Note pour Monsieur Robertson- Votre rencontre avec M. Bourassa

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CONFIDENTIEL

May 28, 1975

NOTE POUR MONSIEUR ROBERTSON

c.c. M. Carter
M. Hurley

Votre rencontre avec M. Bourassa

Frank nous a mentionné hier que cette
rencontre ne doit pas être connue. J’ai informé
Barbara Reed. Je retiens une seule copie de la présente
note.

Vous aurez reçu de Barbara Reed, ce matin,
une note sur les incidences juridiques et constitution-
nelles de l’utilisation d’un préambule avec références
et citations.

Je vous transmets, avec la présente, les
textes suivants:

– Un texte sur le thème de la souveraineté
culturelle (annexe A);

– Un extrait du journal mensuel du ministère
des Affaires intergouvernementales portant
sur les priorités québécoises en matière
de souveraineté culturelle (annexe B);

– La définition de Claude Morin de la
souveraineté culturelle (annexe C);

– Un résumé des opinions et réactions québécoises
face à la formule d’amendement proposée à
Victoria (annexe D) (vous y trouverez également
des projections démographiques) comportant
une analyse des principaux éditoriaux
de la presse québécoise concernant cette
même formule d’amendement

La question des garanties constitutionnelles:

Les textes ci-annexés nous donnent une
indication de l’orientation qu’entend prendre le Québec
dans le domaine culturel pris dans son sens large et
comprenant les arts, les lettres, l’immigration et les
communications.

Qu’a voulu dire M. Bourassa en demandant des
garanties constitutionnelles? Voilà l’inconnu. Il est
fort possible que notre formule de préambule renforcée
de quelques stipulations précises (sans transfert de
pouvoir) rencontre les exigences de M. Bourassa. Je
m’explique.

Il est intéressant de noter au document à
l’annexe B qu’en ce qui a trait aux arts, aux lettres
le Québec manifeste son intention de négocier des arrange-
ments administratifs « plutôt que de laisser aux tribunaux
ou aux aléas d’une réforme constitutionnelle le règlement

de cette question. »

Le même principe vaut pour le secteur de
l’immigration où il existe un arrangement précis entre
nos deux gouvernements. D’ailleurs Vous aurez lu dans
l’édition du Devoir de samedi dernier que M. Bienvenue
n’exigeait plus un droit de veto s’il allait pouvoir
participer au recrutement des immigrants. (Les arrange-
ments administratifs actuels sont à la mesure de cette
exigence – quoiqu’il restera à déterminer comment le
gouvernement fédéral pourra rencontrer les priorités
québécoises sans discrimination.) Vous aurez noté dans
ce même article du Devoir que M. Bienvenue vient de
déposer à l’Assemblée nationale un rapport volumineux
sur la question de l’immigration. Nous attendons copie
du rapport. Quand il réfère aux projections démographiques,
M. Bienvenue se base sur les projections faibles et fortes
de Statistique Canada en arrondissant les chiffres – voir
annexe C .

Quant au dossier des communications, la récente
conférence présidée par M. Pelletier nous permet de déceler
un adoucissement de la position de M. L’Allier.

Ainsi, M. Bourassa en est-il arrivé à penser
qu’il vaut mieux négocier des arrangements administratifs,
compte tenu des succès connus dans le domaine du logement,
de la sécurité sociale et de l’expansion économique
régionale – secteurs ou les priorités québécoises ont
été reconnues. Ce sont d’ailleurs des arguments qu’il
peut utiliser pour défendre et justifier son accord
au rapatriement de la Constitution. Un préambule mettant
l’accent sur la coopération fédérale-provinciale dans
l’atteinte des priorités (y compris les priorités
culturelles) de chaque niveau de gouvernement est une
manifestation certaine de bonne volonté et un engagement
pour l’avenir.

C’est du moins dans cette voie qu’il faudrait
l’acheminer.

Les préoccupations de M. Bourassa:

La décision de M. Bourassa d’appuyer ou pas
le rapatriement à ce stade pourrait être influencée par
certains facteurs:

1. L’attitude nationaliste de certains ministres
dont L’Allier et Choquette. M. Bourassa
ne voudrait pas risquer un scission au sein
de son Cabinet et diminuer la crédibilité de
son gouvernement qui est déjà passablement
atteinte;

2. L’attitude de la presse: Claude Ryan réclamera
certainement comme il l’a fait une révision
constitutionnelle du partage des pouvoirs
avant un rapatriement quelconque. Le Jour
lui fera la guerre.

3. L’opposition en Chambre. J.-Y. Morin
relancera le débat nationaliste et souverainiste.

4. En rapatriant, M. Bourassa craindra de perdre
un levier de négociation.

Mais en sa faveur jouent les facteurs
suivants:

1. Un sondage effectué après la conférence de
Victoria a révélé qu’un très faible pourcentage
de Québécois s’intéressait à la question
constitutionnelle. Il n’y a rien qui puisse
indiquer un changement à cet égard. Donc il
ne faudrait pas surestimer l’impact que pourraient
avoir les dénonciateurs du rapatriement.

2. M. Bourassa est en bonne posture. Il
détient une majorité écrasante en Chambre
et 55% du vote populaire (aux dernières
élections). Il a un clair mandat fédéraliste.
Refuser de procéder, risquerait de lui aliéner
les fédéralistes québécois qui pourraient
se tourner vers un autre parti politique
devant ses tergiversations.

3. lll lui reste environ deux ans avant la fin
de son mandat. Mieux vaut procéder immédiate-
ment afin d’éviter que la prochaine campagne
électorale porte essentiellement sur un thème
nationaliste ce qui ferait le jeu du P.Q.

4. L’argument des projections démographiques
pourrait l’inciter à agir immédiatement.

5. La formule d’amendement n’est certes pas
une camisole de force.

La rencontre:

Le fait que la rencontre revête un caractère
privé me porte à croire que M. Bourassa Veut entamer un
dialogue positif qu’il veut protéger contre les influences
extérieures. La rencontre nécessitera des suites et
vraisemblablement des séances de travail pour la formulation
de textes. Avec le départ de Julien et l’absence d’Arthur
Tremblay, il sera important de voir à qui et comment
M. Bourassa entend confier et poursuivre ce dossier.

