cana-
diens d’origine allemande, italienne, polonaise ou ukrainienne.
ils composent avec nous tous la mosaïque canadienne. Le
Conseil consultatif canadien sur le multiculturalisme vous a
également présenté un mémoire. A l’unanimité, ils ont appuyé
le projet d’enchâsser une Charte des droits valable. Ils ont
aussi manifesté le souhait que des dispositions soient inscrites
dans la Charte pour protéger la nature multiculturelle du
Canada.

J’aimerais proposer une modification qui ajouterait un
nouvel article et qui affirmerait ce qui suit:

Toute interprétation de la présente Charte doit concorder
avec l’objectif de promouvoir le maintien et la valorisation
du patrimoine multiculturel des Canadiens.

Le droit de la preuve

L’Association du Barreau canadien, l’Association cana-
dienne pour les libertés civiles, le président de la Commission
canadienne des droits de la personne et d’autres ont critiqué
l’article 26 du Projet de résolution où l’on spécifie que la
Charte ne portera pas atteinte aux lois concernant le droit de
la preuve en justice. A la suite de ces critiques, le gouverne-
ment est prêt à supprimer cet article.

Recours

L’Association canadienne pour les libertés civiles et le Con-
grès juif canadien ont fortement insisté sur l’adjonction d’un
article prévoyant un recours en cas de violation des droits.
Toute personne victime de négation ou de violation de ses
droits pourra ainsi s’adresser à un tribunal compétent et
obtenir réparation,

Je serais favorable à ce que l’on ajoute un article qui se lirait
ainsi:

Toute personne, victime de violation ou de négation des
droits et libertés qui lui sont garantis par la présente
Charte, peut s’adresser à un tribunal compétent pour
obtenir la réparation que le tribunal estime convenable et
juste eu égard aux circonstances.

Cette mesure permettra à tout individu de recevoir compen-
sation et justice si ses droits ont été lésés par l’adoption d’une
loi ou par une activité quelconque d’un fonctionnaire.

La péréquation

Avant de passer à la procédure de modification, j’aimerais
m’arrêter un moment sur l’article 31 qui traite du principe de
la péréquation,

Les premiers ministres Hatfield et Blakeney ont tous deux
insisté afin que l’article 31(2) stipule clairement que les paie-
ments de péréquation soient versés aux gouvernements provin-
ciaux. Je suis prêt à accepter une formulation qui se présente-
rait ainsi:

Le Parlement et le gouvernement du Canada prennent
l’engagement de principe de faire des paiements de péré-
quation propres à donner aux gouvernements provinciaux
des revenus suffisants pour les mettre en mesure d’assurer
des services à un niveau de qualité et de fiscalité sensible-
ment comparables.

La procédure de modification. On vous a fait plusieurs
recommandations concernant les parties IV et V du Projet de
résolution et touchant la procédure de modification. De l’in-
quiétude s’est fait sentir dans toutes les régions du pays. Le
gouvernement s’est penché avec circonspection sur les recom-
mandations qui vous ont été soumises et il est prêt à faire des
changements substantiels à la proposition originale, afin de
répondre à plusieurs de ces inquiétudes.

Premièrement, je suis prét à proposer trois changements à
l’article 38. Le premier permettrait qu’une contreproposition à
la procédure de modification puisse être faite par sept provin-
ces représentant 80 p. 100 de la population plutôt que par huit
provinces. Cette mesure accorde pplus de flexibilité aux pro-
vinces. Le second exigerait qu’une telle contre-proposition soit
approuvée par les assemblées législatives plutôt que par’ les
seuls gouvernements concernés. Le troisième changement exi-
gerait que toute contre-proposition fédérale à la procédure de
modification soit approuvée par le Parlement plutôt que d’être
tout simplement avancée par le gouvernement fédéral. Je pense
que ces modifications vont répondre à certaines objections,
comme celles de M. Nystrom et d’autres.

Deuxièmement, et comme j’en ai déjà fait part au Comité,
j’accepte la modification proposée par M. George Henderson,
député d’Egmont, Île-du-Prince-Édouard, à l’article 41 qui
permettrait qu’une modification à la Constitution n’exige l’ap-
probation que de 2 provinces de l’Atlantique, plutôt que 2
provinces représentant 50 p. 100 de la population confondue
des provinces de l’Atlantique. Cette modification satisfait les
recommandations des premiers ministres MacLean, Buchanan,
Hatfield et Blakeney.

Troisièmement, je veux mettre en lumière certaines modifi-
cations nous assurant que le recours au référendum n’est qu’un
mécanisme de dernière instance. Devant ce Comité, le premier
ministre Blakeney affirmait:

Avant que le public ne soit appelé à voter sur un change-
ment constitutionnel dont la formulation est très précise,
il faut s’assurer que le public, le Parlement et les législatu-
res provinciales aient eu toutes les chances d’en débattre à
loisir.

M. Blakeney exprimait sa crainte devant la possibilité d’un
«référendum instantané».

La modification que je propose à ce sujet est très claire; il
n’y aura de référendum que dans les cas où, douze mois après
l’adoption de la résolution parle Sénat et par la Chambre des
communes, le nombre requis d’assemblées législatives n’aura
pas encore adopté la modification constitutionnelle proposée.

Comme il est peu probable qu’une résolution soit soumise au
Parlement avant que des négociations aient été menées auprès
des provinces, et comme un délai d’un an est imposé, l’idée
même d’un «référendum instantané» est inconcevable.

Le premier ministre Blakeney ajoutait:

le vote référendaire doit avoir lieu à l’intérieur d’un laps
de temps raisonnable et bien spécifique depuis l’approba-
tion de la modification par l’institution législative ayant
pris l’initiative du processus.

Je suis d’accord sur ce point et je propose que tout référen-
dum se tienne dans les deux ans qui suivent l’expiration de la
période de temps requise pour qu’une modification constitu-
tionnelle soit approuvée par les assemblées législatives. En
d’autres termes, aucun référendum ne pourrait avoir lieu plus
de trois ans après une première approbation d’une résolution
par le Sénat et par la Chambre des communes.

Le premier ministre Blakeney déclarait également:

Il faut que tout référendum soit soumis à des règles
impartiales et qu’il soit supervisé par un comité référen-
daire approprié. Dans la proposition du gouvernement
fédéral, les règles référendaires tombent sous le seul con-
trôle du fédéral, sans aucune des sauvegardes établies au
cours des années et qui assurent, par exemple, des élec-
tions fédérales honnêtes. Il faut changer tout cela et ce
que nous proposons, c’est la constitution d’une commis-
sion fédérale-provinciale qui établirait les règles référen-
daires.

Le conseil du premier ministre Blakeney me paraît judicieux
et je l’accepte bien volontiers. Je propose donc, comme le
souhaite M. Blakeney, qu’une Commission référendaire soit
mise sur pied; qu’elle soit composée du Directeur général des
élections du Canada, qui en sera le président, et de deux autres
membres, dont l’un serait nommé par le Gouvernement du
Canada et l’autre par les provinces. Le mandat de cette
Commission serait de recommander au Parlement les règles
devant être mises en vigueur pour la tenue d’un référendum.

L’on s’est aussi inquiété du fait que le texte actuel permet-
trait que des modifications à la Constitution touchant une ou
plusieurs provinces—mais pas toutes—puissent être faites
grâce à la procédure normale de modification, plutôt qu’avec
le consentement des provinces touchées par la modification.
Afin de clarifier ce point et de satisfaire aux recommandations
qui vous ont été faites, vendredi dernier, par votre dernier
témoin, le Comité pour l’éducation confessionnelle de Terre-
Neuve, ainsi que par MM. Tobin, Baker et le sénateur Petten,
qui se sont adressés directement à moi, j’accepte que l’on
modifie ainsi l’article 47:

Les procédures prévues aux articles 41 et 42 ne s’appli-
quent pas à la modification visée à l’article 43.

