Procès-verbaux et témoignages du Comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes sur la Constitution du Canada, 32e parl, 1re sess, nº 44 (23 janvier 1981).


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Date: 1981-01-23
Par: Canada (Parlement)
Citation: Canada, Parlement, Procès-verbaux et témoignages du Comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes sur la Constitution du Canada, 32e parl, 1re sess, nº 44 (23 janvier 1981).
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SÉNAT
CHAMBRE DES COMMUNES

Fascicule n° 44

Le vendredi 23 janvier 1981

Coprésidents:
Sénateur Harry Hays, c.p.
Serge Joyal, député

Procès-verbaux et témoignages
du Comité mixte spécial
du Sénat et de
la Chambre des communes sur la

Constitution
du Canada

CONCERNANT:

Le document intitulé «Projet de résolution portant
adresse commune à Sa Majesté la Reine
concernant la Constitution du Canada», publié par
le gouvernement le 2 octobre 1980

COMPARAÎT:

L’honorable Robert P. Kaplan,
ministre de la Justice suppléant

TÉMOINS:
(Voir a l’endos)

Première session de la
trente-deuxième législature, 1980-1981

COMITÉ MIXTE SPÉCIAL DU SÉNAT
ET DE LA CHAMBRE DES COMMUNES
SUR LA CONSTITUTION DU CANADA

Coprésidents:
Sénateur Harry Hays, c.p.
Serge Joyal, député

Représentant le Sénat:

Les sénateurs:

Cottreau
Lapointe
Lucier
Muir
Petten
Rousseau
Tremblay
Wood
Yuzyk—10

Représentant la Chambre des communes:

Messieurs

Beatty
Bockstael
Bossy
Corbin
Epp
Fraser
Gingras
Gustafson
Hawkes
Irwin
Lapierre
Mackasey
McGrath
Nystrom
Robinson (Burnaby)—15

(Quorum 12)

Les cogreffiers du Comité

Richard Prégent
Paul Bélisle

Conformément à l’article 65(4)b) du Règlement de la Cham-
bre des communes:

M. Bossy remplace Mlle Campbell (South West Nova);
M. Robinson (Burnaby) remplace M. Ittinuar;
M. Gustafson remplace M. Fraser.

Conformément à un ordre du Sénat adopté le 5 novembre
1980:

Le sénateur Wood remplace le sénateur Austin.

PROCÈS-VERBAL

LE VENDREDI 23 JANVIER 1981
(79)

[Traduction]

Le Comité mixte spécial sur la Constitution du Canada se
réunit aujourd’hui à 9h 39 sous la présidence de M. Joyal
(coprésident).

Membres du Comité présents:

Représentant le Sénat: Les honorables sénateurs Cottreau.
Hays, Lapointe, Lucier, Petten, Rousseau, Tremblay, Wood et
Yuzyk.

Représentant la Chambre des communes: MM. Beatty,
Bockstael, Bossy, Corbin, Epp, Fraser, Gingras, Gustafson,
Hawkes, lrwin, Joyal, Lapierre, Mackasey, McGrath, Nys-
trom et Robinson (Burnaby).

Autre député présent: M . Rose.

Aussi présents: Du Service de recherches de la Bibliothèque
du Parlement: MM. Paul Martin et John McDonough,
recherchistes.

Comparaît: L’honorable Robert P. Kaplan, ministre de la
Justice suppléant.

Témoins: Du ministère de la Justice: M, Roger Tassé, c.r.,
sous-ministre et M. B, L. Strayer, c.r., sous-ministre adjoint,
Droit public.

Le Comité reprend l’étude de son ordre de renvoi du Sénat.
du 3 novembre 1980 et de son ordre de renvoi de la Chambre
des communes du 23 octobre 1980, tous deux portant sur le
document intitulé «Projet de résolution portant adresse com-
mune à Sa Majesté la Reine concernant la Constitution du
Canada», publié par le gouvernement le 2 octobre 1980. (Voir
procès-verbal du jeudi 6 novembre 19 80. Fascicule n° 1.)

Le Comité reprend l’étude de la motion de M. Ittinuar,—
Que l’article 6 du projet de Loi constitutionnelle de 1980 soit
modifié par substitution, aux lignes 22 à 24, de ce qui suit:

«c) aux lois et usages dont la raison d’être se justifie par le
souci d’atténuer les conséquences écologiques ou sociales
défavorables de toute activité susceptible de toucher les
peuples autochtones du Canada sur les plans collectif, cultu-
rel, économique ou associatif.»

L’amendement est réservé.

L’article 6 est réservé.

Quant à l’article 7 du projet de Loi constitutionnelle de
1980.

M, Robinson (Burnaby) propose,—Que l’article 7 du projet
de Loi constitutionnelle de 1980 soit modifié en remplaçant la
ligne 25, page 4, par ce qui suit:

«7. Chacun a droit à la vie, à la liberté»

Après débat, l’amendement, mis aux voix, est rejeté par un
vote à mains levées par 20 voix contre 2.

M. Beatty propose,—Qui; l’article 7 du projet de Loi consti-
tutionnelle de 1980 soit modifié en remplaçant les lignes 25 à
28, à la page 4, par ce qui suit:

«7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de
sa personne et jouissance de la propriété; il ne peut être
porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes
de justice fondamentale.»

Après débat, à 11 h 5, le Comité suspend ses travaux jusqu’à
nouvelle convocation du président.

Les cogreffiers du Comité

Richard Prégent
Paul Bélisle

TÉMOIGNAGES

(Enregistrement électronique)
Le vendredi 23 janvier 1981

[Traduction]

Le coprésident (M. Joyal): A l’ordre, s’il vous plaît. Je vous
demande de bien vouloir prendre place de manière à ce que
nous puissions reprendre l’étude de l’amendement proposé par
monsieur lttinuar au nom du Parti néo-démocrate; mais aupa-
ravant, je vais donner la parole à l’honorable John Fraser, qui
était sur ma liste hier soir; je signale aux membres du comité
qu’une liste d’amendemnts—évitons les termes politiques—a
été distribuée et que ces amendments concernent l’article 6,
bien sûr, et les articles 7, 8, 9 et 10 du projet de résolution.

Article 6—Liberté de circulation et d’établissement

Le coprésident (M. Joyal): En mettant ces amendements à
la disposition des membres du comité, leur tâche sera facilitée
puisqu’ils pourront prendre rapidement connaissance de ce qui
les attend. lls pourront les étudier et y réfléchir et lorsque le
président mettra ces amendments en délibération, ils n’auront
pas à attendre qu’on les leur distribue.

Je vais donc céder la parole à l’honorable John Fraser qui
m’a dit hier soir qu’il souhaitait intervenir sur l’amendement
de monsieur Ittinuar,—à moins que l’honorale James
McGrath ne veuille faire une remarque?

M. Fraser: Monsieur le président . . .

Le coprésident (M. Joyal): Monsieur Fraser?

M. Fraser: Il y a quelques instants, je me suis entretenu avec
mon collègue, monsieur Epp, et celui-ci m’a fait savoir que
nous pourrions nous entendre avec nos collègues néo-démocra-
tes pour réserver l’article; en effet, nous en étudions le libellé,
et je vois que monsieur lttinuar est d’accord avec moi; avec
l’assentiment de monsieur lttinuar donc, monsieur le président,
je demande que cet article soit réservé.

M. Nystrom: J’invoque le Règlement, monsieur le président;
monsieur Fraser parle-t-il de l’article 6 tout entier ou unique-
ment de l’amendement proposé par monsieur lttinuar?

M. McGrath: C’est de l’amendement que nous parlons; nous
voudrions avoir du temps pour l’étudier, mais mon collègue qui
est actuellement au téléphone vous le confirmera.

M. Fraser: Monsieur le président, pouvons-nous laisser cela
de côté pour l’instant?

M. McGrath: Si tout le monde est d’accord pour le réserver,
nous pouvons passer à l’article 7.

Le coprésident (M. Joyal): Vous pouvez peut-être nous dire
pendant combien de temps nous devons réserver cet article.
Faut-il attendre que nous ayons terminé l’étude des autres
articles ou bien allons-nous y revenir lundi soir, par exemple?
Donnez-moi une idée. Je ne peux pas réserver un article
éternellement. Il faut que je sache quand je pourrai le mettre
en délibération. C’est pourquoi je vous invite à préciser vos
intentions.

M. McGrath: Excusez-moi, mais il nous reste encore 53
articles à étudier, monsieur le président; une tâche énorme
nous attend, mais pour calmer vos inquiétudes, lundi nous
conviendrait ou peut-être mardi; mais nous saurons à quoi
nous en tenir lundi.

Le coprésident (M. Joyal): M. Corbin pourrait alors . . .

M. Corbin: Monsieur le président, nous sommes prêts à
revenir à n’importe quel moment sur cet article pour l’adopter.
Nous nous sommes consultés hier sur ce qu’il renferme et nous
sommes prêts à en discuter dès qu’il vous plaira. Merci.

[Texte]

Le coprésident (M. Joyal):Merci beaucoup, mon-
sieur Corbin. [Traduction]
Avec votre consentement unanime, nous pouvons
réserver cet article jusqu’à lundi ou mardi pour permettre aux
représentants du Parti conservateur et du Parti néo-démocrate
de l’examiner; le président pourra alors mettre cn délibération
l’amendement puis l’article 6.

L’article 6 est réservé.

Le coprésident (M. Joyal): Je voudrais donc que nous
passions à l’article 7.

Article 7— Vie, liberté et sécurité

Le coprésident (M. Joyal): Je vais maintenant donner la
parole à M. Robinson puisqu’il a fait savoir au greffier que le
Parti néo-démocrate aurait un nouvel amendement concernant
l’article 7, ce dont je n’ai pas été avisé.

Monsieur Robinson peut-il me dire ce que renferme ce
projet d’amendement?

Je voudrais que nous en discutions maintenant puisque cet
amendement porte sur le tout premier mot de l’article 7.

M. Robinson: Je suis dans l’embarras, monsieur le président.
Je comptais que nous allions discuter de l’article 6 et de la
liberté de circulation et d’établissement et ce n’est qu’après en
avoir discuté avec M. Epp qu’on a décidé de réserver cet
article.

