Procès-verbaux et témoignages du Comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes sur la Constitution du Canada, 32e parl, 1re sess, nº 6 (17 novembre 1980).
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Date: 1980-11-17
Par: Canada (Parlement)
Citation: Canada, Parlement, Procès-verbaux et témoignages du Comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes sur la Constitution du Canada, 32e parl, 1re sess, nº 6 (17 novembre 1980).
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SÉNAT
CHAMBRE DES COMMUNES
Fascicule n° 6
Le lundi 17 novembre 1980
Coprésidents:
Sénateur Harry Hays
Serge Joyal
Procès-verbaux et témoignages
du Comité mixte spécial
du Sénat et de
la Chambre des communes sur la
Constitution
du Canada
CONCERNANT:
Le document intitulé «Projet de résolution portant
adresse commune à Sa Majesté la Reine
concernant la Constitution du Canada», publié par
le gouvernement le 2 octobre 1980.
TÉMOIN:
(Voir à l’endos)
Première session de la
trente-deuxième législature, 1980
COMITÉ MIXTE SPÉCIAL DU SÉNAT
ET DE LA CHAMBRE DES COMMUNES
SUR LA CONSTITUTION DU CANADA
Coprésidents:
Sénateur Harry Hays
Serge Joyal, député
Représentant le Sénat:
Les sénateurs:
Asselin
Austin
Goldenberg
Lamontagne
Lapointe
Molgat
Petten
Roblin
Tremblay—(10)
Représentant la Chambre de communes:
Messieurs
Beatty
Bockstael
Campbell (Miss)
(South West Nova)
Corbin
Crombie
Epp
Fraser
Henderson
Irwin
Knowles
Lapierre
Mackasey
McGrath
Nystrom—(15)
(Quorum 12)
Les cogreffiers du Comité
Richard Prégent
Paul Bélisle
Conformément à l’article 65(4)(b) du Règlement de la Cham-
bre des communes:
Le lundi 17 novembre 1980:
M. Knowles remplace M. Robinson (Burnaby).
Conformément à un ordre du Sénat adopté le 5 novembre
1980:
Le sénateur Carl Goldenberg remplace le sénateur F.
McGrand;
Le sénateur Gildas Molgat remplace le sénateur Paul
Lucier;
Le sénateur Renaude Lapointe remplace le sénateur John J.
Connolly;
Le sénateur Martial Asselin remplace le sénateur Richard
Donahoe.
ORDRE DE RENVOI DU SÉNAT
Extrait des Procès-verbaux du Sénat du 13 novembre 1980:
«Avec la permission du Sénat.
L’honorable sénateur Frith propose, appuyé par l’hono-
rable sénateur McIlraith, C.P.,
Que le Sénat se joigne a la Chambre des communes en
approuvant la diffusion par radio et télévision des délibé-
rations du Comité mixte spécial sur la Constitution du
Canada selon les principes et méthodes, mutatis mutan-
dis, qui gouvernent la diffusion des délibérations de la
Chambre des communes. notamment le concept du «Han-
sard électronique», étant entendu que les délibérations des
sous-comités dudit Comité seront non pas télédiffusées
mais radiodiffusées, à l’exception de celles du sous-comité
de l’agenda qui ne seront pas diffusées; et
Qu’instruction dans ce sens soit donnée au Comité pour
qu’il prenne les mesures susmentionnées dès qu’il pourra
matériellement le faire sans déranger ses délibérations en
cours ou projetées;
Qu’instruction soit donnée au Comité pour que seul son
sous-comité de l’agenda puisse prendre les décisions relati-
ves à la mise en oeuvre du présent Ordre; et
Qu’un message soit transmis à la Chambre des commu-
nes pour l’en informer,
La motion, mise aux voix, est adoptée.»
Le greffier du Sénat
Robert Fortier
ORDRE DE RENVOI DE LA CHAMBRE DES
COMMUNES
Le jeudi 13 novembre 1980
IL EST ORDONNÉ,—Que vu la résolution adoptée par
cette Chambre le 25 janvier 1977, et subséquemment mise en
oeuvre, cette Chambre approuve la diffusion par radio et
télévision des délibérations du Comité mixte spécial sur la
Constitution selon les principes et méthodes, mutatis mutan-
dis, qui gouvernent la diffusion des délibérations de la Cham-
bre des communes, notamment le concept du «Hansard élec-
tronique», étant entendu que les délibérations des sous-comités
dudit Comité seront non pas télédiffusées mais radiodiffusées,
à l’exception de celles du sous-comité de l’agenda qui ne seront
pas diffusées; et
Que la Chambre donne instruction au Comité de prendre les
mesures sus-mentionnées dès qu’il pourra matériellement le
faire sans déranger ses délibérations en cours ou projetées; et
Que la Chambre donne instruction au Comité que seul son
sous-comité de l’agenda peut prendre les décisions relatives à
la mise en oeuvre du présent ordre; et
IL EST ORDONNÉ,—Qu’un message soit envoyé au Sénat
invitant Leurs Honneurs à se joindre à la Chambre aux fins
énumérées ci-dessus.
ATTESTÉ:
Le Greffier de la Chambre des communes
C. B. KOESTER
PROCÈS-VERBAL
LE LUNDI 17 NOVEMBRE 1980
(12)
[Traduction]
Le Comité mixte spécial sur la Constitution du Canada se
réunit aujourd’hui à 20 h 05 sous la présidence de M. Joyal
(coprésident).
Membres du Comité présents:
Représentant le Sénat: Les honorables sénateurs Asselin,
Austin, Goldenberg, Lamontagne, Lapointe, Petten, Roblin et
Tremblay.
Représentant la Chambre des communes: MM. Beatty.
Bockstael, Mlle Campbell (South West Nova), MM. Corbin,
Crombie, Epp, Fraser, Henderson, Irwin, Joyal, Lapierre,
Mackasey, McGrath et Nystrom.
Autre député présent: M. Malépart.
Aussi présents: Du Centre parlementaire: M. Peter Dobell,
directeur; du Service de recherches de Ia Bibliothèque du
Parlement: MM. Paul Martin et John McDonough, recher-
chistes.
Témoin: M. M. F. Yalden, commissaire aux langues
officielles.
Le président présente le Quatrième rapport du sous-comité
du programme et de la procédure suivant:
Votre Sous-comité s’est réunit aujourd’hui, lundi 17 novem-
bre 1980, et recommande au Comité le rapport suivant pré-
senté par MM. Austin, Epp et Nystrom:
1.—Que le Comité utilise les services de M. Peter
Dobell, directeur du Centre parlementaire dans le but de
a) coordonner le choix des témoins avec l’aide de MM.
Austin, Epp et Nystrom,
b) préparer les commentaires sur les réactions provin-
ciales à Yégard de la résolution, qu’elles soient ou non
exprimées dans les témoignages devant le Comité.
2.—Que le Comité utilise le Service de recherches de la
Bibliothèque du Parlement pour
a) résumer des mémoires écrits et rassembler des
témoignages verbaux et des mémoires écrits
b) préparer une analyse des témoignages verbaux et
écrits en fonction de leur incidence sur les différents
articles de la résolution.
3.—Que, sur demande, et sous réserve de l’approbation
des coprésidents. des frais raisonnables de déplacement et
de séjour soient versés aux témoins invités à comparaître
devant le Comité, jusqu’à concurrence de trois personnes
par délégation.
Sur motion de M. Mackasey, le Quatrième rapport du
Sous-comité du programme et de la procédure est adopté.
M. Yalden fait une déclaration et répond aux questions.
A 22 h 32, le Comité suspend ses travaux jusqu’à nouvelle
convocation du président.
Les cogreffiers du Comité
Richard Prégent
Paul Bélisle
TÉMOIGNAGES
(Enregistrement électronique)
Le lundi 17 novembre 1980
[Texte]
Le coprésident (M. Joyal):A l’ordre, s’il vous plaît.
Est-ce que je pourrais demander aux représentants de la
presse qui ont des équipements d’enregistrement de l’image ou
du son de bien vouloir quitter les lieux, s’il vous plaît, pour que
nous puissions poursuivre nos travaux.
Alors, mesdames, mesdemoiselles et messieurs et honorables
membres du Comité, il me fait plaisir de vous souhaiter la
bienvenue ce soir dans ce cadre un peu modifié de nos travaux.
Je voudrais en votre nom souhaiter la bienvenue à tous nos
auditrices et nos auditeurs et vous suggérer de bien vouloir
tout au cours de la poursuite de nos travaux conserver les
sièges qui vous sont assignés de manière à ce que les caméras
puissent vous identifier facilement.
Je voudrais également vous recommander de vous adresser à
la présidence pour obtenir la parole afin que les caméras
puissent suivre les mouvements du débat de ce Comité et ainsi
ne pas perdre les interventions que vous vous proposez de faire
au cours de ces débats.
Je voudrais également porter à votre attention le rapport que
le sous-comité à l’agenda a bien voulu nous transmettre,
Je voudrais vous en faire lecture, vous demander vos com-
mentaires et ensuite solliciter votre approbation,
(Voir procès-verbaux et témoignages)
[Traduction]
Le coprésident (M. Joyal): Y a-t-il des remarques ou des
questions au sujet du rapport du sous-comité?
[Texte]
Est-ce qu’il y a des questions ou commentaires au sujet du
rapport du sous-comité de l’agenda et des procédures?
S’il n’y a pas de questions, je crois donc que monsieur
Mackasey, vous proposez son adoption?
[Traduction]
M. Mackasey: Je propose que le rapport soit adopté.
La motion est adoptée.
[Texte]
Le coprésident (M. Joyal): Je voudrais poursuivre en vous
faisant part de notre ordre de travaux pour la journée de
demain ainsi que de la liste de témoins que nous aurons
l’accasion d’entendre.
Pour la session de mardi le 18 novembre 1980, nous débuter-
ions nos travaux à 8h 30 de l’avant-midi avec la Canadian
Civil Liberties Association . . .
Des voix: 9 h 30.
Le coprésident (M. Joyal): 9 h 30, avec the Canadian Civil
Liberties Association jusqu’à 1 1 h 30 où nous entendrions alors
Positive Action Committee jusqu’à midi. Nous ajournerions à
midi pour reprendre à 3 h 30 avec le Canadian Jewish Con-
gress jusqu’à 4 h 30 pour ensuite entendre the Federation of
Canadian Municipalitics jusqu’à 5 h 30 où nous ajourncrions
nos travaux et, enfin, nous les reprendrions à 8 h 00 du soir
pour entendre the Advisory Council on the Status of Women.
Mercredi après-midi a 3 h 30, nous entendrions les représen-
tants de la Canadian Chamber of Commerce et de 4h 30 à
5 h 30, les représentants des groupes des minorités du Québec
et des représentants de l’Association des Francophones de
l’Ontario qui présenteront un mémoire conjoint.
Vous constaterez, mesdames et messieurs, que notre horaire
des travaux a été légèrement modifié et ceci est dû, bien sûr, à
la retransmission de nos débats sur le même canal que celui
utilisé par la Chambre des communes.
Comme nous devons, bien sûr, respecter la préséance des
ondes qui sont présentement occupées par la Chambre des
communes, nous pouvons donc retransmettre nos débats, ou
nos débats peuvent être retransmis en direct lors des séances
du matin, c’est-à-dire de 9 h 30 à midi trente puisque, n’ayant
pas de session de la Chambre des communes, nous pouvons
occuper à ce moment les ondes.
Cependant de 3 h 30 à 6 h 00 les ondes étant occupées par
les bébats de la Chambre, il est suggéré que nous siégions de
3 h 3- 5 h 30, ce qui constitue un bloc de deux heures qui peut
être mis en ondes de 6 h 00 a 8 h00, donc pendant la période
d’ajournement de la Chambre.
Quant à nos sessions du soir qui se déroulent habituellement
de 8h00 à 10h00, elles pourraient être retransmises dès
l’ajournement des travaux de la Chambre, c’est-à-dire de
10 h 30 à minuit trente de façon à ce que tous les débats de
notre Comité puissent être retransmis la journée même qu’ils
se tiennent de façon à ce qu’il n’y ait pas de décalage dans nos
discussions par rapport aux événements qui se déroulent simul-
tanément à la Chambre des communes.
Ceci donc explique les raisons pour lesquelles notre agenda
de demain est légèrement modifié puisque demain matin.
comme vous le savez, les travaux de la Chambre débutent à
11 h 00 pour reprendre le temps qui avait été laissé de côté
pour l’ajournement du 10 novembre.
S’il n’y a pas de questions sur cet aspect particulier de
l’horaire de nos travaux, j’inviterais notre témoin de ce soir, le
Commissaire aux Langues officielles à qui je voudrais souhai-
ter la bienvenue . . .
Oui, monsieur Epp, l’honorable Jake Epp, sur un rappel au
Règlement.
Monsieur Epp.
[Traduction]
M. Epp: Monsieur le président, je constate qu’il est prévu
que nous entendions des témoins lundi après-midi. Vous vous
souviendrez sans doute que les membres du Comité s’étaient
entendus pour ne pas siéger le lundi après-midi afin d’avoir un
peu de temps pour préparer les séances de la semaine.
Nous nous rendons compte que 1e 24 novembre pose un
problème et que le témoin est déjà prévenu qu’il comparaîtra à
ce moment-là. Nous sommes donc prêts à accepter la séance
du 24 novembre dans la mesure où ce sera la dernière que l’on
tiendra le lundi aprèstmidi.
Par ailleurs. vous remarquerez d’après le calendrier qu’on a
réservé parfois une heure à peine à certains groupes importants
de portée nationale. Cela crée des difficultés, pas tellement
pour les groupes eux-mêmes mais pour les membres du Comité
car, avec un emploi du temps aussi serré, il est fort possible
que les exposés durent de 15 à 20 minutes, et avec un premier
tour réservant 15 minutes à chacun des partis, nous aurons
l’occasion de poser une seule question aux témoins sans avoir
la possibilité de revenir.
Nous sommes prêts à accepter le calendrier tel quel pour
l’instant, mais nous nous réservons le droit d’y réfléchir pour
qu’il y ait assez de temps a la fois pour que les témoins
présentent leur point de vue et pour que les membres du
Comité puissent poser toutes les questions nécessaires afin de
comprendre l’essentiel des exposés.
En outre, monsieur le président, je me dois de vous signaler
qu’on a proposé de ne réserver que de 30 à 45 minutes à
chaque groupe de témoins ce qui, pour mes collègues et moi,
est tout simplement inacceptable.
[Texte]
Le coprésident (M. Joyal): Merci, monsieur Epp.
Je reprendrai chacun des points que vous avez faits.
Le premier, en ce qui concerne la comparution de l’honor-
able premier ministre du Nouveau-Brunswick, je reçois d’em-
blée le point que vous avez fait; il avait déjà été convenu à nos
travaux antérieurement que le lundi après-midi il n’y aurait
pas de séance de ce Comité mais qu’exceptionnellement ce
Comité se mettait à la disposition des honorables premiers
ministres des provinces qui voulaient bien faire valoir leurs
points de vue devant ce Comité et que le Comité, dans la
mesure du possible, tenterait de les accommoder, c’est-à-dire
tenterait de conformer ses heures de séances avec la disponibi-
lité des honorables premiers ministres. Je reçois donc le
premier point que vous faites, à savoir que ee n’est qu’excep-
tionnellement que nous siégerons lundi le 24.
Quant au second point à l’effet qu’il n’y a qu’une heure de
réservée pour certains des témoins que nous entendrons
demain après-midi, je reçois également le point que vous faites
à l’effet que notre acceptation de cet agenda est à l’effet, pour
la période de demain et de mercredi, que le sous-comité à
l’agenda et aux procédures se réserve toujours le pouvoir de
reconsidérer nos heures de séances et de nous faire les sugges-
tions à propos.
Je suis tout à fait d’accord avec le point que vous avez
exprimé.
Quant au troisième à l’effet qu’il soit possible de limiter la
comparution de certains témoins à une période de trois-quarts
d’heure, nous n’avons pas encore de suggestions précises sur la
table mais je crois bien que votre point de vue a été exprimé et
que les honorables membres qui font partie du sousvcomité à
l’agenda en tiendront compte lorsqu’ils auront à proposer à ce
Comité-ci un horaire éventuel des sessions.
Alors, je vous remercie. S’il n’y a pas d’autres intervenants
au sujet de l’ordre de nos travaux, j’inviterais donc monsieur
Max Yalden. le Commissaire aux Langues officielles du
Canada.
[Traduction]
Au nom de tous les membres du Comité, je vous invite à
faire une déclaration préliminaire, après quoi des questions
vous seront posées.
