A.A. Dorion et al, Representations de la Minorité Parlementaire du Bas-Canada a Lord Carnarvon […] au sujet de la Confederation Projetée des Provinces […] (1866)
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Date: 1866-10
Par: A.A. Dorion et al.
Citation: A.A. Dorion et al., Representations de la Minorité Parlementaire du Bas-Canada a Lord Carnarvon Secretaire des Colonies au Sujet de la Confederation Projetée des Provinces de l’Amérique Britannique du Nord (Montréal: Imprimerie du Journal Le Pays, 1866).
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REPRESENTATIONS
DE LA
MINORITÉ PARLEMENTAIRE DU BAS-CANADA
A
LORD CARNARVON
SECRETAIRE DES COLONIES
AU SUJET DE LA
CONFEDERATION PROJETÉE DES PROVINCES
DE
L’AMÉRIQUE BRITANNIQUE DU NORD
OCTOBRE 1866.
MONTREAL
IMPRIMERIE DU JOURNAL LE PAYS, 9 RUE STE. THÉRESE.
1866.
AU TRÈS-HONORABLE COMTE DE CARNARVON, PRINCIPAL SECRÉTAIRE
D’ÉTAT DE SA MAJESTÉ POUR LES COLONIES.
MILORD,
Des délégués du gouvernement ca nadien devant bientôt se rendre en Angleterre pour conférer avec les aviseurs de Sa Majesté ou sujet de la confédération projetée des Provin ces Britanniques de l’Amérique du Nord, dans le but de presser le Par lement Impérial de s’occuper de ce sujet durant la prochaine session, nous croyons de notre devoir, comme les représentants dans le Parlement de vingt comtés populeux du Bas-Canada, de soumettre à Votre Seigneu rie quelques considérations, qui, nous l’espérons, ne seront pas jugées indignes .de toute attention par ceux sur qui pèse la responsabilité de décider si cet important sujet doit être regardé comme mur et prêt à recevoir une décision finale, ou doit attendre que l’opinion pu blique dans les diverses Provinces se soit manifestée d’une manière indu bitable. Formant le tiers des représen tants du Bas-Canada, nous sommes con vaincus que sur ce sujet nous reflétons les opinions de la majorité du peuple.
Nous avons lieu de croire que le gouvernement de Sa Majesté, s’en tenant à la sage politique qui, depuis un quart de siècle, a produit les meilleurs résultats,—politique qui consiste à concéder aux colonies qui jouissent des institutions représentatives le droit de régler elles-mêmes toutes leurs affaires locales, y compris celui de remodeler leurs institutions suivant les circonstances, — nous croyons, disons-nous, que le gouvernement de Sa Majesté ne désire pas, pour des motifs d’intérêt purement im périal, imposer le projet de confédération aux Provinces. Eu effet, nous ne voyons pas quel but le gouvernement impérial, en le supposant désireux de maintenir la connexion entre les colonies et la mère-patrie, pourrait atteindre au moyen d’une union fédérale, accomplie sans le consentement du peuple de ces colonies ou contrairement à ses voeux. S’il ètmt prouvé que le peuple de cette province, loin d’avoir consenti au changement radical, dans ses institutions et dans ses rapports avec les autres colonies et avec l’empire, que ce projet de confédération va opérer, n’a jamais eu une seule occa sion de porter un jugement sur cette question, les égards dus à ses justes droits et tous les principes d’une saine politique sembleraient exiger que le gouvernement impérial différât de pren dre une résolution définitive. Si la me sure est bonne et que le peuple. lui soit réellement favorable, un délai d’un an pendant lequel l’opinion publique se fera connaître d’une manière constitutionnelle, ne peut avoir aucune con séquence funeste ; tandis que si on l’adopte maintenant, sans cette sanction de l’opinion publique, et que l’on découvre plus tard qu’elle est inacceptable pour la majorité du peuple de quelques-unes des Provinces, —ce qui, nous le croyons, arrivera certainement pour le Bas-Canada—il se produira iné vitablement une violente agitation, soit pour la rappeler ou pour d’autres chan gements constitutionnels, qui inaugurera une ère de trouble et da mécontente ment, préjudiciable au dernier degré aux intérêts des différentes provinces et très embarrassante pour les hommes d’état de l’empire.