[Texte]

Avant de conclure, messieurs les présidents, je veux revenir
sur une question. L’article 25 stipule, dans sa version actuelle,
que la présente Charte rend inopérante toutes dispositions
incompatibles de toute autre règle de droit. Je crois que cette
disposition serait mieux venue à la fin du document pour
mieux circonscrire l’ensemble et afin que cela s’applique à
toute la Constitution et non pas seulement à la Charte. Cela
éviterait également une interprétation erronée qui voudrait que
la Charte l’emporte sur d’autres parties de la Constitution. Je
proposerais un article qui se lirait ainsi:

La Constitution du Canada est la loi suprême du Canada;
elle rend inopérantes les dispositions incompatibles de
toute autre règle de droit.

Cette mesure me semble prévenir tout danger que certaines
dispositions de la Charte comme, par exemple, la liberté de
religion et la non-discrimination pour motif religieux, soient
interprétées comme portant atteinte aux droits aux écoles
confessionnelles, selon l’article 93 de l’Acte de I’Amérique du
Nord britannique ou selon l’article 17 des Termes de l’Union
avec Terre-Neuve.

Il y a d’autres modifications techniques dont je n’ai pas
parlé ici. Elles sont indiquées dans la documentation supplé-
mentaire que j’ai déposée devant vous. Je serai heureux d’en
discuter avec vous à l’occasion de l’examen article par article
du projet de résolution.

J’aimerais répéter que le gouvernement acceptera qu’on lui
soumette une modification concernant les ressources, à la
lumière de l’échange de correspondance entre le premier
ministre monsieur Trudeau et monsieur Broadbent, le chef du
Nouveau Parti Démocratique, en octobre.

Quant à moi, je demeure à la disposition du Comité pour la
durée de l’étude article par article du projet de résolution et
mes collaborateurs seront toujours présents pour éclairer les
délibérations de ce Comité.

Je vous remercie infiniment, messieurs les présidents.

Le coprésident (M. Joyal): Merci, monsieur le ministre de
la Justice.

[Traduction]

J’aimerais maintenant donner la parole à l’honorable James
McGrath, suivi de l’honorable Arthur Tremblay, suivi de M.
Nystrom.

M. McGrath: Merci beaucoup, monsieur le président.

Nous sommes sur le point d’entamer une nouvelle phase
dans nos délibérations, phase très importante, me permettrai—je
d’ajouter.

Le ministre a rapporté que nous avions siégé 175 heures
pendant ces six semaines et avions entendu 93 témoins repré-
sentant des groupes ou des particuliers venant des quatre coins
du pays.

Les contraintes de temps nous ont empêchés d’entendre un
certain nombre de témoins que nous considérions importants.
J’ajouterai également, monsieur le président, que contraire-
ment aux représéntants du gouvernement, nous avons écouté
avec grande attention tous les témoignages.

Au nom des membres du parti progressiste conservateur,
monsieur le président, j’aimerais vous faire part de notre
réaction générale au sujet des propositions présentées par le
ministre, ce soir. J’aimerais, tout d’abord, remercier le ministre
d’avoir eu l’amabilité de nous fournir deux heures à l’avance
une copie du texte de ses remarqués et de ses propositions
d’amendement.

Cela dit, monsieur, le simple volume de ces propositions
nécessite, à notre avis, une étude complète et approfondie
avant que nous ne puissions les commenter en détail d’une
manière responsable.

Nous remarquons que le gouvernement a tenu compte de
certaines des inquiétudes légitimes exprimées au cours des
témoignages.

Nous saluons avec plaisir l’affirmation du caractère multi-
culturel du Canada.

Nous saluons l’amélioration de certains libellés concernant
la protection des droits invidivuels et collectifs. Nous les
recevons avec plaisir, car ils sont souhaitables, souhaitables en
eux-mêmes pour le droit constitutionnel canadien; mais à
condition qu’ils soient introduits correctement, je répète, a
condition qu’ils soient introduits correctement, ici, au Canada.
Nous le soulignons.

Cependant, monsieur le coprésident, au nom de mon parti,
et je suis certain au nom de la grande majorité des Canadiens,
je veux répéter ce soir notre déception et notre regret profonds
que le ministre de la Justice n’ait pas annoncé que le gouverne-
ment renonçait à agir unilatéralement, et par conséquent,
illégitimement. Tout comme dans le projet original d’octobre
dernier, il y a certains aspects dans ce nouveau projet que nous
aimerions également voir dans la constitution.

Néanmoins, le gouvernement n’a pas renoncé à certaines
caractéristiques rendant la résolution d’octobre fondamentale-
ment inacceptable pour notre parti, et je dirais, pour la
majorité de la population canadienne.

Le gouvernement veut toujours faire modifier notre consti-
tution en Grande-Bretagne. C’est une erreur, c’est du
colonialisme.

Les Canadiens n’acceptent pas que la Grande-Bretagne
change notre constitution. Ils veulent que cela soit fait au
Canada par les Canadiens, dans nos assemblées législatives.

A notre avis, on ne devrait demander à la Grande-Bretagne
que de rapatrier officiellement la constitution canadienne
accompagnée de la formule d’amendement approuvée par les
Canadiens. La Grande-Bretagne ne peut nous donner une
charte des droits, monsieur le président, quelle que soit la
valeur de ses termes, correspondant uniquement aux aspira-
tions d’une des deux parties de notre association fédérale.

Seuls les Canadiens, monsieur, par le biais de la formule
d’amendement de notre fédération peuvent le faire légitime-
ment.

Nous pensons que les Canadiens ont la maturité, la sagesse
et la détermination voulues pour le faire. et apporter toutes les
modifications constitutionnelles appropriées que notre fédéra-
tion réclame.

Nous avions espéré que le gouvernement se serait, ce soir,
écarté de la voie unilatérale que tous les sondages d’opinion
condamnent sans ambiguïté aucune et que Vensemble de la
population canadienne rejette.

Nous connaissons notre devoir, monsieur, envers les Cana-
diens, et nous continuerons à lutter contre cette méthode de
toutes nos forces, en comité et à la Chambre.

Tant que le caractère unilatéral de ce projet constitutionnel
ne sera pas supprimé, nous ne pourrons l’accepter comme la
méthode légitime de modification de la constitution, quelle que
soit la validité que nous, représentants élus d’un seul des deux
paliers de gouvernement, reconnaissons à certaines de ces
propositions.

Maintenant, que pensons-nous de certaines des propositions
qui nous sont faites ce soir?

La formule d’amendement n’est pratiquement pas changée,
et continuera, malheureusement, à mon avis, à diviser le pays.
Les provinces de l’Ouest et de l’AtIantique demeurent claire-
ment en position d’infériorité, et les plus petites provinces de
l’Ouest ne bénéficieront même pas de la protection accordée â
l’Île-du-Prince-Èdouard: la suppression des 50 p. 100 d’appro-
bation de la population de l’ensemble des provinces de cette
région. Nous recevons avec plaisir cet amendement.

Le recours au référendum à l’article 42 demeure la préroga-
tive du gouvernement fédéral pour passer outre à la volonté des
provinces, et c’est totalement inacceptable.