M. Bourassa a tendance à être évasif et
« non-committal ». Il serait important de lui faire préciser
sa pensée sur les conditions d’un accord de sa part.

En somme, la meilleure stratégie à suivre
pourrait être celle d’engager le dialogue en indiquant
notre sympathie à l’égard des priorités du Québec mais
en renversant le fardeau de la preuve pour l’amener à
expliciter sa pensée et à articuler des éléments de
formules susceptibles de conduire à un accord de part
et d’autre.

Un principe directeur sera vraisemblablement
résent au cours de la discussion: celui qui veut que
e Québec soit le seul maître d’oeuvre sur son territoire
e qui veut dire qu’en pratique les programmes fédéraux
evraient être canalisée vers et administrés par les
inistères québécois. C’est le cas pour les arrangements
concernant l’administration de certaines sections de la
loi nationale sur l’habitation. Ce principe directeur
pose le problème cher au Premier ministre et au Cabinet
de la présence fédérale et de la publicité de l’apport
fédéral. Ce principe directeur revient dans toutes les
négociations en ce moment qu’il s’agisse de recensements
minéralogiques ou de relocalisation de lignes de chemin
de fer. La directive émane des Affaires intergouverne-
mentales présumément avec l’accord ministériel. Ce
principe cherche à remettre en question la légitimité
du gouvernement fédéral et de son action au Québec.
Le principe poussé à sa limite des transferts de fonds
ne saurait être acceptable au gouvernement fédéral.

A cet égard, vous aurez constaté que certains
postulats formulés par Claude Morin (annexe C) sont étrange-
ment reliés à la politique actuelle du gouvernement
québécois. Je réfère aux paragraphes 1,2,3,6,7,8 et l0.

Pierre Gravelle

La souveraineté culturelle

Le but de cette note est de rendre compte
succintement des principales manifestations actuelles reliées
au thème de la souveraineté culturelle. Il suffit ici de
rappeler que le thème se rattache à l’approche johnsonienne
(égalité ou indépendance) et à celle de la souveraineté-
association prônée par le Parti Québécois. De plus, l’idée
était sous-jacente à la position du Québec à victoria. Elle
a pris de l’ampleur avec la présentation des travaux de la
Commission Gendron (insécurité culturelle) et à l’occasion
de la campagne électorale d’octobre 1973. Depuis, le thème
qui fut d’abord perçu comme un slogan électoral a acquis de
la substance lors de la conférence des ministres des communi-
cations en novembre 1973, avec la présentation et le passage
de la Loi sur la lan ue officielle à l’été de 1974, et avec
diverses autres interventions precises auprès du gouvernement
fédéral dans le domaine de l’immigration et de la participation
du Québec à des accords internationaux. Dans les mois prochains
on peut très certainement s’attendre à des représentations
de la sorte touchant le cinéma et peut-être la politique
scientifique

Pour chacun de ces secteurs je rappelle la
position de base du Québec et décrit brièvement l’état présent
du dossier.

1. Communications

A la conférence fédérale-provinciale des ministres
des communications de novembre 1973, M. L’Allier posait le
problème dans les termes suivants:

« Expression majoritaire du groupe
francophone en Amérique, le Québec
se doit donc d’avoir comme priorité
d’offrir à sa population les possibi-
lités d’un épanouissement culturel
complet. Et de plus en plus, les
communications sont un élément-clé
de cet épanouissement. Il s’agit
donc d’une priorité absolue. »

Cette position de départ relative a l’insertion du
domaine des communications dans une démarche plus globale,
à savoir celle/de l’épanouissement culturel des québécois
n’a pas été modifiée au cours des derniers dix-huit mois.
Au contraire toutes les déclarations de M. L’Allier et
celles de son premier ministre l’on constamment renforcée.
Cependant il faut aussi ajouter que M. L’Allier a toujours
déclaré que le Québec désirait négocier avec Ottawa en
indiquant à l’avance qu’il serait intransigeant sur les
questions de fond, tel qu’il les percoit ((1) Québec doit
être l’unique maître d’oeuvre sur son territoire, (2) la
négotiation doit englober tous les aspects des communica-
tions parce qu’ils sont indissociables) mais qu’il pour-
rait accepter certains accomodements. Certains événements,
dont le cas d’Auteuil-Dionne, sont venus brouiller les
pistes et ils pourraient avoir un effet déterminant sur
l’évolution de la position québécoise.

De quel ordre seraient
les garanties constitutionnelles dont M. Bourassa a fait
mention dans son discours du 20 avril 1975? Rien de très
concret existe à ce sujet. M. L’Allier a proposé durant le
débat sur le Discours inaugural une stratégie de négociation
qui pourrait aboutir à une revision constitutionnelle.

« Nous voulons, avec le gouvernement
fédéral, faire le tour du secteur des
communications et voir qui doit s’oc-
guper, et pourquoi, au niveau des
instances publiques, du développement
des communications. Une fois que
nous aurons convenu ou déconvenu de
ce qui doit être fait, le dossier
passera au niveau des spécialistes de
la constitution qui verront de quelle
façon on doit traduire ces ententes
dans la constitution. »

Il faudra attendre la conférence de mai prochain pour
connaître la signification réelle de cette déclaration. A
première vue elle semble indiquer que toute entente devra né-
cessairement être traduite dans la constitution. L’idée d’un
désaccord (« déconvenu ») est aussi présente mais M. L’Allier
n’indique pas clairement si le Québec accepterait que le désac-
cord soit porté devant la Cour Suprême. Je ne crois pas que
cette voie soit acceptable pour le Québec car M. L’Allier a
constamment répété qu’il fallait trouver une solution politique
au problème.