Nous avons dit que le peuple de cette province n’a jamais eu occasion da se prononcer sur le projet de confédération ; à l’appui de cet avancé nous allons in diquer les phases par lesquelles la ques tion a passé avant d’en arriver à son état actuel.
De temps à autre, depuis assez long temps, des hommes et des écrivains publics ayant plus ou moins d’importance, tant dans les colonies qu’en Angleterre,
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ont suggéré l’union des provinces de l’Amérique Britannique du Nord ; mais aucun des hommes publics du Canada ne jugea à propos d’adopter une démarche officielle pour arriver à cette union avant 1859. Au commencement de cette année-là, MM. Cartier, Ross et Galt, pendant qu’ils étaient en Angle terre pour affaires publiques, adressèrent au Secrétaire des Colonies une dépêche recommandant une union fédérale de toutes les Provinces Britanniques de l’Amérique du Nord, comme un moyen de régler les difficultés sectionnelles du Haut et du Bas-Canada sous l’union actuelle au sujet de la représentation. La question ne fut pas cependant sou mise au Parlement après le retour en Canada des signataires de la dépêche, ni pendant tout le temps, jusqu’en 1862, que l’administration dont ils faisaient partie demeura au pouvoir.
M. John A. McDonald, alors comme aujourd’hui chef du parti conservateur du Haut-Canada, et le chef réel de l’administration, était ouvertement opposé a ce que le principe fédéral fût appliqué soit à toutes les provinces, soit au Canada seul, jusqu’à l’époque de la crise ministérielle de juin 1864. M. Brown, chef du parti libéral haut-canadien, bien qu’en faveur d’une union fédérale entre les deux Canadas dans le cas où la représentation bâsée sur la population ne se rait pas concédée au Haut-Canada, était opposé à l’union fédérale de toutes les provinces.
Dans le Bas-Canada, les membres des deux partis politiques, sauf ça et là quelques exceptions individuelles, repoussaient toute proposition tendant à une union immédiate —soit législative ou fédérale — avec les provinces ma ritimes. La publication de la dé pêche dont nous avons déjà parlé fit condamner le projet d’une manière si générale, si prompte et si décidée, qu’à partir de 1859 jusqu’à la crise ministé rielle de 1864, le question de l’union des colonies n’influa nullement sur la politique du pays. Elle y fut rarement mentionnée dans le Parlement ou dans les journaux, et il n’en fut nullement question aux élections générales de 1861 et de 1863.
En 1863, le parlement actuel fut élu. Ni dans le Haut ni dans le Bas-Canada les candidats des partis politiques d’a lors ne manifestèrent l’intentiou de détruire le système constitutionnel exis tant, auquel le peuple était attaché. En réalité, plusieurs questions politi ques demandaient une solution ; mais avec un peu de patience de la part du peuple et d’habileté de la part des gouvernants il était facile de les régler. Il y avait eu, il est vrai, des erreurs et peut-être quelque chose de pire que des erreurs d’administration, il y avait eu des dépenses extravagantes ; disons qu’elles allaient même jusqu’à la prodigalité ; mais ces maux sont inhérents à toute forme de gouvernemént, et, avec des institutions représentatives, le peuple avait sons la main un remède qu’il aurait ap pliqué avec énergie s’il n’en avait pas été empêché par le mouvement extraor dinaire, qui fut adopté ponr changer la constitution et que nous allons avoir occasion d’expliquer. Les élections de 1863 se firent principalement sur les questions pratiques auxquelles nous venons de faire allusion.
Leur résultat fut une faible majorité en faveur du ministère libéral du jour, dont le plus pressant devoir était de rétablir les finances en faisant disparaître le désordre dans lequel les administra tions précédentes les avaient jetées. Cette majorité fat si faible que le mi nistère, nese sentant pas assez fort pour faire passer les mesures importantes de réforme dans les finances et l’adminis tration qu’il croyait nécessaires, résigna au commencement de la session de 1864. Ses adversaires remontèrent au pouvoir. Il n’y avait pas l’ombre d’une difficulté constitutionnelle. Per sonne ne songeait à des change ments constitutionnels. Un simple chan gement d’administration eut lieu alors. Mais, quelques semaines après, il s’éleva dans le comité des subsides un débat sur la conduite des ministres lors qu’ils étaient antérieurement en office.