Que le gouvernement ait ignoré ces points principaux qui
faisaient l’unanimité de ses critiques, y compris, je pourrais
ajouter, encore vendredi dernier, son propre ancien secrétaire
du Cabinet pour les relations fédérales-provinciales, M.
Gordon Robertson, pour qui le recours au référendum sonne le
glas du fédéralisme, est tout à fait regrettable, et à notre avis,
ne fera qu’accentuer la désunion canadienne.

Très bientôt, monsieur le coprésident, nous ferons des propo-
sitions importantes, assurant l’unité au Canada et permettant
le rapatriement avec une formule d’amendement fonctionnelle,
d’utilisation rapide et assurant l’unanimité de notre population
et de ses gouvernements, ainsi qu’une protection efiicacedes
droits individuels et collectifs, inscrits dans la constitution par
le biais de cette formule d’amendement.

Nous sommes certains, monsieur le coprésident, que cette
approche à trois volets est le seul moyen devant permettre aux
Canadiens de perpétuer la fédération, de bâtir sur l’unité
nationale et non pas de la détruire.

Nous espérons, monsieur, que même à cette heure tardive,
pour les semaines à venir, au sein de ce Comité, à la Chambre
et au Sénat, le gouvernement écoutera les propositions raison-
nables que nous ferons, tant sur la forme que sur le fond, afin
que les divisions actuelles au Canada concernant cette mesure
unilatérale, divisions dépassant les partis politiques, et tou-
chant le coeur et l’âme de notre association fédérale, disparaî-
tront et qu’un nouveau chapitre sur la quête de notre unité
nationale pourra être ouvert et écrit par tous les Canadiens.

Cela, monsieur le coprésident, au nom de notre parti, et
j’espère que le Comité écoutera, dans l’autre langue officielle,
mon collègue, le sénateur Tremblay.

Le coprésident (M. Joyal): Merci, monsieur McGrath.

Si M. Nystrom est d’accord, la présidence donnera la parole
a l’honorable sénateur Arthur Tremblay, afin que l’opposition
officielle puisse faire sa déclaration dans les deux langues
officielles du Canada.

Bien entendu, il ne s’agit pas d’un précédent, mais de
simplement respecter le déroulement ordonné de notre débat.
Etes-vous d’accord?

M. Nystrom: Oui, monsieur le coprésident.

Le coprésident (M. Joyal): Merci, monsieur Nystrom.

Monsieur Tremblay.

[Texte]

L’honorable sénateur Tremblay.

Le sénateur Tremblay: Merci bien, monsieur le président.

Je remercie au passage monsieur Nystrom de me permettre
d’intervenir à ce stade-ci alors que nos procédures habituelles
supposent qu’il y a une intervention de tous les trois partis
avant qu’une seconde ronde d’interventions ne se produise.

Je voudrais d’abord remercier le ministre d’être venu nous
présenter l’ensemble des modifications que le gouvernement se
propose d’inscrire dans le projet de résolution qui est devant
nous.

Je ne mets pas en cause du tout les intentions, les bonnes
volontés du ministre et du gouvernement dans l’effort qu’ils
ont fait pour tenir compte de certaines des représentations qui
ont été faites ici à notre Comité.

Pour pallier des intentions, je pense qu’il faut se reconnaître
les uns les autres qu’elles sont valables et pures. C’est dans
cette perspective que j’ajoute . . .

M. Chrétien: Même chrétiennes!

Le sénateur Tremblay: De toutes dénominations!

Mais justement, si je me permets un commentaire, le minis-
tre a élargi la perspective qui nous a définis l’un et l’autre
quant à nos origines au point de vue religieux mais pas
jusqu’au point de déborder le cadre chrétien! C’est un peu
pareil en ce qui concerne les amendements qu’il nous propose
pour élargir, précisément, le sens de la résolution.

Cela dit, bien sûr que je ne répèterai pas ce que mon
collègue, monsieur McGrath, a déjà exprimé comme étant la
position d’ordre général que notre formation politique prend
devant ce qui nous est amené ce soir.

Je voudrais cependant insister sur un aspect qui, à mon sens,
est absolument fondamental et qui a d’ailleurs été évoqué par
M. McGrath et l’aspect que je veux souligner, c’est que le
problème majeur que soulève le projet de résolution est un
problème qui met en cause notre régime fédéral comme tel,
d’abord.

Bien sûr qu’une question comme celle de la Charte des
droits est une question importante; bien sûr que notre Comité,
comme le ministre l’a déjà fait d’ailleurs avec ses collabora-
teurs, devra se pencher sur les diverses façons, les diverses
possibilités de rendre le projet de Charte des droits qui est
devant nous meilleur, plus conforme à ce que les besoins de la
collectivité canadienne exigent, mais ce n’est point la, à mon
sens, dans la perspective d’un régime fédéral, le point le plus
fondamental, si important que la Charte des droits puisse être.

Du Point de vue du régime fédéral, le projet de résolution
constituait par l’action unilatérale a ce stade-ci, au stade du
rapatriement proprement dit, également par une action unila-
térale de la part du Parlement canadien de façon permanente
pour la suite des choses.

A cet égard, du point de vue fédératif, du poin de vue de
notre régime fédéral, le projet de résolution qui était devant
nous posait un problème fondamental.

Je constate, après avoir entendu ce que le ministre vient de
nous dire, que ce problème demeure tout entier.

L’article 42, où l’on institue de façon permanente la possibi-
lité d’une action unilatérale, quant à l’essentiel de la part du
Parlement canadien, la possibilité que cet article représente
que le Parlement fédéral peut unilatéralement aller a l’encon-
tre de la volonté des Provinces, et par définition cette volonté
ne sera pas là puisque la théorie veut précisément que ce soit
dans une situation d’impasse, c’est-à-dire de désaccord entre le
fédéral et les Provinces, qu’on veut avoir recours à l’article 42,
Je pense que le maintien dans sa substance de cet article 42
laisse tout entier le problème de l’équilibre entre les deux
ordres de gouvernement dans une fédération comme la nôtre.

Ce n’est pas le fait qu’on propose un organisme quelconque
pour voir aux modalités du référendum qui change la sub-
stance du problème, c’est le fait que l’article 42 demeure, pour
l’essentiel. Le reste, ce n’est affaire que de procédures. Ce ne
sont pas les procédures qui sont les plus dommageables, c’est la
substance de l’article.

Or, il se trouve par ailleurs qu’on ne touche pas non plus
l’article 47 quant à la possibilité que la formule d’amendement
meme qui sera convenue ou qui sera établie pourra elle aussi
être modifiée via l’article 42, c’est-à-dire de façon unilatérale,
par le Parlement canadien.

Cela étant, la substance demeurant ce qu’elle était quant à
l’approche non fédérative du projet de résolution, je pense que
les objections que nous y avons faites dès le départ demeurent
elles aussi entières.

Je me contenterai, monsieur le président, monsieur le minis-
tre, d’avoir souligné cet aspect et d’avoir indiqué de cette façon
que, quant à nous, aussi longtemps, comme monsieur
McGranth l’a déjà souligné, aussi longtemps que cela demeur-
era dans le projet de résolution, il nous est, dans son essence
même, inacceptable même si sur des points particuliers des
améliorations pourraient lui être apportées.

Le processus est synonyme en l’occurrence de substance, si
on se place dans la perspective de notre régime fédératif.

Tel est, pour l’instant, le seul commentaire d’ordre général
que j’avais à faire.

Je vous remercie, monsieur le président, et je remercie de
nouveau monsieur Nystrom de m’avoir permis d’inscrire ces
remarques a ce stade-ci.

Le coprésident (M. Joyal): Merci beaucoup, honorable
sénateur Tremblay.

[Traduction]

Avec l’accord des membres de la majorité, je donne la parole
à MM. Nystrom et Robinson qui, bien entendu, sont libres de
s’exprimer dans les deux langues nationales.

