Procès-verbaux et témoignages du Comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes sur la Constitution du Canada, 32e parl, 1re sess, nº 5 (14 novembre 1980).
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Date: 1980-11-14
Par: Canada (Parlement)
Citation: Canada, Parlement, Procès-verbaux et témoignages du Comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes sur la Constitution du Canada, 32e parl, 1re sess, nº 5 (14 novembre 1980).
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SÉNAT
CHAMBRE DES COMMUNES
Fascicule n° 5
Le vendredi 14 novembre 1980
Coprésidents:
Sénateur Harry Hays
Serge Joyal, député
Procès-verbaux et témoignages
du Comité mixte spécial
du Sénat et de
la Chambre des communes sur la
Constitution
du Canada
CONCERNANT:
Le document intitule «Projet de résolution portant
adresse commune à Sa Majesté la Reine
concernant la Constitution du Canada», publié par
le gouvernement le 2 octobre 1980
TÉMOINS:
(Voir à l’endos)
Première session de la
trente-deuxième législature, 1980
COMITÉ MIXTE SPÉCIAL DU SÉNAT
ET DE LA CHAMBRE DES COMMUNES
SUR LA CONSTITUTION DU CANADA
Coprésidents:
Sénateur Harry Hays
Serge Joyal, député
Représentant le Sénat:
Les honorables sénateurs:
Austin
Connolly
Donahoe
Hays
Lamontagne
Lucier
McGrand
Petten
Roblin
Tremblay—(10)
Représentant la Chambre des communes:
Messieurs
Beatty
Bockstael
Campbell (Miss)
(South West Nova)
Corbin
Crombie
Epp
Fraser
Henderson
Irwin
Joyal
Lapierre
Mackasey
McGrath
Nystrom
Robinson (Burnaby)—(15)
(Quorum 12)
Les cogreffiers du Comité
Richard Prégent
Paul Bélisle
Conformément à l’article 65(4)b) du Règlement de la Cham-
bre des communes.
Le vendredi 14 novembre 1980:
M. Tobin remplace M. Lapierre;
M. Lapierre remplace M. Tobin.
Conformément à un ordre du Sénat adopté le 5 novembre
1980:
Le sénateur Donahoe remplace le sénateur Asselin.
PROCÈS-VERBAL
LE VENDREDI l4 NOVEMBRE 1980
(11)
[Traduction]
Le Comité mixte spécial sur la Constitution du Canada se
réunit aujourd’hui à 9 h 40, sous la présidence de M. Joyal
(coprésident).
Membres du Comité présents:
Représentant le Sénat: Les honorables sénateurs Austin,
Connolly, Donahoe, Hays, Lamontagne, Lucier, McGrand,
Petten, Roblin et Tremblay.
Représentant la Chambre des communes: MM. Beatty.
Bockstael, Campbell (Mile) (South West Nova), Corbin,
Crombie, EPP, Fraser, Henderson, Irwin, Joyal, Lapierre,
Mackasey, McGrath, Nystrom, Robinson (Burnaby) et Tobin.
Autres députés présents: MM. Allmand et Hawkes.
Témoins: De la Commission canadienne des droits de la
personne: M. Gordon Fairweather, président et Mme Rita
Cadieux, vice-président.
Le coprésident, M. Joyal, présente le Troisième rapport du
Sous-comité du programme et de la procédure suivant:
Votre Sous-comité s’est réuni le jeudi 13 novembre
1980 et a convenu de faire les recommandations suivantes:
1.—Que, relativement à la question de la répartition
du temps et au droit de parole reconnus par le président
pour le tour de 10 minutes, la pratique actuelle voulant
qu’on alterne entre le gouvernement et l’opposition, se
poursuive et que le président exerce le droit de discré-
tion pour en arriver à un équilibre approprié.
2.—Que le Sous-comité nomme MM. Austin, Epp et
Nystrom pour étudier les questions suivantes et en faire
rapport à votre Sous-comité:
a) établissement du calendrier des témoins
b) personnel de recherche.
Sur motion de Mlle Campbell (South West Nova), le Troi-
sième rapport du Sous-comité du programme et de la procé-
dure est adopté.
Le Comité reprend l’étude de son ordre de renvoi du Sénat
du 3 novembre 1980 et de son ordre de renvoi de la Chambre
des communes du 23 octobre 1980, tous deux portant sur le
document intitule «Projet de résolution portant adresse com-
mune à Sa Majesté la Reine concernant la Constitution du
Canada», publié par le gouvernement le 2 octobre 1980. (Voir
procès-verbal du jeudi 6 novembre 1980, Fascicule n°1).
M. Fairweather fait une déclaration et répond aux
questions.
Il est ordonné,—Que le document intitulé—Mémoire de la
Commission canadienne des droits de la personne présenté au
Comité mixte spécial chargé de la Constitution canadienne,
novembre 1980,—soit joint aux procès-verbal et témoignages
de ce jour. (Voir Appendice «CCC-1»).
A 11 h O3, le Comité suspend ses travaux jusqu’à nouvelle
convocation du président.
Lex cogreffiers du Comité
Richard Prégent
Paul Bélisle
TÉMOIGNAGES
(Enregistrement électronique)
Le vendredi 14 novembre 1980
[Texte]
Le coprésident (M. Joyal): Je voudrais d’abord, avant de
procéder à la poursuite de nos travaux, informer les honorables
députés et le public qui participent, qui assistent a nos travaux
qu’il manque environ une douzaine de ces petites boîtes d’enre-
gistrement et qu’elles valent au moins $200 chacune, de sorte
que l’on vous demanderait vraiment de bien vouloir coopérer
avec nous et de les remettre à la sortie, de manière à ce que
d’autres personnes qui puissent vous suivre et vouloir participer
aux travaux puissent bénéficier des mêmes services de traduc-
tion que vous avez bien voulu utiliser vous-mêmes.
Je voudrais continuer en vous faisant part du troisième
rapport du sous-comité de l’agenda et de la procédure, vous en
donner lecture et vous demander, par la suite, de commenter,
de l’amender et de procéder à son adoption.
[Traduction]
(Voir les procès-verbaux et les témoignages)
Le coprésident (M. Joyal): Y a-t-il des commentaires, des
questions ou une motion pour l’adoption dudit rapport?
Mlle Campbell: Je le propose.
Motion adoptée.
[Texte]
Le coprésident (M. Joyal): Madame Campbell.
Par conséquent, le rapport est donc adopté.
Nous poursuivons nos travaux avec l’audition ce matin de
l’honorable Gordon Fairweather, président de la Commission
canadienne des Droits de la Personne.
[Traduction]
M. Epp: Excusez-moi, monsieur le président.
[Texte]
Le coprésident (M. Joyal): Oui, Monsieur Epp.
[Traduction]
M. Epp: Je constate que nous avons des problèmes à recevoir
la transcription des délibérations du Comité, Je ne sais pas si
les autres députés ont les mêmes difficultés. Je vois des hoche-
ments de tête tout autour de la table. Pouvons-nous nous y
arrêter pendant quelques minutes, parce que je pense que c’est
très important pour nos travaux.
Le coprésident (M. Joyal): Je suis heureux que vous ayez
soulevé cette question parce qu’on m’a dit hier que le sénateur
Tremblay, par exemple, l’avait demandée et qu’il comptait la
recevoir en début de matinée. Surtout que j’avais dit aux
membres de ce Comité qu’ils la recevraient.
On m’a informé qu’hier les machines sont tombées en panne;
c’est pourquoi vous n’avez pas reçu la transcription. Mais notre
greffier me dit qu’elle est prête ou qu’elle le sera le plus tôt
possible après notre réunion dans la petite pièce où est situé le
matériel.
M. Epp: Monsieur le président, est-ce que vous dites que
nous devons aller chercher la transcription dans cette pièce.
Par exemple, aurait-elle été disponible après la réunion d’hier
soir?
Le coprésident (M. Joyal): Exactement. C’cst la façon de
procéder et c’est celle que nous suivons. Donc, lorsque vous
quittez la pièce après chaque séance, rendez-vous à l’arrière et
prenez-en une copie ou, sinon, assurez-vous de pouvoir en
obtenir une dans les heures qui suivent, en tout cas avant que
nous reprenions nos audiences, afin que vous puissiez y travail-
ler et vous préparer pour la séance du lendemain.
M. Epp: Merci.
Le sénateur Connolly: Monsieur le président, pourrais-je
savoir quels sont les délais de livraison de la transcription?
Le coprésident (M. Joyal): Certainement, monsieur le séna-
teur. Généralement, notre délai est de quarante-huit heures,
mais ainsi que je l’ai expliqué à M. Epp, vous pouvez consulter
la transcription électronique dans la salle qui se trouve à
l’arrière, ce qui vous permet de revenir sur ce qui a été dit ou
de vous préparer pour la prochaine réunion.
Cette question étant réglée, je tiens à souhaiter la bienvenue
à M, Gordon Fairweather au nom de tous les membres du
Comité; monsieur Fairweather, je vous demanderais de bien
vouloir nous présenter vos adjoints,
M. R. G. L. Fairweather (président, Commission cana-
dienne des droits de la personne): Messieurs les coprésidents,
messieurs les sénateurs et messieurs les députés, Rita Cadieux,
vice-présidente, se trouve immédiatement à ma droite; plu-
sieurs membres du personnel de la Commission canadienne des
droits de la personne ont collaboré à la rédaction du présent
exposé: je tiens à remercier tout particulièrement Martha
Hynna, secrétaire générale, et Linda Poirier, conseiller spécial
en matière de politique.
Puis-je commencer?
Le coprésident (M. Joyal): Certainement.
M. Fairweather: La Commission canadienne des droits de la
personne est heureuse de cette occasion de comparaître devant
le Comité; j’irais même jusqu’à dire qu’elle vous envie, en
quelque sorte, étant donné la noble tàche dont vous êtes saisis.
D’après nous, la Charte des droits et libertés vise à protéger
les faibles contre les forts, à protéger ceux qui n’ont pas de
pouvoir contre ceux qui le détiennent, le Parlement s’attendant
à ce qu’en cas de différend, la Commission canadienne des
droits de la personne prenne la défense des opprimés. Or, notre
expérience, qui remonte à trois ans déjà, nous montre que de
nombreux Canadiens sont dépourvus de la moindre parcelle de
pouvoir.
Malgré ces objectifs, il ne faut pas oublier que le mieux est
souvent l’ennemi du bien. A ce propos, permettez-moi d’évo-
quer un discours fort important prononcé récemment à la
Nouvelle-Orléans par le sénateur Edward Kennedy concernant
le nouveau Code pénal des Etats-Unis.
M. Fraser: C’est un sujet qu’il connaît bien.
M. Fairweather: En ‘effet, Or, ce Code pénal est menacé non
pas par les extrémistes de droite, mais plutôt par les fanatiques
de la perfection dont l’objectif principal est de veiller au
moindre détail et qui ainsi ont réussi à remettre en cause dix
ans de travail consacrés à la réforme du Code pénal américain.