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Cela conduisit à une résolution, pré sentée par l’opposition, condamnantspécialement l’un de leurs actes. Une mo tion ayant été faite le 14 juin 1864 pour que la chambre se formât en comité des subsides, il fut proposé en amendement:
« Qu’une humble adresse soit présentée à Son Excellence le Gourverneur-Général, lui représentant, qu’en juin 1859 des avances au montant de $100,000 furent faites, à même le trésor public, sans l’autorisation du parlement, pour le rachat de débentures de la cité de Montréal, lesquelles débentures étaient rachetables par la compagnie du chemin de-fer du Grand-Tronc ; que, par un ordre en conseil daté du 1er juin 1859, le receveur-général fut autorisé à racheter ces débentures au compte de la cité de Montréal, et à les retenir jusqu’à ce que le montant ainsi avancé ($100,000), avec l’intérêt à 6 pour cent, fût remboursé au gouvernement par la cité de Montréal, à la condition que la dite cité imposerait immédiatement les taxes nécessaires pour rencontrer la dette qu’elle avait contractée sous l’acte du fonds d’emprunt municipal, et que le montant ainsi avancé serait remboursé dans trois mois ; que la cité de Montréal ayant payé ce qu’elle devait sous l’acte du fonds d’emprunt municipal, les débentures en question ont été remises par le receveur-général au trésorier de la cité le 15 septembre 1859, et qu’en conséquence toute réclamation contre la cité de Montréal pour lu somme ainsi avancée a été abandonnée ; que par les instructions du ministre des finances d’alors, envoyées dans une lettre datée de Londres le 28 décembre 1859 et adressée à M. Reiffenstein, du département du receveur-général, le montant ainsi avancé a été transféré au débit des agents financiers de la province à Londres, qui nient avoir jamais consenti à se rendre responsables pour ce prêt ; et que, en conséquence des faits ci-dessus, cette chambre croirait manquer à son devoir si elle ne désapt prouvait hautement un crédit, ainsi fait sans autorisation, d’un montant considérable de l’argent public, et l’abandon subséquent des conditions stipulées par l’ordre en conseil en vertu dnt quel ce montant a été avancé.» Cette résolution fut considérée par les ministres comme une motion de non-confiance et fut adoptée à une majorité de deux voix. La résolution et la discussion qu’elle souleva avaient rapport seulement à des actes administratifs que le parlement avait le droit d’apprécier, et elle eut pour résultat de faire condamner les ministres par le parlement.
Une crise qui dura plusieurs jours suivit ce vote. Les ministres conseillèrent à Son Excellence le Gouverneur Général de dissoudre la chambre. Après uri long délai, et après quelque hésitation, l’on croit même que ce ne fut pas sans quelque répugnance, Son Excellence adopta finalement cet avis. Cependant il répugnait évidemment aux ministres de recourir à une dissolution à propos de la question soule vée par la résolution du 14 juin, par ce que les élections devaient dans ce cas rouler entièrement sur leur ad ministration antérieure des finances, qui avait créé un sentiment profond et général de mécontentement. Afin d’empêcher un appel au peuple sur une question aussi défavorable, et afin d’échapper en même temps aux conséquences de la condamnation formelle que le parlement venait de prononcer, les ministres entamèrent avec M. Brown, l’un des chefs de l’opposition du Haut-Canada, des négociations pour former une coalition haut-canadienne. Ces négociations eurent pour résultat de faire monter au pouvoir M. Brown et deux de ses amis, — sans aucun change ment dans le personnel de la section bas-canadienne du cabinet. Cette réhabilitation d’une administration défaite et condamnée s’accomplit au moyen d’une convention par laquel le on devait, pendant la vacance parlementaire, tâcher d’obtenir le con sentement des provinces maritimes à une union fédérale de toutes les colo-
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nies, et, si l’on n’y réussissait avant l’ou verture du parlement canadien en janvier suivant, l’on devait soumettre alors un plan d’union fédérale applicable aux deux Canadas seulement.
Ainsi se forma entre des hommes qui, pendant des années, avaient entretenu de violents ressentiments politiques et personnels, une coalition dont le but était de faire adopter — soit une mesure à laquelle les deux partis avaient été opposés auparavant,—soit, dans le cas probable ou l’on ne réussi rait pas, une autre mesure, à laquelle l’un des partis était encore plus opposé qu’à la première, car MM. McDonald et Cartier n’avaient cessé de dénoncer avec dérision et mépris le projet d’une union fédérale des deux Canadas seuls.