De ce fait, je n’ai pas de texte écrit à vous sousmettre mais si
les membres du Comité acceptent de nous dispenser de donner
le texte de cet amendement par écrit, nous pouvons en discuter
dès maintenant; sinon, étant donné ce changement à l’ordre du
jour, je vais demander une brève suspension de séance pour
que nous puissions le rédiger.

Le coprésident (M. Joyal): Si j’ai bien compris ce que m’a
dit notre greffier, monsieur Robinson, vous voulez remplacer, à
la page 4, ligne 25, le premier mot de l’article 7, c’est-à-dire
«chacun», par l’expression «toute personne».

M. Robinson: «Toute personne», monsieur le président.

Le coprésident (M. Joyal): Par «toute personne». Je crois
que les membres du Comité peuvent prendre note de cet
amendement sans qu’il soit nécessaire de suspendre la séance.
Je crois que c’est à la portée de tous ceux qui sont assis autour
de cette table. Ne croyez pas que j’accepte l’amendement pour
autant. M. Robinson pourra donc présenter cet amendement,
comme il est d’usage.

M. Robinson: Oui, monsieur le président, je répète que le
Comité avance un peu plus vite que nous le pensions et nous
n’avions pas prévu d’arriver si vite à l’article 7.

Quoi qu’en en soit, je propose en bonne et due forme qu’à la
ligne 24 de l’article initial, nous supprimions le mot «chacun»
et que nous le remplacions par l’expression «toute personne»
bien sûr, dans la version anglaise le mot «everyone» serait
remplacé par l’expression uevery individual.

Cet amendement, monsieur le président, a pour but de
spécifier très clairement que ce que ce dont il est question dans
l’article 7 recouvre exactement ce que renferme l’article 15.
Autrement dit, il s’agit de «personnes naturelles» et non pas de
«personnes artificielles» ou de «sociétés».

A l’origine, la version anglaise de l’article 15 commençait
par le mot «everyone» et, avec juste raison, le parti de la
majorité a remplacé ce mot par l’expression «every individual»
et la note explicative dit ceci:

Le mot «everyone» serait remplacé par l’expression «every
individual» pour qu’il doit bien clair que ce droit s’appli-
que exclusivement aux personnes naturelles.

Or, monsieur le président, les droits garantis par l’article 7
sont les droits à la vie, à la liberté et à la sécurité de la
personne. De plus, il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en
conformité avec les principes de justice fondamentale.

On ne peut sûrement pas dire que l’un ou l’autre de ces
droits ajoute quoi que ce soit aux droits dont jouissent déjà les
sociétés ou les personnes morales. Certains diront peut-être
que la sécurité de la personne peut être étendue aux sociétés.
Je ferai cependant remarquer que l’extension d’un droit rele-
vant de la justice fondamentale est déjà prévue dans les
garanties de l’article 8 contre toute saisie ou perquisition
abusive. Et à celui qui dirait que, d’une certaine manière,
l’article 7 est aux entreprises ce qu’est la sécurité accordée à la
personne, je demanderai quelle est la nature de cet élargisse-
ment et si ce qu’en cherche à accorder au secteur des entrepri-
ses n’est pas déjà contenu dans l’article 7.

De toute évidence, le droit a la vie et le droit à la liberté sont
des droits qui s’appliquent aux personnes naturelles et non pas
aux sociétés.

Monsieur le président, je sais que le gouvernement va dépo-
ser un amendement qui ajoutera le droit ä la jouissance de la
propriété et qui parlera des «principes de la justice naturelle».
Ce projet x’amendement donnera lieu à un débat, mais si le
droit à la jouissance de la propriété devait être accepté, je
répète qu’il faudrait le limiter dans ce cas précis où la justice
naturelle envers les personnes est en question. Voilà ce qui me
préoccupe, même si l’amendement proposé par le gouverne-
ment est adopté.

Dans la mesure, monsieur le président, où l’article 7 con-
cerne sans ambiguïté les êtres humains et les personnes natu-
relles, le raisonnement qui a incité le gouvernement à rempla-
cer le mot «everyone» par l’expression «every individual», dans
l’article 15, devrait, selon moi, s’appliquer de la même façon à
l’article 7.

[Texte]

Le coprésident (M. Joyal): Merci beaucoup, monsieur
Robinson.

Je voudrais inviter l’honorable Perrin Beatty.

Monsieur Beatty. Mr. Beatty.

[Traduction]

M. Beatty: Merci, monsieur le président.

J’ai suivi avec beaucoup dïntérét l’explication donnée par
M. Robinson sur la raison pour laquelle le NPD veut modifier
le libellé de l’article 7 et, si j’ai bien compris, aucun des droits
garantis par cet article ne saurait actuellement être interprété
comme s’appliquant aux sociétés.

Si c’était en effet le cas, il serait inutile de modifier le texte
de cet article pour exclure spécifiquement les sociétés. Autre-
ment dit, les sociétés ne pourraient revendiquer le droit à la
vie, elles ne pourraient revendiquer le droit à la liberté ou le
droit à la sécurité de leur personne. ll n’y a donc pas lieu de les
exclure explicitement. Je crois que ce qui préoccupe le NPD a
été exprimé par M. Robinson lorsqu’il a parlé de l’amende-
ment suivant, dont le but est d’élargir le droit à la jouissance
de la propriété; si le NPD tient à ce que son amendement soit
adopté maintenant, c’est pour être sûr que le droit à la
jouissance de la propriété, droit dont personne ne peut être
privé, si ce n’est conformément aux principes de la justice
naturelle, ne puisse être étendu aux sociétés.

Monsieur le président, ÿexhorte les membres du Comité à
étudier très attentivement cette question, et je vais poser a M.
Robinson la question suivante: supposons que le droit à la
propriété soit étendu à une ferme exploitée en famille; ne
faut-il pas empêcher que cette famille puisse perdre sa ferme,
sauf en vertu des principes de la justice naturelle? Autrement
dit, elle doit avoir la possibilité de se défendre lors d’un procès
et il faut que l’expropriation soit impossible en dehors de la
légalité.

Supposons que le mari, sa femme et l’un de leurs enfants
veuillent constituer leur exploitation familiale en société parce
que c’est plus rentable ou plus avantageux sur le plan fiscal.
Pourquoi faut-il que cette famille soit privée du droit à la
jouissance de ses biens, sous prétexte qu’elle a choisi de
constituer son exploitation en société? Cela me paraît discrimi-
natoire et des plus injustes; des millions de Canadiens auront
lieu d’étre profondément inquiets devant l’élimination de cette
protection accordée à des gens qui ont constitué en société une
petite entreprise ou une ferme exploitée en famille.

Cela vaut également, monsieur le président, pour les petites
entreprises familiales.

De toute évidence, monsieur le président, si nous croyons en
la justice, nous croyons également que les gens ne peuvent être
privés de leurs biens, y compris ceux qui ont constitué en
société une petite entreprise ou une ferme exploitée en famille,
si ce n’est conformément à la légalité et après avoir eu la
possibilité de se défendre lors d’un procès, de s’expliquer et
d’exposer les raisons pour lesquelles ces biens ne doivent pas
leur être enlevés,

Je ne vois pas en quoi l’on porterait préjudice à l’intérêt de
la nation ou de la population en garantissant le respect de ces
deux principes. A savoir, premièrement, que nul ne peut être
privé de ses biens en dehors de la légalité et, deuxièmement,
que nul ne peut être privé de ses biens sans avoir pu défendre
son cas. Et je vous ferais remarquer que l’amendement des
néo-démocrates, qui exclurait les petites entreprises et les
fermes exploitées en famille, porterait un grave préjudice à des
milliers de Canadiens; les membres du Comité ayant fait
savoir antérieurement qu’ils étaient favorables à ce que les
droits à la propriété soient insérés dans la charte commet-
traient une très grave erreur et une profonde injustice envers
de nombreux Canadiens s’ils acceptaient l’amendement
néo-démocrate.

Le coprésident (M. Joyal): Merci beaucoup, monsieur
Beatty.

The Honourable Bryce Mackasey.

M. Mackasey: Étant donné les arguments juridiques
invoqués de manière très persuasive par M. Beatty, je crois
qu’il serait utile, monsieur le président, de demander mainten-
ant au ministre ce qu’il en pense. Je voudrais connaître son
opinion avant d’exprimer mon propre point de vue.

Le coprésident (M. Joyal): Merci beaucoup, monsieur
Mackasey.

J’accepte volontiers que l’honorable représentant du minis-
tre de la Justice vous communique les renseignements que vous
voulez obtenir.

La parole est à M. Kaplan, ministre suppléant de la Justice.

L’hon. Robert P. Kaplnn (solliciteur général et ministre
suppléant de la Justice): Je n’ai pas grand-chose à ajouter à ce
que nous avons dit hier à propos de l’expression «toute per-
sonne» et «tout individu».

Nous pensons que le mot «individu» s’applique exclusivement
aux êtres humains et que la portée des deux autres expressions,
qui sont interchangeables, est déterminée par le contexte.

Je suis d’accord avec M. Beatty en ce sens que les droits que
renferme cet article, après modification, pourraient s’étendre
aux sociétés, et qu’il en sera ainsi si l’on emploie le mot «tous».
Ce ne serait toutefois pas le cas si M. Robinson parvient à
faire adopter son amendement. Si nous ajoutons la disposition
concernant la propriété, M. Robinson aura réussi à soustraire
à la protection de l’article 7 les exploitations agricoles fami-
liales constituées en sociétés, les corporations religieuses et les
sociétés fiduciaires individuelles.

Je sais fort bien qu’il est prét à nous démontrer que tous ces
droits sont protégés ailleurs dans la charte; mais il recourt à
l’argument exactement inverse lorsque cela lui convient, à
savoir que tous les droits devraient être protégés dans tous les
articles.

Je tiens donc à redire notre position vis-à-vis des amende-
ments inutlles. Les Libéraux se sont réunis hier et ils ont jugé
qu’une solution serait d’accepter les amendements qui ne font
aucune différence.

Cependant, lors des discussions que j’ai eues avec les mem-
bres libéraux du comité, on m’a clairement fait savoir que, par
principe, nous devrions rejeter les amendements qui, selon
nous, ne font aucune différence.

Telle sera donc la position de nos membres vis-à-vis de tous
les articles.