Monsieur Yalden.
M. M. F. Yalden (commissaire aux langues officielles):
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du
Comité mixte, je vous remercie de me fournir l’occasion de
comparaître ce soir et de me joindre à vous pour ces discus-
sions très importantes. J’essaierai d’être bref et je me bornerai
aux articles de la Résolution qui concernent les droits
linguistiques.
Avec votre permission, je ferai en commençant une ou deux
observations d’ordre général.
Étant responsable devant le Parlement de l’application de la
loi sur les langues, je suis agréablement surpris des progrès
indéniables réalisés grâce aux mesures législatives portant sur
ce secteur des droits fondamentaux. D’aucuns contestent l’ap-
titude d’un Parlement ou d’une assemblée législative à,
dirait-on, légiférer en matière de moralité. Quoi qu’il en soit,
l’expérience canadienne depuis onze ans, depuis l’adoption de
la Loi sur les langues officielles, prouve qu’il est possible de
réaliser des progrès considérables grâce à Lute mesure législa-
tive. Tout imparfait que soit l’instrument dont nous disposons
actuellement, et mon bureau est le premier à en souligner les
imperfections, le Parlement peut être fier de cette loi et des
grandes réformes auxquelles elle a donné lieu.
Donc, pourquoi ne pas s’en remettre de nouveau au Parle-
ment ou encore aux onze assemblées législatives? Autrement
dit, pourquoi enchâsser les droits linguistiques dans la constitu-
tion privant ainsi le pouvoir législatifde toute chance d’amélio-
rer la situation? Aucun des membres du Comité n’ignore la
réponse. En effet, le dossier législatif n’est guère reluisant. Qui
autour de cette table peut vraiment affirmer que depuis la
Confédération, depuis près de 115 ans, le Parlement fédéral et
les assemblées législatives provinciales ont toujours scrupuleu-
sement adopté les mesures qui s’opposaient pour protéger les
minorités de langue officielle?
Ne nous laissons pas leurrer par les initiatives fédérales ou
encore les programmes provinciaux lancés depuis une dizaine
d’années, car très longtemps les minorités ont souffert de la
négligence, voire de la suppression de leurs droits acquis, à
l’origine de la situation précaire dans laquelle elles se trouvent
actuellement. Ce n’est pas que je cherche à rabaisser les efforts
que les gouvernements ont déployés récemment pour corriger
les erreurs commises dans le passé, mais on pourrait faire
encore plus en enchassant des garanties sans lesquelles les
minorités de langue officielle restent trop vulnérables aux
caprices politiques et administratifs.
En plus de ces considérations très pratiques qui militent en
faveur de l’enchâssement, je crois fermement qu’il y a des
raisons symboliques à la racine même de la nation canadienne.
Pour le meilleur ou pour le pire, la langue a toujours préoccupé
notre pays. Pour le pire, parce qu’elle a trop souvent été la
cause de profondes et douloureuses divisions. Pour le meilleur,
parce qu’elle s’est avérée à l’occasion une source féconde de
diversités qui fait l’envie des autres nations. C’est précisément
à cause de cette dimension symbolique, pivot de notre cohésion
nationale, hier, aujourd’hui et demain, que nous devons main-
tenir ce que le premier ministre Blakeney a appelé le pari de la
Confédération, en veillant à ce que les droits linguistiques
soient reconnus clairement et sans équivoque dans notre loi
constitutionnelle fondamentale.
Voila les principales raisons pour lesquelles je suis très en
faveur de cet enchâssement. Si je suis venu me prononcer sur
le fond du projet de résolution, ce n’est pas parce que je
désapprouve les principes fondamentaux qui sous-tendent les
propositions gouvernementales. Bien au contraire, je viens vous
demander d’en examiner la formulation le plus soigneusement
possible pour vous assurer que le texte est acceptable dans sa
forme actuelle.
[Texte]
Passons en revue les principales dispositions, tout d’abord les
articles 16 à 22 qui, comme vous le savez, traitent du statut de
l’anglais et du français comme langues officielles du Canada.
Dans la mesure où les dites dispositions confirment et
ratifiant certains principes fondamentaux de la loi sur les
Langues officielles, il va sans dire que je souscris aux articles
en question.
J’estime, toutefois, qu’ils comportent un certain nombre de
faiblesses aussi bien au niveau de la forme que du fond, et je
voudrais les examiner avec vous dans l’espoir que vous jugerez
opportun de recommander des modifications au moment de
faire rapport au Parlement.
La résolution dont vous êtes saisi est sans aucun doute le
résultat d’un compromis et à ce titre elle’ a autant de mérite
pour ce qu’elle contient que pour ce qu’elle omet de proposer.
En ce qui concerne le bilinguisme officiel au niveau provin-
cial, elle perpétue simplement le statu quo.
Les droits relatifs aux langues à utiliser devant les tribunaux
et dans les législatures du Québec et du Manitoba énoncés à
l’article 133 de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique et à
l’article 23 de la loi sur le Manitoba sont reconduits.
Mais qu’en est-il de l’Ontario et du Nouveau-Brunswick?
La résolution ne leur donne actuellement aucune protection
constitutionnelle à cet égard. Pourtant, plus de 90 pour cent
des Francophones hors Québec vivent dans ces provinces et
l’ensemble de leurs populations minoritaires se compare à la
population minoritaire de langue officielle du Québec.
Pourquoi alors perpétuer une inégalité aussi évidente? Si
l’ensemble de la résolution veut éviter de faire du Canada un
échiquier, pourquoi maintenir pareille inéquité?
Le Nouveau-Brunswick, rappelons-le, est prêt à accepter les
dispositions constitutionnelles relatives aux tribunaux et a la
législature conformément, d’ailleurs, aux principes fondamew
taux de sa propre loi sur les langues officielles. Cela laisse
l’Ontario de côté.
Surtout quand nous savons que ces dispositions n’impose-
raient aucun fardeau intolérable, pouvons-nous réellement
accepter que la province ayant la minorité francophone la plus
importante ne soit pas tenue par la Constitution de respecter le
français dans sa législature et devant les tribunaux? Comment
peut-on concevoir que des droits constitutionnels soient accor-
dés à une minorité de langue officielle et non pas à l’autre, à
une province mais non pas à sa voisine?
Une autre ommission grave à mon esprit en ce qui touche les
tribunaux, c’est la reconnaissance du droit à être jugé au
criminel dans la langue officielle de son choix.
L’article 19 enchâsse le droit d’employer les deux langues
devant les tribunaux établi par le Parlement tandis que l’arti-
cle 21 confirme le droit constitutionnel de les utiliser devant les
tribunaux du Québec et du Manitoba mais, bien plus, ça
devrait être un principe fondamental de justice au Canada que
toute personne inculpée dans une affaire criminelle ait le droit
de subir son procès dans la langue officielle de son choix.
Je sais, évidemment, que le Parlement a modifié le code
criminel en ce sens il y a environ deux ans et que ces
dispositions ont été appliquées par les provinces comme l’Onta-
rio et le Nouveau-Brunswick.
N’est-ce pas là une raison de plus de les inscrire clairement
dans la Constitution au moins pour les provinces qui ont des
minorités très importantes?
Sur un plan technique, je me permettrai de déplorer certaine
lacunes de l’article 20 qui, bien qu’inspiré de la loi sur les
Langues officielles, la modifie sans pour autant l’améliorer.
Il introduit, en effet, une certaine ambigüité qui, à mon sens,
ne peut qu’entraver la poursuite de notre objectif, celui d’offrir
le plus de services possibles dans les deux langues officielles.
La loi sur les Langues officielles donne au public le droit de
communiquer avec les institutions fédérales en français ou en
anglais et d’en recevoir les services dans les deux langues a)
dans a région de la capitale nationale; b) à tout bureau central
ou administration centrale partout au Canada; c) à chaque
bureau principal dans un district bilingue fédéral; d) dans
d’autres endroits où il y a une demande importante et, finale-
ment, e) partout au Canada et a l’étranger où le public
voyageur est concerné.
La résolution accorde au public les mêmes droits pour ce qui
est des services offerts par a) tout bureau principal ou central
et, b), tout autre bureau, et je cite: «situé dans une région du
Canada où il est reconnu, conformément aux modalités pré-
vues ou autorisées par le Parlement qu’une partie importante
de la population emploie la langue qu’il a choisie.» Fin de la
citation.
Je ne vais pas essayer de vous expliquer pourquoi on n’a pas
créé des districts bilingues en vertu de la loi sur les Langues
officielles. Contentons-nous de faire observer que quel soit
l’intérêt politique de ces districts, quels que soient les mérites
politiques de ces districts, négatifs ou positifs, leur absence là,
selon moi, empêcherait plutôt de favoriser la réalisation des
intentions du Parlement telles qu’elles sont réflétées dans la loi
et la formulation beaucoup plus imprécise du libellé proposé
dans la résolution n’est guère susceptible d’atnéliorer cette
situation.
[Traduction]
En ce qui concerne le domaine vital de l’enseignement, nous
pouvons, je crois, être réconfortés de voir que les Canadiens
des quatre coins du pays acceptent de plus en plus le principe
que les enfants de la langue minoritaire ont le droit d’être
instruits dans leur propre langue. Même quelques adversaires
de l’enchâssement sont apparemment disposés à faire une
exception quant au droit à l’instruction dans la langue de la
minorité. Il est donc naturel que tout document constitutionnel
reflète ce consensus.
La résolution en question le fait, bien sûr, et je me réjouis de
voir ce principe reconnu, bien que j’ai de sérieuses réserves au
sujet de l’article 23 sous sa forme actuelle. En effet, je déplore
dans sa formulation actuelle et le critère retenu de citoyenneté,
et celui du nombre suffisant. De plus, l’article 23 n’apporte pas
de garantie aux minorités quant au contrôle administratif de
leurs propres établissements d’enseignement.
On sait déjà que je suis pour la plus grande liberté possible
des parents en ce qui concerne le choix de la langue d’ensei-
gnement. Qui plus est, dans un monde idéal, on pourrait penser
que la plupart des intervenants seraient d’accord pour appuyer
cette liberté de choix. Mais, malheureusement, ce n’est pas le
cas. Et, comme nous le savons. au Canada . . . pas seulement
au Québec… la réalité de l’usage des langues dans la vie
quotidienne et la façon dont on perçoit la situation relative de
nos deux langues officielles sont tels qu’une liberté totale de
choix n’est probablement pas réalisable dans l’immédiat.
Ayant accepté ce point de vue, je crois que nous devons aussi
accepter que, moins nous restreindrons la liberté des parents
mieux ce sera. Le critère de la langue maternelle représente
déjà une limitation; on peut se demander s’il faut en établir un
autre pour la citoyenneté, qui priverait fimmigrant reçu d’une
importante liberté individuelle.
Mais, si nous pouvions un seul instant mettre de côté la
rhétorique et les demi-vérités statistiques, et nous demander
quel serait l’effet probable d’offrir aux citoyens et aux immi-
grants le choix de l’une ou l’autre des deux langues officielles
en matière d’éducation en se fondant uniquement sur la langue
maternelle; le résultat serait à mon avis beaucoup moins
alarmant que nous ne sommes portés à le croire. Je ne suis pas
du tout convaincu qu’un système d’enseignement dans la
langue de la minorité basé sur ce critère menace vraiment
l’avenir du français au Québec, ou qu’il pose de trop grande
difficulté d’application. Et, si tel est le cas, je me permets
d’avancer que l’exigence de la citoyenneté n’est ni nécessaire ni
souhaitable et ne peut que jeter le discrédit sur la notion de
droit fondamental, en tant que droit ou en tant que
fondamental.
Enfin, j’ajouterai que le critère de la citoyenneté, surtout si
on le considère conjointement avec les dispositions du paragra-
phe 2 sur la libre circulation, pourrait poser un certain nombre
de difficultés pratiques. Par exemple, il pourrait y avoir des
familles où un enfant n’aurait pas le droit de fréquenter l’école
de la langue minoritaire officielle parce que ses parents
n’étaient pas citoyens lorsqu’il a été en âge de fréquenter
l’école, alors qu’un frère ou une soeur plus jeune jouirait de ce
droit. ll pourrait aussi y avoir des familles d’immigrants allant
directement s’établir dans une province et dont les enfants
n’auraient pas accès à ces écoles, contrairement à leur parents
ou à leurs anciens voisins qui auraient pu le faire dans une
autre province. Ces préoccupations peuvent paraître mineures
et peu susceptibles de se produire fréquemment, mais je suis
d’avis qu’elles peuvent engendrer de graves problèmes humains
que le rédacteur de la constitution ferait bien de ne pas
négliger.
Quant à la disposition du nombre suffisant, j’ai été saisi non
seulement par l’insertion de cette disposition, mais surtout par
sa formulation. Les citoyens:
ont le droit de faire instruire leurs enfants, aux niveaux
primaire ou secondaire, dans la langue de la minorité dans
toute région de la province où le nombre des enfants de
ces citoyens justifie la mise sur pied, au moyen de fonds
publics, d’installations d’enseignement dans cette langue.
Comme je l’ai déjà dit, une constitution vise justement à
entériner, en termes généraux mais clairs, ces principes fonda-
mentaux et généralement applicables que nous considérons
comme très importants.
La disposition que je viens de lire ne me semble pas répon-
dreà ces critères à plusieurs égards, et je cite:
1. Elle entend clairement distinguer entre ceux qui
peuvent et ceux qui ne peuvent pas jouir de ce droit;
2. Plus on ajoute de mots pour être précis (par exemple,
«dans toute région de la province où. . .justifie la mise sur
pied, au moyen de fonds publics, d’installations d’ensei-
gncment dans cette langue»), plus on aura de problèmes
dînterprétation;
3. Elle laisse entendre que l’enseignement dans la
langue de la minorité peut parfois coûter plus cher que la
société ne peut ou ne veut payer.
Ma première objection est qu’elle limite ce qui est de toutc
évidence un droit personnel, et, deuxièmement, je n’aime pas
beaucoup les dispositions trop verbeuses. Cependant, c’est la
troisième objection qui touche au cœur de la question. Avec les
techniques modernes, avec notre expérience de l’enseignement
spécialisé, avec un peu dïngénuité et quelques ressources
administratives, dans combien de cas l’instruction dans la
langue de la minorité pourrait-elle coûter trop cher, même s’il
y avait très peu d’élèves?
Je ne sais pas si, en disant «dans toute région de la province
où . . . d’installations d’enseignement», on inclut le transport
par autobus, les cours à la télévision ou par correspondance, ou
si la région en question pourrait être aussi limitée qu’un
district scolaire ou aussi étendue qu’une province. Ce que je
veux dire en fait, c’est que s’il est possible de nos jours, comme
je le crois, de toujours interpréter ces stipulations d’une façon
généreuse, pourquoi faut-il alors les inclure dans une déclara-
tion générale? Pourquoi les inclure dans une constitution?
Si, d’autre part, on veut protéger l’État contre des demandes
excessives faites par des parents par ailleurs raisonnables, nous
devrions selon moi nous demander sérieusement si la constitu-
tion est bien l’outil approprié pour ce faire.
En conclusion. je ferai simplement observer que les droits
linguistiques sont semblables aux autres droits fondamentaux
en cc qu’ils limitent ou devraient limiter les pouvoirs d’un Etat
qui voudrait empiéter sur les libertés d’un individu. Il arrive
même souvent que ces autres droits fondamentaux ne signi-
fient pas grand-chose, à moins qu’on ne puisse vivre dans sa
propre langue.
En ce sens, évidemment, les droits linguistiques ont une
autre dimension également puisqu’ils créent les conditions
dans lesquelles les langues et les cultures qu’elles expriment
peuvent s’épanouir en toute dignité et sans craindre
l’assimilation.
Les dispositions linguistiques de la résolution dont nous
sommes saisis apporteront—elles ces conditions tout en proté-
geant les Canadiens, francophones et anglophones, de tout
empiétement par l’Etat? Je crois que la réponse est oui et non.
Je suis heureux de voir qu’on les a incluses, mais je voudrais
qu’elles soient meilleures. Je voudrais qu’elles soient plus
généreuses, plus ouvertes et qu’elles ne soient pas le produit
d’appréhensions sociales ou de considérations politiques.
C’est pourquoi je crois qu’on peut apporter des améliora-
tions importantes au texte actuel sans risquer d’infliger un
traumatisme indû a notre organisation politique, et je vous
incite donc à vous efforcer d’effectuer ces changements, au
cours des prochaines semaines et dans votre rapport au
Parlement.
Merci, monsieur le président.
