A.A. Dorion, « Aux Electeurs du Comté d’Hochelaga », La Minerve (11 novembre 1864)
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Date: 1864-11-11
Par: A.A. Dorion (La Minerve)
Citation: A.A. Dorion, « Aux Electeurs du Comté d’Hochelaga », La Minerve [de Montréal] (11 novembre 1864).
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La Minerve: 11 novembre 1864
Aux Electeurs du Comté d’Hochelaga.
Monsieurs,
Les évènements importants qui se sont passés depuis la dernière session du parlement, les conséquences graves qu’ils peuvent avoir sur l’avenir et la prosperité du pays, m’engagent à vous soumettre quelques observations sur la situation politique et sur les complications qu’elle a fait naitre.
Vous savez déjà qu’une conférence a eu lieu à Québec entre les ministres canadiens, et des délégués venus des provinces maritimes, dans le but de s’entendre sur une confédération de toutes les provinces britanniques de l’Amérique du Nord.
Cette conférence a durés près de trois semaines. L’on y a discuté, eu séances secrètes, les plus grands intérêts du pays, et l’on est convenu (ce qui a été annoncé publiquement) des bases d’une confédération, dont le projet, après avoir été communiqué aux autorités impériales, sera soumis à la législature dans sa prochaine session.
L’absence de toute communication officielle des procédés de la conférence, le silence absolu des ministres Bas-Canadiens sur les détails de cette confédération projetée, semblent indiquer que l’on veut précipiter cette mesure, sans consulter le public et sans même lui donner le temps d’en étudier les dispositions et d’en apprécier la tendance et la portée.
Le fait que les ministres, sans aucune mission quelconque, préparent dans l’intérieur de leur cabinet un changement de constitution, une révolution politique complète, qui devra affecter tous les intérêts, toutes les institutions, tous les rapports existants sous l’Union actuelle entre le Haut et le Bas-Canada, pour y substituer une autre Union qui embrasserait toutes les provinces de l’Amérique du Nord, est de nature à attirer votre sérieuse considération.
A défaut de documents officiels, les journaux dans la confidence ordinaire des ministres et le discours prononcé par M. Brown au banquet offert, à Toronto, aux délégués des provinces maritimes, nous ont suffisamment fait connaitre le projet de la conférence pour qu’il soit maintenant permis de l’apprécier dans son ensemble sinon dans tous ses détails.
Lorsque, le quatorze juin dernier, la chambre condamnait l’emploi que, sans autorité, le ministre des finances avait fait de la somme de $100,000 pour payer une dette du Grand-Trone, personne ne prévoyait, et personne ne pouvait prévoir, que cette censure méritée serait l’occasion de l’alliance extraordinaire qui a eu lieu depuis entre les ministres et une partie de ceux qui les avaient condamnés, et encore moins que cette étrange coalition conduirait à un changement radical de nos institutions.
Il est inutile de rechercher quelles sont les raisons qui ont pu induire les ministres canadiens, en l’absence de toute discussion publique, de toute manifestation populaire et contre l’opinion souvent exprimée par plusieurs d’entr’eux, à soliciter l’union avec les provinces inférieures à l’occasion d’une défaite sur une question purement financière et qui n’avait aucun rapport aux conditions politiques du pays. Ce qu’il importe maintenant d’examiner ce ne sont pas les motifs, ni le but des promoteurs de la conférence, mais bien leur projet en lui-même.
Ce que l’on propose c’est l’union du Haut et du Bas-Canada, des provinces du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Ecosse, de l’Ile du Prince-Edouard et de l’Ile de Terre-Neuve, avec faculté aux habitants du territoire du nord-ouest, de la Colombie et de l’Ile Vancouver de s’y joindre s’ils le désirent.
L’autorité, sur ce vaste territoire plus grand que tout l’Europe et ne contenant cependant que 3,400,000 habitants, serait confiée à un Gouverneur ou Vice-Roi nommé par la Couronne avec un Conseil Exécutif, un Conseil Législatif et une Assemblée Législative. Le Conseil Législatif serait composé de soixante-et-seize membres nommés à vie par la Couronne, dont vingt-quatre pour le Haut-Canada, vingt-quatre pour le Bas-Canada et vingt-huit pour les Provinces Maritimes.