[Texte]

Monsieur Lorne Nystrom.

[Traduction]

M. Nystrom: Je ne sais pas, monsieur le président, si je dois
m’exprimer en anglais ou en français.
[Texte]
C’est difficile maintenant de prendre une décision.

[Traduction]

Je voudrais tout d’abord remercier le ministre de sa présence
parmi nous ce soir et de nous avoir remis vers 17 heures un
exemplaire des amendements qu’il avait l’intention de déposer.

Cela nous a permis d’examiner plus à loisir les répercussions
de certains de ces amendements.

Plutôt que de poser des questions de fond relativement à ces
amendements, je me propose de demander au ministre pour-
quoi il a décidé d’apporter des amendements à telle partie de la
résolution plutôt qu’à telle autre.

Notre caucus estime que les amendements constitutionnels
déposés ce soir sont de la plus haute importance.

Vu leur importance, il nous faudra quelques jours pour les
examiner et y réfléchir avant de nous prononcer démocratique-
ment quant à la valeur de ces amendements.

[Texte]

Comme je l’ai dit en anglais, nous avons besoin de temps
dans le caucus du NPD pour faire une étude des propositions
de monsieur Chrétien.

Il a été fait plusieurs propositions ici ce soir, ce sont des
questions qui sont très importantes pour l’avenir du Canada,
pour toutes les Provinces du Canada et nous avons besoin de
temps pour faire une étude collectivement dans le caucus du
NPD du Canada. Dans les prochains jours, les prochaines
semaines, nous aurons nous-mêmes des amendements pour le
projet de résolution qui est devant nous et nous avons besoin
[Traduction]
Ce n’est
qu’alors que nous pourrons faire connaître notre position en ce
qui concerne les modifications proposées par le ministre et que
nous déposerons sans doute des modifications visant, soit les
modifications du gouvernement, soit d’autres articles de la
résolution.

Je voudrais maintenant poser quelques questions au ministre
concernant la formule d’amendement ainsi que la charte des
droits, si j’ai le temps.

A la page 23 de son exposé, le ministre a évoqué les
remarques faites par M. Blakeney, premier ministre de la
Saskatchewan, concernant la mise sur pied d’une commission
chargée d’élaborer les règles régissant la tenue de référendums
ainsi que d’en contrôler le déroulement. Le ministre a cité le
passage suivant d’une déclaration de M. Blakeney:

Il faut que tout référendum soit soumis à des règles
impartiales et qu’il soit supervisé par un comité référen-
daire approprié.

Et j’insiste sur les mots «soumis» et «supervisé»; puis le
ministre continue à citer les propos de M. Blakeney en disant
pour terminer:

Ce que nous proposons, c’est la constitution d’une com-
mission fédérale-provinciale qui établirait les règles
référendaires.

Je voudrais que le ministre me donne des explications sur
l’amendement qu’il propose car j’ai l’impression qu’il existe
une contradiction entre ce que demande M. Blakeney et ce que
le ministre est prêt à accorder.

Je me reporte à la page 19 du document distribué par le
ministre de la Justice qui, dans l’article 40(4) dit ceci, et je
cite:

(4) Sous réserve du paragraphe (1) et compte tenu des
règles déposées conformément au paragraphe (3) le Parle-
ment peut légiférer pour réglementer la tenue du référen-
dum visé au paragraphe 38(3).

Voici comment jïnterprète ceci: Premièrement, la Commission
référendaire serait une commission consultative; le Parlement
serait libre d’accepter ou non les recommandations de cette
commission et, en fait, le Parlement pourrait promulguer à sa
guise n’importe quelle loi régissant la tenue d’un référendum.

Je voudrais que le ministre me dise si cette interprétation de
l’amendement qu’il propose au Comité est juste.

M. Chrétien: C’est exactement ce que nous voulons faire.
Autrement dit, nous voulons créer un comité ou une commis-
sion qui regrouperait trois personnes chargées d’établir les
modalités référéndaires, puis nous nous inclinérons devant le
rapport de la majorité et, dans les 60 jours, le Parlement du
Canada sera libre d’agir ou dé ne pas agir et dé promulguer
une loi.

S’il s’en abstient, le rapport de la commission régira le
référendum mais, en fait, si le Parlement estime que le rapport
de la commission n’est pas satisfaisant, il pourra proposer une
loi.

Cependant, après avoir créé une commission indépendante
comme celle-là, je crois qu’il serait difficile pour le gouverne-
ment de ne pas accepter ses recommandations, à moins que le
gouvernement et le Parlement aient de bonnes raisons pour
cela. Quoi qu’il en soit, je suis persuadé que le Parlement d’un
pays est toujours souverain et, dans ces conditions, le fait de
déléguer à une commission le pouvoir de légiférer constitue à
présent un geste ayant de profondes répercussions.

Nous avons jugé que ce procédé était utile. La Commission
établira donc des règles et lé Parlement aura 60 jours pour les
accepter ou les rejeter

M. Nystrom: C’est donc toujours le Parlement qui décidera
de les accepter ou non . . .

M. Chrétien: Oui, le Parlement, qui s’exprime au nom de
tous les canadiens, pourra prendre une décision contraire.

Mais en supposant que cette commission ait présenté un
rapport et que le gouvernement, quel qu’il soit, ait décidé de
s’adresser à la Chambre, il faudra avoir des raisons valables
pour repousser les règles établies par la commission.

Si nous devions faire cela de manière arbitraire dans le
cadre d’un débat sur le référendum, les procédures donneraient
lieu à une profusion d’explications. Mais nous avons jugé qu’en
dernière analyse, si la commission présentait un rapport totale-
ment inacceptable au Parlement, il faudrait habiliter ce dernir
à le modifier; toutefois, il est peu probable que cela arrive.

M. Nystrom: Par conséquent, monsieur le ministre, ce que
vous nous proposez est radicalement différent de ce que préco-
nisait M. Blakeney, puisque celui-ci a dit, et vous l’avez cité ce
soir:

Ce que nous proposons, c’est la constitution d’une com-
mission fédérale-provinciale qui établirait les règles
référendaires.

La Commission établirait elle-même les règles.

M. Chrétien: J’ai dit qu’il y aurait une commission mais que
le Parlement pourrait voter et, au besoin, apporter des
modifications.

M. Nystrom: Je suis donc dérouté par ce que vous avez dit
dans votre discours; et je vous cite, monsieur le ministre:

Je propose donc, comme le souhaite M. Blakeney, qu’une
Commission référendaire soit mise sur pied.

M. Chrétien: La Commission est là. Le Parlement peut
légiférer.

M. Nystrom: Oui, mais dans l’esprit de M, Blakeney, il
n’était pas question que cette commission ait un rôle
consultatif.

M. Chrétien: Je m’incline devant cette distinction.

M. Nystrom: J’en suis ravi puisque vous venez de dire que
vous n’êtes plus d’accord avec ce que vous nous disiez à la page
23.

Après cette révélation intéressante, je voudrais passer à une
autre des remarques que vous avez faites ce soir et qui me
paraît très importante, il s’agit de la formule d’amcndement
dont il est question à la page 21.

Vous avez dit que vous étiez prêt à modifier considérable-
ment la proposition initiale pour tenir compte des nombreux
sujets de préoccupation qui ont été exprimés devant le comité.

Entre autres, les représentants de la ColombieBritannique,
mais ils ne sont pas les seuls, se sont inquiétés du fait que
l’évolution démographique pourrait être telle que dans 40, 50,
60 ans ou davantage, une autre province pourrait regrouper 25
p. 100 ou plus de la population du Canada.

