Canada, Débats de la Chambre des communes, « L’institution d’un comité mixte du Sénat et de la Chambre des communes », 32e parl, 1re sess (23 octobre 1980)
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Date: 1981-10-23
Par: Canada (Parlement)
Citation: Canada, Parlement, Débats de la Chambre des communes, 32e parl, 1re sess, 1981 à 3979-4053.
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LA CONSTITUTION
L’INSTITUTION D’UN COMITÉ SPÉCIAL MIXTE DU SÉNAT ET DE
LA CHAMBRE DES COMMUNES
La Chambre reprend l’étude, interrompue le mardi 21 octobre,
de la motion du ministre de la Justice et ministre d’État
chargé du développement social (M. Chrétien):
Qu’un comité apécial mixte du Sénat et de la Chambre des communes soit
institué pour examiner le document intitulé «Projet de résolution portant adresse
commune à Sa Majesté la Reine concernant la Constitution du Canadan, publié
par le gouvernement le 2 octobre 1980. faire rapport sur la question. et faire des
recommandations dans son rapport quant à l’opportunité, pour les deux Chambres
du Parlement, de présenter à Sa Majesté cette adresse, modifiée, le cas
échéant, par le Comité;
Que la Chambre des communes désigne, dans les trois jours de séance qui
suivent l’adoption de cette motion, quinze députés pour la représenter au sein du
comité spécial mixte;
Que le comité soit autorisé à choisir parmi ses membres ceux qui feront partie
des sous-comités qu’il peut estimer opportuns ou nécessaires et à déléguer à ces
sous-comités tout ou partie de ses pouvoirs sauf celui de faire rapport directement
à la Chambre;
Que le comité ait le pouvoir de siéger pendant les séances et les ajournements
de la Chambre des communes;
Que le comité soit autorisé à convoquer des personnes, à exiger la production
de documents et pièces, à interroger des témoins et à faire imprimer au jour le
jour les documents et témoignages qu’il juge à propos;
Que le comité fasse rapport au plus tard le 9 décembre 1980;
Que le quorum du comité soit fixé à douze membres, à condition que les deux
Chambres soient représentées pour les votes, résolutions ou autres décisions, et
que les coprésidents soient autorisés à tenir des réunions, recevoir des témoigna.
ges et en autoriser l’impression lorsqu’au moins six membres sont présents, à
condition que les deux Chambres soient représentées; et
Roche
Rose
Sargeant
Schellenherger
Scott
(Hamilton-Wentworth)
Scott
(Victoria-Haliburton)
Shields
Siddon
Skelly
Speyer
Stewart
Taylor
Thacker
Thomson
Towers
Vankoughnet
Waddell
Wenman
Wilson
Wright
Young
Yurko-l1 12.
3979
La constitution
Qu’un message soit envoyé au Sénat l’invitant à se joindre à la Chambre aux
fins énumérées ci-dessus, et à désigner, si la chose lui paraît souhaitable, certains
de ses membres pour faire partie de ce comité spécial mixte.
Mme le Président: Mardi dernier, le 21 octobre 1980, alors
que la Chambre étudiait l’article 18 de l’ordre du jour, inscrit
au nom du gouvernement, traitant de la constitution du
Canada, le député du Yukon (M. Nielsen) a proposé un
amendement que la présidence a pris en délibération. Je vais le
lire à l’intention des députés.
Que l’on modifie la motion dont la Chambre est actuellement saisie en y
ajoutant ce qui suit après le sixième paragraphe:
Nonobstant le Règlement ou les usages de l’une ou l’autre des deux Chambres
du Parlement, le comité sera habilité à présenter un rapport minoritaire en sus
de son rapport principal; tout rapport signé par trois membres du comité ou plus
sera déposé par le comité à titre de rapport minoritaire.
La présidence a de graves réserves quant à l’admissibilité de
cette motion sur le plan de la procédure.
Premièrement, l’amendement vise à modifier les pouvoirs du
comité que l’on cherche à instituer en lui conférant des pouvoirs
qui ne sont pas prévus par le Règlement ou les usages
actuels de la Chambre. La présentation, par les comités, de
rapports minoritaires à la Chambre ne fait pas partie de nos
usages parlementaires. C’est exactement ce que M. l’Orateur
Lamoureux a dit lorsqu’il a rendu sa décision le 16 mars 1972,
en s’appuyant sur le commentaire n° 319 de Beauchesne, 4,
Edition, que je n’ai sans doute pas besoin de répéter ici.
J’ajouterai que le commentaire n° 641 de Beauchesne, 5e
édition, comporte la même disposition.
Si l’amendement que le député a présenté était accepté, il
modifierait vraiment notre Règlement d’une façon indirecte.
Les députés le savent, le Règlement ne peut être modifié que si
la Chambre y consent à l’unanimité ou qu’après la présentation
d’une motion de fond comportant un préavis de 48 heures.
Je ne saurais donc accepter l’amendement du député.
M. Dick: C’est là une excellente décision libérale.
M. Fred McCain (Carleton-Charlotte): Monsieur l’Orateur,
ma circonscription est située dans la région du Canada que
l’on peut appeler à juste titre comme le berceau de la confédération.
C’est en quelque sorte une annexe de Charlottetown.
C’est dans ce berceau qu’est née l’idée de la confédération et
que quatre pays indépendants ont renoncé à leur indépendance
dans le cadre de la confédération pour faire partie d’une
équipe plus grande.
Ils ont renoncé à leur indépendance en faveur d’une formule
qui établissait le principe de l’égalité entre tous les premiers
ministres du Canada; on en compte 11 actuellement. Selon la
coutume établie depuis le début de la confédération jusqu’à ce
que le premier ministre actuel (M. Trudeau) accède au pouvoir,
les premiers ministres, y compris le premier ministre du
Canada, sont appelés à tour de rôle à assumer le présidence.
Or, le premier ministre actuel a choisi de dominer les différentes
rencontres des premiers ministres du Canada. Il s’est
imposé à ses homologues non pas comme l’un de leurs pairs
mais comme un suzeran au-dessus de ses vassaux. Dans un tel
climat, comment l’esprit de la confédération pourrait-il régner
et l’unité survivre.
Des voix: Bravo!
0 (1620)
M. McCain: Le Canada a longtemps compté deux partis
concurrents. L’un d’eux était le parti libéral. C’était un grand
parti qui a connu bien des succès sur la scène politique
canadienne car il tenait bien ceux de ses membres qui formaient
le gouvernement. Ce gouvernement a cependant
échappé à la sage emprise de son parti.
Des voix: Bravo!
M. McCain: S’il y a un député qui ne me croit pas, qu’il lise
les pages de l’histoire politique du Canada d’une couverture à
l’autre. Qu’il y passe quelques mois, comme je l’ai fait, négligeant
les problèmes de ma circonscription et mes devoirs
envers mes électeurs, pour consacrer tout mon temps à la
constitution du Canada.
Je regrette que le secrétaire parlementaire du président du
Conseil privé (M. Collenette) ait dit que quelqu’un m’a donné
ce discours pour que je le prononce à la Chambre. C’est
peut-être ainsi que cela marche dans son parti, monsieur
l’Orateur, mais ce n’est certes pas ainsi que nous procédons,
mes collègues et moi.
Des voix: Bravo!
M. McCain: Il n’y a eu aucune pression, aucune suggestion
au sujet de ce qu’il fallait dire ou ne pas dire, et cela s’applique
à moi autant qu’aux autres en ce moment si crucial du débat.
Je suis fier de pouvoir me porter ici à la défense du Canada.
J’ai chanté O Canada avec une ferveur que je n’avais jamais
ressentie auparavant.
Des voix: Bravo!
Une voix: Pas un seul libéral ne s’est levé!
M. McCain: Jamais auparavant je n’avais ressenti aussi
profondément les mots «Protégera nos foyers et nos droits»
qu’en ce moment et pendant que je chantais O Canada à la
Chambre.
Des voix: Bravo!
M. McCain: J’ai observé chacun des députés de l’Atlantique
pendant qu’ils votaient au mépris de leur région qui a vu naître
la Confédération et qui l’a chérie. Je pense avoir entendu les
Pères de la Confédération se retourner dans leur tombe dans
toute la région de l’Atlantique pendant que ces gens, qui n’ont
pas mesuré les conséquences de ce qui se fait aujourd’hui, se
levaient pour appuyer la motion de clôture. Monsieur l’Orateur,
c’est un manquement inadmissible à leurs devoirs et
j’espère que lorsqu’ils rentreront chez eux, surtout ceux de
Terre-Neuve, leurs électeurs leur réserveront l’accueil qu’ils
méritent.
Des voix: Bravo!
M. McCain: Ils ont rejeté l’opinion de tous les législateurs,
indépendamment du fait qu’ils appuient ou non les vues de M.
Peckford selon lesquelles Terre-Neuve devrait contrôler ses
ressources tant terrestres que sous-marines et obtenir le libre
passage de ses ressources renouvelables exportées vers les
marchés de son choix. Tous les députés de Terre-Neuve
appuient cette position, et le vote auquel nous venons d’assister
ne peut être interprété autrement que comme un rejet de cette
même position. Car, ne nous leurrons pas, si les porte-parole
du gouvernement se sont engagés ici au sujet de la propriété
des ressources, les restrictions qui seront imposées dans les
propositions constitutionnelles et la fielleuse entente intervenue
entre le NPD et le parti libéral enlèvent toute importance
réelle à la propriété des ressources parce que le contrôle de ces
dernières passe d’entités indépendantes au gouvernement du
Canada.
3980 DÉBATS DES COMMUNES 23 octobre 1980
La constitution
Des voix: Bravo!
M. McCain: Je veux simplement vous expliquer, à vous,
députés de l’Atlantique, ce pour quoi vous avez voté et l’interprétation
à donner à ce document d’apparence inoffensive qui
renferme des pouvoirs allant bien au-delà de l’entendement de
l’honorable secrétaire parlementaire et du président du Conseil
privé.
Le Canada est en danger. Il n’y a pas d’autres mots pour
décrire la situation. Je suis de cet avis, non parce que mon
parti me l’a dicté, mais parce mon parti et moi partageons
exactement le même point de vue. Certains de mes électeurs
m’ont déconseillé d’adopter cette position, parce que les masses
du Canada ne comprennent pas encore toute la portée des
différents articles de la résolution. Les gens ne comprennent
pas que le Canada sera désormais gouverné par les tribunaux
et non par les lois du pays, que les droits de chacun pourraient
être menacés par ces tribunaux et que la seule façon de l’éviter
consistera, non à adopter une loi, mais à faire modifier la
constitution.
Comment une personne croyant à la démocratie peut-elle,
en toute honnêteté, voter sans comprendre les conséquences
possibles d’un tel vote? La faiblesse de la position du gouvernement
est évidente si l’on considère que pas un seul député
libéral n’a présenté à la Chambre un seul argument en faveur
du document dons nous sommes saisis. Ils nous ont décoché
des traits, ils ont manifesté de la colère, comme le ministre de
la Justice (M. Chrétien) l’a fait hier, une colère parfaitement
jouée et orchestrée pour lui donner toute la publicité qu’il
souhaitait. C’était là une conduite indigne d’un parlementaire,
surtout quand elle nous vient d’un ministre de la Couronne
détenant un tel portefeuille.
Des voix: Bravo!
M. McCain: J’ai écouté avec beaucoup d’attention de nombreux
discours, j’en ai lu d’autres, mais je n’y ai pas trouvé un
seul argument en faveur d’une clause, d’un mot, d’une expression.
Ils disaient tous que c’était très bien ainsi.
Le gouvernement craint maintenant que l’enrobage de la
pilule ne se dissolve et que les gens intelligents du Canada ne
commencent à propager l’amère vérité. C’était une opération
de camouflage, de diffusion de renseignements fallacieux dont
la promotion était assurée tant par certains orateurs à la
Chambre que par une campagne de propagande de 30 millions
de dollars disant aux gens: «Nous travaillons pour vous, que
Dieu vous bénisse, vous êtes en bonnes mains». Les gens ne
savent pas grand-chose de ce qui se passe. Mais le gouvernement
se rend compte maintenant que le temps ne travaille pas
en sa faveur parce qu’il y a un changement très net dans
l’opinion publique. Moi-même et d’autres députés, jouant dans
une certaine mesure notre avenir politique, mais reconnaissant
que les principes sont plus importants que le succès politique
individuel, avons adopté cette position que tous les sondages
ont déclarée impopulaire. Mais nous avons en fait choisi la
voie de la raison, et c’est la raison et le droit qui l’emporteront,
monsieur l’Orateur.
Des voix: Bravo!
M. McCain: Pourquoi cette hâte? J’aimerais bien savoir
quelle est l’importance du temps lorsque nous discutons de
cette question. Pourquoi doit-on limiter le débat sur un sujet
qui revêt une telle importance pour notre pays quand le temps
que nous y consacrons, quand la décision que nous prendrons
auront une valeur éternelle puisqu’ils passeront à l’Histoire?
Quel argument peut-on invoquer pour justifier la clôture?
Dans l’intérêt d’un Canada heureux, prospère et harmonieux,
je lance un appel à la raison, je voudrais que les esprits se
calment pour que la raison règne et que notre constitution
renferme ce dont nous avons vraiment besoin. J’appuie les
droits de la personne et tout le reste, et que personne ne s’avise
de dire le contraire. Aussi, pour que nous disposions de plus de
temps, je prie la Chambre d’accepter la motion suivante que je
propose avec l’appui du député de Nepean-Carleton (M.
Baker):
Que la motion soit modifiée par la suppression du sixième paragraphe et la
substitution de ce qui suit:
«Que le comité fasse rapport au plus tard le 12 février 1981; que le comité soit
autorisé à se déplacer d’un endroit à l’autre du Canada; que le comité soit
habilité à retenir les services de conseillers pour l’aider dans ses travaux et qu’il
soit également habilité à retenir les services, jugés nécessaires, d’experts et de
personnel de secrétariat.
Des voix: Bravo!
M. McCain: Je propose cette motion en reconnaissance du
fait qu’il y a des gens qui ont passé leur vie à étudier l’histoire
constitutionnelle, les procédures constitutionnelles, les possibilités
constitutionnelles et les conséquences de l’adoption hâtive
d’une constitution dans d’autres domaines. Je la propose en
reconnaissance aussi du fait que nous ne saurions élaborer une
constitution sous la menace de délais et de limites de temps.
Avant qu’elle n’ait force de loi ou qu’elle ne soit présentée au
Parlement du Royaume-Uni, elle devra bénéficier de la collaboration
des spécialistes les plus sages dans ce domaine, pour
la rédiger en termes immuables. On ne doit pas la rédiger à la
hâte, comme on l’a fait dans le bureau du premier ministre ou
dans d’autres somptueuses officines, sans en bien comprendre
toutes les conséquences.
e (1630)
Des voix: Bravo!
L’Orateur suppléant (M. Blaker): A l’ordre. A propos de la
motion proposée par le député de Carleton-Charlotte (M.
McCain), comme la chose pourrait se produire à nouveau au
cours des délibérations, je voudrais signaler, étant donné que
les dispositions de l’article 33 du Règlement s’appliquent
actuellement, je crois qu’il incombe à la présidence d’examiner
les amendements tels que celui qui vient d’être proposé et de
rendre une décision aussi rapidement que possible. Je propose
que le débat se poursuive et durant les quelques prochaines
minutes, une décision sera arrêtée.
23 octobre 1980 DÉBATS DES COMMUNES
3982DÉASDSCMUE23otbe18
La constitution
L’hon. William Rompkey (ministre du Revenu national):
Monsieur l’Orateur, je n’ai pas le temps de revenir sur toutes
les remarques du député de Carleton-Charlotte (M. McCain)
mais je voudrais parler d’une question particulière qui touche
ma circonscription de près. L’un dans l’autre, le député a dit
qu’en nous prononçant sur cette motion comme nous l’avons
fait aujourd’hui, les ministériels des provinces de l’Atlantique
et ceux de Terre-Neuve ont voté contre l’acheminement d’électricité
à travers le Québec jusqu’aux marchés. Je voudrais lui
signaler que le premier ministre (M. Trudeau) a déclaré
publiquement au cours de la conférence des premiers
ministres …
Des voix: Oh, oh!
M. Rompkey: … que le gouvernement fédéral était entièrement
favorable à ce que Terre-Neuve achemine son électricité
par le Québec à condition qu’il y ait des débouchés en conséquence.
Il est bien clair que cela ne concerne nullement ce
vote.
Des voix: Bravo, bravo!
M. Rompkey: Je voulais donc dire un mot de cette question
mais je voudrais aussi parler de la résolution dont nous
sommes saisis. C’est tout notre avenir qui est en jeu dans ce
débat. L’occasion nous est donnée de tracer les idéaux qui
façonneront notre mode de vie.
En 1867, nos ancêtres ont peut-être cru qu’ils créaient un
pays. Mais un pays ne saurait avoir la prétention d’être une
nation moderne et indépendante s’il ne dispose pas de sa
propre constitution qui fixe à tout jamais les droits des particuliers;
un pays moderne doit aussi pouvoir modifier sa Constitution.
C’est ce à quoi vise notre motion. Elle a pour objet
d’assurer que les Canadiens des quatres coins du pays jouissent
des mêmes libertés que les habitants de pays libres, que nos
concitoyens jouissent de leurs droits démocratiques légitimes;
qu’il n’existe pas dans notre pays de préjugés fondés sur la
race, l’origine nationale, la couleur, la religion, l’âge ou le sexe.
Notre motion vise à ce que les citoyens des minorités anglophones
ou francophones de toutes les provinces aient le droit
d’éduquer leurs enfants dans la langue de leur choix, à condition
bien entendu qu’il y ait un nombre qui le justifie; enfin
notre nation vise à ce que les droits à la mobilité permettent à
tous les citoyens de se déplacer librement d’une province à
l’autre pour s’y installer et y travailler.
Nos gens-je parle des habitants de Terre-Neuve et du
Labrador-où qu’ils vivent, d’où qu’ils viennent et quelle que
soit leur origine ethnique, n’ont jamais été confinés à une
région du pays en particulier. Ils ont toujours été libres d’aller
où la fortune leur souriait. Avant l’entrée de Terre-Neuve dans
la Confédération, les Terre-Neuviens sillonnaient les océans du
monde entier et voguaient vers différents pays étrangers en
quête de marchés. Ils ont ainsi connu beaucoup de pays qui, en
retour, reconnurent en eux des marins et des hommes
d’affaires.
Depuis leur entrée dans la Confédération, en 1949, les
Terre-Neuviens et les gens du Labrador sont allés dans tous les
coins du pays-à Fort McMurray, Toronto, Calgary et Galt.
Ils se sont établis un peu partout, ils ont élevé leurs familles et
fait carrière où ils élisaient domicile. Ils n’en sont pas moins
restés des Terre-Neuviens, mais ils sont devenus encore plus
Canadiens. Il est vrai que certains d’entre eux sont partis parce
qu’ils n’avaient pas le choix, bien à contre-coeur, mais d’autres
sont partis de leur propre gré. Certains d’entre eux ont décroché
les plus hauts postes du pays. Pourtant, les règlements
provinciaux actuels auraient certainement pour effet de forcer
les Terre-Neuviens à rester chez eux.
Si les Terres-Neuviens empêchaient les autres Canadiens de
venir s’établir chez eux, les autres provinces auraient certainement
le droit de leur refuser l’accès à leur territoire. Cette
politique aurait pour effet de balkaniser le pays, d’ériger des
murs, de restreindre les Canadiens à une seule région, ce qui
est manifestement inacceptable. Ce pays appartient à tous et
chacun d’entre nous; non pas une partie seulement, mais
l’ensemble du Canada. Nous devrions tous être libres de nous
déplacer et de nous installer dans n’importe quelle région.
M. Clark: Qui a rédigé ce discours?
M. Rompkey: Cette liberté doit être inscrite à jamais dans
notre constitution.
La proposition actuelle du gouvernement inscrit également
dans la constitution le principe de la péréquation. S’il est une
province qui a bénéficié de cette politique, c’est bien Terre-
Neuve et le Labrador. Il n’y a pas un habitant de Terre-Neuve
et du Labrador, pas un de nous de la région allant du Cap
Chidley au cap Race dont le sort ne soit pas meilleur du fait
qu’il soit maintenant Canadien. A l’heure actuelle, 60 p. 100
du budget provincial vient d’Ottawa. Bien entendu, cela ne
comprend pas les paiements de transfert individuels comme les
allocations familiales, les prestations d’assurance-chômage et
les pensions, qui servent à équilibrer la situation financière des
particuliers.
Les habitants des provinces veulent être en mesure de se
tenir debout grâce aux revenus tirés de l’exploitation de leurs
propres ressources. En attendant, ils ont le droit d’escompter
que les ressources du pays servent à maintenir les services
qu’ils reçoivent à un niveau acceptable, car le partage qui est le
principe fondamental de la confédération se concrétise par la
péréquation.
Le manque de logique du gouvernement de Terre-Neuve me
mystifie. En rejetant cette résolution, est-ce qu’il rejette la
péréquation? Il est indubitable qu’il rejette tout à fait la
mesure dont la Chambre est saisie. Nous savons qu’il a rejeté
l’offre du gouvernement fédéral de conserver toutes les recettes
que la province peut toucher de l’exploitation du pétrole. Je
n’arrive pas du tout à comprendre ce qu’il veut. En fait, c’est
probablement prononcer de beaux discours, faire cliqueter ses
armes, faire les manchettes des journaux, et se quereller avec
le gouvernement fédéral.
Je crois que les Terre-neuviens comprennent la nécessité
d’un gouvernement national fort. Ils sont conscients des avantages
qu’un tel gouvernement peut offrir; j’en ai énuméré
quelques-uns. Ils savent qui a fourni l’argent nécessaire à la
construction de la route trans-canadienne et des principaux
axes routiers qui sillonnent cette province. Ils savent qui a
construit les quais, les jetées et les navires de pêche. Les
Terre-neuviens savent qu’ils faut un gouvernement central fort,
un gouvernement capable d’aider ceux qui en ont besoin. C’est
pourquoi ils n’approuveront jamais la vision du premier ministre
Peckford. C’est pourquoi ils ne reconnaîtront jamais avec
lui que le gouvernement fédéral n’est que la créature des
provinces, lesquelles peuvent le changer ou le détruire à
volonté. C’est pourquoi nous ne ferons jamais nôtre la vision
qu’il partage avec le premier ministre Lévesque.
DÉBATS DES COMMUNES 3982 23 octobre 1980
DÉBATS DES CO MUNES
Car même s’il a tenté par la suite de s’en tirer, il s’est très
clairement rangé dans le camp de Lévesque lors de la conférence
des premiers ministres. Il a dit:
Il est dommage que le Canada tout entier n’ait pu assister au débat d’hier, alors
que vous-mêmes, monsieur le premier ministre, et M. Lévesque avez expliqué
plus clairement que je l’aie jamais entendu auparavant deux visions différentes
du Canada. Nonobstant la querelle de l’hydro-électricité, je dois faire mienne la
théorie mise de l’avant par M. Lévesque.
Voilà où le bât blesse; l’hydro-électricité est la plus grande
ressource dont nous disposons. En un mot, l’hydro-électricité
c’est l’avenir.
Comme le premier ministre Lévesque, le premier ministre
Peckford voudrait une Confédération de convenance. Il voudrait
que le gouvernement fédéral n’existe que lorsqu’il en a
besoin. Il souhaite que le gouvernement fédéral force le
Québec à accepter que l’électricité du bas Churchill traverse
son territoire. Dans ce cas particulier, il désire que le gouvernement
fédéral donne des ordres à une autre province; mais
dès qu’il s’agit des ressources sous-marines, plus question
d’intervention. Dans ce dernier cas, il voudrait couper tous les
liens afin que Terre-Neuve ne soit pas obligées d’apporter
quelque chose au reste du Canada. Il dit aux autres Canadiens:
«C’est vrai, vous avez dépensé des centaines de millions de
dollars pour favoriser le développement de la pêche. Bien sûr,
vous avez aidé financièrement les pêcheurs et les entreprises de
pêche; mais aujourd’hui, comme les compagnies font des bénéfices
et que les pêcheurs gagnent mieux leur vie, nous vous
demandons de nous laisser tranquilles pour que nous puissions
traiter et conditionner nous-mêmes les poissons que nous
pêchons à Terre-Neuve. Nous ne savons pas encore comment
distinguer un poisson de Terre-Neuve d’un poisson de Nouvelle-
Ecosse, mais nous trouverons bien un moyen. Merci pour
votre aide, Canadiens; ne nous rappelez pas, on vous
appellera.»
De la même façon, le gouvernement fédéral a joué un rôle
important dans l’exploitation des gisements de pétrole sousmarins.
Il ne fait aucun doute que ce sont en grande partie les
avantages fiscaux accordés par le gouvernement fédéral qui
ont permis d’amener les travaux de prospection au stade
actuel. Il est également certain que Petro-Canada, cette compagnie
pétrolière nationalisée dont les députés d’en face voulaient
se défaire, a énormément apporté à Terre-Neuve. En
fait, il n’est pas exagéré de dire que, s’il n’y avait pas eu la
participation directe et indirecte du gouvernement fédéral, il
n’y aurait pas de prospection dans les gisements sous-marins
de pétrole et de gaz; il n’y aurait pas d’Hibernia. D’après le
premier ministre Peckford, tout ce pétrole appartient à Terre-
Neuve, en dépit du fait que le pays entier en a besoin.
Autrement dit, il nous déclare: ne nous abandonnez pas quand
nous avons besoin de vous, mais laissez-nous la paix lorsque
vous avez besoin de nous. Par comparaison, Harpagon est un
ange.
0 (1640)
Aucun pays ne peut vivre d’expédients; le partage doit être
constant et non pas limité aux occasions où cela fait notre
affaire. Le Canada a besoin d’approvisionnements pétroliers
sûrs. Le pays qui a aidé et soutenu Terre-Neuve depuis 1949 a
maintenant besoin de notre aide et nous, en tant que province,
devrions réagir favorablement. Voilà la façon «canadienne» de
faire les choses, et cela pourrait résussir. Si le gouvernement
provincial pensait de façon canadienne et s’il était prêt à
La constitution
collaborer, cela pourrait marcher. Mais au lieu de cela, le
gouvernement fédéral doit sans cesse essuyer quolibets et
critiques.
Chaque jour, depuis l’édifice de la Confédération, à Saint-
Jean, le gouvernement fédéral est attaqué comme si les conservateurs
provinciaux pensaient que c’est là un bon moyen de se
gagner des appuis et des amis. Toutes les occasions sont bonnes
pour blâmer le gouvernement fédéral pour les maux de la
province. Tout ce qui va mal est imputé au gouvernement
fédéral. Et, pourtant, on s’attend à ce qu’il intervienne et
répare les pots cassés quand les choses vont mal. Et les choses
vont effectivement mal parce que le gouvernement provincial a
tout misé sur l’exploitation des ressources sous-marines. Tout
le reste est relégué à l’arrière-plan. Le chômage augmente, le
coût de la vie monte, l’industrie de la construction est au bord
du gouffre tandis que les autorités provinciales médusent la
population à coup de discours ronflants sur l’exploitation des
ressources sous-marines. Et ceci en dépit du fait qu’il nous
faudra bien des Hibernia pour réduire notre dépendance vis-àvis
des paiements de péréquation. Mais on ne peut mettre les
belles paroles en banque. Les beaux discours n’ont jamais mis
de beurre dans les épinards. Nos compatriotes veulent emplois
et prospérité pour eux-mêmes et leur province.
Je vais vous citer un passage d’une lettre récente de M. John
MacDonald de Paradise River, sur la côte du Labrador. Le
Labrador est traversé par le fleuve Churchill, vaste réservoir
hydro-électrique, dont le député de Carleton-Charlotte a déjà
parlé. M. Peckford dit vouloir aller de l’avant et amorcer ce
projet. Il veut un gouvernement fédéral fort qui puisse enjoindre
au Québec de laisser passer l’énergie hydro-électrique du
Labrador par son territoire. Il est en faveur de la mobilité de
l’énergie, mais contre celle des personnes. L’ennui, c’est qu’il a
trouvé le moyen d’en faire bénéficier les habitants de New
York mais non pas les habitants du Labrador. Ceux-ci se
rendent compte du danger que cette ressource, comme bien
d’autres, s’échappe de leur territoire sans leur rapporter grand
chose. Entre-temps, la situation au Labrador demande une
attention immédiate mais le gouvernement provincial ne fait
rien pour y remédier.
Je veux vous citer un passage d’une lettre de M. MacDonald
à un journal de Saint-Jean de Terre-Neuve. Voici:
Des habitants d’autres villages se plaignent de l’état de leurs routes. Quant à
nous, nous n’en avons même pas. Nous avons un sentier qui longe la rivière, et un
téléphone au village qui peut servir quatre heures par jour. Il est constamment en
dérangement. Nous n’avons aucun supermarché: nous devons nous débrouiller et
trouver un grossiste qui nous vendra nos provisions alimentaires en septembre
pour l’hiver. Les services médicaux sont dérisoires. Alors, M. Peckford, lorsque
assis à Saint-Jean vous réfléchissez et préparez votre prochain discours sur les
droits pétroliers, ayez une petite pensée pour les gens de la rivière Paradise.
Les gens du Labrador ne se laissent pas berner par la
rhétorique des politiciens provinciaux. Ils savent à quoi s’en
tenir. Ils savent que ces discours creux et ces grands gestes ne
sont que des écrans de fumée qui servent à cacher des conditions
déplorables que le gouvernement provincial ne cherche
aucunement à améliorer. Ce que nos gens veulent, ce ne sont
pas de belles paroles mais des emplois. Ils connaissent assez
bien le Canada pour savoir que cela ne peut se réaliser qu’avec
la collaboration d’un gouvernement fédéral fort. Leur expérience
de la Confédération leur a appris que tout est donnant
donnant. A chacun son tour de donner. L’essence même de la
Confédération, c’est justement le partage.
23 octobre 1980 30983
DÉASDE9OMUE834core18
La constitution
Le gouvernement fédéral a fait une offre honnête sur les
ressources sous-marines, mais le gouvernement provincial l’a
refusée sous prétexte que la propriété était la seule chose qui
comptait. Terre-Neuve a pourtant refusé de soumettre la
question à la Cour suprême, qui est le seul organisme habilité
à trancher les questions de propriété, tout en prétendant qu’elle
avait d’excellents arguments. Bien des gens estiment que le cas
de Terre-Neuve est spécial et unique en son genre. Mais seule
la Cour suprême peut trancher la question et le gouvernement
provincial refuse de l’en saisir. Il refuse de négocier. Il refuse
d’aller devant les tribunaux. Il préfère poursuivre sa rhétorique
et continuer à taper sur Ottawa. Certains continuent d’entretenir
un abominable sentiment anti-canadien dans notre province.
C’est ce qui est le plus triste, monsieur l’Orateur.
Partout, des groupes et des personnes essaient de balkaniser
le pays, de le morceler, d’élever des murs pour faire la séparation.
L’essence même du Canada est en péril.
Il y a dans ma province des personnes qui encourageraient le
nationalisme à outrance qu’elles savent avoir existé à Terre-
Neuve au moment de la confédération. En 1949 s’est tenu le
vote pour le Canada. Certains voulaient l’indépendance pour
Terre-Neuve, et ils avaient peur du Canada. Ce sentiment
trouvait son écho dans une chanson contre la confédération
dont la dernière ligne avertissait le «loup canadien» qu’il
n’approcherait qu’à ses risques et périls. Certains cherchent
aujourd’hui à alimenter le mythe du loup canadien, avec cette
variation qui invite le loup canadien à s’approcher quand
Terre-Neuve a besoin de lui, et seulement quand Terre-Neuve
le veut bien. La contestation et le conflit persistent donc à
Terre-Neuve, le conflit entre ceux qui sont pour et ceux qui
sont contre la confédération, entre ceux qui veulent un pays et
ceux qui en veulent dix, entre ceux qui partagent la vision
Trudeau et ceux qui partagent la vision Lévesque. Mais Terre-
Neuve et les Terre-Neuviens ont changé depuis la confédération.
En 1949, seulement 50 p. 100 ont voté pour le Canada.
Aujourd’hui une très forte majorité voterait pour le Canada,
car depuis ce temps-là, nous avons appris à connaître et à
estimer nos voisins canadiens. Depuis lors, nous sommes devenus
Canadiens.
Nous pouvons songer au passé avec nostalgie, mais cette loi
même nous permet d’envisager un avenir différent dont le
Canada ne peut être absent. Notre identité canadienne améliore
au lieu de dévaloriser notre identité terre-neuvienne.
Nous ne sommes certes pas obligés de choisir entre Terre-
Neuve ou le Canada, nous pouvons faire partie des deux à la
fois tout comme les Canadiens français ou les Canadiens de
l’Alberta. La force du Canada réside dans ses distinctions,
mais seulement quand celles-ci existent dans un climat d’harmonie
et d’unité.
Certains veulent mettre la culture de Terre-Neuve au rancart
et en faire une chose de musée. Ces gens veulent créer le
mythe du loup Canadien des temps modernes. Notre société
est forte parce qu’elle croît et évolue. Notre population est
forte parce qu’elle est non seulement terre-neuvienne mais
également canadienne. Voilà pourquoi je suis scandalisé et
indigné de la récente sortie hystérique du premier ministre de
Terre-Neuve. Nous avons entendu dire qu’il ferait un procès
au gouvernement fédéral à cause de son initiative constitutionnelle.
Il doit sûrement savoir qu’il n’a pas la moindre chance.
Mais il est convaincu de son bon droit parce qu’il fait partie du
groupe Lougheed, Lyon, Lévesque et cie-et nous connaissons
tous les intentions de M. Lévesque. Pourtant, le premier
ministre Peckford s’adresse aux tribunaux à propos d’une
affaire qu’il ne peut gagner, et par ailleurs …
M. Clark: Monsieur l’Orateur, j’invoque le Règlement. Au
nom de son gouvernement, le ministre pourrait-il nous préciser
s’il tient le premier ministre Lyon du Manitoba et le premier
ministre Peckford de Terre-Neuve pour des séparatistes.
Est-ce bien là ce qu’il dit?
M. Rompkey: Vous allez devoir trancher ce rappel au
Règlement, monsieur l’Orateur, mais j’ai dit ce que j’ai dit, et
je suis sûr …
L’Orateur suppléant (M. Blaker): A l’ordre. Le ministre
s’attire peut-être la réplique habituelle en pareils cas. Le chef
de l’opposition (M. Clark) a profité de l’occasion pour faire ce
qui se fait quelquefois soit interrompre le député qui a la
parole. Je n’ai pas indiqué au ministre qu’il avait le droit de
répondre à la question, s’il le désirait, ou de poursuivre son
exposé. Cela dit, je donne de nouveau la parole au ministre.
M. Rompkey: Monsieur l’Orateur, tous ces premiers ministres
ont partie liée et nous savons pertinemment ce que certains
d’entre eux projettent. C’est manifeste.
Des voix: Oh, oh!
M. Rompkey: Le premier ministre Peckford refuse de soumettre
aux tribunaux la question de la propriété des ressources
sous-marines, même si bien des gens estiment que Terre-Neuve
aurait de bonnes chances de l’emporter. Pourquoi serait-ce là
une contradiction? Si on peut faire confiance aux tribunaux et
s’ils sont les seuls habilités à rendre une décision sur la
propriété et si la propriété est la question essentielle et fondamentale,
pourquoi ne leur demande-t-on pas d’en juger? M.
Peckford leur demandera de se prononcer sur une question qui
touche l’avenir du Canada mais non pas sur une affaire qui
aurait une incidence sur l’avenir de Terre-Neuve et du Labrador.
On peut au moins dire de ce projet qu’il est uniforme dans
son inconséquence. Cependant, il y a plusieurs jours, M.
Peckford s’est montré plus éloquent que jamais lorsqu’il a
prétendu que cette résolution que l’on proposait d’inclure dans
la constitution canadienne ferait perdre le droit à l’enseignement
confessionnel à Terre-Neuve et au Labrador et permettrait
de modifier la limite actuelle du Labrador.
e (1650)
Ou M. Peckford ne sait pas lire, ou encore il induit délibérément
la population de la province en erreur en tenant ces
propos ridicules. S’il choisit délibérément des questions qui
touchent une corde sensible comme le système d’enseignement
confessionnel et la limite du Labrador, c’est qu’il veut monter
la population de Terre-Neuve et du Labrador contre le gouvernement
fédéral et faire rejeter les propositions constitutionnelles.
Ces tactiques alarmistes auxquelles M. Peckford a recours
ressemblent à celles dont M. Lévesque s’est servi pendant la
campagne référendaire du Québec. Ces tactiques n’ont toutefois
pas porté fruit au Québec et elles n’auront pas de résultat
non plus à Terre-Neuve.
DÉ13ATS DES COMMUNES 23 octobre 1980
3984
DÉBATS DES COMMUNES
Les députés libéraux de Terre-Neuve de ce côté-ci de la
Chambre sont déterminés à lutter de toutes leurs forces contre
la démagogie dont nous sommes témoins dans notre propre
province. Dès que la population connaîtra les faits, elle verra
qu’on a voulu la duper. La résolution constitutionnelle que
nous sommes en train de débattre garantit explicitement le
tracé actuel de la limite du Labrador et la survie de nos écoles
confessionnelles. Les articles 43 et 47 de la résolution sont
notre protection.
L’article 43 prévoit une règle spéciale aux termes de laquelle
les modifications qui ne s’appliquent pas à toutes les provinces,
comme par exemple les termes de l’union, ne seraient apportés
qu’avec le consentement du Parlement et celui de la province
concernée. M. Peckford a jugé à propos d’oublier de le mentionner
dans son message à toute la province. En outre,
l’article 47 est encore plus explicite. Il prévoit qu’aucune
formule d’amendement établie dans la résolution ne s’appliquerait
dans les cas où la constitution prévoit une autre
procédure pour apporter des modifications.
L’Orateur suppléant (M. Blaker): A l’ordre. Comme je le
fais souvent quand j’assume la présidence, j’avertis le député
ou le ministre qui a la parole qu’il lui reste une minute ou deux
pour conclure. La limite de 20 minutes empêche tous les
députés de s’étendre trop longuement sur leur sujet. Parce que
j’ai autorisé une interruption, j’accorderai 30 secondes de plus
au ministre.
M. Rompkey: Merci, monsieur l’Orateur. Je tenais à exposer
la situation qui existe dans notre province à propos de cette
importante question à l’heure actuelle. De mon côté de la
Chambre, nous demeurons fermes sur nos positions. Je tenais à
signaler un point mis en lumière dans la modification récente.
Il s’agit des transferts de ressources d’une province à l’autre et
d’imposition directe et indirecte. Le chef du Nouveau parti
démocratique (M. Broadbent) a fort bien traité de ce sujet
hier.
Des voix: Règlement!
M. Rompkey: Je tiens à dire à mes amis d’en face que ce
sera un actif pour notre population, et non un passif.
M. Epp: Monsieur l’Orateur, j’aimerais faire un rappel au
Règlement à l’intention du leader suppléant du gouvernement
à la Chambre. J’estime à l’instar des députés de mon parti, que
vu les événements d’aujourd’hui, il ne serait pas opportun de
prendre une heure pour les initiatives parlementaires. Nous
préférerions que cette heure serve à la discussion de la résolution
à l’étude. J’ai conféré avec le leader parlementaire du
Nouveau parti démocratique, et je crois qu’il est d’accord. Je
prierai le gouvernement de bien vouloir accéder lui aussi à
cette demande.
M. Dick: Que ce soit unanime!
M. Collenette: Monsieur l’Orateur, il aurait été à souhaiter
que le député me donne préavis de cette proposition. Il n’y a
plus que six minutes à courir avant l’appel des initiatives
parlementaires. Je donnerai ma réponse à 5 heures moins une
minute.
L’Orateur suppléant (M. Blaker): A l’ordre. En raison d’un
léger dérangement technique, la présidence a du mal à entendre
par moments. Je ne sais si le député de Provencher (M.
La constitution
Epp) a présenté une motion ou s’il il y a eu accord implicite
pour que sa proposition reste à l’étude.
M. Epp: J’ai demandé le consentement unanime.
L’Orateur suppléant (M. Blaker): La présidence peut conclure
des observations du secrétaire parlementaire qu’il n’y a
pas consentement unanime mais, néanmoins, je pense qu’il y a
lieu de mettre la question aux voix.