Je présume que M. Robinson proposera un amendement
chaque fois qu’apparaîtra le mot «chacun» ou l’expression
«toute personne». Si cela peut lui être utile, je tiens à lui dire
qu’il perd son temps car nous ne sommes pas disposés à
appuyer des amendements qui lui permettent uniquement de
s’écouter parler.

M. Robinson: J’invoque le règlement, monsieur le président.

Le coprésident (M. Joyal): Monsieur Robinson invoque le
règlement.

M. Robinson: Parmi les membres du comité, nombreux sont
ceux qui ont siégé ici pendant de très longues heures et, dans
votre document, vous avez récemment donné une idée de
l’intensité de nos travaux. J’admets que le ministre n’a pris
part à ces délibérations que très récemment.

Néanmoins, jusque là, on s’était efforcé d’éviter toute
attaque personnelle, ce qui n’est malheureusement pas le cas
du ministre.

A plusieurs reprises, je me suis délibérément retenu de
répondre et je vous prie, monsieur le président, de bien vouloir
demander au ministre qu’il s’en tienne au sujet du débat et
qu’il évite de s’en prendre personnellement aux membres du
comité.

Le coprésident (M. Joyal): Merci beaucoup, monsieur
Robinson.

Je reconnais que nous avons été très disciplinés ces derniers
jours.

L’honorable ministre suppléant de la Justice a tenu ses
propos au moment même où je pensais que nous étions par-
venus a un modus operandi à cette étape de l’étude
individuelle des articles. Tous les membres réunis autour de
cette table ont dû remarquer que depuis hier après-midi nous
sommes parvenus à un modus vivendi qui nous donne
satisfaction.

Vous avez été témoin, monsieur le ministre, de ce modus
operandi et c’est avec plaisir que je vous demande de bien
vouloir joindre vos efforts aux nôtres pour que cela dure.

Merci beaucoup, monsieur Robinson.

Monsieur Mackasey, voulez-vous prendre la parole?

M. Mackasey: Seulement pour dire, monsieur le président,
que la collaboration du Ministre m’a convaincu.

J’admets que M. Robinson est bien entendu un député
extrêmement convaincant et qu’il m’a beaucoup influencé. Je
ne pourrais prétendre la même compréhension du droit
constitutionnel.

Toutefois, le Ministre a soulevé un aspect qui me semble
essentiel pour un profane comme moi. J’aimerais lire un
document qui nous ferait voir immédiatement l’intention
fondamentale.

Si le libellé de cet article protège les petites entreprises
familiales, et c’est bien clair, je préférerais ce genre de préci-
sion plutôt que de lire tout le projet de résolution, afin de
trouver la protection juridique que l’adoption de cet amende-
ment viendrait supprimer de l’article. Je préfère de loin la
trouver dans le libellé actuel que la chercher ailleurs dans
d’autres articles.

Je suis donc satisfait et j’ai l’intention de voter contre
l’amendement proposé par M. Robinson.

Le coprésident (M. Joyal): Merci beaucoup, monsieur
Mackasey.

J’inviterai maintenant M. Robinson à conclure.

Monsieur Robinson.

M. Robinson: Monsieur le président, après avoir écouté
attentivement les arguments de M. Beatty, je maintiens que
cet amendement mérite votre appui.

Je dois dire que j’ai été heureux d’entendre le ministre dire
que les députés ministériels ont décidé de ne pas appuyer les
amendements inutiles. Nous n’avons certes pas l’intention d’en
proposer de tels, cette difficulté ne devrait donc pas se poser.

Pour ce qui est du présent amendement, toutefois. d’aucuns
ont maintenu qu’ils pourraient nuire aux fermes ou aux socié-
tés familiales, monsieur Beatty s’est servi des deux termes sans
distinction.

Néanmoins, aucune preuve n’a été présentée à cet égard,
rien n’indique qu’il pourrait menacer les fermes ou sociétés
familiales.

Si telles en étaient les conséquences, tous les membres de
notre parti s’y opposeraient certainement vigoureusement.

Toutefois, j’aimerais signaler que nous ouvrons la porte non
seulement aux fermes et aux sociétés familiales qui sont proté’
gées sans équivoque par d’autres articles de la Constitution,
mais également aux grandes sociétés étrangères, car rien ne
limite l’octroi du droit de jouissance à la propriété aux citoyens
du Canada. Nous y reviendrons plus tard lorsque nous discute-
rons du fond de cet amendement.

Toutefois, il ouvrira la porte aux sociétés étrangères ainsi
qu’aux multinationales.

Donc, bien que vous parliez de fermes et d’entreprises
familiales et de sociétés religieuses, entités qui sont toutes déjà
protégées ailleurs de toute façon certaines préoccupations
demeurent quant à l’extension de la protection octroyée à la
jouissance des biens; celles-ci incluaient aussi bien la possibilité
de se faire entendre que les moyens acceptables de saisir ces
biens. Il nous tarde de savoir comment les juristes de la
Couronne interpréteront le sens de justice naturelle à cet
égard. Nous devons prendre de grandes précautions lors de la
rédaction de ce document car il demeurera avec nous fort
longtemps.

A l’article 15, le gouvernement a indiqué qu’il avait accepté
le principe que certains droits devaient être limités aux person-
nes naturelles.

Monsieur le président, comme je l’ai déjà dit, je maintiens
que les droits octroyés dans le cas présent devraient être
également limités aux personnes naturelles.

Le coprésident (M. Joyal): Merci beaucoup monsieur
Robinson.

Je constate que les membres sont maintenant prêts à voter.
L’amendement proposé vise à remplacer le mot «everyone» par
«every individual» à la ligne 24 de la page 4 de la version
anglaise, et le mot «chacun» par «chaque individu» à la ligne 25
de la page 4 de la version française.

L’amendement est rejeté.

Le coprésident (M. Joyal): Je passe donc à l’amendement
suivant, portant la mention N-10, l’article 7 à la page 4.
J’invite M. Robinson à proposer l’amendement au nom du
Nouveau parti démocratique.

Excusez-moi, le greffier me dit que nous devrions d’abord
passer à l’amendement proposé par le parti Conservateur,
portant la mention C.P., à l’article 7. J’invite donc l’honorable
Perrin Beatty à proposer cet amendement. ,

Monsieur Beatty.

M. Beatty: Merci, monsieur le président.

Je pourrais peut-être lire l’amendement dans les deux lan-
gues officielles.

[Texte]

I move that Clause 7 of the proposed constitution act, 1980
be amended by

(a) striking out line 25 on page 4 and substituting the
following:

security of the person and enjoyment of property and the
right not

and (b) striking out line 27 on page 4 and substituting the
following:

with the principles of natural justice

[Traduction]

Monsieur le président, je tenterai également de le lire dans
l’autre langue officielle sans casser les oreilles à qui que ce soit.
Je signale que je suis un diplômé de l’école de langues Harry
Hays.

[Texte]

Article 7, page 4, motion de monsieur Beatty.

J ‘ai proposé:

Que l’article 7 du projet de Loi constitutionnelle de 1980
soit modifié par:

(a) substitution, à la ligne 26, page 4, de ce qui suit:

la sécurité de sa personne, et à la jouissance de ces
biens; il ne peut être;

(b) substitution, à la ligne 28, page 4, de ce qui suit:

avec les principes de justice naturelle.

[Traduction]

Le coprésident (M. Joyal): Monsieur Beatty, il est évident
qui l’élève a dépassé le maître.

M. Beatty: Monsieur le président, si l’unité nationale était
aussi forte que mon accent, il n’y aurait pas de problème.

Monsieur le président, j’aimerais faire quelques observations
pour expliquer notre amendement.

Les fermes familiales, les entreprises familiales et la famille
sont parmi les éléments fondamentaux de la société cana-
dienne. Toutefois, quiconque a jamais rêvé de posséder sa
propre maison ou sa propre entreprise, serait préoccupé du fait
que la charte des droits proposée par le gouvernement est
muette à cet égard, alors que la déclaration des droits de
Diefenbaker comprenait le droit à la jouissance des biens.

Monsieur le président, il n’est pas rare que des constitutions
nationales reconnaissent le droit à la propriété. En fait, nous
avons pu trouver plus de 30 pays dont la constitution inclus le
droit à la propriété. J’en nommerai quelques uns, assez variés,
comme la Belgique, le Portugal, la France, l’Allemagne, l’Ir-
lande, l’Italie, le Luxembourg, le Japon et bien entendu les
États-Unis.

Nous ne proposons donc rien de neuf, monsieur le président.
ll ne s’agit pas d’une innovation qui n’ait pas fait ses preuves
ailleurs. On se contente de reconnaître les attentes et les rêves
de millions de Canadiens croyant que le droit à la propriété est
un droit fondamental dont tous les Canadiens devraient jouir.

Monsieur le président, ce droit était inscrit dans la Déclara-
tion des droits de Diefenbaker et l’Organisation canadienne
des petites entreprises et l’Association du Barreau canadien
ont également proposé de l’inclure dans la charte des droits de
la constitution.

Monsieur le président, d’aucuns ont dû se demander s’il
s’agissait là d’une intrusion dans un domaine de responsabilités
provinciales, vu que certains disent que les droits à la propriété
sont exclusivement réservés aux provinces.

Premièrement, je signale que certains biens relèvent de la
compétence fédérale, comme par exemple, les droits d’auteur
et les brevets.

Toutefois, nous admettons que la majorité de ces droits
relèvent de la compétence provinciale.

J’indique aux membres du comité inquiets à cet égard que le
parti progressiste conservateur maintient depuis le départ
qu’aucune disposition de la Charte des droits ne devrait s’ap-
pliquer à une province contre son gré. Nous avons proposé sans
aucun doute que les provinces devraient avoir le droit de
décider quelles dispositions de la charte s’appliqueront dans
leur juridiction et celles-ci ne devraient pas leur être imposées
par Ottawa.

Nous établissons ici un principe, comme nous nous propo-
sons de le faire dans le cas de la liberté d’information, qui
devrait s’appliquer à tous. Toutefois, comme dans l’autre cas,
vu qu’il s’agit de domaines de juridiction provinciale, Ottawa
ne devrait pas se contenter d’imposer ses droits et responsabili-
tés aux provinces, mais devrait leur donner l’occasion de se
faire entendre ct de prendre elles-mêmes cette décision. Nous
sommes convaincus, monsieur le président, que tôt ou tard,
toutes les provinces conviendront que le droit à la jouissance
des biens devrait être inscrit dans la constitution.