[Texte]
Le coprésident (M. Joyal): Merci. monsieur Yalden pour
votre présentation qui stimulera certainement notre discussion.
Je voudrais d’abord reconnaître l’honorable Jake Epp, suivi
de monsieur Lorne Nystrom.
Monsieur Jake Epp, s’il vous plaît.
[Traduction]
M. Epp: Merci, monsieur le président. Monsieur Yalden, je
voudrais vous remercier d’être venu témoigner et de nous avoir
soumis un mémoire.
Dans mes premières questions, je me conccntrerai sur le
principe de l’enchâssement dans la constitution, et surtout de
l’enchâssement de la résolution dont le Comité est saisi.
Le 5 septembre, à l’émission Question Period de CTV, vous
avez dit, au sujet du droit à l’enseignement dans la langue de
la minorité, que vous ne voyiez pas comment le gouvernement
fédéral pourrait enchâsser un tel droit dans une constitution,
parce que les provinces ont, de l’avis de tous, la compétence
absolue et unique en la matière.
Dans votre mémoire, vous vous prononcez en faveur de
l’enchâssement des droits linguistiques dans la constitution.
Pourriez-vous nous expliquer pourquoi vous aviez adopté la
position que vous avez exprimée le 5 septembre et, si j’ai bien
compris, pourquoi vous vous inquiétiez alors de la possibilité
que les droits linguistiques soient enchâssés dans la constitu-
tion et, ainsi, imposés aux provinces? Deuxièmement, pourriez-
vous faire le lien entre votre position à l’époque et la résolution
dont le Comité est saisi en ce moment?
M. Yalden: Oui. Je crois avoir précisé le 5 septembre, et je
le répète aujourd’hui, que je ne suis pas un juriste, spécialiste
du droit constitutionnel ou autre. Je répondais alors à une
question au sujet des intentions du fédéral qui voulait entériner
les droits relatifs à l’enseigncment dans la constitution. J’ai dit
croire que le gouvernement fédéral aurait de la difficulté à le
faire, si jamais il y parvenait, pour les raisons que M. Epp
vient de donner.
Évidemment, je dois maintenant ajouter, sans vouloir me
faire passer pour un juriste constitutionnel, que ce n’est plus le
gouvernement fédéral qui est appelé à le faire, mais le parle-
ment de Westminster, et c’est là toute la différence si l’on
parle de ce qui peut être fait.
Pour en venir maintenant à ce qu’on voudrait voir faire,
comme de nombreux Canadiens, j’ai de sérieuses réserves au
sujet d’une action unilatérale dans ce genre de situation.
D’autre part, et je n’essaie pas ainsi d’éluder la question, je
vous parle avec toute la sincérité et l’honnêteté dont je suis
capable lorsque je vous dis que j’aimerais voir ces droits
linguistiques dans la constitution.
Je ne peux pas changer une situation que je n’ai pas créée.
Je ne peux pas dire que je préférerais que le gouvernement
n’enchâsse pas les droits linguistiques, parce que ce n’est pas
vrai. Je ne peux pas dire non plus que je suis satisfait de
l’aspect unilatéral de la résolution, parce que ce n’est pas vrai
non plus. Tout ce que je puis dire, c’est que je n’aime pas
beaucoup cette façon de procéder, mais que je voudrais que les
droits linguistiques soient enchâssés dans la constitution. Si
l’on devait me demander si, selon moi, ces droits seront
enchâssés dans un avenir prévisible avec le consentement
unanime ou quasi unanime des provinces, je devrais répondre
non.
Je n’ai pas donné une réponse bien tranchée à la question de
M. Epp, me contentant plutôt d’expliquer mon propre dilemme
face au projet constitutionnel, et je soupçonne fort qu’il y a de
nombreux Canadiens qui se sont battus pour les droits linguis-
tiques, qui ont pensé à les faire enchâsser dans la constitution
du Canada et qui, en voyant les projets actuels, ont pensé
comme moi.
M. Epp: Monsieur Yalden, je veux être certain de bien vous
comprendre. Le 5 septembre, vous vouliez surtout parler du
processus, c’est-à-dire que selon vous, le gouvernement fédéral
n’avait pas le droit d’enchâsser ces droits d’une façon unilaté-
rale, tandis que maintenant, si nous demandions à Westmins-
ter de le faire, il n’y aurait plus d’empêchement.
M. Yalden: Je répète que je ne suis pas un expert en la
matière. Toutefois, je crois qu’il y a une différence considéra-
ble entre ce que le Parlement du Canada et ce que le Parle-
ment de Westminster peuvent faire pour modifier notre consti-
tution, c’est-à-dire l’Acte de l’Amérique du Nord britannique.
Lorsque le journaliste m’a posé cette question le 5 septembre.
c’est-à-dire il y a plus de deux mois et je l’avais presque oublié,
il mïnterrogeait au sujet des démarches unilatérales qui pour-
raient être entreprises par le gouvernement fédéral et il
m’avait même précisé que le gouvernement avait obtenu des
avis juridiques selon lesquels il avait le pouvoir de le faire. Si je
me souviens bien, je lui avais répondu que je n’étais pas juriste.
trials que le gouvernement avait obtenu un avis juridique au
sujet du Sénat, avis qui avait été réfuté.
Je lui expliquais que moi, qui ne suis pas un expert, je voyais
ce que le gouvernement du Canada pouvait ou ne pouvait pas
faire. Si je comprends bien votre question, il s’agit maintenant
de ce que le Parlement de Westminstcr peut faire.
M. Epp: Monsieur Yalden, vous avez dit que vous préfère-
riez que nous n’agissions pas d’une façon unilatérale. Pouvez-
vous nous faire bénéficier de notre opinion quant aux répercus-
sions qu’une telle initiative aurait dans les provinces et sur la
possibilité d’y être instruit dans la langue de la minorité?
M. Yalden: S’il est une chose sur laquelle je veux insister,
c’est que quelle que soit l’humeur des provinces, fespère
qu’elles ne se vengeront pas sur la minorité, et cela ne répond
pas vraiment à votre question, monsieur Epp. Comme toutes
les provinces ont dit à Montréal au début de 1978, par la
bouche de leur premier ministre, qu’elles avaient l’intention de
s’assurer autant que possible que les minorités pourront être
instruites dans leur langue officielle, j’espère qu’elles tiendront
parole et qu’elles ne laisseront pas une rancune d’origine
constitutionnelle l’emporter sur une responsabilité et un devoir
très clair envers des communautés qui survivent dans des
conditions difficiles et dont l’existence même exige qu’on leur
offre la possibilité de recevoir un enseignement dans leur
propre langue.
J’espère donc que les provinces ne réagiront pas ainsi, mais
je pense qu’elles ne seront pas très contentes.
M. Epp: Depuis 1978, date a laquelle, selon vous, les
provinces ont pris position quant aux droits des minorités à
l’instruction dans leur propre langue, a-t-on pu constater des
progrès quelconques ou des résultats qu’on aurait pu atteindre
plus rapidement si cette résolution avait été entérinée par la
constitution dès 1978?
Le coprésident (M. Joyal): Monsieur Yalden?
M. Yalden: Si j’ai bien compris la question, on me demande
si les progrès vers un meilleur système d’enseignement dans la
langue de la minorité, auraient été plus rapides de 1978 à 1980
s’il y avait eu une disposition constitutionnelle. Je n’ai aucune
raison de croire qu’ils auraient été plus rapides. Depuis 10 ou
12 ans, je dirais depuis 1968, les provinces ont fait des efforts
qui, même s’ils sont loin d’être suffisants ou assez rapides, ne
nous en ont pas moins permis de changer unesituation où les
possibilités dînstruction dans la langue de la minorité étaient
très minces, sauf pour le Québec qui a toujours été exemplaire
dans ce domaine, à tel point qu’il est maintenant possible
d’ètre instruit dans la langue de la minorité d’un océan a
l’autre. La dernière province à offrir cette possibilité est la
Colombie-Britannique, qui l’a fait il y a quelques mois.
Je ne crois pas que ces progrès auraient été nécessairement
accélérés s’il y avait eu une exigence constitutionnelle comme
celle qui figure à l’article 23 de la résolution. Toutefois, là
n’est pas la question selon moi; la question est que l’article 23,
ou un article semblable, de préférence avec les changements
dont j’ai parlé plus tôt ce soir, stipule que l’instruction n’est
pas une chose qui dépend de la bonne volonté du gouverne-
ment, mais bien un droit.
La plupart des provinces offrent déjà cette possibilité dans le
cadre d’un règlement, et parfois dans le cadre d’une loi. ll
arrive souvent que cela découle d’unc décision administrative
prise par le ministère provincial de l’Education, ce qui n’est
pas selon moi une situation très stable, du moins est-ce ainsi
que je le verrais si j’étais membre de la minorité en question.
Je préférerais donc, comme je l’ai dit souvent, qu’il y ait une
loi claire précisant les droits des minorités et je serais encore
plus heureux si l’on avait une disposition constitutionnelle qui
empêcherait les 11 gouvernements d’y changer quoi que ce
soit, et c’est ce qui est selon moi le plus important.
Nous savons tous que cette question a donné lieu à des luttes
épiques et à des problèmes graves partout au pays. On se
rappellera quelques incidents qui ont eu lieu ici même, dans
cette province, où la minorité aurait peut-être été mieux
protégée par les tribunaux s’il y avait eu une disposition
constitutionnelle comme celle dont nous discutons maintenant.
C’est ce qui est important selon moi, et pas nécessairement la
rapidité avec laquelle les changements se produisent.
Le coprésident (M. Joyal): Monsieur Epp.
M. Epp: Monsieur Yalden, vous avez consacré une partie de
votre exposé à mettre en doute la sagesse de stipulations
comme «où le nombre justifie» et «la mise sur pied, au moyen
de fonds publics».
Je parlerai de la première expression pendant un moment. Il
s’agit de «si le nombre le justifie». Au cours des discussions au
Parlement, un certain nombre de députés qui appuyaient les
dispositions linguistiqes, ou plutôt le principe sous-jacent, ont
déclaré qu’il fallait que les ministères de feducation et les
conseils scolaires aient un critère quelconque qui leur permette
de juger si le nombre était suffisant. Autrement dit, ils vou-
laient bien qu’on offre l’enseignement dans la langue de la
minorité s’il y avait assez d’éléves, mais il fallait fixer un
chiffre.
J’admets que la résolution ne contient pas de chiffre.
Pourriez-vous me dire ce que vous voyez comme nombre
pouvant justifier l’instruction dans la langue de la minorité.
Comment une province ou un conseil scolaire pourraient-ils
appliquer votre proposition si l’on supprimait cette disposition,
et comment offriraient-ils ce service?
M. Yalden: J’essayais d’expliquer qu’il faudrait peut-être
avoir recours au transport par autobus sur de longues distances
ou aux cours par correspondance, ou quelque chose du genre.
Je crois qu’en général, lorsqu’il s’agit des autres minorités,
nous n’utilisons pas ce critère particulier de nombre.
Nous ne disons pas que nous allons offrir un enseignement
seulement s’il y a un nombre d’élèves suffisant. Dans notre
grand pays, nous avons des gens qui vivent dans des régions
fort isolées, très peu peuplées, et où la construction d’une école
comprenant piscine, gymnase et le reste, n’est pas possible.
Cependant, nous ne leur refusons pas le droit à l’instruction.
Au Québec, à ma connaissance, il n’y a pas de disposition
exigeant un nombre donné et il n’y en a jamais eue.
Je voulais dire que cette notion d’un chiffre quelconque pour
justifier l’enseignement dans l’autre languefiet je ne plaisante
pas—s’est insinuée dans le débat de telle sorte que maintenant,
chaque fois qu’on parle du droit à l’instruction dans la langue
de la minorité, on ajoute toujours «si le nombre d’enfants le
justifie» comme si la minorité. qu’il s’agisse de la minorité
anglophone au Québec ou de la minorité francophone dans les
provinces anglophones, était composé d’irresponsablcs qui
allaient exiger toutes sortes d’installations et d’arrangements
que la communauté et ses contribuables ne pourraient pas se
payer.
Je ne le crois pas, En conséquence, je ne crois pas qu’il soit
nécessaire d’inclure cette phrase qui représente selon moi une
attitude raneunière et mesquine envers les minorités.
En passant, j’ai été très heureux d’entendre le premier
ministre Hatfield dire a peu près la même chose lors de la
conférence constitutionnelle, en septembre. Le premier minis-
tre Hatfield connaît le problème aussi bien que quiconque le
connaîtra jamais au pays, et s’il devait y avoir une dépense
exagérée des fonds publics à cet égard, c’est lui qui devrait
affronter l’électorat. Je crois qu’il a raison de ne pas vouloir
qu’on conserve ce critère.
Je ne suis pas naïf ou irréaliste. Je crois vraiment qu’en
général, il n’y a pas de pareilles dispositions. Il y a un système
d’éducation pour la minorité au Québec depuis de très nom-
oreuses années sans disposition de ce genre. En conséquence,
nous n’avons pas besoin de l’inclure dans la constitution.
Le coprésident (M. Joyal): Monsieur Epp.
M. Epp: J’aimerais revenir là-dessus justement.
Jusqu’à maintenant, ce droit n’a jamais été inscrit dans la
constitution étant donné que les gouvernements des provinces,
les ministère de l’Education ou les conseils scolaires ont eu la
possibilité de prendre une décision en toute liberté. Si l’on
inscrit ce droit dans la constitution, la situation va changer, il
ne semble.
Je vous demande donc comment les conseils scolaires ou les
ministères de l’Education offriraient un tel service si l’on
supprimait cette disposition?
Vous dites que vous ne croyez pas qu’il y aurait des citoyens
assez irresponsables pour réclamer leurs droits à l’éducation
dans leur langue. J’accepte votre point de vue. Cependant, je
souligne que les conditions dans lesquelles cette éducation a été
offerte jusqu’à maintenant sont différentes de celles qui existe-
raient si cette résolution était effectivement incluse dans la
constitution.
M. Yalden: Je ne peux pas vous donner de pourcentage,
mais dans plus de 90 ou 95 p. 100 des cas, il n’y aurait pas de
changement. La plupart des régions concernées ont déjà les
installations nécessaires ct offrent déjà les services.
Je crois que nous parlons des cas exceptionnels où il y aurait
divergence d’opinions entre d’une part, la minorité et d’autre
part, un conseil scolaire.
Même aujourd’hui, il y a moyen de résoudre ces difficultés,
par exemple dans la province de l’Ontario. ll existe également
d’autres instances auprès desquelles la minorité peut faire
appel, et les différends en général sont résolus. Évidemment, il
est une ou deux exceptions où, malheureusement, la minorité a
été acculée au pied du mur. Mais elles sont très peu nombreu-
ses. En général. on résout les difficultés. Je suppose que ce sera
le cas à l’avenir. Je vous renvoie encore une fois au cas du
Québec où cela s’est toujours produit.
J’espère donc que ce sera la règle plutôt que l’exception et
qu’il n’y aura pas de foules nombreuses et menaçantes qui
réclameront des écoles dans la toundra.
Pour en revenir aux exceptions—et ici nous essayons de lire
l’avenir—s’il devait y avoir litige, les tribunaux auraient le
dernier mot. Ces tribunaux et ces juges essaieraient de voir
combien de gens sont en cause. et selon leur nombre, quelles
sont leurs demandes. Je ne crois pas qu’ils éxigeraient nécessai-
rement qu’on construise une école pour une toute petite mino-
rité. lls pourraient réclamer quelque chose. lls pourraient dire
«Peu importe comment vous le faites, mais faites quelque
chose». Ce pourrait être par le truchement de cours par
correspondance, de la télévision éducative, peu importe.
Même dans le contexte actuel, il doit bien y avoir une
instance à laquelle on peut s’adresser pour en appeler des
décisions du conseil local.
Je ne crois pas que la situation changerait beaucoup. Je n’ai
pas l’impression que nous soyons un peuple ehicanier, comme
nos voisins du Sud le sont parfois, que la minorité consacrerait
temps, effort et énergie à se battre devant les tribunaux. Je ne
crois pas que la situation changerait tellement.
[Texte]
Le coprésident (M. Joyal): Merci, monsieur Epp. La parole
est maintenant à monsieur Lorne Nystrom, suivi de monsieur
Ron Irwin.
Monsieur Nystrom.
M. Nystrom: Je voudrais débuter par remercier monsieur
Yalden pour être venu ici ce soir. Je voudrais aussi féliciter
monsieur Yalden pour son travail sur la Commission des
Langues officielles du Canada.