M. Dick: Non, il a dit qu’il attendrait cinq minutes.
L’Orateur suppléant (M. Blaker): Alors il y a accord pour
retarder l’étude de la question?
M. Dick: Oui.
L’hon. John C. Crosbie (Saint-Jean-Ouest): Monsieur
l’Orateur, je répondrai en temps opportun à certaines des
observations du ministre du Revenu national (M. Rompkey).
Je tiens d’abord à signaler à propos du chef de mon parti qu’en
relisant l’Histoire romaine récemment, j’ai trouvé le commentaire
suivant du philosophe Sénèque:
Le feu est le test de l’or, mais l’adversité est le test de l’homme fort.
Le chef de notre parti a été mis à l’épreuve par l’adversité et
je pense qu’il s’en est bien tiré.
Des voix: Bravo!
M. Crosbie: J’ai bien dit or, non pas brun. Comme je ne
dispose que de vingt minutes, je ne pourrai pas dire tout ce que
j’aurais voulu. Je ne pensais pas que le débat se terminerait par
une motion de clôture. Après seulement vingt-cinq heures de
débat, seulement 46 députés sur 279 ont pu prendre la parole;
22 libéraux sur 45 ont eu leur tour, et 123 n’ont rien dit
encore; 19 progressistes conservateurs sur 102 ont eu la parole
et 83 ne l’ont pas eue; et seulement 5 des 32 députés néo-démocrates
ont eu la parole, ce qui veut dire que 25 n’ont pas encore
parlé…
M. Knowles: Cela fait 27, ne pouvez-vous pas compter?
M. Crosbie: . . . cela veut dire que 231 députés environ n’ont
pas eu la chance de dire un mot dans le débat. Dieu a mis six
jours pour créer le monde. Le premier ministre (M. Trudeau)
n’a besoin que de vingt-quatre heures de débat pour refaire le
Canada.
Le premier ministre a essayé de tromper les Canadiens. Il a
dit, dans sa déclaration télévisée il y a plusieurs semaines, que
le peuple canadien devait trouver le moyen de se sortir d’une
paralysie constitutionnelle qui durait depuis 53 ans. Le mieux
qu’on puisse dire à propos de cette déclaration, c’est qu’elle
n’est pas exacte. Bien des changements constitutionnels ont été
apportés depuis 53 ans. Il n’y a donc pas eu de paralysie
constitutionnelle.
Par exemple, en 1940, l’assurance-chômage a été ajoutée à
la compétence fédérale et, en 1951, le paragraphe 94a) relatif
à la pension de vieillesse a été ajouté pour préciser les pouvoirs
du gouvernement fédéral. Il n’y a donc pas eu d’impasse.
Même si la constitution a fait l’objet de bien des discussions
ces vingt ou trente dernières années, ce n’est pas à cause des
provinces qui ont été tellement lésées par le gouvernement,
c’est-à-dire Terre-Neuve, l’Alberta et quelques autres, mais
plutôt parce que les Canadiens français du Québec trouvaient
que leur province n’avait pas de pouvoirs suffisants pour les
protéger dans leur propre province.
23 octobre 1980
La constitution
C’est ce que j’entends dire depuis les années 40. C’est ce que
disent les premiers ministres du Québec depuis la fin de la
même époque, affirmant que le régime actuel ne leur accorde
pas suffisamment de pouvoirs pour protéger les droits et les
responsabilités du peuple canadien français. Or cet été, après
la campagne référendaire, durant laquelle le premier ministre
s’est bien gardé de déclarer au peuple québécois «Votez non au
référendum et après cela je vais restreindre les pouvoirs de
votre province», le premier ministre a changé d’avis. Après
avoir voulu doubler les voies ferrées du pays, voilà qu’il dupe
maintenant les Québécois.
Après avoir convaincu les Québécois de voter non au référendum,
il se permet maintenant de restreindre les pouvoirs et
les responsabilités du gouvernement du Québec ainsi que ceux
des neuf autres provinces. C’est une-volte-face honteuse il
revient sur les promesses qu’il avait faites aux Québécois lors
du référendum. Ceux qui défendent cette option depuis 30 ans
se voient maintenant imposer quelque chose qui contrecarre
totalement leurs espoirs.
Aujourd’hui nous avons un gouvernement central fort. Inutile
de chercher à nous faire croire que ce pauvre Trudeau
dirige un gouvernement faible et qu’il se voit aux prises avec
10 premiers ministres rapaces. C’est faux. Le premier ministre
a le pouvoir de désavouer les lois provinciales ou de les faire
mettre en attente par le lieutenant gouverneur. Il a le pouvoir
de décréter que certains travaux sont dans l’intérêt du Canada.
Il peut prendre possession de toute industrie par le biais d’une
proclamation votée à la Chambre. Voilà tous les espoirs dont
dispose le premier ministre. Aux termes de l’article 92(10)a) il
peut réglementer les travaux et entreprises entre les provinces
mais il se garde bien d’invoquer cet article pour aider
Terre-Neuve.
Le premier ministre se gardera bien de décréter que le
transport de l’hydro-électricité depuis le Labrador en direction
de New York, de l’Ontario ou du Nouveau-Brunswick est dans
l’intérêt général du Canada et de mettre ainsi un terme à la
tyrannie dont cette province est victime depuis 1965 en lui
permettant de faire transiter notre électricité par le Québec.
e (1700)
M. l’Orateur adjoint: A l’ordre. Le secrétaire parlementaire
du président du Conseil privé (M. Collenette) a la parole pour
faire un rappel au Règlement.
M. Collenette: Monsieur l’Orateur, nous serions d’avis de
laisser tomber l’heure réservée aux initiatives parlementaires.
La motion qui sera laissée de côté est inscrite au nom du
député de Richmond-Delta-Sud (M. Siddon). Je dois toutefois
rappeler que la Chambre ajournera normalement à 6 heures.
Nous nous arrêterons à 6 heures, mais ne passerons pas à
l’étude des initiatives parlementaires.
M. l’Orateur adjoint: A l’ordre. La Chambre consent-elle à
l’unanimité à ce que l’on laisse de côté l’étude des initiatives
parlementaires?
Des voix: D’accord.
M. l’Orateur adjoint: Il en est ainsi ordonné. Le député de
Richmond-Delta-Sud (M. Siddon) a la parole pour un rappel
au Règlement.
M. Siddon: Merci, monsieur l’Orateur. Je me demande ce
que je dois faire parce que mon bill d’initiative privée devrait
être mis à l’étude. Je dois choisir entre les poissons d’eau douce
et l’avenir du pays. Je pense, monsieur l’Orateur …
M. l’Orateur adjoint: A l’ordre. Je peux comprendre le
problème du député mais tout ce que peut faire la présidence
pour le moment, c’est de demander à la Chambre si elle
consent à l’unanimité à laisser tomber l’étude des mesures
d’initiatives parlementaires.
Des voix: D’accord.
M. l’Orateur adjoint: Comme il y a consentement unanime,
la présidence doit donner la parole au député de Saint-Jean-
Ouest.
M. Crosbie: Monsieur l’Orateur, le gouvernement fédéral
détient ces pouvoirs pour le moment mais il n’en fait pas
souvent usage pour la bonne raison que les Canadiens ne
l’approuveraient pas. Monsieur l’Orateur, nous voulons, nous
aussi, que l’on ramène au Canada l’Acte de l’Amérique du
Nord britannique qui est en Grande-Bretagne, avec une formule
d’amendement. Je n’approuve toutefois pas les vils desseins
du gouvernement canadien. Parce qu’il n’aurait pas le
pouvoir de le faire après le rapatriement de la constitution, il
pense qu’il faut faire modifier la constitution au Royaume-
Uni. Donc, d’après lui, une initiative qui serait illégale ici
serait légale là-bas.
Le premier ministre est le dernier des vieux coloniaux. Il ne
nous demande pas simplement d’améliorer et de rapatrier la
constitution; il veut la transformer avant même qu’elle nous
revienne. Nous ne pouvons pas accepter cela et nous n’allons
pas accepter l’idée d’un référendum.
Le ministre du Revenu national a parlé des préoccupations
de M. Peckford au sujet de l’instruction confessionnelle et des
limites territoriales du Labrador. L’article 43 du bill ne veut
rien dire. Il peut être changé. Et si c’est possible de le changer
maintenant, cela veut dire que, dans l’avenir, n’importe quel
gouvernement qui jouit d’une majorité au Parlement pourrait
encore le changer. Il pourrait de nouveau avoir recours à un
référendum pour passer outre aux gouvernements provinciaux
et changer un article de la constitution. Par conséquent, l’article
43 ne veut rien dire. Il n’y a aucune garantie pour le régime
d’instruction confessionnelle de Terre-Neuve, ni aucune garantie
en ce qui concerne la frontière entre le Québec et le
Labrador, ni aucune garantie pour les droits provinciaux si le
gouvernement réussit à faire adopter son projet et s’il a le
pouvoir de tenir un référendum et de décider quels pouvoirs il
faut pour modifier la loi et qui doit donner son accord. Aucun
d’entre nous n’est protégé.
La charte des droits fondamentaux est vide de sens; si j’en
avais le temps, j’en aurais long à dire là-dessus. Elle peut être
modifiée en tout temps par la tyrannique majorité d’en face.
Nos vis-à-vis vont nous passer sur le corps. Ils vont gouverner
le pays en tyrans en s’appuyant sur leur majorité, et ils
s’imaginent qu’ils vont modeler le Canada à leur image. Mais
ils vont s’apercevoir que c’est une tâche impossible, monsieur
l’Orateur.
DÉ13ATS DES COMMUNES 23 octobre 1980
23 otobe DBATSD1E9S0 COMMNES3987
Qu’est-ce qu’une confédération, monsieur l’Orateur? Le dictionnaire
Robert en donne la définition suivante:
Union de plusieurs États qui s’associent tout en conservant leur souveraineté.
Le Canada en est un exemple. Mais si ce projet aboutit,
nous ne serons plus un Etat de ce genre. Le premier ministre
ne fait pas même mention des Etats qui existaient avant de s’y
joindre, il ne parle que du peuple.
Voici ce qu’en disait sir Wilfrid Laurier en 1889:
Le seul moyen de préserver la Confédération, c’est de reconnaître que chaque
province, dans le domaine de compétence que lui accorde la constitution, est
aussi indépendante du Parlement fédéral que ce dernier est indépendant des
assemblées provinciales.
Voilà ce que disait le vieux prophète du libéralisme. Le seul
moyen d’assurer la survivance de la Confédération est celui
qu’il préconisait, non pas cette sorte d’imposture du Parlement
fédéral aux dépens des assemblées législatives. C’est pourquoi
nous craignons fort que la réussite de cette tentative signifierait
l’arrêt de mort de notre régime.
Lors de ses conférences des 10 et Il avril 1980, M. Michael
Kirby, maintenant secrétaire du cabinet pour les relations
fédérales-provinciales, disait ce qui suit:
Mais pour quiconque est convaincu-comme je le suis-que dans une société
comme la nôtre, le mécanisme de prise de décision est tout aussi important que
la décision elle-même, c’est-à-dire que dans notre société, les moyens importent
tout autant que la fin, cette expérience audacieuse était d’une grande
importance.
Je répète, monsieur l’Orateur, «que les moyens sont en fait
aussi importants que les fins». C’est ce que les députés d’en
face oublient. Ils agissent comme si leurs objectifs justifiaient
n’importe quoi et comme si les moyens n’avaient aucune
importance. En donnant des conseils, M. Kirby ne tient pas
compte de ce qu’il disait lui-même dans ses conférences.
Le 3 juillet 1869, on pouvait lire dans un éditorial du Globe
de Toronto:
Ce qu’il faut craindre le plus, c’est que des hommes qui en réalité ne croient pas
du tout à la Confédération cherchent à étendre et à consolider les pouvoirs
législatif et exécutif du gouvernement fédéral au point que les Assemblées
législatives et les gouvernements locaux risquent de devenir fictifs, de n’être plus
que de pâles ombres d’eux-mêmes. La crainte de ce danger pourrait alors
conduire à l’autre extrême qui consisterait à oublier l’intérêt national et qui, à
force de ne s’occuper que d’intérêts très régionaux, pourrait mener à l’éclatement
de la Confédération.
Voilà ce que les Canadiens craignaient à cette époque, et
c’est justement ce qui est en train d’arriver. C’est ce que nous
craignons aujourd’hui.
Apparemment, le premier ministre tient à passer à la postérité.
Je voudrais faire brièvement référence au livre intitulé
«Newfoundland-Dawn Without Light» dans lequel l’auteur,
M. Herbert L. Pottle, dit ce qu’il pense des chefs politiques qui
veulent que l’histoire retienne leur nom. Voici le passage en
question:
La préoccupation d’un chef politique à propos de sa place dans l’histoire est un
piètre gage d’immortalité. Un chef absorbé à ce point néglige les affaires
essentielles de l’État-qui peuvent avoir une certaine importance historiquemais
se laisse constamment distraire par des insignifiances, supputant ses
triomphes et ses revers personnels-ce qui n’est pas de l’histoire mais tient plutôt
de l’anedocte.
Voilà ce que fait le premier ministre.
La constitution
Permettez-moi maintenant de parler de la situation qui
existe à Terre-Neuve. Il n’y a rien dans cette belle théorie
relative aux ressources, mise au point par le chef du NPD (M.
Broadbent) et le premier ministre, qui se rapporte aux ressources
minières sous-marines. De fait, dans sa lettre du 20
octobre, le chef du Nouveau parti démocratique ne mentionne
même pas la question des ressources sous-marines. Il n’a posé
aucune condition à ce sujet, parce qu’il ne se soucie nullement
de l’est du Canada.
Que dit le leader du gouvernement au Sénat à ce sujet? Je
voudrais citer un passage du hansard du Sénat d’hier, à la page
909. Quand on l’a interrogé au sujet de cet arrangement entre
le chef du NPD et le premier ministre, le leader du gouvernement
au Sénat a répondu ceci:
Il n’y a pas de dérogation à l’Acte de l’Amérique du Nord britannique. Cette
déclaration contenue dans la lettre du premier ministre découle de l’interprétation
de l’Acte lui-même. Il s’agit d’une reconfirmation, d’une réaffirmation d’un
droit dont jouissent déjà les provinces.
C’est donc dire que le chef néo-démocrate a négocié puissamment
pour obtenir seulement une reconfirmation de l’Acte
de l’Amérique du Nord britannique dont on fait fi à la
Chambre, d’ailleurs.
On ne prévoit rien concernant les ressources au large des
côtes, rien concernant le déplacement de l’énergie hydroélectrique
d’une province à l’autre. Et le ministre a même eu
l’outrecuidance de le mentionner. Le gouvernement n’a rien
fait pour permettre à Terre-Neuve d’échapper à la tyrannie du
Québec qui s’arroge le droit de lui interdire de transiter son
énergie hydroélectrique à travers cette province. Cette question
est passée sous silence. L’article sur la péréquation, dans la
prétendue charte des droits de l’homme, laisse place à bien des
échappatoires. Le gouvernement ne s’engage à absolument
rien. Voilà le gouvernement qui …
M. Tobin: Monsieur l’Orateur …
M. l’Orateur adjoint: Le député de Humber-Port-au-Port-
Sainte-Barbe (M. Tobin) invoque le Règlement.
M. Tobin: Monsieur l’Orateur, le député de Saint-Jean-
Ouest (M. Crosbie) me permettrait-il de lui poser une courte
question? Je ne prendrai pas beaucoup de son temps car je sais
qu’il a beaucoup à dire.
M. Crosbie: Je veux bien, monsieur l’Orateur.
M. Tobin: Le député pourrait-il me dire ce que lui et son
gouvernement ont fait pendant leurs sept mois au pouvoir pour
résoudre tous les problèmes auxquels il accuse ce gouvernement
de ne pas avoir trouvé de solutions? Qu’avez-vous fait
pendant ces sept mois, John? Vous avez préparé votre budget?
Des voix: Bravo!
Des voix: Oh, oh!
M. l’Orateur adjoint: A l’ordre, s’il vous plaît. Le député de
Saint-Jean-Oucst (M. Crosbie) a la parole.
Des voix: Bravo!
23 octobre 1980 DÉBATS DES COMMUNES
3987
3988DBASDSCMUE23otbe18
La constitution
M. Crosbie: Monsieur l’Orateur, nous avons reconnu les
droits de Terre-Neuve sur les ressources minières sous-marines.
Des voix: Bravo!
M. Tobin: Vous …
Des voix: Oh, oh!
M. l’Orateur adjoint: A l’ordre. La parole est au député de
Saint-Jean-Ouest.
M. Crosbie: Et que penser du coup terrible que le gouvernement
de Terre-Neuve tente de porter à la mobilité de la
main-d’oeuvre? Le ministre du Revenu national a dit que des
habitants de cette province ont émigré dans le monde entier
pour travailler. C’est exact, monsieur l’Orateur, mais ils ne
l’ont pas fait librement; ils ont été forcés de quitter leur île,
leur province pour trouver du travail parce qu’il n’y en avait
pas chez eux. Ce n’est pas cela la liberté. Lorsque des hommes
doivent quitter leur famille pendant six, neuf ou douze mois et
aller au Yukon, en Ontario ou au Québec ou ailleurs pour
travailler parce qu’il n’y a pas d’emplois chez eux, c’est qu’ils
sont victimes d’une tyrannie. Voilà pourquoi le gouvernement
Peckford a eu recours à cette réglementation qui ne s’applique
qu’à l’exploitation des ressources sous-marines. Ce que nous
voulons à Terre-Neuve, c’est la liberté, la liberté de croître et
de nous développer. C’est ce qu’ont oublié les gens qui ont
oublié Terre-Neuve.
* (1710)
Voici ce que le ministre de la Justice (M. Chrétien) a dit du
premier ministre de notre province. Hier, il a dit:
S’il tient à ce que nous l’aidions, mieux vaudrait pour lui qu’il cesse de faire des
déclarations comme celle d’hier.
Si ce n’est pas une menace, qu’est-ce? Si le premier ministre
de Terre-Neuve va jusqu’à oser se faire une opinion et faire
connaître son point de vue, le gouvernement l’en punira. Le
gouvernement n’aidera pas Terre-Neuve à cause des déclarations
que son premier ministre a faites. Je vous dis que nous ne
viendrons plus quémander ici, le chapeau à la main. Nous
allons nous tirer d’affaire seuls. Notre premier ministre n’a pas
à quémander votre aide, à vous, du gouvernement. Il ne va pas
vous supplier de l’aider. Il fera connaître son point de vue tout
comme les premiers ministres de l’Ontario, du Québec et des
autres provinces le font.
Des voix: Bravo!
M. Crosbie: Le ministre du Revenu National attribue la
disparité régionale à Terre-Neuve au gouvernement de cette
province. Je demande ce que le gouvernement du ministre a
fait pour aider Terre-Neuve depuis qu’il a accédé à son poste?
Il n’a pas signé un seul accord MEER. Il a coupé les subventions
à Terre-Neuve. Il a résilié l’accord sur la route transcanadienne.
Il a mis fin, par exemple, au projet du petit portique
synchronisé à Saint-Jean-Ouest. Ce n’est rien d’autre que la
tyrannie de la majorité qui voudrait nous faire taire à
Terre-Neuve.
Des voix: Bravo!
M. Crosbie: Nous en arrivons ensuite au premier ministre et
à la reine. Je n’ai pas le temps de donner des détails, mais je
vous recommande de lire la menace que le premier ministre a
faite au sujet de la reine lors de sa conférence de presse d’il y a
deux semaines. On a demandé au premier ministre pour quelle
raison il avait choisi de garder la monarchie britannique
comme symbole de l’État canadien. Il a répondu ceci:
Eh bien, parce que nous n’essayons pas de résoudre tous les problèmes ce soir.
La reine pose donc un problème. Elle n’en pose cependant
pas aux habitants de Terre-Neuve. Pourtant, si le gouvernement
a gain de cause, sa prochaine initiative sera de s’attaquer
à la monarchie.
Des voix: Bravo!
M. Crosbie: Même le premier ministre de la Saskatchewan
n’appuie pas l’amendement proposé par le NPD. Tout ce que
cet amendement lui donnera, c’est le droit pour la province de
percevoir des impôts indirects. Rien dans cet amendement ne
peut être de la moindre utilité aux autres provinces puisqu’il ne
fait que réduire les pouvoirs de propriété et de gestion des
richesses naturelles pour toutes les autres provinces. Rien n’est
prévu pour les richesses sous-marines. Tout ce que le chef du
NPD a réussi à faire, c’est à humilier son propre parti et ses
propres députés et à contredire ce qu’ils avaient déclaré à la
Chambre.
Nous n’avons pas le temps de nous pencher sur toutes les
questions constitutionnelles dans l’espace de 20 minutes. L’ensemble
de la mesure et l’amendement lui-même ne devraient
pas être renvoyés au Parlement britannique. Ils auraient dû
être adoptés à l’unanimité ici même. Si le gouvernement avait
adopté la méthode que nous avons proposée hier et accepté que
le reste soit fait de la façon appropriée au Canada, nous
aurions tous pu approuver son projet. Au lieu de cela, le projet
sera présenté en Grande-Bretagne dans la discorde et le conflit.
Six provinces s’y opposent catégoriquement. On présentera
le projet de modification constitutionnelle au Parlement britannique
sans tenir compte de l’avis des tribunaux du Canada
et sans attendre qu’ils décident si cette façon de procéder est
conforme à la loi ou non. Il ira en Angleterre sans notre appui.
Nous lutterons jusqu’au bout. Nous ne cesserons jamais de
lutter. Est-ce vraiment le meilleur moyen de donner une
nouvelle constitution au Canada? Je ne le pense pas.
Des voix: Bravo!
M. Crosbie: Ce sont les députés d’en face qui nous ont forcés
à adopter cette position. Voici ce que le premier ministre disait
en 1968:
Si le sous-développement des provinces de l’Atlantique n’est pas rectifié, non pas
grâce à la charité ou à des subventions …
Ce que le ministre aime, c’est accorder des subventions et
faire la charité. Je reprends la déclaration:
… mais en favorisant leur expansion économique, l’unité du Canada sera
presque certainement détruite tout comme elle le serait par l’affrontement entre
les francophones et les anglophones.
Il l’a oublié maintenant. Nous voulons assurer notre croissance
économique et nous voulons pour cela utiliser nos richesses
sous-marines. Le premier ministre nous en empêche parce
qu’il veut que nous soyons dépendants, que nous soyons réduits
à mendier pour le reste de nos jours. Nous n’accepterons
jamais cela. C’est la position que défend Terre-Neuve.
Aux termes de l’article 5(a) du Règlement, je veux proposer
l’amendement suivant:
Que la Chambre continue d’examiner la motion gouvernementale no 18, de 6 à
8 heures aujourd’hui.
DÉB3ATS DES COMMUNES 23 octobre 1980
3988
23 otobe DBATSD1E9S0 COMMNES3989
M. l’Orateur adjoint: A l’ordre. Le député veut-il proposer
sa motion aux termes de l’article 6(5)(a)?
M. Crosbie: Oui, monsieur l’Orateur.
Pendant que vous examinez la question, monsieur l’Orateur,
je vais terminer sur cette note. Dans son ouvrage, M. Pottle …
M. Collenette: Avez-vous proposé une motion selon l’article
6(5)(a) du Règlement?
M. Crosbie: J’obéis à la présidence non pas à un secrétaire
parlementaire libéral.
M. l’Orateur adjoint: A l’ordre. Dois-je comprendre que le
député propose une motion aux termes de l’article 6(5)(a) du
Règlement.
M. Crosbie: Exact.
Monsieur l’Orateur, pour terminer, je voudrais citer un
passage de l’excellent ouvrage de M. Pottle, passage extrait de
la page 199, où il parle du Canada en ces termes:
What are those dreams, he queried quietly, of hope that leap to life in your fair
land?
Et plus bas sur cette même page, nous lisons ceci:
What do you hold supreme in unison? What is the good for which you stand on
guard?
Les droits que notre valeur va défendre, ce n’est pas la
clôture quand il y va de cette question fondamentale de la
constitution. Ce n’est pas le bousculement des petites provinces,
des provinces sous-développés et pauvres que notre valeur
protégera, parce qu’elles osent parler. Ce n’est pas cela que
notre valeur protégera, cela nous ne l’admettons pas. Notre
valeur ne protège pas le chambardement du fédéralisme canadien
sans le consentement des provinces qui sont du nombre
des 11 gouvernements. Ce en quoi nous croyons, c’est en onze
gouvernements forts, et non pas en un supergouvernement
opposé à dix comtés qu’il pourra écraser à sa volonté. Nous
pensons que c’est cela qui protège les libertés, et qu’il n’y aura
jamais autre chose pour les protéger.
Notre valeur ne protège pas le procédé référendaire des
Etats fascistes, qui tiennent toujours des référendums et qui
trouvent le moyen d’amener le peuple à consentir à tout. Ma
valeur à moi ne protège pas le despotisme d’un idéologue
arrogant et inflexible qui pense pouvoir contraindre le pays à
faire sa volonté avant de partir. En tout cas, cela il ne le fera
pas sans rencontrer de résistances.
Ma valeur ne protège pas le recours aux sondages et à la
publicité, qui intoxiquent l’opinion et qui ferment l’esprit des
gens quand ils devraient l’avoir ouvert. Cela ne les aide pas à
comprendre la question, mais à la comprendre de travers. Ce
n’est pas cela que ma valeur protège, et j’ai honte pour ceux
qui le font. Ma valeur ne protège pas le recours à tous les
moyens pour s’accrocher au pouvoir. Cela on le sait déjà. Nous
estimons qu’un gouvernement est là pour travailler pour le
bien de la population, et non pour exercer son ingéniosité à se
maintenir en place sans jamais rien faire. Ce n’est pas cela que
notre valeur protège. Ce que nous voulons protéger, c’est un
Canada qui ait des libertés démocratiques et des libertés
économiques. Avec la nouvelle charte du premier ministre,
nous n’avons même pas la jouissance de nos biens.
La constitution
Pour nous, ce qu’il faut protéger c’est la conciliation et le
compromis, le libre consentement et la confédération et non
pas un État unitaire qui impose sa volonté partout, dans lequel
un ministre de la Justice …
M. l’Orateur adjoint: A l’ordre. A l’ordre.
Des voix: A l’ordre.
M. l’Orateur adjoint: Plaît-il à la Chambre d’adopter la
motion?
Des voix: D’accord.
(La motion de M. Crosbie est adoptée.)
e (1720)
[Français]
L’hon. Pierre Bussières (ministre d’État (Finances)): Je
vous remercie, monsieur le président. Je suis heureux de
l’occasion qui m’est offerte de participer à ce débat extrêmement
important pour l’avenir de notre pays. Je suis un peu
surpris des propos tenus par mon préopinant, et surtout de la
rhétorique enflammée qu’il a utilisée pour faire une revue de
tous les problèmes constitutionnels qui touchent notre pays,
problèmes sur lesquels nous nous interrogeons depuis plusieurs
années.
J’ai surtout été surpris de son intervention parce qu’à mon
sens le processus qui va s’amorcer par l’adoption de cette
résolution proposée par le gouvernement, adoption par les deux
Chambres, la Chambre des communes et le Sénat, est proprement
l’occasion idéale offerte à tous les gouvernements du
pays, à ceux des provinces, au gouvernement central, aux
Canadiens d’un déblocage sur le plan constitutionnel. Et je sais
que ce déblocage constitutionnel représente une préoccupation
pour une très grande majorité de Canadiens, ainsi que pour la
très forte majorité des députés de cette Chambre, et particulièrement
pour ceux qui se sont impliqués dans le référendum qui
a été tenu au Québec.
A ce moment-là, monsieur le président, on se souvient qu’on
s’était engagé à amorcer le plus rapidement possible le processus
de la révision constitutionnelle, processus qui dure depuis
de nombreuses années, et qui s’est toujours engouffré dans un
cul-de-sac. Ce n’était pas nécessairement par mauvaise
volonté, mais à cause de certaines contraintes. Nous avons
maintenant la possibilité de déclencher, en acceptant cette
résolution, le processus de révision constitutionnelle. Nous
nous sommes engagés, comme je le disais, ceux d’entre nous
qui ont participé étroitement au référendum au Québec, à faire
tous les efforts nécessaires pour amorcer et débloquer ce
processus de la révision constitutionnelle. Cet engagement
formel, je suis heureux que le gouvernement prenne l’initiative
de le respecter en proposant cette résolution à la Chambre et
en déférant l’étude à un comité qui, contrairement à ce qu’on
pourrait croire à la suite des propos qu’on a entendus aujourd’hui,
n’est pas bâillonné, mais qui aura toutes les occasions
d’interroger et d’écouter les Canadiens qui auront sans doute
des propos extrêmement intéressants sur cette résolution.
23 octobre 1980 DÉB3ATS DES COMMUNES
3989
3990 DÉBATS DES COMMUNES 23 octobre 1980
La constitution
Pourquoi est-il spécieux de s’opposer, sauf si c’est pour des
raisons de principes, à l’adoption de cette résolution et à
l’amorce du renouvellement de notre constitution? En fait, ce
qui serait inquiétant, ce serait que la résolution empiète sur des
problèmes qui toucheraient fondamentalement au partage des
pouvoirs entre le gouvernement central et les gouvernements
provinciaux. Ce qui serait inquiétant, ce serait que la résolution
contienne des dispositions qui ajouteraient aux pouvoirs
du gouvernement central en en retranchant de ceux des provinces,
ou qu’on fasse l’inverse, qu’on réduise les pouvoirs du
gouvernement central en augmentant ceux des provinces.
Mais, en fait, monsieur le président, si on examine le contenu
de la résolution, on s’aperçoit qu’elle ne touche en rien à ces
pouvoirs fondamentaux, à ce partage des pouvoirs entre le
gouvernement central et les provinces. Ce qu’elle fait, elle
prépare …
M. Clark: J’écoute!
M. Bussières: Oui, le chef de l’opposition fait bien d’écouter
parce qu’il n’a pas l’air d’avoir compris. La résolution prépare
le rapatriement de la Constitution, et cela est important. Je ne
sache pas que cela diminue en quoi que ce soit les pouvoirs des
provinces ou ajoute quoi que ce soit à ceux du gouvernement
central. Donc la résolution vise à rapatrier la Constitution, à
voir à ce que le document le plus important pour les institutions
politiques canadiennes, savoir, la Constitution, soit vraiment
un document canadien, à canadianiser le texte constitutionnel
qui gouverne le pays. Je crois qu’il n’y a là rien de
scandaleux, et la très forte majorité …
M. Clark: Ramener le texte constitutionnel de Londres, en
Angleterre!
M. Bussières: Les sophismes du chef de l’opposition, monsieur
le président, ne m’impressionnent plus depuis longtemps,
et il devrait se rendre compte que non seulement ils n’impressionnent
plus la population canadienne mais qu’ils le rendent
ridicule.
Donc dans un premier temps, nous allons rapatrier la Constitution.
Cela fait sourire le député de Joliette (M. La Salle)
parce qu’il n’a jamais pris au sérieux son rôle de député
canadien. Est-ce qu’il y tient vraiment à ce que les Canadiens
aient une Constitution? Dans l’affirmative, qu’il appuie la
résolution du gouvernement avec le même coeur qu’il a combattu
le référendum du Parti québécois. De plus, monsieur le
président, le processus de la résolution va nous permettre
d’inclure dans la Constitution canadienne une charte des
droits. Est-ce que l’inclusion d’une charte des droits va donner
plus de pouvoirs au gouvernement central et en enlever au
gouvernement des provinces?
Le premier aspect de la Charte des droits touche les libertés
fondamentales. Si on veut affirmer la liberté de conscience, la
liberté de religion, réaffirmer la liberté de presse et d’information
dans un texte constitutionnel-le député fait preuve
d’ignorance puisque cela n’existe pas dans la Constitution
canadienne-si on veut vraiment affirmer ces libertés fondamentales
dans notre Constitution, je ne vois pas en quoi cela
ajoute aux pouvoirs du gouvernement central, et ce que l’affirmation
de ces libertés de religion, de pensées, de presse et
d’information enlève au gouvernement des provinces, toujours
au niveau de l’inclusion de cette charte des droits, de l’affirmation
des droits démocratiques, du droits de vote, du droit
d’éligibilité à la Chambre des communes.
Est-ce que ces droits, monsieur le président, lorsque affirmés
dans une Constitution, ajoutent aux pouvoirs du gouvernement
central? Est-ce que le droit de vote, le droit d’éligibilité, le
droit de tenir des élections à période fixe, est-ce que l’affirmation
de ces droits dans un texte constitutionnel enlève quoi que
ce soit aux pouvoirs des provinces? Je ne crois pas que
réaffirmer ces droits des individus, ces libertés fondamentales,
ces droits démocratiques n’enlève aux provinces quelque droit
que ce soit ni même n’ajoute aux pouvoirs du gouvernement
central quelque droit que ce soit.
Toujours dans le cadre de cette charte des droits, des
libertés, liberté de circulation et d’établissement partout au
Canada pour un citoyen canadien, encore là, cette affirmation,
ce droit d’un individu, le Canadien en l’occurrence, n’ajoute en
rien aux pouvoirs du gouvernement central, comme il n’enlève
absolument rien aux pouvoirs du gouvernement des provinces.
Il en est de même des garanties juridiques des citoyens, de la
non discrimination des personnes et, ce qui est extrêmement
intéressant, c’est qu’on consacre l’égalité du statut de la langue
française et de la langue anglaise partout au Canada.
M. La Salle: Là où le nombre le justifie!
M. Bussières: Et j’entends, monsieur le président, spontanément,
comme un cri venant du coeur de la part du député de
Joliette, la remarque fielleuse du premier ministre du Québec:
là où le nombre le justifie. Il n’y a rien de honteux, monsieur le
président, à ce que cette égalité des droits soit garantie et
qu’on ajoute: là où le nombre le garantit …
M. La Salle: Répétez-le.
M. Bussières: … pour ce qui est de certains services scolaires,
et le reste. Cela n’est pas honteux. C’est ajouter, monsieur
le président, et indiquer carrément pour la première fois dans
l’histoire du Canada l’égalité des droits des francophones et
des anglophones. Et je suis fier que notre gouvernement offre à
tous les députés l’occasion de se prononcer sur cette égalité
fondamentale des francophones et des anglophones partout.
Monsieur le président, dans un troisième temps, nous allons
consacrer le principe du partage, de la péréquation. Ce qui fait
l’intérêt de ce pays, c’est sa richesse, richesse qui réside
d’abord dans sa diversité, soit la composition de la population
elle-même. Diversité sur le plan de la géographie, qui nous a
montré à travers l’histoire qu’on assiste à un déplacement de la
richesse d’une région à une autre, que certaines régions, à
certaines périodes de notre histoire, ont connu des moments de
richesse, et c’est le fondement de notre fédéralisme qui a fait
que, lorsque ces régions connaissaient une période de richesse,
elles partageaient cette richesse avec les autres régions. Et on
s’aperçoit, et on touche cela du doigt de façon singulière au
cours de ces dernières années, surtout depuis la crise énergétique,
que cette richesse s’est déplacée d’une région vers d’autres,
ou de certaines régions vers d’autres, et que, à mesure que
cette histoire évolue, le partage se fait à la faveur d’autres
provinces qui, à un certain moment, ont eu elles aussi à
partager avec d’autres.
3990 DÉBATS DES COMMUNES 23 octobre 1980
23 octobre 1980 DÉBATS DES COMMUNES
En consacrant ce principe fondamental du partage de la
richesse dans notre Constitution et en réaffirmant de façon
solennelle dans un texte constitutionnel un des principes qui
sous-tend le fédéralisme canadien, je ne vois pas en quoi on
enlève des pouvoirs aux provinces et on en ajoute au gouvernement
central. En fait, ce qu’on fait, c’est reconnaître ce qui a
maintenu le pays uni, la générosité des Canadiens, et réaffirmer
par volonté solennelle dans la constitution que ce lien va
être maintenu et renforci par tous les gouvernements.
Enfin, monsieur le président, dans un dernier temps, on se
dote d’un mécanisme d’amendement et d’un mécanisme qui va
permettre de défoncer les culs-de-sac. On a connu très fréquemment,
depuis plus de 50 ans, de nombreuses expériences
de négociations constitutionnelles. On s’est aperçu qu’il n’est
pas toujours facile d’en arriver à des règles d’unanimité, et on
s’est aperçu aussi que le risque ou le danger des règles d’unanimité,
ce n’est pas se tromper, mais c’est ne pas agir, piétiner et
ne jamais avancer. Afin d’éviter que ces situations de culs-desac
ne se répètent, on a prévu un mécanisme qui permettrait
d’établir des déblocages.
Comme je l’indiquais au début de mes remarques, monsieur
le président, je suis particulièrement heureux que le gouvernement
du Canada permette à la Chambre et au Sénat, en
adressant cette résolution, d’amorcer le déblocage de la révision
de la Constitution.
On a connu des tensions, on en connaîtra sûrement encore
dans notre pays, cependant, à mesure que nous pourrons
d’abord canadianiser nos institutions, continuer à améliorer la
façon dont s’exercent les divers pouvoirs dans notre pays, nous
aurons de plus en plus de chance de satisfaire aux exigences de
plus en plus pressantes de la population qui veut une nouvelle
constitution. De plus je suis convaincu qu’après l’examen en
comité, après les discussions que nous aurons lorsque la résolution
sera de retour du comité, nous pourrons procéder le plus
rapidement possible au rapatriement, à l’inclusion de la charte
des droits dans notre Constitution. Nous pourrons également
consacrer le principe du partage comme principe qui sous-tend
le fédéralisme canadien et nous doter d’un mécanisme d’amendement.
Ainsi nous aurons respecté les engagements que nous
avons pris envers la majorité des Québécois qui ont dit oui à la
fédération canadienne et au renouvellement de la fédération.
* (1730)
[Traduction]
L’hon. Allan B. McKinnon (Victoria): Monsieur l’Orateur,
je suis heureux de pouvoir participer au débat. Il est regrettable
qu’un député soit reconnaissant de pouvoir participer à un
débat, mais je suis heureux de pouvoir le faire avant que les
libéraux nous fassent tous taire à 1 heure cette nuit. Je
voudrais exprimer ma gratitude à mes collègues, parmi lesquels
un grand nombre ne pourront parler durant le débat sur
cette motion et seront empêchés d’y participer en qualité de
député, à cause des étranges idées que les libéraux se font d’un
débat équitable sur la constitution à la Chambre des
communes.
La constitution
La clôture nous est imposée aujourd’hui comme on nous l’a
annoncé hier, et je voudrais faire quelques observations là-dessus.
Bien qu’il s’agisse d’une procédure exceptionnelle, c’est la
troisième fois que nous sommes bâillonnés de cette façon. Je
suis étonné que le Nouveau parti démocratique, en dépit du
mot «démocratique» dans son nom, ne soit aucunement opposé
à la clôture hier. Aujourd’hui, en vertu de l’article 43 du
Règlement, le Nouveau parti démocratique a proposé les
motions les plus étrangères au sujet qu’ils aient pu imaginer,
sans faire la moindre mention de la clôture qui nous est
imposée aujourd’hui.
Pendant la période des questions les députés néo-démocrates
ne se sont pas opposés non plus à l’imposition de la clôture à
propos d’une mesure de cette importance. J’ai peine à le croire.
M. Orlikow: N’avons-nous pas voté contre?
M. McKinnon: Ils voteront probablement contre.
M. Orlikow: C’est pourtant ce que nous avons fait.
M. McKinnon: Ils ont voté contre, mais ils sont là quand les
libéraux ont besoin d’eux. Dans un vieux film, Lauren Bacall,
je pense, dit à Humphrey Bogart: que s’il a besoin d’elle, il n’a
qu’à siffler. Les libéraux n’ont qu’à siffler et les néo-démocrates
viendront. Il n’est point besoin de les payer; il n’est point
besoin de leur offrir des postes; il suffit de siffler et ils viennent
si l’on a besoin d’eux, et les libéraux le savent.
Le premier ministre (M. Trudeau) et Nicodème en sont
venus à une entente sur ce qu’il conviendrait d’échanger en
l’occurrence contre la loyauté des députés néo-démocrates. Si
je comprends bien la lettre que voici, il s’agit de trois conditions.