Le Comité se réunit alors que siège à Madrid la Troisième
conférence sur la sécurité et la coopération en Europe chargée
de dresser le bilan de la conférence d’Helsinki. Certains États
signataires refusent que soit discutée la façon dont ils ont
respecté leurs obligations aux termes du chapitre sur les droits
de la personne des Accords d’Helsinki, ce qui rend vos travaux
d’autant plus intéressants.
En 1976, toutes les provinces avaient convenu que le Canada
doit ratifier les pactes relatifs aux droits civils et politiques
ainsi qu’aux droits économiques, sociaux et culturels découlant
de la Déclaration universelle des droits, connue maintenant
sous l’appellation de Déclaration internationale des droits. La
charte des droits et libertés que vous étudiez en ce moment ne
constitue donc pas une préoccupation strictement nationale; je
dirais plutôt qu’elle découle des obligations et engagements
internationaux pris par le Canada. Or, nous avons malheureu-
sement pris l’habitude de discuter de différents problèmes hors
de leur contexte international.
Je me permets maintenant de soulever une question peut-
être épineuse. mais comme je compte de nombreux amis parmi
les députés et les sénateurs, je suis sûr qu’ils ne m’en voudront
pas.
D’aucuns prétendent que le gouvernement de Westminster
refuserait d’inclure une charte des droits dans la nouvelle
constitution canadienne, étant donné que la Grande-Bretagne
ne possède pas pareille charte. A mon avis, c’est un argument
spécieux. Dès 1951, la Grande-Bretagne a signé la Convention
européenne pour la protection des droits et des libertés fonda-
mentales, et il ne faut pas oublier que les décisions de la Cour
européenne ont force de lois. ll se trouve que je l’ai apportée
avec moi; je l’ai obtenue d’Angleterre hier, d’un jeune étudiant
canadien, une liste des cas sur lesquels a statué la Cour
européenne et qui touchent la loi britannique.
Bon, avant que l’excellent personnel qui se trouve ici ait une
crise cardiaque collective, je ferais mieux de revenir à la partie
de mon exposé qui a été approuvée par tous les commissaires,
Le reste est ex cathedra.
La Commission a comparu devant un Comité spécial du
Parlement le 7 septembre 1978, en cette enceinte même, pour
lui faire certaines recommandations et appuyer le principe de
l’enchâssement d’une charte des droits dans une nouvelle
constitution canadienne. Nous continuons d’appuyer fortement
ce principe, et lorsque je dis nous, je signale que j’ai sonde les
huit commissaires sur le sujet.
Notre appui à l’enchàssement a d’ailleurs été renforcé par
une décision récente du tribunal des droits de la personne qui a
décide que la Loi canadienne sur les droits de la personne
n’avait pas la préséance sur la Loi de l’impôt. Le tribunal a
d’ailleurs fait remarquer que les plaignants auraient eu un
recours si la Déclaration des droits avait été enchàssée dans la
constitution. Nous faisons face à la possibilité d’avoir a rejeter
un certain nombre de plaintes relatives à des dispositions
législatives discriminatoires par suite de cette décision du
tribunal. Les plaignants n’ont pas d’autrc recours si leurs
droits ne sont pas enchâssés.
Par ailleurs, si nous vous invitons à enchàsser la charte des
droits, nous croyons de notre devoir de vous dire que, où
louable que soit votre objectif, l’instrument dont vous entendez
vous servir pour l’atteindre comporte de graves défauts. Nous
nous inquiétons en particulier du libelle de l’article premier
qui, dans sa forme actuelle, soulève des doutes fondamentaux
quant au sérieux de l’engagement pris vis-à-vis de la réforme.
Ce sont des critiques acerbes, mais je suis sûr qu’elles seront
reprises maintes et maintes fois par les témoins qui comparaî-
tront devant vous. Ce libelle s’éloigne du langage utilisé dans
les constitutions nationales de plusieurs autres Etats modernes,
mais, qui plus est, il prend des distances importantes vis-à-vis
de la Charte européenne et de la Déclaration internationale
des droits ratifiés par le Canada. Le libelle de l’article premier
est unique en son genre et n’a jamais été contesté. D’autre
part, une certaine jurisprudence s’est établie et a inspiré le
langage des autres chartes nationales et internationales. A
notre avis, il est mal avisé d’ignorer une jurisprudence utile.
Le libelle de l’article nous semble en outre dangereusement
vague. Nous sommes sûrs que vous voudrez examiner sérieuse-
ment les recommandations visant à en préciser le sens.
Je passe maintenant à l’article 15, l’article sur les droits à la
non—discrimination et celui qui nous touche de plus près dans le
travail qui nous a été confié.
La liste des motifs qui s’y trouvent est incomplète. En
particulier, aucune promesse n’est faite pour ce qui est de
l’égalité des invalides aux yeux de la loi. Nous devons nous
engager auprès des invalides à reconnaître l’égalité de leurs
droits; si nous y manquons, nous perpétuons des stéréotypes et
des attitudes qui sont plus nuisibles aux invalides que leur
handicap particulier. Prétendre qu’il en coûterait trop cher
pour rendre notre société accessible aux handicapés n’est pas
justifié non plus. Le coût ne doit pas entrer en considération
lorsqu’il s’agit de garantir le droit à une protection égale aux
yeux de la loi.
Nous vous demandons de bien vouloir modifier l’article 15
de la Charte de façon à ce que ces dispositions touchant la
discrimination soient d’ordre plus général et ne précisent pas
de motif, comme le ministre de la Justice du Canada l’a
d’ailleurs proposé dans son document du mois de juillet, une
formule bien plus efficace contre la discrimination que celle
dont a été saisi votre Comité en septembre.
Le sénateur Connolly: Monsieur Fairweather, vous voulez
bien’ répéter ce que vous venez de dire, la première partie
surtout? Je n’ai pas saisi la référence.
M. Fairweather: La première partie a trait à la proposition
qu’a faite le ministre de la Justice du Canada en juillet
lorsqu’il est parti en croisade à travers le pays; il parlait à ce
moment-là d’une interdiction générale de la discrimination.
Nous préférerions cette formule à celle dont vous êtes saisis
maintenant et qui comporte une liste incomplète de motifs.
Vous devez avoir en main la proposition de juillet; de toute
façon, vous pouvez l’obtenir.
Nous vous prions de modifier l’article I5 de la Charte et d’y
inclure une prescription générale de la discrimination sans en
spécifier les motifs. A défaut de quoi je pense qu’il faudrait
ajouter une liste incluant les handicaps physiques et mentaux,
l’état civil, la situation de la famille, l’orientation sexuelle et
les croyances politiques. Je rappelle au Comité qu’il s’agit de
l’article portantsur la non-discrimination, et que le fait d’avoir
une liste complète ne signifie pas que la Commission cana-
dienne des droits de la personne ou le Parlement fassent une
déclaration concernant l’orientation sexuelle ou les croyances
politiques, ou quoi que cesoit. On dit simplement que ses
croyances ne devraient pas être un motif pour refuser à
quiconque une possibilité d’emploi. Parfois, les gens compren-
nent mal, et je reçois des lettres de personnes disant que nous
préconisons un certain style de vie et certaines orientations. Ce
n’est pas là mon rôle ni celui de mes collègues. Vous seriez
outragés, et à raison, si nous le faisions.
La charte des droits devrait contenir une référence explicite
aux droits de la femme. Nous vous suggérons d’y ajouter le
principe catégorique suivant:
Cette charte garantit le droit égal des hommes et des
femmes de jouir des droits et des libertés qui y sont
stipulés.
Les universitaires, les députés, les sénateurs sauront qu’il ne
s’agit pas là d’un libelle spécial; il est tiré de traités internatio-
naux déjà ratifiés parle Canada.
Il serait bon d’ajouter un préambule à la charte avec un
renvoi à la Déclaration internationale des droits comme preuve
que le Canada fait partie d’un monde plus vaste.
Les nombreux documents d’États ont ce préambule, de
nombreux documents que j’ai étudiés en me préparant à
comparaître devant vous aujourd’hui contiennent une réfé-
rence quelconque dans leur préambule. Après tout, en ratifiant
cette loi. le Canada fait partie de ce vaste monde.
Mme Cadieux et moi-même avions pensé que vous voudriez
prendre un certain temps pour poser des questions; c’est pour-
quoi j’avais envoyé ce document. Je ne m’attends pas à ce que
vous nous fassiez l’honneur de nous garder ici toute la fin de
semaine et je ne serai pas froissé si vous nous accordez moins
de temps qu’aux ministres, mais j’aimerais vous faire part de
certaines préoccupations personnelles portant sur les garanties
juridiques et sur les lois de la preuve.
J’ai également étudié le document sous cet angle. Je ne peux
pas échapper à mon passé d’avocat et d’ancien parlementaire,
et je ne le veux pas non plus.
La définition des garanties juridiques contenue dans cette
charte est sérieusement déficiente. Elle contient des précisions
inutiles. C’est comme si quelqu’un avait peur de quelque chose.
Par exemple, les garanties qui devraient être protégées par les
articles 8 et 9 pourraient être sérieusement mises en danger
par la stipulation suivante: «dont les motifs ne sont pas fondés
sur la loi et qui ne sont pas effectués dans les conditions que
celle-ci prévoit».
Vous devriez demander aux témoins d’expliquer le sens de
cette phrase. Si vous me le demandez, je vous dirai que je n’en
ai pas la moindre idée et c’est ce qui m’inquiète.
Pourquoi a-t-on cru nécessaire de l’ajouter à l’article visant
la protection des garanties juridiques? S’il s’agit de limiter les
droits établis, vous avez certainement le droit de connaître la
nature et la portée des restrictions envisagées.
[Texte]
Le coprésident (M. Joyal): Je m’excuse, monsieur
Fairweather.
Sur un rappel au Règlement, le sénateur Lamontagne.
[Traduction]
Le sénateur Lamontagne: S’agissant de droits juridiques,
vous parlez en votre nom et non pas au nom de la
Commission?
M. Fairwesther: J’aimerais que beaucoup de commissaires
et d’autres soient d’accord, mais c’est un point de vue person-
nel. Je vais m’arrêter un moment sur ce sujet et je vais me
servir comme prétexte, si vous avez besoin d’un prétexte, du
fait que cela fait 15 ans que je me bats contre les lois sur la
preuve de ce pays qui sont horriblement dépassées, et que cet
article 26 figure dans ce document, qui par ailleurs constitue
un progrès, me choque énormément.
Il s’agit de l’article 26. Cet article, de toute évidence, a été
rédigé par ces juristes provinciaux qui souhaitent perpétuer ces
lois démodées sur l’admissibilité de la preuve. ll devrait être
refondu. Sous sa forme présente, il étouffe toute cette partie de
la charte traitant des droits juridiques.