La dualité du Canada est très importante et nous avons
historiquement dans notre pays. deux langues: la langue
anglaise et la langue française et votre Commission a fait
beaucoup de travail sur l’égalité des langues et je suis d’accord
avec votre travail.
[Traduction]
Le coprésident (M. Joyal): Monsieur Nystrom, vous avez la
parole.
M. Nystrom: Je voudrais demander à M. Yalden s’il a ou
non étudié les articles 34 et 43 du projet de résolution. Je suis
impressionné par ce qu’il a dit concernant les conseils scolaires,
les droits linguistiques des minorités et les droits en général au
Canada.
Toutefois, les articles 34 et 43 pourraient poser certains
problèmes.
Permettez-moi de vous lire l’article 43:
43. Les dispositions de la Constitution du Canada applica-
bles à certaines provinces seulement peuvent être modifiées
par proclamation du gouverneur général sous le grand sceau
du Canada, autorisée par des résolutions du Sénat, de la
Chambre des communes et de l’Assemblée législative de
chaque province à laquelle la modification s’applique.
C’est ce que dit également l’article 34, qui s’applique jusqu’à
ce que nous ayons notre formule d’amendement.
Voici ce qui m’inquiète, prenons par exemple les droits des
francophones dans la province de l’Alberta, les droits des
francophones dans la province du Manitoba où, en vertu de
l’article 23 de la Loi du Manitoba, ils ont des droits semblables
aux droits des anglophones dans l’article 133. L’article 43 du
projet de résolution permettrait à l’Assemblée législative du
Manitoba d’adopter une résolution abolissant ces droits si la
Chambre des communes devait adopter une résolution sembla-
ble; autrement dit, la Chambre des communes, le Sénat et
l’Assemblée législative du Manitoba pourraient adopter une
résolution modifiant notre constitution et retranchant ces
droits. Nous n’aurions pas besoin de formuler damendement,
nous n’aurions pas non plus le droit de procéder par
référendum.
La même chose pourrait se produire au Québec. ou au
Manitoba, qui comprend une petite minorité francophones.
Les choses se feraient différemment au Québec. Pour des
raisons politiques, le gouvernement fédéral pourrait décider
qu’il n’est pas sage politiquement de procéder ainsi, en vertu de
l’article 133, alors que les anglophones obtiennent tous ces
droits: pour les mêmes raisons, l’Assemblée législative du
Québec pourrait adopter. en même temps que le Parlement,
une résolution retirant ces droits.
Avez-vous songé à ces deux articles, à savoir s’il devrait y
avoir ou non exception à l’application des articles 34 et 43? Le
ministre de la Justice nous a dit, il y a quelques jours, que ces
droits ne devaient pas être retirés. Croyez-vous que ce soit vrai
dans ce cas, qu’en pensez-vous? Avez-vous’ songé à la
question?
Le coprésident (M. Joyal): M. Yalden.
M. Yalden: Oui, monsieur le président.
Je crois comprendrewles avocats autour de la table pour-
ront me corriger si je me trompe—que l’article 50 prévoit que
la charte canadienne des droits et libertés peut être modifiée
seulement selon la procédure visée aux articles 41 ou 42; par
conséquent, elle ne peut l’être en vertu de l’article 43.
Qu’il y ait ou non contradiction ici, si on se sert de l’article
43, on en arrive à la conclusion que l’on peut modifier les
droits linguistiques fondamentales au Manitoba par le biais
d’une loi du Parlement fédéral ou bien d’une décision du
Parlement fédéral ou de l’Assemblée législative du Manitoba,
mais pour ce qui est de la cltartc canadienne des droits et des
libertés ou des droits fondamentaux, ce n’est pas possible.
J’avais cru que l’article 50(b) signifiait qu’il ne fallait pas du
tout toucher à la charte des droits, qui englobe les droits
linguistiques, sans adopter cette procédure complexe proposée
par le gouvernement fédéral aux articles 41 et 42. Je me
trompe peut-être.
M. Nystrom: L’article 50 stipule qu’on ne peut faire certai-
nes choses a moins de le faire par le biais de la formule
d’amendement, ainsi on ne peut modifier la Charte canadienne
des droits et libertés.
Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit, je songe plutôt à
l’article 133 et également à l’article 23 de la Loi du Manitoba,
qui dépasse le cadre de cette charte; par conséquent, l’article
43 de retirer les droits.
M. Yalden: J’ai l’impression qu’il nous faut en quelque sorte
lier les articles 23 et 133 aux droits linguistiques prévus dans la
présente résolution.
Autrement dit, il serait inconcevable que, finalement, l’arti-
cle’23 de la Loi du Manitoba ou l’article 133 de l’Acte de
l’Amérique du nord britannique soient des dispositions plus
faibles que celles prévues dans la Charte des droits sur le
même sujet, et que nous devions les modifier de différentes
façons pour qu’elles aient force de loi égale, Les avocats
constitutionnels auraient à intervenir, car en vertu de l’Acte de
I’Amérique du nord britannique on ne peut changer de disposi-
tions si facilement.
Je crains que M. Nystrom ne permette de toucher à l’article
133 et à l’article 23 par le biais de la formule d’amendement
de l’article 43, car cela ne fait pas partie de la nouvelle
constitution, ni de l’ancienne, qui, d’ailleurs, ne permettait des
modifications aux dispositions linguistiques qu’avec des critè-
res sévères.
De toute façon, à supposer que ces articles doivent être
modifiés et que l’objectif du Comité soit d’identifier les faibles-
ses de la résolution et de les retirer, si M. Nystrom a raison de
prétendre, monsieur le président, que la résolution crée deux
genres de droits linguistiques, un qui nous vient du passé,
l’article 23 de l’Acte de la Loi du Manitoba et l’article 133 de
l’Acte de l’Amérique du nord britannique, l’autre qui est créé
par cette nouvelle résolution et s’il cst vrai que l’un est plus
fort que l’autre, il faudrait que ce soit modifié immédiatement.
Toutefois, ce n’est pas là mon impression. Je suis certaine-
ment très impressionné par les questions de M. Nystrom et par
son raisonnement. J’espère que ceux qui ont de meilleures
compétences juridiques que les miennes prendront note de ces
observations pour garantir sans détour que les dispositions
concernant les lois linguistiques ne permettent pas d’échappa-
toire.
Je ne crois pas que ce serait le cas si les lois linguistiques
pour l’instruction de la langue de la minorité peuvent étre
modifiées d’un jour à l’autre par le Parlement du Canada et la
province intéressée. Cela ne fait pas partie de ce que nous
avons appelé le marché constitutionnel ni des efforts visant à
l’enchâssement des droits puisque ceux-ci seront enchâssés de
façon très superficielle.
M. Nystrom: Nous devons examiner de très près cette
formule d’amendement dans la constitution. Si j’ai bien com-
pris, le premier ministre Hatfield pourrait choisir de s’engager
pour les droits linguistiques, il pourrait le faire en vertu de
l’article 44 immédiatement, ou de l’article 43 dans deux ans.
Cela serait possible. Un de ses successeurs pourrait aussi sc
désengager. Le Comité devrait examiner cette situation. Pour
en revenir a notre sujet, vous avez mentionné, sans préciser
davantage. que vous vous inquiétiez de l’administration des
écoles. Vous avez parlé des conseils scolaires. Une chose m’a
toujours frappé comme injuste dans le présent arrangement au
pays. C’est le fait que les francophones à l’extérieur du Québec
n’aient pas le droit de former leur propre conseil scolaire. Je
songe en particulier, monsieur Yalden, à ce qui se passe dans
la capitale nationale. Bien que nous ayons des dizaines de
milliers de jeunes dans les écoles françaises de la capitale
nationale, leurs parents n’ont pas encore le droit de former leur
propre conseil scolaire. Je voulais vous demander ce que vous
en pensiez.
[Texte]
Est-ce que vous pensez, est-ce que vous croyez que le groupe
minoritaire de langue française doit avoir le droit de contrôler
la Commission scolaire, je pense en particulier à la situation ici
dans la Capitale nationale. d’après vous est-cc qu’il est très
important denchâsser cette loi dans notre Constitution?
Le coprésident (M. Joyal): Monsieur Yalden?
M. Yalden: Sur la question de la Capitale nationale, mon-
sieur le président, j’ai dit, je crois, à maintes reprises que je
suis entièrement de l’avis de ceux qui préconisent la création
d’un conseil scolaire dit homogène, c’est-à-dire un conseil
scolaire francophone qui couvrirait le territoire de la Capitale
nationale du côté de l’Ontario.
Je crois qu’il est bien difficile pour une minorité d’accepter
que leurs affaires soient gérées, que les décisions d’une impor-
tance ca itale our la minorité sont rises ar la majorité.
[Traduction]
ll n’y a pas de doute à ce sujet. Je note avec plaisir que le
document concernant le budget publié il y a quelque temps par
la province de Québec contenait une proposition à inclure dans
le document constitutionnel pour qu’une disposition donne aux
minorités le droit de gérer leurs propres établissements sco-
laires. C’est une bonne idée et il faudra l’inclure dans la
constitution.
Je suis heureux que M. Nystrom ait soulevé la question. En
vérité, j’espère qu’on reconnaîtra que j’avais moi-même soulevé
cette question. Si je devais soulever plusieurs questions avec les
détails et la fermeté que j’aimerais, je n’en finirais pas avec ma
déclaration.
M. Nystrom: Je voudrais vous poser une question concer-
nant l’article 133. Je suis heureux de vos remarques concer-
nant l’Ontario et le Nouveau-Brunswick et qui devraient être
liées par l’article 133, de la même façon que le Québec l’est, à
cause de l’aspect égalité de notre pays. Certaines personnes
prétendent, surtout en Ontario, que ce serait très difficile à
faire, très complexe, et que les conséquences seraient énormes.
Il m’est très difficile d’accepter cela.
Croyez-vous qu’il soit si difficile pour l’Ontario de se lier de
cette façon? Y a-t-il des ramifications importantes qui soient
pour nous un mystère? J’avoue avoir été mystifié par la
réaction de certains politiciens et d’autres personnes en
Ontario.
M. Yalden: Je suis certain, monsieur le président, qu’on me
dira demain de me méler de mes affaires, mais pour ce qui me
concerne, ma réponse et non. Cela ne causerait pas de dif-
ficulté insurmontable. Je ne dis pas que ce peut être fait sans
peine, ni sans avoir à se servir de son imagination, ni sans avoir
à travailler très fort pour y arriver. Toutefois, je ne vois pas
pourquoi, si ces dispositions peuvent être appliquées avec
succès dans d’autres provinces, elles ne pourraient pas l’être en
Ontario.
Si elles étaient acceptées en Ontario, je ne sais pas s’il
faudrait ou non un engagement progressif, mais cela pourrait
se faire sans gros problèmes, a mon avis.
Je ne vois pas quelle difficulté cela pourrait poser pour
l’Assemblée législative. Même si l’Ontario devait installer un
système d’interprétation simultanée à Queen’s Park, ce qui
n’est pas prévu dans la résolution, même ainsi, ce serait
coûteux, mais pas difficile.
La traduction des procès-verbaux de l’Assemblée législative
et des comités de l’Assemblée, par exemple, ne pose pas de
problème. Il faudrait dépenser un peu d’argent, on n’a rien
sans argent ces années-ci, Je vous souligne que cette accepta-
tion serait symbolique et vraiment importante dans une prov-
ince où se trouve la plus grosse minorité francophone. une
province voisine du Québec où on doit traduire les comptes
rendus et les journaux de l’Assemblée nationale dans les deux
langues. ll est donc important que cela se fasse également en
Ontario. Si c’est important, il vaut la peine de dépenser pour le
faire.
Je pourrais faire les mêmes remarques concernant les tribu-
naux. On a tendance à utiliser dans ce domaine des expressions
comme bilinguisme officiel ou bilinguisme institutionnel,
expressions qui sont censées évoquer des choses vraiment
néfastes. Le mot institution évoque des choses désagréables,
c’est un endroit où l’on place quelqu’un pour s’en débarrasser
pendant quelque temps; par conséquent le bilinguisme institu-
tionnel est un expression qui a pris un sens péjoratif.
Mais de quoi parlons-nous en réalité? De l’utilisation des
deux langues à l’Assemblée législative, dans les procès-verbaux
et les journaux de cette Assemblée. Nous parlons de l’utilisa-
tion des deux langues dans les tribunaux, chose que la plupart
des Canadiens, à mon avis, pourraient considérer comme d’une
importance capitale, surtout pour les tribunaux. Le gouverne-
ment de l’Ontario s’est déjà engagé à appliquer le Code
criminel révisé.
ll ne s’agit pas de toute une série de nouvelles idées qui n’ont
jamais été examinées et qui pourraient secouer les fondations
mêmes de la province. Je ne le crois pas. Par conséquent, je
suis d’avis que l’Ontario devrait être lié.
[Texte]
Le coprésident (M. Joyal): Merci, monsieur Nystrom.
M. Nystrom: Est-ce que j’ai le temps de poser une autre
question?
Le coprésident (M. Joyal): Je regrette votre temps est déjà
épuisé.
[Tradictopm]
Je donne maintenant la parole à M. Irwin, il sera suivi du
sénateur Tremblay. Monsieur Irwin.
M. Irwin: Monsieur Yalden, je suis découragé par bon
nombre de choses que vous avez dites.
Pour faire suite a MA Epp, les premiers ministres avaient
convenu en 1978 que:
Chaque enfant de minorité francophone ou anglophones a
droit à l’enseignement dans sa langue a l’école primaire et
secondaire de chaque province, quand le nombre le
permet.
lls ont même fait une distinction entre provinces. Le groupe
d’étude sur l’unité canadienne a discuté de l’enchâssement
dans la Constitution, l’Association du barreau canadien dans
son étude de 1978 a opté pour le libre choix; à mon avis, ce
sont des pas dans la bonne voie.
Étant donné ce qui s’est produit depuis 1978, êtes-vous
toujours d’avis qu’il n’y a pas eu de changement important?
M. Yalden: Monsieur le président, je n’ai peut-être pas été
très clair. Je croyais avoir dit a M. Epp, qu’au contraire il y
avait eu un changement considérable depuis 1968, surtout
depuis 1978, et que, par conséquent, le point crucial n’était pas
de savoir si les provinces avaient procédé aussi rapidement
qu’elles l’auraient fait s’il y avait eu une garantie constitution-
nelle, mais plutôt que cette garantie constitutionnelle donne
justement à la minorité une force, une assurance qui n’existe
pas sans garantie constitutionnelle.
fapprouve ce qu’a dit l’Association du barreau sur le sujet
et il est vrai également que le groupe d’étude Pepin-Robarts a
discuté de la question de façon plus permissive peut-être que je
l’aurais voulu personnellement.
ll est vrai aussi que le livre beige de Ryan en a parlé. Il est
vrai que les premiers ministres des provinces ont présenté a
Montréal, en 1978. cette résolution dont vous parlez. Ce sont
là des signes extrêmement encourageants, Je dis dans mon
texte qu’il y a vraiment consensus sur cette question au pays.
J’ai été très heureux de constater, un peu plus tôt cette année,
au cours de l’été si je me souviens bien ou peut-être au début
de l’automne, que, selon un sondage Gallup un pourcentage
fort élevé—dans les 80 p. 100—de Canadiens considérait juste
et équitable que les minorités aient droit à l’enseignement dans
leur propre langue et que ce droit existe d’un bout à l’autre du
pays.
Tout cela est cncourttgeant et l’article 23, en dépit de ce que
j’ai dit sur le caractère unilatéral plus tôt, cst une bonne idée.
A mon avis, le texte devrait être plus libéral. Je ne crois pas
qu’il faille donner ce droit seulement aux citoyens jc le répète,
ni qu’il soit nécessaire et souhaitable de le lien à un nombre
suffisant.
M. Irwin: Vous nous demandez d’aller plus loin concernant
le libre choix de ceux qui ne sont pas citoyens, croyez-vous que
nous ne le faisons pas—je ne sais pas comment le dire sans être
d’accord avec l’opposition—mais nos revendications sont légiti-
mes, monsieur Yalden. Nous avons 10 premiers ministres
provinciaux et un État fédéral, et je suppose qu’on ne devient
pas premier ministre d’une province sans porter un intérêt
sincère à son pays de même qu’à sa province.
Ne vaudrait-il pas mieux conserver l’article 23 tel qu’il est et
laisser les futures conférences des premiers ministres ou les
provinces elle-mêmes décider de ce que vous suggérez. Ce
pourrait être fait également par référendum un jour, une fois
les discussions nécessaires terminées.