D’abord, le chef néo-démocrate (M. Broadbent) s’est
assuré que les provinces n’y perdraient pas grand-chose étant
donné qu’elles sont déjà propriétaires de leurs ressources: on
leur céderait la gestion et le contrôle de leurs ressources tout
en leur retirant le droit de propriété. A mon avis, je préférerais
demeurer propriétaire si j’avais le choix entre posséder une
chose ou en avoir la gestion et le contrôle.
En marchant ce matin, je me demandais comment le chef
néo-démocrate avait pu faire cela, et je n’ai pu que penser aux
provinces pauvres, qui n’y gagneront rien. Au lieu d’envoyer
M. Blakeney traiter brillamment et énergiquement comme il le
fait d’habitude dans ses négociations avec le premier ministre,
Nicodème y est allé.
Aujourd’hui le premier ministre n’en finissait plus de parler
de la nécessité de cette mesure radicale vu que la discussion
traîne depuis 53 ans. En le voyant pleurer des larmes de
crocodile sur les discussions qu’il a eues et les ennuis qu’il a
subis, je pensais à un article du journaliste Peter Ward paru en
1971. Voici ce que le premier ministre disait de la charte en ce
temps-là, et Peter Ward avait cité les paroles du premier
ministre.
Le Canada peut se passer de la réforme constitutionnelle. Le fait a été
démontré par tous les premiers ministres à la série de conférences, a dit M.
Trudeau. Il a rappelé aux journalistes de Toronto qu’en 1967 à la conférence sur
la confédération de demain, il s’était opposé à ce qu’on entreprenne une réforme
constitutionnelle.
23 octobre 1980 DÉBATS DES COM UNES
DÉBATS DES COMMUNES 23 octobre 1980
La constitution
«J’ai dit que remettre la constitution en discussion, c’est ouvrir la boite de
Pandore et nous exposer à plus d’ennuis que ne s’en rendent compte ceux qui s’y
embarquent avec enthousiasme.
«’ai dit que des tâches plus importantes nous attendaient.»
La réforme constitutionnelle ne préoccupe guère la population, mais c’est un
«bon cheval de bataille pour beaucoup de nationalistes», a-t-il dit.
Le premier ministre prétend maintenant que nous avons
travaillé ferme pendant 53 ans pour ravoir notre constitution,
mais voilà ce qu’il disait vraiment à l’époque. Le hansard du
26 janvier 1970, à la page 2812, reflète aussi sa pensée d’alors.
Le premier ministre a dit ceci:
Pour ma part, j’ai déclaré officiellement que parmi tous les problèmes urgents
qui confrontaient le Canada, la constitution venait, à mon avis, en dernier lieu.
Aujourd’hui pour la troisième fois dans l’histoire il impose la
clôture au Parlement pour bien s’assurer que nous n’aurons pas
la chance d’examiner cette résolution et il essaie de se draper
dans le patriotisme en disant qu’il suit le mouvement ou que le
débat se poursuit depuis 53 ans. Si c’est vrai, il n’était pas du
bon bord.
e (1740)
Oublions le spectacle affligeant des événements des derniers
jours et passons aux vrais problèmes de la question constitutionnelle.
Nous sommes en plein débat sur la constitution et on
nous demande de nous prononcer sur la résolution de rapatriement;
mais il faut reconnaître que ce terme presque banal en
dit beaucoup plus. La résolution dont le Parlement est saisi est
en réalité une affirmation constitutionnelle fondamentale. Elle
propose une nouvelle formule d’amendement, vise à constitutionnaliser
certains droits linguistiques et économiques et établit
certaines règles de fonctionnement du Parlement.
Tout cela devrait nous prouver que nous sommes réunis ici
pour un débat profond et grave et pourtant il règne une
rancoeur envahissante à la Chambre et dans nos délibérations.
C’est avec tristesse que je compare l’esprit qui existe dans
notre pays aujourd’hui avec celui de la déclaration que George
Brown a faite au cours des tout premiers débats de la Confédération.
Vous vous souvenez que George Brown était à cette
époque l’adversaire libéral de John A. Macdonald. Voici ce
que George Brown a déclaré:
Ne devrions-nous pas être très heureux, monsieur l’Orateur, d’avoir trouvé un
meilleur moyen de résoudre nos problèmes que ceux qui ont eu des effets si
déplorables dans d’autres pays? Chacun de nous ne devrait-il pas tenter de saisir
l’importance du moment présent et s’employer sincèrement à étudier la question
à fond avec autant de candeur et d’esprit de conciliation que nous l’avons
toujours fait jusqu’à présent?
J’aimerais qu’on fasse preuve, dans le débat constitutionnel
d’aujourd’hui, de candeur et d’esprit de conciliation. Hier,
notre parti a donné l’exemple en dévoilant sa politique par la
présentation, en cette journée réservée à l’opposition, d’une
motion proposant que la constitution soit rapatriée immédiatement
et qu’on n’y apporte que des modifications faites au
Canada par des Canadiens.
Quelle est la cause de cette hargne nationale dont j’ai parlé?
Je pense qu’elle se trouve dans ce qu’on demande à la Chambre
d’adopter. On ne demande pas au Parlement de participer
à la mise au point des propositions fédérales ni de se prononcer
sur une entente à laquelle seraient parvenus Ottawa et les
provinces. On lui demande au contraire de confirmer un
ultimatum. Il s’ensuit un malaise à la Chambre et beaucoup
d’inquiétude dans plusieurs provinces.
Le document que le gouvernement nous a présenté n’est pas
l’aboutissement de délibérations confédérales. Il est le fruit des
réflexions presque solitaires que le premier ministre libéral
actuel a pu faire sur le caractère fédéral du Canada.
Je m’en inquiète pour plusieurs raisons. Tout d’abord, cette
mesure unilatérale qui vise à imposer, outre une nouvelle
procédure d’amendement, tout un ensemble de changements
majeurs à la constitution de notre pays, est prise sans l’assentiment
des provinces. A ce propos, j’aimerais citer les propos de
mon chef, le chef de l’opposition (M. Clark), qui a parfaitement
résumé la situation lorsqu’il a dit au premier ministre la
première fois qu’il a traité de la résolution:
Pour modifier la constitution, il impose une double norme. Pour les changements
auxquels il tient, Ottawa agira seul. Pour les changements auxquels d’autres
pourraient tenir, il exige le consentement unanime pendant au moins deux ans, et
ensuite une formule inconnue.
Cela va à l’encontre de tous les usages juridiques et constitutionnels
du Canada; on y discerne même des éléments que l’on
ne rencontre habituellement que dans un État unitaire, et non
pas dans une fédération. A ce sujet, je voudrais citer un
passage de l’ouvrage de A. V. Dicey intitulé «An Introduction
to the Study of the Law of the Constitution».
Le droit constitutionnel doit être juridiquement immuable ou ne pouvoir être
modifié que par une instance supérieure au-delà des institutions législatives
ordinaires, qu’il s’agisse des assemblées législatives fédérales ou provinciales,
créées en vertu de la constitution …
Quoi qu’il en soit, il est certain que si les fondateurs d’un État fédéral estiment
que la survie d’un régime fédéral est primordial, on ne peut en toute sécurite
conférer le pouvoir législatif suprême à une assemblée législative quelconque
existant en vertu de la constitution. Car ce serait contraire à l’objectif du
fédéralisme, ligne de démarcation permanente entre les sphères respectives du
gouvernement national et des Etats fédérés.
Je cite de nouveau le premier ministre, qui traitait à la
Chambre en 1976 du rapatriement de la constitution. Il a dit
ceci:
C’est pour ces raisons que j’ai mentionné la possibilité que le Parlement envisage
de rapatrier la Constitution sans le consentement des provinces, s’il appert qu’il
est impossible d’obtenir ce consentement. Evidemment, nous n’agirions ainsi
qu’en dernier ressort, et la chose ne se ferait pas d’une manière qui puisse
modifier la répartition des pouvoirs ou la position des provinces.
Or, c’est exactement l’inverse de ce qu’il fait aujourd’hui.
Il ne faut pas que cela procure, en aucune façon, au Parlement fédéral le pouvoir
d’agir unilatéralement à l’avenir dans tout secteur où il ne le peut aujourd’hui.
puisque cela éroderait l’essence même de notre système fédéral.
Cela se trouve à la page 12 687 du hansard du 9 avril 1976.
Pourtant, n’est-ce pas la portée exacte de la résolution dont
nous sommes saisis: une transformation radicale de la nature
même du gouvernement canadien par suite de l’action unilatérale
justement de cet unique corps législatif?
Mon second grand sujet de préoccupation au sujet de la
forme à donner aux propositions de modifications constitutionnelles,
réside dans les procédures employées pour les faire
adopter par la Chambre. Il semble que la Chambre n’aura pas
le droit de proposer des amendements de fond aux propositions
du premier ministre. Je ne veux pas m’attarder sur les défauts
particuliers de cette mesure, mais l’article 41, par exemple, ne
mérite-t-il pas d’être débattu et mis aux voix, considérant qu’il
exclut complètement une province du processus constitutionnel
en rendant nul le vote de son assemblée législative sur de
futures modifications?
DÉBATS DES COMMUNES 23 octobre 1980
3992
23 octobre 1980 DBT E OMNS39
La Chambre n’aura pas le droit de modifier le fond et un
comité examinera plutôt les questions, sans qu’on ait la moindre
garantie qu’il sera capable de changer le fond.
Au sujet du respect pour le Parlement et les Canadiens dont
témoigne cette procédure, je vais citer une source moins exaltée
que celles auxquelles j’ai fait appel, soit l’infâme note au
cabinet qui a été rédigée par les conseillers constitutionnels du
premier ministre. Elle dit:
C’est en comité que l’on peut le mieux étudier une mesure qui est très
controversée car c’est là que les leaders à la Chambre et leurs aides peuvent
diriger le plus facilement les opérations et c’est là que l’on peut entretenir les
meilleures relations avec la tribune de la presse pour la bonne raison que peu de
journalistes suivent les délibérations.
C’est donc là où l’on peut le mieux diriger les opérations,
c’est-à-dire au comité, qu’il faut aborder l’étude de ces questions
avec les députés, là où les relations avec les journalistes
sont fondées sur l’ignorance. On ne peut voir dans une telle
manoeuvre qu’une preuve du cynisme du gouvernement actuel
qui s’est engagé à défendre les principes fondamentaux de la
démocratie. Une telle attitude suscite inévitablement des réactions
extrêmement amères.
Des voix: Bravo!
M. MeKinnon: La foi des citoyens dans la justice et les
avantages que présentent ces changements constitutionnels
dépendront en grande partie de la façon dont ceux-ci seront
apportés. Il y a un autre point qui me préoccupe: l’esprit
général dans lequel on agit et la façon dont ces changements
seront perçus.
J’ai parlé tout à l’heure de rancoeur et de méfiance, et ce
sont sans aucun doute les sentiments que susciteront les actes
d’hier et la clôture d’aujourd’hui. Il est toujours dommage
qu’une mesure gouvernementale inspire ces réactions mais
lorsqu’il s’agit de questions constitutionnelles, la survie même
de notre régime politique est compromise. Si les changements
d’ordre constitutionnel ne nécessitent pas l’unanimité de toute
la société, il n’en demeure pas moins que pour être acceptés, il
faut que la plus grande partie possible de la population soit
convaincue que les mécanismes de changement ont été justes.
A ce propos, je voudrais citer les classiques, non pas Machiavel,
tellement en vogue dans certains coins de la Chambre,
mais Aristote, qui a dit:
Les législateurs doivent par conséquent s’attacher aux causes de la longévité et
du déclin des constitutions et, à partir de là, consacrer leurs efforts à faire Suvre
de stabilité. Ils doivent tâcher d’éliminer tous les facteurs de destruction et doter
leur État d’un ensemble de lois basées sur la coutume autant que le droit.
C’est précisément à ce dernier facteur de stabilité-un
ensemble de lois et de procédures fondé sur la tradition–que
la présente résolution porte atteinte, ébranlant ainsi l’appui sur
lequel repose la constitution en fin de compte et qui est
l’assentiment des citoyens.
A ce propos, je vais vous citer une autre passage tiré cette
fois de l’étude de Bagehot intitulée «The British Constitution»:
Il y a deux objectifs que chaque constitution doit atteindre pour avoir du succès,
deux objectifs que l’on retrouve dans toutes les constitutions anciennes encore
admirées: chaque constitution doit d’abord s’approprier le pouvoir, puis l’exercer;
elle doit se gagner la loyauté et la confiance du peuple et, puis la mettre au
service du gouvernement.
* (1750)
En essayant d’exercer son autorité d’une façon qu’il est le
seul à juger souhaitable, le premier ministre (M. Trudeau)
risque d’oublier qu’elle se fonde sur la loyauté et la confiance.
La constitution
La Chambre doit envisager cette éventualité avec appréhension.
Jusqu’ici dans le débat, j’ai surtout parlé des graves défauts
qu’on peut trouver aux modalités que voudrait suivre le premier
ministre pour rapatrier et modifier la constitution. Bien
que ces questions de procédure soient manifestement les plus
importantes, car elles ont une incidence sur l’esprit de la
constitution, on trouve, de plus, des projets de modification qui
soulèvent des problèmes considérables. Je voudrais maintenant
parler de ces faiblesses.
Pour commencer, j’aimerais examiner l’article 42 de la
résolution. Dans cette formule qui servirait à apporter des
modifications à l’avenir, le gouvernement propose de modifier
radicalement la nature du gouvernement constitutionnel. Bien
que le recours à un référendum soit en lui-même nouveau, c’est
en laissant complètement les provinces de côté que cette
formule s’éloigne radicalement de la pratique courante. Avant
cela, tout changement qui touchait les gouvernements provinciaux
devait être décidé avec leur participation. L’article 42
permettrait au gouvernement fédéral d’en appeler directement
au peuple sans consulter les provinces. Non seulement le
Parlement fédéral-et surtout lorsque le gouvernement est
majoritaire, c’est-à-dire qu’il est formé d’un parti politiquepourrait-
il décider de la question sur laquelle porterait un
plébliscite ainsi que la formulation de cette question, mais
l’alinéa 46(1) lui donne en plus le pouvoir d’établir toutes les
règles qui s’appliqueraient au débat ou à la campagne sur la
question qui serait posée.
Le premier ministre dit qu’on y aurait recours en cas
d’impasse, ce qui selon sa définiton se produit lorsque son point
de vue n’est pas partagé par les dix premiers ministres provinciaux.
Il n’a jamais pu imaginer que les premiers ministres
puissent avoir raison et qu’il puisse avoir tort.
Bien que ce pouvoir d’établir les règles sur la façon de mener
une campagne constitue un exemple évident du monopole que
s’arroge le gouvernement fédéral pour ce qui est d’amorcer et
de diriger les modifications constitutionnelles aux termes de
l’article 42, il se donne un moyen de contrôle encore plus
fondamental dans le pouvoir de choisir le fond de la question
posée dans un référendum et de la formuler. Cela donne
l’initiative au gouvernement fédéral.
Pour comprendre les conséquences que cela pourrait avoir,
imaginez que le gouvernement fédéral, avec ou sans l’appui de
l’ensemble des provinces, veuille faire adopter certaines modifications
auxquelles un assez grand nombre de provinces s’opposeraient
assez fermement pour qu’elles ne puissent être
apportées aux termes des dispositions de l’article 41. Dans ce
cas, le gouvernement fédéral pourrait échapper à l’opposition
des provinces et recourir directement à un référendum sur une
question qu’il formulerait comme il l’entendrait au moment
qu’il choisirait, selon ses règles, et de plus, comme nous le
savons maintenant, il pourrait profiter d’un budget illimité
pour faire de la propagande aux frais du contribuable.
Envisageons maintenant la situation inverse et voyons ce qui
se passerait si la plupart ou même l’ensemble des provinces
s’entendaient sur un projet de changement auquel le gouvernement
fédéral s’opposait. En pareil cas, les provinces n’auraient
aucun recours; le gouvernement fédéral aurait un droit de veto
absolu. Ce manque d’équilibre entre les pouvoirs du gouvernement
fédéral et ceux des provinces lorsqu’il s’agit de modifier
80091-31
DÉBATS DES COMMUNES 3993
23 octobre 1980
3994 DÉBATS DES COMMUNES 23 octobre 1980
La constitution
la constitution créerait certainement un conflit permanent au
sein de la confédération canadienne. Comme le député de
Yorkton-Melville (M. Nystrom) l’a dit en parlant du mécanisme
de référendum prévu dans cet article, il rejette le
principe fondamental d’association qui est l’essence même du
fédéralisme.
Outre l’opposition que ce projet suscitera inévitablement, les
provinces ne seront certainement pas satisfaites de l’ensemble
des propositions que renferme la résolution. Il ne faut pas
oublier que la résolution ne représente pas un tout homogène
fait de dispositions d’intérêts réciproques qui sont essentielles à
la réalisation d’un objectif précis. Il s’agit plutôt d’une synthèse
de diverses orientations politiques hétéroclites du gouvernement
libéral actuel.
Evidemment, il y a une partie de la résolution qui vise à
rapatrier la constitution et elle est assortie obligatoirement
d’une disposition qui énonce la formule modificative. D’ailleurs,
soit dit en passant, une partie de cette formule n’a
jamais fait l’objet de discussions avec les provinces et l’autre,
qu’on nous a présentée comme étant la formule de la charte de
Victoria, s’éloigne radicalement de cette formule en rendant
l’Île-du-Prince-Edouard tout à fait impuissante.
A cet ensemble de propositions relatives au rapatriement, le
gouvernement a ajouté une série d’autres mesures, notamment
des droits politiques, économiques et juridiques, l’institutionnalisation
des conférences des premiers ministres, la constitutionnalisation
d’une politique restreinte de bilinguisme officiel et
certains droits à l’enseignement dans la langue de la minorité.
Cet amalgame ne forme pas un tout cohérent sur lequel le
rapatriement de la constitution doit se fonder. Il reflète plutôt
la conception que seul le premier ministre se fait de l’intérêt du
pays et qu’il estime devoir imposer.
Dans les observations qu’il a faites en présentant la résolution,
le premier ministre a formulé la critique suivante à
l’égard des provinces:
La nécessité de faire l’unanimité nous a forcés à marchander la liberté contre le
poisson, les droits fondamentaux contre le pétrole, l’indépendance de notre pays
contre les taux des appels téléphoniques interurbains.
Abstraction faite de la rhétorique, n’est-ce pas essentiellement
ce que signifie son ultimatum? Ne nous dit-il pas: «Vous
pouvez rapatrier la constitution mais seulement à mes conditions.
» Pour reprendre ses propres mots, n’est-ce pas troquer
l’indépendance de notre pays contre une vision personnelle des
droits qui devraient être intégrés?
Je dirais au premier ministre qu’on peut s’entendre. Le chef
de l’opposition a dit dans sa motion hier comment cela serait
possible. La constitution peut être rapatriée avec une formule
d’amendement. Ensuite le gouvernement fédéral ou une province
pourra présenter des amendements qui seront examinés
et adoptés s’ils remplissent les conditions nécessaires. En faisant
en sorte qu’Ottawa soit l’égal des provinces il sera possible
d’obtenir le respect mutuel et l’indépendance entre les deux
paliers des gouvernements pour le fonctionnement harmonieux
de la Confédération.
Mme le Président: Je regrette d’interrompre le député mais
son temps de parole est terminé.
Je vais maintenant me prononcer sur l’amendement proposé
par le député de Carleton-Charlotte (M. McCain) lequel se lit
comme suit:
Qu’on modifie la motion en retranchant le sixième paragraphe et en le
remplaçant par ce qui suit:
«Que le comité fasse rapport au plus tard le I2 février 1981;
Que le comité soit habilité à se transporter d’un lieu à un autre au Canada;
Que le comité soit habilité à retenir les services de conseillers pour l’aider
dans son travail et aussi à engager le personnel professionnel et de soutien
nécessaire;
La première partie de l’amendement me paraît acceptable,
soit qu’on modifie le délai fixé au comité pour soumettre son
rapport, délai qui passe du 9 décembre 1980 au 12 février
1981.
Cependant, les deux autres alinéas soulèvent des difficultés
puisqu’ils visent à modifier le mandat du comité, ce qui doit
être fait par un nouvel ordre de renvoi au comité, non pas par
un amendement à la motion créant le comité. Je renvoie les
députés aux commentaires 621(3), 756 et 759, entre autres, de
la cinquième édition de Beauchesne.
Par conséquent, si le député veut bien supprimer les
deuxième et troisième alinéas de son amendement, je veux bien
mettre aux voix la première partie de sa motion qui se lit
comme suit:
Qu’on modifie la motion en retranchant le sixième paragraphe et en le
remplaçant par ce qui suit:
«Que le comité fasse rapport au plus tard le 12 février 1981..
M. McCain: Je respecte votre décision, madame le Président,
et j’accepte votre proposition consistant à supprimer les
derniers paragraphes et j’approuve également que l’amendement
mentionne seulement la date du 12 février 1981.
Mme le Président: En conséquence, le député de Carleton-
Charlotte propose, avec l’appui du député de Nepean-Carleton
(M. Baker):
Qu’on modifie la motion en retranchant le sixième paragraphe et en le
remplaçant par ce qui suit:
«Que le comité fasse rapport au plus tard le 12 février 1981..
Le très hon. Joe Clark (chef de l’opposition): Puisque
madame le Président vient de juger que l’amendement libellé
ainsi était recevable, je voudrais en dire quelques mots avant
que nous passions au vote. Cet amendement est un élément
essentiel si nous voulons sauver la face du débat. Il est
regrettable que les limites de notre Règlement nous aient
empêché de mettre à l’épreuve l’admissibilité des autres articles,
parce que notre parti veut s’assurer que même si la
Chambre est muselée, il ne pourra en être de même pour les
délibérations du comité, auxquelles nous sommes maintenant
forcés de passer.
e (1800)
Le fait que le gouvernement ait imposé la règle de clôture
constitue une très grave violation des privilèges de la Chambre
et des privilèges de tous les Canadiens que les députés servent
et représentent. Mon ami de Victoria a signalé que c’était
seulement la troisième fois dans notre histoire-je le répète,
seulement la troisième fois dans toute notre histoire-que le
gouvernement invoque cette mesure. L’invoque-t-il à propos
d’une question mineure, secondaire et sans grande portée pour
les Canadiens? Non. Il invoque cette mesure extraordinaire
visant à limiter le droit de parole du Parlement, cette mesure
de clôture, à propos du débat sur la constitution même du
Canada. Cela constitue un abus flagrant de pouvoir de la part
d’une majorité à la Chambre des communes.
3994 DÉBATS DES COMMUNES 23 octobre 1980
La constitution
Des voix: Bravo!
M. Clark: Je dis ceci de propos délibéré: si plus de députés
avaient le courage que leurs électeurs leur croyaient en les
élisant à la Chambre des communes, la motion actuelle ne
serait pas adoptée, et on ne nous imposerait pas la clôture
aujourd’hui.
Des voix: Bravo!
M. Clark: Je dois ajouter, monsieur l’Orateur, que malheureusement
au cours du débat jusqu’ici-dans les vingt-quatre
heures ou plus de débat consacrées à cette question-le premier
ministre (M. Trudeau) a démontré son respect pour le
Parlement et l’intérêt qu’il porte à la question constitutionnelle.
Il a exhorté les députés de tous les partis à participer au
débat pour ensuite leur en enlever l’occasion en les muselant,
en muselant les représentants élus du peuple à la Chambre des
communes, puis, il a lui-même refusé de venir à la Chambre.
Et pourquoi? Je soupçonne qu’il a honte de la mesure dont il a
saisi la Chambre, comme tous les députés de son parti
devraient en avoir honte. En prétendant réformer la constitution
du Canada, ils essaient en fait d’imposer aux Canadiens,
en s’adressant à la Grand-Bretagne, des propositions qu’ils ne
sont pas sûrs que les Canadiens eux-mêmes accepteraient si on
leur demandait directement leur avis.
Une voix: Ce n’est pas vrai.
M. Clark: J’entends un député libéral d’arrière-ban, habituellement
très calme,-mais qui a voté en faveur de la
clôture, pour qu’on bâillonne le Parlement-dire que ce n’est
pas vrai. Si ce n’est pas vrai, pourquoi le gouvernement du
Canada soumet-il à la Grande-Bretagne des questions qui
devraient être tranchées ici, à la Chambre des communes?
Pourquoi ne faites-vous pas confiance aux Canadiens? Pourquoi
allez-vous vous cacher à Westminster?
Permettez-moi de dire quelques mots, comme l’a fait mon
collègue tout à l’heure, sur la position du NPD envers la
question de la clôture. Hier, après que le leader du gouvernement
à la Chambre nous a announcé la clôture, le chef du
NPD (M. Broadbent) a eu l’occasion de prendre la parole. Il a
prononcé le mot de «clôture» une seule fois, en passant. Le mot
lui a peut-être échappé. Mais le chef du parti néo-démocrate
n’a soulevé aucune objection. A aucun moment, il n’a dit à la
Chambre des communes qu’il désapprouvait qu’on empêche le
Parlement de discuter d’une question fondamentale qui intéresse
au plus haut point les Canadiens, pour la troisième fois
dans l’histoire du Canada. Nous ignorons quel en a été le prix.
Nous ignorons ce qui s’est passé lors de ces entretiens entre le
chef du Nouveau parti démocratique, le Neville Chamberlain
de la politique canadienne, et le premier ministre du Canada.
Ce prix, quel qu’il soit, a manifestement acheté le silence des
députés néo-démocrates, qui ne se sont même pas levés hier
pour s’opposer à la clôture, pour faire échec à la tentative du
gouvernement du Canada de mettre un terme au débat consacré
à une loi fondamentale de notre pays.
Des voix: Bravo!
M. Clark: Monsieur l’Orateur, les actes que le gouvernement
a accomplis au cours des dernières 24 heures démontrent
ce que certains d’entres nous avaient jusqu’ici seulement
redouté, soit que le premier ministre, ses ministres et les
députés des deux côtés de la Chambre qui l’appuient, refusent
absolument de participer à un débat parlementaire sérieux sur
la résolution. Après avoir dit le 2 octobre dernier que le
Parlement se réunirait plus tôt que prévu pour discuter de
cette question, ajoutant que tous les députés avaient le devoir
de participer à ce débat, le premier ministre a ajouté: «Tous les
députés de toutes les régions du Canada sont priés de participer
à cet acte historique». Or, après seulement 24 heures de
débat auquel ont participé moins du cinquième des députés,
voilà que le gouvernement impose la clôture.
Le parti libéral a mis les députés en face d’une situation
inouïe, il les place devant un abus flagrant de cette institution.
Il ne faudrait surtout pas prendre à la légère cette décision, ce
bâillonnage des députés qui composent cette institution. En
fait, nous savons que même les conseillers du premier ministre
les plus cyniques ont dit dans le fameux document secret dont
les libéraux se sont inspirés depuis que Herb Gray n’a pas tenu
sa parole et n’a pas démissionné comme il l’avait promis si les
taux d’intérêt montaient, et je cite:
Il serait presque impensable de limiter le débat (en imposant la clôture) sur une
résolution proposant le rapatriement de la constitution.
Voilà ce qu’indique ce document secret «presque impensable
». Et pourtant l’impensable a lieu. En outre, en insistant
contre vents et marées pour que le comité rende compte de ses
travaux d’ici au 9 décembre, le gouvernement du premier
ministre se montre déterminé à se servir de tous les instruments
parlementaires dont il dispose, de tous les moyens
cyniques de manipulation pour empêcher qu’un débat public
ait lieu ici à la Chambre.
J’espère que le gouvernement acceptera l’amendement proposé,
afin que le Parlement ait l’occasion d’étudier cette
question à tête reposée et les députés de consulter tous les
Canadiens.
L’autre jour, nous avons demandé au ministre de la Justice
(M. Chrétien) si les députés auraient l’occasion de voyager.
Nous avons posé la même question au premier ministre aujourd’hui.
En refusant de répondre, ils ont tous deux laissé entendre
qu’ils voulaient que le comité demeure ici. Eh bien,
pourquoi le débat sur la constitution devrait-il être confiné à
Ottawa? Je vois que le député de Niagara Falls (M. MacBain)
est ici. Pourquoi les gens de Niagara Falls ne peuvent-ils pas
exprimer leurs inquiétudes au sujet de la constitution canadienne
dans leur ville? Pourquoi, s’ils s’en préoccupent,
devraient-ils être obligés de venir ici?
Je vois ici des députés qui viennent de Toronto. Pourquoi des
députés libéraux de Toronto devraient-ils accepter une mesure
prévoyant que le comité chargé d’étudier la constitution du
Canada tiendra ses délibérations uniquement à Ottawa? En
fait, il y a ici un président de comité qui vient de Toronto. Son
comité a le droit de voyager. Il étudie les problèmes des
handicapés. Pourquoi empêcher les Canadiens de donner leur
avis sur la loi fondamentale du pays si on leur permet d’exprimer
leur opinion sur les problèmes des handicapés? Pourquoi
essayer de confiner le débat à la seule ville d’Ottawa?
23 octobre 1980 DÉBATS DES COMMUNES 3995
La constitution
Des voix: Bravo!
M. Clark: Je dis en passant qu’il y deux régions qui prendraient
très mal la chose si l’on refuse au comité le droit de
voyager. Ce serait extrêmement dangereux dans la région de
l’Atlantique parce que, comme l’a dit mon ami le député de
Hillsborough (M. McMillan), une telle décision reviendrait
dans les faits à empêcher l’lle-du-Prince-Édouard d’intervenir
dans le débat. En réalité, le gouvernement se propose de faire
des autres provinces de l’Atlantique des provinces de deuxième
classe. Il veut inscrire un article tout à fait inadapté au sujet
de la péréquation. Mais les habitants de cette région n’ont pas
nécessairement les moyens de venir jusqu’à Ottawa pour exposer
leurs points de vue sur la constitution. Il est intolérable
qu’ils soient contraints au silence simplement parce qu’ils ne
peuvent pas se permettre de venir dire aux membres de leur
Parlement ce qu’ils pensent de la constitution. Ces personnes
devraient avoir le droit de donner leur avis dans leur région. Il
en va de même pour l’Ouest. Je vais reparler de l’Ouest dans
un instant, car je suis profondément inquiet de ce qui se passe
à l’heure actuelle dans l’Ouest du Canada, par suite de diverses
initiatives du gouvernement libéral.
L’attitude des habitants de l’Ouest envers la Confédération
canadienne a déjà changé considérablement d’une manière
dangereuse. Au cours des huit ou neuf derniers mois, on a vu
se développer dans cette région des sentiments d’hostilité
envers le pays. Les députés libéraux qui ont voté en faveur de
la clôture n’auraient pas agi de la sorte, j’en suis persuadé, s’ils
avaient eu l’occasion d’entendre, de leur bouche, certaines des
préoccupations des habitants de l’ouest du Canada. Je dis à
mes collègues de la Chambre des communes qui viennent
d’autres régions du Canada qu’il est de leur devoir de travailler
pour leur pays, et non de s’enfermer dans une tour d’ivoire à
Ottawa. Cela ne leur ferait pas de mal de voyager afin
d’entendre l’avis de certains Canadiens qui sont en train d’être
victimes du séparatisme, qui risquent de se laisser attirer par le
chant de cette sirène à cause de la politique du gouvernement.
a (1810)
Avant d’aggraver la situation, vous qui venez d’ailleurs au
Canada, vous qui appartenez à un gouvernement qui n’a pas de
siège dans la moitié du territoire, vous avez le devoir vis-à-vis
du pays et vis-à-vis de vous-mêmes d’aller écouter ce que la
population de l’ouest du Canada a à dire sur le projet constitutionnel.
Ce qu’il faut c’est un débat parlementaire public, ici à
la Chambre des communes et d’un bout à l’autre du pays.
On nous a refusé ce débat à la Chambre des communes,
mais il ne faut pas poser de bornes irraisonnables et destructives
au comité de la Chambre des communes et du Sénat qui va
étudier la question, parce que si nous bâillonnons cet organe, si
nous laissons le ministre d’État chargé du Multiculturalisme
(M. Fleming) manipuler l’opinion canadienne, si nous laissons
beau jeu à la propagande de triompher de la vérité, alors nous
ouvrons véritablement la porte à des éclatements dans la trame
nationale. Je dis aux députés d’où qu’ils viennent: ne laissez
pas une obéissance aveugle à votre chef vous amener à des
mesures qui risquent de déchirer le pays.
J’ai été dur il y a un instant pour les députés du Nouveau
parti démocratique. Je ferai exception pour un d’entre eux.
J’apprend avec grand plaisir l’intention annoncée par le député
de Burnaby (M. Robinson) cet après-midi de voter contre la
motion libérale de renvoi du projet constitutionnel au comité.
Je constate la présence à la Chambre du député de Yorkton-
Melville (M. Nystrom). J’ai entendu les propos qu’il a consacrés
à l’article 42, dont il pense qu’il va détruire le pays.
J’espère qu’avec ses convictions et son courage il estimera de
son devoir de faire comme son collègue le député de Burnaby,
de s’opposer à cette tentative d’arracher de force à la Chambre
des communes les délibérations sur l’avenir du pays pour les
imposer à un comité de contrôle.
L’amendement proposé par mon collègue, le député de
Carleton-Charlotte (M. McCain), était un nouvel effort tenté
par mon parti pour déconfiner la question, pour permettre à la
population canadienne de se faire entendre et de l’étudier.
Hier, nous avons offert à la Chambre des communes la
possibilité de rendre le débat moins acrimonieux, d’atteindre
certains des buts visés. Le but, c’est de rapatrier notre constitution.
Hier, nous avons donné au gouvernement l’occasion de
voter pour la ramener chez nous. Les libéraux et les néo-démocrates
ont voté contre le rapatriement de notre constitution.
Nous voulions la ramener de façon à pouvoir y travailler dans
une atmosphère constructive.
Au lieu de cela, comme mon collègue de Victoria l’a dit,
nous courons le risque de créer une atmosphère de division
profonde. Comme il l’a dit, la constitution n’est pas un texte de
loi; elle réflète la mentalité et la nature d’un pays. Le gouvernement
empoisonne l’atmosphère du pays par ses actes et par
son recours à la clôture, et un pays empoisonné ne donnera pas
naissance à une constitution saine.
Nous voulons que le comité travaille en plein jour. Nous
voulons qu’il se déplace et nous espérons que les députés
libéraux accepteront comme les néo-démocrates et ceux de
notre parti, que ces travaux soient diffusés par la télévision et
la radio. Nous espérons que le premier ministre n’essaiera pas
de cacher à la population du Canada les discussions qui
porteront sur l’ensemble des mesures constitutionnelles. En
fait, si la proposition était recevable-malheureusement notre
Règlement l’interdit-nous aurions donné à la Chambre des
communes l’occasion de se prononcer par voie de scrutin sur la
présence de la radio et de la télévision au comité pour que la
population du Canada sache ce qui va être proposé.
La raison pour laquelle on invoque la clotûre à la Chambre
est très simple. Le gouvernement du Canada ne veut pas que la
population sache ce qu’il se propose de faire de la constitution.
Si on a imposé la clôture si rapidement, alors que nous avons
entendu plus de ministériels que de députés de l’opposition
officielle, c’est que le parti libéral et ces sondeurs-et ce n’est
pas un gouvernement de principes mais de sondages-ont
constaté que l’opinion publique est en train de changer. Elle est
en train de changer parce que les gens se rendent compte de ce
qui est en cause ici.
3996 DÉBATS DES COMMUNES 23 octobre 1980
La constitution
Ils comprennent que la propagande du ministre d’État
(Multiculturalisme) sonne faux. Ce qui est en cause ici ce n’est
pas seulement le rapatriement. Si ce n’était que cela, le parti
libéral se serait prononcé en faveur du rapatriement, hier, et
non contre. Chaque jour de débat permet à la population
canadienne de se rendre davantage compte de ce qui est en
cause. Mon collègue de Rosedale a signalé avec force l’autre
jour quelques-uns des problèmes des particuliers, des autochtones,
des femmes et d’autres personnes et d’autres groupes du
pays que pourrait toucher une action positive ainsi qu’une
classe importante de Canadiens dont cette mesure législative
menace directement les intérêts.
Il n’est pas étonnant que le gouvernement ne veuille pas que
la question soit débattue publiquement. Il a honte de ce qu’il
fait et il ne veut pas que le peuple sache ce qu’il propose. Il
essaie donc de le cacher. C’est pour cela qu’il a imposé la
clôture. Nous croyons qu’au lieu d’imposer la clôture et de
limiter la durée du débat, il devrait permettre aux Canadiens
de savoir ce qui se passe. C’est pour cela qu’on ne devrait pas
imposer de délai artificiel au comité, que ses délibérations
devraient être télévisées et radiodiffusées et que le comité
devrait pouvoir se déplacer à travers le Canada.
Le comité devrait pouvoir se rendre à Terre-Neuve et constater
sur place à quel point les habitants de cette province sont
mal servis par leurs députés libéraux, qui font tellement peu
confiance à leurs électeurs qu’ils ne veulent pas qu’ils sachent
ce que le gouvernement du Canada propose. Le comité devrait
pouvoir se rendre dans l’Ouest et un peu partout au Canada. Il
devrait pouvoir visiter le Québec et demander directement aux
Québécois si, à leur avis, ce projet sert la cause du fédéralisme
ou celle du séparatisme. Quelqu’un a déjà répondu à cette
question. Le numéro du 23 octobre du Star de Toronto cite
certaines paroles du député de Montmorency (M. Duclos). Le
député y indique pourquoi il s’oppose à la proposition avancée
par son gouvernement. Voici ce qu’il dit:
Je veux que le Canada anglais sache que cette mesure .. . n’est pas ce que
nous avions promis aux Québécois pendant le référendum.
Selon les sondages d’opinion publique, la majorité des Québécois veut une
transformation et pas seulement un changement en apparence du régime fédéral.
Ce que nous faisons maintenant indique que le gouvernement fédéral ne tient
pas vraiment à réformer profondément le régime fédéral.
Je pense que ce que nous faisons maintenant … équivaut à donner un nouveau
mandat au Parti québécois.
C’est ce qu’a déclaré le député libéral de Montmorency. Il a
eu le courage de dire ce qu’il pensait au lieu d’accepter d’être
muselé par le chef de son parti. Que font donc les autres
députés libéraux? Sont-ils à ce point dociles qu’ils n’osent pas
broncher par crainte de leur chef, au lieu de faire valoir les
intérêts de leurs électeurs et de leur province?
Hier, à Québec, alors que son ministre prenait des mesures
pour faire cesser le débat au Parlement, le premier ministre du
Canada a encore accusé ses homologues provinciaux qui s’opposent
à sa résolution de se ranger du côté de René Lévesque.
Je constate, monsieur l’Orateur, que vous me signalez que
mon temps de parole achève. Sauf erreur, il me reste encore
deux minutes environ.
D’après le premier ministre, si vous n’êtes pas avec lui, vous
êtes contre le Canada. C’est là un argument auquel il nous a
habitués, mais qu’il aura cette fois plus de difficulté à faire
passer, car il veut que la Grande-Bretagne tranche des questions
que la majorité d’entre nous estime du ressort du
Canada. Mais sa prophétie s’est accomplie. M. Lévesque s’est
joint au mouvement séparatiste québécois; s’il l’a fait, c’est en
partie en raison de l’attitude rigide et butée du gouvernement
libéral; et c’est ce même gouvernement libéral qui pousse
maintenant des Canadiens d’autres régions à envisager la
séparation.