La Commission de réforme du Droit et d’autres profession-
nels, y compris les chercheurs et les patriciens, comprendront
la genèse de l’article 26 et la plupart partageront mon chagrin
de le voir intégré à la charte des droits et des libertés,
D’aucuns disent, et cela suffira, de ne pas modifier le projet
de charte. Attendez que la constitution soit rapatriée et des
amendements pourront alors être proposés.
Un sénateur, un député ou un parlementaire peut-il sérieuse-
ment croire qu’il aura bientôt l’occasion de s’attaquer au
problème des droits et des libertés compte tenu du nombre de
problèmes auquel notre pays est confronté.
Je crois réellement que votre objectif est digne et noble, et
fespère que ce Comité, et par son intermédiaire, le Parlement,
voudront viser Pexcellence des le début. Pourquoi voudriez-
vous vous contenter de moins?
Il y a une procédure, si ma mémoire est exacte, . . j’ai
préparé un document pour qu’il soit déposé. Il s’agit d’un
énoncé plus précis des principes que j’ai recommandés à ce
Comité, et quelqu’un voudra peut-être proposer son dépôt; je
n’ai pas le pouvoir de le proposer moi-même, mais quelqu’un
voudra sûrement le faire pour moi.
Le coprésident (M. Joysl): Avec votre permission, monsieur
Fairweather, et Passentiment des membres de ce Comité, je
vais m’assurer que ce document soit distribué immédiatement
aux membres dès que nous aurons les photocopies, et je
proposerai qu’il soit imprimé en annexe à nos délibérations.
Oui, monsieur Fraser, Yes, Mister Fraser.
M. Fraser: Monsieur le président, on nous a distribué hier
un document intitule «Présentation de la Commission cana-
dienne des droits de la personne au Comité mixte spécial sur la
Constitution du Canada». S’agit-il du document dont parle M.
Fairweather?
Le coprésident (M. Joyal): Je crois que M. Fairweather
peut répondre.
M. Fairweather: ll y a deux documents. Espérant que vous
considérez comme important d’étudier avec soin mes propos;
j’ai lu un texte écrit mis a part les 2 ou 3 premières interven-
tions qui étaient de moi. Ce document a été déposé, et s’y
ajoute une critique juridique qui est maintenant déposée, si je
ne m’abuse.
Le coprésident (M. Joyal): Je crois, monsieur Fraser, qu’il
s’agit de celui que vous avez entre les mains.
M. Fairweather: Le dépôt a pu poser quelques problèmes,
Nous n’avons pas véritablement fait anti-chambre devant les
portes du temple, mais nous avons convoqué puis décommandé
à plusieurs reprises et le fait que certains documents aient été
ou non déposés au bon moment ne peut m’être imputé.
De toute manière, ils ne contiennent pas de secret, ils sont à
vous.
Le coprésident (M. Joyal): Monsieur Epp. Mister Epp.
M. Epp: Merci, monsieur le président.
Au nom de mes collègues, j’aimerais souhaiter la bienvenue
à M. Fairweather pour son retour sur la Colline et aussi le
remercier de son exposé de ce matin.
Monsieur Fairweather, à la vue des documents que vous
nous avez fournis un peu plus tôt, j’aimerais vous référer à
l’article l du projet de résolution, Au bas de votre exposé, ainsi
que dans les documents qui l’accompagnent, vous insistez sur
vos craintes au sujet de l’article 1. J’aimerais vous demander,
de votre point de vue, quelles seraient les conséquences techni-
ques de cet article en ce qui concerne la protection des droits et
des libertés s’il restait sous sa forme actuelle?
M. Fairweather: Elles sont si graves que je ne peux imaginer
votre Comité laisser passer l’article l sans amendement. Cet
article, tel qu’il est rédigé, remettrait en question, les autres
articles de la charte. Je suppose qu’on peut s’attendre à un
amendement.
Comme je l’ai dit, nous mettons de côté toute la jurispru-
dence internationale et nationale, car le libelle est très vague.
Pourquoi ne pas utiliser des termes d’ores et déjà acceptés et
ratifiés par le Canada? .
Je sais que je n’y vais pas de main morte, mais cette
question me tient à coeur. Je tiens absolument à ce qu’il y ait
enchàssement, rapatriement et à ce que les objectifs soient
fixés. Finalement, notre pays se fixe des objectifs magnifiques;
alors, pourquoi ne pas viser ce qu’il y a de mieux?
M. Epp: D’après votre expérience à titre de commissaire à la
Commission des droits de la personne, pouvez-vos nous donner
des exemples précis de restrictions éventuelles des droits et
libertés, et aussi de la latitude de la Commission, à la lumière
des interdictions contenues dans l’article 1?
M. Fairweather: Oui. Le ministre de la Justice a lui-même
donné un bon exemple, hier soir. En effet, la pratique normale-
ment acceptée de la retraite obligatoire ici, au Canada, pour-
rait être contestée, sous prétexte qu’il y a discrimination d’àge,
et elle pourrait être abolie, parce que, désormais, les pratiques
normalement acceptées ne sont plus considérées comme libérav
les, si je peux utiliser cette expression dans cette enceinte.
Les pratiques normalement acceptées au Canada veulent
que les gens soient forcés de prendre leur retraite, par exemple,
à un certain àge. Quand j’ai entendu parler de la charte, j’étais
très enthousiaste, car le gouvernement y avait inclu des dispo-
sitions sur l’âge. Je me suis ravisé en lisant l’article 1.
Qu’on se souvienne de ce qui s’est passé en 1940 et en 1941,
quand la pratique normalement acceptée au Canada rendait
criminellement responsables les Canadiens d’origine japonaise,
à cause de leur origine.
Aux Archives de la rue Wellington, hier soir, j’ai assisté à
un film sur le 100′ anniversaire de l’arrivée des Chinois au
Canada. Des Chinois sont venus pour construire le chemin de
fer, et je suis tout aussi outré que vous, messieurs les sénateurs
et messieurs les députés, quand je me souviens que des gens qui
ont participé si activement à notre histoire ont été frappé des
dispositions de la loi d’exclusion pour les Chinois, loi qui leur
imposait un impôt forfaitaire de $50. Ce n’est qu’après la
Seconde Guerre mondiale que les Chinois ont obtenu le droit
de vote dans une certaine province canadienne. On sait que
c’est M, Diefenbaker qui a donné aux autochtones le droit de
vote, et ce, à la fin des années 50.
Je ne dis pas que les gouvernements à venir vont imposer de
telles mesures, mais ils le pourraient, car, avant les réformes,
ce genre de pratique était normalement acceptée.
Cette charte des droits sera enchâssée et elle constituera un
hommage aux loyaux citoyens canadiens.
M. Epp: Vous ai-je bien compris, monsieur? Si cette charte
des droits était enchàssée, elle Nempecherait pas que des
Canadiens d’origine japonaise soient persécutés ou expulsés,
qu’on leur retire leur liberté? Vous voulez dire que ce genre de
mesure serait quand même possible si la charte était adoptée
telle quelle?
M. Fairweather: Monsieur Epp, je dois vous mettre en
garde, et c’est pour cette raison que j’ai donné l’exemple de
l’àge. En effet, ce serait possible, c’est un risque, mais je ne dis
pas que cela se fera.
Je pense que la plupart des dispositions de cette charte sont
des chefs-d’œuvre, mais je ne vois pas comment le Canada
peut refuser les normes internationalement acceptées et les
termes déjà adoptés. Voilà pourquoi je me montre un peu
tatillon. C’est une ombre au tableau.
M. Epp: Monsieur Fairweather, vous avez arle de la ques-
tion d’âge. Vous savez sûrement que certains tats considèrent
comme une atteinte aux droits l’imposition de la retraite
obligatoire à 65 ans. Certaines provinces, la Saskatchewan
notamment, n’ont pas cette exigence d’àge pour ce qui est de
leur corps législatif. D’autres provinces qui ont réfléchi à la
question envisagent de modifier cette règle.
La Commission est-elle d’avis qu’on ne devrait pas imposer
d’exigences ou de politique sociale en ce qui a trait, par
exemple, à la retraite obligatoire?
M. Fairweather: Nous avons témoigné devant le comité
préside par le sénateur David Croll et nous avons proposé plus
de souplesse en ce qui a trait à l’àge de la retraite. Si vous avez
65 ans moins un jour, ou si vous avez 65 ans révolus, êtes-vous
bien différent? La souplesse et des examens médicaux, pour
déterminer s’il y a danger à poursuivre son travail au-delà de
65 ans, constitueraient une bien meilleure norme.
Quand on a déterminé que ce serait 65 ans, au siècle
dernier, sous Bismark, dans le cadre d’une politique sociale,
réformiste . . . c’était évidemment une mesure réformiste. C’est
ce que nous pensions, tout comme le comité du sénateur Croll,
et nous aimerions savoir pourquoi ce n’est pas le cas. Douze p.
100 de nos plaintes concernent la condition d’âge.
M. Epp: Douze p. 100 sur un total de combien?
M. Fairweather: Douze p. 100 d’environ 600 cas qui nous
ont été soumis.
M. Epp: Monsieur Fearweather, la résolution qui nous a été
proposée empêcherait-elle, en temps de paix, le recours à la
Loi sur les mesures de guerre?
M. Fnîrweather: Non. Dans notre document, nous recom-
mandcns que les articles de notre loi condamnant la discrimi-
nation ne soient pas soumis à des lois spéciales en cas
d’urgence.
Je m’y prends mal, je le reconnais. ll nous paraît inconceva-
ble que la discrimination en raison du sexe ou de la couleur de
la peau, qui compte parmi les neufs motifs interdits dans notre
loi et parmi les 15 de votre projet de charte, ne soit plus
interdite en cas d’urgence.
Ils ne figurent pas dans les chartes internationales et j’espère
que vous tiendrez à vous assurer qu’ils ne figurent pas non plus
dans la nôtre.
M. Epp: Si je vous ai bien compris, vous craignez que
Fenchàssement de cette résolution n’autorise le recours à la
Loi sur les mesures de guerre en temps de paix.
M. Fairweather: En tout cas, j’ai beaucoup de doute,
M. Epp: Par ailleurs, que pensez-vous du recours à la Loi
sur les secrets officiels, dont les deux principaux exemples sont
l’affaire Peter Treu et celle du Toronto Sun? Un citoyen
serait-il suffisamment protégé par la charte s’il était accusé en
vertu de la Loi sur les secrets officiels?
M. Fnirweather: Les bons conseillers sont très précieux.
M. Epp: Nous en avons tous besoin.
M. Fairweather: On me dit que la Loi sur les mesures de
guerre peut être nécessaire, mais ses limitations doivent être
justifiables, dest-à-dire défendables devant un tribunal.