Bref, le secteur des communications est un domaine
ou le Québec demandera très certainement des garanties
constitutionnelles. En d’autres termes il ne se satisfairera
pas des gains amassés à une table de négociations.

2 . Immigration

La question peut-être examinée sous le strict
point de vue du nouvel accord Ottawa-Québec sur l’immigration
francophone dont les termes ont reçu l’approbation du Cabinet
fédéral le 21 mars dernier. Elle peut aussi être vue dans
une perspective plus large qui tiendrait compte de la présen-
tation du livre brun québécois sur les ressources humaines
et du livre vert fédéral sur l’immigration et la population
(on pourrait aussi élargir davantage le contexte en incluant
les discussions qui débutent sur les objectifs démographiques
et la politique de l’utilisation des terres). Toutefois ce
débat ne fait que débuter et par conséquent les visés du
Québec demeurent imprécises. De ce fait il est préférable
de retenir que les éléments connus du dossier notamment
l’accord Ottawa-Québec sur l’immigration francophone.

A moins d’un revirement soudain et inattendu le
gouvernement québécois signera cet accord puisqu’il a acti-
vement contribué à son élaboration. Le problème qui se
pose, semble-t-il, est de réconcilier dans la pratique des
choses, les dispositions de la Loi 46 (Loi modifiant la Loi
du ministère de l’immigration) et les termes de cet accord.
La situation est vraiment paradoxale et pourrait vite mener
à un conflit. L’accord indique que le Canada conservera
« la prérogative qu’il a de sélectionner et d’admettre les
immigrants? D’autre part, la Loi modifiant la Loi du mini-
stère de l’immigration sanctionnéele 28 décembre 1974
stipule (article 2) que le ministre a pour fonction « d’in-
former, de recruter, de sélectionner ces personnes… »
Lors d’une rencontre entre MM Bourassa, Andras et Bienvenue
le 22 novembre 1974, M. Andras souligna que la fonction de
sélection était une prérogative fédérale. En réponse, M.
Bienvenue expliqua que bien que le terme « sélectionner »
soit inclus dans la loi, cela ne voulait pas dire que le
Québec exercerait pour autant un droit de véto dans le
processus de sélection. Le premier ministre Bourassa
exprima le même avis.

Bref, voilà un arrangement peu orthodoxe qui, malgré
la bonne volonté des personnes en cause, pourra difficilement
résister à l’épreuve du temps.

3. Arts et culture

Dans ce domaine le Québec en est encore au niveau
de la réthorique. Le ministre en titre, M. Denis Hardy,
parle d’une stratégie de « récupération progressive », d’une
« souhaitable révision constitutionnelle » dans ce domaine,
de la nécessité pour le Québec de « prendre dès à maintenant
l’initiative de reprendre en main ou d’acquérir tous les
secteurs de la culture », mais peu de gestes concrets ont
été posés.

Dans une de ses rares interventions publiques sur
le sujet (août 1974) le ministre proposait deux objectifs
pour le Québec: – le développement poussé du caractère
original de la culture québécoise;

– le Québec doit devenir, au plan politique
le véritable centre de décision en matière
culturelle.

Au sujet du second objectif le ministre soulignait
qu’il n’excluait pas la possibilité d’ententes avec le gou-
vernement fédéral.

Comme première étape Québec voudrait que relève
de son autorité toute la responsabilité touchant la préser-
vation des lieux, monuments et immeubles historiques. A
cela viendrait s’ajouter l’autorité totale touchant: toutes
les subventions et bourses actuellement accordées par le
Conseil des arts du Canada au Québec au titre des arts et
de la culture; l’assistance aux oeuvres et aux activités
artistiques qu’assure présentement le Secrétariat d’Etat
du Canada; la gestion et l’organisation des échanges inter-
nationaux à caractère culturel touchant le Québec, présente-
ment assurées par le ministère des Affaires extérieures; la
production des films français à l’Office national du Film
qui passerait à l’Office du Film du Québec; toutes les sub-
ventions octroyées au titre du Programme fédéral d’initiatives
locales aux groupes culturels et artistiques; la responsabi-
lité en matière de droits d’auteurs et de copyright d’oeuvres
d’art, laquelle relève actuellement du ministère fédéral de la
Consommation et des corporations; la responsabilité relative à
la promotion de la littérature québécoise à l’étranger, laquelle
relève en partie du ministère fédérale de l’Industrie et du
Commerce; un droit de regard sur la programmation française de
Radio-Canada.

4. Activités internationales du Québec

Il est évident que c’est un secteur où le Québec
continuera d’exercer des pressions sur le gouvernement
fédéral pour augmenter sa présence et sa marge de manoeuvre
dans ce domaine. Cependant il est douteux, voire même tout
à fait improbable, que le Québec demandera des garanties
constitutionnelles pour confirmer son rôle dans ce domaine.

La réunion récente (19 mars) entre les représentants fédéraux
et québécois indique qu’une volonté nouvelle de coopération
se développe lentement bien que des persistantes zones d’in-
compréhension (nature, fréquence extension des consultations
entre les deux gouvernements) ralentissent le processus de
maturation.

5. Politique scientifique et technique

On connait assez bien les critiques formulées par
le Québec concernant le financement de la recherche scien-
tifique (individus et institutions) effectué par des organismes
fédéraux: déséquilibre interne et externe dans les subventions
et absence de coopération véritable.

Le Discours inaugural mentionnait que:

« Des mesures seront proposées à cette
Assemblée pour doter le Québec d’une
politique scientifique et technique
garantissant la mobilisation de toutes
les ressources humaines et financières
disponsibles en la matière et fournis-
sant aux scientifiques un cadre juri-
dique précis et cohérent pour leur
permettre d’apporter leur pleine con-
tribution au progrès de la collectivité… »

Il faudra attendre la présentation d’un projet de
loi pour savoir ce qu’il faut entendre par « cadre juridique
précis et concret ». Je crois qu’il s’agit de donner à un
organisme existant (le Conseil québécois de la politique
scientifique ou le Comité interministériel de la politique
scientifique) les pouvoirs nécessaires pour coordonner
l’activité de tous les organismes publics québécois impli-
qués dans la recherche scientifique.