M. Yalden: Si j’ai bien compris, le gouvernement est d’avis
qu’il n’aura pas l’occasion vraisemblablement de tout refaire
ceci de nouveau, pas pour un certain temps, et s’il devait tenter
de négocier avec les provinces maintenant, il n’obtiendrait pas
ce que nous trouvons au paragraphes (1) et (2) de l’article 23.
Je ne crois pas que ceci soit décidé très rapidement et il n’est
pas cligne de nous de le refuser aux immigrants, car nous ne
leur avons jamais refusé de droits fondamentaux ici au
Canada. Incidemment nous ne leur refusons aucun autre droit
fondamental dans cette charte des droits, sauf les droits lin-
guistiques et évidemment le droit de vote et le droit explicite
de pouvoir retourner dans leur pays, ce qui est très spécial.
Nous ne leur refusons pas les droits politiques, juridiques, et
autres, car les immigrants sont des gens comme tous les autres,
mais nous refusons à leurs enfants et à eux une garantie
constitutionnelle en matière d’éducation, droit fondamental de
l’individu. Ce n’est pas juste à mon avis et il faut faire quelque
chose maintenant, car je ne crois pas qu’il y ait de conférence
ou on pourra le faire rapidement au cours de la prochaine
année ou des deux ou trois suivantes. Je dirai la même chose,
toutes proportions gardées, en ce qui concerne l’exigence du
nombre et la question soulveé par M. Nystrom plutôt, à savoir
un certain contrôle administratif par les minorités sur leurs
écoles.
Le coprésident (M. Joyal): Monsieur Irwin?
M. Irwin: Vous vous êtes dit très inquiet surtout au sujet du
NouveauABrunswick et de l’Ontario, j’avoue être d’accord avec
vous. Je me suis rendu à Cheticamp et à la Baie des Chaleurs,
j’ai écouté les Acadiens. Je me suis également rendu à Kapus-
knsing et à St-Boniface ct, comme vous l’avez dit, celui qui ne
comprend pas que les francophones du Canada sont négligés et
opprimés. ne comprend pas vraiment le pays.
Voici comment je vois le problème. Le premier ministre du
Nouveau-Brunswick et le premier ministre de l’Ontario se sont
montrés, je crois, de très bons chefs de file et ils atteindront
l’objectif souhaité. Je prétends j’aimerais que vous me répon-
diez—que dans le contexte actual nous insistons trop pour
placer dans la constitution ce que vous suggérez.
M. Yalden: Monsieur le président, je n’ai pas à faire d’ob-
servations politiques, il y a suffisamment de politiciens autour
de la table pour se faire une idée des raisons pour lesquelles
l’Ontario n’est pas prévue à l’article 133, Je ne veux pas en
parler.
Je le répète, ce genre d’occasion ne se produit pas souvent.
Je ne crois pas que la constitution, si ce document devient
constitution, si ce projet de charte des droits est enchâssé dans
la constitution, sera discuté, modifié et raffiné tous les mois,
même tous les ans ou même une fois tous les 10 ans. Pour
reprendre le vieux cliché, pourquoi attendre à demain.
Vous qui êtes autour de cette table, députés et sénateurs,
vous étudiez une question qui est extrêmement sérieuse et
importante, celle de la constitution du Canada. Je prétends que
ce n’est pas une constitution satisfaisante si au centre du
Canada où se trouve la majeure partie des minorités, c’est-à-
dire au NouveawBrunswick, au Québec, en Ontario et au
Manitoba, nous avons deux provinces déjà régies par une
exigence constitutionnelle, une troisième, où le premier minis-
tre, M. Hatfield, sengage a des changements, tandis que la
quatrième qui comprend la plus grande minorité francophone
du Canada, déclare ne pas en avoir besoin. Je vous dis très
sérieusement, monsieur, qu’à mon avis c’est inacceptable et
qu’i1 faut maintenant que ce soit changé. Les membres du
Comité doivent maintenant assumer leurs responsabilités, faire
des recommandations, ne pas tout envoyer promener, mais
améliorer la résolution.
M. Irwin: Merci, monsieur le président.
[Texte]
Le coprésident (M. Joyal): Alors, l’honorable sénateur
Tremblay suivi de monsieur Jean Lapierre.
Monsieur Tremblay.
Le sénateur Tremblay: Merci, monsieur le président.
Monsieur le commissaire aux langues, je voudrais m’associer
a monsieur Nystrom pour vous féliciter du travail que vous
faites, mais comme le temps est limité, je nélaborerai pas
davantage sur les détails des vertus que vous avez comme
commissaire aux langues.
Une première question est d’ordre général et elle touche
l’article 1 de la Charte des droits.
Cet article se lit comme suit:
La Charte canadienne des droits et libertés garantit les
droits et libertés énoncés ci-après, sous les seules réserves
normalement acceptées dans une société libre et démo-
cratique d’origine parlementaire.
Je comprends que vos fonctions vous amènent à vous préoc-
cuper principalement, sinon exclusivement des droits linguis-
tiques.
Ma première question est la suivante: est-ce que les réserves
ici évoquées dans l’article 1, quels que soient par ailleurs les
droits linguistiques particuliers dont il sera question dans le
reste de la Charte? Est-ce que ces réserves évoquées par
l’article l peuvent vous gêner en tant que commissaire aux
langues, peuvent vous gêner, quels que soient comme je viens
de le souligner, les droits particuliers en matière linguistiques
qui seraient octroyés par ailleurs?
M. Yalden: Monsieur le président, je répondrai de façon très
générale que cette partie de la première section me gêne un
peu, non pas nécessairement en tant que commissaire aux
langues mais en tant que citoyen qui lit le texte, parce que je
ne le comprends pas très bien. Je le trouve tellement général, je
trouve que ça dit quelque chose, qui pour moi n’est pas une
exigence du Législatcur qui est là pour guider très clairement,
très explicitement les tribunaux, d’après moi.
Si tel est le cas, il me semble que la clause en question serait
beaucoup plus spécifique, beaucoup plus rigoureuse qu’elle ne
l’est.
J’ai suivi le débat ici, au Comité, j’ai dit déjà ce soir à
plusieurs reprises que je ne suis pas avocat, je ne suis pas donc
capable de me prononcer de façon vraiment catégorique sur la
question.
Je vous dis que moi ça me gêne pour des raisons d’ordre
général.
En ce qui concerne l’aspect linguistique, esbce que les droits
linguistiques énoncés dans les articles 16 à 23 seraient affectés
par ce bout de paragraphe? Je ne saurais pas vous donner une
réponse, précisément parce que je trouve ces mots:
sous les seules réserves normalement acceptées dans une
société libre et démocratique de régime parlementaire
tellement vague que je ne sais pas ce qu’elles veulent dire. Si je
savais, je répondrais.
Je dois dire que je ne vois rien de menaçant lei-dedans, mais
sauf que . . .
Le sénateur Tremblay: Sauf l’incertitude.
M. Yalden: Dans la mesure que l’incertitude menace, oui,
monsieur le sénateur.
Le sénateur Tremblay: Merci bien.
Je pense qu’il est important d’avoir posé cette question,
parce qu’elle commande un peu tout l’ensemble de la Charte.
Mais j’en viens à des choses plus spécifiques puisqu’il s’agit
de droits dans une constitution, j’imagine que par rapport aux
diverses catégories de droit en matière linguistique en particu-
lier, que l’on peut distinguer, il y a peut-être une hiérarchie à
établir.
Vous avez parlé dans votre mémoire de la langue des
tribunaux, de la langue des parlements, de la langue d’enseiv
gncment, vous avez même parlé, évoqué au passage la langue
des services publics.
J’aimerais savoir quelle sorte de hiérarchie vous établissez,
dans l’hypothèse où il faudrait faire des choix quant aux
caractères plus ou moins catégoriques de chacun de ces types
de droits.
Je vais poser ma question en fonction de ce qui me semble
une sorte d’évidence: En matière de langue des tribunaux et en
particulier des tribunaux qui entendent des causes au criminel,
j’imagine que du point de vue de l’individu qui risque sa tête
ou sa liberté, les demiwérités statistiques ne comptent pas,
auxquelles vous faites allusion d’ailleurs dans votre texte, sa
statistiqucâ lui. sa statistique a lui c’est sa tête ou sa liberté.
Est-ce que lorsque vous dites qu’il faudrait inscrire dans la
Constitution ce droit, à être vous dites, jugé, jugé ou entendu
dans sa propre langue, et que vous qualifiez ce droit en
fonction de l’importance de la minorité à laquelle il appartient,
cette qualification qui est à la page 3 du texte français,
quatrième paragraphe de votre mémoire, me semble ramener
le nombre qui le justifie, que vous contestiez tout a l’heure a
propos de la langue denseignement, et pourtant si je ne fais
pas erreur, il s’agit là d’un droit encore plus fondamental, le
droit de défendre dans sa langue, sa cause, lorsque sa liberté
ou sa tête est enjeu.
Est-ce que vous ne feriez pas de ce droit un absolu qui ne
tomberait ni sous les réserves de l’article l ni sous toute autre
réserve quelconque?
Le coprésident (M. Joyal): Monsieur Yalden.
M. Yalden: Moije dirais. oui, monsieur le président.
Quant à la hiérarchie, je préférerais pour répondre à la
première partie de la question du sénateur, je préférerais ne
pas à avoir à établir des hiérarchies des droits linguistiques.
Bien sûr devant un tribunal, quand il s’agit de sa liberté ou
de sa tête il n’y a rien de plus important.
Mais dans un autre sens, il n’y a rien de plus important pour
un peuple que lc droit à l’éducation.
Alors, je ne sais pas. Collectivement parlant, peut-être que
l’éducation est plus importante que la vie d’un individu, mais
dans une démocratie, d’un autre point de vue, il n’y a rien de
plus important que la vie individuelle. Alors, je n’ai pas de
réponse sur cette partie-là de la question.
Sur la question de savoir si ce droit devrait être énoncé de
façon inconditionnelle, je me rallierai à l’avis du sénateur sans
la moindre difficulté. Si je regarde mon texte a la page 3, nous
disons, ou je dis:
Mais bien plus, ça devrait être un principe fondamental
de justice au Canada que toute personne inculpée dans
une affaire criminelle ait le droit de subir son procès dans
la langue officielle de son choix.
je dis plus tard:
Évidemment, au moins pour les provinces qui ont des
minorités très importantes.
C’est vrai.
Mais je préférerais que ça soit un droit absolu et incondi-
tionnel. Pourquoi j’ai parlé des provinces qui ont des minorités
très importantes, c’est parce qu’évidemment je pense toujours
aux quatre provinces qui englobent la quasi-totalité de la
minorité.
Non pas, et je devrais dire ceci de la façon la plus catégori-
que possible, parce que je voudrais qu’il n’y ait pas le moindre
malentendu entre moi et mes amis de la minorité francophone
des provinces autres que ces quatre que je viens de mentionner,
il n’en est pas question, mais si jamais il fallait faire des choix,
s’il fallait insister dans le cas de certaines provinces et ne pas
insister de façon si forte dans le cas d’autres provinces, au
moins avec les quatre provinces du centre, on aurait couvert,
comme je le dis, la quasi-totalité de la minorité.
Mais ma réponse est claire. je préférerais ainsi que tout
autre droit linguistique d’ailleurs, que ces droits s’appliquent
d’un bout du pays à l’autre, qu’il n’y ait jamais question
seulement de donner raison a ceux qui sont les plus forts ou les
plus nombreux.
Le sénateur Tremblay: Dans cette perspective, monsieur
Yalden, iriez-vous jusqu’à dire qu’en matière de langue des
tribunaux, surtout dans les causes criminelles, le droit devrait
s’étendre non seulement aux francophones et anglophones,
mais aussi aux autochtones et à ceux dont la langue parlée,
effective, est une autre langue que les deux langues officielles?
Le coprésident (M. Joyal): Monsieur Yalden.
M. Yalden: Monsieur le président, pour parler d’abord des
langues autres que les langues officielles et les langues autoch-
tones, je trouve cela une question un peu difficile, nous vou-
lons, je crois, être le plus généreux possible.
Sûrement, il faut que toute personne parlant une langue qui
n’est pas comprise par la Cour ait accès, ou qui lui-même ne
comprend pas l’anglais ou le français, ait accès a un interprète.
Est-ce qu’on doit aller plus loin que ça? Est-ce qu’on peut
aller plus loin que ça dans le sens des procès entièrement dans
l’autre langue?
Je ne le crois pas.
Maintenant, les langues autochtones, c’est une autre affaire.
Les membres du Comité remarqueront peut-être que je n’ai
rien dit ce soir au sujet des langues autres que les langues
officielles, le français et l’anglais. . .
Le sénateur Tremblay: Ce quc je comprends très bien
d’ailleurs.
M. Yalden: Je crois que ça soulève des questions d’une
profonde importance, ça soulève des questions qui mettent en
jeu toute notre générosité humaine vis-à-vis ces peuples
autochtones et je serais fort tenté de mettre ces langues
autochtones dans le même panier que les langues officielles.
Je constate que c’est précisément ça qu’a fait le livre beige.
Je trouve qu’il y a beaucoup de mérite dans cette approche-la.
ce n’est pas à moi comme commissaire des langues officielles à
le recommander peut-être formellement, mais je trouve que
c’est une approche qui est valable.
Le sénateur Tremblay: Merci, monsieur Yalden.
Le coprésident (M. Joyal): J’inscrirai votre nom éventuelle-
ment monsieur Tremblay.
Je Reconnais maintenant monsieur Jean Lapierre., suivi de
l’honorable David Crombie.
Monsieur Lapierre.
M. Jean Lapierre: Monsieur Yalden, bien sûr je suis très
heureux de votre support aux grands principes de notre projet.
et particulièrement j’ai apprécié beaucoup votre exposé du
début où vous nous faites des suggestions constructives pour un
texte le plus libéral possible.
En premier lieu, en voyant vos notes, vous nous dites que
vous favorisez l’enchâssement, parce que le dossier législatif
n’est guère reluisant.
Est-ce que selon vous le fait denchâsser les droits dans la
Constitution. les droits linguistiques serait une source de
progrès réel pour la cause des minorités au Canada et par-
ticulièrement pour l’égalité linguistique au Canada dans les
institutions fédérales et tout le rapport—et on entend beau-
coup d’arguments qui disent que le «common law» ne permet
pas ce genre d’enchâssement, ce genre de codification des
droits aussi on entend que la suprématie du Parlement, et si je
me souviens bien on disait quand j’étais à l’université, que le
Parlement pouvait tout faire sauf changer un homme en
femme—et est-ce que vous ce dilemme ne vous embête pas, vu
que vous pouvez supporter le principe de l’enchâssement, est-ce
que vous avez réfléchi et pesé tous ces arguments?
Le coprésident (M. Joyal): Monsieur Yalden.
M. Yalden: Je crois, monsieur le président, que ce que
j’essaie de dire très, très brièvement, quand je dis que le dossier
législatif tfest guère reluisant, fessaie de donner une réponse à
cette question, que nous ne pouvons pas, d’après l’expérience
dans ce pays depuis 115 ans ou presque 115 ans, accepter la
doctrine de ceux qui préconisent la suprématie absolue des
parlements, des législatures.
Je ne connais personne du côté de la minorité qui arrive à
accepter cette idée. Ce n’est pas parce que je suis contre les
traditions parlementaires britanniques, au contraire, nous
avons beaucoup de raisons d’être fiers de ces traditions, mais
nous ne pouvons pas là où la minorité et la santé spirituelle,
intellectuelle de la minorité est en jeu, nous ne pouvons pas
accepter la simple parole de la majorité et de ses parlements.
C’est aussi simple que ça.
D’ailleurs, je crois que dans toute instance que je sache a
travers le monde. dans tous les pays où il y a une minorité, il y
a tendance à penser à des garanties constitutionnelles pour ces
minorités-la, même en Grande-Bretagne, quand même il y a
avec l’arrivée du Marché commun et avec les conventions des
Nations-Unies et avec dïtutresarrangements qu’acceptent les
britanniques, certaines limites qui s’imposent dorénavant sur le
pouvoir absolu du Parlement britannique.
M. Lapierre: Pour poursuivre, vous avez discuté de l’article
133 en prétendant que si on étendait les dispositions de 133 à
l’Ontario ou à d’autres provinces, que ça nîmposerait aucun
fardeau intolérable.
Je voudrais vous entendre, à l’époque où monsieur Nystrom
a discuté de la question, je lui avais souhaité mon grand intérêt
à ce que les dispositions de l’article 133 s’appliquent a travers
tout le pays, et tout à l’heure, vous avez fait référence à ça.