En ce qui concerne l’affaire Peter Treu, je suis aussi outré
que n’importe qui, Je pensais qu’un gouvernement qui avait
proposé d’enchàsser les droits et les libertés voudrait moderni-
ser en quelque sorte la Loi sur les secrets officiels.
M. Epp: Merci, monsieur le président.
M. Fairweather: Ce sera peut-être notre prochaine réforme,
celle de la Loi sur les secrets officiels.
Le coprésident (M. Joyal): Monsieur Robinson?
M. Robinson: Merci, monsieur le président. J’aimerais. moi
aussi, vous souhaiter la bienvenue parmi nous, monsieur Fair-
weather. Je pense que vous avez fait la preuve de ce que vous
étiez capable de faire en ce qui concerne la protection des
droits de la personne au Canada. Je sais que notre Comité va
écouter avec beaucoup d’intérêt les paroles sages que vous et
les autres commissaires voudrez bien prononcer sur ce sujet
important.
Monsieur Fairweather, j’aimerais, moi aussi, vous poser
quelques questions au sujet de l’article 1 de cette charte. Au
nom de mon parti, j’ai exprimé les réserves très sérieuses que
nous avons au sujet de son libelle actuel.
Etes-vous d’accord avec moi pour dire que. à moins d’être
modifié, cet article est une violation des obligations que nous
avons contractées dans le cadre du l’acte international relatif
aux droits civiles et politiques? (En effet, nous avons signé le
protocole facultatif. et un autre Etat signataire pourrait tout à
fait nous traîner devant un tribunal des Nations Unies en
raison de cette violation.
M. Fairweather: Je suis d’accord avec vous, vous avez tout à
fait raison.
M. Robinson: J’aimerais maintenant revenir sur la question
qui a été abordée par M. Epp et dont vous avez vous-même
parle auparavant. ll s’agit des mesures qui ont été prises
pendant et immédiatement après la Seconde Guerre mondiale
au sujet des Canadiens dbriginejaponaise.
Est-il bien vrai que, selon la charte actuelle, il serait possible
de prétendre que cette mesure a été «généralement acceptée» à
l’époque et que, en d’autres termes, l’article l, tel que rédigé,
autoriserait ce genre de mesure?
M. Fairweather: L’article 1 présente ce danger.
M. Robinson: Je voudrais revenir à une question que j’ai
posée hier. Puisque vous avez dit que l’objectif d’une charte
des droits est de protéger les faibles des forts et les minorités
de ce que l’on appelle parfois la tyrannie de la majorité, je
voudrais vous demander ce qui suit.
Êtes-vous au courant du processus référendaire envisagé par
cette charte, qui permettrait à une simple majorité de suppri-
mer les droits inscrits dans cette charte?
Connaissez-vous cette disposition et estimez-vous qu’elle soit
souhaitable?
M. Fairweather: Je dois reconnaître que je ne pensais pas
que le mécanisme référendaire pourrait servir à priver une
minorité de droits contenus dans la charte. Si tel est le cas, je
suis certain que le Comité voudra imposer les restrictions qui
s’imposent à l’utilisation du processus référendaire.
M. Robinson: Pour votre information, je vous ferai remar-
quer qu’il y u ici une disposition selon laquelle, en cas d’im-
passe, un amendement pourrait être apporté qui éliminerait en
même temps certains droits inclus dans lu charte. Le seul
critère d’adoption d’un tel amendment serait qu’il y ait une
majorité simple et une majorité dans chacune des quatre
régions.
Vous reconnaîtrez cependant, monsieur Fairweather, qu’une
majorité régionale ne protégera pas nécessairement des minori-
tés impopulaires, qu’elles soient religieuses ou ethniques.
M. Fairweather: C’est vrai. J’espère, messieurs les prési-
dents, que tout le monde comprend bien ce qui vient d’être dit.
Ce n’est pas que nous ne voulions pas parler de l’ensemble de
la charte, puisque nous aurions été d’instinct portés à le faire.
Cela dit, je dois, plusieurs fois par jour, faire l’effort de me
rappeler que notre commission ne représente pas un autre
gouvernement.
En nous préparant pour l’audience d’aujourd’hui, nous nous
étions dit que les dispositions du référendum, entre autres,
pourraient faire l’objet de débats au sein de ce Comité.
Je n’ai donc pas accorde beaucoup d’attention à cette dispo-
sition, mais si, comme le dit le député, une simple majorité
peut priver certaines personnes de leurs droits, cette disposition
référendaire est alors trop générale. Je suis certain que vous en
tiendrez compte.
M. Robinson: Vous pensiez qu’il n’était pas possible d’élimi-
ner ces droits par un simple référendum?
M. Fairweather: Je supposais qu’une charte des droits s’ap-
pliquerait à toutes les minorités du pays. Sinon, à quoi
sert-elle?
M. Robinson: Merci, monsieur Fairweather.
Passons maintenant à l’article 15 de la charte, article sur
lequel vous vous êtes exprimé dans votre mémoire; estimez-
vous qu’il est actuellement insuffisant pour garantir l’égalité
des femmes dans notre pays?
M. Fairweather: Je pense qu’il y a d’excellentes raisons pour
inclure, comme nous l’avons suggéré, ainsi que d’autres, une
déclaration spécifique au sujet des droits des femmes. Cela dit,
entre avocats, si vous vouliez pousser la discussion plus loin,
j’aimerais croire que cette disposition est suffisante.
Malheureusement, une constitution n’est pas seulement un
document juridique, c’est aussi un document pour le peuple,
pour les poètes et pour les autres; du moins, je l’espère.
Je crois qu’une définition claire des droits des femmes, telle
que nous l’avons suggérée, et résultant de la jurisprudence
internationale, constituerait une meilleure protection que celle
qui est maintenant prévue.
M. Robinson: C’est une question politique . . .
M. Fairweather: Nous aussi, nous faisons de la politique;
pas dans un sens partisan, mais dans un sens social.
M. Robinson: Monsieur Fairweather, en parlant au nom de
la Commission, vous avez certainement dit dans vos recom-
mandations que cet article, dans sa forme actuelle, n’était pas
suffisant pour protéger l’égalité du statut des femmes, et vous
avez proposé certains amendements précis à cet article.
M. Fairweather: Oui, je l’ai fait, car je suis abasourdi par
certaines interprétations juridiques qui vont à l’encontre de cc
que la plupart d’entre nous croient devoir étre les droits de la
femme dans notre société, et qui vont également à l’encontre
des chartes des droits. Je sais qu’il ne s’agit que de chartes
fédérales, mais je pourrais vous citer de nombreux cas que
vous connaissez tout aussi bien que moi, des décisions judiciai-
res comme celles des affaires Laval et Bliss, et d’autres qui ont
attristé ceux qui avaient espéré que la Cour suprême du
Canada puisse faire mieux.
M. Robinson: C’est présumément en raison de ces décisions
découlant du libelle actuel que vous faites vos recommanda-
tions, n’est-ce pas?
M. Fairweather: C’est à cause de ces décisions que nous
devons enchâsser la charte des droits dans notre pays, afin de
rappeler au judiciaire qu’il y a eu des changements dans la
société canadienne.
C’est la mesure du sérieux que le Parlement canadien
accorde à l’enchâssement de ces droits, gràce auxquelles les
décisions dans les affaires Bliss et Laval, de même que dans les
affaires découlant de la Loi sur les Indiens, seraient renversées,
ce qui serait juste.
M. Robinson: Vous voulez vous assurer absolument que le
libelle de l’article anti-discrimination, ou de l’article sur l’éga-
lité, ne permettra plus jamais de telles décisions selon l’inter-
prétation de l’article 15?
M. Fairweather: Exactement; c’est pourquoi nous sommes
ici aujourd’hui, monsieur Robinson.
M. Robinson: Merci.
Passons maintenant à un autre élément important de la
charte des droits; dites-moi si, dans la charte proposée, il existe
un article, et je sais qu’il n’y en a pas à l’heure actuelle. qui
accorderait aux tribunaux le pouvoir d’offrir une réparation
lorsque certains droits ont été refusés? Croyez-vous que la
charte soit suffisante pour assurer que les objectifs visés seront
atteints?
M. Fairweather: Sans vouloir paraître vantard, j’avais cru
que la mise en oeuvre de cette charte serait confiée aux
commissions provinciales et à notre propre commission; j’avais
cru qu’on ne pouvait s’attendre à ce que la charte soit si
complète et qu’il faudrait inscrire ces droits dans une charte
des droits et libertés.
M. Robinson: Vous connaissez peut-étre le comité spécial
dont la coprésidence était assurée par un très distingué
membre de notre Comité, le sénateur Lamontagne, et dont le
sénateur Roblin et M. Beatty étaient membres, de même que
d’autres membres de notre Comité. Ce comité a recommandé
précisément qu’une charte des droits comprenne une disposi-
tion par laquelle les tribunaux pourraient offrir une réparation
lorsqu’il y a eu négation de certains droits; ainsi, les personnes
dont les droits n’ont pas été respectés auraient un recours.
Si, après interprétation decette charte, on croyait que le
présent mécanisme d’appel à la Commission des droits de la
personne n’était pas suffisant pour protéger ces droits, accepte-
rieznvous un renforcement de la charte, pour au moins protéger
ces droits?
M. Fairweather: Monsieur Robinson, monsieur le président,
je ne suis pas là pour m’opposer aux recommandations de la
Chambre et du Sénat, non plus que pour paraître en conflit
avec les tribunaux.
Si c’est la votre recommandation, nous en serions heureux.
Je crois tout simplement qu’on ne peut s’attendre à ce que la
charte couvre toutes les situations possibles; au fait, les déci-
sions de notre commission et de notre tribunal sont enregis-
trées comme décrets de la Cour fédérale du Canada; c’est ce
qui sert de base aux réparations; toutefois, nous ne serions pas
mécontents si vous vouliez établir un tel mécanisme.
M. Robinson: Monsieur Fairweather, passons maintenant à
ce que vous proposez d’ajouter à l’article 15 portant sur la
discrimination.
Vous avez proposé que nous ajoutions les mots «les handica-
pés physiques ou mentaux». Il est certain que les gens de mon
parti appuient cette addition.
Sauf erreur, le ministre a dit au sujet de cette proposition
que, alors qu’il en appuyait le principe, elle présentait certaines
difficultés juridiques.
J’ai deux questions à ce sujet. D’abord, quelle part des
plaintes adresséæ à votre commission concerne les handicapés
physiques ou mentaux, et deuxièmement, quelle est votre
réponse à l’idée qu’il est peu pratique d’ajouter ce motif
particulier de distinction aux motifs proposés à l’article 15?
M. Fairweather: Avec votre permission, monsieur le prési-
dent, les sénateurs et les députés se rappelleront qu’une partie
de notre loi ne protège les handicapés physiques que dans le
milieu de travail et non pas au niveau des biens, des services et
des instalations.