Une chose est certaine. monsieur le ministre, vous ne chan-
gez rien à la formule d’amendement. On retrouve les même
thèmes à la page 20 du volumineux document que nous avons
ce soir devant les yeux, et ces termes sont les suivants:

41(1) La constitution du Canada peut être modifiée par
proclamation du gouverneur général sous le grand sceau
du Canada, autorisée à la fois: (a) par des résolutions du
Sénat ct de la Chambre des communes; (b) par des
résolutions des assemblées législatives d’une majorité des
provinces; cette majorité comprend

Et voici la partie la plus importante:

(i) Chaque province dont la population avant la date de
cette proclamation, représentait, selon un recensement
général antérieur quelconque, au moins 25 p. 100 de la
population du Canada.

La conséquence en est, monseur le ministre, que cela donne
évidemment au Québec et à l’Ontario la possibilité d’opposer
en permanence leur veto à la procédure de modification, même
si dans 50 ans l’Ontario ne comptait que 18 ou 22 p. 100 de la
population. Mais dans 50 ans, une autre province, comme la
Colombie-Britannique ou YAIberta, pourra compter 25 ou 26
p. 100 de la population; il serait donc plus logique, selon moi,
d’avoir un amendement stipulant que toute province dont la
population atteindrait ultérieurement 25 p. 100 disposerait des
mêmes droits.

Pourquoi n’avez-vous pas proposé cela?

M. Chrétien: C’est tout à fait mon interprétation monsieur
Nystrom. Si jamais une province atteint le seuil de 25 p. 100
de la population, elle acquiert dès lors absolument les mêmes
droits que le Québec et l’Ontario.

Toute province franchissant temporairement le seuil de 25 p.
100 lors d’un recensement se trouvera dans la même position
que le Québec et l’Ontario. Votre interprétation de l’article
correspond donc à la mienne.

Ainsi, supposons que demain les provinces de l’Ouest déci-
dent de ne former qu’une seule province dans cette région du
Canada. Je ne dis pas que cela se produira probablement mais,
si c’était le cas, cette province détiendrait automatiquement un
droit de veto puisqu’elle regrouperait environ 25 p. 100 de la
population.

M. Nystrom: Merci beaucoup, monsieur Chrétien.

M. Chrétien: Par conséquent, monsieur Nystrom, si une
province obtenait ainsi le même statut que le Québec et
l’Ontario d’aujourd’hui, elle détiendrait ce droit et si, par
après, sa population diminuait par rapport à celle des autres
provinces pour une raison économique quelconque, elle le
conserverait quand même.

M. Nystrom: Monsieur le ministre, vous êtes donc certain
que ce droit existerait.

M. Chrétien: Oui, je suis certain que ce serait bien le cas.

M. Nystrom: J’aimerais maintenant me reporter à deux
choses figurant dans la Charte des droits même.

Ainsi, à la page 7, des remarques que vous avez lues au
comité ce soir, on trouve la chose suivante, et je cite:

J’avoue que le travail de ce Conseil

il s’agit bien entendu du Conseil consultatif canadien de la
situation de la femme,

J’avoue que le travail de ce Conseil a grandement
influencé le gouvernement; il en est ainsi des présentations
et mémoires de plusieurs témoins qui se sont exprimés sur
ce sujet, au nom de mouvements féminins, de personnes
handicapées ou d’autres groupes.

Comme vous l’avez mentionné, le gouvernement a été sensi-
blement infiuencé par les groupes qui ont comparu et vous
avez d’ailleurs franchi des pas très importants en direction de
la promotion des droits de la femme. Par conséquent, l’amen-
dement proposé me paraît très intéressant, nous l’étudierons
très attentivement. Vous avez également fait certains progrès
dans d’autres domaines.

Des groupes représentant des handipés ont également témoi-
gné devant notre comité. Or vous avez affirmé que les groupes
ayant comparu ont beaucoup influencé le gouvernement. J’ai-
merais donc savoir pourquoi cette Charte des droits ne men-
tionne aucunement les handicapés, les personnes souffrant
d’incapacités physiques ou mentales.

Certains des organismes ayant témoigné ont plaidé leur
cause au moyen d’arguments assez solides et vous avez affirmé
avoir été très influencé par cela. J’aimerais donc savoir com-
ment cette influence s’est concrétisée.

M. Chrétien: D’après notre position, la liste figurant là n’est
pas exclusive et, s’il y a discrimination par rapport à d’autres
droits, les tribunaux peuvent intervenir.

Le problème tient au fait que, d’après nous, il faut une
période de maturation pour ces droits dans la société cana-
dienne. Ainsi, par exemple, nous sommes encore dotés d’une
Commission des droits de la personne, nous continuerons à
adopter des lois afin de protéger les droits de divers groupes
mais il faut qu’il y ait une certaine maturation. Par consé-
quent, la liste que j’ai lue et qui exclut les autres, élargit la
portée de l’article. Cela permettra donc aux tribunaux de
corriger les autres formes de discrimination si la législature
fédérale et les assemblées législatives provinciales n’intervien-
nent pas.

Toutefois, nous ne tenons pas à faire figurer davantage de
droits dans cette catégorie alors que ces mêmes droits com-
mencent à être protégés par des mesures législatives etc. Cela
veut dire que s’il y a discrimination contre les handicapés et
d’autres, nous sommes d’avis que les tribunaux peuvent inter-
venir même si nous ne tenons pas à faire figurer ces droits dans
la Charte à l’heure actuelle étant donné que bon nombre
d’entre eux sont difficiles à définir. Les choses sont en train de
mûrir ä cet égard et c’est pourquoi ces droits ne sont pas
inscrits.

Auparavant, toutefois, l’article limitait ce qu’on entendait
par discrimination alors qu’il ne le fait plus; d’autres formes de
discrimination peuvent relever des tribunaux.

M. Nystrom: Monsieur le ministre, je vous rappelle que
1981 est l’Année internationale des handicapés et je voudrais
en savoir davantage sur le sens de vos propos lorsque vous dites
que les droits doivent mûrir. Pourquoi pointe-t-on les handica-
pés et les invalides?

A mon sens, nous devrions prévoir certains droits à leur
égard dans notre constitution. Si vous êtes incertain quant au
genre de droits dont il s’agit, peut-être le libellé pourrait-il être
plus général que dans d’autres cas, mais on peut sûrement
mentionner que la discrimination contre les handicapés est
interdite.

M. Chrétien: Dans mon discours, j’ai parlé des lois visant les
handicapés que nous avons adoptées au cours des quatre
dernières années. Il y en aura d’autres. La Commission des
droits de la personne y travaille toujours et nous devons
préparer certains amendements.

Nous avons élargi cet article de sorte qu’il ne se limite pas
aux genres de discrimination qui y est énumérée.

Je vous donne un exemple. Le mot «âge» n’apparaissait pas
dans la Charte des droits présentée par M. Diefenbaker, mais
la maturation s’est faite au cours des années et ce mot y trouve
sa place. La première énumération limitait le genre de discri-
mination. Nous l’avons élargie à d’autres types de discrimina-
tion dont les tribunaux peuvent tenir compte si le problème
n’est pas réglé par le Parlement ou les assemblées législatives.

Je ne pense pas que cet amendement sera très important,
mais pour l’instant nous voulions éviter le problème de défini-
tion, car il crée trop de difficultés.

M. Nystrom: Selon vous, monsieur le ministre, y a-t-il eu
progrès?

M. Chrétien: Selon mon interprétation de cet article, les
tribunaux peuvent intervenir s’il y a discrimination évidente
contre les handicapés et que personne ne fait rien.