Au plan de la souveraineté culturelle ce secteur
révèle une importance moindre que celle des communications
et de l’immigration. Cependant il faut s’attendre à des
revendications prochaines du gouvernement québécois pour
participer à l’élaboration d’une politique scientifique
canadienne.

Pierre Renart

Mai 1975

APPENDICE I: Les priorités québécoises en
matière de souveraineté cul-
relle.

*Consulte le PDF pour l’appendice.

APPENDICE II: Une définition nationaliste
de la souveraineté culturelle

P.S.: Au lendemain de l’élection d’octobre 1974, M. Claude
Morin a dressé un tableau des conditions à réaliser
pour atteindre la souveraineté culturelle. A titre
d’information je reproduis la liste de conditions de
M. Morin.

1. L’expression souveraineté culturelle signifie que seul
le gouvernement du Québec a autorité pour effectuer, au
Québec, des dépenses publiques destinées à favoriser et
à promouvoir la culture québécoise.

2. Les sommes consacrées par Ottawa à son action culturelle
au Québec doivent, intégralement et de façon permanente,
être remises au gouvernement québécois sous forme d’abat-
tement fiscal ou de versements inconditionnels.

3. Les organismes fédéraux actuels qui devraient passer sous
la juridiction du Québec sont, notamment, les suivants:
Radio-Canada, le Conseil des Arts du Canada, l’office
national du film, Héritage-Canada, le CRTC, l’aide fédé-
rale au cinéma, l’aide à la diffusion du livre canadien
à l’étranger, l’aide à l’édition, la Commission des lieux
et monuments historiques, l’aide fédérale à l’artisanat.

4. Il serait essentiel que le gouvernement central abandonne
toute participation au financement de l’éducation et de
la recherche.

5. Ottawa devrait également abolir toutes les subventions,
touchant l’éducation et la culture, versées par le
truchement de programmes Perspectives Jeunesse, Inia-
tives Locales et Horizons Nouveaux.

6. Toute politique fédérale en matière de bilinguisme ou
de multiculturalisme devrait, au Québec, être subordonnée
à la politique linguistique du Québec.

7. La souveraineté culturelle du Québec exige, en outre,
l’établissement, sans aucun contrôle fédéral, des liens
directs avec l’étranger en matière d’éducation et de
culture.

8. Dans une perspective de souveraineté culturelle, il serait
anormal que le gouvernement fédéral continue à communiquer
directement avec tout ce réseau d’organismes québécois,
publics et privés, oeuvrant dans les domaines de la culture,
de l’éducation et de l’animation sociale.

9. La politique sociale d’un gouvernement pouvant déterminer
la façon d’être d’un peuple, il paraît naturel, vu la
recherche de la souveraineté culturelle, que seul le
gouvernement du Québec ait autorité en matières sociales.

10. Une véritable politique de souveraineté culturelle à
l’intérieur du cadre canadien exige évidemment des
garanties formelles de permanence, qui devront être
inscrites dans la constitution canadienne.

CONFIDENTIEL

Attitudes québécoises face
au rapatriement de l’AANB

D’après la lecture des coupures de journaux
de la période 1970 à 1971, il semble bien que les politiciens
et commentateurs québécois distinguent nettement entre la
formule d’amendement et de rapatriement d’un côté et la
substance de l’AANB de l’autre.

1) Attitude de M. Bourassa:

Au mois de décembre 1974, monsieur Bourassa
a déclaré que tous les Québécois « sont un peu normands
aux bords: ils n’aiment pas signer sur la ligne pointillée ».
Accepter une charte constitutionnelle « légitime » pourrait
affaiblir le rôle du Québec dans le processus de marchandage
constitutionnel; mieux conserver l’ambiguïté du statu quo.

2) Le Parti libéral du Québec:

Les journaux n’ont pas commenté les attitudes
des députés d’arrière-banc du Parti libéral lors de la
Conférence de victoria, mais monsieur Bourassa a précisé
dans sa déclaration d’incapacité d’accepter la Charte qu’il
avait consulté le caucus parlementaire de son parti.
Cependant, des bruits couraient d’après lesquels les ministres
Castonguay et L’Allier se sont opposés à la Charte.
Monsieur Castonguay s’est retiré de la vie politique active
depuis.

3) Les partis de l’opposition:

A) Le Parti québécois:

Il s’agit avant tout d’analyser l’opinion
de M. Jacques-Yvan Morin, qui, à l’époque, était
professeur d’université et président de la FSSJB
et qui, entre-temps, est devenu leader parlementaire
du Parti québécois.

a) le 21 septembre 1970: « Lettre ouverte au
Premier ministre du Québec » par J.-Y. Morin
(Le Devoir) prétend que:

(i) la formule d’amendement risque d’être
trop rigide si le Québec entend récupérer
des compétences;

(ii) si l’on voulait garder la notion de
délégation, on devrait amender l’article 13
de la formule F-F pour que « le Parlement
fédéral puisse déléguer ses pouvoirs à une
seule province » sans le consentement de
trois autres. La délégation ne serait
révocable qu’avec le consentement de
l’assemblée intéressée.

b) le 13 février 1971: « Miss Fulton-Favreau en
mini-jupe » par J.-Y. Morin (La Presse) rejette
la nouvelle formule d’amendement: « Entre
l’unanimité et la majorité qualifiée, il n’y
a, du point de vue québécois, aucune différence
… Un piège demeure un piège, même si on y
change le nombre de dents. »

c) le 25 mars 1971: « L’intérêt des fédéralistes
québécois » par J.«Y. Morin (Le Devoir) s’oppose
de nouveau à la formule parce que Ottawa pourrait
toujours se servir de son pouvoir de dépenser
dans tous les domaines pour centraliser, et en
tout cas le Québec risque à se doter d’un nouveau
Godbout. Pas une opposition indépendantiste:
tout bon fédéraliste québécois se doit de s’opposer
à la formule.