Le gouvernement libéral qui a présidé à la montée du
séparatisme au Québec crée présentement les conditions favorables
à sa montée dans l’Ouest. J’aimerais signaler aux
députés une observation qu’a faite hier à l’autre endroit un
ancien premier ministre provincial et un fédéraliste convaincu,
le sénateur Manning:
Je suis très troublé de voir le nombre de gens très sérieux dans l’ouest du
Canada qui, il y a un an, auraient rejeté absolument l’idée d’une séparation, mais
qui adhèrent aujourd’hui à des organismes prônant la séparation de l’Ouest. Ces
organismes attirent des sympathisants et recrutent non pas par centaines mais
par milliers. Il serait grave que le gouvernement fédéral néglige le danger que ces
tendances représentent en puissance pour le Canada.
e (1820)
J’exhorte les députés à ne pas méconnaître les attitudes qui
se répandent dans l’Ouest et ailleurs au Canada et les germes
de zizanie semés par le gouvernement actuel. Je recommande
instamment au gouvernement, s’il doit recourir à ce mécanisme
impardonnable de la clôture, s’il doit museler le Parlement,
de laisser au moins le comité parlementaire accomplir sa
besogne. Donnez-lui le temps d’étudier. Donnez-lui le temps de
continuer ses travaux, comme le député de Carleton-Charlotte
l’a proposé jusqu’au 12 février. Acceptez la présence des
caméras de la télévision et de la radio, afin de renseigner la
population. Permettez à Claude Ryan et à d’autres de comparaître
devant ce comité et laissez-les parler franchement des
effets nuisibles que cette mesure aura dans leur région. Permettez
au comité d’accomplir son travail. Ne le muselez pas,
comme vous avez muselé la Chambre des communes.
Des voix: Bravo!
[Français]
M. Jean-Robert Gauthier (Ottawa-Vanier): Monsieur le
président, nous avons à l’étude actuellement un amendement à
la motion principale, amendement qui vise à reporter au mois
de février prochain le rapport du comité mixte de la Chambre
et du Sénat sur le projet de résolution portant sur la Constitution
canadienne.
Avant de parler du sujet, je sais très bien que les honorables
députés vont deviner que le thème que je vais essayer de
développer en est un qui m’est très cher, et avant d’aborder ce
thème j’aimerais demander au premier ministre d’antan, le
chef de l’opposition officielle (M. Clark), de faire attention
lorsqu’il avance des choses aussi trompeuses que le fait de faire
croire que les amendements constitutionnels proposés par le
Parlement et le gouvernement vont être modifiés, de toute
façon réécrits par un gouvernement en Angleterre.
23 octobre 1980 DEBATS DES COMMUNES 3997
DÉBATS DES COMMUNES
La constitution
Je pense que cela, monsieur le président, est absolument
faux, et il le sait aussi bien que tous les autres députés.
Alors je pense que sur cette question le chef de l’opposition
devrait se corriger.
De plus, il a dit que nous avons voté hier contre le rapatriement
de la Constitution, ce qui est également faux. Les
députés du gouvernement ont voté hier sur le rapatriement de
la Constitution, avec la formule de Vancouver, formule totalement
inacceptable à des gens comme moi et à tous les députés
de ce côté-ci de la Chambre.
Donc, quand le premier ministre d’antan …
Une voix: Temporaire …
M. Gauthier: . . . oui, temporaire, pour six mois, lorsque le
chef de l’opposition avance de telles choses, et je le connais, il
est honnête parfois, il sait que c’est absolument faux, et je ne
peux que voir dans ses propos des choses totalement électoralistes,
des propos, comme on les appelle chez nous, de «politicaillerie
», c’est tout ce que c’est.
Monsieur le président, j’ai porté une attention soutenue à ce
débat, et je considère cette résolution extrêmement importante
pour un député-et il n’y en a pas beaucoup à la Chambrequi
parle français et qui demeure à l’extérieur du Québec, qui
y est né. Le projet de résolution à l’étude est extrêmement
important pour nous, car il permettra que nous ne soyons pas
soumis à la suprématie de nos gouvernements provinciaux,
mais bien sous l’égide, dans une constitution protégée par des
droits qui y sont enchâssés et qui sont interprétés par une cour
de justice qui, nous l’espérons, aura autant de générosité et de
lucidité que nous en avons eu depuis plusieurs années.
Il reste, monsieur le président, que nous faisons face à deux
concepts, dont le concept présenté par plusieurs députés progressistes
conservateurs, qui vise à conserver la suprématie
parlementaire. Moi je suis de ceux qui croient fermement
aujourd’hui qu’après 113 ans il est temps que nous fassions ce
changement et que nous enchâssions nos droits dans la Constitution
pour passer à l’autre volet que je défends, la suprématie
judiciaire. Et j’essaierai dans mes remarques de démontrer
pourquoi les minorités aujourd’hui au Canada, les minorités
linguistiques non seulement en dehors du Québec mais au
Québec, soutiennent, appuient et sont absolument derrière
cette résolution qui vise à enchâsser les droits des minorités
dans la Constitution. Et si j’avais à titrer mon propos, monsieur
le président, je dirais que les minorités ont besoin de plus
de pouvoirs et de droits que les majorités, et cela serait le titre
de mon exposé, parce que s’il fallait savoir quelles promesses
de réussite contient toute résolution constitutionnelle, je dirais
que la question la plus fondamentale est l’inclusion d’une
charte des droits et libertés, y compris les droits linguistiques.
C’est à partir de cette affirmation que, selon moi, on définit un
pays.
Il me semble donc, et ce n’est pas une surprise pour les
députés que je m’attarde à cette vision, à cette conception
populaire, qui veut consacrer l’indépendance de notre pays et
par geste de fierté et d’équité non seulement rapatrier la
constitution chez nous, mais aussi y inclure les droits fondamentaux
et individuels, dont certains droits linguistiques.
En effet, et quand je dis que les minorités ont besoin de plus
de droits que la majorité, les majorités se protègent naturellement
par le nombre, l’influence politique, l’environnement
qu’elles créent. J’essaierai donc dans le temps qui m’est alloué
de démontrer pourquoi aujourd’hui nous devons passer à l’action
et enchâsser les droits linguistiques des minorités et de
tous les Canadiens. Sous le régime actuel, ces droits fondamentaux
et individuels tombent sous la juridiction parlementaire,
c’est-à-dire qu’ils dépendent en grande partie de l’action
législative, que ce soit par le principe de la primauté de la loi
ou par la Common Law et certains autres textes qui nous
gouvernent. Le projet de loi constitutionnel de 1980 nous
propose de changer ce régime et de le remplacer par l’enchâssement
des droits, ce qui favorise évidemment le principe de la
suprématie judiciaire. Ces droits, et je le répète, ne pourront
être changés ou contournés que par amendement à la Constitution,
procédure d’ailleurs plus exigeante que l’adoption d’une
loi ordinaire.
Je suis de ceux, monsieur le président, qui croient que
l’expérience de 113 ans, avec le principe de la suprématie
parlementaire en matière de droits et de libertés incluant les
droits linguistiques, doit maintenant être remplacée par l’enchâssement
dans notre Constitution de ces droits fondamentaux
et individuels incluant les droits linguistiques, afin d’assurer
et de protéger ces droits. L’évolution des groupes
minoritaires à l’appui de la primauté judiciaire s’explique assez
facilement. Les concepts sous-jacents à cet appui sont historiques
et témoignent du vécu de plusieurs d’entre nous. J’en
donnerai d’ailleurs plusieurs exemples.
Je suis partisan de l’intégration des droits fondamentaux
dans la Constitution parce qu’elle donne, d’après moi, une
meilleure assurance et partant, une plus grande protection
contre les abus possibles des gouvernements et des majorités.
La plupart d’ailleurs des grands pays démocratiques ont déjà
agi en ce sens. Une charte des droits et libertés individuels est
un élément commun de presque toutes les fédérations au
monde. La Communauté européenne, dont font partie, par
exemple, l’Angleterre, la France et d’autres pays, est liée par
la convention européenne des droits de l’homme et par les
décisions de la Cour européenne des droits de l’homme. Enfin
qui niera, monsieur le président, la valeur éducative et morale
de l’inclusion des droits de la personne dans une constitution.
Je suis également solidaire de la proposition voulant insérer
dans la Constitution le droit à l’éducation dans la langue de la
minorité. Et on ne sera pas étonné de m’entendre dire cela. Ce
droit permettra aux Canadiens de faire instruire leurs enfants
dans leur langue maternelle, là où le nombre le justifie. Il n’est
pas exagéré de dire que les Canadiens français de l’Ontario ont
été énormément éprouvés par ce concept des nombres, là où le
nombre le justifie. J’en parle avec une certaine expérience
puisque j’ai passé l1 ans dans l’administration scolaire, de
1961 à 1972, à essayer de faire comprendre aux autorités
locales et provinciales le bien-fondé d’un système d’éducation
secondaire français, financé en Ontario à même les deniers
publics.
3998 23 octobre 1980
23 octobre 1980 DÉBATS DES COMMUNES 3999
* (1830)
Nous avons gagné quelques batailles, mais il reste que nous
sommes loin du système d’écoles homogène français que nous
désirons et que nous espérons obtenir un jour. Si les droits des
minorités avaient été enchâssés dans la Constitution, nous
aurions obtenu gain de cause avec plus de célérité. L’assimilation
au groupe majoritaire nous guette et nous menace continuellement.
C’étaient parfois seulement notre volonté individuelle
et notre détermination collective qui nous permettaient
d’espérer notre survie en tant que Canadiens d’expression
française. Encore une fois, monsieur le président, si les droits
des minorités avaient été enchâssés, nous aurions pu en conserver
un plus grand nombre. Individuellement, les Canadiens
français n’ont survécu que par un constant esprit de combativité.
Attaquée de tout bord et tout côté, leur existence tenait
parfois au fait même qu’ils étaient attaqués, parce que ignoré,
on meurt et attaqué, si on a du coeur, on se défend, et on s’est
défendu. Une minorité, monsieur le président, a besoin de plus
de droits que la majorité. Je suis aussi déçu de voir qu’il est
parti, mais tout de même, j’ai été fort déçu, mardi dernier,
d’entendre le député de Joliette (M. La Salle) sermonner les
minorités françaises hors Québec sur la question des droits
linguistiques. J’ai été étonné et peiné que le député francophone
nous serve l’argument classique des majorités en ce qui
regarde l’enchâssement des droits dans la Constitution, et je le
cite:
… comme ces droits touchent de très près à la juridiction provinciale sur
l’éducation, je ne vois ni l’urgence ni la nécessité de les enchâsser dans la
Constitution au risque de provoquer de nouvelles querelles, comme en ont
connues les générations passées.
Et c’est cela le député de Joliette! Quand une minorité
francophone, en province, réclame les moyens concrets et
pratiques nécessaires à sa survivance, elle se fait dire qu’il ne
faut à aucun prix provoquer des mésententes et des frictions au
sein de la collectivité. On veut bien l’aider, mais seulement si
cela ne dérange en rien le groupe confortablement installé dans
sa majorité. La minorité en conséquence, si elle obéit à cette
règle que propose le député de Joliette, n’a plus «qu’à se tenir
tranquille, à se taire et à se laisser assimiler».
Les minorités linguistiques du Canada n’ont pas l’intention
d’écouter les sornettes du député de Joliette. Il parle étrangement.
Il parle le langage de certains premiers ministres provinciaux
qui proposaient, il y a quelques années à peine, de signer
des ententes bilatérales de réciprocité en éducation, et qui
prônaient le marchandage interprovincial de leur minorité.
Monsieur le Président, nous résisterons au marchandage de
notre survie, nous ne sommes pas les pions de la majorité, nous
voulons nos droits, nous rêvons de devenir des citoyens à part
entière, nous les voulons enchâsser dans notre Constitution
canadienne. De cette volonté collective ont surgi plusieurs
mouvements de regroupement des minorités, nous nous
sommes constitués en de nombreuses associations et en plusieurs
organismes. Issues de la base, ces associations se sont
formées pour corriger les injustices linguistiques scolaires et
même sociales. Oeuvrant souvent dans un milieu hostile,
La constitution
ces associations provinciales ont été les principaux artisans
d’une lutte quasi permanente. Nous avons besoin d’eux, ils ont
besoin de nous, et le gouvernement fédéral, Dieu le sait, les a
appuyés. Certains diront que ces organismes provinciaux et
nationaux sont des groupes de pression dirigés parfois par des
animateurs ambitieux. Si les chefs de file sont quelquefois
obligés de parler franc et durement envers les gouvernements
et les majorités, c’est qu’ils ont parfois besoin de crier plus fort
pour se faire entendre. Je crois que la plupart des Canadiens
vivant en situation minoritaire appuieront l’enchâssement dans
la Constitution des droits linguistiques en matière d’éducation.
C’est pour eux une garantie importante qui les aidera dans
leur recherche collective d’égalité et d’équité. A titre d’exemple,
monsieur le président, le 28 septembre dernier, l’Association
canadienne française de l’Ontario en congrès, ici à
Ottawa, adoptait la résolution suivante, et cela avant qu’on
nous présente la résolution à l’étude aujourd’hui, et je cite:
Que l’ACFO souhaite fortement le rapatriement de l’Acte de l’Amérique du
Nord britannique et que la condition sine qua non de cet appui soit que la
nouvelle Constitution canadienne enchâsse les droits fondamentaux et individuels
incluant les droits linguistiques des minorités de langue officielle.
C’est cette même association provinciale qui a souvent dirigé
la lutte en Ontario. On a lutté pour parler et même prier dans
sa langue. On a lutté pour travailler dans sa langue avec un
«boss» qui souvent comprenait mal nos aspirations, on a lutté
pour faire éduquer nos enfants dans la langue française en
Ontario et ailleurs, on a lutté pour obtenir des services publics
en français, on a lutté pour obtenir le droit de se défendre dans
les cours de justice à tous les niveaux, on a lutté contre les
préjugés linguistiques souvent alimentés par des conceptions
erronées du bilinguisme institutionnel, on a lutté pour conserver
et développer notre culture, voilà ce à quoi se sont consacrées
plusieurs générations de franco-Ontariens et de franco-
Manitobains, de Fransaskois, d’Acadiens et de gens qui
demeurent dans les provinces autres que le Québec, mais qui
ont voulu survivre, au pays, et qui survivront.
On me fait remarquer, monsieur le président, que même si ce
débat est très important et très grave pour les progressistes
conservateurs, pourtant ils ne sont à peine qu’une dizaine à la
Chambre, et je trouve ridicule, à ce moment-ci, qu’on nous
fasse siéger pendant l’heure du souper et que ces gens-là n’ont
même pas à coeur de rester pour entendre les débats.
Nous voici, monsieur le président, en 1980 à étudier une
résolution que je considère très importante. J’ai bien dit à
étudier une résolution, parce que c’est le processus qui va
s’engager après ce soir. Que le chef de l’opposition le dise, ou
que d’autres de ses amis le soutiennent, il est faux de prétendre
que nous mettons le bâillon à ce débat. Ce que nous faisons,
c’est qu’après trois semaines, après avoir entendu près de 50
députés, nous avons dit que finalement il faut en arriver à
étudier sérieusement cette résolution. On va l’envoyer en
comité, là où chacun aura la chance de la commenter, de
soutenir ses arguments et probablement de discuter et de
corriger ce qu’il trouve anormal.
23 octobre 1980 DÉBATS DES COMMUNES 3999
DÉBATS DES COMMUNES
La constitution
Monsieur le président, advenant une étude sérieuse du
comité et un rapport, . . . Je vois le chef de l’opposition qui dit:
On va revenir le 12 février avec un rapport. Je n’ai pas
d’objection à ce qu’on revienne le 10 février, le 12 février, le 9
décembre, pour autant que cela se fasse sérieusement. Personnellement,
je n’y vois pas d’objection. On verra à étudier la
proposition dans le cadre du calendrier auquel le Parlement
doit tout de même se référer. J’ai souvent entendu le chef de
l’opposition dire: On devrait parler de questions économiques,
de questions énergétiques. Je pense qu’il comprend très bien les
contraintes parlementaires actuelles, et qu’il a tout de même,
lui aussi, une somme de travail assez importante, et il ne
faudra peut-être pas trop prolonger ce débat si ce n’est que
pour nuire, si ce n’est que pour retarder, comme on l’a fait
depuis trois semaines après la période des questions orales.
Pendant une heure, deux heures et trois heures, on posait une
série de questions de privilège et de rappels au Règlement. Je
pense que cette méthode d’empêcher les choses d’avancer n’est
tout de même pas tout à fait ce que je considère un parlementarisme
très sérieux.
Comment les Canadiens se serviront-ils de cette nouvelle
constitution? Je n’en sais absolument rien! L’avenir nous le
dira. Il est certain, par exemple, que l’outil constitutionnel
confère plus qu’une loi ordinaire, car on ne modifie pas
facilement une constitution. Le chef de l’opposition s’oppose à
l’article 42, parce qu’il y a une question de référendum làdedans
et que le peuple aura à se prononcer. En définitive,
monsieur le président, la démocratie, c’est cela, c’est un régime
où le peuple a le droit de parler. Pour ma part, j’ai lu plusieurs
articles de fond et je réfère le chef de l’opposition à un article
écrit le 23 septembre 1980 par Pierre Tremblay du journal Le
Droit. Je ne le lirai pas, parce qu’il est très long, mais il est très
bien. M. Tremblay soutient justement la thèse que c’est fini
cette dispute provinciale-fédérale, qu’il faut maintenant en
appeler au peuple lorsqu’on traverse une impasse impossible à
régler entre politiciens.
Monsieur le président, on me fait remarquer que, dans
l’histoire, et cela, à mon avis, est intéressant, les pouvoirs
politiques peuvent souvent contourner ou abroger certains
droits constitutionnels. Je pense en particulier à l’article 23, du
Manitoba, qui a été abrogé par la volonté d’une seule assemblée
législative. Combien de fois dans notre courte histoire les
minorités linguistiques ont-elles dû se battre pour maintenir,
ou pire encore, obtenir des droits comme le libre choix de leur
religion et de leur langue? Combien souvent les minorités
ont-elles vu s’évanouir leurs droits qui semblaient pourtant
acquis? On a mis 80 années pour reconnaître que ces lois de la
législature manitobaine étaient discriminatoires et anticonstitutionnelles.
On l’a reconnu parce qu’un homme, M. Georges
Forest, de sa propre initiative, a bien voulu consacrer son
temps et son argent à se battre pour un de ses droits fondamentaux,
celui de sa langue.
Ici en Ontario, nous avons vécu le fameux Règlement 17. Il
a fallu plusieurs années, monsieur le président, avant de pouvoir
obtenir justice et faire rescinder cette mesure régressive et
discriminatoire. D’ailleurs c’est encore un des thèmes importants
en Ontario, on dit souvent le mot justice. C’est un mot
fort important pour nous. Il ne faut pas croire que la Charte
des droits, monsieur le président, présente une solution à tous
les espoirs ou satisfera à toutes les aspirations des groupes
minoritaires de langues officielles. C’est là un très bon commencement,
et je suis ravi de l’initiative, car même si nous
avons obtenu le minimum requis, il n’est pas dit que nous
laisserons de côté toute initiative visant à améliorer cette
Charte. Si on veut vraiment permettre aux minorités de langues
officielles de vivre pleinement leur culture et leur langue,
il faudra voir à leur assurer des services de santé et des services
sociaux dans leur langue et dans leur province. Finalement, il
faudra étendre les services de radio et de télévision à toute la
population canadienne, et ce, dans les deux langues officielles
là où ceux qui réclament ce service sont en nombre suffisant.
Le Canada est de plus en plus un peuple de minorités.
D’ailleurs, les statistiques le révèlent tous les jours. Il est donc
essentiel d’après moi que leurs droits fondamentaux soient
protégés. Il n’y a rien d’extraordinaire, monsieur le président,
dans le fait qu’un pays ait une ou des minorités. La plupart des
grands pays du monde ont des minorités linguistiques avec
lesquelles ils doivent composer. D’ailleurs une maxime dit
qu’une minorité qui a la volonté de survivre et qui est attaquée
saura se défendre, tandis qu’une minorité qui s’ignore et par
surcroît se voit ignorée par la majorité est souvent vouée à la
disparition.
a (1840)
[Traduction]
Nous devons aujourd’hui relever un défi qui revêt pour tous
une grande importance, celui de sauvegarder l’unité du pays.
Nous comprendre les uns les autres en dépit de toutes nos
loyautés régionales et locales, de toutes nos coutumes et nos
traditions, comprendre la nature de ce pays avec ses deux
langues officielles et ses multiples cultures, réaliser qu’il y a
des forces qui s’exercent pour bâtir un Canada meilleur tandis
que d’autres forces cherchent à le détruire: voilà le défi qui
nous est lancé.
Je vois, monsieur l’Orateur, que vous allez vous lever pour
me dire que mon temps de parole est épuisé. Je le regrette
beaucoup. J’aurais voulu terminer mon discours, mais je dois
me conformer aux règles et céder la parole à un autre député.
L’Orateur suppléant (M. Blaker): Je profiterai peut-être de
cette occasion pour apprendre aux députés, du moins à ceux
qui sont ici, que j’ai l’habitude d’essayer en général d’avertir
ceux qui s’adressent à la Chambre que leur temps de parole est
près d’expirer, bien que certains ne s’en rendent pas toujours
compte. Je sais quelles pressions s’exercent sur les députés.
Mais, bien que la présidence se soit montrée assez compréhensive
jusqu’ici, je crois qu’il est de mon devoir d’être très précis
désormais en ce qui concerne le temps de parole. J’avertis donc
les députés qu’à compter de maintenant, j’interromprai les
discours à l’heure réglementaire précise, qu’ils aient ou non
saisi mon message préalable.
M. Bill Yurko (Edmonton-Est): Monsieur l’Orateur, pour
parler de l’amendement et de la motion principale, j’ai préparé
un discours de 40 minutes que je ne peux prononcer dans les
20 minutes qui me sont accordées. Je vais donc rendre public
le texte intégral de ce discours et, pour donner aux autres
députés l’occasion d’exprimer leur point de vue, je vais me
limiter à un bref résumé.
4000 23 octobre 1980
23 octobre 1980
DÉBATS DES COMMUNES
J’ai dit dans le passé que j’étais favorable au programme
présenté par le gouvernement. J’appuyais alors et j’appuie
toujours un certain nombre de principes. Mes raisons figurent
dans le texte que je tiens à la disposition de tous ceux qui
souhaitent le lire. J’en transmettrai des copies à chacun des
membres du comité lorsque celui-ci sera formé.
Premièrement, j’appuie le rapatriement unilatéral par le
Parlement avec la formule de l’unanimité, comme le précise la
motion que j’avais proposée le 9 mai et que la Chambre avait
adoptée à l’unanimité. J’appuie également la motion présentée
hier soir au sujet du rapatriement unilatéral avec la formule de
Vancouver. Notre constitution doit être rapatriée à bref délai
afin que nous puissions y apporter successivement les modifications
susceptibles d’atténuer les tensions croissantes qui se
manifestent dans notre pays.
Deuxièmement, j’appuie la recherche d’une formule d’amendement
moins rigide que celle de l’unanimité, mais je regrette
la démarche du gouvernement qui nécessite une révision de
fond. En fait, des révisions sont obligatoires.
Troisièmement, j’appuie le recours au référendum comme
moyen de réforme constitutionnelle. En plus du gouvernement
fédéral, le peuple devrait pouvoir prendre l’initiative d’une telle
consultation et la majorité dans chaque province devrait être
nécessaire, pas seulement la majorité dans chacune des quatre
régions.
Quatrièmement, j’appuie énergiquement le maintien de
l’égalité du statut provincial et la protection des droits et
pouvoirs provinciaux actuels. Ces droits et pouvoirs ne
devraient pouvoir être réduits que du consentement de la
province en cause, particulièrement en ce qui concerne les
terres, les ressources et les frontières. Je propose un amendement
à cet effet dans le texte intégral de mon discours.
Cinquièmement, j’appuie la péréquation et la constitutionnalisation
d’une charte des droits et libertés, mais il faudrait
reprendre le libellé de la résolution pour lui donner plus de
clarté à cet égard. J’aurais préféré aussi que cette démarche
soit entreprise au Canada après le rapatriement.
Sixièmement, je ne voudrais pas faire avorter le programme
constitutionnel du gouvernement et, du même coup, empêcher
le rapatriement. Je voudrais plutôt l’améliorer pour favoriser le
rapatriement. Par conséquent, j’appuie le renvoi de la question
au comité, mais pas par la voie d’une motion de clôture. C’est
là un acte gratuit de la part du gouvernement. J’en suis
attristé. C’est un geste malheureux qui survient deux semaines
et demi seulement après que la Chambre ait été convoquée
pour débattre de l’une des questions les plus importantes dont
elle ait été saisie depuis 1867.
C’est là un geste qui porte atteinte au privilège qu’ont les
députés de parler de cette question capitale. Je sais qu’il y a eu
une certaine mesure d’obstruction. Il y en a toujours des deux
côtés de la Chambre. Toutefois, un mois de plus n’aurait fait
aucun tort à la Chambre ni au Canada, bien sûr. Je regrette
donc avec indignation la motion de clôture du gouvernement.
Lorsque j’ai rejoint les rangs du parti conservateur du
Canada, il y a treize ans, à un mois près, j’ai demandé:
qu’est-ce que ce parti défend? S’agit-il simplement d’un groupement
de personnes qui partagent les mêmes objectifs et les
mêmes opinions, ou est-ce plus que cela? Le parti a-t-il une
doctrine, un fondement philosophique ou ne s’agit-il que d’une
étiquette qu’on peut coller et décoller selon l’occasion?
La constitution
J’ai cherché des réponses, mais n’en ai trouvé que peu. J’ai
fini par acquérir la conviction que le conservatisme représente
une intégrité de l’esprit et un développement ordonné de la
conscience qui sont authentiquement importants et sans caractère
passager. Et c’est en me fondant sur cette intégrité
individuelle de l’esprit et de la conscience que je voterai
désormais sur cette mesure extrêmement grave. Je compte que
tous les députés feront de même. Je respecte le droit de chaque
député d’agir ainsi à propos de cette question fondamentale.
Cette question ressortit aux hommes d’Etat et n’a rien à voir
avec la politique de partis et les politiciens sectaires.
e (1850)
Voilà. Il m’a fallu cinq minutes pour prononcer mon discours,
ou plutôt pour le résumer et annoncer que je le prononcerai
devant les membres du comité. A ce rythme, je crois
qu’un bon nombre de députés auront comme il se doit la
possibilité de prendre la parole sur cette résolution avant
qu’elle ne soit renvoyée au comité à la fin de la soirée.
Des voix: Bravo!
M. David Smith (Don Valley-Est): Monsieur l’Orateur,
c’est un honneur de participer à ce débat historique, et je suis
fier, comme tous ceux qui ont pris la parole, d’y contribuer si
peu que ce soit.
Quand le débat a commencé, j’ai cru que peut-être certains
électeurs me demanderaient pourquoi le Parlement perd son
temps à débattre de la constitution alors qu’il y a des interruptions
postales, des grèves des commis et des problèmes économiques
criants au Canada. Mais je crois que mes électeurs ont
fait preuve d’une grande maturité. Je crois qu’il faut reconnaître
qu’un problème, même important, n’est pas nécessairement
urgent tel ou tel jour, telle ou telle semaine, tel ou tel mois. Et
le fait que ce ne soit pas alors urgent ne signifie pas que ce
n’est pas d’une importance vitale pour notre pays. Or, je crois
que les électeurs et les commettants de Toronto, certainement,
et en tout cas de la circonscription que j’ai l’honneur de
représenter, ont compris qu’il était nécessaire que le Parlement
s’attaque aujourd’hui à ce problème.
Je crois qu’il convient de féliciter le premier ministre (M.
Trudeau) et le ministre de la Justice (M. Chrétien) de la force
dont ils ont fait preuve en prenant tout sur eux et en décidant
d’aller de l’avant dans ce projet pour résoudre un problème que
les Canadiens ont malheureusement été incapables de régler
pendant des décennies.
Des voix: Bravo!
M. Smith: La Chambre est présentement saisie d’une résolution
tendant à constituer un comité mixte de la Chambre et du
Sénat qui sera chargé d’étudier le document constitutionnel
que le gouvernement a présenté le 2 octobre et de faire un
rapport à la Chambre. Nous avons entendu de nombreux
discours. Beaucoup étaient excellents, mais il faut reconnaître
que nous commençons peut-être un chapitre qui pourrait durer
des mois et que la motion de clôture ne signifie aucunement
qu’après ce soir, nous n’en reparlerons plus. Les députés de
l’opposition ont peut-être omis de le dire lorsqu’ils ont parlé de
cette motion qui sera mise aux voix ce soir. Le chef de
l’opposition (M. Clark) a lui-même dit, le 2 octobre, et je cite:
80091-32
23 octobre
4002DÉBAS DE COMUNES23 octobre 1 980
La constitution
Le débat ne sera véritablement important que lorsque la résolution sera
renvoyée à la Chambre après que le comité aura déposé son rapport.
M. Beatty: Il ne le sera jamais!
M. Smith: Ces paroles ne sont pas de mon cru mais de celui
du chef de l’opposition: «débat important». Le débat aura lieu
quand le comité déposera son rapport, mais les députés d’en
face ne pourront rien faire si on ne crée pas ce comité. Voilà
pourquoi il convient de le créer et le moment en est venu.
Pour ce qui est de tout ce dossier et tout d’abord du
rapatriement, tous ceux qui sont intervenus semblent dire qu’il
est grand temps d’agir. Je suis d’accord. Cela fait des années et
des années que la question traîne. Depuis 50 ans, tous les
efforts déployés sont vains et je pense que tout le monde
reconnaît que le gouvernement a fait tout ce qu’il a pu au
cours des derniers mois pour parvenir à une entente raisonnable
avec les provinces. Si certains députés de l’opposition ne
veulent pas en convenir, les historiens, eux, ne manqueront pas
de le faire. A mon avis, même le public en est déjà convaincu.
Voyons un peu la formule d’amendement. J’appuie la proposition.
Je la trouve raisonnable, juste et conforme à notre
tradition. Elle sauvegarde les droits des provinces. Nous ne
parlons pas d’une nouvelle répartition des pouvoirs. Aucune
nouvelle redistribution des pouvoirs n’est possible d’ici deux
ans sans le consentement unanime des parties. Je ne vois pas ce
dont le premier ministre Peckford pourrait avoir à se plaindre
au cours des deux prochaines années.
Si, après deux ans, nous n’arrivons pas à nous entendre, nous
opterons pour la formule de Victoria; en outre, l’article 42
mentionne la possibilité d’un référendum. C’est apparemment
ce qui fait enrager les députés de l’opposition officielle. Ils
disent qu’en théorie cela risque de détruire le fédéralisme tel
que nous le connaissons et, par la même occasion, le Canada
lui-même. Selon moi, nous devons reconnaître que si ce pouvoir
existe, il est bien certain qu’on n’y aurait recours qu’en
dernier ressort.
Admettons que nous puissions avoir recours au désaveu. S’il
faut parler théorie, parlons théorie. Il est absolument ridicule
de prétendre que quelque chose de nouveau puisse surgir et
détruire le fédéralisme, surtout quand on songe que le pouvoir
de désaveu existe depuis de nombreuses années chez nous. Cela
a-t-il détruit le fédéralisme? Bien sûr que non.
Dans le discours qu’il a prononcé le 6 octobre, le chef de
l’opposition a dit, et je cite cet extrait du compte rendu (p.
3291):
Et comme cette autorité n’est pas restreinte, il pourrait même, s’il le voulait,
retirer aux provinces tous leurs pouvoirs et ce, pour toujours.
Il a ajouté:
En vertu de cette résolution, le gouvernement central aura le pouvoir d’enlever
au Canada ce qui en fait une fédération. Et ce faisant, il sonnera, à mon avis, le
glas du Canada en tant que pays.
Cela est inexact. Ce n’est pas le gouvernement du tout, c’est
le peuple qui a l’autorité, et cela fait toute la différence. Je
pense que le chef de l’opposition a entièrement négligé le fait
qu’en fin de compte, c’est du peuple que dérive le pouvoir de
tous les gouvernements. J’ai plus confiance dans le peuple
canadien que l’opposition.
Les députés d’en face parlent de la tyrannie de la majorité.
Dans son discours, le député de Provencher (M. Epp) en a
parlé à maintes reprises. Eh bien, je ne pense pas que la
formule qui exige le consentement de 51 p. 100 de la population
dans chacune des quatres régions du pays ait été conçue
pour permettre l’insertion dans la constitution de notions fantaisistes.
Je trouve cette affirmation absurde et je la rejette. Je
fais plus confiance aux Canadiens que, semble-t-il, ceux qui
soutiennent ces arguments.
Je voudrais parler brièvement de la charte. Je suis pour.
Certains de ses éléments sont si évidents que personne, je crois,
ne peut être contre. Nous croyons tous, par exemple, à la
liberté de conscience, de religion, de pensée, de croyances,
d’opinion, d’expression, de presse. Je ne comprends pas qu’on
parte en guerre contre ces droits, mais il y en a d’autres qui ne
sont pas aussi historiques et qui sont plus particuliers au
Canada.
Je crois à la péréquation. Je représente le Canada central,
l’Ontario, Toronto. Je suis un Torontois, et du point de vue de
la charge fiscale des régions, les statistiques prouvent que la
part d’impôt de Toronto n’est pas proportionnée à sa population.
Je ne m’élève absolument pas contre cette situation. Je
l’accepte et je m’en réjouis. Je l’approuve parce que c’est ce qui
fait notre pays. Le pays est fondé sur le partage. C’est à cela
que tient le gouvernement, notre parti, et cette disposition, et
c’est pourquoi nous devons l’approuver et l’inscrire dans la
constitution pour qu’elle ne soit jamais remise en question ni
balayée par un autre gouvernement qui pourrait être élu et qui
n’y croirait pas.
Des voix: Bravo!
M. Smith: Une autre disposition de la charte concerne la
liberté de circulation. C’est une question qu’on n’a soulevée
que ces dernières années. Il s’agit d’une idée assez nouvelle,
mais il importe de garantir la liberté de circulation parce qu’il
s’est malheureusement élevé des barrières qui ont empêché des
gens d’une région d’obtenir des emplois ailleurs au Canada. Ce
n’est pas, à mon sens, ce qui constitue un pays.
Nous avons aujourd’hui entendu le député de Saint-Jean-
Ouest (M. Crosbie) défendre le projet de loi du gouvernement
de Terre-Neuve qui vise à empêcher les Canadiens qui n’habitent
pas cette province d’y obtenir des emplois. Cela nous
donne une idée de la façon dont la liberté de circulation serait
garantie si son parti était au pouvoir. C’est pour cette raison
que nous devons garantir le droit des Canadiens de s’établir
n’importe où au Canada et d’y occuper un emploi. Nous
devons le faire de manière à empêcher qu’un autre gouvernement,
qui n’approuve pas cette disposition, ne l’abroge.
4002 DÉBATS DES COMMUNES
23 octobre
1980
La constitution
Nous avons écouté les critiques virulentes des députés de
l’opposition officielle au sujet du programme constitutionnel,
mais quelle solution de rechange ont-ils proposée? J’ai lu
plusieurs de leurs discours. J’ai dépouillé les discours du chef
de l’opposition, du député de Provencher, du député de Rosedale
(M. Crombie) et d’autres porte-parole de l’opposition qui
ont pris part au débat. Ils planent. Ils parlent de l’accord de
Vancouver comme s’il s’agissait du Saint-Graal, comme si
c’était l’ultime solution. Voyons un peu ce qu’elle prévoit.
D’abord, que sept provinces représentant 50 p. 100 de la
population peuvent, avec l’approbation du gouvernement fédéral,
modifier la constitution. Elle exige 50 p. 100 et, même si le
député de Provencher (M. Epp) nous dit préférer une majorité
des deux tiers, il est prêt à accepter cette proportion. Mais
deux alinéas plus loin dans son discours, il s’en prend à notre
formule qui exige plus de 50 p. 100 de chacune des quatre
régions, ajoutant que c’est de la tyrannie à 51 p. 100. Pourtant,
l’opposition accepte volontiers une formule qui demande tout
juste 50 p. 100 de la population canadienne représentée par ses
gouvernements provinciaux.
S(1900)
Une voix: Ce n’est pas tout!
M. Smith: Vous avez raison, ce n’est pas tout: l’histoire se
gâte. Ils ont ensuite une formule d’abstention facultative qui, si
je comprends bien, n’est pas conforme à la tradition au
Canada, une province s’abstenant de ceci et une autre de cela.
Le premier ministre (M. Trudeau) a qualifié cette disposition,
et avec raison, de formule d’échiquier qui aurait pour résultat
que différentes régions du pays seraient assujetties à des lois
différentes. Quelle sorte de pays a-t-on alors quand chose
pareille se produit d’un bout à l’autre du pays?
Le député de Rosedale (M. Crombie), qui nous a fait un bon
discours et nous a dit quelques vérités, a parlé des cinq
principes sur lesquels repose la confédération canadienne.
Deux d’entre eux sont l’union nationale et le consensus. A mon
avis, la formule d’abstention facultative va à l’encontre de la
thèse qu’il a développée. Comment alors le chef de l’opposition
(M. Clark) peut-il trouver le consensus de Vancouver si épatant?
Je vais vous dire pourquoi. C’est que l’abstention facultative
lui permet de ne pas avoir à choisir entre les premiers
ministres. Il n’a pas à choisir entre Lougheed et Davis, entre
tous ces premiers ministres tory qui ne peuvent s’entendre.
Pour lui, c’est une belle façon de s’en tirer.
Des voix: Bravo!
M. Smith: Voilà pourquoi ils aiment tant le consensus de
Vancouver. Consensus? Quelle blague!
Si les députés ont suivi la conférence des premiers ministres
provinciaux à Toronto la semaine dernière, ils savent qu’il est
absolument insensé de parler de consensus; pourtant, c’est la
voie qu’il veut suivre. Si c’est cela être chef, que Dieu m’en
garde. Ce n’est pas de ce genre de chef que le pays a besoin;
notre gouvernement offre au pays un chef d’une tout autre
trempe. Nous avons besoin je crois, d’un cadre constitutionnel
qui permette de maintenir les liens qui unissent le pays.
Par ailleurs, les conservateurs ont lancé l’idée de créer une
assemblée constituante, mais ils n’en ont pas beaucoup parlé.
La seule personne qui en ait parlé est le député de Provencher,
mais il n’a pas dit ce qu’ils comptaient faire. D’après eux, il
serait terrible d’avoir dans une constitution une disposition
prévoyant la tenue d’un référendum, mais ils sont par contre
en faveur de la création d’une assemblée constituante. D’où
tiennent-ils leur mandat? Je ne le sais pas trop bien; ils n’ont
pas beaucoup précisé.
A mon avis, l’opposition n’a pas d’opinion bien précise à ce
sujet; elle ne sait où donner de la tête et elle n’a en fait aucune
autre solution à nous proposer. Nous avons présenté une option
bien précise et raisonnable, solution qui sera adoptée et qui
portera ses fruits et nous serons tous fiers d’avoir contribué à
cette réussite.
Des voix: Bravo!
M. Smith: Il y a une dernière chose que je veux dire: je
crois, pour ma part, qu’il est possible d’améliorer la charte.
C’est la fonction du comité. Des députés savent peut-être que
je suis le président du comité des invalides et handicapés. Je
crois que la charte serait meilleure si elle visait nommément
ces personnes. J’en ai parlé déjà et j’ai l’intention de poursuivre
cette idée dont j’espère saisir le comité. Ce ne serait rien de
révolutionnaire qui ouvrirait la voie aux revendications d’une
foule de groupes minoritaires car, en fait, le précédent est
établi dans la loi sur les droits de la personne. La mention des
droits des invalides et des handicapés perfectionnerait ce que je
crois être une charte bonne et bien faite.
J’ai eu l’occasion de voyager dans tout le pays et d’écouter
les gens et je peux vous assurer que les Canadiens d’un océan à
l’autre, surtout les Canadiens invalides, tiennent beaucoup à
leurs droits. Ils ne sont pas vraiment certains que leurs droits
soient protégés par les divers gouvernements provinciaux.
Nous avons entendu plus de 600 exposés et nombre d’entre eux
traitaient de ce problème. Tous, sans exception, appuyaient la
notion d’une charte des droits inscrite dans la constitution.
J’espère que l’on finira par préciser clairement que ces droits
s’étendent expressément aux Canadiens handicapés.
Comme je l’ai dit tantôt, je suis heureux de participer à un
débat que je qualifie d’historique. Je suis fier d’être ici ce soir
pour prendre part à ce débat car je crois que nous accomplissons
une tâche historique, qui sera bénéfique au Canada et qui,
je crois, nous permettra une fois achevée de passer à d’autres
choses.
L’hon. Stanley Knowles (Winnipeg-Nord-Centre): Monsieur
l’Orateur, je ne suis probablement qu’une voix qui crie dans le
désert, mais il y a un point que j’aimerais faire valoir à ce
stade de nos discussions et je voudrais le faire aussi sérieusement
que possible.