Mais, maintenant, pour obtenir l’appui d’une partie de leurs adversaires politiques, et par là éviter une dissolution dont ils prévoyaient clairement que le résultat serait la défaite désastreuse de leur parti et la ratification par le pays de la condamnation que le parlement venait de prononcer contre eux, ces mê mes gommes adoptèrent le projet de confédération comme le leur et se déclarèrent prêts, comme ils le sont encore maintenant, à le faire adopter sans même consulter le peuple, s’ils pouvaient seulement obtenir l’assentiment d’un parlement élu, sans aucun rapport à ces changements constitutionnels.
Il est juste que nous référions main tenant à des procédés auxquels l’on a quelquefois voulu attribuer une grande importance, mais qui, suivant nous, n’ont exercé aucune influence appréciable sur le cours des événements. Nous fesons allusion au comité de le Chambre d’Assemblée quia été nommé, dans la session de 1864, sur la proposition de M. Brown, pour faire une enquête sur les sujets mentionnés dans la correspondance de MM. Cartier, Galt et Ross au ministre des colonies en 1859, et au rapport de ce comité, qui était conçu dans les termes suivants : « Le comité s’est assemblé huit fois et s’est efforcé de trouver un moyen de résoudre les difficultés actuelles, qui pourrait satisfaire les deux sections de la province. L’on a trouvé qu’il existait parmi les membres du comité un sentiment prononcé en faveur de changements dans le sens d’un système fédéral, qui serait adapté soit au Canada seul, ou à toutes les provinces de l’Amérique Britannique du Nord ; et le progrès fait par le comité l’autorise à recommander que le sujet soit de nouveau référé à un comité à la prochaine session du parlement.»
La Chambre n’adopta aucun procédé sur ce rapport, qui fut regardé par tout le monde comme n’étant, ainsi que ses termes l’indiquent, qu’un simple préliminaire à une enquête ultérieure et à une plus ample discussion. Mais, quel que faible que fût l’allusion dans ce rapport à la possibilité d’adooter un «système fédéral,» M. John A. McDonald s’y opposa. M. McDonald était alors comme il l’est encore aujour d’hui le leader dans la chambre , et cependant il cherche maintenant à imposer un «gouvernement fédéral» aux habitants du pays, sans s’assurer auparavant, en la seule manière reconnue par la constitution, s’ils partagent ses vues actuelles, ou s’ils s’entiennent à celles qu’il a invariablement exprimées sur ce sujet jusqu’à la crise ministérielle de 1864.
Le cabinet canadien ayant été ainsi reconstitué, l’on crut qu’avant d’entrer en négociation avec les provinces ma ritimes pour les unir au Canada il fal lait faire manquer, ou du moins faire remettre le projet d’une union législative entre la Nouvelle-Ecosse, le Nouveau-Brunswick et l’Isle du Prince Edouard, dont les gouvernements et les législatures de ces trois provinces, avec l’assentiment du gouvernement de Sa Majesté, s’étaient déjà occupés. En cela les ministres canadiens réussirent. Nous croyons qu’il est regrettable que l’on n’ait pas suivi une marche différen te, car l’union de ces trois petites provinces, dont deux sont conligiies et la troisième n’est séparée du continent que par un bras de mer étroit, ayant
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des populations homogènes, les mêmes lois et les mêmes institutions, si elle avait pu être accomplie à des conditions ac ceptables, semblerait être désirable, soit que l’on considère ou non leur union définitive avec le Canada, pendant que, dans la prévision d’une telle union, la consolidation de ces trois provinces obvierait à bien des difficultés, et permettrait d’adopter un système de gouverneraient beaucoup moins compli qué et moins dispendieux que celui qui serait nécessaire si elles entraient dans la confédération proposée, comme au tant de provinces séparées. Cependant, nos ministres, dans leur hâte d’accomplir en quelques semaines ce qui, pour être bien fait, aurait dû prendre des années, ont rejeté toutes ces consi dérations et ont persuadé aux représen tants des trois provinces, qui étaient assemblés à Charlotte-Town, envseptembre 1864, qu’ils devaient abandonner l’objet pour lequel ils avaient été choi sis, jusqu’à ce que des délégués de toutes les provinces pussent se réunir en conférence, pour prendre en considéra tion la question d’une union générale.