Néanmoins, même avec cette restriction, je remarque que 21
p. 100 de toutes nos plaintes portent sur les problèmes des
handicapés physiques dans le milieu de travail. A l’heure
actuelle, le handicap mental n’est pas inclus dans notre loi.
Certaines commissions provinciales, et c’est à leur honneur,
incluent le handicap mental dans la définition de handicap
physique, ce qui n’a pas encore été contesté; si la chose devait
aller devant les tribunaux, je ne sais pas au juste si elles
réussiraient.
Toutefois, nous croyons qu’un des phénomènes sociaux les
plus passionnants de notre époque, au cours des années 80,
c’est le fait que les handicapés physiques veulent participer à 1a
vie canadienne, etc.
J’en reviens à votre question, car je semble m’égarer, ce qui
d’ailleurs ne serait pas nouveau pour qui que ce soit ici.
La deuxième partie de votre question portait sur la défini-
tion juridique. ll y a dans notre loi une définition qui nous a
causé quelques problèmes; toutefois, nous sommes tout à fait
heureux de laisser aux tribunaux lc soin de définir ce genre de
choses. Je n’ai jamais peur de la réforme simplement parce que
c’est difficile.
M. Robinson: Monsieur le président, pour terminer, avec
votre permission,j’ai quelques brèves questions.
Tout d’abord, je vous suis très reconnaissant de vos remar-
ques, monsieur Fairweatherfibien que, si je comprends bien,
vous ne parliez pas officiellement au nom de la Commission—
de vos remarques sur les articles de la charte touchant les
garanties juridiques, particulièrement l’article 26.
Pourriez-vous nous confirmer qu’en fait, une disposition de
ce genre enchâsserait dans la loi le principe que, quelle que soit
la façon dont on obtient des éléments de preuve, même si
ceux-ci sont obtenus par bris, par infraction ou par extorsion,
ou par le recours à ce que l’on pourrait appeler dans certaines
circonstances une punition cruelle et inhabituelle, quelle que
soit la façon d’obtenir des éléments de preuve au pays, les
tribunaux n’auraient ni la compétence ni le pouvoir discrétion-
naire de les exclure, si ces éléments de preuve étaient
pertinents?
M. Fairweather: C’est absolument juste, et je dois dire que
je suis des plus surpris de voir l’article 26. Je ne sais pas si vous
aurez le temps d’entendre les membres de la Commission de
réforme du droit, ces derniers ont préparé, sous forme d’ébau-
che, une réforme de la loi sur la preuve et, si je puis m’en
vanter, j’ai sonde le terrain auprès du Parlement en présentant
un bill privé. La loi sur la preuve, comme tout avocat du pays
le sait, est horriblement démodée; je suis vraiment peiné de
penser que la charte sera peut-être adoptée alors qu’elle com-
porte cette définition, qui pourrait modifier toutes les garanties
juridiques qu’on voudrait enchàsser.
M. Robinson: Une dernière question . . .
Le coprésident (M. Joyal): Je regrette, monsieur Robinson;
vous comprendrez très bien que notre séance de ce matin doit
étre courte et que, par conséquent, je dois faire respecter
l’horaire.
L’honorable Bryce Mackasey.
M. Mackasey: Monsieur le président, je serai très bref. Je
suis heureux de souhaiter la bienvenue à un ancien collègue,
dont les opinions se marient assez bien aux miennes.
J’aimerais parler très rapidement du mémoire qu’a présenté
M. Fairweather. Il se préoccupe du texte qui invoque la
doctrine de la suprématie du Parlement. Je crois qu’il craint
que le Parlement ne gêne quelque peu les tribunaux lorsque
des cas d’interprétation se posent et sont soumis aux tribunaux.
Je me demande, monsieur Fairweather, si vous ne pensez
pas que l’article 25, par une directive calaire, rassure les
tribunaux à ce sujet?
M. Fairweather: J’avais pensé que le projet de loi de 1960
constituait une directive du Parlement du Canada aux tribu-
naux—il s’agissait de la Charte des droits; j’avais pensé que le
premier paragraphe de la Loi canadienne sur les droits de la
personne de 1977 constituait en fait une directive assez claire à
l’intention des tribunaux. Je regrette de m’attarder si long-
temps à l’article, mais je pense qu’il constitue la substance
d’un document très régressif.
M. Mackasey: Je pense que c’est à cela que vous devriez
consacrer tous vos efforts, mais le problème, c’est qu’il s’agit
ici de la constitution. ll est évident que si l’on veut que ces
droits figurent dans la constitution c’est parce qu’ils n’ont
peut-être pas suffisamment de poids en ce moment tels qu’ils
sont définis par les lois.
M. Fairweather: En tout cas c’est ce que l’on espère.
M. Mackasey: Il y a un autre domaine sur lequel j’aimerais
vous poser des questions, car je respecte votre point de vue et je
sais que les avocats ici présents vont examiner de très près
l’article 1. J’aimerais que vous nous fournissiez des détails sur
l’article 6, qui traite de la mobilité, et j’aimerais également
savoir si, du fait de votre mandat, il vous a été donné de
constater la nécessité de plus en plus grande de supprimer
certaines barrières provinciales qui entravent la mobilité de la
main-d’oeuvre de notre pays. Je songe tout particulièrement à
l’attitude de Terre-Neuve car je pense que les lois qu’elle a
adoptées sont discriminatoires.
M. Fairweather: Je suis pour ma part ravi qu’on enchàsse la
liberté de circulation et d’établissement dans la constitution. Je
pense que si on posait la question au peuple, la plupart des
Canadiens répondraient qu’ils pensent avoir des droits en
matière de circulation. Je trouve cela très bien. Le problème
n’existe pas seulement à Terre-Neuve, mais également au
Québec, par exemple. Il faudrait également souligner la Loi
sur la construction; tout le monde ici connaît les ennuis qu’a
provoqués l’adoption de cette loi pour les travailleurs de la
construction de la région de Hull et Ottawa, question qui a
d’ailleurs préoccupé le premier ministre et ses homologues
provinciaux.
Je pense que les provinces disposent de certains moyens qui
leur permettraient de veiller à ce que les gens choisissent
eux-mêmes plutôt que de se voir imposer un choix établi en
fonction des barrières. Je suis tout à fait d’accord avec le
principe de la liberté de circulation. Je l’ai dit publiquement au
Parlement et en tant que commissaire.
Si on avait essayé de limiter la mobilité des habitants des
provinces maritimes, dont je suis originaire, il y aurait eu une
révolution sociale. A mon avis, il est temps d’y réfléchir.
Maintenant qu’on envisage d’apporter certains changements
au système, il est étonnant de constater qu’on pense ériger
certaines barrières. On dirait presque l’Europe médiévale. Il
est plus facile de se déplacer d’un endroit à un autre en Europe
pour se trouver du travail que dans certaines des provinces
canadiennes.
La garantie de ce principe est primordiale pour nous et nous
pensons que 99 p. 100 de la population canadienne est d’accord
avec nous. Si l’Alberta ou l’Ontario avaient interdit aux habi-
tants de Terre-Neuve ou du Nouveau-Brunswick de s’y instal-
ler, quel genre de pays aurions-nous eu? L’Ontario n’accueil1e
plus autant d’immigrants qu’auparavant, mais ses portes sont
restées grandes ouvertes très longtemps. Écoutez, le fait d’être
citoyens du même pays ne nous lie-t-il pas entre nous? Sûre-
ment, sinon, nous perdons notre temps ici.
M. Mackasey: Quant à moi, vous pouvez déployer toute
votre éloquence pendant encore un quart d’heure.
M. Falrweather: Eh bien, il m’est très difficile d’imaginer
que quelqu’un veuille s’opposer à la liberté de circulation.
Ceux qui ne veulent pas aider le Canada et les jeunes Cana-
diens en leur offrant davantage de possibilités ont une vision
bien étroite de la nature de notre pays. Cela vous va-bil,
monsieur Mackasey?
M. Mnckasey: Poursuivez, monsieur Fairweather. Nous
avons souvent été d’accord à ce sujet.
Monsieur le président, je pense que les témoins qu vont
comparaître comptent exprimer des opinions très fermes parce
qu’il faut, semble-t-il, nous influencer. Je sais que l’apport des
témoins équilibrera le débat et c’est pourquoi je pose ces
questions.
Votre document énonce quelque chose qui me paraît tout à
fait évident compte tenu de votre réputation et de l’Organisa-
tion que vous représentez. Vous êtes de toute évidence un
fervent partisan de Penchàssement dans la constitution des
droits et des libertés de l’homme. Ce n’est bien sûr pas là un
point de vue universel, puisque même au sein du Comité, vous
ne pourriez pas avoir l’unanimité là-dessus. ll y en a certains
qui pensent, et de bonne foi, que nous devrions nous en
remettre à la jurisprudence du système britannique. Pourriez-
vous nous préciser pourquoi votre prise de position est si ferme
là-dessus?
M. Fairweather: Mais il ne s’agit plus du système britanni-
que, monsieur Mackasey. Le système n’est plus britannique
depuis 195l. Voilà la première chose que j’ai à dire. .le ne
voulais pas en parler. car, avec toutes les coupures de journaux
que j’ai ici, je plaindrais les greffiers du comité. Mais quicon-
que suit ce qui se passe en Grande-Bretagne en matière de
droits de la personne sait que les cas de chàtiment corporel
dont a été saisie la cour européenne des droits de la personne
sont légion. Le droit pénal en Irlande du Nord pour ce qui a
trait aux homosexuels. La retraite. Un cas très fameux impli-
quant le Times de Londres et une victime de la thalidomide.
Le Times a gagné sa cause mais les tribunaux de Grande-Bre-
tagne ne lui ont pas adjugé les frais. Où sont-ils allés les
chercher? A la cour européenne.
Cette lutte se poursuit depuis des générations, j’ai tout
entendu. Vous avez lu le Canadian Bar Review lorsque ce
pauvre M. Diefenbaker essayait de faire adopter une déclara-
tion des droits de la personne et que tout le monde, tous les
avocats qui pratiquent le common law, en a fait une maladie.
C’est tout ce quej’ai à dire à ce sujet. Cet argument n’était pas
pertinent alors et il ne l’est pas plus aujourd’hui. Ceux qui
honorent aujourd’hui la mémoire de M. Diefenbaker s’en
souviendront et peuvent lire quelques numéros des Bar
Reviews.
M. Maekasey: Monsieur Fairweather, dois-je en conclure
que vous êtes d’accord pour enchâsser les droits dans la
constitution?
M. Fairweather: ll y a peut-être un revenant.
M. Mackasey: La lumière a en effet baissé. Vous seriez
donc en faveur. . .
M. Fairweather: Évidemment que nous voulons qu’on
enchàsse les droits de la personne dans la constitution. Nous
faisons partie de la communauté mondiale et c’est un mouve-
ment universel. J’espère seulement qu’on va finir par agir.