La représentation, dans l’assemblée ou chambre basse sera répartie d’après la population de chaque province. Elle sera, pour commencer, composée de 194 membres élus pour cinq ans, dans la proportion suivante:
Le Haut-Canada | 82 |
Le Bas-Canada | 65 |
La Nouvelle-Ecosse | 19 |
Le Nouveau-Brunswick | 15 |
Terreneuve | 8 |
L'Ile du Prince-Edouard | 5 |
194 |
Le Bas-Canada conservera toujours le nombre de soixonte-cinq députés. Dans les autres provinces, le nombre sera augmenté ou diminué tous les dix ans, d’après le mouvement de la population, de manière que chaque province ait toujours la même proportion de représentats que le Bas-Canada eu égard à sa population.
Le nombre total de représentants devra aussi être augmenté dans le cas où le territoire du Nord-Ouest, la Colombie et l’Ile Vancouver ferraient partie de la confédération.
Sous ce gouvernement ainsi organisé et qui exercera une autorité sur toutes les provinces unies, il y aura un gouvernement local pour chaque province, avec un lieutenant-gouverneur nommé pour cinq ans par le gouverneur-général.
Le lieutenant-gouverneur sera avisé par des chefs de département responsables au peuple. La composition des législatures locales sera déterminée par les parlements actuels de chaque province.
Le gouvernement général aura le droit de régler toutes mesures d’intérêt général, celles affectant le commerce, la navigation, les finances, le revenu, la dette publique, le cours des monnaies, les banques, les postes, l’émigration, les pêches maritimes, patentes, le rencensement, les lois d’usure, de banqueroute, celles réglant les poids et measures, et généralement toutes les lois commerciales, les lois criminelles, la constitution de la cour d’appel, la nomination et le paiement des juges, et toutes les autres questions qui ne seront pas spécialement réservées aux gouvernements locaux. La milice et tout ce qui regarde la défense du pays sera aussi sous el contrôle exclusif du gouvernement général.
Les lois civiles et municipales, les terres publiques, l’agriculture, les travaux publics d’un interêt purement local, comme la construction des chemins et ponts, des prisons, hâvres, hôpitaux et asiles d’aliènés, etc., seront sous le contrôle des gouvernements locaux, qui auront le droit de prélever par taxes locales et directes les sommes nécessaires pour ces objects et pour subvenir à leurs autres dépenses.
Le gouvernement local aura aussi le contrôle de l’instruction publique, mais il ne pourra l’excercer que sous les restrictions qui seront imposées soit par la constitution ou par les lois que fera le gouvernement général. De plus, les actes de législatures locales seront soumis à l’approbation du gouvernement général qui pourra les désavouer dans le cours de l’année après qu’ils auront été passés.
Ottawa sera la capitale de la confédération.
Québec sera celle du Bas-Canada et Toronto celle du Haut-Canada.
Quant aux finances, les dettes de toutes les provinces seront consolidées et mises à la charge du gouvernement général. Mais pour égaliser les charges entre les provinces, l’on a fixé le montant des dettes qui, réunies, formeraient la dette fédérale, et l’on a établi d’aprères la population la proportion que chaque province aurait à en payer. L’on est ensuite couvenu que l’Ile de Terre-Neuve et l’Ile du Prince-Edouard, dont les dettes ne s’élevaient pas à cette proportion, recevraient sur la différence un intérêt annuel de cinq pour cent que le Bas et le Haut-Canada, dont les dettes excédaient cette proprtion, paieraient au trésor public le même intérêt sur cet excédant. Le montant de la dette fédérale ayant été fixé sur ce que devaient le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Ecosse, le Haut et le Bas-Canada demeurent chargés d’une partie de la dette actuelle du Canada. D’après ce règlement, l’Ile du Prince-Edouard et l’Ile de Terre-Neuve devront recevoir chaque année du gouvernement général une somme d’environ $225,000, ce qui représente à 5 000 un capital de $4,500,000 et le Haut et le Bas-Canada devront payer au trésor public environ $300,000 chaque par année pour intérêt sur l’excédant de leurs dettes. Ces chiffres ne sont qu’approximatifs, mais ils suffisent pour faire comprendre l’effet de l’arrangement qui a été conclu.