D’aucuns ont également dit craindre que cette disposition
n’empêche les provinces de légiférer relativement au droit
foncier. Ainsi, certajnes préoccupations ont été exprimées à cet
égard au sujet de l’lle-du-Prince-Edouard à la Conférence des
premiers ministres. On s’est demandé si cette province devait
avoir le droit de s’assurer que ses terres ne soient pas achetées
par des spéculateurs étrangers et que ses habitants ne soient
pas privés de leurs droits a la propriété dans leur propre
province.

Monsieur le président, le parti progressiste conservateur
estime que l’amendement qu’il propose n’empêcherait pas les
gouvernements provinciaux d’adopter toute loi nécessaire et
justifiée.

Nous demandons deux choses: premièrement, que le prin-
cipe du droit à la jouissance des biens soit inscrit dans la
constitution, deuxièmement, que ce droit ne soit retiré à qui-
conque sans que cette personne n’ait été entendue par des
moyens légaux.

Nous estimons que de telles dispositions n’empêcheraient
pas les gouvernements provinciaux de procéder à l’expropria-
tion si la protection de l’intérêt public l’exige, du moment
qu’ils ont recours à des moyens légaux pour le faire et qu’ils
entendent les personnes concernées. Cela n’empécherait pas
non plus des gouvernements provinciaux d’adopter des lois
visant à réserver des terres à ses habitants, pourvu qu’ils
appliquent des méthodes justes et légales.

Nous ne croyons donc pas imposer ainsi aux provinces une
obligation qui nuirait grandement à leur droit d’intervention
dans un domaine de leur compétence, mais plutôt de reconnaî-
tre, tout d’abord, un principe fondamental dans la Charte des
droits, et deuxièmement, de donner à tous les gouvernements
la responsabilité de traiter avec leurs citoyens en fonction de
principes de justice fondamentaux.

Monsieur le président, je signale que cette question com-
porte deux aspects. Premièrement, le droit à la jouissance des
biens. Deuxièmement, vous remarquerez que nous avons rem-
placé l’expression «justice fondamentale» par «justice natu-
relle». Ce changement provient du fait que de nombreux
documents légaux définissent le sens de «justice naturelle» et
que nous préférons inclure dans la charte une expression
clairement définie. En effet, comme l’a souligné M. Robinson,
nous devons nous assurer de bien connaître le sens de tout
terme du libellé de la constitution.

Nous estimons que la justice naturelle équivaut aux souhaits
de la grande majorité des Canadiens à l’égard des droits
fonciers ou du droit à la vie ou à la sécurité de la personne ou
du droit à la liberté.

Monsieur le président, nous sommes contre ce principe. Nous
aurions pu parler de procédure légale, au lieu deparler de justice
naturelle, mais cela laisse entendre que les gouvernements
peuvent faire n’importe quoi, à condition de respecter la loi. Un
gouvernement n’aurait qu’à adopter des lois pour autoriser ce
qu’il est en train de faire. Il s’agit, dans cet article, des principes
fondamentaux touchant la procédure légale, le droit d’être
entendu devant le tribunal. Ce droit devrait être inscrit dans la
constitution, sous la rubrique des libertés individuelles.

M. Robinson prétend, monsieur le président, que le NPD ne
cherche pas à faire disparaître la ferme ‘ou l’entreprise fami-
liale, et je le crois; mais il a dit également que les sociétés
pourraient peubêtre être traitées différemment. ll va donc
falloir décider si les sociétés devraient jouir des mêmes droits
que tous les Canadiens, les petites entreprises et les fermes
familiales.

ll faut demander au NPD et à quiconque s’oppose à cet
amendement s’ils refuseraient aux grandes entreprises et aux
multinationales étrangères le droit d’être entendues par un
tribunal. Est-ce qu’ils permettraient qu’on enlève la propriété à
ces sociétésdà, même légalement? De quelle manière l’intérêt
national serait-il compromis si on accordait ces droits aux
sociétés, ainsi qu’aux individus?

Ne croyez-vous pas que quelqu’un qui respecte la loi a le
droit, avant qu’on ne lui enlève sa propriété, de se faire
entendre par un tribunal et de s’assurer que la démarche est
légale?

Je crois, monsieur le président, que le droit de propriété
devrait être accordé à la fois aux sociétés et aux individus, et
c’est pourquoi nous avons proposé un amendement. Cet amen-
dement mérite d’être appuyé par tous les membres du Comité.
Des millions de Canadiens suhaitent son adoption.

Le coprésident (M. Joyal): Merci beaucoup, monsieur
Beatty. Mr. Jean Lapierre.

[Texte]

M. Lapierre: Merci, monsieur le président.

Je pense que monsieur Beatty a bien fait la démonstration
que le droit de propriété a beaucoup d’avantages à être inclus
dans la nouvelle constitution et, étant donné que je suis le
même homme que j’étais hier et que j’avais pris un engagée
ment envers nos collègues d’en face, nous sommes toujours
prêt à accepter leur suggestion.

Maintenant, c’est strictement une question technique. Dans
la version française, vous dites

la sécurité de sa personne et la jouissance de ces biens.

C-E-S. Je préférerais S-E-S pour démontrer qu’il s’agit bien de
ses biens à lui.

Le coprésident (M. Joyal): D’accord.

Très bien, monsieur Lapierre, vous pouvez continuer.

M. Lapierre: Comme vous le savez, la Charte canadienne,
the Canadian Bill of Rights, accorde déjà ce droit de propriété.

Au cours de l’été, en juillet, dans les propositions faites par
le gouvernement fédéral, on pensait aussi inclure cette notion
mais plusieurs Provinces étaient très inquiètes à propos de
l’inclusion d’une disposition comme celle-là à cause des lois
concernant le zonage, l’environnement, le développement
industriel et tout.

Nous sommes convaincu que cette nouvelle disposition n’em-
pêchera pas les Provinces de légiférer et j’aimerais que mon
collègue d’en face sache bien d’avance que leur proposition va
soulever certainement l’ire de nos collègues comme monsieur
Garon, monsieur Léonard et d’autres, au Québec en particu-
lier, sauf que leur proposition est dans un autre sens.

Quant au deuxième volet de votre proposition, c’est très
réaliste de demander que l’on change la notion de justice
fondamentale et cela fait suite à plusieurs représentations, soit
celle de l’Association canadienne des Libertés civiles, celle de
The National Association of Japanese Canadians, celle de
lndian Rights for Indian Women, celle de la Ligue nationale
des Noirs et de bien d’autres qui nous ont demandé de préciser
cette notion de justice fondamentale qui n’était pas très connue
en droit jusqu’à ce jour.

C’est pourquoi les membres de ce Comité n’ont aucune
objection à reconnaître ce nouveau principe et, par conséquent,
le droit de propriété est une valeur intrinsèque au Canada et
nous sommes prêt à aller de l’avant.

Le coprésident (M. Joyal): Merci beaucoup, monsieur
Lapierre.

Monsieur Robinson, vous voulez faire des commentaires sur
la proposition telle qu’elle nous est présentée?

[Traduction]

M. Robinson: Assurément. Merci, monsieur le président.
Encore une fois, j’ai écouté avec intérêt les interventions de M.
Beatty et de M. Lapierre, et je suis pleinement d’accord sur ce
qu’on a dit à propos de l’importance vitale de la petite entre-
prise familiale, industrielle ou agricole, pour la société cana-
dienne, mais, sans vouloir offenser ces deux personnes, ce n’est
pas ce que cet amendement met en cause.

Parim ceux qui sont réunis autour de cette table, nul ne
contesterait que ce sont les pierres angulaires, de la société
canadienne et que la charte des droits doit, en conséquence,
leur accorder une pleine reconnaissance et une totale
protection.

Cependant, monsieur le président, cette proposition va beau-
coup plus loin. Nous entrons dans un domaine où jamais nous
ne nous étions aventurés; en tout cas, durant ces dernières
années, il n’en a jamais été question entre le gouvernement
fédéral et les provinces; du moins, le gouvernement fédéral n’a
jamais manifesté l’intention de présenter une proposition de
cette nature,

Si l’on regarde le projet de juillet 1980, si l’on regarde le
document de février 1979; si l’on regarde le Bill C-60; si l’on
regarde le rapport Lamontagne-MacGuigan, et si l’on regarde
les nombreux documents antérieurs, on se rend compte que ce
droit, ce droit qui s’applique de manière universelle, ce droit
qui s’étend aux provinces et au gouvernement fédéral, et pas
seulement aux citoyens canadiens, ce droit qui s’étend à tous, y
compris aux sociétés étrangères, aux grandes sociétés cana-
diennes sans aucune distinction, ce droit a subi une extension
exorbitante.

On a évoqué, monsieur le président, la Déclaration cana-
dienne des droits et, effectivement, l’article 1 de la Déclaration
canadienne des droits parle du droit à la jouissance des biens et
à l’impossibilité d’en être privé, si ce n’est dans les limites de la
légalité.

Monsieur le président, il ne faut pas oublier ce fait essentiel
que la Déclaration canadienne des droits est du ressort fédéral;
j’attire l’attention de ceux qui voudraient savoir comment on a
appliqué ce droit sur le fait qu’ils chercheraient en vain dans
les registres un cas quelconque de jurisprudence à ce sujet, car
les tribunaux de notre pays ont reconnu que le droit à la
propriété est du domaine provincial. A ceux qui prétendent que
dans la mesure où ce droit figure dans la déclaration, il devrait
en quelque sorte s’étendre au domaine provincial, je répondrai
qu’il s’agit là d’une question relevant directement de la compé-
tence des provinces.

Je serai très étonné, monsieur le président, de voir que cet
amendement vienne du parti conservateur, puisque ce même
parti conservateur prétend que le gouvernement fédéral exerce
une contrainte contre les provinces.

Or, par la grâce du ciel, si ce n’est pas là quelque chose
qu’on cherche à imposer aux provinces, une chose à laquelle se
sont vigoureusement opposés plusieurs premiers ministres pro-
vinciaux appartenant au parti conservateur, je ne sais pas ce
que c’est; ils ont en effet réclamé, avec juste raison, le droit de
regard sur un certain nombre de questions; ils veulent notam-
ment empécher que leurs terres deviennent propriété étran-
gère, propriété de sociétés étrangères, dans bien des cas.