d) le 15 mars 1971: « La formule d’amendement cache
un statu quo linguistique » par J.-Y. Morin
demande l’abolition de l’article 133 de l’AANB
afin de permettre au Québec d’opter pour l’unilin-
guisme sans être obligé, à la suite du rapatriement,
de chercher une majorité qualifiée pour amender
la nouvelle Charte.

e) le 23 mars 1971: « On veut ligoter juridiquement
le Québec » par J.-Y. Morin (Le Devoir) dénonce
la nouvelle formule d’amendement comme étant
aussi néfaste que la formule F-F.

f) le 7 mai 1971: « Constitution formula called
strait jacket by Québec professor » (Globe and Mail):
d’après M. Morin, la nouvelle formule d’amendement
ne pose pas trop de difficultés aux neuf provinces
anglophones, où il devrait avoir une compatabilité
d’intérêts, mais elle sera néfaste pour le Québec.

g) le 17 mai 1971, Le Devoir: reportage sur un
colloque ou M. Morin demande à monsieur Bourassa
de rejeter la nouvelle formule et de conserver le
mode de négociations bilatérales avec Ottawa pour
rapatrier des domaines dans le champ de sa
juridiction.

h) le 7 juin 1971: « Victoria nous menace plus que
Londres”, reportage sur des propos de J.-Y. Morin,
qui mettait en garde M. Bourassa à la veille de
Victoria.

i) le 19 juin 1971, « La constitution actuelle vaut
mieux que la charte proposée » (Le Devoir), reportage
sur J-Y. Morin.

j) le 19 juin 1971, Montreal Star, reportage prétend
que l’opposition a la Charte de Victoria sera plus
vive que celle au Bill 63.

k) le 2 novembre 1973, « Jacques-Yvan Morin appréhende
un « coup de main » constitutionnel » (Le Devoir):
M. Morin accuse M. Trudeau de vouloir profiter du
grand succès électoral de M. Bourassa et de la
désorganisation de l’opposition pour faire passer
le dossier de la révision constitutionnelle. « Le
nouveau député de Sauvé se résigne cependant à
envisager l’hypothèse d’une reprise du débat consti-
tutionnel et d’une adhésion éventuelle du Québec à
la Charte ».

Pendant toute cette période, monsieur René
Lévesque a rarement exprimé un point de vue.
On le cite dans le Quebec Chronicle Telegraph
le 13 février 1971: « … René Lévesque has stated
that the formula is unacceptable because it does
not recognize ‘Quebec’s right of self-determination’. »
Il ne faut pas, d’après lui, sauvegarder les
pouvoirs actuels mais plutôt il faut s’assurer
que le Québec aura tous les pouvoirs dont il aura
besoin.

Camille Laurin s’est exprimé à quelques reprises.
Le 19 mai 1971 (La Presse): la nouvelle formule
consacre le statu quo en matière de partage de
pouvoirs, défend aux provinces de modifier le poste
de lieutenant-gouverneur, empêche le Québec à pour-
suivre une politique linguistique en matière scolaire
et demeure muette sur les revendications québécoises
au niveau de la politique sociale, des communications,
des relations avec l’étranger et du pouvoir fédéral
de dépenser. Le 9 juin 1971 (Le Soleil), il réaffirme
sa conviction qu’il faut accéder à la pleine souveraineté;
mais une formule d’amendement « tolérable » devrait
inclure le droit du Québec à l’autodétermination.

B) Créditistes:

a) M. Samson a publié un document sur l’option
constitutionnel (voir Le Devoir, le 18 mai 1971)
le 13 mai 1971 qui demandait: l’abolition de la
monarchie, le rejet de l’AANB, la rédaction d’une
nouvelle constitution fondée sur les deux nations,
le droit a l’autodétermination et la création des
Etats souverains dans un régime fédératif. on exige
en plus le contrôle québécois de son crédit, de son
commerce, de son immigration et de toutes ses sources
de fiscalité. Le document se base en bonne partie
sur un discours de M. Caouette à la Chambre des
communes en 1964, mais face au document M. Caouette
a soutenu le principe d’autodétermination tout en
dénonçant les tendances séparatistes.

b) Par la suite, M. Samson a demandé la représentation
de l’Opposition à Victoria: M. Bourassa, d’après
lui, ne représente que 47% des électeurs (Le Soleil,
le 3 juin 1971).

c) M. Fabien Roy demande à M. Bourassa de ne rien
accepter à Victoria: la commission parlementaire
de la constitution devait se rendre dans les diverses
parties du Québec pour prendre le pouls de la
population avant toute décision irrémédiable
(Le Devoir, le 9 juin 1971).

d) A la suite de l’échec de Victoria, M. Samson demande
un référendum qui convaincrait le reste du Canada
de ce que veulent la majorité des citoyens du
Québec (Le Soleil, le 18 juin 1971).

Union nationale:

a) J.-J. Bertrand (Quebec Chronicle Telegraph, le
13 février 1971) prétend que M. Bourassa aurait dû
procéder à un nouveau partage de pouvoirs fiscaux
et législatifs avant de procéder à une formule
d’amendement. Il demande une consultation de la
population par voie de référendum.

b) M. J.-J. Bertrand (Le Devoir, le 3 mars 1971)
prétend qu’il y a recul depuis l’époque de
M. Pearson: le régime Trudeau insiste sur
les droits fondamentaux, la formule d’amendement
et d’autres objectifs, mais pas sur le contenu
(partage de pouvoirs).

c) M. J.-J. Bertrand (Le Devoir, le 19 mai 1971)
reprend les même themes, en ajoutant.à la question
du partage des pouvoirs la nécessité d’un véritable
tribunal constitutionnel. Mieux laisser mourir
l’AANB à Londres et de faire une nouvelle consti-
tution au Canada qui respecte la dimension politique
de l’égalité culturelle.

d) M. Loubier (Montreal Star, le 20 mai 1971)
qualifie la nouvelle formule de camisole de force:
le Québec ne serait plus qu’une région administrative
à la merci des provinces anglophones qui ne
s’intéressent qu’a leur propre culture, à leurs
propres intérêts.

e) M. J.-N. Tremblay demande une nouvelle répartition
des pouvoirs avant d’accepter la formule; autrement
il faut consulter le peuple par voie de référendum
(mais pas de choix d’une solution extrémiste)
(Le Soleil, le 9 juin 1971).

f) J.-J. Bertrand (Le Soleil, le 18 juin 1971)
préconise de nouveau un référendum (M. Bourassa
s’y oppose).

g) M. Loubier (Toronto Star, le 21 juin 1971) dénonce
la Charte de Victoria, aussi bien que les séparatistes,
mais demande une république québécoise souveraine et
un marché commun économique canadien.