Il est peut-être possible d’inférer des conditions auxquelles M. Brown est entré dans l’administration le motif des procédés extraordinaires du gouvernement canadien. Il faut se rappeler que M. Brown avait stipulé que, dans le cas où les provinces maritimes ne consentiraient pas à un plan d’union générale avant la prochaine session du Parlement du Canada, le gouvernement serait tenu de soumettre une mesure pour appliquer le système fédéral au Canada seul, projet auquel les collègues conservateurs de M. Brown avaient tou jours été fortement opposés. Quoiqu’ils se fussent obligés de proposer cette mesure, sous une certaine condition, ils dé siraient tout naturellement que la condi tion sous laquelle ils devaient le faire n’arrivât pas. De là l’anxiété avec laquel le ils cherchèrent à obtenir quelque chose qu’ils pussent offrir comme preuve de l’assentiment des provinces maritimes au projet de confédération, et de là leur motif, tout à fait insuffisant suivant nous, pour arrêter le mouvement dont le progrès fesait déjà croire à la possibilité d’une union prochaine des provinces maritimes entr’elles.
Des délégués nommés par les gouvernements des différentes provinces, mais sans avoir auparavant obtenu l’autorisation du parlement de ces provinces, s’assemblèrent à Québec, en octobre 1864, et après quelques jours de délibération à huis-clos adoptèrent une série de soixante-et-douze résolutions que l’on a désignée depuis comme le projet de confédération de Québec. Ces résolutions devaient, lorsqu’el les auraient été approuvées par les diverses législatures provinciales, former la base d’un acte du Parlement Impérial qui remplacerait les constitutions actuelles des différentes provinces. Le parlement canadien s’assembla dans le mois de janvier suivant, et le gouvernement lui demanda d’adopter une adresse à Sa Majesté sollicitant un acte du Parlement Impérial, fondé sur les résolutions de la confé rence de Québec, sans avoir jamais pris en considération ces résolutions en comité, et sans les avoir adoptées séparément. L’on objecta, mais en vain, à ce procédé comme tout-à-fait contraire aux usages parlementaires, tant en Angleterre que dans ce pays ; mais, ce n’est pas tout : afin d’empêcher plus efficace ment l’examen des détails, le gouvernement proposa la question préalable. Pendant que cette adresse était discutée en Parlement , il y eut dans le Bas-Canada de nombreuses assemblées, et des pétitions demandant que le projet de confédération ne fût pas adopté sans un appel au people arrivaient en grand nombre au Parlement, quand l’on apprit le résultat des élections générales dans le Nouveau-Brunswick. Comme le peuple de cette province avait rendu un verdict écra sant contre le projet, il devenait extrêmement improbable qu’il pût être adopté pendant l’existence du parlement cana dien actuel et l’agitation populaire dans le Bas-Canada dut conséquemment cesser. Malgré le rejet emphatique du
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projet par le peuple du Nouveau-Brunswick, les ministres canadiens hâtèrent le vote, et, quoiqu’il y eût une grande majorité de toute la Chambre en faveur de l’adresse, une forte mijorité des dé putés du Bas-Canada vota contre. Le vote des représentants du Bas-Canada sur la question principale fut de 37 pour et 25 contre l’adresse, tandis que, sur des propositions subséquentes ayant rapport à l’appel au peuple, plu sieurs des membres qui composaient cette majorité votèrent avec la minorité.
La minorité aurait infailliblement rallié à ses idées une majorité de la repré sentation si le gouvernement n’eûl pas retenu un certain nombre de ses partisans par des promesses de faveurs toutes spéciales et se rapportant à des intérêts particuliers et sectionnels faites hors du parlement aux représen tants de ces intérêts. Pour démontrer que cette assertion n’est pas avancée à la légère, nous allons mentionner certains faits qui sont, croyons-nous, sajis antécédents dans l’histoire parle mentaire de la Grande-Bretagne ou de ses colonies.