J’aimerais savoir si par l’étendue des droits des minorités et
des droits devant les tribunaux de l’article 133, est-ce que vous
favoriseriez, parce que dans votre discours ici vous vous limitez
à l’Ontario et au Nouveau-Brunswick, est-ce que votre désir
ardent serait beaucoup plus vers une étendue complète de ces
droits de l’article 133.
M. Yalden: Monsieur le président, ce que j’ai dit tout à
l’heure en réponse à une question et un commentaire du
sénateur Tremblay, je n’ai pas changé d’avis depuis: idéale-
ment ces exigences de la section 133 ou ceux que l’on retrouve
en ce moment dans les articles 17, 18, 19, par la de la
Résolution que nous examinons ce soir, évidemment je pré-
férerais de les voir applicables et appliquées à travers le pays.
Quand j’ai parlé des quatre provinces du centre, encore une
fois c’est parce que ça couvrirait la quasi-totalité de la minor-
ité. Mais bien sûr je préférerais que les 40,000 francophones
qui habitent la Colombie-Britannique auraient les mêmes
droits.
Je sais quand même que ce qui est le plus important pour
ces 40,000 personnes, plus important que le geste symbolique
de publier les journaux de la Législature de la province dans
les deux langues, le français et l’anglais et l’éducation et les
programmes sociaux, c’est un effort de la part du gouverne-
ment de la province et du gouvernement central de leur donner
les moyens de se renforcir, d’exister, de s’épanouir que de
s’assurer que les deux langues puissent être utilisées comme
langue officielle de la Législature.
Maintenant les tribunaux, c’est une autre affaire.
Bien sûr que ça serait important. Il faut quand même poser
la question aujourd’hui qui, je ne crois pas, se pose de la même
façon en Ontario, dans quelle mesure est-on capable en
Colombie-Britannique d’assurer les procès en français?
Dans quelle mesure y aurait-il des jurés, des juges, tout
l’apparat du Tribunal, le greffier, ainsi de suite, capables de
travailler en français?
Je ne crois pas que ça soit impossible à plus longue haleine,
mais il est douteux en ce moment, et donc quoique je sois
entièrement en faveur de ce principe, et pas seulement comme
un principe mais comme une réalité, j’hésite devant les faits
que nous connaissons en Colombie-Britannique ou en Alberta
ou à Terre-Neuve ou à l’lle du Prince-Édouard, ainsi de suite,
tandis que je disais c’est qu’au moins, au moins faisons-le où
c’est faisable, en Ontario et au Nouveau-Brunswick ainsi que
dans les deux provinces où il est déjà exigé par la Constitution
actuelle.
M. Lapierre: Pour poursuivre aussi, au niveau de l’article
20, vous avez émis de sérieuses réserves concernant la rédac-
tion et en particulier où on parle de districts bilingues, on sait
qu’en réalité des districts bilingues il n’y en a aucun. Est-ce
que vous aimeriez que toute la théorie des districts bilingues
partent de cet article-là comme amendement possible, est-ce
que vous aimeriez qu’on ignore tout ce qui s’appelle district
bilingue dans ce nouvel article ou si vous avez d’autres sugges-
tions plus générales? Est-ce que vous voulez qu’on ignore ce
phénomène-là?
M. Yalden: Monsieur le président, c’est peut-être le con-
traire. J’ai dit dans mes commentaires du début que l’absence
des districts bilingues a empêché plutôt que favorisé, la réalisa-
tion des intentions du Parlement.
Moi, je suis en faveur des districts bilingues. Ce que je dis
c’est pourquoi, avec une expérience maintenant de quelque
onze années de la loi des langues officielles, pourquoi créer
deux fois un Conseil consultatif bilingues et puis ignorer ses
recommandations?
Pourquoi après onze ans ne pas déclarer les districts
bilingues ct puis arriver ensuite avec un texte constitutionnel
qui comprend un langage qui n’est pas loin du langage de la loi
des langues officielles sur les districts bilingues, sauf que c’est
beaucoup plus vague.
Si on est en faveur d’une approche légèrement territoriale,
qu’on le dise honnêtement et ouvertement et qu’on accepte les
exigences de la loi des langues officielles, si on le voulait, on
pourrait même mettre ces mêmes clauses de la loi des langues
officielles dans la Constitution.
Je trouverais ça personnellement un peu détaillé pour une
Constitution, mais ça serait possible. Ce qui me laisse rêveur
ici, c’est qu’il y a une déclaration des situations où la minorité,
où l’individu aurait droit à des services du gouvernement en
anglais ou en français selon le cas, mais quand nous arrivons à
définir où l’individu aurait ce droit, c’est très vague, c’est en
fonction
…conformément aux modalités prévues ou autorisées
par le Parlement.
Ça, je trouve ça beaucoup plus vague, vague à un tel point
que j’aurais tendance à l’enlever.
Le coprésident (M. Joyal): Merci, monsieur Lapierre.
Je voudrais demander maintenant à l’honorable David
Crombie de bien vouloir prendre la parole, suivi de l’honorable
Bruce Mackasey.
Mr. Crombie.
[Traduction]
M. Crombie: Merci, monsieur le président. Monsieur le
commissaire, vous avez très clairement expliqué, dans votre
exposé aussi bien que dans vos réponses aux questions qu’on
vous a posées, que d’après vous les droits linguistiques des
minorités ne sauraient être bien protégés par des lois normales;
c’est pourquoi vous accueillez favorablement l’idée d’enchâsser
les droits linguistiques des minorités dans la constitution, afin
que ceux-ci puissent être protégés contre les vœux de la
majorité qui souhaiterait peut-être les supprimer.
J’aimerais, en réponse à vos remarques, vous demander
d’examiner les articles 50 et 42 du projet de résolution.
J’aimerais savoir si vous trouvez la protection qui y est fournie
satisfaisante.
Comme vous le savez, monsieur le commissaire, l’article 50
précise la façon dont il est possible de modifier la constitution
et, donc, les droits linguistiques des minorités. C’est a l’article
50(b) de la Charte canadienne des droits et libertés, On
précise la procédure de modification de la constitution dans les
articles 41 et 42. L’article 42 prévoit la modification de la
constitution par un référendum; cela signifie qu’une majorité
de canadiens peut modifier la constitution et, par conséquent,
les droits linguistiques des minorités.
J’aimerais savoir ce que vous en pensez. A votre avis, la
possibilité de modifier la constitution par un vote majoritaire
crée-t-elle un problème, puisque si l’on enchâsse ces droits
dans la constitution, c’est précisément et avant tout pour
protéger la minorité contre la majorité?
M. Yalden: Monsieur le président, je suppose—et je parle ici
à titre de simple citoyen—qu’il est possible de changer n’im-
porte quelle constitution, quelle qu’elle soit. Je ne connais pas
de texte constitutionnel dont toutes les clauses ou tous les
droits qui y sont énumérés soient immuables et ne puissent
jamais être changés, c’est-à-dire de constitution où aucune
procédure de modification ne soit prévue.
Je dois par conséquent répondre tout d’abord que j’accepte
la nécessité de prévoir une procédure de modification, même si
celle-ci doit s’appliquer à une question aussi fondamentale que
celle des droits linguistiques ou à d’autres droits fondamen-
taux.
La question est de savoir si la formule proposée dans ce
document est satisfaisante.
Je ne pense pas qu’il soit utile que je donne mon avis sur sa
valeur ou ses avantages de cette formule, connue sous le nom
de consensus de Vancouver, ou de toute autre formule élaborée
au fil des ans.
Mais je dirai, monsieur le président, contrairement à cc qu’a
dit M. Crombie il y a quelques instants, qu’il ne s’agit pas
simplement de permettre à une majorité de canadiens de
changer la constitution, en ce qui concerne les droits
linguistiques.
Cela demanderait, bien sûr, une résolution du Sénat et de la
Chambre des communes, ainsi que des résolutions des prov-
inces qui sont tenues dc voter des résolutions en vertu de
l’article 41: c’est-à-dire, l’Ontario et le Québec, et deux prov-
inces de l’Ouest, qui comptent 50 p. 100 de la population. ainsi
que deux provinces maritimes.
ll faut donc qu’il y ait une majorité représentant six prov-
inces. ainsi que l’accord du Sénat et de la Chambre des
communes.
Je pense, pour ma part, qu’il serait assez difficile d’obtenir
ce genre d’appui majoritaire sans un bon motif pour modifier
la constitution.
Mon seul espoir est que cela ne se produira que lorsque les
Canadiens. devenus plus généreux qu’à l’heure actuelle, vou-
dront modifier l’un ou l’autre des droits fondamentaux, y
compris les droits linguistiques, en y apportant des
améliorations.
ll ne me plaît pas de penser à ce que notre pays serait
devenu si les Canadiens optaient majoritairement pour une
quelconque mesure répressive. Je préférerais ne pas être là si
jamais cela se produisait un jour. Mais cela pourrait, bien sûr,
arriver. Nous sommes tous des êtres humains et nous pouvons
tous commettre des erreurs. mais j’ose espérer que cela ne se
produira jamais.
Je répondrai brièvement à votre question en disant simple-
ment que cette formule de modification. ou toute formule de
modification de ce genre (ce n’est pas à moi d’en juger), qui
exigerait plus qu’une simple majorité, constituerait une ‘assez
bonne protection contre tout éventuel abus.
M. Crombie: Merci.
J’aimerais porter à votre attention l’article 6 du texte qui
traite de la liberté de circulation.
L’alinéa (2)(b) de l’article 6 précise bien que tout citoyen
canadien et toute personne ayant le statut de résident perma-
nent au Canada a le droit de gagner sa vie dans toute province.
Si vous me permettez de citer un exemple, j’évoquerai
l’inquiétude éprouvée par les Québécois francophones devant
les difficultés auxquelles ils se trouvent confrontés lorsqu’ils
veulent se déplacer à l’intérieur du pays pour y gagner leur vie;
ils ont du mal à trouver du travail et à s’installer ailleurs que
dans leur province, tout en conservant leur culture, leur
langue, les possibilités d’éducation pour leurs enfants, etc.
J’aimerais savoir si vous pensez que les modalités prévues
dans ce projet de résolution en matière de liberté de circulation
et de droits linguistiques viennent améliorer la situation.
Sinon. quels autres changements proposeriez-vous?
M. Yalden: Je suppose que l’alinéa (2)(b) de l’article 6
pourrait s’avérer utile aux Canadiens de langue française qui
quittent le Québec pour aller s’installer dans l’une ou l’autre
des neuf provinces canadiennes, ou vice-versa. Cet article
permettrait par exemple à quelqu’un d’intenter un procès
concernant la protection des droits linguistiques, question dont
nous avons parlétout à l’heure.
S’il n’y avait pas, là où une personne s’est installée, des
établissements scolaires, elles pourraient dire qu’elle se trouve
ainsi empêchée de gagner sa vie dans cette province.
Comment peut-on prétendre gagner sa vie dans une province
où il est impossible d’éduquer ses enfants ou d’obtenir des
services gouvernementaux. et où il est impossible de vivre sa
vie dans la langue de son choix? J’aurais pensé que cela aurait
assuré des mesures de protection supplémentaire pour la mino-
rité. mais je n’en suis plus convaincu, En fait, je pense que les
avocats auront de quoi s’amuser si cette clause est déposée
devant le tribunal.
Je n’ai aucun changement à proposer pour ce qui est des
libertés de circulation de ce genre. J’ai cependant dit qu’en
accordant une liberté de circulation en fonction de la langue de
l’éducation, en vertu de l’article 23(2), et en ajoutant une
exigence de citoyenneté a l’article 23(1), cela pourrait donner
lieu à énormément de confusion, au niveau administratif,
humain et familial, puisque certaines personnes, passant par
d’autres provinces, se verraient accorder des droits que n’aurait
pas leur voisin ou leur parenté, qui serait allé directement dans
une autre province.
Mais je n’ai aucune objection contre la liberté de circula-
tion. Je pense qu’il est très bon de garantir à une personne qui
va s’installer dans une autre province que ses enfants pourront
poursuivre leurs études dans la langue dans laquelle ils les ont
commencées. C’est une disposition à la fois humaine et intelli-
gente. Ce que je n’aime pas, c’est tout simplement la façon
dont cela s’ajoute a l’article 23(1) et les conséquences que ces
dispositions pourront entraîner.
Je ne voudrais pas ennuyer le Comité en disant qu’il commet
à mon avis une iniquité en limitant ce droit aux citoyens. Les
droits fondamentaux de l’homme sont accordés aux êtres
humains, quelle que soit leur citoyenneté. Je pense que les
droits linguistiques, notamment, devraient être reconnus pour
toutes les personnes qui vivent au Canada.
Pour ce qui est de la liberté de circulation, je pense. . .
M. Crombie: Je voudrais être certain d’avoir bien compris
votre réponse.
Je ne cherchais pas à savoir si vous étiez pour ou contre la
liberté de circulation. J’ai supposé que vous étiez d’accord avec
ce principe.
Ce que je voulais savoir, c’est si vous pensiez que les droits
linguistiques, également contenus dans le texte de la resolu-
tion, suivraient la liberté de circulation. Je suppose que vous
êtes d’accord avec cela?
M. Yalden: Je pense que les tribunaux aimeraient voir les
choses sous cet angle. ll me semble que l’article 2 b), que vous
avez signalé au Comité tout à l’heure, pourra prendre toutes
sortes de sens quand les tribunaux en seront saisis. Je ne suis
franchement pas en mesure de dire quel effet il pourrait avoir
maintenant.
M. Crombie: Monsieur le président, j’aimerais comprendre
ce qu’a dit le Commissaire au sujet des deux catégories
d’immigrants définies à l’article 23.(1).
J’aimerais attirer votre attention sur l’article 21(2). C’est
peut-être moi qui l’interprète mal, mais j’aimerais savoir ce
que vous pensez des quatre ou cinq premières lignes:
(2) Le citoyen canadien qui change de résidence d’une
province à une autre a le droit de faire instruire ses
enfants, aux niveaux primaire et secondaire, dans la
langue, française ou anglaise, dans laquelle l’un de ses
enfants recevait son instruction
Et j’aimerais souligner les 7 mots suivants:
(2) dans la province de son ancienne résidence.
Si j’avais deux enfants d’âge scolaire avant d’avoir changé
de province, ma situation serait-elle différente de celle de mon
frère dont les enfants par exemple n’auraient pas encore
commencé l’école?
M. Yalden: Monsieur le président, suivant mon interpréta-
tion du texte, je pense que oui. Conformément au libellé de
l’article 23(2), les enfants qui allaient à l’école avant le
déménagement auraient le droit de poursuivre leurs études
dans la langue dans laquelle lls les avaient commencées, on
pourrait prendre l’exemple d’une famille qui déménagerait de
Toronto a Québec, ou l’inverse. Si par contre vos enfants
n’allaient pas encore à l’école, ils ne tomberaient pas dans la
catégorie précisée par l’article en question.
. . . faire instruire ses enfants dans la langue dans laquelle
l’un des enfants recevait son instruction . . .
ces enfants n’auraient donc pas les mêmes droits.
M. Crombie: Puis-je poser une autre question?
Monsieur le Commissaire, nous avons maintenant claire-
ment établi que la situation de mes enfants serait très diffé-
rente de celle des enfants de mon frère tout simplement à
cause de l’âge qu’avaient mes enfants lors du déménagement.
Compte tenu de l’intérêt que vous portez aux droits de la
personne, j’aimerais savoir à quel principe d’équité individuelle
ou à quel objectif de politique publique on obéit ici en créant
deux catégories de droits à l’instruction au sein d’une même
famille?
M. Yalden: Monsieur le président, la chose est très complexe
et, sans vouloir offenser le rédacteur du texte, le style et les
mots utilisés pour l’expliquer sont loin d’être clairs.
Cependant, suivant ma propre interprétation, cette personne
aurait ce droit, en tant que citoyen, une fois installée dans la
province, en vertu de l’article 23(1), qui se lit comme suit:
23. (l) Les citoyens canadiens dont la première langue
apprise et encore comprise est celle de la minorité franco-
phone ou anglophone de leur province de résidence ont le
droit de faire instruire leurs enfants, aux niveaux primaire et
secondaire, dans la langue de la minorité…
C’est pourquoi je pense qu’en allant vous installer dans une
autre province, vous auriez en fin de compte ce droit, en tant
que citoyen.
M. Crombie: L’article 22(2) dit que . . .
Le coprésident (M. Joynl): Merci beaucoup, monsieur
Crombie.
M. Crombie: Merci beaucoup, monsieur le président.
[Texte]
Le coprésident (Mr. Joyal): Merci, monsieur Crombie.