Nous approchons de la fin du débat sur la motion visant à
établir un comité mixte chargé de s’occuper de la constitution
et, selon toute probabilité, cette motion nous prendra encore
environ six heures de discussion avant qu’on la renvoie finalement
au comité spécial mixte. Ce que je voulais vous dire, c’est
qu’il y a eu suffisamment de discorde, d’acrimonie et d’hostilité
de part et d’autre et que le moment est enfin venu de faire
preuve de bonne volonté en renvoyant cette proposition au
comité et en chargeant ce dernier de s’attaquer à ce problème
avec tout le sérieux voulu.
23 octobre 1980 DÉBATS DES COMMUNES 4003
4004 DÉBATS DES COMMUNES 23 octobre 1980
La constitution
Je suis peut-être trop optimiste, mais je désire fermement
que cette motion soit adoptée ce soir sans qu’il faille avoir
recours au vote inscrit, ce qui serait une façon de dire au
comité: «Nous avons fini de débatre et de discuter, nous avons
dit tout ce que nous avions à nous dire. Il appartient maintenant
au comité d’examiner la résolution proposée».
Je voudrais ajouter que mes collègues et moi-même sommes
disposés à apporter notre appui à l’amendement proposé cet
après-midi de façon à donner au comité le temps supplémentaire
dont il a besoin pour faire ce travail et j’espère que le
gouvernement voudra bien accepter cet amendement. En fouillant
un peu, on s’apercevrait peut-être que l’opposition officielle
serait disposée à accepter que l’on renvoie la motion au
comité sans qu’il faille voter, pourvu que l’amendement soit
adopté.
Je dis tout cela, monsieur l’Orateur, parce que je pense
exprimer le sentiment de la population du Canada à propos de
la conférence de septembre, soit que c’est une honte que onze
hommes mûrs réunis n’aient pu s’entendre sur un projet de
nouvelle constitution et qu’ils se soient quittés en si mauvais
termes que cela a accru les divisions au pays. Je pense que les
Canadiens espéraient que les 282 députés-je crois que nous
ne sommes plus que 279 maintenant puisqu’il y a quelques
sièges vacants-réussiraient là où les premiers ministres ont
échoué. A la place, nous avons eu trois semaines de débat assez
mouvementé, auquel un vote de clôture met un terme aujourd’hui.
Je regrette infiniment que nous devions procéder de la
sorte.
e (1910)
Ce que j’ai pu constater c’est que chaque fois qu’on a
recours à l’article 33 on provoque le mécontentement, l’acrimonie
et la rancoeur ici, ce qui n’est pas bon pour le parlementarisme.
Cet article est là depuis longtemps. Il est de conception
et de naissance fort douteuse, ayant été présenté en 1913
par un gouvernement conservateur qui avait du mal à faire
voter un bill d’assistance navale. Devant l’obstruction libérale
qui lui causait tant de difficultés, le gouvernement interrompit
le débat, fit modifier le Règlement, relança le débat et appliqua
le nouvel article. On utilise souvent l’expression «changer
les règles du jeu au milieu de la partie». En 1913, il a fallu la
prendre au sens propre et non au figuré. Je répète que le peu
de fois que l’article a servi depuis, il a toujours laissé du
mécontentement et de la rancoeur.
Je me rappelle par exemple l’année 1956 et le débat sur le
pipe-line, au cours duquel il a été appliqué quatre fois. Quatre
fois nous avons siégé ici jusqu’à 2, 3 ou 4 heures du matin. Ce
fut une époque mémorable de l’histoire du Parlement, mais
une époque peu glorieuse. Et je puis dire que nous n’avons
jamais complètement réparé le tort causé à notre institution
par le recours à la clôture en 1956.
Il a servi encore depuis. Dans le débat sur le drapeau par
exemple. Cette fois-là, comme aujourd’hui, mon parti était
favorable à la motion d’adoption du nouveau drapeau, mais
nous avons voté contre la clôture. Il a servi à nouveau en 1969.
Cette année-là, il a servi à faire adopter d’autres articles de
limitation des débats, les articles 75A, 75B et 75C.
Qui pourrait nier que les rapports normaux, les salutations
normales que nous échangeons dans les couloirs et ailleurs
dans ce bâtiment n’aient été refroidis aujourd’hui par la
clôture et l’ambiance qu’elle a créée. Je suis tout à fait
persuadé qu’avec un tout petit peu plus de négociations, quelques
jours de plus, une semaine même ou ce qu’il aurait fallu,
nous aurions mis fin au débat sans recourir à ce couperet.
Si d’une part je reproche au gouvernement d’avoir imposé la
clôture, je dois dire que l’autre parti est également à blâmer.
Les progressistes conservateurs ont voulu faire la preuve par de
savants calculs qu’ils n’ont pu faire autant de discours que les
libéraux, mais ce sont eux pourtant qui ont refusé tout compromis
tendant à mettre fin volontairement au débat. Nous les
avons entendu dénoncer la proposition dont la Chambre est
saisie comme si elle signifiait la fin du Canada, comme si la
bonne volonté était totalement absente de l’esprit de ceux qui
l’ont rédigée. Et nous avons assisté à un débat qui ne rehausse
en rien la réputation du Parlement ni ne facilite nos délibérations.
Bon, disons que c’est fait. Nous ne pouvons revenir
là-dessus. Des députés regrettent peut-être ce qu’ils ont dit.
Mais ce qui est fait est fait. Le débat prendra fin à 1 heure ce
matin. N’est-il pas temps que nous nous rendions compte que
nous sommes aux prises avec une question très importante,
c’est-à-dire le fondement même de notre régime politique et
que nous devrions transmettre la question à un comité mixte
en lui demandant de s’efforcer de produire un document
compatible avec les besoins et les désirs de la population?
Notre chef a bien précisé notre position à différentes reprises.
Il a rappelé que somme toute, le Canada existait depuis
113 ans, qu’il avait vécu 53 années depuis la première tentative
de rapatriement de la constitution, et que le moment est venu
de prendre les choses en mains et d’en finir. Nous voulons bien
faire en sorte d’en finir, mais il ne s’agit pas simplement d’une
tâche que nous aurait confiée le gouvernement. C’est une
entreprise à laquelle tous les partis de la Chambre doivent
coopérer du mieux qu’ils peuvent. Non seulement nous sommes
persuadés qu’il est temps d’en finir avec cette question mais
l’observation la plus commune que j’entends dans la bouche de
mes électeurs et un peu partout dans le pays est celle-ci:
«Pourquoi n’en finissez-vous pas».
En outre, nous croyons que la proposition contient des
éléments valables. La majorité d’entre nous souhaite l’intégration
d’une charte des droits. Il en est de même pour les droits
linguistiques. Nous appuyons tous le principe de la péréquation.
Tout cela doit faire partie de notre constitution. Alors
pourquoi tergiverser ou refuser de s’attaquer aux choses qui
restent à faire?
Je suis particulièrement fier de ce que le député d’Oshawa
(M. Broadbent) a accompli dans ses négociations avec le
premier ministre (M. Trudeau), afin qu’il soit stipulé très
clairement que les provinces ont le droit de contrôler et
d’administrer leurs ressources naturelles, avec tout ce que cela
implique.
4004 DÉBATS DES COMMUNES 23 octobre 1980
23 octobre 1980 DÉBATS DES COMMUNES 4005
M. Wilson: Et la propriété?
M. Knowles: Je pense que la propriété est incluse, mais
comme mon ami le sait les tribunaux ont rendu des décisions
sur des causes de ce genre ces derniers temps, et ces jugements
ont suscité certains doutes sur la signification de cette propriété.
Il y a ensuite, naturellement, toute la question de
l’imposition indirecte des produits tirés des ressources naturelles,
le commerce interprovincial etc. Mon chef a fait du bon
travail en persuadant le premier ministre d’accepter cette
proposition. J’espère que tous reconnaîtront que même si cela
apporte un équilibre qui rend l’ensemble plus acceptable, ou en
tout cas certainement moins inacceptable pour les provinces de
l’Ouest, il ne s’applique pas moins à toutes les provinces du
Canada, de la Colombie-Britannique à Terre-Neuve. Je suis
fier du travail accompli par mon chef dans ses négociations
avec le premier ministre sur cette question, mais je pense
également-je risque de me mettre dans de mauvais draps en
disant cela-que l’on pourrait même dire quelques mots de
remerciement à l’intention du premier ministre …
Des voix: Bravo!
M. Knowles: … qui s’est montré assez souple pour discuter
de ces questions avec le député d’Oshawa et a accepté d’apporter
les modifications nécessaires. Je pense qu’un certain
nombre d’entre nous avons fait un assez bon travail en insistant
sur la nécessité d’examiner attentivement l’article 42 pour
déterminer à quelle fin il doit servir. Je puis dire très franchement
que j’ai discuté de cette question avec au moins cinq
membres du Cabinet et que j’ai constaté qu’ils sont tous
d’accord avec moi. Chacun d’eux m’a dit que le gouvernement
était disposé à apporter les modifications nécessaires en comité
pour que leur intention soit exprimée clairement. L’article 42
suscite certaines inquiétudes parce qu’on peut y voir un moyen
de modifier la constitution équivalente à celui de l’article 41.
Le gouvernement dit que non, qu’il n’a l’intention d’avoir
recours à l’article 42 que si l’article 91 mène à une impasse.
Maintenant, certains ministériels prétendent toujours que
l’article est formulé clairement. Je ne pense pas qu’il le soit, et
les ministres à qui j’en ai parlé ont dit qu’il était évident qu’il
faudrait modifier l’article 42 afin de s’assurer qu’il ne servira
qu’à nous sortir d’une impasse, et qu’ils vont bien spécifier
cela. Je suis heureux que quatre des cinq ministres à qui j’ai
parlé m’en aient assuré. Nous devrions tous admettre que cela
nous permet d’espérer une amélioration de la proposition.
Comme je l’ai dit l’autre jour, il serait insensé de rapatrier la
constitution sans nous munir d’abord d’une disposition permettant
d’agir en cas de blocage. Nous pourrions continuer encore
40 ou 50 ans sans l’amender, sans même étudier certains
autres aspects qui, à mon avis, réclament aussi notre attention.
Nous sommes tous convaincus d’avoir bien agi, monsieur
l’Orateur, mais s’il en est un qui a certainement bien manoeuvré,
c’est le chef de mon parti qui a obtenu des concessions en
ce qui a trait aux ressources. Cependant, même si nous avons
réussi à convaincre plusieurs ministres de limiter l’application
de l’article 42 aux seuls cas où il y aurait impasse quant à
l’application de l’article 41, il est quelques autres questions que
le comité devrait étudier. Je souhaite donc que nous adoptions
cette motion à l’unanimité à la fin du débat ce soir et que la
La constitution
résolution soit renvoyée à un comité qui sera certain de la
bonne volonté du Parlement et de son désir de voir la résolution
et certains autres sujets étudiés en toute bonne foi. Il y a
beaucoup de sujets à examiner, mais je voudrais insister sur
trois d’entre eux. L’un d’eux a été soulevé il y a un moment,
mais d’après moi la question de la protection des droits de la
femme mérite un examen plus approfondi. Je sais que le
gouvernement parle d’égalité des droits et un de mes collègues
y reviendra ce soir. Les décisions rendues par les tribunaux ont
démontré qu’il n’y avait pas en réalité d’égalité et je souhaiterais
que le comité se penche sur cet aspect. Je pense que si
nous continuons à nous bagarrer avec une telle acrimonie, le
comité se durcira, se raidira et n’accomplira rien. Je répète ce
que je disais au début de mon intervention: il faut envoyer le
projet de résolution au comité en faisant preuve de bonne
volonté et en demandant à ses membres, de bonne foi, de se
pencher sur les autres aspects, par exemple, la façon d’inclure
dans la constitution les droits des femmes.
e (1920)
La même chose s’applique aux droits des autochtones, pour
qui cette question est d’une importance vitale, comme tous les
députés le savent. Ces gens estiment que les dispositions contenues
dans le projet de résolution sur le maintien des traités et
des droits existants sont insuffisantes et qu’il y aurait lieu de
faire plus.
Je le répète, nous sommes fiers de l’amélioration que nous
avons réussi à faire adopter, mais cela ne nous empêche pas
d’en espérer d’autres. Toutefois, je pense que nous n’obtiendrons
pas d’autres modifications si nous nous durcissons et si
nous faisons de ce débat purement une bataille entre deux
camps. Avouons que nous avons livré bataille durant trois
semaines. Renvoyons la motion au comité dans un esprit de
bonne volonté et demandons-lui de bonne foi, des deux côtés,
de prier les libéraux d’examiner franchement les plaidoyers qui
seront faits en faveur des droits de la femme et des autochtones.
Je demande à la Chambre en se prononçant ce soir, de
dire que nous voulons que ces questions restent en suspens, afin
que nous puissions les insérer dans la constitution si la chose
est possible.
Des voix: Bravo!
M. Knowles: J’ai été heureux d’entendre il y a un instant le
député de Don Valley-Est (M. Smith) soulever un point, l’un
des trois que je voulais aborder maintenant, soit les droits des
handicappés au Canada. Ils sont très mécontents, car rien ne
semble être prévu pour eux dans la constitution. Une fois
encore, je voudrais qu’on prenne des mesures en leur faveur.
Des voix: Bravo!
M. Knowles: Je répète, monsieur l’Orateur, qui si nous
agissons au comité comme nous le faisons ici depuis trois
semaines, comme s’il s’agissait d’une compétition, d’un vote de
parti, il ne va rien se produire. Or, l’enjeu est trop important
pour cela. Nous avons eu nos empoignades. Nous avons eu nos
discordes. Finissons-en. Je demande instamment ce soir qu’on
adopte cette motion à l’unanimité et qu’on la renvoie au comité
dans cet esprit.
23 octobre 1980 DÉBATS DES COMMUNES 4005
DÉBATS DES COMMUNES
La constitution
Comme je l’ai déjà dit, nous sommes prêts à appuyer
l’amendement visant à changer la date de dépôt du rapport du
comité. Nous le ferons si on nous demande de voter. Nous
pourrions peut-être négocier d’ici à 1 heure, compte tenu de ce
que j’ai demandé, à savoir qu’il est temps de s’attaquer sérieusement,
honnêtement et de bonne foi à cette question. Comme
je l’ai dit, je voudrais qu’on renvoie la résolution au comité
dans cet esprit pour que les amendements sur lesquels nous
nous sommes déjà mis d’accord puissent être approuvés par le
comité pour qu’il puisse faire d’autres chose également. Il peut
y en avoir d’autres. Ces trois semaines de vie parlementaire
n’ont pas été très fructueuses, mais si nous pouvions renvoyer
la question au comité de la façon adéquate, nous pourrions
finalement avoir une bonne constitution et être fier d’avoir fait
du bon travail!
Des voix: Bravo!
L’hon. Paul J. Cosgrove (ministre des Travaux publics):
Monsieur l’Orateur, c’est la troisième fois que j’ai l’honneur de
prendre la parole à la Chambre. La première fois, c’était au
moment où la Chambre procédait à la deuxième lecture du bill
sur les subventions aux municipalités. J’ai déclaré à ce
moment-là que l’adoption de ce bill augurait bien pour l’avenir
du Canada et du fédéralisme renouvelé. Elle témoignait en
effet de la volonté de ce palier-ci de gouvernement de reconnaître
les responsabilités des deux autres paliers, et inaugurait
une ère de collaboration entre les gouvernements.
Cette fois-là, soit le soir-même du vote référendaire au
Québec, j’ai expliqué ce que signifiait ce vote référendaire. J’ai
fait une mise en garde et signalé que si nous voulions que nos
efforts pour renouveler le fédéralisme soient couronnés de
succès, il fallait que les provinces témoignent d’une volonté
égale à celle du gouvernement central. Cette volonté devait
s’appliquer à améliorer non seulement la situation du Québec,
mais aussi celle des autres provinces, et les encourager à unir
leurs efforts pour faire du Canada un pays encore plus
heureux.
Malheureusement, les provinces n’ont pas été à la hauteur,
comme en témoigne à l’envi la façon dont certains premiers
ministre provinciaux sont tombés dans le piège ourdi le mois
dernier à la conférence des premiers ministres par l’un des
leurs, dont la raison d’être politique a été et continue d’être de
faire de sa province une entité indépendante du Canada, tout
en conservant tous les avantages de la confédération. Le
nombre des victimes prises à ce piège s’est accru, culminant
avec l’annonce que cinq d’entre eux ont exprimé l’intention de
porter leurs griefs devant les tribunaux. Cela est d’autant plus
ironique qu’il prétendent abhorrer ce même recours dans le cas
du projet de charte des droits et libertés. Il est intéressant de
noter, monsieur l’Orateur, que depuis 1927, les premiers ministres
élus du Canada ont essayé à treize reprises de rapatrier et
de modifier l’Acte de l’Amérique du Nord britannique. Notre
projet de résolution a tiré le meilleur de toutes ces tentatives.
Elle offre aux Canadiens le moyen de sortir de l’impasse créée
par la règle de l’unanimité, soit la nécessité d’avoir le consentement
unanime de tous les premiers ministres des provinces
pour renouveler la constitution et consacrer notre indépendance.
Malheureusement, il fallait pourtant s’y attendre, le
chef de l’opposition (M. Clark) réagit avec excès à notre
formule en réclamant une constitution «faite au Canada.» Que
faisons-nous donc, demanderez-vous, ici ce soir, au Parlement
du Canada, cette grande institution démocratique qui représente
tous les Canadiens, à discuter de ce sujet? Nous faisons,
monsieur l’Orateur, précisément ce que le chef de l’opposition
nous demande de faire.
On a tenté de semer la panique en prétendant que notre
proposition détruirait le régime fédéral au Canada, détruirait
le pays. Si quelqu’un essaie de compromettre le développement
ordonné et logique du Canada comme nation vraiment indépendante
ne ce sont certes pas les députés de ce côté-ci de la
Chambre. Ce que nous tentons de faire c’est non pas de
détruire la fédération mais plutôt de faire sauter les chaînes
que nous impose la règle de l’unanimité, dont j’ai déjà parlé, et
qui depuis trop longtemps entrave la marche des Canadiens
vers le progrès.
* (1930)
Notre proposition ne cherche pas à modifier le régime
fédéral. Pas plus qu’elle n’amoindrit les pouvoirs des provinces
au profit du gouvernement central. En fait, ce pourrait être le
contraire qui se produise. Ce que nous voulons en somme c’est
sortir du 19, siècle et nous préparer à entrer dans le 211. Le
premier ministre (M. Trudeau) emprunte pour décrire notre
position les paroles du premier ministre Davis de l’Ontario qui
a dit ceci: «Ce sont les premières mesures intelligentes pour
refaire notre unité et raffermir notre pays.»
Comme je l’ai déjà dit et comme de nombreux orateurs l’ont
signalé, depuis 53 ans, on a tenté à plusieurs reprises de
moderniser la constitution du Canada. Ça se comprend dans
une certaine mesure. Personne ne s’attend à ce que cela soit
possible du jour au lendemain. Il faut du temps pour faire
quelque chose de bien. Si l’on prend comme exemple les
travaux de rénovation de l’édifice où nous sommes présentement,
l’édifice central où se rassemblent les représentants élus
depuis l’incendie de 1916, on comprend facilement que l’édification
de toute institution, qu’elle soit matérielle, idéologique,
sociale ou politique, demande du temps.
Vous savez monsieur l’Orateur, que l’on a entrepris les
travaux de rénovation à la Tour de la paix. Celle-ci a été érigée
pour commémorer la participation des Canadiens à la Première
Grande Guerre. Le carillon de 53 cloches qui a fait les
délices des citadins et des touristes pendant plus d’un demi-siècle
a été inauguré, chose intéressante, le 1Ir juillet 1927 soit au
moment où la Confédération célébrait son jubilé de diamant.
Chose remarquable, la première rénovation majeure de la
Tour de la paix a lieu 53 ans après son inauguration soit la
même période au cours de laquelle les Canadiens ont tenté de
remanier en profondeur leur constitution. Les rénovations sont
importantes et doivent être terminées d’ici 18 mois. On projette
d’installer un nouvel ascenseur et faire d’autres aménagements
qui permettront aux handicapés de jouir . ..
4006 23 octobre 1980
La constitution
M. Beatty: Monsieur l’Orateur, celui qui parle en ce
moment est un ministre de la Couronne et il doit savoir que
nous sommes en train de débattre une proposition visant à
modifier la constitution du Canada. Il faudrait voir quels liens
il y a entre les ascenseurs et le carillon de la Tour de la paix
des édifices du Parlement. Je pense que le ministre devrait s’en
tenir au sujet traité.
M. Irwin: J’invoque le Règlement, monsieur l’Orateur.
L’Orateur suppléant (M. Blaker): Le député demande-t-il la
parole pour parler à propos du même rappel au Règlement?
M. Irwin: Il s’agit d’un rappel au Règlement qui découle de
celui du député.
L’Orateur suppléant (M. Blaker): A l’ordre. A mon avis, ce
serait peut-être une bonne idée de nous occuper d’un rappel au
Règlement à la fois. J’ai écouté le rappel au Règlement du
député de Wellington-Dufferin-Simcoe (M. Beatty) et les
observations du ministre. Celui-ci a établi un rapport, je pense,
entre ce qu’il a dit à propos du carillon et de la Tour de la paix
et ce qu’il avait dit plus tôt au sujet d’événements qui se sont
produits en 1927 et qui avaient trait à la constitution du
Canada. D’après ce que j’ai entendu, il me semble que les
observations du ministre sont tout à fait recevables. Le député
veut-il encore invoquer le Règlement?
M. Irwin: Non.
M. Cosgrove: Monsieur l’Orateur, je tiens à rappeler à tous
les députés, y compris celui qui a invoqué le Règlement, qu’il y
a une inscription au-dessus du portail ouest de la Tour de la
paix qui dit: «Faute de vision éclairée, les gens périssent.»
Notre projet de résolution constitutionnelle reflète une
vision éclairée. Nous reconnaissons que si le Canada veut enfin
prendre sa place parmi les puissances indépendantes du
monde, nous ne pouvons pas le faire en nous agrippant à nos
liens coloniaux. Nous devons nous tourner plutôt vers le jour
où toutes les décisions qui influencent notre destinée seront
prises sur le sol canadien par un gouvernement élu par le
peuple canadien.
Le projet de résolution reflète la vision d’un peuple auquel
on aura garanti la liberté de conscience, d’opinion et d’assemblée
et le droit de vote. Il confirme le principe de l’égalité
devant la loi de tous les Canadiens, quel que soit leur sexe, leur
race ou leur religion. Il affirme le droit des Canadiens de
circuler, de travailler et d’habiter dans toute région du Canada
et de faire instruire leurs enfants dans l’une ou l’autre langue
officielle là où le nombre le justifie. Enfin, il confirme le
principe du partage ou de la péréquation parce que les générations
de Canadiens qui nous ont précédés, les autochtones et
les premiers colons, ont montré que, pour survivre comme
nation dans notre vaste pays, il fallait pouvoir compter sur
l’esprit de générosité de ses concitoyens.
Les Canadiens qui ont consenti le sacrifice suprême en
temps de guerre ne sont pas les moins importants, comme l’a
signalé si éloquemment et en termes si émouvants le député de
Regina-Ouest (M. Benjamin) lors du discours qu’il a prononcé
à la Chambre vendredi dernier. Mais les députés n’ont pas à
aller plus loin qu’ici pour voir des exemples du temps qu’il faut
mettre pour réaliser une oeuvre valable. La sculpture de la
pierre et les panneaux qui se trouvent au-dessus de la tête des
députés sont des exemples du temps et du soin nécessaires
matériellement, ou comme je l’ai mentionné, dans le processus
législatif, pour réaliser une oeuvre valable.
Le sculpteur du Canada, Eleanor Milne et ses aides ont
travaillé pendant plusieurs années à ces hauts-reliefs qui par
coïncidence s’appellent la série de l’Acte de l’Amérique du
Nord britannique.
M. Beatty: C’est pathétique.
M. Cosgrove: En parlant de cette oeuvre d’art, j’essaie de
démontrer que toute oeuvre valable exige ordinairement de la
patience et de longues années de dur labeur. De la même
façon, je trouve de bon augure qu’on soit en train de rénover
l’édifice du Parlement comme en témoigne les travaux que l’on
fait à la Tour de la paix au moment même où nous étudions les
incidences juridiques du rapatriement de la constitution.
Notre projet de résolution contient des mécanismes qui
tiennent compte du fait qu’il faut du temps pour mettre les
détails au point, comme l’article 32 qui prévoit une consultation
permanente entre le premier ministre et les premiers
ministres des provinces jusqu’à ce que la partie 5, qui traite des
procédures de modification, entre en vigueur.
En plus du fait que la circonscription que je représente soit
la plus populeuse du Canada, il s’y trouve des centaines de
petites entreprises que j’ai moi-même indirectement attirées
dans la région, parce que je suis persuadé que nous avions
besoin d’un mélange approprié d’occasions d’emplois, de considérations
touchant le niveau de vie et d’activités récréatives.
Depuis la présentation de la résolution au Parlement à la
reprise de la session, j’ai reçu beaucoup d’opinions à ce sujet,
dont certaines émanaient de petits hommes d’affaires qui
veulent voir se régler rapidement la question des querelles
constitutionnelles afin que le gouvernement puisse s’occuper
d’autres problèmes d’actualité comme les modifications à la loi
sur les banques, les améliorations au service postal, le budget,
les problèmes énergétiques et autres. Je me suis penché sur les
problèmes des petites entreprises.
La Chambre de commerce du Canada, par exemple, qui
représente environ 600 chambres de commerce locales, plus de
3,000 sociétés et 70 associations professionnelles nous a rappelé
qu’elle adhère au principe énoncé à l’une des premières
réunions qu’elle a tenues il y a plus d’un demi-siècle. Ce
principe est de penser et de parler au Canada, en renonçant à
tout provincialisme. Si le Canada tout entier est prospère, les
individus et les provinces auront tous leur part de cette prospérité.
Il est intéressant de noter que dans son mémoire sur les
questions constitutionnelles, la première recommandation de la
CCC est la suivante:
23 octobre 1980 DÉBATS DES COMMUNES 4007
4008DÉASDSCMUE23otbe18
La constitution
0 (1940)
Que les législateurs du Canada s’emploient avec le maximum d’efforts, par une
discussion rapide et efficace, à définir nettement les questions avant de modifier
une constitution dont, tout considéré, les Canadiens n’ont eu qu’à se féliciter.
Monsieur le président, ce n’est pas en renvoyant notre projet
aux tribunaux que certaines provinces assureront la «discussion
rapide et efficace» souhaitée par une tranche importante de la
société canadienne.
Le procureur général de l’Ontario a fort bien souligné que la
question constitutionnelle à l’ordre du jour est de caractère
politique plutôt que juridique.
Le mémoire de la Chambre de commerce se prononce en
faveur d’un pouvoir fédéral suffisamment fort pour assurer la
libre circulation des biens et des services, de la main-d’oeuvre
et des capitaux sur l’ensemble du territoire, afin que tous les
Canadiens soient traités équitablement où qu’ils se trouvent au
Canada.
J’ai constaté avec plaisir que M. Sam Hughes, président de
la Chambre de commerce du Canada, a vanté dans notre
projet de résolution la charte des droits qui garantit la libre
circulation des travailleurs au pays. J’estime comme lui qu’il
aurait mieux valu étendre cette notion de marché commun
canadien à la libre circulation des capitaux, des biens et des
services, mais je rappelle ce que le premier ministre disait, que
notre projet ne constitue qu’une première mesure de bon sens
pour renouveler notre unité et raffermir la nation.
Le mémoire de la Chambre demande ensuite la poursuite en
permanence des consultations officielles fédérales-provinciales,
pour que nous ayons une meilleure coordination de l’action
commerciale et autre à l’étranger que nous n’exprimions
qu’une voie unique dans les affaires internationales.
Comme je l’ai souligné, monsieur le président, la résolution
à l’étude envisage à son article 32 la poursuite permanente du
dialogue entre les deux niveaux de gouvernement.
Il était particulièrement intéressant de voir la Chambre de
commerce se prononcer en faveur du maintien d’un système de
péréquation propre à assurer la prestation des services minimaux
dans toutes les régions du Canada. D’autres députés ont
déjà traité de ce sujet ce soir.
Cela est inscrit dans notre projet de résolution à l’article 31,
avec le principe de la péréquation, qui fait obligation au
gouvernement du Canada et aux gouvernements provinciaux
de promouvoir l’égalité des chances pour le plus grand bien de
tous les Canadiens, de favoriser l’expansion économique, de
réduire les disparités et de fournir les services publics indispensables
de qualité satisfaisante à tous les Canadiens.
Je manquerais à mon devoir, monsieur l’Orateur, si je
m’abstenais de signaler que le mémoire de la Chambre de
commerce du Canada renfermait certaines recommandations
qui ne sont pas forcément compatibles avec l’ensemble des
principes que préconise le gouvernement actuel. Toutefois,
comme le signalaient certains députés qui m’ont précédé, une
fois la motion renvoyée au comité, ce dernier aura la chance
d’entreprendre un examen approfondi et nous estimons alors
qu’il pourra y avoir un véritable échange d’opinions. C’est
l’endroit approprié pour cela, monsieur l’Orateur.
Le Business Council on National Issues, une association qui
regroupe les administrateurs délégués d’environ 150 sociétés
importantes au Canada, s’est également prononcé sur la question
constitutionnelle. Dans une lettre adressée au premier
ministre le 2 septembre 1980, cet organisme exprimait l’opinion
que la constitution ne devrait pas accorder aux gouvernements
le pouvoir de décréter des lois ou des règlements qui
auraient pour effet de restreindre la liberté de mouvement des
individus à la recherche d’un emploi, de priver indûment un
individu de son droit à la propriété ou encore de priver les
citoyens de leur droit aux services gouvernementaux dans la
langue officielle de la minorité lorsque le nombre de requérants
le justifie.
La lettre dit aussi, et je cite:
Nous ne sous-estimons par les difficultés qui entravent la réalisation d’une
nouvelle entente constitutionnelle dans un pays aussi vaste et complexe que le
Canada, mais nous croyons qu’il est plus que temps d’agir.
Nous tenons à vous exprimer le sentiment d’urgence et la crainte que nous
éprouvons, crainte que le manque prolongé de solutions aux problèmes constitutionnels
nous fasse perdre à l’avenir, comme cela est arrivé dans le passé, des
occasions d’investir et de créer des emplois.
L’incertitude et l’imprévisibilité de l’économie canadienne nous ont souvent
empêchés de prendre des décisions qui auraient donné lieu à des investissements
eux-mêmes créateurs d’emplois.
Ce sont les représentants du milieu des affaires qui s’adressent
à tous les députés, monsieur l’Orateur.
Dans un récent discours, le président de l’Association des
manufacturiers canadiens, M. J. E. Newall, a dit que le
secteur des affaires ne pouvait jouer pleinement son rôle
essentiel, à savoir produire des biens et services avec le maximum
d’efficacité et de productivité, à cause de la fragmentation
croissante du marché commun canadien et des retards et
incertitudes causés par le débat apparemment sans fin sur la
répartition des pouvoirs économiques entre le gouvernement
central et les provinces.
M. Newall s’exprimait en ces termes:
L’un des objectifs essentiels de toute réforme constitutionnelle devrait être de
renforcer le marché commun canadien. Les préférences provinciales peuvent,
envisagées isolément, donner l’impression d’être favorables aux provinces. Pourtant,
elles aboutissent toutes à l’inefficacité sur le plan national. Elles provoquent
des représailles de la part des autres provinces.
Au début de mes observations, monsieur l’Orateur, parlant
de l’inscription sur la Tour de la paix, j’ai décrit notre résolution
comme une vision de ce que le Canada pourra devenir
quand nous aurons accepté le principe de l’auto-détermination.
A certains égards, la conférence des premiers ministres offrait
aux premiers ministres provinciaux la chance d’être des visionnaires,
mais ils l’ont refusée.
Monsieur l’Orateur, j’invite tous les députés, le monde des
affaires et tous les Canadiens qui partagent cette vision de
notre pays à exprimer leur appui et à épauler le gouvernement
dans cette entreprise.
Des voix: Bravo!
Mlle Pat Carney (Vancouver-Centre): Monsieur l’Orateur,
c’est aujourd’hui la première occasion que j’ai de m’adresser à
la Chambre en tant que député de Vancouver-Centre. La
tradition veut que, dans son premier discours, le nouveau
député décrive la circonscription qu’il a l’honneur de représenter.
Toutefois, je dois aujourd’hui renoncer à la tradition étant
donné que le gouvernement nous a mis le couteau sur la gorge
en invoquant la mesure de clôture. C’est donc dans les limites
d’un débat restreint imposé par le gouvernement du Canada
que je prends aujourd’hui la parole.
Les gens de Vancouver-Centre s’en souviendront. Ce sont
des Canadiens aux souches riches et diversifiées. Ils sont
d’ascendances anglaise, allemande, française, chinoise, japonaise,
grecque, italienne et ukrainienne. Bon nombre d’entre
DÉBATS DES COMMUNES 4008 23 octobre 1980
23 octobre 1980 DBT E O MNS40
eux sont des néo-Canadiens qui sont venus ici en quête de
liberté. D’autres sont des personnes âgées et des anciens
combattants. Ils se souviendront toujours que, la première fois
qu’ils ont entendu leur député parler en leur nom au Parlement,
c’était sous le coup d’une motion de musellement appliquée
au débat sur l’avenir de leur pays.
Vancouver-Centre est au coeur même de Vancouver. Notre
circonscription est souvent surnommée «Terre de lotus» en
témoignage de notre mode de vie. Je me rappelle la Chine, où
je suis née: le lotus, éternellement serein, sous la chaleur du
soleil et la fraîcheur de la pluie, tout comme notre circonscription,
naît des eaux boueuses. Monsieur l’Orateur, en ce
moment, les habitants de la «terre de lotus» trouvent leurs eaux
vraiment très boueuses.
Nous avons un gouvernement libéral qui propose de réduire
les pouvoirs des provinces et d’accroître ceux du gouvernement
fédéral, dans l’intérêt national, bien sûr. Mais ce gouvernement
ne peut représenter l’intérêt national, monsieur l’Orateur.
Il n’a pas réussi à faire élire un seul représentant à l’ouest
de la vallée de la rivière Rouge. C’est, comme le décrit le
Globe and Mail, un gouvernement fédéral régional qui a
recours à des pouvoirs extraordinaires pour mettre fin au débat
des représentants élus du peuple du Canada sur l’avenir du
pays.
Nous avons un gouvernement libéral qui a dépensé pour six
millions de dollars de deniers publics en réclame télévisée nous
exhortant à rapatrier la constitution canadienne. Mais ce
même gouvernement a voté cette semaine contre une motion
conservatrice visant à rapatrier cette même constitution.
Nous avons un gouvernement libéral qui nous exhorte à
avoir une constitution vraiment canadienne, dans l’intérêt
national. Par contre, il envoie des représentants à Westminster
pour demander au gouvernement britannique d’apporter à
notre constitution des changements que neuf provinces sur dix
n’approuvent pas.
Le gouvernement nous impose unilatéralement des changements
qui vont modifier la façon dont nous gouvernons. Il
prétend qu’il s’agit d’un ensemble de mesures populaires, et
pourtant il n’y fait pas grand cas des droits des femmes, des
autochtones et des groupes minoritaires.
Enfin, monsieur l’Orateur, nous sommes soumis à la loi du
bâillon; en effet, le gouvernement invoque la clôture, alors que
le premier ministre (M. Trudeau) nous a tous invités à débattre
une question qui engage l’avenir du pays. Quand le gouvernement
a décrété la clôture, trois députés seulement de la
Colombie-Britannique avaient eu l’occasion d’exprimer les
doléances de leur province. Voilà comment ce gouvernement
fédéral régional conçoit un débat libre et ouvert.
Vous voyez pourquoi, monsieur l’Orateur, les habitants du
pays du Lotus, c’est-à-dire de la circonscription de Vancouver-
Centre, trouvent que nous naviguons en eaux extrêmement
troubles, et l’attitude des néo-démocrates ne les a certainement
pas éclaircies. Ceux-ci se targuent d’avoir présenté des amendements
qui nous retirent en fait certains avantages. C’est ce
qu’ils appellent le progrès!
Des voix: Bravo!
* (1950)
Mlle Carney: Le chef du Nouveau parti démocratique (M.
Broadbent) prétend avoir remporté une victoire dans le
La constitution
domaine des ressources naturelles. Permettez-moi de rappeler
aux députés comment le leader du gouvernement à l’autre
endroit, le sénateur Ray Perrault, décrivait cette victoire du
Nouveau parti démocratique. Au sujet de la lettre que le chef
du parti démocratique libéral adressait à son leader parlementaire
sur les banquettes de l’opposition, le sénateur Perrault
déclarait:
Il s’agit d’une reconfirmation, d’une réaffirmation d’un droit dont les provinces
jouissaient déjà.
Reconfirmation. Réaffirmation. De fait, ce n’est même pas
cela. Je demande au député d’Oshawa; s’il possédait une mine
d’or, céderait-il volontiers cette possession pour avoir le droit
de la gérer? Par ailleurs, s’il était également propriétaire d’un
puits de pétrole, échangerait-il volontiers son certificat de
propriété pour un permis l’autorisant à en régir l’exploitation?
Les néo-démocrates ont réussi à troquer un as pour une
basse carte. De fait, ils ont joué leur dernière carte et ils
feraient aussi bien de monnayer leurs jetons dans ce débat,
parce qu’ils ont perdu leur crédibilité.
Des voix: Bravo!
Mlle Carney: Les néo-démocrates et les libéraux se sont
ligués afin d’obtenir des changements qui vont transformer
radicalement la nature de la confédération canadienne. Parmi
ces transformations, mentionnons le fait que la Colombie-Britannique
deviendra une province de second ordre.
Permettez-moi de démontrer comment cela se présentera.
Selon la formule d’amendement préconisée par les libéraux,
toute modification constitutionnelle devra être approuvée par
au moins 80 p. 100 de la population et elle devra également
être approuvée par une province qui, au moment où la nouvelle
constitution entrera en vigueur, comptera au moins 25 p. 100
de la population totale du pays. L’Ontario comprend 35 p. 100
de la population totale, le Québec, dont la population est à la
baisse, en compte 26.5 p. 100. Mais la population de la
Colombie-Britannique ne représente qu’entre 10 et 1I p. 100
de la population totale du pays. Cela signifie que l’Ontario et
le Québec auront droit de veto sur toute modification, mais la
Colombie-Britannique n’aura jamais ce droit, pas plus que les
autres provinces de l’Ouest, pas plus que les provinces de
l’Atlantique. Ce sont les provinces centrales et elles seules qui
décideront dorénavant et pour toujours, de l’avenir de la
Confédération.
La difficulté, monsieur l’Orateur, c’est qu’il existe actuellement
deux conceptions de l’intérêt national. Dans l’Ouest, nous
avons de tout temps considéré que le Canada s’étendait d’un
océan à l’autre et jusqu’à l’océan septentrional. Mais nos
honorables vis-à-vis ont une conception du Canada qui varie en
fonction de leurs propres intérêts. Ils ont déclaré que le
Canada, pour eux, ce sont les provinces centrales. C’est là une
définition que nous, dans l’Ouest, n’avons jamais acceptée.
Pour nous, le Canada comprend également l’Ouest, le Nord et
les provinces de l’Atlantique. Et c’est seulement lorsqu’un
gouvernement favorise les intérêts de chacune des régions qu’il
peut prétendre favoriser les intérêts de tout le Canada.
Des voix: Bravo!
DÉBATS DES COMMUNES 4009
23 octobre
1980
4010DÉBAS DE COMUNES23 octobre 1980
La constitution
Mlle Carney: Le gouvernement libéral actuel prouve bien
qu’il adhère à cette conception tronquée du Canada quand il
applique une politique tarifaire qui favorise la croissance des
industries de l’Est et limite celle des industries de l’Ouest.
Quand il applique des politiques du transport qui traitent
injustement les produits de l’Ouest. Quand il propose la mobilité
de la main-d’oeuvre. Cette mobilité est intéressante pour
une province comme l’Ontario où 10,000 Canadiens se sont
récemment portés candidats à 1,000 emplois. Mais à Vancouver,
la mobilité de la main-d’oeuvre veut dire que 4,000
personnes par mois viennent s’établir en Colombie-Britannique.