M. Nystrom: Dans ce cas, pourquoi ne pas enchâsser les
droits dans la constitution?

M. Chrétien: Ils le sont, car cet article est ouvert.

M. Nystrom: Monsieur le président, j’ai peu de temps,
autrement je continuerais dans cette veine mais je vous reporte
à la page 14 où il est également question denchâssement des
droits.

De nombreux groupes d’autochtones ont comparu devant ce
comité, il y en a eu 15, 16 ou 17, si je ne me trompe. A
nouveau, je voudrais d’autres précisions sur la raison pour
laquelle vous suggérez l’amendement à l’article 25.

Pourquoi dites—vous que la présente Charte ne nie pas ni
n’abroge les droits, libertés aboriginaux ou détenus aux termes
de traités. ni les libertés visant les peuples aborigènes de ce
pays; autrement dit, rien dans cette charte n’ira à l’encontre
des droits qu’ils peuvent avoir.

Je veux vous demander s’il est possible que le Parlement ou
une assemblée législative puisse enlever des droits dont jouis-
sent maintenant les peuples autochtones de ce pays.

M. Chrétien: C’est un problème des plus difficiles. J’ai été
ministre des Affaires indiennes pendant 6 ans, un mois, trois
jours et deux heures, je connais donc un peu le problème.

Nous avons répondu aux organisations autochtones qu’étant
donné que les obligations de la Couronne envers les autochto-
nes sont rêparties entre le gouvernement fédéral et les gouver-
nements provinciaux, il était très difficile d’enchâsser ces
droits actuellement sans savoir exactement ce que cela signifie
même dans leur esprit.

Une énumération pourrait bien avoir comme effet de leur
enlever certains droits. Je dis simplement que cette Chambre
ne leur enlèvera aucun de ces droits. Si vous voulez parler de
l’énumération, de la description des droits comme je les
comprends . . .

M. Nystrom: Monsieur le ministre, puis-je vous interrom-
pre?

Vous avez dit que cette Charte ne leur enlèvera aucun de
leurs droits et c’est ce que dit le libellé, mais n’est-il toujours
pas possible pour une assemblée législative ou pour le Parle-
ment de leur enlever certains droits?

M. Chrétien: Certains aspects des droits des Indiens sont
prévus dans la constitution, Nous assumons des responsabilités
au niveau fédéral dans le cadre de la constitution en ce qui a
trait à la situation des Indiens et pour changer cette situation il
faut qu’il y ait une loi fédérale. Il faut modifier la constitution
mais il se peut que certains droits qui dépendent du Parlement
ou d’autres assemblées législatives puissent être modifiés et la
difficulté c’est de définir quels sont ces droits.

M. Nystrom: On peut donc toujours les modifier ou les
supprimer.

M. Chrétien: On peut les améliorer. Nous avons indiqué que
nous avons fait beaucoup de progrès dans ce domaine. Par
exemple, lorsque j’ai commencé à m’occuper des droits des
autochtones, on n’utilisait jamais ces termes, un expert ayant
indiqué qu’ils n’étaient pas appropriés. Cependant, ces droits
découlent de la Proclamation royale de 1763 et je les ai inclus
dans cette charte comme point de départ car la Couronne du
Canada a l’obligation de protéger les droits des autochtones
comme cela avait été déclaré longtemps avant que le Canada
devienne une fédération.

Nous avons dit aux autochtones que la prochaine question
dont nous discuterions au cours des prochains pourparlers avec
les gouvernements provinciaux serait celle de leurs droits car
nous ne pouvons prendre de mesures à ce sujet sans tenir
compte des gouvernements provinciaux. Je vous donnerai
comme exemple la question des droits en Colombie-Britanni-
que et la question des revendications territoriales.

Des difficultés ont surgi lorsqu’on a pris des terres aux
Indiens. J’avais demandé tant au Nouveau parti démocratique
qu’au Crédit social en Colombie-Britannique de rendre leurs
droits et leurs terres aux autochtones, ce que le gouvernement
provincial n’a pas voulu faire. Je n’ai rien pu faire car les
pouvoirs avaient été transmis il y a quelque temps par le
gouvernement fédéral aux gouvernements provinciaux et vu
qu’il s’agissait de terres provinciales de la Couronne, il n’y
avait rien que le Parlement fédéral pouvait faire. C’est pour-
quoi je dis que cette question doit être tranchée concuremment
par le Parlement national et l’Assemblée législative provin-
ciale.

Nous avons le même problème en Saskatchewan où des
Indiens prétendent que l’administration précédente leur a
enlevé certaines terres. Même si je veux rendre ces terres qui
sont censées être des terres des autochtones en Saskatchewan.
je ne puis le faire car la question des terres est contrôlée par
M. Blakeney.

Par conséquent nous ne pouvons pas intégrer de prescription
de ce genre dans la charte sans être accusés d’intervenir
massivement dans les affaires provinciales.

Cette difficulté se rencontre dans le cas de chaque province.
Vous vous souvenez de la controverse qui s’est produite lors de
la question de la Baie James. Les terres avaient été cédées en
1898 et 1912 au gouvernement du Québec qui n’a pas toujours
eu les mêmes limites. Il s’agissait de la terre de Rupert et des
terres du nord du Canada et c’est le gouvernement fédéral qui
les a cédées au gouvernement provincial. Lorsqu’on s’est lancé
dans la réalisation du projet de la Baie James, on a voulu
travailler sur les terres des Indiens alors que les revendications
des droits des Indiens n’avaient pas été réglées.

Vous vous souviendrez qu’à un moment donné au cours de
ma carrière politique, j’ai donné de l’argent aux Indiens pour
mettre fin au projet du gouvernement libéral de Bourassa au
Québec. En fin de compte cette façon de procéder a abouti à
un accord. Il y a donc des problèmes auxquels nous devons
faire face et c’est pourquoi dans cette Charte des droits j’ai
indiqué la nature de ces droits en indiquant qu’ils étaient basés
sur la Proclamation royale. Mais pour aller plus loin dans
l’affirmation de ces droits il faut s’entendre avec le gouverne-
ment provincial car nous n’avons pas l’autorité de revenir en
arrière et d’assumer le contrôle des terres de la Couronne dans
une province.

En 1930, nous avons unilatéralement donné le contrôle des
terres de l’Ouest du Canada au gouvernement provincial.

M. Nystrom: Une dernière question si vous le permettez,
monsieur le président.

A la page 17 vous dites et je cite:

La plupart des questions soulevées devant ce Comité
doivent faire l’objet de négociations entre les divers gou-
vernements et les autochtones. Le premier ministre s’est
engagé à reprendre ces négociations immédiatement après
le rapatriement.

Pourtant, quelle que soit la fermeté de cet engagement que
vous avez pris de négocier ou que le premier ministre a pris, et
je respecte votre parole et je sais que vous la tiendrez à
condition que vous occupiez toujours votre poste et aussi
longtemps que le premier ministre sera là, mais je vous rap-
pelle, monsieur le ministre, que bien souvent dans le passé des
engagements pris par de nombreux gouvernements différents
envers les autochtones, non pas été tenus. Les premiers minis-
tres changent de temps à autre on peut l’espérer, et les
ministres aussi changent de temps à autre aussi. Cet engage-
ment n’cngage finalement personne. Il n’y a rien qui engage
votre successeur ou le successeur de M. Trudeau et qui l’oblige
à négocier avec les Indiens.

Je voulais vous demander pourquoi ce soir vous n’êtes pas
venu nous apporter un amendement à la résolution tel que
l’avaient demandé les autochtones afin que nous puissions
constitutionaliser cette obligation qui nous incombe de négo-
cier au nom des autochtones? Justement, les autochtones ont
demandé que nous inscrivions dans la constitution une pres-
cription permettant de lier vos successeurs, le Parlement et les
législateurs provinciales.