D) Le N.P.D. (Québec):

Lors de la Conférence de Victoria, le N.P.D. (Québec)
a fait front commun avec la C.E.Q., la C.S.N., et les
S.S.J.B. pour dénoncer la Charte.

a) M. Raymond Laliberté dénonce la Charte: les
demandes de M. Bourassa n’étaient pas révolution-
naires, la date limite imposée n’est pas acceptable,
il faut négocier à deux: le Québec et un seul
porte-parole pour le Canada anglophone (Montreal
Star, le 21 juin 1971).

b) M. Laliberté (Le Devoir, le 22 juin 1971) prétend
qu’il ne reste que deux moyens pour changer démocra-
tiquement l’équilibre des forces politiques au
Canada: l’Association-souveraineté ou la négociation
à deux sans prérequis constitutionnel.

4) Les Associations:

Les S.S.J.B. ont exprimé plusieurs opinions face
à la révision constitutionnelle. La C.E.Q. (enseignants) a joué
un rôle important vers la fin du processus. La C.S.N. s’est joint
aux S.S.J.B., a la C.E.Q. et au N.P.D. (Québec) lors de la
conférence de Victoria, mais semble avoir été moins importante
dans la définition du problème.

a) Les S.S.J.B.

M. Jean Hubert (Le Soleil, le 16 mars 1971)
a demandé au nom des SSJB de Québec, d’Amos, de
Sherbrooke, de Ste-Anne de la Pocatière et de
Valleyfield la mise en vigueur d’une nouvelle
constitution dès le ler janvier 1973, laquelle
devrait tenir compte des particularités québé-
coises, contenir une Déclaration des droits de
l’homme et prévoir la plus grande autonomie possible
pour les provinces. (C’est à noter que François-
Albert Augers — président de la SSJB de Montréal —
et J.-Y. Morin — président de la FSSJB — ont
appuyé des thèses plus radicales, mais les
Sociétés représentées par M. Hubert semblent
avoir quitté la Fédération pour des raisons
« idéologiques).

b) A une table ronde organisée par la FSSJB (Le Devoir,
le 17 mai 1971), à laquelle ont assisté cent personnes,
on adopte à l’unanimité une résolution qui exige
une consultation du peuple du Québec par référendum
avant de procéder à l’adoption de la formule
d’amendement. Mais sur les détails de la Charte
éventuelle, des opinions mixtes.

c) L’Assemblée générale de la FSSJB du Québec adopte
à l’unanimité une résolution demandant à M. Bourassa
de ne prendre aucun engagement envers une formule
quelconque d’amendement sans consulter la population
par référendum.

d) La C.E.Q. (et son président, Yvon Charbonneau)
semble avoir joué un rôle très actif dans la
création d’un front commun (Le Devoir, 1e 22 juin
1971) mais il n’a pas réussi à ajouter l’appui
de la FTQ ni de l’UCC. Il n’a pas écarté la
possibilité de manifestations de masse pour
inciter M. Bourassa à dire non à la Charte. Le
front commun demande à M. Bourassa de refuser le
délai du 28 juin et de convoquer la commission
parlementaire de la constitution.

e) « Proclamation au peuple du Québec »
publiée par le Front Commun, le 23 juin 1973.

5) L’opinion publique

Seulement un sondage d’opinion publique figure
dans la collection de coupures. Réalisé sous la direction
du Professeur Vincent Lemieux (Le Soleil, le 6 février 1971),
le sondage indique:

a) 28% croient que M. Bourassa est le meilleur
Premier ministre du Québec depuis la Confédération
(Johnson en 2e place avec 20.7%).

b) 62.2% croient que la Conférence constitutionnelle
a abouti à des « discussions profitables ».

c) Lors des oppositions entre Ottawa et Québec,
39.0% se penchent du côté du Québec, 7.3% du
côté d’ottawa et 37.8% ni vers l’un ni vers
l’autre.

d) Les conférences devraient s’occuper des problèmes
économiques (54.3%), d’éducation (14.6%), des
problèmes sociaux (11.0%) et des problèmes
constitutionnels (7.3%).

e) Quant à la fédération, 33.5% réclament le
fédéralisme avec un statut particulier, 26.2%
le fédéralisme sans statut particulier, 18.3%
l’indépendance avec association et 2.4% l’indé-
pendance sans association.

f) A la question, « A qui servent les conférences
fédérales-provinciales, 22.0% ont répondu tout le
monde, 21.3% Ottawa, 13.4% personne, 12.8% le
Québec, et 5.5% les autres provinces.

Ann Charney de Montréal dans une analyse non-
scientifique publiée par le Toronto Star le 26
juin 1971 prétend que l’opposition à la Charte
de Victoria avait un appui général qui ne respec-
tait point les clivages de partis ni de classes
sociales: « —– their defences are acute, if
hypersensitive. Tney see threats and betrayals
at every step, and they guard their rights,
trivial as they often seem to outsiders, with
ferocity ».