M. Mackasey: Et finalement, vous pensez que ladite juris-
prudence du système britannique ne fonctionne pas . . .
M. Fairwenther: Mais il ne s’agit pas du système britanni-
que, monsieur Mackasey. cela fait plus d’une génération que
ce n’est plus le système britannique.
M. Mackasey: J’espère que M. Crombie vous écoute.
M. Fairwenther: Quiconque utilise le système britannique
comme modèle à cet égard n’utilise pas le bon argument.
M. Mackasey: J’ai continué à le répéter dans l’espoir que
M. Crombie m’entendrait.
M. Fairweather: Je n’ai aucune idée de ce que M. Crombie
va dire. Il aura le temps de m’interroger.
M. Mackasey: Monsieur Fairweather, suite à vos voyages et
aux observations que vous avez faites un peu partout au pays.
et sans préciser dans quelle province, croyez-vous qu’il y a
beaucoup de lois provinciales qu’on pourrait qualifier de
discriminatoires?
M. Fairweather: Monsieur le président, j’en ai déjà fait
beaucoup et de façon parfois choquante, mais notre loi nous
demande précisément de demeurer en contact étroit avec les
provinces et les commissions provinciales. Il est possible que
certaines commissions provinciales, ayant été constitutées il y a
longtemps, aient besoin de revoir leurs lois, mais les provinces
ont agi en premier. La Loi ontarienne sur les droits de la
personne a été adoptée il y a 18 ans déjà. Je ne suis pas ici
pour condamner les provinces sur la façon dont elles protègent
ou ne protègent pas les droits de leurs citoyens. Il y a de
nombreuses provinces qui ont devancé le Parlement national.
Je suis courageux, mais je ne suis pas fou.
M. Mackasey: En passant, j’ai le plus haut respect pour la
Commission des droits de la personne du Québec qui a déjà
adopté deux mesures législatives, que je connais bien, afin de
supprimer des clauses jugées discriminatoires et je suis certain
que cela s’est produit également dans d’autres provinces.
J’ai tout simplement poursuivi dans la même veine que M.
Robinson parce que je partage son inquiétude au sujet des
référendums qu’on pourrait utiliser, dans certaines circons-
tances, pour supprimer dans cet article la protection qui est
actuellement proposée.
Pour en revenir à mon sujet, je dirai qu’il est beaucoup plus
probable que l’inverse se produise. J’espère que le jour viendra
où le gouvernement fédéral utilisera ses prérogatives pour, si
nécessaire dans certaines circonstances, passer outre aux déci-
sions d’une assemblée provinciale et abroger une loi provinciale
de toute évidence discriminatoire et contraire aux intérêts des
Canadiens en général.
M. Fairweather: Je ne pense pas qu’il sera possible de
trouver une loi qui soit de toute évidence discriminatoire
lorsque le Parlement du Canada aura enchâssé une charte des
droits et des libertés de la personne. On pourra augmenter les
droits et les libertés; plusieurs provinces voudront aller plus
loin, je l’espère, mais il est évident que personne ne peut
donner moins que ce que vous leur donnerez, «leur» étant les
Canadiens.
M. Mackasey: De plus, monsieur Fairweather, il est difficile
de croire que le gouvernement fédéral, sans égard au parti, se
servirait du référendum pour revenir en arrière en modifiant
cet article de telle façon qu’il réduirait les droits des
particuliers.
M. Fairweather: Je ne peux pas du tout m’imaginer que cela
puisse se produire.
M. Mackasey: Merci monsieur le président.
[Texte]
Le coprésident (M. Joyal): Merci, Monsieur
Mackasey. . .
Je vais reconnaitre maintenant l’honorable David Crombie,
suivi de Monsieur Irwin Mr. Crombie.
[Traduction]
M. Crombie: Merci, monsieur le président.
Monsieur Fairweather, beaucoup d’entre nous avons le privi-
lège ce matin de partager vos opinions. J’avais une série de
questions à poser, mais je voudrais en poser une à la lumière de
vos commentaires concernant la liberté de circulation et d’éta-
blissement et de ce qu’a laissé entendre M. Mackasey, à savoir
qu’il est en quelque sorte opposé à une Charte des droits.
J’espère qu’il n’a pas dit cela.
M. Mackasey: Non. Je songeais, monsieur Crombie, à des
références au système britannique.
M. Crombie: Oui. J’ai toujours cru que le système britanni-
que n’excluait pas nécessairement une charte des droits et
j’espère que vous allez le confirmer.
Ma question a donc trait à la liberté de circulation et
d’établissement car je pense comme vous qu’un certain nombre
de Canadiens pensent avoir cette liberté. J’ai cru vous entendre
dire ou donner à entendre, monsieur, que la charte des droits
que nous étudions serait clairement un moyen de combattre
toute loi qui empêcherait la liberté de circulation et d’établis-
sement, et je voulais savoir si vous aviez eu l’occasion d’exami-
ner cet article. Avez-vous eu l’occasion de lire l’article 6(3) b)
intitule Restriction concernant la liberté de circulation et
d’établissement? ll est dit à l’alinéa b) au sujet de la liberté de
circulation:
b) Les droits sont subordonnés aux lois prévoyant de
justes conditions de résidence en vue de l’obtention des
services sociaux publics.
Je me soucie de cette abondance de programmes fédéraux
pour les provinces. Je me demande si à votre avis, cela a créé
des difficultés et empêcherait la liberté de circulation pour ce
qui est de programmes sociaux comme le régime d’assistance
publique du Canada par exemple?
M. Fairweather: Monsieur Crombie, je préférerais certaine-
ment que l’alinéa b) ne fasse pas partie de la loi. Je crois qu’il
est mesquin de faire intervenir la question de la résidence pour
décider de l’octroi d’une aide à ceux qui en ont besoin au
Canada et dans les provinces.
M. Crombie: Surtout en ce qui concerne les programmes
fédéraux?
M. Fairweather: ll s’agit de programmes à frais partagés, et
les autres formules, je sais que je me suis emporté, ce dont je
m’excuse, mais je ressens les choses très fortement concernant
la liberté de circulation des gens.
Au cours des 20 dernières années, des régions, des provinces
et des états des Etats-Unis, ont imposé des exigences de
résidence pour régir la prestation des services. A mon sens, ça
a été malheureux.
M. Crombie: Je comprends très bien cela.
M. Fairweather: Je suis certain que ma collègue Rita
Cadieux, qui fait carrière dans ce domaine, serait d’accord. Je
ne lui ai pas posé la question précisément.
M. Crombie: Je partage votre avis, monsieur. Je voulais
savoir si vous considérez ou non l’article 6 (3) b) comme étant
un obstacle à la libre circulation?
M. Fairweather: Oui. Je suppose que cela faisait partie du
marché . . .
M. Crombie: Et il faudrait que ça soit changé?
M. Fairweather: …qu’ils ont essayé de conclure pendant
l’été afin d’obtenir l’autorisation provinciale. Je ne le sais pas,
mais je suppose. Je ne crois pas que cet article ait été présenté
par le Canada.
M. Crombie: Croyez-vous qu’on devrait le changer?
M. Fairweather: ll faudrait certainement le changer à mon
avis.
M. Crombie: Merci monsieur. Ma deuxième question a trait
à l’article 1 qui, si j’ai bien compris vos remarques du début,
vous inquiète considérablement. J’ai oublié vos paroles, mais je
pense qu’a votre avis la charte des droits comporte de graves
défauts en rapport surtout avec l’article 1.
Je voudrais porter à votre attention quelque chose qui l’a
peut-être déjà été, il s’agit d’une lettre d’un avocat assez connu
qui défend les libertés civiles à Toronto. Il s’agit de Clayton
Ruby. M. Ruby est très préoccupé par cette partie de l’article
1 qui stipule que la Charte canadienne des droits et libertés
garantit les droits et libertés
sous les seules réserves normalement acceptées dans une
société libre et démocratique de régime parlementaire.
Cette restriction de l’application de la Charte des droits et
des libertés, M. Ruby la considère sérieusement comme pou-
vant rendre la charte «inutile» pour employer ses propres
paroles. Je me demande si vous avez la même opinion ou une
opinion semblable à celle de M. Ruby?
M. Fairweather: Je suis placé devant un dilemme, désireux
d’obtenir un enchàssement de la Charte des droits afin que ce
ne soit plus une préoccupation nationale, mais je n’irais pas
aussi loin que M. Clayton Ruby, qui est un allié de la
Commission canadienne des droits de la personne dans bien
des causes.
Pour revenir au discours Kennedy, nous ne voulons pas tout
risquer. . . je ne puis m’imaginer que lorsque le Comité finira
ses travaux et fera rapport au Parlement, cet article sera resté
inchangé. J’en serais absolument renversé. Vous avez ici une
assemblée de gens raisonnables qui voudront conseiller le
gouvernement du Canada sur le sérieux de la question.
Je ne vais pas écrire au Globe and Mail, mais j’ai quelque
chose que M. Ruby n’a pas, ma présence ici.
M. Crombie: Nous espérons pouvoir entendre M. Ruby dans
cette enceinte.
M. Fairwenther: Je ne veux pas croire que vous allez tout
rejeter. Je ne peux penser que le Parlement donnera son
imprimatur à ce projet de loi avec l’article 1 dans sa forme
actuelle.
M. Crombie: Il est donc évident que l’article 1 dans sa forme
actuelle, s’il n’est pas inutile comme l’a dit M. Ruby, comporte
de graves défauts, tfest-ce pas?
M. Fairweather: Oui, et je ne puis croire qu’en fin de
compte, le principe sera exprimé de cette façon.
M. Crombie: Je ne veux pas m’attarder davantage sur ce
point, mais croyez-vous que l’article l qui restreint la charte
influe directement sur l’article 25?
M. Fairweather: Il conditionne toute la charte. Voilà pour-
quoi nous sommes inquiets.
M. Crombie: Je puis très bien comprendre cela monsieur.
Monsieur le commissaire, l’article 25 traite des pouvoirs des
tribunaux. En voici le texte:
25. La présente charte rend inopérantes les dispositions
incompatibles de toute autre règle de droit.
C’est le tribunal qui a le pouvoir de dire: Écoutez, vous
enfreignez la Charte des droits. Ma question est la suivante:
l’article 25 est-il rendu inopérant par la restriction contenue
dans le premier article de la charte à votre avis?
M. Fairweather: ll l’est évidemment,
M. Crombie: Je vous remercie beaucoup.
M. Fairweather: Et je serais surpris qu’un rédacteur pré-
tende le contraire. Je ne suis peut-être pas un très bon
avocat . . .
M. Crombie: Je n’en suis pas un du tout.
M. Fairweather: Je ne suis pas très bon avocat mais je crois
que l’article l veut bien dire ce qu’il dit. Il vous appartient,
mesdames et messieurs, de ne pas faire rapport au Parlement
de ce projet de loi sans modifier l’article 1. Vous nous devez
bien quelque chose puisque nous essayons de vous servir.