L’Ile de Terre-Neuve recevra encore pour des terres publiques qu’elle cèdera au gouvernement général une somme d’environ $60,000 représentant à 5000 un capital de $1,200,000.
Le gouvernement général paiera aussi aux gouvernements locaux pour les aider à subvenir à leurs dépenses une somme totale de $2,633,000. Cette somme, répartie d’après la population de chaque province à l’époque du dernier recensement, donnera 80 cts. par tête. Elle est fixée définitivement et ne variera pas avec l’augmentation de la population. La part du Haut-Canada sera donc de $1,112,872, celle du Bas-Canada de $889,252 par année. En déduisant de cette dernière somme les $300,000 que le Bas-Canada aura à payer annuellement au gouvernement général il restera $589,252 pour rencontre les dépenses du governement local. Le surplus qui sera considérable devra être payé au moyen de taxes locales ou directes.
Enfin il est entendu que le gouvernement général se chargerait de faire le chemin de fer intercolonial; d’organiser une milice effective et de pourvoir immédiatement à un système complet de défense.
Tels sont les principaux traits du projets de confédération arrêté par le délégués.
Mais pour qu’il y ait confédération, il faut que les différents Etats liés entr’eux pour les mesures d’intérêt général, conservent leur indépendance propre pour tout ce qui concerne leur gouvernement intérieur. Or, quelle indépendance les différentes provinces réunnies sous la constitution proposée conserveront-elles, avec un gouvernement général exerçant une autorité souveraine, non seulement sur les mesures d’intérêt général, mais encore sur la plupart des questions de régie intérieure, et un contrôle direct sur tous les actes des législatures locales! Quelle indépendance conserveront-elles, si elles sont privées du droit de regler leur lois criminelles, leurs lois commerciales, et si elles ne peuvent modifier leurs lois civiles et municipales, les lois concernant l’instruction publique et autres questions semblables, qu’avec l’approbation du gouvernement,—si elles n’ont pas même le droit de déterminer la constitution de leurs tribunaux et de nommer les Juges qui doivent veiller à l’exécution de leurs lois?
Ce n’est donc pas une confédération qui nous est proposée, mais tout simplement une Union Législative déguisée sous le nom de confédération, parce que l’on a donné à chaque province un simulacre de gouvernement sans autre autorite que celle qu’il exercera sous le bon plaisir du gouvernement général.
Si c’est une union législative que l’on veut avec un gouvernement central fortement organisé, pourquoi cette complication de gouvernements locaux dont les pouvoirs seront à peu près nuls et qui ne serviront qu’à surcharger les contribuables de dépenses inutiles?—Si c’est une Union Fédérale qu l’on désire, pourquoi alors ne pas lui en donner tous les caractères et tous les attributs?—Pourquoi ne pas conserver à chaque province cette indépendance, cette souveraineté sur tout ce qui regarde son gouvernement intérieur qui est une condition essentielle à tout gouvernement fédéral?
Chaque système offre ses avantages et ses inconvénients, mais le projet de la conférence réunit les inconvénients des deux, sans donner la simplicité et l’efficacité que l’on rencontre dans l’unité législative, ni les garanties pour les institutions de chaque province que le système fédéral pourrait seul assuer.—Ce projet de la conférence n’est propre qu’à faire renaitre, surtout parmi les populations mixtes du Bas-Canada, les divisions et les animosités d’autrefois, qui étaient heureusement disparues—et le gouvernement général des collisions fréquentes qui ne feront que créer du malaise et des embarras de toutes sortes.
L’Union des provinces entr’elles n’est pas désirables il est vrai, disent les partisans de la coalition, mais il faut parer aux difficultés que présente la question de la représentation et c’est pour cela que nous l’acceptons. Je trouve dans cette excuse la condamnation même du projet que l’on propose. L’on admet qu’il est mauvais et qu’on ne l’adopte que comme expédient pour sortir d’une difficulté.—Examinons un instant cette question de la représentation et voyons quel remède l’on propose.