Un malaise assez considérable se fai sait sentir parmi la population anglaise du Bas-Canada, relativement à une foule de questions importantes, qui surgiraient de sa position probable sous la confédération , et de la séparation politi que du Haut et du Bas-Canada. Ce malaise était partagé par ses représentants au parlement, et il de vint nécessaire de le faire cesser pour s’assurer leurs votes en faveur du projet. Le deux mars, pendant que la discussion sur la confédération se continnait plusieurs de ces représentants entrèrent en pourparlers avec M. Galt, qu’ils regardaient comme le ministre chargé de leurs intérêts dans le cabinet, touchant certaines garanties qu’ils désiraient faire introduire dans la constitution locale du Bas-Canada et qu’ils voulaient s’as surer en obtenant la promesse du cabinet ; il faut remarquer que la constitution locale pour le Bas-Canada n’avait pas encore été soumise à la considération des chambres et que de fait elle ne devait l’être qu’à la session suivante. Le 7 de mars, trois jours seulement avant le vote, M. Galt prit sur lui d’adresser une lettre à ces messieurs eu réponse à une lettre de leur part datée le 2 mars, par laquelle il promettait au nom du gouvernement
1° Qu’il y aurait dans la constitution locale une clause garantissant que nul changement ne pourrait être fait dans les limites des divisions électorales repré sentées par des députés parlant l’anglais, sans le consentement des deux tiers des représentants de telles divisions électorales.
2° Qu’il n’y aurait aucun change ment dans les limites des municipalités renfermées dans ces divisions électorales, excepté en vertu de la loi générale des municipalités du Bas-Canada.
3° Que différents changements se raient faits dans les lois d’éducation du Bas-Canada dans les intérêts de la minorité protestante.
4° Que le consentement du gouveruement serait donné pour l’achat par les municipalités de comté ou de township des terres de la couronne non con cédées dans les limites de ces municipalités.
Ces promesses, parait – il , furent jugées satisfaisantes par les membres du parlement auxquels elles étaient faites, puisque tous ceux d’entr’eux qui étaient présents votérent pour le plan du gouvernement j tandis que si leurs votes avaient été donnés dans l’autre sens, comme il est permis de croire qu’ils l’auraient été sans ces promesses ainsi faites secrè tement et privément (sans doute de crainte que, si elles avaient été faites en parlement, elles auraient éveillé d’autres intérêts et nécessité de nouvelles concessions), la mesure du gouvernement aurait été rejetée par une majorité des représentants du Bas-Canada. Ce cu rieux épisode donna lieu à des conséquences non moins curieuses.
Pendant la dernière session du parle ment, le gouvernement abandonna une mesure qui devait remplir la plus importante de ces promesses, celle relative
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aux lois des écoles du Bas-Canada. Ceci amena la résignation de M. Galt, qui déclara pourtant, en même temps, que ses collègues avaient raison d’abandonner cette mesure, quoiqu’ils se fussent également liés avec lui à la supporter comme une partie intégrante de leur projet de confédération qui, comme nous l’avons montré, eût été perdu sans cette promesse que le gouvernement a refusé de tenir.
Le gouvernement du Nouveau-Brunswick, appréciant comme il devait le faire les droits du people, crut devoir dissoudre le parlement avant de lui demander son approbation des resolutions de la conference de Québec. Le résultat de cette démarche fut qu’une majorité écrasante oppose au projet remplaça le precedent parlement. Le printemps dernier une autre dissolution du parlement eut lieu au Nouveau-Brunswick. Un gouvernement favorable à la confederation venait de se former, et, comme on l’a dit dans le temps, par l’usage indu de l’influence de la couronne et encore plus en induisant, le people à croire sa loyauté en jeu, ou réussit à s’assurer l’élection d’une majorité favorable au principe general de la confederation. Le projet de Québec, néanmoins, ne fut pas accepté par le people du Nouveau-Brunswick dans cette election, car Presque tous les candidats du Gouvernement, y compris les members du Gouvernement eux-mêmes, furent forces de declarer qu’ils désapprouvaient ce projet, ou quelques-unes de ses parties les plus importantes. Quand le nouveau parlement se réunit, le cabinet n’osa pas soumettre le projet de Québec, pas même comme base d’une union quelconque, mais il se contenta de proposer une adresse à Sa Majesté, en termes généraux, en faveur de l’union des provinces.