[Traduction]
M. Crombie: Merci beaucoup, monsieur le président.
[Texte]
Le coprésident (M. Joyal): Je vais reconnaître maintenant
l’honorable Bryce Mackasey suivi de l’honorable Perrin
Beatty.
Monsieur Mackasey.
[Traduction]
M. Mackasey: Merci, monsieur le président.
J’aimerais revenir à un point soulevé tout à l’heure par M.
Nystrom, concernant la possibilité d’utiliser l’article 43 pour
contrecarrer ou nier un droit à l’instruction dans la langue de
la minorité qui apparaît dans le texte de l’article 23.
Je pense que si vous lisiez attentivement l’article 43, vous
seriez soulagé de constater qu’il ne touche aucunement l’article
23. L’article 43 explique très clairement qu’on peut modifier
les dispositions de la Constitution du Canada applicables
à certaine provinces seulement
L’article 23, par contre, s’applique à toutes les provinces.
Cependant, si ce que je viens de vous dire vous réjouit
quelque peu, je vais maintenant vous décevoir en disant qu’il
serait possible d’utiliser l’article 43 pour annuler l’article l33.
M. Yalden: C’est ce qu’il a voulu dire, monsieur.
M. Nystrom: L’article 23 de la Loi sur le Manitoba est
identique à l’article 133 de l’Acte de l’Amérique du Nord
britannique.
M. Mackasey: Je regrette, excusez-moi.
Monsieur Yalden, je suis depuis longtemps déjà l’un de vos
plus fervents admirateurs et c’est pourquoi j’hésite 11n peu a
vous contester ce soir, Je pense que le rôle que vous jouez est
fort difficile et qu’il faut être très dévoué à la cause pour
prêcher au Canada en faveur des droits linguistiques des
minorités.
Pour résumer un peu ce que vous avez dit ce soir, ai-je
raison de dire que vous êtes en faveur de fenchâssement, non
pas parce qu’il n’y a pas eu de progrès, mais parce que vous ne
voulez pas voir ces progrès annulés par une quelconque loi
provinciale?
M. Yalden: Monsieur le président, je pense avoir dit que
fappuyais fenchâssement précisément parce que les garanties
que je voudrais qu’on donne à la majorité ne sont possibles que
s’il y a cnchâssement des dispositions dans la constitution. Je
suppose que si j’avais disposé de plus de temps, j’aurais pu
expliquer plus clairement que bien qu’il y ait eu des progrès, il
reste que ces derniers n’ont été réalisés que tout récemment et
sont à peine suffisants. Aussi, comme le sait M. Mackasey, qui
s’intéresse beaucoup à la question des droits de la personne, il
y a des endroits où aucun progrès n’a été réalisé pendant des
siècles et des siècles et où, au contraire, on a régressé; je pcnse
notamment à l’Ontario, au Nouveau-Brunswick et au Mani-
toba au 19ième et au début du 20ième siècles.
Je pense que nous ne pouvons pas nous contenter de dire ici
autour de cette table, au Parlement canadien, ou dans une
assemblée provinciale: ne vous inquiétez pas, faites-nous con-
fiance. On a essayé cela et cela a été une catastrophe. Cette
confiance était mal placée.
J’ai également dit que même si ces dernières décennies,
certains progrès réels ont été accomplis. nous avons toujours
besoin de la protection constitutionnelle pour nous assurer que
ces progrès ne vont pas disparaître du jour au lendemain.
M. Mackasey: Je pense, monsieur Yalden, que votre contri-
bution ici a été très intéressante car je crois qu’il y a trop de
gens qui ne sont pas convaincus de la nécessité d’enchâsser les
droits de la personne dans la Constitution. Aussi, je pcnse que
votre témoignage ainsi que celui de M. Fairweather, que l’on
peut certainement considérer comme étant non politiques à
cette étape de vos carrières, aideront beaucoup de gens, qui
suivent ces débats ou qui lisent des articles sur les progrès ou le
manque de progrès réalisés, à garder un esprit ouvert sur la
question de l’enchâssement de ces droits. Je pense que vos deux
témoignages feront beaucoup pour encourager les Canadiens à
se prononcer en faveur de fenchâssement. Je suis peut-être un
peu naif, mais je sens que la même chose se produit au sein
même du Comité, ce qui est une bonne chose, puisque nous
avons pour objet de traiter de ces questions de la façon la plus
objective qui soit.
Aussi, je partage les réserves que vous avez exprimées
concernant ce document; il est certain qu’il est loin d’être
parfait. J’aimerais, comme vous, que la liberté de choix figure
dans notre constitution; si nous avions cette liberté, nous
n’aurions pas besoin d’utiliser le langage plutôt tortueux dont
vous avez parlé pour expliquer la situation pour les minorités,
les immigrants etcetcra. Mais cela dit, et ayant passé un peu
de temps à l’Assemblée nationale à Québec, je dois vous dire
que je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites a la page 5
au sujet des demi-vérités statistiques. Je pense que vous vouliez
parler là de l’inquiétude du peuple québécois, et de l’Assem-
blée nationale du Québec qui craint que l’assimilation du
nouveau Canadien au Québec par la communauté anglophone
constitue une réelle menace envers la culture et la langue des
Québécois. Ai-je raison?
M. Yalden: Oui, monsieur, j’ai hésité un petit peu au sujet
de cette phrase et lorsque j’ai décidé de l’y laisser, je m’atten-
dais à ce que quelqu’un…
M. Mackasey: Je ne la soulève que pour éclaircir les choses,
parce que je partage parfois leurs opinions. Malgré certaines
mesures discriminatoires contenues dans les Bills 22 et 101, je
pense que le Québec a sans doute le plus beau dossier, parmi
toutes les provinces, sur le plan du traitement qu’elle accorde à
ses minorités. Et c’est pourquoi, monsieur Yalden, je peux
m’asseoir ici et endosser cette résolution, malgré ces imperfec-
tions, malgré le fait qu’elle soit moins que parfaite, malgré le
fait qu’elle ne corresponde pas du tout a ce que je revendiquais
d’un bout à l’autre du pays, dans les années 60, lorsque je
n’étais encore qu’un petit député d’arrière-ban. En fait, les
gens à qui on nie la liberté de choix au Québec constituent la
majorité, êtes-vous d’accord avec cela? Ce sont les Canadiens
francophones qui n’ont pas la liberté de choix au Québec, et
non les Canadiens anglophones, n’est-ce pas?
M. Yalden: Monsieur le président, comme le sait M. Macka-
sey, il existe en ce moment, au Québec, en vertu du Bill 101
différents groupes qui n’ont pas tous la liberté de choisir, l’un
d’entrc eux est bien sûr la majorité.
On m’a souvent dit, et je suis certain qu’on lui a soumis cette
explication à l’Assemblée nationale, que la majorité n’a pas
besoin de protection car si elle n’aime pas la façon dont sont
gérées les choses, elle n’a qu’à mettre le gouvernement à la
porte et le remplacer par un autre. Je trouve pour ma part que
cette approche est trop simpliste et j’ai déjà dit ce soir que je
me place ici dans un contexte idéal, puisque je crois en la
liberté de choisir; je suis convaincu que la plupart des gens qui
participent à ce débat y croient aussi. J’ai constaté que le
premier ministre a tout récemment fait des remarques à cet
effet dans son discours devant la Chambre de commerce à
Québec. Et nous avons tous entendu le premier ministre du
Québec, M. Lévesque, dire à plusieurs reprises qu’il est humi-
liant d’adopter des lois comme le Bill 101. C’est pourquoi je
pense que beaucoup de gens sont en faveur de la liberté de
choisir.
M. Mackasey: Peut-être que je suis en train de rationaliser
ma prise de position, mais je pense que lorsque le peuple
québécois est convaincu que les demivvérités statistiques ne
sont plus applicables, ou lorsque, au fur et à mesure que cette
science se perfectionne, il ne conçoit plus l’élargissement de
cette liberté de choisir a tous les citoyens du Quebec comme
étant une menace à l’endroit de leur langue et de leur culture,
cela signifie, et je me fonde sur mes nombreuses années
passées dans la province pour formuler cette assertion, que les
Canadiens francophones uccorderaient ce droit à la minorité,
en toute générosité et sans aucune réserve.
Le temps passe, et je sais que M. Beatty aimerait prendre la
parole, alors je vais conclure en disant que je partage la même
angoisse que vous. Je reconnais que ce document est loin d’être
parfait, mais je vous dis simplement, monsieur Yalden, qu’il
offre aux premiers ministres provinciaux la possibilité de se
rencontrer et d’essayer d’en arriver a un document parfait,
puisque cette fois-ci ils ne discuteront que de l’ensemble
minimal des droits, au-delà duquel ce bill ne peut pas faire
semblant d’aller. Nous aurions tort de vouloir créer l’impres-
sion que nous ne modifions pas unilatéralement la constitution;
nous sommes des adultes et nous savons ce que nous faisons.
La question est de savoir jusqu’où on peut aller lorsqu’on
modifie unilatéralement la constitution sans vraiment tenir
compte de l’avis des provinces.
De toute évidence, c’est parce qu’il n’y a pas d’autre façon
de remédier aux injustices mêmes auxquelles vous et M.
Fairweather avez fait allusion que nous le faisons. Mais cela
dit, est-il trop idéaliste de présumer que dans l’avenir, les l0
provinces, ayant a leur disposition une formule d’amendements
reflétant la bonne volonté de tous les membres de ce Comité,
pourraient très bien s’assoeir ensemble et créer une Charte des
droits telle que nous fenvisageons tous les deux? Ne croyez-
vous pas que c’est possible?
M. Yalden: Oui, monsieur le président. Je pense que C’est
possible.
Je voudrais mentionner deux choses brièvement. Il y a
d’abord la question des demi-vérités. Je ne voudrais’ pas du
tout donner l’impression que le terme que j’ai employé faisait
allusion aux profonds sentiments de crainte que ressent cer-
tains Québécois. Ce n’est pas du tout cela. Je pensais plutôt au
genre de débat que l’on voit dans les journaux entre ceux qui
prétendent que X milliers de personnes ont émigré ou que Y
milliers de personnes ont immigré, et que le gain net est ceci
que la perte nette est cela, alors qu’on a tendance à ne jamais
citer les statistiques défavorables a la thèse soutenue. Vous
pouvez très bien voir cette opinion exprimée dans les pages du
Devoir ou de la Gazette une journée et lire une opinion tout à
fait différente, le lendemain. Il semble y avoir une sorte de
guérilla démographique et c’est à cela que je faisais allusion.
Le deuxième aspect, c’est que ce document, n’est pas par-
fait. Mais comme on dit, faute de grives, on manque des
merles. Si je suis venu vous rencontrer ce soir pour en discuter
avec vous, c’est dans l’espoir que nous pourrions essayer d’ob-
tenir davantage.
ll est possible que dans l’avenir, en se basant sur ce docu-
ment ou sur d’autres, on puisse méliorer la charte des droits.
Tout ce que je puis dire, c’est plus la charte que le Comité
produira sera améliorée, plus je serai d’accord.
M. Mackasey: Je conclurai simplement en disant que l’es-
poir est éternel.
M. Yalden: En effet, monsieur.
M. Mackasey: Merci.
[Texte]
Le coprésident (M. Joyal): Merci, monsieur Yalden.
Je dois reconnaître, évidentment, l’heure de l’ajournement
de nos débats.
A moins qu’il y ait d’autres questions ou commentaires sur
la poursuite de nos travaux, je pourrais recevoir une proposi-
tion d’ajournement.
Monsieur Malépart.
M. Malépart: Est-ce que le Comité me permettrait deux
courtes questions, s’il vous plaît, au Commissaire des Langues
officielles avant l’ajournement?
Le coprésident (M. Joyal): Je suis entre les mains du
Comité pour décider de cette question.
ll a été de procédure à ce Comité-ci d’entendre, monsieur
Malépart, des députés ou des honorables sénateurs qui n’étai-
ent pas membres de ce Comité après que I’on ait épuisé la liste
des membres du Comité.
Je remarque que sur ma liste ce soir nous n’avons pas épuisé
la liste des membres. Je remarque deux orateurs du côté de
l’Opposition officielle et je remarque également un autre ora-
teur du côté du parti ministériel mais je suis, évidemment,
entre les mains des membres de ce Comité-ci.
Monsieur Nystrom.
[Traduction]
M. Nystrom: Monsieur le président c’est une question très
importante et je serais d’accord pour qu’on prolonge la séance
pendant quelques minutes pour permettre à deux autres per-
sonnes de poser des questions.
[Texte]
Le coprésident(M. Joyal): Nous avons donc une proposi-
tion de monsieur Nystrom de poursuivre nos travaux.
Est-ce qu’il est de l’avis des membres de ce Comité de
poursuivre nos travaux pour entendre deux autres orateurs?
M. Lapierre: D’accord.
Le coprésident (M. Joyal): Monsieur Epp?
[Traduction]
M. Epp: Monsieur le président, le cas échéant je tiens à
indiquer que nous insisterions pour qu’on respecte la liste et
qu’on entende d’abord les membres du Comité. Cela ne répond
pas nécessairement aux désirs du député, mais selon nous, c’est
la façon dont il faut procéder.
[Texte]
Le coprésident (M. Joyal): Alors, pour répondre à votre
question ou a votre suggestion, monsieur Epp, je pourrais
reconnaître l’honorable Perrin Beatty qui était l’orateur suiv-
ant du côté de l’Opposition officielle et si je devais reconnaître
un orateur du côté du parti ministériel. je pourrais reconnaître
monsieur Jean-Claude Malépart.
Si tel est l’avis des membres du Comité, je demanderais
donc à Fhonorable Perrin Beatty de bien vouloir poursuivre
notre entretien avec monsieur Yalden, bien sûr, s’il est d’ac-
cord pour se prêter à nos questions puisqu’il était convenu
entre lui et nous que notre discussion se terminerait ou s’ajour-
nerait à dix heures, et ainsi poursuivre les travaux.
Monsieur Beatty, s’il vous plaît.
M. Beatty: Merci beaucoup, monsieur le président.
[Traduction]
Monsieur Yalden, vous vous êtes de toute évidence attaqué à
l’une des questions qui préoccupe grandement ce Comité, à
savoir que nous ne pouvons pas séparer les questions de fond et
les questions de procédure. Plus tôt, vous avez dit être préoc-
cupé par l’aspect uriilatérziliste de la décision du gouvernement
de procéder à des changements intportants de la constitution
sans l’accord des provinces. Pourriez-vous préciser un peu ce
qui vous préoccupe?
Le coprésident (M. Joyal): Monsieur Yalden.
M. Yalden: Monsieur le président, je le répète, ma préoccu-
pation, comme celle de beaucoup de Canadiens, c’est qu’un
geste aussi important que l’amendement et le rapatriement de
notre constitution se fasse dans un climat de division et de
confrontation: trois provinces ont porté l’affaire devant les
tribunaux, d’autres seraient prêtes à faire la même chose et
ainsi de suite. J’aurais souhaité que ce soit différent. Je ne vois
vraiment pas ce que je pourrais dire de plus ce sujet.
Un peu plus tôt, on m’a demandé jusqu’à quel point cela
affecterait la volonté des provinces a respecter l’esprit de
l’article 23, puisqu’après tout elles sont les seules à pouvoir
offrir le service, l’éducation relevant d’elles. J’ai répondu que
quels que soient les résultats de ce litige, j’espérais qu’il ne
créerait pas de problèmes pour la minorité, que ce ne serait pas
fait sur le dos des minorités, comme on dit, et j’éspère que ce
ne sera pas le cas.
Mes inquiétudes, bien sûr, sont celles que je vous ai exposées
tout à l’heure. ll va sans dire que nous avons pris des mesures
dans le domaine de l’éducation. Le gouvernement agit par
l’intermédiaire de Wéstminstér. Je ne reviendrai pas sur cet
aspect en particulier qui n’est pas soultaitable de l’avis de
certaines provinces. En tant que Canadien, je pense que c’est
une situation des plus malheureuses.
J’ai déjà dit et je répète qu’il est très important pour moi
que ces articles, ou dés articles semblables, se retrouvent dans
la constitution. J’ai dit ne pas être satisfait de l’article 23.(1) et
j’ai donné plusieurs raisons pour cela. Un peu plus tôt, lorsque
M. Crombie et moi-itiême en discutions, nous avons identifié
une autre de ces anomalies où il est possible quc deux groupes
dé personnes aient des droits différents.