6) Les Journaux: éditoriaux

a) Le Devoir (Claude Ryan)

i) le 11 février 1971: il commente le commu-
niqué d’Ottawa qui explique l’accord survenu
à Ottawa. Bourassa, en accordant la priorité
à la formule d’amendement comme ses pairs,
fait une concession dangereuse et prématurée.
Le paragraphe sur la réforme de la Cour
suprême ne satisfait pas M. Ryan. Il
s’inquiète également des droits linguistiques
des anglophones au Québec qui seront reconnus
dans la Charte. Enfin, M. Trudeau ne songe
pas à abandonner ses compétences en politique
sociale, mais au moins M. Bourassa a maintenu
sa position en matière de politique sociale.
Il faudra une vigilance extrème pour que le
Québec évite de se laisser enliser dans des
voies qui pourraient engager prématurément
son avenir.

ii) le 16 février 1971: il commente la réaction
de la presse anglophone à la suite de la
publication du dernier communiqué de la
Conférence constitutionnelle. La presse
anglophone commence à croire que M. Bourassa
ne s’est pas lié à la formule d’amendement.
Ryan s’inquiète: le Toronto Star pense à une
égalité à dix, pas à deux.

iii) le l5 mars 1971: la nouvelle formule d’amende-
ment est plus souple que la F.F.F., parce qu’on
élargit le véto du Québec et réduit le nombre de
provinces nécessaires pour approuver un amendement.
Mais il ne faut pas l’accepter encore à cause
du contenu même de la formule (obscurités et
ambiguités) et du contexte politique. Sur le
plan d‘obscurités, il n’est pas clair s’il
faut le consentement général pour amender
l’article 133. Ensuite le fédéral a droit de
véto sur tout amendement de la constitution
et peut amender sa propre constitution sans
l’intervention des provinces (sauf sur des
points très limités). Le texte n’indique pas
clairement comment l’impartialité des juges
serait formellement garantie. De nouveau,
Ryan insiste qu’il faut s’attaquer au contenu:
il faut récuperer la politique sociale, mais
demain il faudra récupérer d’autres domaines.

iv) le 31 mai 1971: il y a deux exigences essen-
tielles que le Québec ne saurait, pour aucune
considération, sacrifier:

(I) Pas de révision constitutionnelle sans
une révision en profondeur du partage-
des pouvoirs.

(II) M. Bourassa doit faire approuver la
nouvelle constitution (le cas échéant)
formellement et explicitement par le
peuple lui-même.

v) le 18 juin 1971: la Charte de Victoria est
un document de travail qui devrait faire
l’objet d’un large débat public; l’échéance
du 28 juin est inacceptable.

vi) le 23 juin 1971: Ryan prétend qu’on aurait
dû suivre la procédure de la réforme fiscale
en s’attaquant à la réforme constitutionnelle:

1. Publication du rapport Carter en 1967
après 5 ans d’études.

2. Débat préliminaire.

3. Deux ans et demi plus tard, le gouverne-
ment fédéral publie un Livre blanc sur la
réforme fiscale.

4. Analyse en comité (Communes et Sénat) et
réception de mémoires.

5. Consultations entre M. Benson et ses
homologues provinciaux.

D’après Benson, le gouvernement voulait que
tous les Canadiens participent à la réforme
fiscale. D’après Ryan, on a adopté une méthode
aristocratique pour la révision constitutionnelle.

L’essentiel:

1) Il n’aime pas la méthode adoptée: négociations
entre les exécutifs à huis clos.

2) Il s’inquiète de la Cour suprême à cause de la
procédure de nomination qui laisse trop de pouvoir
entre les mains du gouvernement central (et la
possibilité des appels en matière de code civil).

3) Il faut réviser le partage des pouvoirs avant
d’ approuver la formule d’amendement.

b) Montréal Matin

i) Clément Brown, le 27 juin 1971: le fédéral
n’a abandonné aucune de ses positions fonda-
mentales en matière de sécurité sociale. Par
le nouvel Article 94a le Québec n’aura aucune
garantie constitutionnelle de compensation
fiscale. Le fédéral aura donc un instrument
de chantage.

ii) Paul Gros d’Aillon, le 23 juin 1971: l’unani-
mité ou presque se fait dans la province pour
s’opposer à la Charte. On prétend que deux
ministres (Castonguay et l’Allier) s’opposent
à la Charte. Il faut revenir à la charge;
des progrès peuvent être faits mais la Charte
est encore inacceptable.

c) La Presse

Jean-Paul Desbiens, le 23 juin 1971, commente
le « non » de M. Bourassa. D’après lui, le
« chef de l’Etat québécois » finit toujours par
s’opposer au reste du Canada, et le chef du
gouvernement central finit toujours par obéir
à la logique de la majorité canadienne. Dans
le jeu de poker, Ottawa a toujours une paire
d’as: neuf gouvernements contre un. Aspect
positif du « non » du Québec: preuve que la
Constitution, dans son état actuel, permet au
Québec de bloquer le réformisme de surface.
Le choix du Québec: une réforme
en profondeux ou le statu quo.

d) La Tribune

Alain Guilbert le 22 juin 1971: Sept personnes
sur huit rencontrées au hasard par un journa-
liste ne savent même pas ce qui s’est passé
à Victoria. La population ne s’intéresse pas
à la constitution qui, pourtant, est de toute
importance.

e) Le Nouvelliste

Réjean Lacombe, le 23 juin 1971: le délai du
28 juin n’est pas réaliste face à la comple-
xité du problème. Pas de oui hatif. M. Davis,
tout en acceptant la Charte, admet que les
droits linguistiques sont ambiguis: pourquoi
alors l’accepter? Aucun gain quant à la poli-
tique sociale, aucun revenu additionnel pour
le Québec.

f) Le Soleil

i) Raymond Dubé, le S juin 1971: Les perspectives
ne sont guère encourageantes quant à un compromis
Québec-0ttawa, faut de quoi il faut reporter
la révision constitutionnelle aux calendes
grecques. Mais que veut le Québec en matière
de politique sociale? Impossible à demander
la juridiction exclusive, parce que les
provinces les plus riches appuient financière-
ment les programmes du fédéral. De plus,
Ottawa ne peut pas perdre le lien direct avec
la population. Bourassa devrait revenir de
Victoria avec des propositions précises et
provoquer des élections générales pour avoir
le verdict de l’opinion publique.

ii) Gilles Boyer, le 18 juin 1971: tendance à
critiquer la technique de véto utilisée par le
Québec qui pourrait, entre les mains d’autres
provinces, bloquer des ententes pratiques en
d’autre domaines. Il ne veut pas paralyser
le gouvernement central qui fournit une
redistribution des revenus et qui devrait
être le régulateur de l’économie.