Le gouvernement de la Nouvelle-Ecosse ne jugea pas à propos de dissoudre le parlement, mais il n’osa pas non plus demander dans la session de 1865 l’approbation des resolutions de Québec. Dans la session de 1866, on adopta une adresse à Sa Majesté exprimant en termes généraux une tendance à l’union fédérale des provinces, mais évitant avec soin toute expression favorable au plan de Québec. On conçoit aisément qu’une telle conduit n’a été tenue que parce qu’on sentait que toute proposition tendant à approuver ce plan n’aurait jamais pu rencontrer l’assentiment d’une majorité de la Chambre d’Assemblée. L’Isle du Prince Edouard rejeta expressément et sans equivoque le projet de Québec et elle n’a pas encore témoigné le désir ni la volonté de faire partie d’une confederation Générale sur quelques bâses que ce soit. Quant à Terreneuve, quoique des élections générales aient eu lieu dans cette province depuis la conference de Québec, les resolutions de cette conference n’ont jamais été approuvées par la legislature, et aucune démarche semblable à celles prises par la Nouvelle-Ecosse ou le Nouveau-Brunswick, tendant à une union sur d’autres bases, n’a été adoptee. On peut donc croire qu’il ne sera pas question de comprendre les Isles du Prince-Edouard et de Terreneuve dans le plan de confederation qui sera soumis au parlement imperial à sa prochaine session, et nous pouvons considerer la question comme n’affectant, pour le present du moins, que les provinces du Canada, du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Ecosse.
Que lest alors l’aspect actuel de la question? Les gouvernements du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Ecosse ont envoyé des délégués en Angleterre pour presser l’adoption d’une union, mais sur des bâses tontes différentes de celles de la conference de Québec. Le gouvernement canadien est sur le point d’envoyer des délégués à Londres pour obtenier un acte d’union, renfermant les principes mêmes consacrés à la conference de Québec. Les members du gouvernement canadien se sont engages, pas des promesses expresses et répétées, données de leurs sieges en parlement, à faire adopter un acte d’union qui soit conforme en tout point aux resolutions de Québec. Les members des gouvernements de la Nou-
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velle-Ecosse et du Nouveau-Brunswick, d’un autre côté, sont engagés à obtenir des modifications radicales au projet de Québec, avant de consentir à la consommation de l’union. Si le parlement impérial passe un acte adhérant stricte ment aux termes des résolutions de Québec, n’y a-t-il pas quelque danger que le désappointement de la Nouvelle-Ecosse et du Nouveau-Brunswick, qui verront leur confiance trompée, ne prenne bientôt les proportions d’un mécon tentement sérieux. D’un autre côté, si l’acte n’est pas strictement conforme aux résolutions de Québec, n’est-il pas à craindre également que le peuple du Canada, sous le coup du désappointe ment causé par le même abus de confiance, soit dès l’origine mécontent de la nouvelle forme de gouvernement? Les buts et les engagements contradictoires des différents gouvernements provinciaux, qui ne s’accordent que sur un point, le désir d’une union quelconque, mais-qui diffèrent essentiellement pour ce qui regarde les bâses de cette union, font voir d’une manière évidente, nqns osons l’affirmer avec respect, combien il serait impolitique de s’occuper de ce sujet pendant la prochaine session du Parlement Impérial. Le parlement actuel du Canada expire l’été prochain, celui de la Nouvelle-Ecosse au printemps. Nous croyons devoir demander au gou vernement impérial d’attendre les élections générales dans les deux provinces aux époques fixées par la loi. Les élections se feront nécessairement en vue de la confédération.
Ses avantages et ses désavantages, ainsi que les conditions auxquelles elle devrait être acceptée, si toutefois on la croit désirable, y seraient discutées à fond, et le résultat serait l’élection de parlements représentant les convictions arrêtées et réfléchies du éduple. Les décisions des parlements élus sous ces circonstances, dans le cas où ils seraient favorables à la confédération, auraient pour effet certain d’assurer le succès d’un système qui ne peut guère être envisagé que comme une expérience et qui devrait n’être essayé dans tous les cas que sous les circonstances les plus favorables ; tandisque, si ces parlements étaient opposés à la confédération, ce fait seul serait la meilleure preuve que notre demande est juste et raisonnable.