La mobilité de la main-d’oeuvre veut dire que chaque
maison valant $85,000 se vend un quart de million. Cela veut
dire que les prix sont trop élevés pour que les habitants de la
Colombie-Britannique soient propriétaires de leur propre
maison dans leur propre ville. La mobilité de la main-d’oeuvre
veut dire que les autochtones qui ont besoin de temps pour
obtenir le savoir-faire qui leur permettrait de profiter des
occasions d’emplois qui s’offrent à eux se feront damer le pion.
La liberté de circuler ne devrait pas l’emporter sur la liberté de
rester où l’on est.
Des voix: Bravo!
Mlle Carney: Le Canada a été construit grâce à la mobilité
de la main-d’oeuvre. Auparavant, on disait simplement «partir
pour l’Ouest». Il y a 100 ans, ma propre grand-mère, Brigit
Casey, a quitté une localité à 16 milles d’ici dans la vallée de
l’Outaouais pour s’établir sur une terre dans l’Ouest et exploiter
une ferme. Ma grand-mère et les gens de sa race, les
Tierney, les McKenna et les O’Keefe, ne se sont pas établis
dans l’Ouest pour bâtir une province de deuxième ordre
comme le gouvernement veut le faire. Et leur descendante
n’est pas revenue dans la vallée de l’Outaouais à titre de
député de Vancouver-Centre pour permettre que la constitution
du Canada donne un rôle secondaire à la Colombie-Britannique
ou à toute autre province canadienne.
Des voix: Bravo!
Mlle Carney: Les travailleurs se sont toujours librement
déplacés au Canada. Et l’équité a toujours régné. On ne peut
enchâsser un concept, la liberté de mouvement sans y ajouter
l’égalité.
J’ai dit tantôt que le gouvernement actuel identifie l’intérêt
national à son propre intérêt parce que cela fait son affaire.
Mais je ne comprends pas pourquoi le gouvernement s’imagine
que l’Ouest peut accepter de jouer un rôle de second plan. En
1871, la Colombie-Britannique, une colonie de la Couronne, a
joint la confédération de son propre gré. Elle l’a fait par choix.
A cette époque, et aujourd’hui encore, les habitants de la
Colombie-Britannique estiment que leur intérêt est de faire
partie de la Confédération.
Il est intéressant de se rappeler les tensions qui existaient il y
a 100 ans entre la Colombie-Britannique et le gouvernement
libéral de l’époque. On se rappelle que contre son entrée dans
la Confédération, la Colombie-Britannique s’est vu offrir un
chemin de fer. Mais ce qui est moins connu c’est que le
gouvernement libéral des années 80 qui remplaça le gouvernement
conservateur de sir John A. Macdonald, a tenté d’éluder
cette promesse. Et au lieu d’un chemin de fer, il offrit à la
Colombie la somme dérisoire de $750,000. Les menaces de
sécession résonnaient aussi bien à Victoria qu’à Ottawa. En
1876, un entremetteur, Lord Dufferin, fut mandaté pour régler
le différend. Voici ce qu’il écrivit au premier ministre libéral
du temps:
A l’heure actuelle la Colombie-Britannique est en proie au sentiment furieux,
tout déraisonnable qu’il soit, qu’on lui fait tort et injustice.
Nous avons toujours ce sentiment offensé d’injustice.
Nous avons eu dans les années 1880 un premier ministre de
Colombie-Britannique et député de la Chambre qui s’appelait
Amor DeCosmos. Cet homme qui disait aimer le monde
aimait l’idée du Canada. Il prit la tête du mouvement pour
faire entrer dans la confédération la colonie de la Couronne de
Colombie-Britannique. Pourtant, quand il a siégé ici comme
député, il a entendu sa province être traitée de cupide dans la
défense de ses intérêts. Selon le hansard de l’époque, M.
DeCosmos a dit qu’il avait parfois entendu proférer à la
Chambre contre les gens de la Colombie-Britannique, les pires
insultes qui aient jamais été faites. Il a dit que la Colombie-
Britannique avait été accusée de vouloir profiter du dominion
sans rien donner en retour.
Par conséquent, il y a 101 ans, dans la quarante-deuxième
année du règne de Sa Majesté la Reine Victoria, à la première
session de la quatrième législature du Parlement du Dominion
du Canada, convoquée le 13 février 1879, les débats de la
Chambre des communes rapportent ce qui suit, à la page 1079:
M. DECOSMOS: Je demande à présenter un bill, intitulé Loi portant séparation
pacifique de la Colombie-Britannique, avec l’appui de n’importe quel député d’en
face qui voudra bien m’appuyer.
Mais personne n’avait appuyé la motion.
Je mentionne ce fait vieux d’un siècle parce que le mouvement
séparatiste de la Colombie-Britannique existe encore.
Lors d’un récent sondage effectué dans ma propre circonscription,
75 p. 100 des répondants ont déclaré qu’à leur avis, le
mouvement séparatiste de l’Ouest du Canada s’était intensifié.
Et l’un des répondants a même dit: «Je me sens moins
canadien».
Je mentionne ce bill aujourd’hui pour rappeler à nos vis-àvis
que s’ils poursuivent dans une voie qui entraînerait un
traitement injuste de la population de la Colombie-Britannique,
un bill semblable à celui d’Amor deCosmos sera inévitablement
déposé à la Chambre. Je ne peux prédire quand cela
se produira, mais la constitution d’un pays est un document
vivant. Elle renferme les conditions auxquelles nous avons
convenu de vivre ensemble. Elle détermine nos droits en tant
qu’êtres humains et notre droit à la propriété, de même que
nos libertés fondamentales en tant que Canadiens. Les gens de
ma province vont bientôt se rendre compte que la constitution
que veut nous imposer le gouvernement fédéral régional du
parti libéral va les reléguer au rang de citoyens de seconde
zone. Ils ne l’accepteront jamais.
Qu’il n’y ait aucun malentendu à ce sujet: la Colombie-Britannique
ne renoncera pas au Canada. Ce sera plutôt le
Canada défini par les députés d’en face qui aura renoncé à
l’Ouest. Et si cela arrive, il n’y aura pas de référendum en
Colombie-Britannique. Il n’y aura pas de menace d’insurrection.
Si le gouvernement libéral essaye d’amener cette constitution
et de nous imposer un rôle de second plan, nous en ferons
tout bonnement à notre tête.
* (2000)
Pour terminer, je voudrais vous rappeler que l’histoire plaide
en notre faveur. Le projet de loi proposant la séparation
pacifique de la Colombie-Britannique n’a pas été adopté. On a
construit le chemin de fer. Au nom de la justice et de l’équité,
4010 DÉBATS DES COMMUNES 23 octobre 1980
DÉBATS DES COMMUNES
nous supplions les députés qui sont assis en face de ne pas
persister à détruire le Canada.
[Français]
M. Herb Breau (Gloucester): Monsieur le président, il me
fait plaisir ce soir de prendre la parole pendant quelques
minutes sur cette question importante de la résolution à
l’étude, une résolution qui vise à déférer, à un comité conjoint
de la Chambre des communes et du Sénat, un élément de la
question constitutionnelle, savoir, le rapatriement de la Constitution,
une formule d’amendement, l’enchâssement des droits
fondamentaux, de certains droits sur l’éducation, ainsi que
certains droits linguistiques pour des minorités.
Je dois tout d’abord dire, monsieur le président, qu’il est
regrettable que le parti progressiste conservateur ait décidé,
dès la première soirée que ce débat a été lancé, d’en faire un
débat «divisif». Ils se plaignent que c’est un débat «divisif», un
débat qui soulève des drôles d’émotions dans le pays, mais
alors on peut se demander pourquoi ils ont adopté une telle
attitude s’ils avaient tellement peur d’avoir un débat «divisif».
Et aujourd’hui on se voit devant la situation où le gouvernement,
après presque trois semaines de débat je pense, peut-être
que ce n’est pas exactement trois semaines, niais si ce n’est pas
trois semaines, c’est seulement une différence d’une ou deux
journées, simplement pour déférer cette résolution à un comité.
Je peux comprendre que le parti progressiste conservateur
n’aime pas certaines parties de la résolution. Je peux comprendre
que, sur le fond de la question,,il y ait certaines choses sur
lesquelles ils ne sont pas d’accord. Evidemment c’est leur droit,
et s’il y a des sentiments au pays qui sont vraiment contre
certains éléments de cette résolution dans le fond, c’est leur
devoir de l’exprimer, mais je me demande pourquoi essayer de
voiler certaines oppositions à ces questions tellement importantes
dans le pays derrière une critique de la procédure que suit
le gouvernement, sans qu’on apporte de proposition, à savoir,
quelle autre sorte de procédure ils aimeraient suivre, parce que
tout ce que j’ai entendu, et j’ai écouté les débats, je ne les ai
pas tous lus en détail, mais j’en ai lu plusieurs, et j’en ai
entendu plusieurs, alors je me demande pourquoi le parti
progressiste conservateur ne pourrait pas venir au comité
présenter une autre procédure, au lieu de tout simplement nous
dire que c’est par une résolution comme celle-là qu’on soulèvera
des émotions dans le pays, ce qui pourrait être un débat
«divisif». Évidemment, à moins qu’on veuille s’assurer qu’on
n’aura jamais ce que le fond de la résolution propose. Après
tout, c’est important de rapatrier la Constitution. Les progressistes
conservateurs nous disent qu’ils seraient prêts à rapatrier,
et après cela à avoir une formule d’amendement, que
certaines provinces étaient d’accord, soit la formule d’amendement
de Vancouver.
Mais tout le monde au Canada n’est pas d’accord sur cette
formule d’amendement. Qui nous dit que ce fameux amendement
est la vérité absolue? Tout simplement parce que cela
fait l’affaire de certains permiers ministres qui voudraient
avoir un droit de veto sur certaines questions dans une formule
d’amendement. Pourquoi tout à coup la solution serait-elle
nécessairement celle de ces quelques premiers ministres? Et
que ferions-nous à ce moment-là de la question de l’enchâssement
des droits?
La constitution
Monsieur le président, on dit que cette résolution peut
défaire le Canada. Mon préopinant a dit exactement la même
chose, savoir qu’il fallait qu’on retire cette motion de clôture,
parce que cela pouvait défaire le Canada. On nous parle de
menace, de séparatisme de l’Ouest. Monsieur le président,
devant cette situation-là, il faut se décider. Moi, je ne peux
pas, comme Canadien, comme député, débattre une question,
avec des députés fédéraux qui me disent: Fais attention à ce
que tu vas proposer, fais attention à ce que tu voteras, fais
attention à ce que tu feras, parce que les gens que je représente
voudront peut-être se séparer. Moi je ne peux accepter ce
chantage, monsieur le président.
Je n’ai jamais accepté cela. Chez nous, chez les Acadiens,
nous avons des gens qui sont des espèces de séparatistes, ils
veulent une province acadienne. Je ne suis jamais venu à la
Chambre pour dire à des anglophones sur des questions linguistiques,
des questions culturelles: Donnez-moi ce que je
veux parce que je vais partir. J’ai peur des séparatistes! Au
contraire, j’ai décidé d’opter pour une attitude de politique
modérée, et je ne viens pas ici dire aux gens: Vous êtes mieux
de nous donner ce que nous demandons, parce que nous allons
nous séparer. Donc moi je dis à mes collègues de l’Ouest de
n’importe quel parti, que c’est possible qu’il y ait des sentiments
de séparatisme dans l’Ouest. Mais à ce moment-là, que
les gens de l’Ouest se décident; soit qu’ils veulent faire partie
du Canada ou qu’ils ne le veulent pas. Mais qu’ils ne viennent
pas me faire ce chantage …
[Traduction]
M. Blenkarn: Vous vous battrez probablement aussi contre
le pays et vous les mettrez à la porte.
M. Breau: Je ne sais de quoi parle le député. Je dis que je ne
peux rien débattre, y compris la constitution, si un député
fédéral va me dire que je ferais mieux de faire attention à ce
que je dis et d’accepter ce qu’il veut, lui, parce que autrement
sa région se séparera. Même si ce qu’ils disent est vrai, ces
députés feraient mieux de décider une fois pour toutes s’ils
sont prêts à défendre leur pays dans leur région ou non.
Des voix: Bravo!
M. Breau: Quand je me bats contre un séparatiste canadien
dans ma province …
M. Clark: J’invoque le Règlement, monsieur l’Orateur. Le
député sait qu’on respecte certaines règles de politesse à la
Chambre. L’une de ces règles concerne le député qui vient de
faire son premier discours. Le moins qu’on puisse dire c’est
qu’un député ne devrait pas dénaturer les paroles d’un collègue.
C’est particulièrement important lorsqu’il s’agit d’un premier
discours, comme dans le cas de l’honorable représentante
de Vancouver-Centre (M »* Carney), qui n’a rien dit de ce qui
lui est attribué par le député qui a la parole en ce moment.
Des voix: Bravo!
M. Breau: Monsieur l’Orateur, je ne parlais pas du tout de
l’honorable représentante qui vient de prendre la parole. Je
parlais d’un sentiment que le chef de l’Opposition (M. Clark)
lui-même a exprimé dans son discours il y a quelques heures.
Je n’avais pas du tout à l’esprit l’honorable représentante. Je
ne savais pas que c’était son premier discours, et si quelqu’un
l’a cru, je le répète, je ne parlais pas d’elle.
23 octobre 1980 4011
4012 DÉBATS DES COMMUNES 23 octobre 1980
La constitution
* (2010)
Dans tous les cas, même si ce n’était pas son premier
discours, je n’aurais pas discuté la question en imputant quelque
chose à un député en particulier. J’aurais pu parler du chef
de l’opposition. Je ne l’ai pas fait. Je dis seulement que,
lorsqu’il s’agit de sujets aussi sensibles, les députés expriment
peut-être des idées entendues, mais c’est à eux qu’il reviendra
de décider, dans leurs régions, s’ils vont se battre pour le
Canada ou non, parce que si je lutte contre le séparatisme dans
ma province, je ne viens pas ici faire du chantage et dire:
«Vous feriez mieux de m’accorder des droits linguistiques, ou
ma région risque de devenir séparatiste». Je ne le dis pas. Je
lutte…
[Français]
Je me bats contre ces gens-là en disant qu’ils sont trop
étroits d’esprit. Je dis à ces gens-là que nous sommes des
Canadiens et nous allons demeurer Canadiens. C’est ce que
nous disons. Monsieur le président, j’ai beaucoup de respect
pour les sentiments des gens qui sont exprimés de toutes les
régions du pays. Sur la question constitutionnelle, et non
seulement sur la résolution, des choses importantes vont nous
arriver dans les prochains mois, dans les prochaines années. Il
va falloir qu’on se décide comme Parlement canadien si vraiment
on va avoir un gouvernement fédéral à l’avenir qui aura
du pouvoir ou qui n’en aura pas. Lorsque les gens de l’Ouest
parlent de la Constitution, je pense qu’ils touchent à une
question qui n’a pas seulement trait à la résolution à l’étude,
mais à ces questions constitutionnelles-là, les questions de
pouvoir qui sont beaucoup plus profondes.
Mais, monsieur le président, même là-dessus, sur les questions
énergétiques, j’ai essayé de comprendre pendant longtemps
quelles étaient les aspirations de l’Ouest. On en arrive à
dire, par exemple, sur la question de l’énergie, que ce n’est pas
vraiment seulement une question de s’entendre sur le niveau du
prix, mais sur quel gouvernement qui va avoir le pouvoir.
Certaines personnes, certains représentants politiques de
l’Ouest canadien, surtout au niveau provincial, disent: Eh bien,
on ne peut pas se fier sur le fait que le gouvernement fédéral
va pouvoir avoir une bonne politique de développement énergétique
à l’avenir. Monsieur le président, on ne peut pas accepter
comme base politique de ce pays, comme base constitutionnelle,
de discuter d’allocation de pouvoirs entre les gouvernements,
de discuter de l’avenir du pays sur cette base-là. On ne
peut pas commencer à dire que, parce que le gouvernement
fédéral a plus de députés d’une région du pays que d’une autre,
on ne va pas pouvoir se fier au gouvernement fédéral pour faire
des choses dans l’intérêt de tous les Canadiens. Là-dessus aussi
il va falloir à un certain moment que les gens se décident. Je ne
peux pas débattre ces questions de pouvoirs dans le domaine de
l’énergie, dans le domaine de la Constitution, si des gens me
disent: Ecoutez, vous faites des choses qui vont peut-être
provoquer du séparatisme dans l’Ouest du pays. Si cela provoque
des sentiments séparatistes, le pays pourra seulement être
sauvé si ce sont des gens de l’Ouest canadien qui vont combattre
ces sentiments-là, comme mon parti a combattu le séparatisme
au Québec, et comme moi je combats le séparatisme
dans ma province. Je n’ai pas demandé à des gens de l’Ouest,
je n’ai pas demandé à des gens de l’Ontario ou à des gens du
Québec de venir combattre les éléments séparatistes dans ma
province. On fait cela nous-mêmes.
Monsieur le président, j’aurais aimé que le parti progressiste
conservateur ait décidé de faire de ce débat un débat qui
n’aurait pas soulevé ces divisions-là. Il avait l’occasion de le
faire. Il aurait pu faire de ce débat un débat positif, ne pas
attendre trois semaines sur une simple résolution pour envoyer
quelque chose au comité et faire des recommandations positives
comme, par exemple, sur la question d’un référendum au
cas où il n’y aurait pas entente entre le niveau provincial et le
niveau fédéral, pour consulter alors la population directement
dans ce domaine-là. Qu’est-ce qu’ils feraient lorsque la situation
serait si rigide que le gouvernement fédéral et le gouvernement
de toutes les provinces ne pourraient pas s’entendre sur
l’amendement à la Constitution? On propose un moyen, je dois
dire que je n’aime pas nécessairement tous ces moyens-là
moi-même, je ne dis pas que toutes ces procédures-là sont
celles que j’aimerais nécessairement, mais je ne suis pas tout
seul dans ce Parlement-ci, les députés du parti progressiste
conservateur ne sont pas tous seuls non plus. A un certain
moment, si on veut régler les problèmes de ce pays en essayant
d’avoir une réforme constitutionnelle, il va falloir se décider de
rapatrier notre constitution. Une fois qu’on la rapatrie, il faut
s’entendre sur un processus de changement de la Constitution.
Mais pourquoi le parti progressiste conservateur, chaque
fois …
[Traduction]
M. Blenkarn: Pourquoi, alors, avez-vous voté contre?
M. Breau: Si le député m’avait écouté, il aurait compris.
[Français]
Chaque fois que le parti libéral ou le premier ministre actuel
propose un moyen de changer la Constitution, tout d’un coup
le pays est divisé. Pourtant j’ai entendu plusieurs de leurs
députés parler de diverses conceptions du Canada! Mais pourquoi?
Le député de Mount Royal (M. Trudeau), premier
ministre de ce pays, a quand même obtenu un certain appui de
ses électeurs pendant longtemps. Il a bien expliqué cela aux
Canadiens et aux Québécois à maintes reprises, parce qu’il
représente ces idées-là. Je peux comprendre que la mentalité
de tous les gens qui connaissent le droit au Canada ou qui
discutent de politiques constitutionnelle n’est pas la même. On
a différents passés, on a eu différentes sortes d’éducations, on
n’est pas identique au Canada. Ce sont eux qui prêchent la
diversité. Mais est-ce que ces messieurs du parti progressiste
conservateur réalisent que chaque fois qu’ils s’opposent à ce
que le premier ministre propose dans des changements constitutionnels,
ils disent tout de suite: Ah, toi tu vas défaire le
Canada! Est-ce qu’ils n’apprécient pas le fait que ce qui arrive
à ce moment-là, c’est qu’ils s’opposent peut-être à une mentalité
ou à une manière de vouloir changer des choses au
Canada? On voit des gens, par exemple, qui critiquent le fait
que le premier ministre actuel veut trop codifier de choses dans
la Constitution.
Mais, monsieur le président, il n’y a pas de monolithe sur ces
questions-là au Canada, dans les discussions de droit constitutionnel.
C’est vrai que des publicistes ou d’autres proposent de
changer des choses dans ce domaine-là. Ne peuvent-ils pas
constater, lorsqu’ils font obstacle systématiquement à ces mentalités-
là ou à ces manières de changer les choses, par exemple,
l’enchâssement des droits linguistiques, que ce sont des choses
que plusieurs Canadiens veulent? Lorsqu’on parle d’enchâsser
dans une constitution des droits linguistiques, des droits rela-
4012 DEBATS DES COMMUNES 23 octobre 1980
23 otobe DBATSD1E9S0 COMMNES4013
tifs à l’éducation, ce sont des choses que certaines personnes de
différents passés aiment voir dans leurs documents juridiques,
dans leurs documents constitutionnels. Les gens peuvent différer
d’opinion sur les moyens, mais à un certain moment, il va
falloir réconcilier ces questions-là. Et j’espère encore que le
parti progressiste conservateur va aller devant le comité mixte
faire des propositions positives pour améliorer la résolution, s’il
veut vraiment l’améliorer. Mais, monsieur le président, il faut
que le pays bouge sur ces questions-là. Dans la résolution ou
dans la proposition constitutionnelle, évidemment, pour les
Acadiens, des choses manquent.
J’ai dit tantôt que, dans les procédures, dans certaines
choses qui sont proposées, si c’était moi-même qui faisait cela,
je le ferais peut-être différemment. Mais dans un débat comme
celui-ci, monsieur le président, il va falloir réconcilier les idées.
Il va falloir à un certain moment trouver justement le terrain
commun sur lequel on va pouvoir bouger. De plus, j’aimerais,
voir beaucoup d’autres choses dans cette résolution. Par exemple
on n’y a pas inscrit l’institutionnalisation du bilinguisme au
Nouveau-Brunswick. Pourquoi? C’est parce que le gouvernement
fédéral, contrairement à ce que les députés de l’opposition
disent, n’a pas voulu entraver les droits des provinces.
On a dit qu’on ferait cela au strict minimum pour les droits
à l’éducation. Y a-t-il un député à la Chambre qui peut
honnêtement dire que c’est possible de répondre aux aspirations
des francophones dans ce pays sans au moins enchâsser
dans la Constitution les droits à l’éducation dans sa langue?
Que dire de ces fameuses personnes qui, pendant tout le débat
sur le bill 101, demandaient au gouvernement fédéral d’intercéder
à la Cour suprême du Canada; moi-même j’ai entendu le
chef de l’opposition se lever à la Chambre et demander au
gouvernement de contester le bill 101 devant la Cour suprême
du Canada. Dans ce projet de résolution on fait quelque chose
qui va directement à l’encontre de l’esprit du bill 101, pour
justement donner à la minorité anglophone du Québec et aux
minorités francophones dans les autres provinces des droits à
l’éducation dans leur langue.
* (2020)
[Traduction]
M. Blenkarn: J’aimerais savoir si le député me permettrait
de poser une question car elle est reliée à ce qu’il vient tout
juste de dire.
M. l’Orateur adjoint: A l’ordre, s’il vous plaît. Le député
accepte-t-il que l’on pose une question?
M. Breau: D’accord, mais à la fin de mon discours, monsieur
l’Orateur.
[Français]
Alors on inscrit le minimum dans cette résolution. Moi,
comme Acadien, je préférerais voir l’institutionnalisation du
bilinguisme dans les services provinciaux de ma province. Le
La constitution
premier ministre du Nouveau-Brunswick a répété à plusieurs
reprises qu’il était disposé à faire cela. Alors je me demande
pourquoi, à ce moment-là, il ne convoque pas l’Assemblée
législative du Nouveau-Brunswick et n’adopte pas une résolution
selon laquelle il demande au Parlement fédéral d’inclure
dans cette résolution l’enchâssement des droits linguistiques
provinciaux, pour assurer ce qu’il y a à peu près dans la section
133 actuelle qui va s’appliquer au Québec et au Manitoba? Au
Nouveau-Brunswick cela pourrait s’appliquer. Alors j’aimerais
que le premier ministre du Nouveau-Brunswick convoque l’Assemblée
législative et adopte une résolution. Je suis convaincu
que le débat ne serait pas très long, parce qu’il dit que son
parti serait d’accord, le parti libéral serait certainement d’accord
au Nouveau-Brunswick, et à ce moment-là on pourrait
incorporer dans cette résolution l’enchâssement des droits linguistiques
pour le Nouveau-Brunswick, qui serait en plus des
droits à l’éducation, ce qui est important pour nous au point de
vue de police d’assurance. Cela ne nous donne pas grand-chose
de nouveau tout de suite, parce que le droit à l’éducation, elle
l’a obtenu par la force politique. Il reste encore des choses à
faire. Evidemment, il y a certaines villes anglophones au
Nouveau-Brunswick où il y a une minorité importante de
francophones qui n’a pas encore d’éducation en français. Mais
on pourrait, si le premier ministre du Nouveau-Brunswick le
voulait, adopter une résolution à l’Assemblée législative qui
institutionnaliserait les services en français et en anglais au
Nouveau-Brunswick, et incorporer cela dans cette résolution-
ci.
Je conclus là-dessus, monsieur le président. La raison pour
laquelle on ne fait pas cela, c’est justement pour ne pas faire ce
dont les progressistes conservateurs nous accusent. C’est que
dans cette résolution-ci, le strict minimum où on pourrait
entraver les droits des provinces, c’est sur le droit à l’éducation.
Alors, monsieur le président, j’espère que dans les heures qui
vont …
[Traduction]
M. l’Orateur adjoint: Le député de Wellington-Dufferin-
Simcoe (M. Beatty) a la parole.
M. Blenkarn: Monsieur l’Orateur, j’aimerais poser une
question.
M. l’Orateur adjoint: Le député de Mississauga-Sud (M.
Blenkarn) voudrait poser une question. J’aimerais mentionner
que la période de temps accordé au député de Gloucester, (M.
Breau) est écoulée, et que le député de Mississauga-Sud ne
peut poser une question qu’avec le consentement unanime de la
Chambre. Y a-t-il consentement unanime?
Des voix: D’accord.
Des voix: Non.
M. Blenkarn: Monsieur l’Orateur, je crois qu’il y a eu
consentement unanime.
M. l’Orateur adjoint: La présidence a entendu des non. Le
député de Wellington-Dufferin-Simcoe a la parole.
23 octobre 1980 DÉBATS DES COMMUNES
4013
DEBATS DES COMMUNES 23 octobre 1980
La constitution
L’hon. Perrin Beatty (Wellington-Dufferin-Simcoe): Monsieur
l’Orateur, avant de faire mes commentaires, j’aimerais
dire à quel point je suis ému d’avoir pu être ici à la Chambre
des Communes pour entendre le premier discours de ma
collègue de Vancouver-Centre (M »e Carney). Ce moment
aurait du en être un de grande joie et de grande satisfaction,
une occasion extraordinaire de pouvoir participer aux débats
de la Chambre des communes, tout comme il aurait dû être un
moment de joie pour nous, puisque nombre d’entre nous, y
compris le chef de mon parti, moi-même ainsi que mon
collègue le député de Provencher, (M. Epp) notre porte-parole
en matière de relations fédérales-provinciales, allons célébrer,
dans une semaine exactement, huit ans de travail à la Chambre
des communes. On se serait par conséquent attendu à ce
que cet événement ait lieu dans un climat de fête. Malheureusement,
cela n’est pas le cas puisque nous vivons maintenant
les jours les plus tristes de toute notre carrière parlementaire.
Ce dont nous sommes témoins aujourd’hui, c’est d’une décision
de museler le parlement, de rendre impuissante, par une
majorité de la Chambre, cette institution à laquelle nous nous
sommes joints avec autant de fierté, il y a huit ans déjà, et à
laquelle ma collègue de Vancouver-Centre vient tout juste de
se joindre.
On a déjà pris un vote à la Chambre un peu plus tôt
aujourd’hui pour bâillonner le Parlement et l’empêcher de se
pencher sur l’une des questions les plus importantes et les plus
fondamentales de notre histoire, soit l’unité canadienne, la
survie de notre pays quoi. Les membres du parti libéral ont
tous voté l’un après l’autre, et à l’unanimité, en faveur du
muselage du Parlement.
Hier, quand le président du Conseil privé (M. Pinard) a
donné un avis de motion proposant la clôture, il l’a fait après
un débat de 24 heures à la chambre sur cette question; il l’a
fait après que 22 des 145 libéraux aient eu l’occasion de
prendre la parole et que seulement 19 des 102 membres du
parti conservateur se soient prononcés sur la question. Donc,
83 membres du parti conservateur n’ont pu prendre la parole.
Quant au Nouveau parti démocratique, seul cinq de ses 32
membres ont eu l’occassion de se faire entendre.
C’est la quatrième fois en 25 ans que l’on se prévaut de ce
règlement qui vise à museler le Parlement. Faisons donc un
bref historique, si vous le voulez bien, sur les trois autres cas
semblables dans l’histoire du Parlement. On a eu recours à
cette mesure en 1969 lorsque le gouvernement décida de
changer les règlements du Parlement. Les membres du Parlement
y ont eu recours après que les recommandations du
comité permanent sur la réforme parlementaire avaient été
présentées au mois de juin 1968, et qu’elles avaient fait l’objet
de débats jusqu’en décembre 1968, parce que l’opposition
s’était objectée à l’article 75C du Règlement qui permettait au
gouvernement de restreindre le débat sur toutes les parties
d’un projet de loi sans l’approbation de l’un ou l’autre des
partis à la Chambre. La question a de nouveau été soumise au
comité en décembre 1968 et a ensuite été p’ésentée à la
Chambre le 20 juin 1969. Les délibérations se sont poursuivies
jusqu’à ce qu’on invoque la clôture le 24 juillet de la même
année. C’est effectivement la dernière fois que l’on a invoqué
ce règlement, mais comme vous pouvez le voir, cet exemple
démontre jusqu’à quel point le Parlement a eu l’occasion de
débattre la question avant que le gouvernement libéral
n’agisse.
Et la fois d’avant? Cela s’est passé en 1964 à l’occasion du
débat sur le drapeau canadien. Encore une fois, le gouvernement
libéral a voté pour que l’on interrompe les délibérations
de la Chambre. Les discussions touchant le drapeau canadien
ont commencé le 15 juin 1964 et se sont terminées plusieurs
mois plus tard, soit le 15 décembre 1964. Lorsqu’on a clos le
débat en décembre, tous les députés conservateurs, à l’exception
de deux, avaient eu l’occasion de prendre la parole au
moins une fois, trois s’étaient exprimés sur la question cinq
fois, sept autres avaient eu l’occasion de donner leur opinion à
quatre reprises et 19 avaient par ailleurs pu prendre la parole
trois fois. Au total, 92 membres du parti conservateur avaient
fait 195 discours pendant toute la durée du débat. D’autre
part, 34 membres du parti libéral avaient pris la parole 41 fois,
10 membres du Nouveau parti démocratique avaient prononcé
17 discours, huit députés du Crédit social avaient pour leur
part prononcé 12 discours, et six députés créditistes avaient
pris la parole 13 fois.
A cette occasion, les libéraux ont présenté un avis de motion
visant à empêcher le Parlement de débattre la question davantage.
Mais ces exemples vous permettent, monsieur l’Orateur,
de vous rendre compte de ce que l’on pensait de l’idée de
limiter le droit de parole au Parlement. A cette époque-là, les
députés avaient au moins la possibilité de se faire entendre.
Les membres de notre parti s’étaient opposés à ce que l’on
invoque ce règlement, mais les députés avaient au moins eu
l’occasion de se faire entendre.
Quand a-t-on invoqué la clotûre pour la première fois au
cours des vingt-cinq dernières années’? C’est à l’occasion du
débat sur le pipe-line qui s’est ouvert le 17 mai 1956 et qui
s’est terminé le 5 juin 1956, le vendredi noir, comme vous vous
en souvenez sûrement, monsieur l’Orateur. Les débats sur
cette question ont duré 15 jours à compter du moment où le
projet de loi a été présenté à la Chambre jusqu’à ce que l’on
invoque le règlement de clôture. Hier, après 24 heures de
discussion sur l’avenir national de notre pays, le président du
Conseil privé (M. Pinard) a annoncé qu’il allait proposer de
museler le Parlement. Il y eu un mouvement de révolte au pays
en 1956, le jour du vendredi noir, lorsque le gouvernement
libéral de l’époque décida de bâillonner le Parlement après 15
journées de délibérations à la Chambre, et effectivement, le
gouvernement libéral a été renversé à l’élection suivante. Et
malgré tout, le gouvernement en place invoque le règlement de
clotûre après seulement 24 heures de discussion à la Chambre
sur le principe le plus fondamental de notre pays.
J’écoutais un peu plus tôt dans la soirée le député de
Winnipeg-Nord-Centre (M. Knowles) se plaindre de l’acrimonie
avec laquelle le débat actuel se poursuivait. A son avis, on
s’emportait beaucoup trop et il souhaitait pour sa part que les
députés en viennent à s’entendre au cours de la soirée sur la
possibilité de soumettre cette question à un comité sans même
prendre un vote nominal. Il disait souhaiter que l’on demande
au comité de la Chambre qui sera chargé d’étudier ce projet de
loi de le traiter en toute bonne foi. Si l’on pense qu’il n’est pas
justifié de se mettre en colère lorsque les députés se voient
retirer par la majorité à la Chambre leurs droits et leurs
responsabilités les plus fondamentales, alors quand le député
de Winnipeg-Nord-Centre le trouvera-t-il justifié?
DÉBATS DES COMMUNES 23 octobre 1980
DÉBAT–S DES COM–M– UNS
Des voix: Bravo!
* (2030)
M. Beatty: En tant que personne vue par les Canadiens d’un
océan à l’autre comme premier défenseur du Parlement, quand
se croirait-il justifié d’être en colère? Si cela n’est pas justifié
ce soir, alors que les Canadiens qui aiment leur pays voient son
avenir mis en danger par les mesures prises par le gouvernement,
quand la colère serait-elle justifiée alors? Quand l’honorable
député de Winnipeg-Nord-Centre croit-il qu’il serait
approprié que nous exigions qu’il y ait un vote, et que la
question ne soit pas renvoyée en comité sans un vote?
J’ai déjà comparé la décision d’exiger la clôture de ce débat
avec les expériences passées. J’ai fait connaître ma désapprobation
et celle de mes collègues pour ce muselage du Parlement.
Aujourd’hui à la période des questions, mon chef, le
leader de l’opposition à la Chambre, et moi-même avons posé
des questions au premier ministre (M. Trudeau), pour savoir
si, au moins, il n’accepterait pas que les travaux du comité
soient télévisés ou radiodiffusés pour que les citoyens canadiens
en soient informés. Nous avons demandé en cela l’appui
du premier ministre du Canada.
Si on doit retirer au Parlement l’opportunité de faire d’autres
commentaires en deuxième lecture, si la question doit être
renvoyée en comité, est-ce qu’au moins les travaux du comité
ne pourraient pas être télévisés afin d’en informer les citoyens
du Canada. Le premier ministre du Canada a refusé. Il a dit
qu’il n’adopterait pas une position en faveur de l’ouverture au
public canadien des travaux des comités. Pourquoi pas? Je
crois que les Canadiens ont le droit de savoir pourquoi le
premier ministre, qui ne s’est pas donné la peine d’être présent
en Chambre cet après-midi alors qu’un débat avait lieu sur sa
motion de clôture, pourquoi le premier ministre pense-t-il qu’il
n’est pas prêt à appuyer la télédiffusion des travaux du comité
de façon à ce que les Canadiens puissent être mis au courant
de ce qui s’y passe.
Peut-être en a-t-on une indication dans l’infâme mémoire du
30 août du Bureau du Conseil Privé qui portait la mention,
«Réservé aux ministres». Je me réfère à la page 49 qui se lit en
partie comme suit:
Une mesure très controversée pourrait être mieux contenue dans un comité
alors qu’elle peut être mieux contrôlée par l’orateur de la Chambre et ses
collègues, et alors que des relations plus faciles et plus efficaces peuvent être
maintenues avec la galerie de la presse, étant donné que relativement peu de
journalistes suivent les travaux.
Pourquoi? C’est qu’on veut contrôler les nouvelles et manipuler
l’opinion publique.
Les députés de l’opposition seront certainement intéressés de
connaître les membres du gouvernement qui feront partie du
comité lorsqu’il sera finalement constitué. La page suivante de
ce mémoire du Bureau du Conseil Privé traite de la constitution
de ce comité. Il serait utile que les députés libéraux
présents ici ce soir à la Chambre et qui ont voté plus tôt
aujourd’hui en faveur de la «guillotine» sachent ce que leur
dirigeants attendent d’eux dans ce comité. La page 50 se lit
comme suit:
En comité, la position du gouvernement risque d’être controversée. Ses
détracteurs seront plus nombreux et se feront plus entendre que ses défenseurs.
Un choix judicieux des députés est essentiel, et une orchestration soignée des
délibérations sera nécessaire pour assurer une représentation efficace de la
position du gouvernement.
L’honorable député de Winnipeg-Nord-Centre a indiqué
plus tôt qu’il s’attendait à ce que le comité travaille en toute
La constitution
bonne foi, sans acrimonie. Il nous a demandé de faire confiance
au gouvernement. Sur quoi le gouvernement s’appuiet-
il pour se présenter comme étant digne de notre confiance?
Sur quoi s’appuient l’honorable député de Winnipeg-Nord-
Centre et ses collègues silencieux, pour accepter d’être de
connivence avec ce mépris du Parlement et cette mesure qui
attaque les droits fondamentaux des membres du Parlement et
nuit au pays? A quoi cela sert-il? Qu’ont-ils reçu en échange
pour accepter de voter avec le gouvernement sur la base d’une
assurance du maintien des droits acquis par les provinces, sauf
peut-être dans le cas des ressources naturelles? En quoi cela
sert-il le gouvernement?
Pourquoi le gouvernement était-il si pressé, alors qu’il a une
majorité à la Chambre des communes et qu’il peut faire passer
sa position le jour de son choix? Pourquoi fallait-il absolument
que les députés du NPD le supportent? Là, est toute la
question. C’est parce que le gouvernement n’a pas de soutien
dans l’Ouest, que le Nouveau parti démocratique se réduit
maintenant à ses représentants de l’Ouest, et que, selon des
porte-parole du gouvernement cités dans les journaux, il serait
bon que des représentants de l’ouest du pays appuient le
gouvernement dans ses offres aux Canadiens de l’Ouest.
L’honorable député de Winnipeg-Nord-Centre a dit qu’il
était fier de la mesure mise de l’avant par son chef. Sera-t-il
encore fier la semaine prochaine? Est-ce que les commettants
de l’honorable député de Winnipeg-Nord-Centre seront encore
fiers mardi prochain lorsque le gouvernement révélera ses
propositions concernant l’énergie? Dans le contexte canadien
d’aujourd’hui, les questions énergétiques sont inextricablement
liées à tout le débat constitutionnel. A quoi devons-nous nous
attendre? Devons-nous nous attendre à la bonne volonté, l’esprit
de compromis et de collaboration demandés par l’honorable
député de Winnipeg-Nord-Centre, ou devons-nous nous
attendre à voir ce que nous connaissons déjà-encore des
attaques, encore d’autres tentatives du gouvernement pour
monter les régions les unes contre les autres et les Canadiens
les uns contre les autres, pour nous diviser en somme?
Encore une fois, le document du Bureau du Conseil Privé
nous donne une idée de ce à quoi il faut s’attendre mardi soir
prochain lorsque le ministre des Finances (M. MacEachen)
révélera ses propositions concernant l’énergie. Le document
explique en effet pourquoi il est essentiel que le gouvernement
puisse faire passer rapidement ces mesures devant la Chambre
et quels sont les moyens auxquels on pourrait avoir recours
pour l’en empêcher. La page 43 se lit en partie comme suit:
Un important conflit concernant les questions énergétiques rendra le climat
politique difficile au Canada pendant l’automne de cette année et, à tout le
moins, les premiers mois de l’an prochain.
Comment les députés du NPD expliqueront-ils leur soutien
de cette mesure à leurs commettants après mardi prochain?
J’ai entendu l’honorable chef du Nouveau parti démocratique
(M. Broadbent) dire à la radio qu’il était profondément
inquiet de la décision du gouvernement de faire appel à une
motion de clôture. Il pensait que cela n’était pas bon. Cela est
impensable de prendre ainsi un air d’innocence chagrinée
lorsqu’on a vécu dans une position de promiscuité publique.