Pourquoi n’avez-vous pas agi ainsi? Pourquoi n’inscrivez-
vous pas dans la constitution ce que vous dites être uniquement
une promesse politique faite aux autochtones?

M. Chrétien: Je ne pense pas qu’il ait là une promesse
politique faite par le gouvernement national. Il s’agit d’une
promesse qui a été faite au cours de la Conférence constitu-
tionnelle qui réunissait tous les premiers ministres en février
1979. Cette promesse faisait partie des questions se trouvant
au programme de la conférence. Cette question n’a pas été
uniquement étudiée par notre gouvernement car elle figurait à
l’ordre du jour des préoccupations du gouvernement qui nous a
remplacé pendant une courte période. Nous avons été réélus, et
nous sommes la pour quelque temps, au moins trois ans et un
mois . . .

Une voix: Vous ne pouvez pas le dire à coup sûr . . .

M. Chrétien: Bien sûr, mais il y a bien des chances que nous
soyons là pour quelque temps même après la prochaine élec-
tion; je ne m’inquiète pas trop à ce sujet.

Dès que nous en aurons fini avec nos travaux ici, nous
tiendrons une conférence constitutionnelle en 1981. Nous
reprendrons les négociations avec lés gouvernements provin-
ciaux et au cours de la première conférence la question des
autochtones ét dé la constitution sera à l’ordre du jour.

[Texte]

Le coprésident (M. Joyal): Merci beaucoup, monsieur
Nystrom.

Je voudrais inviter maintenant monsieur Mackasey.

[Traduction]

Mr. Mackasey: Merci, monsieur le président.

Je voudrais indiquer au ministre combien je suis satisfait du
document qu’il nous fourni au sujet de ces amendements
proposés, J’irais même dire que cela a été une agréable sur-
prise pour moi dans la mesure où vous proposez en effet des
amendements et dans la mesure ou, je le suppose, vous êtes
prêts à en recevoir d’autres . . . Ai-je raison de le dire?

M. Chrétien: Comme je l’ai dit dans mes remarques, le
Nouveau parti démocratique nous présentera un amendement
au sujet des ressources; il pourra y én avoir encore d’autres car
il nous reste trois semaines. Naturellement, le temps presse,
mais il se peut que je propose encore un ou deux amendements;
examinerai ce qui a été dit au comité; je me considère comme
une personne raisonnablement raisonnable, si vous permettez
que j’utilise ces deux mots, et par conséquent, j’écouterai ce
que m’a dit ce comité.

M. Mackasey: Vous faites aussi preuve de beaucoup de
modestie, monsieur le ministre, et nous sommes deux . . .

Je voudrais vous dire très sincèrement que vous avez prêté
attention à ce qui a été dit ici contrairement à ce que M.
McGrath prétend. Vous avez écouté avec attention ces débats
et ce qu’ont dit les témoins qui ont comparu ici.

Pour ceux d’entre-nous, monsieur le ministre, qui siégent ici
depuis pas mal de temps, ce qui n’était à l’origine qu’une tâche
normale que nous assumions dans notre rôle de parlementaires,
est devenue pour nous tous, membres du comité, une tâche à
laquelle nous mettons maintenant tout notre coeur. Vendredi,
les membres du comité, tout naturellement, ont exprimé leurs
sentiments d’admiration devant les raisons pour lesquelles lés
témoins avaient comparu ici.

Par exemple, il est significatif de constater que le dernier
groupe de témoins à comparaître nous a rappelé qu’il fallait
conserver notre système fédéral et la culture unique que nous
avons dans certaines de nos régions. Je parle des représentants
des différentes confessions religieuses de Terre-Neuve qui sont
venus ici pour nous dire combien ils sinquiètaient que certains
modes de vie de grande valeur puissent disparaître. Je vois que
vous avez ténu compté de ces réflexions dans les amendements
que vous nous proposez et qui devraient apaiser la crainte
qu’ont exprimé ces témoins que de quelque façon on puisse en
arriver à modifier de façon préjudiciable la constitution. Par
conséquent, les amendements que vous avez présentés
devraient grandement apaiser ces craintes pour la plupart des
groupes qui sont représentés ici.

Je crois, monsieur le ministre, qu’il ne serait pas réaliste de
penser que vous ou quelqu’un d’autre puisse donner suite à
toutes les préoccupations exprimées par les témoins. Je crois
que vous nous avez apporté ici, avec beaucoup de sagesse, des
amendements fondamentaux permettront de voir naître un
gouvernement idéal qui règnera sur un peuple heureux, l’Uto-
pie en somme.

Je voudrais parler des droits des autochtones et je vais
indiquer ce soir que certains d’entre nous craignaient qu’à
nouveau, de façon non-intentionnelle, en constitutionalisant
par un libellé établi au petit bonheur ces droits des autochto-
nes, nous en arrivions à supprimer leur pouvoir de négociations
dans le cadre du processus politique, la décision étant prise
selon les lubies du tribunal qui pourait se montrer très indiffé-
rent aux problèmes des autochtones. Je sais, pour en avoir
discuté avec beaucoup de groupes d’autochtones, que ceux-ci
craignent qu’il en soit ainsi. Ils veulent donc qu’on reconnaisse,
comme M. Nystrom l’a indiqué, notre responsabilité toute
spéciale envers eux.

Monsieur le ministre. je présente des généralités, ici car il se
fait tard, mais ce qui me préoccupe dans la déclaration de M.
McGrath, c’est de penser que de quelque façon nous puissions
rapatrier la constitution unilatéralement pour ensuite effectuer
ici les modifications appropriées.

Or, cela ne serait possible que si la constitution que nous
rapatrions avait une formule d’amendement. Jusqu’ici je n’ai
pas constaté que les témoins ou les députés de l’autre côté de la
table se soient entendus sur le libellé d’une telle formule

De toute façon, M. McGrath a promis d’en proposer une qui
sera peut-être acceptable, du moins je l’espère, car il nous faut
garder un esprit ouvert.

Monsieur le ministre, une période de 24 mois suivra le
rapatriement de la Constitution. J’espère que les premiers
ministres provinciaux et vous-même en profiterez pour en
arriver à un consensus sur la nature de la formule d’amende-
ment. Nous préférerions tous qu’elle soit choisie par consensus
plutôt quïmposée aux provinces. Ce processus ne plaît vrai-
ment à personne et je vous prie instamment, ainsi que les
premiers ministres provinciaux, de profiter de cette période
pour vous réunir à nouveau en tenant compte du fait que le
problème doit être résolu dans les 24 mois. J’aimerais savoir si
vous envisagez cette possibilité.

Finalement, je tiens bien entendu à vous remercier d’avoir
amélioré la charte. Ce document me redonne confiance dans le
libéralisme et le Parti libéral. Les conservateurs n’ont jamais
prétendu être libéraux, avec un L majuscule ou minuscule,
mais n’ont toujours pas fait de suggestion concrète. En fait, ils
ont piqué ma curiosité à cet égard. Ils se sont attaqué à la
forme, mais jamais au fond.

Je reconnais, monsieur le ministre, que vous avez accompli
beaucoup de progrès. Je vous dirai qu’à Vétape de Vétude
article par article, j’aurai également certaines réserves à expri-
mer à l’égard de l’article 15. Plutôt que d’inclure les personnes
handicapées, il faudrait peut-être éviter de mentionner toute
catégorie, mais ce serait vraiment laisser une grande latitude
et nous pourrons revenir à ces détails.