Le Bas-Canada refusait d’accorder au Haut-Canada quelques députés de plus que son nombre actuel parce qu’il craignait que leur influence ne fut préjudiciable à ses institutions particulières.—Il eut été facile en tout temps de satisfaire le Haut-Canada en lui donnant quatre ou cinq membres de plus qu’au Bas-Canada, tout en conservant l’égalité dans le Conseil Législatif. Pour éviter le danger que cette augmentation de membres pouvait faire attendre, l’on propose de donner au Haut-Canada dix-sept membres de plus qu’au Bas-Canada, et l’on ajoute encore quarante sept membres pour les provin es maritimes, en tout soixante et quatre membres ajoutés à l’élément britannique, entre les vingt-huit membres de plus que l’on donne au Conseil Législatif; et c’est ainsi que l’on prétend protéger les institutions du Bas-Canada.
D’un autre côté, le Haut-Canada ne demandait une augmentation de représentation que parce qu’il se plaignait de ce qu’il contribuait plus que le Bas-Canada au revenu de la province; il supportait une beaucoup plus forte proportion des dépenses publiques sans pouvoir les contrôler et c’est pour remédier à ce grief que l’on propose de l’unir à quatre autres provinces, dont les ressources et les revenus sont de beaucoup inférieurs à ceux du Bas-Canada et qui mettent pour condition de leur union, les unes, le paiement d’un subside annuel, les autres la construction du chemin de fer intercolonial, et toutes, le paiement d’une partie de leurs dépenses locales.
La dette publique du Canada est d’au moins $75,000,000 de dollars. Les débentures portant 5% d’intérêt sont coffées à 23 ou 24 % au-dessous du pair et c’est lorsque nos financés sont dans cet état que l’on propose d’ajouter aux $75,000,000, que nous devons déjà, les $15,000,000 dûs par le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Ecosse, $16,000,000 pour la construction du chemin de fer intercolonial et environ $5,500,000 représentant le subside annuel qui sera payé à l’Ile du Prince-Edouard et à l’Ile de Terre-Neuve, en tout $36,500,000 avec la perspective d’y ajouter de suite quelques millions de plus pour mettre le pays en état de défense.
Prenant pour base la population des différentes provinces d’après les derniers recensements, le Haut-Canada aurait à payer plus de cinq-douzièmes, le Bas-Canada plus de quatre-douzièmes, et les autres provinces moins que les trois-douzièmes de toutes ces dépenses additionnelles. Cette disproportion s’accoitra encore par suite de l’augmentation plus rapide de la population dans le Haut et le Bas-Canada que dans les autres provinces.
Dans la période écoulée entre le dernier recensement et celui qui l’a immédiatement précédé, la population des différentes provinces s’est accrue dans les proportions suivantes:
Dans | Ile de Terre-Neuve | 1,50 |
" | La Nouvelle-Ecosse | 1,82 |
" | L'Ile du Prince-Edouard | 2,07 |
" | Le Bas-Canada | 2,50 |
" | Le Nouveau-Brunswick | 2,60 |
" | Le Haut-Canada | 4,34 |
Ce tableau du progrès de la population ne peut donner qu’une faible idée de la proportion que le Haut et le Bas-Canada auront à supporter dans dix ou vingt ans d’ici, dans les nouvelles charges créées par l’Union des Provinces.
Quels sont donc les avantages de cette Union pour contrebalancer les sacrifices qu’elle imposera?
Est-ce le commerce des provinces maritimes qui offrira une compensation? Mais ce commerce est comparativement nul. Les productions de ces provinces sont à peu près les mêmes que celles du Canada. Il ne peut par conséquent, y avoir que peu d’échanges et peu de commerce entre des pays ainsi placés.
La valeur totale des importations pour l'année 1863 était de | $45,964,493 |
Celles des produits importés des provinces maritimes de | 510,713 |
Ou d'un et 1 1,10 pour cent des importations totales. | |
Les exportations totales pendant la même année étaient de | 41,831,532 |
Les produits exportés du Canada aux provinces maritimes de | 935,196 |
Ou deux et un quart pour cent. |
Il serait facile de démontrer que depuis dix ans, il n’a pris aucun accroissement quoique les moyens de communication soient maintenant beaucoup plus faciles et plus expéditifs qu’ils ne l’étaient ci-devant.