Des voix: Bravo!
M. Beatty: Personne ne croira cela. Aussi, nous retrouvonsnous
seuls. Plus tard ce soir, les députés du NPD voteront avec
leurs amis du gouvernement pour porter cette question devant
23 octobre 1980 40)151
23 octobre 1980
D-RATS DES COMMUNES
La constitution
un comité, malgré l’inquiétude ressentie par plusieurs d’entre
eux et par leurs commettants. Je suis prêt à faire cavalier seul.
Lorsque l’histoire de ces événements sera écrite, je veux qu’il
soit mentionné que les députés du Parti Progressiste Conservateur
étaient prêts à défendre la conception du Canada dont
nous sommes les héritiers: un système fédéral, un pays qui
n’est pas la vision d’un seul homme, mais qui appartient à 22
millions de Canadiens. Nous avons une tradition et un héritage
que nous ont transmis nos ancêtres et que nous voulons à notre
tour transmettre à nos enfants. Un grand tort est fait à notre
pays lorsqu’un homme, s’appuyant sur une très forte majorité,
choisit d’imposer sa volonté au reste du Canada. Nous sommes
seuls, mais nous sommes fiers de l’être.
Le gouvernement prétend qu’il est essentiel que des mesures
soient prises précipitamment et de toute urgence parce que,
selon le premier ministre, c’est une disgrâce pour notre pays
que notre constitution se trouve aujourd’hui à Westminster. Il
dit que nous sommes des coloniaux. Toujours d’après lui, le
fait que nous ayons depuis 113 ans la même constitution est
une preuve de notre échec; c’est la preuve de notre échec
constitutionnel. Si notre constitution a su durer 113 ans malgré
les assauts, c’est que notre pays a su vaincre les difficultés de
façon magistrale, et que les Pères de la Confédération avaient
fait preuve de bon jugement en rédigeant la constitution il y a
113 ans. Oui, c’est vrai qu’elle a besoin d’être modernisée.
Personne ne s’oppose à cela. Mais modernisons-la ici au
Canada. Oui, nous sommes en faveur du rapatriement de la
constitution au Canada. Faisons-le. Le chef de mon parti a
présenté une motion hier pour que nous prenions immédiatement
des mesures pour ramener la constitution au Canada et
faire ces changements ici au Canada, non pas à Westminster.
Si le premier ministre était ici ce soir, j’aimerais lui poser
une question. Si c’est une disgrâce pour le pays, si nous devons
marcher la tête basse parce que des modifications sont apportées
par Westminster et s’il est urgent que nous prenions des
mesures, pourquoi, alors, trouve-t-il acceptable de demander
au parlement de Westminster de légiférer sur son projet de
résolution constitutionel plutôt que de le faire ici à la Chambre
des communes? Où est la logique dans tout cela? Comment
cela peut-il être une disgrâce dans un cas et ne plus l’être
lorsque le parlement de Westminster approuve sa proposition?
Les propositions devant la Chambre ce soir contiennent
deux formules d’amendement proposées par le premier ministre.
La première est l’unanimité et la seconde la formule
Victoria, ni l’une ni l’autre ne lui auraient permis de modifier
la constitution comme il nous le propose ce soir. Il dit que nous
retournerons à Westminster une fois de plus, que nous devrons
nous soumettre à cette procédure dégradante à propos de
laquelle il se plaint. Nous demanderons à Westminster de faire
les modifications et ensuite nous ne permettrons plus à quiconque
de faire la même chose parce que c’est dégradant. Comment
les députés intègres de cette Chambre peuvent-ils ne pas
être vexés par cela? Comment peuvent-ils ne pas être profondément
inquiets de la grave injustice qui est faite à notre pays?
* (2040)
Nous avons entendu des députés d’en face nous accuser de
donner matière à encouragement à ceux qui détruiraient le
pays. Nous redoutons qu’on applique la clôture à ce débat
parce que nous sommes profondément attachés à ce pays, que
nous croyons fermement que les gestes posés par un homme ne
devraient pas porter préjudice à ce pays, que les Canadiens ont
le droit de se faire entendre sur cette motion et que les
représentants des Canadiens ont le droit d’être entendus plutôt
que baillonnés.
Nous nous levons ce soir pour prendre la parole parce que
nous estimons qu’il est essentiel que soient apportés des changements
à notre constitution au Canada, mais non par un pays
étranger. Nous prenons la parole ce soir parce que nous
croyons qu’il est essentiel que ce pays aille de l’avant avec la
réforme constitutionnelle dans un esprit de bonne volonté et de
compromis. Si le premier ministre tente de justifier son action
envers le pays ce soir en invoquant que celle-ci est essentielle
pour promouvoir l’unité, permettez-moi de demander aux
députés de cette Chambre de donner une réponse honnête à la
question: est-ce que le Canada est plus uni ce soir par suite des
gestes posés par le Premier ministre et ses collègues, ou est-il
plus divisé?
Des voix: Bravo!
M. Beatty: Ce que le gouvernement a tenté de faire, c’est
d’essayer d’imposer l’opinion d’un homme à ce pays, de refaçonner
le Canada selon la vision d’un homme, c’est de diviser
les Canadiens, de faire en sorte que les régions s’opposent les
unes aux autres. La soirée de jeudi nous en promet encore
davantage puisque c’est à ce moment qu’on connaîtra l’ensemble
de mesures portant sur l’énergie.
Cependant, les députés de ce parti, qui est le parti de la
Confédération, le parti de Sir John A. Macdonald, prennent la
parole actuellement et la prendront à nouveau à une heure
demain matin lorsqu’il s’agira de voter pour dire que nous
croyons que le Canada représente plus que la vision d’un
homme et qu’il est essentiel que le Premier ministre ne prenne
pas de mesures qui causeront un préjudice grave à ce pays
auquel nous sommes tous si attachés.
Des voix: Bravo!
M. Russell MacLellan (secrétaire parlementaire du ministre
de l’Expansion économique régionale): M. l’Orateur, je
suis heureux d’avoir l’occasion ce soir de prendre la parole sur
le projet de résolution sur la constitution canadienne et la
modification de la constitution, dont la Chambre est saisie. Le
gouvernement a pris cette orientation afin de ramener la
constitution, de soumettre ce projet de résolution à la Chambre,
de lever un obstacle sur notre chemin qui a empêché
depuis 53 ans la réforme constitutionnelle dans notre pays. Si
elle est adoptée par les deux Chambres, la proposition fédérale
permettra de ramener la constitution au pays et d’y inclure une
charte canadienne des droits et libertés. Elle permettra à ce
pays, d’ici deux ans, de modifier la constitution avec la collaboration
des provinces et du Parlement. S’il est impossible de
parvenir à une entente dans ce délai, il faudra alors mettre au
point une autre formule d’amendement, soit avec l’approbation
du Parlement et des législatures, soit avec l’approbation des
citoyens canadiens, c’est-à-dire d’une majorité des votants dans
chacune des quatre régions du Canada.
Lorsque la Chambre a été saisie de cette question, nous
avions prévu des désaccords, mais je n’avais pas pensé un
instant que nous ferions face à la réponse imprévisible que
nous ont donnée les députés d’en face et les provinces de ce
pays. Le chef de l’opposition (M. Clark) a déclaré que nous
devrions faire de cette question une cause décisoire et en saisir
la Cour suprême. En fait, c’est précisément ce que sept pre-
4016
La constitution
miers ministres de ce pays vont faire, ils vont porter cette
question à l’attention de la Cour suprême.
Sur ces sept premiers ministres, à qui avons-nous affaire ici?
D’abord, il y a le premier ministre René Lévesque de la
province de Québec, qui reproche au gouvernement fédéral
d’avoir agi unilatéralement alors que, il y a six mois seulement,
il a posé un geste unilatéral pour essayer d’exclure une des
provinces de la confédération.
A qui avons-nous affaire si ce n’est au premier ministre
Sterling Lyon du Manitoba? Lui aussi veut faire de cette
question une cause décisoire. C’est l’homme qui, il y a moins
d’un mois, s’opposait à ce qu’une charte des droits et libertés
soit incluse dans la constitution car il disait qu’elle aurait pour
effet de faire primer le judiciaire sur les législatures élues.
A qui avons-nous affaire si ce n’est au premier ministre
Brian Peckfork de Terre-Neuve? Il est celui qui, lorsque le
Premier ministre a proposé qu’il soumette à la Cour suprême
ses revendications en matière de contrôle des ressources au
large des côtes, a déclaré que cette question était de nature
politique et non juridique. Je crois pouvoir dire au Premier
ministre Peckford et aux députés d’en face qu’il n’y a pas de
question plus politique que celle dont nous traitons à l’heure
actuelle. Ils sont prêts à saisir la cour Suprême de cette
question en invoquant comme précédent un arrêt de 1979 de la
Cour suprême par lequel cette dernière s’est opposée à un
projet de modification dans le processus de sélection des
sénateurs, au sujet duquel la Cour suprême a statué sur le bill
C-60. Ce projet de modification aurait conféré aux provinces
certains pouvoirs dans la sélection des sénateurs. La décision
rendue a empêché d’investir les provinces de tels pourvoirs. Il a
nié, écarté et éliminé le droit du Parlement. Il a nié le droit du
Parlement de voter la loi appropriée et dit que le Parlement
agissait en contradiction avec l’article 91(1) de notre constitution
actuelle.
A l’heure actuelle, nous ne discutons pas d’une déclaration
canadienne des droits, pas plus que nous ne discutons d’un
projet de loi. Nous discutons d’un projet de résolution et il
n’est pas, à propement parler, question de lois canadiennes.
Nous proposons une résolution qui sera présentée au Parlement
britannique afin de lui demander de modifier l’une de
nos propres lois. Certes, personne ne peut prétendre qu’une loi
du Parlement britannique ressortit la compétence de la Cour
suprême du Canada. Mais, outre la question juridique …
Une voix: Nous savions cela.
M. MacLellan: Merci, je savais que tel serait le cas. Outre
la question juridique, il y a la question politique, qui est
tellement importante aux yeux des premiers ministres qui sont
partisans de faire appel à la Cour suprême dans une cause
décisoire. Je crois pouvoir dire qu’en renvoyant cette question
à la Cour suprême du Canada, les provinces non seulement
entacheront la crédibilité et l’influence de la Cour suprême,
mais aussi causeront par le fait même un préjudice à tout le
Canada.
M. Kempling: Quel argument faible!
M. MacLellan: Si l’on s’en remettait à la Cour Suprême, on
se retrouverait en fait dans la même situation que celle qui
existait aux États-Unis en 1856, lorsque l’affaire Dred Scott a
été soumise à la Cour suprême des Etats-Unis pour des motifs
politiques uniquement. Ce n’est que quarante ans plus tard,
avec l’affaire Tlessy c. Ferguson en 1896, que la Cour suprême
a pu reconquérir une certaine autorité et une certaine réputation
dans les questions constitutionnelles. Nous nous trouvons
face à une situation où les provinces demandent à la Cour
suprême de faire leur travail pour elles, de rendre une décision
politique et de rendre cette décision politique dans un contexte
très chargé d’émotivité. Si la Cour suprême fait cela, elle
pourrait être considérée comme le vilain par de vastes couches
de la population de ce pays. Je ne pense pas que la Cour
suprême devrait être mise dans cette situation.
0 (2050)
Quant à la résolution proposée, j’aimerais dire qu’elle est
particulièrement nécessaire en ce qui concerne la Charte des
droits et des libertés. Nous n’avons pas besoin de considérer
davantage la clause du droit de mobilité. Qu’est-ce qui peut
être plus essentiel à ce pays que le droit fondamental de se
déplacer et d’établir sa résidence dans une province quelconque
et y gagner sa vie sans discrimination basée sur les
frontières provinciales? Pourtant ce droit est menacé par ces
mêmes provinces. Elles placent leur désir de puissance au-dessus
du bien-être des citoyens du pays.
Par exemple, Québec a interdit à environ 3 000 travailleurs
de la construction de l’Est de l’Ontario de travailler dans cette
province. La province de Terre-Neuve a établi un registre de
travailleurs de l’industrie du pétrole au large des côtes de façon
à donner la priorité aux Terre-neuviens. La Nouvelle-Ecosse a
adopté une loi sur les ressources pétrolières qui permet au
gouvernement d’intervenir et de réglementer la distribution du
travail dans l’industrie du pétrole et du gaz au large des côtes
de la province. Il est incroyable qu’une telle chose puisse se
produire au Canada.
Alors que les provinces devraient travailler ensemble pour
résoudre les difficultés du pays, elles sont à couteaux tirés. Il
semble que leur seul point commun soit leur désaccord, elles
considèrent que la force du gouvernement fédéral est une
menace à leurs désirs de puissance et d’autorité. Et tout cela se
fait au détriment du pays tout entier.
Ce n’est pas cette proposition qui constitue un danger pour
ce pays mais le désir des provinces de le transformer en de
nouveaux Balkans. Nous ne pouvons pas permettre que le
commerce de notre pays soit entravé par des pratiques restrictives
proposées par les provinces. Par exemple, la Commission
de mise en marché du pétrole de l’Alberta ne veut pas mettre
la société ontarienne Petrosar sur sa liste d’acheteurs agréés.
Terre-Neuve ne peut pas exporter son électricité aux Etats-
Unis en passant par le Québec. La province de Colombie-Britannique
accorde 10 p. 100 de préférence aux acheteurs et
fournisseurs de la province alors que les autres provinces
n’obtiennent qu’un avantage minime par rapport aux fournisseurs
étrangers. Ceci ne renforcera pas le Canada et ne
représente pas le Canada que le peuple envisageait au moment
de la Confédération.
J’aimerais discuter de deux autres choses très importantes
pour moi en tant que député de la région de l’Atlantique. Il
s’agit des clauses relatives à la péréquation et aux disparités
régionales. Nous avons entendu le terme de péréquation bien
des fois au cours des débats et il a fait l’objet de nombreuses
critiques. On a dit qu’il signifiait paiements de péréquation.
Cela encouragerait les tendances paranoïaques des provinces.
Le terme péréquation représente beaucoup plus que des paie-
23 octobre 1980 DÉBATS DES COMMUNES 4017
DCÉOMBUANSE S2D3E octobre 1980
La constitution
ments de péréquation, qui s’appliquent aux services fournis par
les provinces.
Il existe un énorme volume de programmes fédéraux qui
sont dûs et devraient être fournis au peuple du Canada sous
forme de parts égales. Le transport, les pensions et l’indemnisation
pour incapacité sont des formes d’aide qui, dans un pays
comme le nôtre et aussi riche que le nôtre, devraient être un
droit pour les citoyens.
J’aimerais aussi parler de l’article 1(c) qui se rapporte aux
services publics essentiels d’une qualité satisfaisante offerts à
tous les Canadiens. Ceux qui disent qu’un tel article est inutile
devraient, je pense, considérer les pratiques actuelles du CN et
de ses filiales comme le Canadien national Express, dont les
services actuels dans ce pays sont inférieurs à ceux qu’ils
étaient il y a 40 ans. Comment les régions du Canada à
l’extérieur des zones métropolitaines importantes seront-elles
protégées dans leurs espoirs d’amélioration des services avec
une telle compagnie si ceci n’est pas inscrit comme un droit
dans la Constitution? De toute évidence, ce droit n’existe pas
pour le moment. En ce qui concerne les disparités régionales,
presque toutes les régions du pays, à un moment ou à un autre,
ont été ou risquent d’être économiquement inférieures à d’autres
régions. La prospérité est une chose extrêmement éphémère;
elle ne reste pas dans une seule région indéfiniment.
Je ne veux pas dire que les régions prospères ne doivent pas
travailler en vue du moment où elles seront moins prospères. Je
n’ai aucune objection à ce que certaines régions du pays soient
plus prospères que d’autres. Tout ce que je veux dire c’est que
cette prospérité ne doit pas empêcher les autres régions du
Canada d’atteindre la suffisance économique. Pour moi,
député du Canada atlantique, il est très important que cet
élément ait une place importante dans l’établissement de la
Constitution par un gouvernement. Aucune région, et encore
moins le Canada atlantique, ne recherche la charité. Tout ce
qu’une région veut, et j’en suis sûr, c’est un investissement
dans son futur. C’est certainement la position du Canada
atlantique.
Les régions qui ne sont pas aussi bien nanties économiquement
peuvent connaître des temps difficiles, non seulement
dans l’infrastructure de leur collectivité mais aussi au niveau
des individus. Dans une collectivité qui connaît des difficultés
économiques et qui est en déclin, ce sont les gens qui souffrent.
Ces gens ont travaillé toute leur vie, ils ont connu la crise et les
guerres et ils ne sont plus capables de travailler à cause de leur
âge, de leur santé qui décline ou du fait que la région où ils
habitent est économiquement faible.
Plusieurs de ces personnes n’ont pas eu les moyens nécessaires
pour rebâtir les économies qu’elles ont perdues et pour
subvenir eux-mêmes à leurs besoins. Souvent, elles ont passé la
meilleure partie de leur vie à verser des paiements hypothécaires,
à accumuler de petites économies et quelques maigres
biens. En période de difficultés économiques, leur maison perd
une grosse partie de sa valeur. Je pense qu’il est important de
réfléchir à cette situation. Nous pouvons parler de la création
de réserves monétaires, de fortunes personnelles et de potentiel
de développement économique, mais nous ne devons pas
oublier les gens qui ont fini de travailler et qui n’ont que de
petites économies. Ils n’ont pas accumulé des fortunes, mais
c’est de ces petites économies qu’ils dépendent.
Quand on parle de fortunes et d’argent qui seront accumulés
dans ce pays, nous ne devons pas oublier l’argent et les
fortunes qui y sont déjà et desquels bien de nos concitoyens
dépendent.
M. MacKay: Monsieur l’Orateur, pourrais-je poser une
question à mon honorable collègue?
M. MacLellan: Oui.
M. MacKay: Monsieur l’Orateur, j’aimerais demander à
mon honorable collègue s’il est prêt à déclarer officiellement
en tant que député du Canada Atlantique que la proposition
dont nous discutons ce soir améliorera vraiment le prospérité
économique, la liberté de la région de l’Atlantique, la base de
ses ressources et son espoir pour l’avenir? Est-ce que c’est bien
ce que le député veut dire à la Chambre?
M. MacLellan: Oui c’est cela.
e (2100)
Mlle Pauline Jewett (New Westminster-Coquitlam):
Madame le Président, l’enchâssement d’une charte des droits
et libertés dans la constitution canadienne est essentielle, pour
moi et pour le Nouveau parti démocratique. Je me réjouis
aussi de l’initiative prise par mon chef de faire enchâsser dans
la constitution le droit provincial de propriété et le contrôle des
ressources naturelles.
M. Blenkarn: Ils y sont déjà.
Mlle Jewett: Je suis bien heureuse de l’intervention du
député, Madame le Président, car le premier ministre de la
Colombie-Britannique, Bill Bennett, répète depuis plusieurs
années que le Nouveau parti démocratique, aux paliers fédéral
aussi bien que provincial, entend abolir la protection qui existe
actuellement du droit provincial de propriété des ressources. Il
a déclaré à maintes reprises dans toute la province que le NPD
allait abolir la protection qui existe actuellement du contrôle
provincial des ressources. Mais aujourd’hui, alors que le Nouveau
parti démocratique non seulement ne veut plus enlever ce
qui existe déjà mais a pris l’initiative de faire enchâsser, et par
conséquent protéger totalement, le droit de propriété et le
contrôle provinciaux des ressources, le premier ministre de la
Colombie-Britannique ne sait plus quoi dire. Je dirai même
que sur ce point, le premier ministre de la Colombie-Britannique
dépasse tout entendement.
Une voix: Comme le NPD.
Mlle Jewett: En outre, l’idée lancée plus tôt ce soir par le
député de Vancouver-Centre (M »e Carney), à savoir qu’en
quelque façon une formule d’amendement donnée, la formule
de Victoria, et aucune autre, par exemple le consensus de
Vancouver, pourrait faire tort à la Colombie-Britannique,
cette idée me paraît entièrement fausse.
En premier lieu, au cours des deux premières années après le
rapatriement de la constitution, tout amendement doit être
apporté à l’unanimité, et cette unanimité comprend la
Colombie- Britannique.
En second lieu, la formule de Vancouver qui semble tant
plaire au parti conservateur ne favoriserait pas nécessairement
certains des intérêts les plus importants et les plus chers de la
Colombie-Britannique, et pourrait même les détruire, si d’autres
provinces leur donnaient une orientation qui ne convenait
pas à la Colombie-Britannique.
DÉBATS DES COMMUNES 23 octobre 1980
DÉBATS DES COMMUNES
Je crois comprendre que le premier ministre en rabat un peu
maintenant, se rendant compte que le projet débattu aujourd’hui
est avantageux pour la Colombie-Britannique.
Nous savons tous, cependant, on l’a assez dit, que le projet
de résolution comporte des lacunes, dont l’une touche un
groupe comprenant 52 p. 100 des habitants du pays. La plus
grave lacune de la résolution, dont je veux parler ce soirj’entends
même faire des recommandations précises-c’est
l’absence de toute garantie du droit des femmes à l’égalité, qui
n’est même pas mentionné.
L’absence d’aucune mention du droit des femmes à l’égalité
dans la charte proposée des droits et libertés a été portée à
l’attention du gouvernement dès le milieu de l’été dernier dans
un excellent mémoire de 67 pages du professeur Beverley
Baines de la faculté le droit de l’Université Queen’s, et dans un
autre document dû à la plume de Mary Eberts, avocate
distinguée qui pratique le droit constitutionnel à Toronto, sans
oublier d’autres textes plus courts établis pour la Conférence
sur les femmes et la constitution canadienne que le Conseil
canadien de la situation de la femme voulait tenir pendant la
première fin de semaine de septembre, mais qui malheureusement
n’a pu avoir lieu.
Le gouvernement a eu toutes les occasions du monde d’apprendre
pourquoi l’article 15 proposé, qui porte le titre ridicule
de droits à la non-discrimination, n’avantage en rien les
femmes. Et pourtant il n’a rien fait.
Une voix: C’est honteux.
Mlle Jewett: Le ministre responsable de la situation de la
femme ne sait pas encore qu’il existe un problème et les
avocats du gouvernement, qui malheureusement ne sont pas les
Beverley Baines et les Mary Eberts de ce monde. . .
Mme Mitchell: Ce sont tous des hommes.
Mlle Jewett: En effet. Ceux qui travaillent aux documents
constitutionnels sont tous des hommes. Ils ne comprennent pas
le problème non plus.
Heureusement, le Conseil canadien de la situation de la
femme, dont tous les membres sont des libéraux nommés par
favoritisme politique, a eu le courage il y a quelques semaines
de déclarer hautement que, pour les femmes, ces dispositions
sont inacceptables. Pour la première fois, depuis les nombreuses
années que les libéraux nomment les membres de ce
conseil, il a fait preuve d’indépendance.
M. Blenkarn: Allez-vous voter pour?
Mlle Jewett: Je désire porter au compte rendu un extrait du
communiqué émis le 8 octobre par le Conseil canadien de la
situation de la femme, qui se lit comme suit:
«Les Canadiennes doivent savoir que leurs droits ne sont pas protégés par la
charte des droits proposée par le gouvernement fédéral», a déclaré Doris Anderson,
présidente du Conseil canadien de la situation de la femme, lors d’une
conférence de presse tenue à Ottawa aujourd’hui. «A moins que le libellé de la
charte ne soit modifié de manière à garantir les droits fondamentaux des
femmes, elles vont continuer à courir le risque de la discrimination qu’elles ont si
souvent connue dans le passé.»
L’article 15(1) de la charte à l’étude se lit:
Tous sont égaux devant la loi et ont droit à la même protection de la loi …
Ce libellé ne convient pas, parce que dans tous les cas sans
exception, au cours de la dernière décennie, où les tribunaux
ont interprété ce qui est à peu de chose près le même libellé, et
qu’on retrouve dans la charte des droits de Diefenbaker, la
La constitution
Cour suprême n’a pas jugé que les femmes ont l’égalité devant
la loi. Le haut tribunal a soit interprété l’expression «devant la
loi» dans le sens de «dans l’administration de la loi» ou bien
s’est efforcé d’appliquer quelque autre principe qui, en fait,
refusait l’égalité aux femmes.
Les deux causes les plus importantes sont évidemment l’affaire
Lavell et Bédard de 1973 et l’affaire Bliss de 1978. Dans
la première, deux Indiennes avaient perdu leur statut pour
avoir épousé des non-Indiens. Nous le savons tous, l’article
12(1)(b) de la Loi sur les Indiens porte que les Indiennes qui
épousent des non-Indiens perdent tous leurs droits d’Indiennes.
Cette disposition ne s’applique pas aux Indiens qui épousent
des non-Indiennes. Dans cette cause, la Cour suprême a jugé
que les termes «devant la loi», qu’on retrouve aujourd’hui dans
l’article 15 de la charte, ne s’entendaient que de l’administration
de la loi et non pas de la loi elle-même. Dans la célèbre
affaire Bliss de 1978, et sans entrer dans les détails parce que
le temps presse, le tribunal a jugé que Stella Bliss n’avait pas
subi d’inégalité par le non-versement de prestations d’assurance-
chômage, parce que la loi avait entraîné le refus des
prestations pour seulement certaines femmes enceintes sans
emploi et non pas pour toutes.
A moins que la charte proposée ne soit modifiée, ces deux
jugements auront force de précédent. Et il ne suffit pas de dire,
comme le font certains conseillers du gouvernement, à ce que
je crois savoir, qu’une fois ces termes enchâssés tout ira très
bien, parce qu’alors les tribunaux diront: «cela est enchâssé
maintenant et nous devons le traiter différemment». C’est là
sans doute le raisonnement le plus farfelu qu’on puisse imaginer.
Une fois des précédents établis, les tribunaux modifient
très rarement leur interprétation.
Il y a plus important. A l’exception d’un juge de la Cour
suprême, jamais les tribunaux n’ont estimé que la Déclaration
canadienne des droits ne pouvait prévaloir sur les autres lois.
Dans toutes ces causes, tous les juges, à une exception près, ont
traité la Déclaration canadienne des droits, la charte Diefenbaker,
comme si elle était enchâssée. A cet égard, le jugement
rendu dans la célèbre affaire Drybones n’a jamais été renversé.
Dieu merci, nous pouvons maintenant compter sur des jeunes
femmes brillantes qui enseignent le droit constitutionnel dans
les écoles de droit du Canada pour porter ces choses-là à notre
attention.
e (2110)
Des voix: Bravo!
Mlle Jewett: Il en va de même des dispositions relatives à la
protection de la loi: le seul changement, à l’article 15, par
rapport à la déclaration Diefenbaker des droits de l’homme est
l’ajout du mot «égale». Donc maintenant, c’est l’égale protection
de la loi. Encore une fois, cela ne sera pas très utile, cela
ne servira peut-être à rien. C’est un plagiat de la terminologie
américaine et une tendance à tenir en haute estime la jurisprudence
américaine en ce qui concerne l’interprétation de l’égale
protection de la loi. Je pense que c’est très bien si l’on regarde
leur interprétation des cas d’inégalité raciale. Mais si nous
regardons l’interprétation de ces dispositions en ce qui concerne
l’inégalité des sexes, nous voyons que cela n’aide pas du
tout les femmes.
23 octobre 1980 4019
4020 DÉBATS DES COMMUNES 23 octobre 1980
La constitution
Je dois dire que la charte québécoise des droits de la femme
est plus éclairée. Elle n’utilise pas du tout les mots «devant la
loi». En français on dit «en pleine égalité».
C’est peut-être une expression à laquelle nous devrions nous
arrêter lorsque nous réviserons la formulation en comité.
Les tribunaux ont virilement cherché à trouver un principe
pour donner …
M. Knowles: C’est cela, la difficulté.
Des voix: Oh, oh!
M. Clark: Nous faisons tous des erreurs.
Mlle Jewett: Au contraire, virilement, et je veux dire «virilement
». Les tribunaux ont virilement cherché à trouver un
principe pour donner de la substance à «devant la loi». Ils ont
élaboré cinq principes différents. J’en ai mentionné un particulier,
celui selon lequel «devant la loi» signifie que nous sommes
égaux dans l’application de la loi. Les tribunaux en ont
élaborés quatre autres. Pas un n’aide la cause des femmes. Pas
un ne favorise le droit de la femme à l’égalité. Les tribunaux
ont besoin d’être éclairés et ils le réclament désespérément. Il
faut que le message du Parlement et de la constitution du
Canada soit très clair, à savoir qu’il ne servira à rien d’utiliser
le mêmes mots. Il faut donner un message clair aux tribunaux
en utilisant des mots nouveaux, différents et plus forts, pour
affirmer qu’à compter de maintenant nous avons l’intention de
traiter les femmes également.
Si vous me le permettez, j’aimerais maintenant faire verser
au compte rendu la formulation que je propose. Je ne suis pas
avocat, et je ne doute pas qu’il y ait des lacunes dans cette
formulation. Toutefois, j’ai au moins cherché à exprimer ce
qui, selon moi, ferait savoir clairement à la Cour suprême et
aux autres tribunaux que ce que nous voulons vraiment, de
façon positive et constructive, c’est la protection des pleins
droits de la femme à l’égalité.
Je commencerais par intituler cet article non pas «droit à la
non-discrimination», car ce titre ne vise que le deuxième
alinéa, mais plutôt «droit à l’égalité». Soit dit en passant, je
parle maintenant des autres qui seront inclus dans cet article,
comme les députés l’apprendront dans un moment.
Je voudrais voir ce qui suit dans le premier alinéa:
Tous, hommes et femmes, sont égaux dans la loi et devant la loi, sans distinction
irraisonnable fondée sur l’origine nationale ou ethnique, l’âge ou la religion.
J’insiste sur les mots «égaux dans la loi». J’espère que les
honorables députés voient ce que je veux dire. «Devant la loi»
ne nous a pas donné l’égalité. Il faut changer cela. «Dans la loi»
est un changement logique et net.
Dans le deuxième alinéa, et j’espère que d’autres députés
seront d’accord, j’aimerais voir ce qui suit:
La race, le sexe ou tout autre caractéristique immuable ne constituent jamais le
fondement raisonnable d’une distinction, sauf exception prévue à l’alinéa 3.
Les mots d’importance sont «caractéristique immuable».
Le troisième article que je propose, je l’ai pris dans la Loi
sur les droits de la personne. Je pense que l’action sociale de
cette loi est la meilleure. Ma proposition de troisième alinéa se
lit:
Rien dans cette charte ne limite le pouvoir du Parlement ou d’une législature
d’autoriser les programmes ou activités destinés à prévenir des inconvénients
probables, ou à éliminer ou réduire des inconvénients réels, pour tout groupe de
personnes quand ces inconvénients seraient fondés sur la race, le sexe ou une
autre caractéristique immuable de ces groupes de personnes, ou quand ils y
seraient rattachés.
Des voix: Bravo!
Mlle Jewett: Enfin, dans mon projet d’article 15, j’aimerais
voir des mots dans le sens de:
L’égalité est un but positif à rechercher particulièrement pour les femmes et les
autres personnes désavantagées, et cette égalisation est un processus nécessaire à
l’établissement de l’égalité.
Des voix: Bravo!
Mlle Jewett: J’espère que tous les députés à la Chambre des
communes, et non pas seulement toutes les femmes députésbien
que j’espère que les 14 d’entre nous feront front commun
à ce sujet autant que nous l’avons fait il y a quelques mois en
cherchant à faire avancer l’égalité totale des indienness’uniront
pour faire des changements importants de substance
et de fond et restructurer entièrement l’article 15 de la charte
proposée.
A moins que nous n’agissions maintenant, et j’ai hâte que
nous en arrivions au comité pour le faire, il faudra encore cent
ans avant que ces changements puissent se faire.
Aux États-Unis, les femmes se battent depuis 1924 pour
faire entrer dans la constitution des Etats-Unis un amendement
sur l’égalité des droits. Si nous ramenons la constitution
avec l’article 15 tel qu’il est maintenant, étant donné l’interprétation
de la Cour suprême du Canada, nous ne serons pas,
en tant que femmes, véritablement capables de réclamer l’égalité
dans la société. Il est assez peu probable que toutes les
législatures se mettent d’accord avec le gouvernement fédéral
pour modifier cet article après le rapatriement.
Il ne suffit pas de dire à ce sujet, et sur d’autres questions
d’importance, que nous le ferons plus tard. C’est maintenant
qu’il faut agir.
M. Friesen: Monsieur l’Orateur, puisqu’il reste du temps à
l’honorable député de New Westminster-Coquitlam (M »,
Jewett), permettrait-elle une question?
M. l’Orateur adjoint: L’honorable député de New Westminster-
Coquitlam (M », Jewett) accepterait-elle une question
de l’honorable député de Surrey-White Rock-North Delta (M.
Friesen)?
Mlle Jewett: Oui, monsieur l’Orateur.
M. Friesen: Monsieur l’Orateur, l’honorable député a indiqué,
et je suis d’accord avec elle, que les tribunaux ne sont pas
de très bonnes institutions de réforme, ce qui est précisément
l’argument qu’a fait valoir le chef de l’Association des libertés
civiles. Par conséquent, l’enchâssement n’est pas une façon de
renforcer les droits des gens. Pourquoi l’honorable député a-t-il
l’intention de voter pour l’enchâssement si cela joue contre la
réforme? S’il y a tInt de lacunes dans cette proposition,
pourquoi est-ce un dodument tellement civilisé?
Mlle Jewett: Sur ce dernier point, pour être très franche, ma
condamnation vous vise tous, vous les gars, également. Vous
n’avez jamais lu ni étudié la formulation de la charte proposée
pas plus que bien des députés du côté du gouvernement. La
plupart d’entre vous n’avez jamais étudié ni lu aucune des
causes où on a donné à ces mots une interprétation défavorable
aux femmes.
M. l’Orateur adjoint: Avec tout le respect qui est dû à
l’honorable député, elle doit adresser ses remarques à la
présidence.
4020 DÉBATS DES COMMUNES 23 octobre 1980
DÉBATS DES COMMUNES
* (2120)
[Français]
M. Robert Bockstael (secrétaire parlementaire du ministre
des Transports): Monsieur le président, depuis que le projet de
résolution est déposé à la Chambre, nous nous sommes engagés
dans un débat historique qui mettra en valeur les principes
fondamentaux de nos institutions démocratiques, parlementaires
et fédérales. Tout au long des pourparlers constitutionnels
des débats à la Chambre, nous avons été accusés par certains
premiers ministres provinciaux ainsi que par les députés de
l’opposition de vouloir ruiner notre système gouvernemental.
Ils nous ont accusés de vouloir diminuer les pouvoirs des
provinces au profit des pouvoirs du gouvernement fédéral.
Alors que nous avons déposé une motion de clôture afin de
déférer la résolution à un comité mixte pour une étude
sérieuse, on nous accuse d’abuser de nos principes parlementaires
et démocratiques. Je me demande comment ces mêmes
députés dans les rang de l’opposition peuvent se prononcer
contre une résolution englobant les principes fondamentaux
qui sont à la base des valeurs démocratiques de notre système
parlementaire et de nos institutions fédérales. Monsieur le
président, je me demande comment, en toute bonne foi envers
leurs commettants, ces représentants élus peuvent se prononcer
contre une résolution voulant inscrire dans la Constitution les
libertés et les droits fondamentaux que devrait avoir toute
personne de citoyenneté canadienne. Je me demande enfin,
monsieur le président, comment ces mêmes représentants peuvent
nier à leurs électeurs, leurs confrères canadiens, les droits
et les libertés de se déplacer ou de travailler dans n’importe
quelle région du pays, le droit à l’enseignement dans leur
langue maternelle, ou tout autre droit ou liberté qui leur
reviennent comme citoyen d’une fédération souveraine et
démocratique.
Monsieur le président, il est évident que les députés progressistes
conservateurs sont en train de jouer avec les droits
fondamentaux et individuels des Canadiens. Ils sont en train
de manipuler la résolution et la motion de clôture pour leur
propre bien politique, sans aucun respect pour les électeurs ou
pour la Chambre. Et puis ils nous accusent de vouloir supprimer
le débat sans leur donner la chance de se prononcer de
façon adéquate, sur la motion déposée à la Chambre le 6
octobre.
Monsieur le président, si dans les deux semaines et demie ils
n’ont pas réussi à monter une opposition à la motion déposée
par le ministre de la Justice (M. Chrétien), ce n’est pas par
manque de temps, mais plutôt par manque de sagesse. Nous,
de ce côté de la Chambre, nous réalisons l’importance de cette
résolution. Nous avons décidé qu’il était temps de déférer cette
résolution à un comité en vue d’étude sérieuse. Et c’est pour
cela que nous avons déposé à la Chambre une motion de
clôture. Ce n’était pas pour supprimer le débat que nous avons
choisi d’invoquer cette fameuse procédure de clôture, mais
plutôt pour étudier cette résolution plus soigneusement en
comité et donner à la Chambre l’occasion de s’appliquer à
d’autres questions pressantes.
[Traduction]
Maintenant, monsieur le Président, je voudrais m’attaquer à
certaines des remarques que nous avons entendues au cours des
derniers mois, et au cours du débat constitutionnel à la
Chambre.
La constitution
Au cours de ces discussions, au cours de ce débat, certains
premier ministres provinciaux, et les députés de l’opposition,
ont clamé que le gouvernement fédéral s’aliène les Canadiens
de l’Ouest. Il y a encore quelques jours, le député de Provencher
(M. Epp) déclarait ouvertement à la Chambre que les
Canadiens de l’Ouest se sentaient profondément aliénés. Eh
bien, je suis un Canadien de l’Ouest, je représente un comté,
au Manitoba, qui touche au comté de Provencher que représente
mon ami de l’opposition, pourtant je ne ressens aucunement
ce sentiment profond d’aliénation.
Je dirais plutôt que certains premiers ministres canadiens de
l’Ouest, qui ne parlent pas vraiment pour la majorité de leurs
concitoyens, se sont même coupés de leurs propres régions et
de leurs propres comtés.
Quant à moi, je ne puis qu’applaudir notre gouvernement
qui a su faire récemment des concessions en matière de
contrôle des ressources. Je suis persuadé que ces concessions
seront bien accueillies par les Canadiens de l’Ouest, qui ont
demandé depuis de longues années ce genre de garantie.
Les provinces canadiennes de l’Ouest ont connu une dernière
décennie bien prospère. Elles, dont l’économie était autrefois
presqu’entièrement fondée sur l’agriculture, ont connu de nouvelles
formes d’expansion économique et ont pu diversifier leur
économie et s’industrialiser à partir de nouvelles ressources.
Cette évolution a amené une transformation de la balance
économique et politique de la confédération, qu’on n’avait
jamais connue auparavant. Ces changements ne devraient pas
amener l’aliénation de l’Ouest, image que les membres de
l’opposition ramènent continuellement sur le tapis, mais plutôt
une nouvelle association entre les régions et les provinces, dans
un pays uni. Je pense que c’est là une attitude que tous les
Canadiens devraient bien accueillir.
Grâce à l’expansion économique du Canada de l’Ouest,
notre nation est aujourd’hui plus solide, et.peut mieux faire
face aux tensions internationales, notamment à celles que
connaît le marché mondial du pétrole. Si la politique nationale
de 1879 a raffermi notre pays et nous a permis de faire face à
des pressions politiques et économiques externes, notre nouvelle
richesse en hydrocarbures a servi d’une part à réaffirmer
cette union et a permis d’autre part une meilleure distribution
de la prospérité dans le pays.
La migration interprovinciale de l’Est à l’Ouest du Canada a
été remarquable. Tous les gens de l’Ouest, je pense, devraient
accueillir à bras ouvert leurs compatriotes qui viennent à la
recherche d’un emploi et d’une nouvelle vie dans une région
qui offre tant de débouchés. Aussi les arguments sont-ils
nombreux en faveur de l’inscription des droits à la mobilité
dans la constitution, et plus particulièrement encore pour les
provinces qui connaissent des problèmes financiers.
Si l’expansion économique que connaît l’Ouest attire des
gens dans cette région, il ne fait pas de doute que certains des
nouveaux venus viendront du Québec, comme les Canadiens
français sont venus à l’Ouest, il y a plus d’un siècle. J’estime
que nous devrions garantir leurs droits de faire respecter leur
langue et leur culture, et de donner à leurs enfants une
instruction en français, semblable à celle qu’ils auraient eue
s’ils étaient restés au Québec.