Angus MacLean, premier ministre de l’Ile-du-Prince-
Edouard, a défendu cet argument très clairement et avec
beaucoup d’éloquence en disant qu’ils ont le droit de protéger
leurs terres contre l’ingérence des sociétés étrangères.

Que pense le parti conservateur de cette contrainte qui, je le
répète, est proposée pour la première fois de manière explicite?

[Texte]

M. Lapierre: Rappel au règlement, monsieur le président.

Le coprésident (M. Joyal): Monsieur Lapierre, sur un
Rappel au règlement.

[Traduction]

M. Lapierre: Je voudrais que M. Robinson se reporte à son
document de juillet 19 80 où, à propos de l’article 9, il est dit
que chacun a le droit de jouir de ses biens, individuellement ou
collectivement, et qu’il ne peut être porté atteinte à ce droit
que conformément à la loi et en échange d’un dédommage-
ment raisonnable.

[Texte]

Comme je pourrais lui dire, vous savez, des fois on peut
oublier, mais il y a un vieux principe qui dit: qui trop
embrasse, mal étreint, mais il ne faudrait vraiment pas donner
l’impression que des: une nouvelle récente. Il y a longtemps
que cela est discuté.

Le coprésident (M. Joyal): Merci, monsieur Lapierre.

Monsieur Robinson.

[Traduction]

M. Robinson: Merci, monsieur le président. Je suis très
content que mon ami, monsieur Lapierre, ait signalé que
l’article 9 se trouve là-dedans, car j’allais justement y venir
dans un instant.

Le texte de l’article 9 diffère considérablement de ce que
propose le Parti conservateur. Les dispositions de l’article 9
rejoignent les recommandations de l’Association du Barreau
canadien et celles de M. Walter Tarnopolsky qui fait incon-
testablement autorité en ce domaine, vous en conviendrez tous;
si nous parlons du droit à la jouissance de la propriété, droit si
fortement ancré dans les attributions des provinces, il faut que
ce soit formulé d’une manière très précise, car c’est un
domaine où les tribunaux hésiteront sûrement à s’avancer.

Monsieur le président, on a eu raison de biencirconscrire les
dispositions de l’article 9, conformément aux recommandations
de l’Association du Barreau canadien et à celle de M. Tar-
nopolsky; cet article garantit le droit à la propriété, droit
auquel il ne peut être porté atteinte si ce n’est conformément â
la loi et en échange d’un dédommagement raisonnable; le
critère primordial réside dans l’expression «conformément à la
loi».

Si nous voulons entrer dans le domaine de la propriété, nous
devons veiller à ce que les provinces conservent une marge de
manœuvre suffisante, à condition qu’elles se conforment aux
principes du droit.

Je voudrais passer à un autre argument, monsieur le prési-
dent; le voici.

Le Parti conservateur affirme qu’il faut imposer cela aux
provinces, mais il dira peut-être qu’en dissociant ces disposi-
tions, il n’impose aucun droit aux provinces et qu’il les exhorte
simplement à en tenir compte. Les conservateurs ont dit très
clairement que si c’est inscrit dans la charte, ils exhorteront les
provinces à l’accepter.

Parler du droit à la jouissance de la propriété, c’est très bien,
à condition d’avoir des biens dont on peut jouir; c’est très bien
de protéger le secteur des entreprises et de protéger son droit à
jouir de la propriété, mais si nous nous embarquons dans le
domaine des droits économiques, commençons par examiner
certains autres domaines, les domaines économiques et
sociaux. Commençons par nous inquiéter du droit à un
environnement non pollué. Pendant que les sociétés sont
occupés a jouir de leurs biens, veillons à ce qu’elles ne polluent
pas notre environnement.

Si nous admettons que les sociétés ont le droit de jouir de ce
qui leur appartient, insistons également pour que, ce faisant, la
vie de nos travailleurs ne soit pas menacée et qu’ils ne soient
pas victimes d’accidents et qu’ils ne tombent pas malades.

Si nous parlons du droit à la jouissance de la propriété,
monsieur le président, parlons aussi de ce que cela implique.

En terminant, monsieur le président, je dirai que nous
admettons l’importance des principes de la justice naturelle et
de leur application, mais je ferai observer qu’en remplaçant
l’expression ujustice fondamentale» par «justice naturelle» nous
régressons par rapport à ce que le ministre de la Justice a
antérieurement reconnu comme un domaine qui évolue.

On s’était entendu pour dire que l’expression «justice fonda-
mentale» se justifiait parce qu’elle permettait aux tribunaux de
pénétrer dans de nouveaux domaines de la jurisprudence.

Nous limitons cette possibilité, monsieur le président. Les
tribunaux ont les mains liées par les principes communément
admis de la justice naturelle.

Selon moi, il faut donner aux tribunaux la possibilité de
parler de liberté et de sécurité de la personne, par exemple, et
de s’adapter à l’évolution de la société canadienne. La justice
fondamentale le permet. La justice naturelle ne le permet pas.
Nous sommes cantonnés aux principes actuels de la justice
naturelle.

Monsieur le président, cet amendement doit être rejeté pour
de nombreuses raisons et en particulier parce qu’il empiète sur
des domaines de compétences provinciales si vigoureusement
défendus par des premiers ministres conservateurs. S’il est un
amendement qui a véritablement soulevé l’ire des premiers
ministres conservateurs lors des discussions, c’est bien celui-là,
Je souligne également que l’amendement proposé par le gou-
vernement fédéral allait moins loin que celui-ci. Si les premiers
ministres étaient disposés à refuser celui-là, ils seront d’autant
plus opposés à celui-ci.

Nous essayons d’en venir à un consensus, et cet amendement
pourrait justement détruire tout élément de consensus quel
qu’il soit.

Monsieur le président, je recommande fortement qu’on
rejette cet amendement.

Le coprésident (M. Joyal): Merci beaucoup, monsieur
Robinson. M. Nystrom et M. Hawkes ont demandé au prési-
dent de prendre la parole à ce sujet, mais je voudrais informer
M, Nystrom que j’ai déjà demandé si quelqu’un d’autre voulait
intervenir avant d’inviter M. Robinson à faire sa conclusion. Je
dois donc passer au vote, puisque M. Robinson a terminé.

M. Beatty: C’est ma motion, monsieur le président.

Le coprésident (M. Joyal): Excusez-moi, vous avez raison,
vous m’en voyez confus. ll reste donc le sénateur Tremblay.
Monsieur Hawkes, vous avez la parole.

M. Hawkes: Merci, monsieur le président.

Compte tenu des observations faites par M. Robinson, je
dois dire qu’à l’encontre du Nouveau parti démocratique, le
Parti conservateur a toujours dit, dès qu’il a pris connaissance
de la proposition du gouvernement, que cette proposition s’at-
taquait à la nature même de la Fédération canadienne, aux
relations entre le gouvernement fédéral et les gouvernements
provinciaux. Nous avons présenté des amendements au Comité
et nous croyons fermement qu’ils constituent la solution à
l’impasse dans laquelle nous nous trouvons. Notre amende-
ment, qui divise le projet, reconnaît la nature de la Fédération
canadienne. Le Parlement du Canada fait des démarches
auprès des assemblées des provinces et il est important que
nous leur demandions d’accorder une attention spéciale à la
question des droits sur la propriété, en participant au processus
de réforme constitutionnelle. Notre pays a été fondé par des
gens qui accordent une certaine valeur à leurs biens, et puis-
qu’on a l’intention d’enchâsser des droits dans la Constitution
du Canada, il est important d’y inclure le droit à la propriété.
Cependant, ce droit doit être approuvé par les deux paliers de
gouvernement, et en vertu de l’Acte de l’Amérique du Nord
britannique, ce sont les provinces qui depuis le début de la
Confédération s’occupent des questions de propriété.

Nous avons besoin de leur lumière, et j’estime que l’argu-
ment avancé par M. Robinson vient étayer la position adoptée
dès le début par notre parti, c’est-â-dire que nous devons tirer
parti de la sagesse commune et que nous avons besoin de plus
de temps pour renouveler la Confédération. En conséquence,je
demande aux membres du Comité d’approuver l’inclusion de
ce droit en vertu d’une entente selon laquelle ce principe serait
étudié par les provinces lorsqu’elles participeront à la réforme
constitutionnelle.

Le coprésident (M. Joyal): Merci beaucoup, monsieur
Hawkes. M. Nystrom suivi de l’honorable sénateur Tremblay.
Monsieur Nystrom.

M. Nystrom: Monsieur le président, je veux maintenant
demander au Comité une chose que le Parti conservateur vous
a demandée plus tôt aujourd’hui et que vous avez acceptée. 1l
s’agit de réserver l’article sur la liberté de circulation et
d’établissement. Est-ce que le Comité veut accéder à ma
demande?

Je vais vous expliquer pourquoi.

Les droits à la propriété ont été fort controversés. lls figu-
raient à l’ordre du jour des réunions cet été, constituant le
point 9 de la charte. Ce projet était très différent de celui que
nous étudions aujourd’hui.

Le projet présenté l’été dernier était plus libéral que celui-ci,
en ce sens qu’il accordait aux provinces plus de latitude.

C’était un projet fort controversé. ll a rencontré l’opposition
de nombreuses provinces au cours des négociations qui ont eu
lieu cet été. Ma province, la Saskatchewan, et le premier
ministre Blakeney n’ont pas été les seuls à s’y opposer; certai-
nes des provinces représentées par des gouvernements conser-
vateurs s’y sont opposées également.

Comme le gouvernement ne nous a avertis qu’hier soir qu’il
avait l’intention d’accepter cet amendement, il n’est que juste
que nous le réservions jusqu’à lundi soir. Cela nous donnera le
temps d’y réfléchir. Puisque nous représentons toutes les pro-
vinces du pays, cela nous donnera le temps de consulter les
gouvernements provinciaux. Ce n’est que justice dans une
fédération comme la nôtre, puisqu’il s’agit d’une des questions
les plus controversées l’été dernier.

Comme je ne suis pas juriste, je parlerai en profane qui
s’estime désavantagé lorsqu’il est confronté a certains des
termes qui sont utilisés ici.

Tout d’abord, j’estime qu’il faut protéger le droit à la
propriété, lorsqu’il s’agit d’une ferme, d’une petite entreprise
ou d’une maison. Nous avons besoin de certains de ces droits
économiques.