Sous le rapport de la défense du pays dont l’on parle tant, au sujet de cette confédération, je ne puis concevoir ce que nous gagnerions. Le Nouveau-Brunswick avec ces cinq cents milles de frontière le long des Etats-Unis et avec sa faible population, serait plutôt une cause de faiblesse qu’un moyen d’augmenter nos forces.
Je ne m’arrêterai pas à discuter les détails du projet de la conférence. Il n’est pas difficile de prévoir l’effet que pourra avoir sur le fonctionnement de la constitution un Conseil Législatif composé d’un nombre fixe de membres nommés à vie par la Couronne. Nous savons par expérience le pouvoir qu’un semblable corps pourrait exercer pour entraver les voeux de l’opinion publique et paralyser toute législation progressive.
L’on oublie les luttes d’autrefois entre un Conseil nommé par la Couronne, et l’Assemblée Législative du Bas-Canada; l’on oublie les efforts qui ont été faits par le parti libéral du Haut et du Bas-Canada pour reconstituer ce Conseil sur des bases plus en harmonie avec le sentiment populaire, et c’est lorsque l’expérience a donné raison à ceux qui ont obtenu cette grande réforme qui a donné au peuple le droit de choisir lui-même la seconde Chambre de la Législature, que l’on veut retourner à un système qui a été jugé et condamné par l’immense majorité du Haut et du Bas-Canada!
Evidemment l’on se défie du peiple, l’on craint son influence. Non seulement on lui retire les concessions qu’on lui a faites, mais on refuse même de consulter sur les changements que l’on propose, et dans la crainte qu’il n’ait occasion d’exprimer son opinion, on va même jusqu’à proposer de faire voter les constitutions locales du Haut et du Bas-Canada par la législature actuellement existante. C’est dire que la Législature du Canada devra établir une constitution pour le Bas-Canada et une autre pour le Haut-Canada, donnant ainsi à la majorité des représentants du Haut-Canada le droit d’imposer dans la constitution locale des dispositions qui répugneront au sentiment populaire du Bas-Canada, et à la majorité du Bas-Canada le droit d’imposer au Haut-Canada des institutions auxquelles celui-ci ne voudrait pas se soumettre.
Pour ne point consulter le peuple, l’en tombe dans l’absurdité de faire voter les constitutions locales par ceux qu’elles ne devront pas affecter.
Chaque fois j’en ai eu l’occasion, je me suis toujours prononcé contre toute union soit législative soit fédérale avec les provinces maritimes. Il m’a toujours paru que rien dans les circonstances actuelles des différentes provinces ne rendait cette union désirable, et que l’on pouvait au moyen d’un traité de commerce ou de réciprocité, assurer à chaque province tous les avantages que l’union pourrait produire.
Je ne vois rien dans le projet de la conférence pour me faire changer d’opinion à cet égard.
L’union que l’on propose me parait prématurée et si elle n’est pas tout à fait incompatible avec l’état colonial, elle est du moins sans précédent dans l’histoire des colonies. Je n’y vois que complications et embarras dans le fonctionnement du gouvernement, qu’une augmentation de dettes pour la confédération et un surcroit de charges pour les contribuales.
Cette union ne peut que retarder le progrès et la prosperité du pays et je la repoose parce que je la crois contraire aux intérêts du toute la province et surtout désastreuse pour le Bas-Canada.
De quelque manière que l’on apprécie les changements projetés, il est un point sur lequel il ne peut y avoir de différence d’opinion, c’est que lorsqu’il ne s’agit de rien moins que de refaire la constitution, de poser de nouvelles bases à l’édifice politique, le peuple dont l’intérêt et la prospérité sont affectés par ces changements doit être consulté; et comme les deux sections de la province ont également droit de se prononcer sur le caractère des institutions qui doivent à l’avenir les régir, ces changements ne peuvent être adoptés sans le concours de la majorité des représentants de chaque section.
C’est à vous de faire connaitre vos veus sur l’importante question dont il s’agit; de faire respecter les droits que vous avez d’être consultés, en vous prononçant fortement et énergiquement contre toute tentative de passer une mesure de cette importance sans un appel au peuple.
J’ai l’honneur d’être,
Avec la plus haute consideration,
Messieurs,
Votre obéissant serviteur,
A.A. DORION.
Montréal, 7 Nov. 1864.