Je remarque qu’il est absent, mais j’aurais dû lui dire que la
différence n’était pas vraiment entre lui et son frère, puisque je
présume qu’ils sont tous deux anglophones, mais entre lui et
son voisin qui n’est peubétre pas anglophone et qui obtiendrait
ce droit en déménageant au Québec parce que ses enfants
fréquentaient une école anglaise à Toronto. C’est là la vraie
différence, mais M. Crombie a raison parce que cela crée un
autre typé de différence entre Canadiens, et je pense que ce
n’est pas sage.
Pardonnez-ntoi cette parenthèse, monsieur le président, mais
je voulais être un peu plus clair sur cette question. Toutefois,
pour répondre à M. Beatty, je vais répéter ce que j’ai dit plus
tôt: je ne suis pas d’accord, mais je veux également que ces
droits soient enchâssés. Si on me demandait si ce genre
d’entente pourrait être conclue maintenant ou l’an prochain ou
dans trois, quatre ou cinq ans, par une entente générale entre
le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux, je
répondrais non, ce n’est pas possible.
M. Beatty: La fin justifie-t-elle les moyens, dans ce cas-ci, je
pense que C’est la vraie question qu’il faut poser. Tous ici, nous
sommes d’accord sur les buts, nous voulons tous que les
questions linguistiques soient traitées de façon généreuse dans
un esprit d’harmonie au pays. Alors la vraie question, c’est de
savoir si en faisant fi des désirs des provinces, comme l’a dit
M. Mackasey, et en agissant unilatéralement, le gouvernement
fédéral nuit à la cuse des droits linguistiques, ou si en fait les
mesures prises favorisent l’harmonie au pays, car ces mesures
semblent avoir créé beaucoup de divisions et beaucoup d’amer-
tume au pays. Cela aide-t-il la cause de l’égalité des droits
linguistiques lorsqu’on a une situation où six provinces ont fait
connaître leur désir de contester cette question devant les
tribunaux, ou croyez-vous que l’on peut faire plus de progrès
dans un esprit d’harmonie et de bonne volonté, en essayant
d’en arriver à une entente et sans que le gouvernement fédéral
tente de régler seul, par l’intermédiaire de Westminster, ce
qu’il ne peut pas faire légalement au Canada?
M. Yalden: Monsieur le président, quant à la question de
justice linguistique, je serais bien sûr contre cette proposition si
je pensais qu’elle n’allait pas dans ce sens. Je ne pense pas
qu’elle nuise à la justice linguistique. Quant à savoir si la
démarche est nuisible ou tend à miner le degré d’harmonie qui
existe au pays, je n’ai vraiment pas de commentaires là-dessus.
Je lis les journaux comme tout le monde. Pour l’instant
l’harmonie ne règne pas au pays et nous n’arriverons pas à
cette harmonie en se battant sur la démarche gouvernementale
visant la constitution. Ce genre de réponse est l’évidence
même, mais je ne crois pas que la démarche soit nuisible à la
justice linguistique.
Ce serait peut-être le cas si les provinces, et cela rejoint les
commentaires de tout à l’heure, étaient tellement vcxées de la
démarche adoptée qu’elles décidaient de s’en prendre à la
minorité, mais je ne pense pas que nos premiers ministres
provinciaux et nos assemblées provinciales, quelle que soit la
province et quel que soit le parti politique, fassent cela. Du
moins, je Vespère.
M. Beatty: Je l’espère également. Votre désir de voir des
objectifs réalisés vous met dans une position difficile. C’est
comme dire à une personne qui vient de faire sauter la banque:
je ne suis pas d’accord avec ce que vous faites, mais pensez aux
pauvres.
ll est possible que cette action aille dans le sens des objectifs
que vous visez, mais je me demande si cette démarche est
justifiée, Je pense que c’est là une inquiétude de beaucoup de
Canadiens et au cours des derniers jours, il y a eu des
indications claires que la démarche du gouvernement avait
divisé et empoisonné, peut-être, le climat au Canada. De ce
fait, il est d’autant plus difficile de faire appel à ce sens de la
générosité que nous aimerions voir tous les deux.
M. Yalden: Monsieur le président, je ne suis pas sûr que
l’exemple du voleur de banque soit approprié. Toutefois, j’ai
dit tout ce que je pouvais sur le sujet à moins que M. Beatty et
moianême discutions toute la nuit pour savoir si la fin justifie
les moyens. ll est probable que nous ne tirerions rien d’une
telle discussion, puisque nous savons tous que cela pose un
problème difficile de philosophie morale.
Je répète mes propos de tout à l’heure, je n’aime pas
davantage la démarche unilatéraliste, mais je désire voir l’en-
châssement des droits dans la Constitution. Si ce sont là deux
choses contradictoires, je suis prét à vivre avec cette
contradiction.
M. Beatty: Côté compromis, que pensez-vous de la possibi-
lité d’offrir le choix: les droits seraient écrits dans la Charte et
le gouvernement fédéral pourrait, jusqu’à un certain point, les
inclure dans la loi, mais pour ce qui s’agit des domaines de
compétence provinciale, les assemblées provinciales auraient le
droit de les adopter au moment qui leur convient sans que le
gouvernement fédéral leur impose unilatéralement un régime
dans un domaine qui ne relève pas de lui?
M. Yalden: Monsieur le président, de façon générale, je n’ai
aucune objection envers cette formule comme démarche; nous
savons très bien que cela fait partie du mode de vie canadien,
le choix de participer ou de ne pas participer. En général, et en
principe, je ne m’oppose pas au libre choix, mais dans ce cas
particulier, je parle strictement dans l’optique des articles 16 à
23 de ce projet de résolution, et sur l’ensemble de la question,
dans mes fonctions actuelles, je ne pense pas que ce serait
souhaitable qu’il y ait liberté de choix pour l’article 23 puis-
qu’à l’exception de une ou deux provinces, les autres ne
participeraient pas. Alors nous ne serions pas plus avancées.
Concernant l’article 23, nous savons d’après les discussions
qui ont eu lieu à la conférence constitutionnelle de septembre
et d’après beaucoup d’autres discussions de cette nature qui
ont eu lieu au cours des années, que la plupart des provinces ne
l’appliqueraient pas, sauf le Nouveau-Brunswick et l’Ontario,
parce que le premier ministre ontarien a dit qu’il appuyait cet
article. Je ne connais aucune autre province qui le ferait. La
Saskatchewan peut-être, mais je n’en suis pas sûr.
M. Beatty: Peut-être pas tout de suite, mais vous avez dit à
M. Epp que vous avez constaté des progrès importants au
cours de la dernière décennie, que les attitudes ont vraiment
changé et que des progrès énormes ont été accomplis au niveau
provincial.
M. Yalden: Évidemment. Nous avons une déclaration des
premiers ministres à cet effet et je n’ai aucune raison de croire
que cette déclaration ne représente pas un engagement ferme
de leurs part. Toutefois, sans mettre en doute leur jugement,
car c’est leur jugement, il est vrai que les mêmes premiers
ministres, sauf M. Davis, M. Hatfield et peut-être M. Blake-
ney, ne sont pas prêts à accepter l’enchâssement de cet article
dans la constitution, article qui ressemble beaucoup à cette
déclaration. Je crois que certains premiers ministres provin-
ciaux s’opposent à l’enchâssement et à la charte des droits. Je
vous ai vu, monsieur Beatty, à la Conférence, Vous avez écouté
les premiers ministres et vous savez ce qu’ils ont dit autour de
la table. ll y en a qui ne croient pas à l’énchâssement des droits
fondamentaux. il y en a qui veulent enchâsser certains droits,
mais non d’autres. Il y en a qui préconisent les droits linguisti-
ques; il y en a qui s’y opposent. Et ainsi de suits.
Je ne pense pas qu’ils changement d’avis dans un proche
avenir. Plus tard, peut-être, lorsque les autres se seront calmés,
mais non pas aujourd’hui ou demain.
[Texte]
Mr. Beatty: Thank you, Mr. Yalden. Merci, monsieur le
président.
Le coprésident (M. Joyal): Merci, monsieur Beatty.
Monsieur Jean-Claude Malépart.
M. Malépart: Merci, monsieur le président. Je remercie
aussi les membres du Comité.
Monsieur le Commissaire, vous admettez que l’on ne peut
pas penser au libre choix.
Premièrement, est-ce que vous admettez que laprovincé de
Québec qui forme une partie du Canada, que les gouverne-
ments provinciaux quels qu’ils soient, que ce soit libéral,
péquiste ou union nationale, ont le devoir de protéger et de
s’assurer que la province de Québec continue à se développer, à
s’assurer en français.
Deuxièmement, ma deuxième question que je voudrais vous
poser: le critère de la langue maternelle qui est choisi dans le
texte de la résolution suppose des tests linguistiques, ce qui
voudrait dire, comme conséquence, que les tests linguistiques
seraient définis par les provinces, ils seraient appliqués par des
fonctionnaires des commissions scolaires, donc les parents
seraient obligés d’aller passer des tests linguistiques. ll pourrait
arriver comme conflit que les provinces pourraient établir des
tests tellement difficiles qu’un Anglophone au Québec ne
pourrait mémé pas passer les tests et même lorsqu’on parle de
la langue apprise et encore comprise qu’un Francophone hors
Québec qui malheureusement aurait perdu la connaissance
suffisante de sa langue ne pourrait pas avoir le droit d’envoyer
son enfant à l’école française.
M. Yalden: Premièrement, monsieur le président, bien sûr,
j’accepte que le gouvernement d’une province a le devoir de
protéger ses électeurs, les citoyens de la province, les résidents
de la province, je dirais protéger, évidemment, dans le cas du
Québec les Anglophones ainsi que les Francophones mais, bien
sûr, le foyer de la francophonie au Canada est le Québec.
Personne ne peut nier cette constatation.
Quant à l’autre point que fait le député, monsieur le prési-
dent, je ne suis pas certain, c’est une présomption de sa part
que le critère langue maternelle exigerait, impliquerait néces-
sairement des tests linguistiques. Je ne suis pas sûr de ça.
Je crois qu’il est parfaitement clair que sans que je subisse
un test linguistique que je né suis pas de langue maternelle
française et je crois que la plupart des Anglophones que je
connais, même ceux qui parlent très bien la langue de Molière,
sont des Anglophones, il n’y a pas de question, et l’inverse, je
crois, est vrai les Francophones.
ll y aura toujours de ces hommes et de ces femmes excep«
tionnels qui parlent les deux langues et qui sont nés et qui ont
été élevés dans des circonstances si exceptionnelles que l’on ne
sait pas quelle est leur langue maternelle. mais ce sont des
individus très rares, il me semble.
Pour la plupart, pour le commun des mortels, il n’y a pas de
question; on sait très bien qui est quoi.
Ce qui est arrive par le passé au Québec, me semble-t-il.
avec les tests linguistiques qu’on a connus c’est qu’on exigeait
des tests linguistiques pour les enfants, et là ce n’était pas clair,
pour l’enfant né dans une famille de souche italienne mais
élevé dans un voisinage anglais à Montréal, quelle était sa
langue. ll n’était pas question de langue maternelle. Il était
question d’une certaine maîtrise d’une langue comme condition
d’admissibilité à l’école anglaise. Ça, c’était difficile mais ce
n’est pas difficile dans mon cas ou le vôtre.
M. Malépart: De quelle façon est-ce que vous pouvez définir
que ma première langue apprise. . . Ma première langue
apprise, c’est dès ma naissance, avant d’aller à l’école. Alors.
ça veut dire que tout Francophone ou qui que ce soit peut
arriver dans une commission scolaire et dire, ma première
langue apprise chez moi c’est telle ou telle langue et les
commissions scolaires seront obligées, pour vérifier, parce que
c’est la langue des parents, de faire passer des tests.
Alors, de quelle façon l’application de ce principe va se faire
sans créer des conflits?
M. Yalden: A ce moment-là, monsieur le président, je
suppose, comme d’ailleurs dans plusieurs des clauses dans cette
résolution, que le gouvernement cherche toujours une précision
qui peut-être n’est pas nécessaire ni même souhaitable dans
une constitution.
Si on avait dit tout bonnement ‘la langue maternelle’, moi.
je crois quej’aurais compris. Ce qu’on a fait, au lieu d’utiliser
les mots ‘langue maternelle’, on a utilisé le bout de phrase
‘dont la première langue apprise et encore comprise’, ce qui est
la définition de langue maternelle dans la loi sur les Statisti-
ques et dans la loi des Langues officielles. Ce n’est pas
nécessairement le meilleur terme.
Comme le dit le député, théoriquement, sa langue mater-
nelle, cest-à-dire la première langue apprise et encore com-
prise, pourrait être l’hindou, je ne sais pas, ça pourrait être
n’importe quoi, en dépit du fait que monsieur le député, je
crois bien. est un Francophone . . .
M. Malépart: Oui.
M. Yalden: Pure laine. comme nous le disons. Non? Et je
suis anglophone.
Le seul autre commentaire que je pourrais offrir à ce sujet
c’est que si on applique la norme de l’homme raisonnable, ça
n’arrive pas très souvent que quelqu’un arrive qui est manifes-
tement francophone—avec le petit garçon à la main, là—et qui
insiste qu’il n’est pas francophone, qu’il est anglophone ou
bien, s’il le fait, il est tellement clair que ce n’est pas vrai que
le principal ou le directeur de l’école ou n’importe qui n’aura
aucune difficulté à prouver que ce n’est pas vrai.
M. Malépart: Ce n’est pas à l’enfant qu’on donne le droit,
c’est aux parents.
M. Yalden: Aux parents.
M. Malépart: Et à 40 ans, j’ai un de mes collègues, je peux
donner un exemple, Dennis Dawson, il peut autant dire que sa
première langue apprise c’est le français ou l’anglais. Alors,
quelqu’un pourrait aller devant les tribunaux et justifier que sa
première langue apprise c’est l’anglais ou le français, et
automatiquement ce critère-là va amener que l’application de
tests. .. parce que le principe est très louable—et je le part-
age—mais si on prenait plutôt le critère de la langue d’en-
seignement, on éviterait d’amener les gens à passer des tests et
pour avoir ce droit de prouver, un certificat qui le déclare,
M. Yalden: Monsieur le président, je dirai, je crois, deux
choses.
Premièrement, je ne crois pas qu’il y ait sous le régime
proposé ici tant de personnes qui arriveraient pour essayer de
prouver qu’elles ne sont pas vraiment des Anglophones ou des
Francophones mais qu’elles sont de l’autre groupe linguistique.
ll faudrait quand même développer une hypothèse. On
pourrait parler d’un Francophone qui pour une raison ou une
autre voudrait faire éduquer ses enfants à l’école anglaise et il
est clair que c’est un Francophone, à moins qu’il parle la
langue anglaise de façon si parfaite qu’il n’est pas possible de
savoir quelle est sa langue maternelle.
M. Malépart: Dans ce cas-là . . .
M. Yalden: Mais combien y a-t-il de monde comme ça?
M. Malépart: Mais pour se mettre dans la réalité, présente-
ment au Québec on a des enfants dans l’école anglaise de façon
illégale. C’est signe que c’est une préoccupation profonde. Pas
question des Anglophones ou des Francophones mais question
des allophones.
M. Yalden: Je n’ai pas nié que ça soit une question qui
inquiète la population. Au contraire, je l’ai souligné,
premièrement.
Deuxièmement, on ne parle pas, vous et moi, de ceux qui
s’appellent des allophones. Ceux qui ne sont pas citoyens n’ont
pas de droit, selon cette proposition, pas plus qu’ils en ont selon
la loi 101.
Précisément une de mes objections c’est que s’il faut établir
comme critère la langue maternelle, n’appliquons pas le critère
additionnel de citoyenneté, mais même s’il s’agit d’un citoyen,
si sa langue n’est ni l’anglais ni le français, il n’a pas de droit,
selon cette clause, pas plus qu’il en a selon les clauses appro-
priées dans la loi 101.
Le coprésident (M. Joyal): Une dernière question, monsieur
Malépart.
M. Malépart: C’est tout. Merci.
Le coprésident (M. Joyal): Je voudrais donc remercier au
nom du Comité monsieur Yalden d’avoir bien voulu se prêter à
nos questions, et je recevrais, bien sûr, une proposition
d’ajournement de nos travaux jusqu’à 9 h 30 demain matin.
Monsieur Henderson propose donc que nous ajournions nos
travaux.
La séance est levée jusqu’à 9h 30 demain matin où nous
entendrons l’Association canadienne des Libertés civiles et le
Positive Action Committee à 11 heures du matin.
TÉMOIN
Mr. M. F. Yalden, commissaire aux langues officielles.