L’amendement proposé par les conservateurs, et que le
gouvernement a l’intention d’accepter, touche la question des
droits économiques, et c’est pourquoi je tiens à souligner que je
m’intéresse beaucoup aux droits sociaux et économiques, aux
droits à recevoir des soins médicaux, c’est-à-dire le droit
fondamental que nous devrions tous avoir. Je m’intéresse
également au droit au logement ainsi qu’au droit à un revenu
pour tout le monde.

Mon collègue, M. Rose, parle de la propreté de l’air et de
l’environnement. On pourrait et l’on devrait probablement
envisager la possibilité d’inclure dans la constitution de nom-
breux droits sociaux et économiques fondamentaux. Je ne suis
pas certain de vouloir inclure ce droit économique en particu-
lier à l’exclusion de tous les autres. C’est pourquoi je demande
aux membres du Comité de réserver cet article.

Je prends par exemple le mot «chacun» et je me demande ce
qu’il veut dire. On ne mentionne pas qu’il s’agit d’un citoyen
canadien. Si l’on dit chacun, cela peut être tout le monde, un
homme d’affaires japonais en Amérique, un Français, ou qui
que ce soit. Je me souviens du plaidoyer éloquent fait par le
procureur général conservateur de l’Ile-du-Prince-Édouard lors
de la conférence des premiers ministres en septembre. Il nous a
expliqué pourquoi à l’Ile-du-Prince-Édouard il était nécessaire
d’adopter des lois pour fixer la taille des fermes et établir les
titres de propriété afin de protéger le patrimoine de l’Ile. Ce
fut l’un des plaidoyers les plus émouvants de cette semaine.

Je ne sais pas si cette disposition aurait un impact sur le
droit de l’Ile-du-Prince-Édouard de déterminer qui pourra y
posséder des terres, qui les contrôlera et quelle sera la destinée
de la province.

Si cette disposition avait été constitutionnalisée il y a cinq
ans, je ne sais pas ce qui se serait passé en Saskatchewan où le
premier ministre et l’Assemblée provinciale ont décidé d’in-
clure dans le domaine public plus de 40 p. 100 du secteur de la
potasse en rachetant des mines d’intérêts étrangers. Je ne sais
pas quelles auraient été les conséquences. lls auraient peut-être
pu le faire quand même. ll y aurait peut-être eu une lutte
acharnée devant les tribunaux. Il est possible que la clause
stipulant qu’il faut se conformer au principe de la justice
fondamentale leur aurait quand même permis de le faire, à
cause des lois sur l’expropriation. Je n’en suis pas certain,
cependant, et c’est pourquoi je pense que nous avons besoin de
temps pour y réfléchir. Il nous faut pouvoir consulter des
juristes ainsi que les provinces.

C’est pourquoi je veux également qu’on réserve cet article
jusqu’à lundi soir.

J’ai par ailleurs fait brièvement allusion à l’Île-du-Prince-
Édouard, mais je peux demander à M. Lapierre qu’il nous
parle de la législation foncière adoptée par la province de
Québec. Y a-t-il interférence de ces droits et de cette
législation?

Si je prends le cas de ma propre province où l’on s’inquiète
de voir la terre appartenir à des intérêts étrangers, je me
demande s’il n’y aurait pas la interférence.

Je regarde également l’argument des droits provinciaux et je
suis vraiment étonné de la position de mes collègues conserva-
teurs. Je sais qu’ils veulent dissocier ces propositions et les
soumettre à l’approbation des provinces. Mais, par ailleurs, ils
n’ignorent pas que nous sommes en présence d’un gouverne-
ment majoritaire. L’opposition officielle aura beau dire et beau
faire, dans un régime parlementaire, un gouvernement majori-
taire obtient généralement ce qu’il veut. C’est rendre un très
mauvais service à ce pays que d’imposer certaines choses aux
provinces contre leur gré; en effet, les droits à la propriété sont
du ressort des provinces et, de ce fait, je le répète, il me faut du
temps, à moi et aux membres du Comité, pour réfléchir avant
de juger si ce que nous faisons est bon ou mauvais.

Pour ces raisons, par conséquent, monsieur le président, je
demande au Comité de réserver cet article. Je m’oppose à ce
qu’on l’adopte maintenant. Je m’oppose au texte qui nous est
soumis. Peut-être faudrait-il envisager de le modifier ou de le
supprimer purement et simplement; et si nous nous avançons
dans le domaine des droits économiques, je m’inquiète de ceux
qui ne possèdent rien peut-être, mais qui ont des droits. Que
dire des gens qui louent leur maison parce qu’ils n’ont pas les
moyens de s’en acheter une, de ceux qui paient des intérêts
exorbitants, de ceux qui paient des loyers très élevés; ont-ils le
droit à un logement? Ont-ils le droit à un revenu? Ont-ils le
droit de recevoir des soins médicaux? Ont-ils ces autres droits
fondamentaux? On nous a-dit que nous devrions aborder
toutes ces choses-là et que nous devrions insérer une charte des
droits, rapatrier la constitution avec une formule d’amende-
ment et prendre en considération divers autres éléments,
comme les ressources et la péréquation.

Je vous demande donc, monsieur le président, de bien vou-
loir réserver cet article jusqu’à lundi soir, si c’est possible.

Le coprésident (M. Joyal): Merci beaucoup, monsieur
Nystrom.

[Texte]

L’honorable sénateur Tremblay.

Le sénateur Tremblay: Merci, monsieur le président,

J’avais l’intention de faire simplement une remarque qui
recoupe, d’ailleurs, ce que mon collègue M. Beatty et mon
collègue M. Hawkes ont déjà dit en ce qui concerne les
inquiétudes de M. Lapierre comme de nos amis du NPD
relativement aux Provinces qui se trouvent manifestement
touchées par l’inclusion de ce droit à la propriété mais, au
préalable, je me permettrai de dire deux mots du genre
d’analyse que vient de faire M. Nystrom en ce qui concerne le
sort qui sera fait aux propositions que nous avons à mettre au
point.

ll nous dit en somme que, sachant que la majorité poursui-
vra peut-être son projet, le projet ne devrait rien contenir que
nous ne soyons disposé à imposer aux Provinces. A ce comp-
etc-là, lorsqu’on ne veut rien imposer aux Provinces, il faudrait
tout simplement abroger, proposer d’éliminer la charte toute
entière puisque la majorité présumément ne se ralliera pas à la
rationalité de nos arguments.

J’espère qu’elle est encore vulnérable à cette rationalité et
qu’elle va modifier ses intentions fondamentales d’unilatéra-
lisme.

Quant à nous, sur le point qui préoccupe M. Lapierre, M.
Nystrom et son collègue, M. Robinson, il faut bien voir que
nous inscrivons le travail que nous poursuivons en ce moment
sur l’ensemble de la charte dans un cadre, dans une proposition
globale où nous n’imposerons pas aux Provinces, si notre
proposition est acceptée, où précisément nous retournerons
vers les Provinces un projet du Parlement canadien, et ce que
nous cherchons à faire en ce moment c’est de bonifier la
proposition du Parlement canadien aux Provinces, selon notre
recommandation.

Par conséquent, we do not impose on the Provinces, we
propose, en faisant ce que nous faisons en ce moment.

M. Lapierre: Inaudible.

Le sénateur Tremblay: Ah! vous nous ramenez alors la
mécanique brutale du jeu des majorités. Peut-être en serons-
nous victime mais, encore une fois, je répète que nous faisons
le postulat que la majorité est vulnérable à la rationalité et que
devant la démonstration que nous ferons en temps et lieu de la
rationalité de la référence aux Provinces plutôt que de la
référence à Londres pour une charte des droits canadienne,
nous faisons le postulat que nos arguments rejoindront cette
rationalité, même celle de la majorité.

Par conséquent, notre postulat de travail c’est qu’en ce
moment nous préparons une proposition de la part du Parle-
ment canadien à l’intention des Provinces.

Nous avons, je pense, démontré, M. Beatty entre autres,
qu’il est justifié quant au fond d’inscrire dans cette proposition
aux Provinces l’amendement que nous suggérons aujourd’hui;
je ne reviendrai donc pas là-dessus, mais je tenais à insister et
à souligner que, pour nous, il ne s’agit pas d’imposer aux
Provinces mais de proposer.

Merci, monsieur le président.

Le coprésident (M. Joyal): Merci beaucoup, sénateur
Tremblay.

Je crois que votre point de vue a été exprimé très clairement.
Monsieur Lapierre.

M. Lapierre: Monsieur le président, je m’oppose fermement
à la suggestion faite par M. Nystrom de remettre à lundi cet
article si important quand on sait que les amendements conser-
vateurs ont été présentés dans une forme impeccable mardi
soir, quand on sait que hier après-midi j’ai donné notre accord
de principe, donc ils ont eu toute la journée hier et toute la
soirée, on sait que M. Robinson, lui, a déjà fait son idée sur le
sujet, on se demande qui parle pour qui, et aussi je dois avouer
que les Conservateurs, comme nous, avons fait nos travaux
d’écoliers, notre «homework» et on est très bien décidé sur cette
question.

Quand il dit qu’il a besoin de temps pour réfléchir, il a eu
toutes les vacances des Fêtes parce qu’il y a beaucoup de
groupes qui sont venus devant nous, qui ont parlé du droit de
propriété, et je pense que ce n’est pas une notion nouvelle.

M. Nystrom: Depuis hier soir.

M. Lapierre: Hier après-midi que j’ai annoncé que notre
côté serait prêt à l’accepter, mais la notion de droit de pro-
priété n’est pas une notion nouvelle et, personnellement, je me
demande si monsieur . . .

[Traduction]

M. Nystrom: J’invoque le Règlement, monsieur le président.

Le coprésident (M. Joyal): M. Nystrom invoque le
Règlement.

M. Nystrom: Monsieur le président, j’hésite à interrompre
M. Lapierre. Mais il a fait la même chose à un moment où M.
Robinson faisait une intervention très importante. Certes, il en
a été question l’été dernier, monsieur le président, mais cela
n’a jamais figuré dans le projet de résolution présenté au
Comité. C’est hier soir seulement que le gouvernement a
déclaré qu’il accepterait l’amendement inopinément présenté
au Comité; or, nous n’avons pas eu la possibilité d’y réfléchir
attentivement.