9) L’Action

i) Roger Bruneau, le 18 juin 1971: pessimiste,
il ne croie pas que M. Bourassa sera en mesure
d’accepter la Charte sans règler le problème
de la politique sociale.

ii) Roger Bruneau, le 25 juin 1971: la façon de
présenter un « package deal » et d’insister sur
un délai du 28 juin perçue par la population
comme ultimatum: il fallait dire « non ».
Mais au lieu de favoriser le séparatisme, la
réponse prouve que des non-séparatistes
peuvent sauvegarder les droits du Québec.
Mais, leçon:

Ottawa et les provinces anglophones
doivent s’ouvrir les yeux, quelque
chose ne va pas entre les deux
groupes ethniques.

CONFIDENTIEL

Commentaires d’ordre général

1. Tous les partis et les mouvements ou associations
qui s’opposaient a la Charte de Victoria ont demandé
à M. Bourassa une consultation populaire par voie de
référendum. M. Bourassa s’y opposait.

Fait nouveau: à l’époque de la Charte, l’administration
Bourassa n’avait que l’appui des 47% des électeurs ayant
participé aux élections précédentes. Cette fois,
M. Bourassa peut parler au nom des 55% ayant appuyé
son parti lors des élections générales de 1973.
M. Bourassa est donc dans une position « légitime » pour
prendre une décision devant l’Assemblée nationale.

2. Certaines personnalités-clef telles Claude Ryan et
Marcel Faribault, ont prétendu tout au long du processus
qu’il fallait s’attaquer à la répartition des compétences
et à la fiscalité avant d’arrêter la formule d’amendement.
Il est probable que M. Ryan adoptera de nouveau la même
attitude à moins qu’il soit convaincu que l’argument
démographique joue contre le Québec et que le temps presse.

3. Il est probable que M. Bourassa s’opposera de nouveau à
un référendum, mais il est très probable qu’il va se
sentir obligé d’envoyer la formule a la commission
parlementaire de la constitution pour analyse et débat.
Depuis quelques années les commissions parlementaires
québécoises reçoivent des mémoires et des témoignages
des associations, des groupes d’intérêt et des citoyens
lors de l’analyse d’une question importante.

4. L’argument démographique

Statistique Canada a publié en 1974 des projections
démographiques 1972-2001, analyse qui a provoqué un
éditorial de Claude Lemelin (Le Devoir, le 21 août 1974).
Les projections qui tiennent compte des taux de fécondité
et des migrations internationales et interprovinciales,
varient d’une projection forte (A) à deux projections
faibles (C et D) en passant par une projection moyenne (B).
Les projections pour tout le Canada se trouvent en annexe.
La situation du Québec n’est pas encourageante:

Projection Population en %

*Consultez le PDF pour le tableau

D’après les quatre projections, la population du Québec
tomberait au dessous de 25% d’ici 26 ans et d’après la
projection la plus forte d’ici 11 ans; d’après les
projections B, C et D, la population québécois serait à
peine à la limite de 25% d’ici 11 ans.

Claude Lemelin en tire les conséquences politiques:

a) D’ici l’an 2001, l’Ontario compterait presque
deux fois plus d’habitants que le Québec, et
l’Alberta et la Colombie Britannique presque
autant que lui.

b) Quant à la Chambre des communes, la formation
d’un gouvernement majoritaire sans le Québec se
trouverait d’autant facilitée; l’adoption de
mesures favorables à l’essor de la langue et de
la culture françaises d’autant compliquée.

c) L’Ontario, la Colombie Britannique et l’Alberta
ensembles engloberaient 63% de l’électorat, ce
qui pourrait rendre une politique de développement
régional à l’est de l’Outaouais plus difficile si
non impensable.

d) Dans la diplomatie fédérale-provinciale, le Québec
pourrait rencontrer des difficultés à faire des
alliances au moment ou il ne pèsera plus que 22%
de la population.

Face à ces projections, aucun parti n’a proposé une
politique fédéraliste, d’après Lemelin, bien que le
Parti québécois semble s’attaquer à la question démogra-
phique. Toujours d’après Lemelin, « … plutôt que de
laisser M. Denis Hardy battre la grosse caisse (vide)
de la politique culturelle « souveraine », le Premier
ministre Bourassa fera mieux de compter les têtes qu’il
lui restera à cultiver ».

M. Jean Bienvenue a déposé un document de 71 pages à
l’Assemblée nationale sur l’immigration dans lequel
il semble s’appuyer sur les projections de Statistique
Canada. Il signale que le taux de fécondité se trouve
au dessous de la moyenne pour le Canada; qu’entre 1966
et 1971 le groupe francophone a réalisé un gain net de
13,000 contre 99,000 personnes pour le groupe anglophone;
qu’il y a dix ans le Québec accueillait un quart des
immigrants au Canada contre 15% aujourd’hui; que le
groupe francophone ne représentera que de 77% à 79%
de la population du Québec en 2001; et que le taux de
chômage décourage toute offensive majeure d’intensifier
l’immigration au Québec.

TABLE 6.2. Enumerated and Projected Population of Canada and Provinces,
1971, 1976, 1981, 1986 and 2001. Projections A, B, C and D

TABLEAU 6.2. Population du Canada et des provinces, 1971, 1976, 1981, 1986 et 2001,
selon le recensement et les projections A, B, C et D

*Consultez le PDF pour le tableau

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