M. Crombie: Merci. J’ai une dernière question très impor-
tante à poser à propos de l’article 15, celui qui traite des droits
à la non-discrimination.
Mon ami, M. Robinson, a dit qu’à son avis, il y avait une
grande préoccupation pour les handicapés physiques et men-
taux. ll vous a donc demande ce que vous aviez en dossier à
propos de cas de discrimination fondée sur un handicap physi-
que ou mental.
Vous recommandez aussi une autre modification qui a trait
à la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle. Pouvez-
vous faire part au Comité des mesures discriminatoires, dues à
l’orientation sexuelle, que l’on a signalées à votre commission
et dont celle-ci s’est chargée.
M. Fairweather: Le Comité sera certainement trés étonné
d’apprendre que la population a largement devancé les législa-
tions provinciales et fédérales en la matière. Nous avons écrit a
la plupart des employeurs importants qui se trouvent dans
notre domaine de juridiction pour leur faire savoir que l’orien-
tation sexuelle n’avait rien a voir avec la compétence d’une
personne. J’avoue avoir révéle mes préjugés puisque j’ai cru
que les politiques d’embauche de ces sociétés seraient moins
libérales qu’elles ne se sont avérées l’être.
M. Crombie: Si cela ne vous dérange pas, nous préférons
utiliser l’expression «ouverte».
M. Fairweather: Ouverte? Si vous préférez. Cela n’a aucune
importance. Nous traitons des droits à la non-discrimination; il
n’y a rien de politique là-dedans. Nous avons jumelé cette
étude à une autre, ce qui nous a permis de faire quelques
économies, et nous avons interrogé quelques milliers de gens.
La majorité d’entre eux ont dit que l’orientation sexuelle d’une
personne ne pouvait pas l’empêcher d’obtenir un emploi. J’ai
toujours été de cet avis et je me suis battu pour faire reconnai-
tre le principe quand j’étais député. Le Québec a déjà prévu ce
motif et toutes ses politiques sociales ne se sont pas écroulées.
M. Crombie: C’est la seule province?
M. Fairweather: Oui, la seule. Ce motif de discrimination
interdit a été ajouté en 1977.
M. Crombie: Merci beaucoup. Merci, monsieur le président.
[Texte]
Le coprésident (M. Joyal): Merci, Monsieur Crombie.
Notre prochain orateur est Monsieur Ron Irwin, suivi de
Monsieur Fraser.
[Traduction]
M. Irwin: Monsieur Fairweather, j’ai lu avec intérêt le
compte rendu de ce que vous avez dit en septembre 1978
devant le Comité mixte chargé d’étudier le Bill C-60. Je vous
dis tout de suite que je suis presque parfaitement d’accord avec
vous sur tout. Là où peut-étre nous nous entendrions moins, ce
serait sur la rapidité et la façon de faire tout ce que vous
souhaitez. Je tenais à faire cette précision tout de suite.
A l’époque, on vous a beaucoup critique. sur deux points
surtout que j’ai relevés. Le premier, c’est que le Bill C-60
n’était pas à la hauteur puisqu’il n’interdisait pas la discrimi-
nation et qu’il ne prévoyait pas non plus de recours pour les
victimes de discrimination. Ce projet de loi est-il mieux que
l’autre?
M. Fairweather: Monsieur Irwin, si l’on me demandait
d’énumérer toutes nos réalisations depuis notre entrée en fonc-
tion il y a trois ans, je commencerais par vous dire que tous les
organismes et ministères du Gouvernement du Canada pren-
nent la Commission au sérieux. J’ai toujours su que le Parle-
ment la prendrait au sérieux puisque j’ai moi-même été député
et que je sais que le Parlement s’est déclaré unanimement en
faveur du principe sous-tendant la Loi sur les droits de la
personne. Vous ne serez certainement pas étonné d’apprcndre
que ce n’est pas parce que le Parlement adopte un projet de loi
que tous les ministères lui emboitent le pas. ll nous a donc
fallu un certain temps avant que les ministères comprennent
que nous étions sérieux.
Prenez par exemple, entre autres, le ministère de l’Immigra-
tion. Nous avons avec lui une entente qui nous permet de faire
enquête sur toutes les allégations de discrimination. J’en pro-
fite d’ailleurs pour rendre hommage aux deux ministres, celui
de l’heure qui a accepté le protocole d’entente que M. Ronald
Atkey et moi-même avions rédigé. Le Parlement attendait de
nous que nous fassions enquête mais pas certaines gens au sein
de la CEI.
Je suis beaucoup plus optimiste à propos de ce qui se fait
maintenant que je l’étais lorsque je luttais avec les différents
ministères du gouvernement qui n’avaient pas encore compris
que nous prenions les choses au sérieux quand nous sommes
arrivés sur la scène, il y a quelques années.
En outre, les tribunaux ont fait plusieurs remarques à notre
égard.
M. Irwin: Avant d’en arriver à ma deuxième question,
permettez-moi d’aller dans le sens de vos questions.
En vertu de la loi, je crois que, dans les trois ans, il nous
faudra supprimer tous les articles discriminatoires de la Loi
sur les Indiens, de la Loi de l’lmpôt sur le revenu, de la Loi sur
l’emploi et les pensions, de la loi actuelle sur la non discrimina-
tion; au plan provincial, il s’agira cfétudier les lois sur les
pensions, les lois fiscales, les lois sur les assurances, peut-être
les lois sur le jour du Seigneur, et il faudra aussi se pencher
plus attentivement sur Pensemble des droits provinciaux sur les
droits de la personne.
Pensez-vous que maintenant, les gouvernements résisteront
ou, tout du moins, qu’ils résisteront autant qu’ils l’auraient
fait, en 1978, notamment au niveau des ministères?
M. Fairweather: Monsieur lrwin, je ne puis imaginer que les
ministères gouvernementaux résistent à cette évolution parce
que, dans sa sagesse, le Parlement a enchàssé une déclaration
des droits. La chose est très sérieuse, elle le serait pour le
Gouvernement du Canada, mais je suis assez satisfait d’une ou
deux déclarations qu’a faites le ministre de la Justice du
Canada, dont vous êtes d’ailleurs le secrétaire parlementaire,
et j’espère pouvoir les mettre à l’épreuve.
ll a déclaré que, dorénavant, le Gouvernement du Canada
était moralement lié par cela et j’ai l’intention de rappeler
Pengagement que le ministre de la Justice a pris dans son
discours de présentation de la résolution à bon nombre de ses
collègues.
Ces trois ans ne mïnquiètent donc pas parce que je fais
confiance à M. Chrétien quand il déclare au Parlement que le
Gouvernement du Canada est lié moralement par les principes
énoncés dans cette déclaration des droits et qu’il procédera à
des modifications à propos de ce qui va à l’encontre de la
charte en question.
[Texte]
Le coprésident (M. Joyal): Merci, monsieur Fairweather,
Vous entendez, évidemment, la cloche qui rappelle les
députés à la Chambre des communes.
Je crois comprendre que c’est le voeu de ce Comité de
poursuivre notre discussion, notre échange avec l’honorable
Fairweather lundi soir.
Est-ce que c’est le voeu des membres de ce Comité?
Des voix: Daccord.
Le coprésident (M. Joyal): D’accord.
Alors, nous poursuivrons donc, monsieur Fairweather, s’il
est possible que vous soyez présent avec nous lundi soir,
[Traduction] donc à 8 heures, à moins que quelqu’un veuille ne faire
une autre déclaration à ce propos.
[Texte]
A l’ordre, s’il vous plaît.
A l’ordre, s’il vous plaît. Le Comité n’a pas terminé ses
travaux.
[Traduction]
M. Fraser: Nous allons ajourner et plusieurs membres ont
encore leur nom sur la liste. Cette liste sera-belle reprise dans
le même ordre?
Le coprésident (M. Joyai): Absolument. Je l’ai ici.
M. Fraser: Je vous remercie beaucoup.
Le coprésident (M. Joyal): Avant 1e déput des séances, je
me renseigne toujours auprès des porte-parole de chaque parti
pour m’assurer que les membres dont le nom figure sur la liste
seront présents lors des séances suivantes, de sorte que je
maintiens leur nom sur la liste dans l’ordre dans lequel ils ont
été inscrits lors de la réunion.
M. Fraser: Je vous remercie beaucoup.
Le coprésident (M. Joyal): La parole est à M. Fairweather,
qui sera suivi par M. Epp.
M. Fairweather: Je m’en remets totalement à vous, mais je
dois vous signaler que. en mai dernier, j’ai pris un engagement
envers les citoyens de Arnprior, dans la Vallée de l’outaouais,
où va s’ouvrir un mois d’étude sur les questions relatives aux
droits de la personne. Je puis les appeler pour leur dire que. sur
votre ordre, je ne puis remplir cet engagement. Voulez-vous
que je le fasse?
Le sénateur Connolly sait certainement ce qu’un ordre de la
Vallée de l’Outaouais . . .
Le sénateur Connolly: C’est très sérieux.
M. Fairweather: J’ai l’intention d’accéder à vos demandes,
mais je prends ces engagements très au sérieux.
Le coprésident (M. Joyal): Agreed. Monsieur Epp,
M. Epp: Monsieur le président, plutôt que de m’arrêter à
certains points précis, ÿaimerais envisager cette question dans
un contexe général avec M. Fairweather, et j’espère que cet
aspect de la chose pourra être compris.
Le comité directeur prouve quelques difficultés en matière
de comparution des témoins, il nous faudrait une meilleure
coordination des périodes qui nous sont réservées, et j’espère
qu’on ne prendra pas cela comme une critique de M. Fair-
weather, ce n’est pas là mon intention.
Quoi qu’il en soit, M. Fairweather a donc des engagements
pour lundi soir et il lui sera donc virtuellement impossible de
comparaître.
Je recommanderais donc, si les autres membres du Comité
et si M. Fairweather est dkiccord, que, lundi soir, nous rece-
vions M. Yalden, et si le Comité désire que M. Fairweather
comparaisse à nouveau. le sous-contité pourra faire rapport au
Comité, nous ferons les arrangements nécessaires, s’il est
d’accord.
M. Fairweather: D’accord.
Le coprésident (M. Joyal): Avant de terminer sur cette
proposition de M. Epp, le sénateur Austin et Mlle Campbell
ont demande à prendre la parole.
Le sénateur Austin: Je voulais faire les mêmes remarques
que M. Epp.
Le coprésident (M. Joyal): Thank you, Senator Austin,
Miss Campbell.
Mlle Campbell: Comme vous l’avez dit à M. Fraser, je
voudrais que, lors de la prochaine séance, vous repreniez la
liste.
Le coprésident (M. Joyal): Je garde toujours très soigneuse-
ment la liste des noms. Par conséquent, notre témoin du lundi
soir, à 20h00, sera M. Yalden. Commissaire aux langues
officielles.