Le gouvernement nous a donné à entendre qu’il n’avait pas
l’intention de présenter cela sous la forme d’un amendement.

M. Epp: J’invoque le Règlement.

Le coprésident (M. Joyal): L’honorable Jake Epp invoque le
Règlement.

M. Epp: Je dois signaler à M. Nystrom, monsieur le prési»
dent, que nous avons présenté nos amendements mardi pour
que tous les membres du Comité puissent les juger.

Le coprésident (M. Joyal): Merci beaucoup, monsieur Epp.

[Texte]

Monsieur Lapierre, je crois comprendre que vous avez
complété.

M. Lapierre: J’ai complété. Notre position est claire.

Le coprésident (M. Joyal): Je voudrais inviter l’honorable
Bryce Mackasey.

[Traduction]

L’honorable Bryce Mackasey.

M. Mackasey: J’ai suivi le débat, monsieur le président. Je
n’aime pas que les gens parlent à ma place car je sais générale-
ment ce que je pense. Ce que je pense. c’est que j’appuierai
mon parti à condition d’avoir la conscience nette sur la ques-
tion. Certains éléments fondamentaux me tracassent parfois.

Ce qui me tracasse un peu, et ma décision s’en ressentira
certainement, c’est le domaine abordé par M. Robinson, à
savoir les conséquences de cet article pour les investisseurs
étrangers, non seulement leur possibilité d’acheter des ter-
rains—car nous achetons énormément de terrains aux États-
Unis mais également ce qu’ils pourront en faire.

Avant de porter un jugement sur cet article, je voudrais
interroger directement le ministre sur ce qu’il pense de sa
validité car, en ce qui me concerne, dans la confusion où je
suis, j’ai besoin de ses conseils.

Je voudrais poser au ministre une question sur la validité de
l’argument de M. Robinson. Faudrait-il parler de «citoyens
canadiens» plutôt que de «chacun»? Voila ce qui me tracasse.

Le coprésident (M. Joyal): L’honorable ministre de la
Justice intérimaire.

M. Kaplan: Monsieur le président, ma réponse sera brève.
Toutefois, je signale que les libéraux ont toujours été favora-
bles à l’idée de protéger les droits économiques et les droits
fonciers. Nous avons omis cette disposition du projet de loi
pour les raisons que certains députés ont mentionnées, à savoir
que les provinces s’opposaient vivement à l’inclusion de ce
genre de protection.

Vu que les députés conservateurs ont proposé cette disposi-
tion et qu’ils sont disposés à ce que le Comité et le Parlement
abordent maintenant cette question fort controversée, les libé-
raux sont disposés à accepter cette proposition, vu qu’ils sont
convaincus qu’il faudrait reconnaître et protéger les droits
économiques et fonciers et que les conservateurs sont prêts â
appuyer cette notion.

Les arguments qu’ont invoqués M. Robinson et M. Nystrom
ne se rapportent pas du tout à cette disposition car cette
dernière vise la procédure et n’a rien à voir avec l’acquisition
de biens et de propriétés par des intérêts étrangers.

L’amendement n’a trait qu’au cours normal de la justice et
stipule que quiconque—et pour la gouverne de monsieur Nys-
trom je confirme à nouveau que «chacun» veut bien dire «tous
et chacun» comme il le soupçonnait. il n’y a donc pas lieu de
s’attarder là-dessus. Quiconque signifie que quiconque—étran-
ger, «indigène», constitué ou non en société, a le droit de ne pas
être privé de la jouissance de ses biens, sauf en conformité des
principes de justice fondamentale ou de justice naturelle, selon
ce que le Comité décidera.

Pour répondre strictement à votre question, nous pourrions
en effet restreindre le droit d’être traités de façon équitable
aux citoyens canadiens. Nous pourrions laisser entendre ici,
comme le disait monsieur Robinson, que les étrangers seraient
soumis a des règles injustes, si le Parlement en décide ainsi,
qu’ils ne devraient pas jouir de leurs biens dans notre pays
selon le cours normal de la justice. Nous ne sommes pas
d’accord avec un tel concept.

Nous estimons que le processus normal de la justice devrait
s’appliquer à toute personne, et je dis bien toute personne,
autorisée à posséder des biens au Canada en vertu de toute
autre loi pertinente.

Merci, monsieur le président.

Le coprésident (M. Joyal): Merci beaucoup, monsieur le
ministre.

Monsieur Robinson.

M. Robinson: Monsieur le président, dans les dernières
minutes, j’ai tenté de retrouver l’extrait auquel j’ai fait allusion
plus tôt. J’aimerais attirer l’attention du Comité sur l’opinion
de l’Association du Barreau canadien ainsi que sur celle du
professeur Tarnopolsky, qui devrait être cité car ses arguments
sont convaincants.

Voici un extrait de la proposition de l’Association du Bar-
reau canadien intitulée Vers un nouveau Canada.

ll importe de signaler, monsieur le président, que cc comité
était composé de représentants de toutes les régions du
Canada. Il était présidé par M. Jacques Viau, du Québec, et
comptait des représentants de l’Alberta, de la Colombie-Bri-
tannique, de l’Ontario, du Québec, de l’Ile-du-Prince-Edouard,
du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse, de la Saska-
tchewan et de Terre-Neuve.

Monsieur le président, ce groupe était donc fort représenta-
tif. ll a tenu un certain nombre d’audiences et a reçu de
nombreuses propositions. ll a rédigé par la suite un document
dont devrait certes tenir compte le Comité.

Monsieur le président, à la page 18, le rapport de l’Associa-
tion du Barreau canadien traite de cette question fondamen-
tale qui nous occupe, celle des droits fonciers, sous la rubrique
Droits juridiques dans le chapitre portant sur les droits fonda-
mentaux et les objectifs constitutionnels. lls ont écrit ce qui
suit: dans sa proposition intitulée, la Constitution et la popula-
tion du Canada, le gouvernement fédéral a proposé l’inclusion
des droits suivants: premièrement, le droit de la personne à la
vie et à la liberté et à la sécurité de la personne et le droit de ne
pas en être privé sauf en conformité de l’application régulière
de la loi.

Je m’arrête ici pour signaler que le ministre de la Justice
s’est certainement trompé en disant que cet amendement
garantirait le cours normal de la justice. J’espère que ce n’est
pas le cas, car si nous abordons la question du cours normal de
la justice, comme le ministre l’a signalé, nous abordons tout le
domaine du droit positif, ce que nous ne souhaitons certaine-
ment pas faire dans le cas des droits économiques.

Je passe au deuxième aspect qu’a abordé l’Association du
Barreau canadien, notamment le droit de la personne à la
jouissance des biens, et le droit de ne pas en être privée sauf en
conformité de la loi.

C’est assez mal formulé, il a dit mais ceci:

A l’instar du comité mixte, nous approuvons l’intention
générale de ces propositions. En fait, le comité aurait été
plus loin, et ajouté que personne ne peut être privé de ses
biens, sauf pour le bien public et en contrepartie d’une
indemnité raisonnable. Toutefois, nous sommes convain»
cus qu’il incombe clairement aux assemblées législatives
de décider si la saisie de biens est dans l’intérêt public.
Nous étions favorables au départ à l’idée que l’indemnité
advenant une telle saisie devrait être garantie, mais finale-
ment, nous estimons qu’il n’y a pas lieu de protéger les
droits économiques dans une déclaration des droits, que
cette question relève également des assemblées législati-
ves.

On peut en effet se demander si une déclaration des droits
devrait inclure des droits économiques, et nous reviendrons à
cet aspect plus tard.

De toute façon, ils disent bien que les assemblées législatives
sont les plus aptes à juger ce qui est dans l’intérêt public, et ce
qui est juste du point de vue économique.

L’Association du Barreau canadien a donc recommandé,
monsieur le président, qu’on se contente de stipuler que le droit
de la personne à la jouissance des biens doit être octroyé dans
le cadre de la loi.

Monsieur le président, il y a eu un changement fondamental,
car au départ, la proposition du gouvernement fédéral portait
sur les droits des individus à la jouissance des biens.

Monsieur le président, c’était justement l’intention de
l’amendement que j’ai tenté de proposer. L’Association du
barreau canadien ou le gouvernement n’ont jamais parlé
d’étendre ce droit et toute cette jurisprudence aux sociétés.
Nous parlions alors de personnes naturelles, comme le gouver-
nement fédéral d’ailleurs.

Ensuite, le professeur Tarnopolsky a présenté les arguments
suivants dans un article qui a paru récemment dans la Cana-
dian Bar Review au sujet des dispositions du bill C-60. C’était
en 1978.

Il fait allusion aux problèmes que pose l’article relatif à
l’application régulière de la loi, en ce qui a trait à la jouissance
des biens, et aborde ainsi la distinction entre les biens et le
concept de l’application régulière de la loi:

En envisageant l’adoption de tels amendements, toutefois,
il faut se demander si l’on doit inclure un article pré-
voyant la protection du droit à la propriété et, dans
l’affirmatif, si l’expression «sauf en conformité de la loi»,
celle que l’on recommande le plus souvent, suffirait à
assurer un traitement «juste», et une indemnisation «juste»
en cas de saisie. Pour ce faire, cet article pourrait égale-
ment exiger que toute expropriation ne soit faite dans
«l’intérêt public» et contre «indemnisation». Toutefois,
avec un tel libellé, les tribunaux pourraient étendre la
portée de l’article et accepter tout argument contre le
versement de taxes ou la perception d’amendes, à moins
qu’une autre disposition ne les exempte de la protection
offerte par l’expression «indemnisation juste».

Monsieur le président, le concept de justice naturelle est
restrictif, comme je l’ai dit, mais il est concevable que des
tribunaux en étendent la portée aux domaines de l’indemnisa-
tion dans son ensemble. Pouvez-vous imaginer quel serait le
cauchemar si les tribunaux devaient décider de questions de ce
genre.

Le professeur Tarnopolsky évoque ensuite cet argument.

Par ailleurs, l’interprétation de l’expression «indemnisa-
tion juste» pourrait donner lieu à de nombreux litiges. Par
conséquent, il est probablement préférable de stipuler
simplement qu’on ne peut priver quiconque de ses biens
«sauf en conformité de la loi», et s’en remettre ainsi aux
interventions des propriétaires auprès de nos assemblées
législatives pour empêcher l’adoption de lois permettant
l’expropriation sans indemnisation juste et la confiscation
sans justification.