Donc, monsieur le ministre, y a-t-il d’après vous une possibi-
lité que les provinces et le gouvernement fédéral en viennent à
un consensus sur une formule d’amendement pendant la
période de 24 mois suivant le rapatriement de la Constitution,
d’après l’expérience que vous avez acquise cet été pendant
votre extraordinaire voyage à travers le pays, dont je dois vous
féliciter.

M. Chrétien: Je m’y suis consacré tout l’été. Le premier
obstacle auquel nous nous sommes heurtés au cours de cet été
est que certains ont considéré ce processus comme une occa-
sion unique d’obtenir quelque chose en contrepartie.

Après le rapatriement, il sera beaucoup plus facile d’en venir
à des négociations réelles avec les provinces qui ne chercheront
plus à obtenir quelque chose avant d’accepter le rapatriement.

De telles négociations sont déjà prévues, monsieur Macka-
sey, car le premier ministre est tenu de par la résolution de
convoquer une conférence constitutionnelle pour en discuter
une fois par année pendant les deux années suivant le rapatrie-
ment. Quelles sont les possibilités? Il m’est difficile d’en juger
car à un moment donné cet été j’ai cru qu’une entente était
imminente, j’ai peut-être été naïf. Toutefois, les ministres des
différents gouvernements ont tous travaillé très dur et ont cru
faire une percée. Toutefois, je me suis rendu compte qu’on
perdait peut-être en effet un outil en acceptant le rapatrie-
ment. Il est fort intéressant de remarquer maintenant que tous
sont unanimes à l’égard du rapatriement, mais que celui-ci
suppose l’adoption éventuelle d’une formule d’amendement.
Nous aurons donc l’unanimité pendant deux ans, mais rares
sont ceux qui prétendent qu’elle doive être recherchée pour
toujours, car elle ne fait que mener à l’impasse au Canada.

Les provinces se rangeront donc derrière le premier ministre
du Canada. Je crois que d’autres amendements sont possibles.
Il y a aussi apparemment le consensus de Toronto. Lorsqu’on
dit que la formule de l’Alberta a donné lieu éventuellement au
consensus de Vancouver, tel n’était pas vraiment le cas, car les
ministres ont seulement convenu de discuter de tout ce que
rejetaient les premiers ministres. Toutefois, M. Trudeau a
déclaré à la conférence de septembre que si tel avait été le seul
problème, il aurait peut-être quand même accepté le soi-disant
concensus de Vancouver, même si la formule n’était pas satis-
faisante parce qu’elle permettait de se dégager de certaines
dispositions de la Constitution canadienne. Les droits prévus
dans la Constitution canadienne devraient en effet s’appliquer
à tous les Canadiens, comme nous tentons de le faire dans
cette charte.

Les perspectives sont assez bonnes, car après le rapatriement
nous aborderons les problèmes en eux-mêmes et non pas en
fonction des négociations donnant lieu au rapatriement. Il
faudra bien se rendre compte qu’il nous faut une bonne
formule d’amendement et que, en l’absence d’un consensus, il
nous faudra revenir à la formule adoptée par tous les gouver-
nements à un moment précis de notre histoire, je veux parler
de la formule de Victoria.

Le Québec s’était retiré non pas à cause de’ la formule en
elle-même mais pour d’autres raisons. Et pour répondre à la
question de M. Nystrom en ce qui concerne les 25 p. 100, je
dirai qu’une province qui atteindra ces 25 p. 100 à l’avenir
aura aussi le droit de véto.

M. Mackasey: Monsieur le ministre, vous ne parlez pas ici
de l’article 44. Pourriez-vous me dire pourquoi? L’article 44
traite par exemple du Sénat?

M. Chrétien: Cet article n’a pas été beaucoup débattu
devant le Comité. Des membres du Sénat, des sénateurs bien
sûr ont fait des démarches auprès de moi à ce propos; la
plupart veulent que nous maintenions le système bicaméral au
Canada, ils estiment que le Sénat constitue une institution
importante, qu’il ne devrait pas être aboli à la hâte, sans les
consulter, etc.

ll n’y a pas très longtemps, le sénateur Lamontagne a
présidé un comité qui a fait rapport sur une éventuelle réforme
du Sénat. Comme vous le savez, pendant l’été, la réforme de la
Chambre haute a constitué l’un des points importants de
l’ordre du jour, on veut s’assurer qu’il y a un Sénat ou une
Chambre haute, il pourrait s’agir d’une Chambre haute d’un
type différent, une Chambre haute qui refléterait mieux les
intérêts des diverses régions du Canada d’aujourd’hui.

Certaines provinces souhaitent que l’on aille dans ce sens,
d’autres non, mais il y a un grand désir de changement.
J’estime qu’il importe d’apporter des modifications à ce sujet
et j’y travaille à l’heure actuelle.

M. Mackasey: Ce que je vais dire ne devrait pas être
interprété comme un désir d’aller au Sénat, on m’en a déjà
offert la possibilité et je l’ai refusée, mais je dois dire que j’ai
constaté, à entendre les témoins et à échanger des lettres avec
eux, qu’il y a fort peu de mouvements dans notre pays en vue
de révolutionner, de modifier ou de transformer le Sénat; je
dois dire que j’admire au plus haut point les efforts que les
sénateurs ont déployés au sein de ce comité au point que je me
demande bien si l’on ne se trompe pas d’institution s’agissant
de ces améliorations que l’on veut apporter.

Enfin, monsieur le ministre. . .

M. Chrétien: Vous vous préparez à devenir sénateur?

M. Mackasey: Monsieur le ministre, il y a des moments où
je me dis que vous y arriverez avant moi.

Merci.

[Texte]

Le coprésident (M. Joyal): Merci beaucoup, monsieur
Mackasey.

J’ai encore le nom de M. Robinson sur ma liste, qui voudrait
poser quelques questions mais je lui rappelle que conformé-
ment à une décision que les honorables membres de ce Comité
ont déjà entérinée à l’unanimité, nous nous sommes mis d’ac-
cord pour ajourner nos travaux à 10 heures mais je suis prêt,
avec le consentement des honorables membres du Comité, à
vous reconnaître pour une courte intervention, monsieur
Robinson.

M. Robinson: Monsieur le président, merci beaucoup.

J’apprécie votre générosité mais je ne parlerai pas
maintenant.

[Traduction]

Monsieur le président, je voulais simplement vous demander
si la pratique qui veut que l’on donne successivement la parole
à un francophone et à un anglophone ne devrait pas s’appli-
quer quand il s’agit de donner la parole successivement à un
membre du Caucus NPD du Québec puis à un membre du
Caucus Conservateur du Québec, les deux caucus étant main-
tenant dotés du même nombre de députés.

[Texte]

Le coprésident (M. Joyal): L’honorable James McGrath,
sur un rappel au Règlement.

[Traduction]

M. McGrath: En toute déférence à l’égard de M. Robinson,
j’aimerais lui rappeler que son parti avait donné son accord
express à la procédure que nous avons suivie ce soir et il doit
avoir oublié ce fait très important; nous sommes reconnaissants
au Comité pour la courtoisie qu’il nous a témoignée à ce
propos.

Le coprésident (M. Joyal): Monsieur McGrath, comme je
vous l’avais dit précédemment, à une autre occasion, je suis
tout à fait d’accord avec vous.

[Texte]

La séance est donc levée. The meeting is adjourned to the
call of the Chair.

TÉMOINS

Du Ministère de la Justice:
M. Roger Tassé, c.r., sous-ministre;
Dr B.L. Strayer, c.r., sous-ministre adjoint, Droit public.

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