Nous nous sommes efforcés de prouver que l’initiative de ce projet de con fédération, et toutes les démarches subséquentes pour le faire adopter, sont dues aux exigences des partis ou même aux exigences personnelles des hommes publics du Canada, et non pas à un désir spontané et général du peuple de faire des changements radicaux dans ses institutions ou dans ses relations politiques. Nous nous sommes efforcés de prouver que dans aucun des parlements provinciaux les détails du projet n’ont été discutés de la manière dont on considère les clauses d’un bill; que le peuple du Canada et de la Nouvelle-Ecosse n’a pas eu l’occasion de se prononcer sur les principes et les détails de ce projet; et que dans le Nouveau-Brunswick, où des élections viennent d’avoir lieu, on ne peut pas dire que le peuple a approuvé le plan de Québec, le seul plan défini d’union qui soit maintenant sous cousideration.
Si l’on ne peut contredire l’exposé de la situation que nous venons de faire, l’argument pour le délai que nous proposons paraîtra irréfutable, quelque soit l’opinion que l’on entretienne sur la question de la confédération, ou sur le projet particulier à la conférence de Québec.
Nous croyons fermement que la confédération, sous quelque forme que oe soit, ne convient pas à l’état actuel des provinces, et qu’il y a des défauts si évidents et des contradictions si frappantes dans le projet de Québec qu’il ne serait jamais possible de ie produire, intégralement dans un acte du parlement conforme à l’esprit des institutions et de la législation an glaises. Nous nous abstenons, toute fois, de fatiguer Votre Seigneurie par des observations trop étendues soit sur la question en elle-même ou sur le
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projet de la conférence de Québec en particulier. Nous ne doutons pas que le but du gouvernement de Sa Majesté soit de donner effet aux désirs claire ment exprimés du peuple des provinces intéressées. Nous nous sommes efforcés de montrer que jamais le peuple de cette province n’avait exprmé son opinion sur les changements projetés et que conséquemment la question devait lui être soumise. Le véritable théâtre de la discussion d’ailleurs doit naturellement être parmi nous. Nous nous bornons donc à un protêt solennel contre toute précipitation dans cette affaire qui re garde les intérêts les plus importants et les plus chers de notre pays, contre toute décision irrévocable fondée sur des données inexactes ou douteuses.
Nous demandons à remettre la considération de cette question, non pas pour déjouer les vues de la majorité de nos compatriotes, mais pour empêcher qu’on ne les prenne par surprise et qu’on ne les entraîne malgré eux dans des changements politiques qui, quelque nuisi bles et contraires à leurs, intérêts qu’ils puissent être, ne pourraient être révoqués qu’au moyen d’une agitation que tout ami de son pays doit s’efforcer de détourner.
Nous avons l’honnetir d’être
De Votre Seigneurié
les très-obéissants serviteurs,
A.A. DORION
M. P. P. pour Hochelaga,
ci-devant Proc.-Gén. pour le Bas-Canada.
L. H. HOLTON,
M. P. P. pour Chateauguay,
ci-devant Ministre des Finances.
I. THIBAUDEAU
M. P. P. pour Québec Centre,
ci -devant Président du Conseil.
L.S. HUNTINGTON,
M. P. P. pour Shefford,
ci-devant Sol.-Gén. pour le Bas-Canada.
M. LAFRAMBOISE,
M. P. P. pour Bagot,
ci-devant ministre des Travaux Publics.
J.B.E. DORION,
M. P. P. pour Drummond et Arthabaska.
L. B. Caron,
M. P. P. pour l’Islet.
F. BOURASSA,
M. P. P. pour St. Jean.
L. LABRÈCHE-VIGER,
M. P. P. pour Terrebonne.
JAS. O’HALLORAN, C.R.
M. P. P. pour Missisquoi.
H.G. JOLY,
M. P. P. pour Lotbinière.
A. DUFRESNE,
M. P. P. pour Iberville.
MOE FORTIER,
M. P. P. pour Yamaska.
J. B. POULIOT,
M. P. P. pour Témiscouata.
A. H. PAQUET,
M. P. P. pour Berthier.
F. GEOFFRION,
M. P. P. pour Verchères.
JOSEPH PERRAULT,
M. P. P. pour Richelieu.
A. GAGNON,
M. P. P. pour CharlevoKk.
SIXTE COUPAL,
M., P. P. pour Napiervi
CHARLES LAJOIE,
M. P. P. pour St. Maurice.
M. HOUDE,
M. P. P. pour Maskinongé.