Voilà donc l’opinion de M. Tarnopolsky, un membre du
comité des droits de l’homme des Nations Unies, ainsi que de
la Commission canadienne des droits de la personne, et auteur
du document le plus important sur la déclaration canadienne
des droits.

Le coprésident (M. Joyal): J’invoque le Règlement mon-
sieur Robinson. Vous nous donnez le pedigree de M. Tarna-
polsky. Comme vous le comprendrez, j’aimerais que vous vous
en teniez au contenu de la motion. Je vous rappelle que lorsque
nous étudions des amendements ou des sous-amendements,
toute intervention devrait porter sur le contenu de ces amende-
ments et non sur la personnalité de tout expert que vous
pouvez citer pour appuyer vos arguments.

M. Robinson: Monsieur le président, je comprends fort bien.
Je tenais simplement à rappeler aux membres du Comité les
compétences remarquables du professeur Tarnapolsky à cet
égard en espérant qu’on accordera d’autant plus de poids à son
opinion.

Monsieur le président, bien que le parti conservateur ait
proposé cet amendement mardi soir, ce n’est qu’hier que le
gouvernement a indiqué qu’il était disposé à l’accepter.

Ce n’est certes pas trop demander que l’on nous donne
l’occasion de nous renseigner sur un sujet d’une importance
aussi vitale qui pourrait influer sur des droits fondamentaux.

Le parti conservateur s’est souvent opposé au manque de
consultation, à l’absence d’un consensus. Nous demandons
simplement qu’on nous permette de nous consulter pendant la
fin de semaine sur une proposition qui est tout à fait nouvelle.
qui n’a jamais été déposée auparavant et que les provinces
n’ont jamais eu à envisager dans toute l’histoire des négocia-
tions fédérales-provinciales dans notre pays. C’est la première
fois qu’on fait une telle proposition.

On a mentionné la version de juillet 1980, et j’ai déjà signalé
que cette dernière portait sur la privation des biens en confor-
mité de la loi. Monsieur le président, les gouvernements pro-
vinciaux se sont opposés avec tellement de virulence à cette
proposition que la proposition définitive, présentée à la Confé-
rence des ministres du 1er septembre, n’y fait allusion nulle
part. Elle ne mentionne pas du tout le droit à la jouissance des
biens. La raison en est que la seule mention du droit à la
jouissance des biens en conformité de la loi était tout à fait
inacceptable pour les provinces.

On leur propose maintenant ce nouveau concept, monsieur
le président, qui viendrait ajouter des principes de jurispru-
dence sur lesquels les provinces devraient être consultées.

J’espère, monsieur le président, que le parti conservateur
respectera le principe qu’il a prôné si souvent dans le passé et
conviendra que nous devrions au moins donner aux provinces,
aux procureurs généraux de l’Ile-du-Prince-Edouard, de le
Colombie-Britannique, de la Saskatchewan, etc., l’occasion
d’étudier cette nouvelle proposition, sans précédent, pendant la
fin de semaine pour revenir ensuite discuter du fond et du
libellé appropriés.

Permettons au moins ce minimum de consultation qui
devrait certes avoir lieu vu l’importance et la nouveauté de
cette proposition!

Le coprésident (M. Joyal): Merci beaucoup monsieur
Robinson.

L’honorable James McGrath.

M. McGrath: Monsieur le président, nous estimons que nous
avons assez discuté de ce sujet. Ce principe n’est pas nouveau.
Il a été introduit pour la première fois il y a vingt ans dans la
déclaration des droits de Diefenbaker et a été discuté par de
nombreux témoins qui ont comparu devant le Comité. M.
Beatty a très bien expliqué la situation. Nous aimerions que la
motion soit mise aux voix maintenant.

Le coprésident (M. Joyal): Merci.

Monsieur Nystrom.

M. Nystrom: Monsieur le président, M. Austin, M. Epp et
moi-même avons eu de nombreux entretiens au cours des deux
ou trois derniers mois, entretiens qui ont toujours été fort
cordiaux. Au cas où un membre du Comité souhaiterait qu’un
article soit réservé pendant une courte période de temps pour
lui permettre d’y réfléchir, nous avions plus on moins convenu
qu’on accederait a cette requête.

Je trouve fort étrange que l’on ne puisse procéder ainsi ce
matin alors qu’il s’agit d’une question nouvelle, fondamentale
et qu’elle a suscité des préoccupations chez les provinces l’été
dernier.

Vous saurez, monsieur le président, que mon premier rôle ici
est de tenter d’arriver à un consensus entre tous les Canadiens.

Il est évident qu’il y a eu une forte opposition au projet du
gouvernement lorsque ce dernier a présenté pour la première
fois cette résolution, et que celle-ci a suscité beaucoup de
division au sein de notre pays. il importe que nous mettions de
côté nos convictions politiques et nos partis pris pour tenter
d’arriver à ce consensus.

M. McGrath: J’invoque le Règlement monsieur le président.

Le coprésident (M. Joyal): M. McGrath souhaite invoquer
le Règlement.

M. McGrath: Monsieur le président, il me semble évident
que la tentative de M. Nystrom est tout à fait injuste, pour
employer un euphémisme.

Il veut laisser entendre—et les personnes ici présentes pour-
ront juger de la valeur de ses procédés-que nous refusons
d’accéder à sa requête alors qu’on vient de déposer un concept
nouveau et qu’il voudrait avoir le temps d’y réfléchir.

Il faut signaler trois choses. Tout d’abord, l’amendement a
été déposé mardi soir. Deuxièmement, il a fait l’objet de
discussions en comité avec un certain nombre de témoins-et
que nous présentions un tel amendement n’est certes pas une
surprise pour M. Nystrom—et de nombreux mémoires ont
abordé cette question.

Troisièmement, monsieur le président, ce principe se trouve
déjà dans la déclaration des droits de Diefenbaker depuis 2]
ans.

J’ignore pourquoi il a besoin de procéder à des consultations
car cette proposition a été faite il y a une semaine et elle avait
déjà été soulevée pendant la Conférence des premiers ministres
à l’automne dernier.

En toute déférence, monsieur le président, il arrive un
moment où une question a été vidée en comité et où il y a lieu
de procéder au vote. Je crois que ce moment est maintenant
venu.

M. Robinson: Monsieur le président, je respecte les provin-
ces et je veux les consulter, et j’ai un rendez-vous à il heures.

M. Beatty: Monsieur le président, j’invoque le Règlement.

Le coprésident (M. Joyai): M. Beatty invoque le
Règlement.

M. Beatty: Monsieur le président, je propose que le Comité
continue de siéger jusqu’à ce qu’il ait terminé l’étude de cet
article, y compris l’adoption ou le rejet de la motion CP-4.

Le coprésident (M. Joyal): J’ai un amendement. Il revient
toujours au Comité de décider des règles qu’il entend suivre.
Notre ordre du jour n’est certes pas immuable. Si les membres
du Comité souhaitent continuer de siéger, le président est
certes à leur disposition.

L’honorable Perrin Beatty a proposé que le Comité continue
de siéger jusqu’à ce que la motion proposée ait été mise aux
voix. J’aimerais connaître l’opinion des membres du Comité à
ce sujet.

Monsieur Mackasey.

M. Mackasey: Monsieur le président, je me dois d’appuyer
la requête de M. Beatty et j’aimerais expliquer brièvement mes
raisons au Comité.

J’ai toujours tenté d’écouter les arguments en gardant un
esprit aussi ouvert que possible, malgré notre procédure parle-
mentaire et nos divergences politiques.

J’ai écouté aussi objectivement que possible les arguments
de M. Robinson, ainsi que l’appréciation fournie par le minis-
tre. C’est vous dire que j’étais vraiment disposé, au besoin, à
m’abstenir ou a approuver la motion en vue de reporter la
question à lundi.

J’étais disposé à le faire pourvu qu’on fasse valoir des
arguments logiques. Il me déplaît fort que l’on ait recours â
des tactiques plutôt qu’à la logique, et c’est pourquoi je crois
que nous devrions poursuivre.

J’ai écouté les arguments fort convaincants du NPD, mais
ils ne m’ont pas convaincu. Toutefois, si les membres du
Comité le sont, mettons la question aux voix pour le savoir.
Toutefois, ne tentons pas d’accomplir avant Il heures ce qu’on
ne peut faire d’une façon fort démocratique. soit un vote. Je
propose donc que nous continuions jusqu’à ce que nous accep-
tions ou refusions de réserver cet article.

Le coprésident (M. Joyal): M. Nystrom, au sujet de la
motion proposée par l’honorable Perrin Beatty.

M. Nystrom: Monsieur le président, il n’est pas dans ma
nature de créer des difficultés et je crois que la collaboration
au sein du Comité a été très bonne depuis novembre. J’ai un
respect immense pour mes collègues ainsi que pour les deux
coprésidents.

Je prierais donc le Comité de montrer le même respect et de
réserver cet article afin que nous ayons l’occasion de consulter
nos commettants et surtout les provinces.

Je vous signale également, monsieur le président, que la
procédure du Comité veut que tout changement de l’heure
d’ajournement soit fait par consentement unanime.

Des voix: Bravo.

M. Nystrom: Je vous demanderais si mon interprétation est
juste, et dans l’affirmative, monsieur le président, nous pou-
vons hâter les choses en vous laissant prendre la décision dès
maintenant car je refuserais d’accorder le consentement una-
nime. Autrement, si je fais erreur, j’aimerais poursuivre sur le
rappel au Règlement.

Le coprésident (M. Joyal): Oui, monsieur Nystrom, je viens
de consulter le greffier qui a attiré mon attention sur l’article
13 du chapitre l de la procédure parlementaire. Il faudrait en
effet obtenir le consentement unanime et, vu qu’il ne sera pas
accordé à la motion proposée par l’honorable Perrin Beatty, je
souhaiterais maintenant suspendre les travaux du Comité.

M. Nystrom: Merci, monsieur le président.

Le coprésident (M. Joyal): La séance est levée jusqu’à lundi
20 h 00.

TÉMOINS

Du ministère de la Justice:
M. Roger Tassé, c.r., sous-ministre;
Mr. B.L. Strayer, c.r., sous-ministre adjoint, Droit public.

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