Des voix: D’accord.
APPENDICE «CCC-1»
MÉMOIRE DE
LA COMMISSION CANADIENNE
DES DROITS DE LA PERSONNE
PRÉSENTÉ AU
COMITÉ MIXTE SPÉCIAL CHARGÉ DE LA
CONSTITUTION CANADIENNE
NOVEMBRE 1980
LA CHARTE CANADIENNE DES DROITS ET
LIBERTÉS
Objet de document:
1.0 Exposer les principes généraux quappuie la Commission
canadienne des droits de la personne relativement à la
protection constitutionnelle des droits à la non-discrimina-
tion.
2.0 Faire des recommandations précises sur la formulation de
la protection prévue dans la Charte canadienne des droits
et libertés.
1.0 PRINCIPES GÉNÉRAUX
1.1 La Commission canadienne des droits de la personne
est en faveur de l’enchâssement d’une Charte des droits dans la
Constitution canadienne, et l’inclusion, dans cette Charte, de
droits à la non-discrimination.
1.2 La Charte des droits devrait assurer une protection au
moins aussi étendue que le Pacte international relatif aux
droits économiques, sociaux et culturels et le Pacte internatio-
nal relatif aux droits civils et politiques; elle devrait aussi, dans
la mesure du possible, suivre de près la teneur et l’esprit de ces
pactes. Ces instruments ont été ratifiés par le Canada 1976,
avec l’accord des gouvernements provinciaux.
1.2.1 A cet égard, il convient de noter que le Canada,
avec l’accord des provinces, a aussi ratifié le Protocole
facultatif du Pacte international relatif aux droits civils et
politiques, ainsi que la Convention internationale sur l’élimi-
nation de toutes les formes de discrimination raciale. En
outre, aux termes de l’article 41 du Pacte international
relatif aux droits civils et politiques, le Canada a fait une
déclaration permettant aux autres pays de signaler toute
omission de sa part à l’égard des obligations contractées en
vertu de ce pacte. De ce fait, notre pays a ainsi accru sa
responsabilité devant la collectivité mondiale.
1.2,2 Nous notons plus particulièrement qu’en vertu du
Pacte relatif aux droits civils et politiques, les droits à la
non-discrimination ne peuvent faire l’ob}et d’une dérogation
ni de limitations, même en temps de guerre.
1.2.3 Nous notons aussi que les deux pactes garantissent
Paccès égal des hommes et des femmes à la jouissance des
droits qui y sont énoncés.
1.3 Le Parlement devrait indiquer clairement fétendue de
la protection prévue, dest-à-dire préciser si elle s’applique a la
substance de la loi seulement, à l’administration de la loi ou
aux deux à la fois? La Commission canadienne des droits de la
personne estime que la protection prévue devrait s’appliquer
aux deux.
1.4 Les droits à la non-discrimination devraient offrir une
protection contre les distinctions législatives basées sur l’en-
semble des motifs de discrimination possibles.
1.4.1 La Commission préférerait que l’on proscrive la
discrimination én général, sans énumération de motifs, afin
d’offrir la plus large protection possible.
1.4.2 Sinon, la Charte des droits devrait offrir une pro-
tection générale avéc une listé dexemples, c’est-à-dire que
serait interdite la discrimination pour des motifs comme la
race, le sexe, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la
religion, l’âge, la situation de famille (marital status), les
handicaps physiques ou mentaux, les opinions politiques ou
l’orientation sexuelle.
1.4.3 Solution moins désirable mais acceptable, une des-
cription minimale de la protection prévue, à savoir la garan-
tie de non-discrimination pour les motifs suivants: race, sexe,
origine nationale ou ethnique, couleur, religion, âge, situa-
tion de famille (marital status), handicap physique ou
mental, opinions politiques ou orientation sexuelle.
1.4.4 Une liste de motifs qui ne comprendrait pas la
situation de famille (marital status), les handicaps physiques
ou mentaux, les opinions politiques ét l’orientation sexuelle
n’assurerait pas une protection adéquate.
1.5 Il faut reconnaître que, pour être significative, la pro-
tection offerte doit s’appliquer à dés formes de discrimination
prévues expressément dans la loi, tout en permettant certaines
distinctions législatives fondées sur les motifs proscrits, dans
l’intérêt du bien public. Paradoxalement, pour établir des
droits à la non-discrimination qui soient efficaces, il faut les
limiter.
1.5.1 Il faut toutefois formuler avec soin et précision les
limites des droits à la non-discrimination. Par exemple, les
limitations trop générales que renferme l’article 1 de la
version actuelle de la Charte des droits sont inacceptables.
1.5.2 L’article de la Charte des droits garantissant les
droits à la non-discrimination doit donc être supprimé de
l’article 1 de la Charte ou de toute autre clause de limita-
tions générales dans toute version révisée de la Charte.
Comme nous l’avons indiqué, l’article 4 du Pacte internatio-
nal relatif aux droits civils et politiques prévoit Hmposition
de certaines limites aux droits en temps d’urgence, mais
précise que ces mesures ne peuvent toucher la discrimina-
tion.
1.5.3 L’article 15 de la version actuelle de la Charte des
droits, ou toute autre disposition semblable d’une Charte
révisée, doit interdire toute distinction législative entre
divers groupes de personnes fondée sur des motifs proscrits
de discrimination, sauf les distinctions raisonnables et justi-
fiables relatives à quelque amélioration «bonu fide» sociale
ou économique de la condition de groupes déterminés de
personnes: par ex. âge—supplément de revenu garanti; sir
tuation de famille (marital status)—allocations familiales;
handicaps physiques ou mentaux—pensions d’invalidité.
1.5.4 Aucune distinction législative négative ne peut être
faite contre un groupe déterminé de personnes pour des
motifs proscrits de discrimination (par ex. race—incarcéra-
tion des Canadiens d’origine japonaise; sexe—alinéa 12(1)b)
de la Loi sur les Indiens), sous la seule räerve de limitations
raisonnablement justifiables, dont on peut démontrer qu’el-
les sont indispensables aux intérêts supérieurs de l’Etat. Le
Parlement doit bien préciser que cette limitation doit être
interprétée de façon extrêmement étroite et rigoureuse; que,
selon lui, ces limitations ne seront presque jamais «raisonna-
blement justifiables» ou «manifestement indispensables»
pour des motifs de race, de sexe ou de couleur; et que leur
emploi serait restreint à des distinctions législatives comme
Page de voter et d’autres aspects purement pratiques.
1.6 L’article 1 de la Charte des droits et libertés, dans sa
version actuelle, ouvre la porte à de nombreux prétextes pour
limiter les droits et libertés, rendant ainsi extrêmement fragiles
non seulement les droits à la non-discrimination, mais toute la
gamme de garanties de la Charte actuelle.
1.6.1 La teneur actuelle («sur les seules réserves norma-
lement acceptées dans une société libre et démocratique de
régime parlementaire») n’est pas une formulation qu’on
retrouve dans la jurisprudence de plus en plus importante en
matière de droits et libertés.
1.6.2 La Commission canadienne des droits de la per-
sonne considère que toute clause de limitation générale dans
la Charte devrait être conforme aux clauses acceptées dans
la Charte internationale des droits de l’homme (dest-à-dire
la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Pacte
international relatif aux droits économiques, civils et cultu-
rels, le Pacte international relatif aux droits sociaux et
politiques et son Protocole facultatif),
1.6.3 Les mots «généralement acceptés» nous préoccu-
pent tout particulièrement. La Commission estime que toute
limitation devrait être «justifiable», de sorte que le fardeau
de la preuve incomberait à ceux qui désirent limiter les
droits ou libertés et que toute limitation devrait être prévue
par la loi.
1.6.4 La Commission croit aussi que la mention «de
régime parlementaire» pourrait avoir pour effet de limiter le
pouvoir des tribunaux, dont le rôle est de faire respecter la
Charte, en invoquant le principe de la suprématie
parlementaire.
2.0 RECOMMANDATIONS
2.1 En ce qui a trait à la Garantie des droits et libertés, la
Commission canadienne des droits de la personne recommande
que l’Article 1 de la Charte des droits et libertés soit modifié
comme suit:
1. (1) La Charte canadienne des droits et libertés garantit
les droits et libertés qui y sont stipulés sous les seules
réserves législatives normalement justifiables dans une
société libre et démocratique.
(2) En vertu de la présente disposition, aucune limitation
ne peut être faite aux droits légaux ou aux droits à la
non-discrimination énoncés dans la présente Charte.
(3) Cette Charte garantit l’égalité des hommes et des
femmes relativement aux droits et libertés qui y sont
stipulés.
2.2 S’il advenait que le Parlement juge que les alinéas (2)
et (3) ci-dessus ne correspondent pas à ses intentions, la
Commission canadienne des droits de la personne recomman-
derait que la formulation actuelle de l’Article 1 de la Charte
soit modifiée comme suit:
1. La Charte canadienne des droits et libertés garantit les
droits et libertés qui y sont stipulés sous les seules réserves
législatives normalement justifiables dans une société libre
et démocratique.
2.3 En ce qui a trait aux droits à la non-discrimination, la
Commission canadienne des droits de la personne recommande
que l’Article 15 de la Charte des droits et libertés soit modifié
comme suit:
15. (1) Tous sont égaux devant la loi et ont droit à la
même protection, sans discrimination.
(2) Le présent article n’écarte pas la possibilité de distinc-
tions législatives dont le but serait Pamélioratlon «bona fide»
de la condition de certains groupes spécifiques de personnes.
(3) Le présent article n’écarte pas la possibilité de distinc-
tions législatives jugées indispensables aux intérêts supé-
rieurs de l’État.
2.4 S’il advenait que le Parlement juge nécessaire d’énu-
mérer les motifs proscrits de discrimination à l’Article 15 de la
Charte des droits et libertés, la Commission canadienne des
droits de la personne recommanderait que l’Article 15 soit
modifié comme suit:
15. (1) Tous sont égaux devant la loi et ont droit à la
même protection, sans discrimination fondée sur des motifs
comme la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la
religion, l’âge. le sexe, la situation de famille (marital
status), un handicap physique ou mental, les opinions politi-
ques ou l’orientation sexuelle.
(2) Le présent article n’écarte pas la possibilité de distinc-
tions législatives fondées sur des motifs proscrits de discrimi-
nation, dont le but serait l’amélioration «bona fide» de la
condition de certains groupes spécifiques de personnes.
(3) Le présent article n’écarte pas la possibilité de distinc-
tions législatives fondées sur des motifs proscrits de discrimi-
nation pour des raisons jugées indispensables aux intérêts
supérieurs de l’Etat.
TÉMOINS
De la Commission canadienne des droits de la personne:
M. Gordon Fairweather, président;
Mme Rita Cadieux, vice-président.