23 octobre 1980
DÉBATS DES COMMUNES
La constitution
L’inverse est également vrai. Dans l’Ouest, lorsqu’un de nos
amis ou un de nos voisins est muté par sa société au Québec,
nous nous attendons à ce que cette province fasse preuve de
réciprocité et permette à ses enfants de faire des études en
anglais dans cette province.
A propos de cette nouvelle prospérité de l’Ouest, certains
hommes politiques provinciaux du Canada de l’Ouest, semblent
penser que cette nouvelle prospérité, attendue depuis des
décennies, avait été retenue de force par les provinces de l’Est,
sur la défensive. A les entendre, cette nouvelle prospérité leur
permettra finalement de régler leurs comptes avec leurs confrères
de l’Est. On a presque l’impression par moment d’assister
à un match historique, à coups de rancoeurs passées. Ceci
est particulièrement malheureux lorsqu’on pense qu’il a fallu
une crise sur le marché mondial du pétrole pour porter certains
politiciens canadiens de l’Ouest à réévaluer ainsi la
confédération.
Vu l’immensité et la diversité géographique du Canada, il
n’est point extraordinaire que le problème de ce que l’on
appelle souvent l’insatisfaction régionale surgisse. Toutefois,
nous devrons nous demander tous quelle est l’ampleur réelle de
ce problème. En d’autres termes, les Canadiens mettent-ils
vraiment leurs intérêts régionaux au-dessus de leurs intérêts
nationaux, ou bien la situation est-elle amplifiée par les chefs
politiques provinciaux.
Les Canadiens ont réussi à bâtir une nation en dépit de
toutes ces barrières régionales. Canadiens de naissance, et
immigrants, se sont installés dans le Canada de l’Ouest, non
pas pour défier l’Est ou les institutions fédérales, mais bien
plutôt pour contribuer à bâtir une nation. Aujourd’hui, je suis
convaincu que les petits enfants et les arrières-petits enfants de
ces premiers colons croient autant en ce pays que leurs ancêtres
avant eux.
e (2130)
[Français]
Monsieur le président, je représente une circonscription du
Manitoba qui a comme tradition un caractère biculturel, une
circonscription qui a bien sa place dans les chapitres de
l’histoire comme étant la forteresse de la francophonie dans
l’Ouest canadien, une circonscription dont l’existence date
depuis aussi longtemps que l’incorporation de la province du
Manitoba dans le Dominion du Canada.
Lorsque le Manitoba est devenu une province canadienne,
les Canadiens français étaient bien représentés au sein de sa
population. Le système scolaire était divisé en deux secteurs
pour accommoder à la fois les protestants et les catholiques. Le
français était la langue de l’enseignement dans la grande
majorité des écoles catholiques et la législature manitobaine
reconnaissait les deux langues. La population canadienne-française
constituait, à l’époque, une collectivité homogène dans
laquelle on pouvait y vivre quotidiennement en français et se
plonger pleinement dans notre culture.
Le noyau de cette collectivité était alors l’église et la famille,
et autour de ces deux grandes institutions, les Canadiens
français au Manitoba pouvaient s’isoler contre l’assimilation
par la population croissante anglo-saxonne. Avec la vague
d’immigrants et de colons canadiens de l’Ontario dans l’Ouest
canadien, inspirée par la politique nationale de Macdonald en
1879, les Canadiens français seront bientôt réduits au statut de
minorité, projetés sur la voie de l’anglicisation. En 1890, la
législature du Manitoba allait abolir la langue française
comme langue officielle et établir un système d’écoles neutres,
publiques et anglophones. Les Canadiens français se trouvèrent,
en 1890, spoliés de leurs droits tels qu’ils leur avaient été
confiés dans l’Acte du Manitoba.
Après une série de batailles à la Cour suprême et au Conseil
privé à Londres, et une série d’interventions du gouvernement
fédéral, les Canadiens français ont reçu quelques privilèges.
Si je prends la parole aujourd’hui en défense des droits
linguistiques et du droit à l’éducation dans la langue de la
minorité, c’est que j’ai vécu l’expérience au Manitoba comme
étudiant, comme parent et comme membre élu d’une commission
scolaire. J’ai connu les problèmes que les Canadiens
français ont eu à subir dans le domaine de l’enseignement du
français.
Au Manitoba, par exemple, l’histoire des Canadiens français
a été celle d’une lutte pour leur droit à une éducation dans leur
langue. Je me souviens quand j’étais étudiant, nous devions
cacher nos livres de grammaire française lors des visites de
l’inspecteur du ministère de l’Education. Monsieur le président,
c’était en cela les droits des Canadiens français au
Manitoba.
Et notre premier ministre au Manitoba continue à dire que
son gouvernement peut assurer que la minorité franco-manitobaine
est bien protégée dans sa province. Je me demande
comment le premier ministre Lyon pourrait convaincre un de
mes commettants, M. Georges Forest, qui a dû lutter jusqu’à
la Cour suprême du Canada pour contester une simple contravention
de stationnement unilingue issue d’une législation provinciale
discriminatoire.
Monsieur le président, j’aimerais citer un des plus grands
chefs politiques de notre histoire, Sir John A. Macdonald qui,
en 1865, lors des débats sur la possibilité d’établir une Confédération
canadienne, et je cite le texte original en anglais, dit:
[Traduction]
Les délégués de toutes les provinces ont convenu que emploi du français
représentera l’un des principes sur lesquels la confédération sera fondée.
[Français]
Alors, monsieur le président, toute cette question d’une vraie
égalité entre les deux peuples n’est pas un phénomène nouveau.
Je crois qu’il est temps de rendre hommage aux voeux de nos
ancêtres en inscrivant dans notre Constitution les droits historiques
de tous les Canadiens.
[Traduction]
Je suis né au Manitoba et j’y ai vécu toute ma vie, mais je
suis avant tout un Canadien. On pourrait croire qu’il n’est pas
nécessaire de le mentionner à la Chambre, mais je dois préciser
que je suis un Canadien dont la langue maternelle des
parents n’était ni le français ni l’anglais. Je suis issu d’une
minorité peu importante, d’une minorité parmi d’autres, et je
sais ce que cela veut dire. Je sais que si les droits des
Canadiens ne sont pas protégés par les deux principaux groupes
linguistiques officiels, les autres minorités en souffriront.
4022 23 octobre 1980
23 ~~~~~~~ ocor-90DÉASDSCMMNSAl~ ~ 0
Je ne crois pas que nous puissions compter sur nos gouvernements
provinciaux pour nous protéger de cette manière, et si
nous devons attendre une constitution adoptée de façon unanime,
il est probable que je ne vivrai pas assez vieux pour en
voir le jour. Nous avons notre hymne national et notre drapeau,
et je crois que nous sommes assez mûrs pour avoir notre
propre constitution.
Des voix: Bravo!
M. Bockstael: J’ai mentionné le député de Provencher (M.
Epp). Il sait qu’en 1957, nous nous battions pour nos droits
scolaires, moi pour la population de St-Boniface et lui pour les
Mennonites du Manitoba. Nous savions que nous ne pourrions
les obtenir, mais j’ai travaillé avec des gens comme Thiessen et
Wiebe afin de m’assurer que nous allions parvenir à bénéficier
de ces droits. Le premier ministre de la province s’efforçait de
nous appuyer, mais la majorité nous les refusait. C’est alors
que nous avons connu l’administration du premier ministre
Edward Schreyer. Il nous a nettement favorisés en faisant
adopter des lois qui permettraient le respect des droits linguistiques
de la minorité. Nous nous battons toujours pour ces
droits et il est comique de voir à la télévision le premier
ministre du Manitoba déclarer: «Je m’occupe des droits des
minorités; ils sont respectés». Ce n’est pas le cas.
Aujourd’hui, je laisse parler mon coeur. Les députés d’en
face disent que le débat n’a duré que vingt-quatre heures mais,
depuis le six octobre, alors que nous avons commencé de bonne
heure, plusieurs jours avant le temps, nous n’avons vu que de
l’obstruction et des initiatives en vue de ralentir la proposition
et son renvoi au comité. Hier, nous avons assisté à la plus drôle
volte-face qu’il m’a été permis de voir à la Chambre des
communes. Les députés d’en face ont maintenant la solution à
leur disposition.
Ils étaient contre; ils ne voulaient pas le faire. Ils favorisaient
le rapatriement et son principe. Ils favorisaient la formule
de péréquation et son principe. Cependant, ils n’aimaient
pas notre façon de faire. Ils estimaient que nous devrions
procéder différemment, et que ce n’était ni le moment ni
l’endroit. Puis hier, le leader de l’Opposition, M. Clark, nous a
dit qu’il avait la solution: «Nous le ferons d’un coup, cela ira
vite et nous n’avons même pas besoin d’un comité. Nous le
ferons ici même cet après-midi; allons-y». C’est parce que les
députés d’en face ont pris connaissance de la volonté du peuple
canadien. Les Canadiens veulent leur constitution.
Des voix: Bravo!
M. Bockstael: Comme je le disais auparavant, les députés
d’en face prennent position pour des raisons politiques. Ils
retardent le gouvernement dans son travail, et nous devons
aller maintenant de l’avant. Nous devrions faire étudier la
proposition en comité, la traiter sérieusement et en finir.
Des voix: Bravo!
M. Clark: Monsieur l’Orateur, j’invoque le règlement.
Est-ce que mon honorable collègue me permet de lui poser une
question?
M. Bockstael: Oui.
M. Clark: Bien que je n’approuve pas certaines des conclusions
du député, je suis intéressé par sa proposition voulant que
les droits linguistiques en matière d’éducation, tant en français
La constitution
qu’en anglais, existent pour tout le monde, partout au Canada.
Mon honorable collègue parlait plus particulièrement de personnes
qui, venant par exemple du Québec s’établiraient dans
ma circonscription rurale de l’Alberta, ou vice-versa. Si je
comprends bien, il prétend que dans tous les cas ces personnes
devraient avoir le droit de fréquenter des écoles où la langue
d’enseignement est celle de la majorité de la région qu’elles ont
quittée. Je me demande si mon honorable collègue a l’intention
de présenter un amendement à la proposition afin que celle-ci
reflète ses intentions.
M. Bockstael: Monsieur le Président, je ne crois pas avoir
utilisé les mots «dans tous les cas». Ayant été commissaire
d’école et reconnaissant le bon-sens sur le plan économique, je
sais que cela s’appliquerait là où le nombre le justifie. C’est
mon opinion.
M. McDermid: Qui décide du nombre?
M. Kilgour: Monsieur l’Orateur, j’invoque le règlement.
Est-ce que le secrétaire parlementaire me permet de lui poser
une deuxième question, s’il a le temps d’y répondre?
M. Bockstael: Oui.
e (2140)
L’Orateur suppléant (M. Blaker): Le député d’Edmonton-
Strathcona (M. Kilgour) invoque le Règlement.
M. Kilgour: Monsieur le Président, je vais formuler ma
question en anglais. En tant que citoyen natif du Manitoba, je
me demande si le Secrétaire parlementaire, qui a parlé de la
question des écoles au Manitoba, sait que la Loi sur les écoles
du Manitoba–qui est une loi injuste, sur ce point je suis
d’accord avec lui-a été adoptée après que deux allocutions
démagogiques furent prononcées à Portage la Prairie en 1889?
Je suis certain qu’il connaît ces deux discours. Ne pense-t-il
pas que l’article 42 est précisément ce type d’instrument qu’un
démagogue comme Dalton McCarthy ou Joseph Martin, les
deux personnes qui ont prononcé les discours à Portage la
Prairie, aimeraient voir apparaître dans notre Constitution
afin de pouvoir réserver à une minorité le même traitement
que celui qu’a fait le gouvernement libéral du Manitoba à la
minorité francophone en 1890?
M. Bockstael: Monsieur le Président, je partage l’opinion de
notre chef de parti que l’article 42 est un moyen de faire sauter
un goulot d’étranglement. C’est dans ce sens qu’il sera invoqué
car nous avons des preuves manifestes que la situation est
congestionnée depuis 53 ans dans les provinces.
Des voix: Bravo!
M. John Gamble (York-Nord): Monsieur le Président, je
suis un des membres privilégiés et fortunés de cette Chambre.
J’ai encore 20 minutes de parole pour exprimer mes vues sur
un sujet d’intérêt national suprême. Tous mes collègues de la
Chambre, incluant ceux qui n’ont pas l’honneur d’appartenir à
mon parti, n’ont pas ce droit ou ce privilège. Certains l’ont
cependant. Mais, devant le petit nombre de députés du gouvernement
présents dans la Chambre, je vois qu’il n’est peut-être
pas important à leurs yeux d’assister aux présents débats,
comme aimeraient le faire la plupart des députés de mon parti.
Il y a 21 députés libéraux dans la Chambre aujourd’hui pour
débattre cette question.
23 octobre 1980 DÉBATS DES COMMUNES
4023
424 DÉBATS DES COMMUNESb
La constitution
Un des points les plus essentiels qui me frappe dans l’examen
de cette résolution est que, selon le gouvernement, la
Chambre n’est pas le lieu où des questions intéressant au plus
haut point tous les Canadiens devraient être débattues. Elles
doivent l’être d’ailleurs, et je me demande où cela peut être.
Est-ce à Londres, où le gouvernement a délégué deux de ces
ministres pour parler de ce que devrait être la Constitution du
Canada? J’aurais pensé que le lieu privilégié de ces débats
aurait dû être ici, et j’aurais pensé que les députés qui désirent
s’exprimer sur cette question vitale auraient aimé le faire ici.
Malheureusement, cependant, nous avons été beaucoup déçus.
Passons donc à la question qui nous confronte à l’égard de
cette résolution présentée à la Chambre qui a donné lieu à la
clôture, et classons immédiatement certaines des impropriétés
qui ont été soulevées. Il est plus que manifeste que le parti
auquel j’appartiens désire vivement que la Constitution du
Canada soit rapatriée. Nous croyons aussi qu’il devrait y avoir
une formule d’amendement. Cette formule est la formule des
«sept». Je ne m’étendrai pas sur ce point, si ce n’est que pour
mentionner que les membres de ce parti croient sans aucun
doute en une charte des droits. C’est un ancien premier
ministre de ce parti qui a introduit la Déclaration des droits du
Canada, encore en vigueur. Peut-être faut-il amender cette
Déclaration des droits, en changeant l’article 2 de sorte que la
Déclaration actuelle échappe aux lois générales du Canada.
Mais la question sur laquelle nous nous penchons, et pour
laquelle il y a clôture, est substantiellement différente, il s’agit
du principe que la charte des droits et des libertés qui touchera
tous les Canadiens devrait être placée hors du contrôle de la
Chambre des communes.
Nous avons entendu aujourd’hui une déclaration du député
de Nepean-Carleton (M. Baker) qui a peut-être initiallement
abasourdi certains députés. Il disait en substance que si la
résolution était adoptée la Cour suprême du Canada, plus
haute instance au pays, perdrait son statut de premier tribunal.
Quelle différence fondamentale cela me fait-il en qualité de
député? Suis-je vraiment dépouillé d’un droit fondamental? Eh
bien, je pense que cela se produirait mais ce n’est pas ce qui
me préoccupe. Ce qui m’inquiète, c’est plutôt l’effet de la
résolution sur le processus démocratique au pays, car ce que
nous apprêtons à faire ici porte les germes de la destruction de
la démocratie.
Des voix: Oh, oh!
M. Gamble: Les députés qui n’ont jamais examiné la résolution
se permettent de rire. Cela ne me surprend pas. Ce que
nous avons à l’étude est une proposition qui remettra entre les
mains de la Cour suprême du Canada-non pas celle que nous
connaissons aujourd’hui mais celle qui dans 100 ans sera en
place et dont nous ne connaissons pas les membres parce qu’ils
ne sont pas encore nommés-le droit de déterminer les lois du
Canada et de mettre en vigueur ces lois car le procédé de
l’interprétation juridique comprend celui de la législation.
Si on veut un exemple parfait de ce procédé, nous u’avons
qu’à regarder ce qui se passe chez nos voisins du Sud où les lois
adoptées sur une forme constitutionnelle ont été changées au
fil des ans par suite d’une interprétation juridique. Le résultat
naturel de ce processus, prétendent-ils est que du progrès a été
accompli. Les instances juridiques ont fait ces changements
par nécessité. Mais le fait demeure, adapter le processus qu’ils
ont adopté à notre situation sans se doter des sécurités dont ils
jouissent présente un danger. En effet, tous les juges de la
Cour suprême des États-Unis sont nommés après sanction et
approbation, et après examen poussé, par le Congrès des
Etats-Unis. La présente résolution ne prévoit pas un tel
examen. Aux États-Unis, les juges des tribunaux inférieurs
sont élus par la population. La population, directement ou
indirectement, contrôle donc l’administration de la justice.
Notre système, en termes simples, repose sur un seul homme,
le Procureur général du Canada, qui fera les nominations. Qui
seront nommés? Nous ne le savons pas, et je vais vous dire ce
que la population ne sait pas aussi-c’est que, une fois nommé,
personne ne pourra les déloger. La population peut si elle le
désire démettre mes amis d’en face, elle peut se débarrasser de
moi, elle peut nous démettre tous, mais elle ne peut pas
démettre les juges, et ce sont les juges qui feront la législation
au Canada si cette résolution est adoptée. Il faudrait avertir le
public de cette situation, mais les députés d’en face du gouvernement
ne s’en soucient pas. Ils parlent des droits des minorités.
J’ai entendu la déclaration du Solliciteur général (M.
Kaplan), qui est ici ce soir. Il disait: «Les minorités doivent
être protégées». C’est vrai, mais la majorité aussi. Et qui
protège la démocratie? Qui prend la défense du système
évolutif qui donne le droit d’être présent dans cette Chambre
et qui donne à la population le droit de nous déloger? Personne,
pas un de ces députés parce que la question ne les
concernent pas. Voilà le problème fondamental auquel le
gouvernement libéral ne s’attaque pas car il s’agit d’un point
qu’il ne veut pas que la population connaisse, et plus vite la
question sera confiée au Comité où elle sera étudiée en sourdine,
plus le gouvernement se réjouira.
Voilà donc pour ce problème fondamental que pose la
résolution. Soulevons maintenant le couvercle de ce coffre au
trésor et voyons quels bijoux il contient. Le gouvernement nous
dit, par ses présidents, que l’adoption de la résolution aura
comme conséquence de permettre aux Canadiens de se déplacer
d’une partie du Canada à une autre, de choisir librement
leur lieu de résidence et de se chercher des emplois où ils
voudront. Nous avons tous entendu, ce soir, un député du
gouvernement déclarer qu’il avait connaissance d’une loi de
nature restrictive adoptée par la province de Québec qui
interdit aux travailleurs de la construction de la province
d’Ontario de travailler au Québec à des projets de construction
octroyés à des entrepreneurs en construction de l’Ontario.
L’article 6 se présente comme une solution au problème et
comme une panacée. Il faut lire cet article. L’article 6.(2)
prétend offrir un recours, mais il faut aller plus loin et voir ce
que dit l’article 6.(3). Il y est stipulé qu’aucune des interdictions
énoncées au paragraphe (2) ne pourra être rendue inopérante
si ce n’est en cas de mesures principalement discriminatoires
visant la province de résidence antérieure du candidat à
un emploi. Le député qui a soulevé cette question aurait dû
étudier le droit de la province de Québec. Il aurait constaté
que c’est sur cela même que le gouvernement se fonde, en fait,
pour défendre le principe que cette mesure est censée corriger.
L’article 6 qui prétend protéger la liberté de circulation et
d’établissement est un artifice et une fraude. Il ne protègera
pas les Canadiens, et il faut le leur faire savoir.
23 octobre 1980
4024
23 octobre 1980DETSESCMUS
* (2150)
Le député de St-Boniface (M. Bockstael) s’est dit heureux
du fait qu’après l’adoption de cette résolution et l’insertion de
ces dispositions dans notre constitution, les Canadiens qui
déménageront dans une autre province pourront insister pour
que leurs enfants reçoivent leur éducation dans la langue
officielle de leur choix. La grande difficulté que présente
l’article 23 en ce qui concerne les Canadiens qui déménageront
dans une autre province réside dans le fait qu’ils n’ont aucun
droit s’ils n’ont pas d’enfant d’âge scolaire au moment de leur
déménagement. Il faut que les enfants fréquentent l’école.
Dans le cas d’un enfant de quatre ou cinq ans qui ne va pas
encore à l’école, ses parents font tout aussi bien décarter cette
possibilité car cet enfant ne remplit pas les conditions requises.
Il n’y a aucune protection dans ce cas.
Il est assez intéressant de noter que le véritable abus, sur
lequel les députés de l’autre côté de la Chambre n’ont nullement
attiré l’attention, réside dans le fait que l’article 23.(1)
crée une catégorie de citoyens de seconde classe dans ce pays.
Le député de St-Boniface a dit qu’il n’appartenait pas au
groupe anglais majoritaire ni au groupe français minoritaire
au Canada. Il a indiqué qu’il venait d’un autre milieu. Je lui
souhaite la bienvenue dans le groupe des défavorisés, car c’est
ce qu’il serait s’il arrivait au Canada venant d’un pays comme
l’Italie, où il ne parlerait ni l’anglais ni le français; dans ce cas,
ses droits et privilèges disparaîtraient immédiatement. Si cette
disposition outrageante était adoptée, il ne pourrait faire instruire
ses enfants en anglais ou en français dans aucune
province où il s’établirait, car il n’aurait aucun droit. Il est
révoltant que le gouvernement ait osé présenter une proposition
montrant un parti pris aussi inouï contre les nouveaux
citoyens du Canada. Lorsqu’une personne acquiert la citoyenneté
canadienne, je crois qu’elle devrait avoir tous les droits et
privilèges qui sont conférés au citoyen du Canada-et non
quelques uns d’entre eux seulement.
Je ne puis pas et je ne vais pas appuyer l’inscription de la
discrimination et des préjugés dans la constitution du Canada.
Je suis consterné par l’audace dont a fait preuve le gouvernement
du Canada en présentant un ensemble de mesures contenant
de tels abus. On se demande comment le gouvernement a
pu envisager l’adoption sans opposition de l’article 41 de la
résolution. En bref, l’article 41.(1) b) (i) crée une catégorie
spéciale de provinces. Il s’agit d’une catégorie de provinces qui
ne sont pas désignées par leur nom, dont la population, avant
la date de proclamation, représentait, selon un recensement
général antérieur quelconque, au moins vingt-cinq pour cent de
la population totale du Canada. Or, il se trouve que les deux
seules provinces qui remplissent les conditions requises par ce
paragraphe sont les provinces d’Ontario et de Québec. Toutes
les autres provinces sont désignées par leurs noms respectifs.
En ce qui concerne les droits relatifs à la modification de la
constitution, les autres provinces doivent compter ensemble,
La constitution
dans la région à laquelle elles appartiennent, pour cinquante
pour cent de la population totale de cette région. Pour ce qui
est du moment où le dénombrement de la population sera fait
en ce qui concerne les provinces dites de l’Atlantique et de
l’Ouest, c’est le recensement général le plus récent qui servira
de guide. Les ministres de l’autre côté de la Chambre ont créé
là la plus protectrice des clauses qu’il soit possible d’imaginer.
Ils ont créé au Canada une catégorie privilégiée de provinces
qui ne perdront jamais leur droit de refuser une modification
de la constitution.
Je viens de la province d’Ontario, l’une de ces provinces
privilégiées. Si je suivais l’exemple de certains députés du
Québec qui siègent du côté du gouvernement, je resterais assis
et je me tairais. Il semble que cela soit de mise. Mais il n’y a
pas un seul habitant réfléchi de la circonscription de York-
Nord qui appuyerait un tel abus, qui serait disposé à accepter
une fois pour toute un traitement spécial qui serait refusé à ses
concitoyens.
Le mécontentement se fait entendre dans l’Ouest du
Canada. Ses échos ont été entendus à la Chambre ce soir et
avant. Le gouvernement les a entendus mais il refuse d’y prêter
attention. Il n’écoutera pas tant que ce bruit ne deviendra pas
un coup de tonnerre qui s’abattra sur lui avec fureur. Il
n’écoute pas parce qu’il pense que les gens bluffent. Les
Canadiens veulent un régime juste et équitable. Ils veulent
qu’on les traite de la même façon quel que soit leur lieu de
résidence. Si on ne le fait pas, les légers inconvénients que le
gouvernement a connus récemment dans la province de
Québec paraîtront bien minimes comparativement au climat
d’angoisse qu’il se sera attiré et qu’il aura valu au pays tout
entier. J’exhorte le gouvernement à réfléchir soigneusement
aux provinces de seconde classe et à la nécessité de l’honnêteté
et de l’équité. Je l’exhorte à rejeter ce qui, tout compte fait,
équivaut ni plus ni moins à la perpétration d’une fraude légale
contre les Canadiens. Il s’agit non pas de fraude au sens
juridique courant du terme, de celle qu’on entend réprimer,
mais d’une fraude qu’on veut encourager et favoriser au
dépens des Canadiens.
* (2200)
Des voix: Bravo!
M. Gamble: Monsieur le Président, nous traitons d’importantes
questions d’intérêt national et je m’adresse à vous en
espérant que mes collègues à la Chambre et ceux du gouvernement
pourront réfléchir quelque peu aux conséquences de leurs
actes sur le Canada, en se rendant compte que les mesures
qu’ils prennent ce soir risquent de causer des dégâts irréparables
à cette institution et au pays. Je leur demande donc de
réfléchir sérieusement sur ce qu’ils font.
Merci, monsieur le Président.
Des voix: Bravo!
80091-33
DEBATS DES COMMUNES 23 octobre 1980
4026DÉBAS DE COMUNES23 octobre 1980
La constitution
[Français]
M. Raymond Savard (secrétaire parlementaire du ministre
des Travaux publics): Monsieur le président, je suis très
heureux aujourd’hui de participer au débat sur la Constitution.
Déjà, plusieurs députés ont pris la parole à la Chambre et ont
exprimé le désir de voir leurs libertés protégées dans notre
Constitution. Aujourd’hui on peut tous ensemble chérir ce rêve
de donner le choix aux gens de ce beau pays qui est en pleine
croissance et ouvrir la route à leurs aspirations.
Lors du référendum au Québec, le premier ministre a
déclaré à tous les Canadiens qu’une fois ce référendum passé,
nous allions rapatrier la Constitution. Aujourd’hui, monsieur
le président, notre premier ministre veut s’exécuter, et déjà on
nous traite de traîtres, de brebis et de toutes les choses qu’on
peut imaginer. Je voudrais dire que je suis fier d’être Canadien,
de servir un premier ministre qui se tient debout et qui
veut préparer l’avenir de toute la nation et lui donner liberté de
conscience et de religion, liberté de pensée, liberté de presse et
d’information, liberté de vivre librement dans un Canada où
tout citoyen peut circuler librement. Que l’on comprenne que
des milliards de gens donneraient je ne sais quoi pour avoir ces
libertés qui sont nôtres au Canada.
Je ne peux comprendre mes amis d’en face d’avoir une
attitude négative, d’inventer toutes sortes de prétextes et de
vouloir démolir ce beau pays qu’est le Canada. C’est pour cela
qu’aujourd’hui j’apporte ma contribution. A titre de Canadien
et de porte-parole de mes concitoyens, je veux exprimer à la
Chambre leurs sentiments et leur désir de voir leurs droits
individuels et leurs droits linguistiques garantis partout au
Canada, ainsi que ces mêmes droits fondamentaux et démocratiques
de faire éduquer leurs enfants dans leur langue maternelle
officielle. Il est du devoir de tous les députés de faire
passer les droits de tous les Canadiens avant ceux de l’État. Et
c’est pour toutes ces raisons que je lance un appel à tous les
Canadiens de nous aider à enchâsser tous ces droits dans la
nouvelle constitution canadienne.
M. La Salle: Il va falloir convaincre M. Ryan!
M. Savard: Monsieur le président, j’aimerais citer un exemple
que certains d’entre nous avons vécu lors de la Quinquennale
de la francophonie à Winnipeg. J’ai vécu une expérience
lors de mon séjour dans cette région. J’ai vu des gens qui
étaient très fiers de parler français, mais qui, malheureusement,
de peur de perdre leur emploi, devaient parler anglais.
Le même phénomène se produit au niveau de l’université. On
assiste aux cours en français mais aussitôt sortis de l’université
on se remet à parler en anglais.
Dernièrement je regardais à la télévision une émission sur le
vingtième anniversaire de la télévision française à Winnipeg,
où on nous montrait que l’enseignement français à l’école
s’arrêtait instantanément lorsque l’inspecteur rentrait dans la
classe. En ce qui me concerne, je trouve cette situation déplorable
et inacceptable. Les francophones ne demandent ni
faveur ni privilège, mais uniquement le droit d’être traités
comme des partenaires à part entière et non comme des
citoyens de deuxième classe. Ils ont le droit de vivre et de
s’épanouir dans toutes les provinces canadiennes.
Je voudrais aussi, monsieur l’Orateur, signaler le magnifique
travail de notre ministre de la Justice (M. Chrétien), pour sa
performance lors de sa rencontre avec les premiers ministres.
A mon avis, il a bien raison lorsqu’il dit que nous devons suivre
l’oeuvre de MM. Diefenbaker et Thomas, car elle est digne de
mention. Mais quand j’entends parler le chef de l’opposition
(M. Clark), cela me fait peur, et je suis sûr que ces deux
grands hommes se retournent dans leur tombe.
Parlons des droits de mobilité économique pour nos citoyens
à travers le pays. Qu’adviendra-t-il du droit à la vie et à la
liberté si nous ne pouvons pas nous déplacer, nous établir,
travailler et investir dans la province de notre choix? Sans
cela, notre régime deviendra-t-il semblable aux pays totalitaires?
Comme on le sait, les citoyens des pays communistes
n’ont pas ces droits, ils n’en existent même pas. En Russie,
pour voyager d’un Etat à l’autre, on est obligé d’obtenir un
permis du gouvernement central. Eh bien moi, je dis que les
Canadiens, dans notre pays, n’ont pas l’intention de vivre de
cette façon et j’insiste, en leur nom, pour retenir cette liberté,
le droit de mobilité, parce que le Canada c’est cela, c’est un
pays libre d’un océan à l’autre.
En ce qui concerne, monsieur l’Orateur, l’union économique,
c’est un élément important pour le bien-être de tous les
Canadiens, en plus de nous donner une des meilleures qualités
de vie au monde, surtout dans un pays aussi vaste et aussi
rempli de contrastes que le nôtre. Les diverses régions et les
divers secteurs économiques doivent se compléter afin de conserver
leur richesse, car sans la collaboration de chacun d’entre
eux, le Canada deviendra un pays dépendant des autres pays
industriels. Même si la Constitution, qui a 113 ans, n’a pas
évolué par rapport à la société, je trouve qu’il est normal que
les provinces revendiquent certains pouvoirs, mais si chacune
ne prenait que sa part de gâteau, ce serait l’idéal. Il est aussi
normal que notre gouvernement conserve les pouvoirs qui sont
d’intérêt national et qui concernent l’ensemble du pays; c’est ce
qui devrait être compris dans la nouvelle constitution, tout en
s’adaptant à l’évolution de la société à venir. Cette action du
gouvernement est justifiée, puisqu’il n’y a aucune autre alternative.
Face aux Québécois, nous nous sommes engagés. Nous
nous devons maintenant de nous exécuter. Nous nous devons
d’avoir une formule d’amendement liant le gouvernement central
et toutes les provinces du Canada.
[ Traduction]
Les anglophones de ma province ont toujours eu le droit de
vivre et de travailler en anglais. Ces droits devraient être
garantis par notre constitution et on devrait les citer en
exemple à toutes les autres provinces. Les droits et la dignité
des francophones d’un bout à l’autre de ce pays devraient être
aussi protégés que ceux des anglophones du Québec.
4026 DÉB3ATS DES COMMUNES 23 octobre 1980
DÉBATS DES COMMUNES
[Français]
Et comme on peut le constater, le gouvernement fédéral n’a
l’intention d’enlever aucun pouvoir aux provinces. Lors des
récentes négociations, les provinces voulaient négocier ces
droits. Je dis que ces droits ne se négocient pas. Ils appartiennent
aux Canadiens et aux Canadiennes et nous devons leur
laisser leur dû. C’est maintenant le temps de rapatrier la
Constitution chez nous, avec une formule d’amendement, en
incluant toute garantie des droits liant les gouvernements
fédéral et provinciaux, et d’avoir une volonté plus ferme
d’écouter ceux qui nous entourent et de comprendre leurs
besoins. Il faut avoir un désir plus grand de donner aux autres.
Voilà autant d’éléments aussi importants les uns que les autres
pour l’unité de la nation. Mon Dieu que c’est facile de comprendre
cela! C’est ce que l’on veut faire du Canada. Selon
l’opposition, la vision du très honorable premier ministre (M.
Trudeau) est celle d’un Canada artificiel qu’il tenterait de
nous vendre. Le Canada est une réalité et les espoirs des
Canadiens sont également réels.
Le rêve dont je parlais tout à l’heure, c’est celui de tous les
Canadiens et de toutes les Canadiennes, celui d’avoir toutes les
libertés, tous les droits fondamentaux qu’on croit déjà posséder
au Canada. Les premiers ministres provinciaux sont aussi
d’accord pour dire que nous possédons ces droits. Je dois
répéter la demande du très honorable premier ministre: Si
nous les avons actuellement, pourquoi ne voudraient-ils pas les
enchâsser dans la Constitution?
La semaine dernière, monsieur l’Orateur, j’écoutais attentivement
un député de l’opposition déclarer que le très honorable
premier ministre était en train de planter au coeur même du
pays une bombe à retardement, et qu’il se préparait à assassiner
la fédération canadienne. Eh bien, je refuse d’accepter une
telle affirmation qui est, selon moi, un affront à toute la
population canadienne, parce que le très honorable premier
ministre est l’un des plus grands hommes du Québec et du
Canada, quoiqu’en pense l’opposition.
Monsieur l’Orateur, le très honorable premier ministre est
un fils de chez nous, et personne ne peut nier que, grâce à lui,
la situation des francophones s’est grandement améliorée. Que
dire de l’adoption de la loi sur les langues officielles, de
l’intégration des francophones à tous les échelons de la Fonction
publique à travers le Canada? Par la force de ses idées et
la rigidité intellectuelle, il a gagné le coeur des Québécois et les
a ramenés vers un fédéralisme renouvelé tel qu’on le propose
dans ce projet.
* (2210)
[Traduction]
Le moment est venu d’agir. Après 53 ans, nous sommes sur
le point de tourner une page importante de l’histoire de notre
pays en rapatriant notre constitution et en accordant à tous les
Canadiens les droits, non pas les privilèges comme le voudraient
certains premiers ministres, qu’ils méritent. Voilà ce
que sera notre contribution au mieux-être, des générations
futures de Canadiens. C’est pourquoi je vais voter fièrement en
faveur de la résolution du gouvernement.
La constitution
[Français]
Il y a maintenant 53 ans que les hommes politiques essaient
de rapatrier la Constitution, et tous ont échoué. L’heure des
décisions est arrivée et cette décision, nous allons la prendre, et
ce sera pour la première fois dans notre histoire que les libertés
et les droits fondamentaux des Canadiens seront inscrits dans
une charte canadienne. Nous nous devons de rapatrier la
Constitution canadienne faite au Canada par des Canadiens.
Nous avons le pouvoir et l’obligation de le faire.
[Traduction]
L’hon. Don Mazankowski (Vegreville): Monsieur le Président,
comme l’on vient d’imposer à cette Chambre l’une des
mesures les plus répugnantes et les plus destructives jamais
perpétrées contre le processus démocratique, ce n’est pas sans
tristesse ni regret que je prends part à ce débat. Je suis en
proie à une profonde tristesse parce que le débat qui se déroule
dans cette Chambre depuis quelques semaines et auquel nous
avons consacré vingt-quatre heures de notre temps est peutêtre
le plus important auquel il m’ait été donné d’assister au
cours des douze années de ma carrière de député. Aussi est-ce
avec beaucoup de regret que je le vois ainsi écourter étant
donné son importance et le fait que ceux d’entre nous qui
voulaient prendre la parole n’en auront pas l’occasion.
En agissant ainsi, le gouvernement fait preuve d’intransigeance,
d’arrogance et, à mon avis, de lâcheté. Le Parlement
doit maintenant courber l’échine, comme a dit l’honorable
député de Provencher (M. Epp), devant la tyrannie de la
majorité. Voilà que le débat des plus intéressants auquel nous
nous livrions tire à sa fin. Nous avons entendu d’excellents
discours. En fait, il s’agit du meilleur débat auquel j’aie pris
part au cours des douze années que j’ai passées dans cette
Chambre. Beaucoup d’entre nous ont prononcé des discours
empreints de sincérité, de conviction profonde et de beaucoup
d’émotion. Mais les actions du gouvernement ont eu pour effet
d’introduire dans le débat de l’amerturme et de la division à tel
point que l’atmosphère est devenue insupportable.
Il me semble y avoir une constante dans la façon dont le
gouvernement actuel a abordé la réforme constitutionnelle. Il
en use avec cette Chambre comme il en a usé avec les premiers
ministres. Il n’a tenu aucun compte des mises en garde et des
objections légitimes que des députés de toutes les formations
politiques ont exprimées. Il n’a pas non plus tenu compte de la
participation des députés qui ont parlé avec tant de conviction
et d’émotion. Ce gouvernement, cela saute aux yeux, n’aime
rien mieux que la confrontation. Ce qui n’est conforme ni à la
tradition canadienne ni à l’esprit de la confédération.
Ce genre d’atmosphère me répugne profondément et n’a pas
sa place dans un débat portant sur une question aussi fondamentale.
Nous devons nous poser la question suivantes: «Pourquoi
donc faut-il tout à coup tant se presser?» Les députés d’en
face nous disent que le débat dure depuis 53 ans et voici que,
tout à coup, il y est mis fin sans autre forme de procès.
Plusieurs députés ont cité des passages du fameux document
secret dont seulement les ministres devaient prendre connaissance.
Ce document contient certains éléments qu’il convient
de rendre publics. Le premier concerne l’inquiétude que causait
au gouvernement la possibilité que les provinces en appellent
aux tribunaux. Voici ce qu’il y est dit à ce sujet, et je cite:
23 octobre 1980 4027
La constitution
«Si une province entamait des procédures devant une Cour d’appel, il s’écoulerait
de dix-huit à vingt-quatre mois avant que la Cours suprême puisse se
prononcer sur un appel. Bien que ce délai comporte des avantages, il pourrait
aussi avoir des inconvénients; la province pourrait formuler la question de
référence sans notre approbation et . .. pourrait insister seulement sur la question
de savoir si la procédure est conforme aux conventions du Canada plutôt que
sur la légalité de la mesure de rapatriement. En outre, même si la décision finale
de la Cour suprême était retardée par ce processus, il y aurait le risque
supplémentaire qu’une cour provinciale rende, entre-temps, un jugement qui
pourrait nous être défavorable.»
Le gouvernement semble presque convaincu que les provinces
lui causeraient des difficultés si elles devaient faire appel
aux tribunaux. Voici ce qu’on lit ailleurs dans le document:
«D’un point de vue stratégique, il serait fort avantageux que la résolution
conjointe et la législation britannique soient adoptées avant qu’un tribunal
canadien puisse avoir l’occasion de se prononcer sur la validité de la mesure et de
la procédure employée pour l’appliquer. Il serait donc opportun que la résolution
et la législation britannique soient adoptées dans les plus brefs délais.»
Parmi d’autres sujets de préoccupation dont je traiterai plus
loin, voilà ce que craint le gouvernement. Je crois, en toute
sincérité, que ce que le gouvernement vient de faire a divisé le
pays encore plus qu’il ne l’était avant que le débat ne commence.
Cela, à mon avis, est fort regrettable. Ce qu’il y avait
de frustration, de tension et d’émotion s’est maintenant transformé
en véritable colère.
Mais le gouvernement ne semble pas s’en préoccuper. J’ai
été étonné d’entendre l’honorable secrétaire parlementaire du
ministre des Transports (M. Bockstael) minimiser les sentiments
de l’Ouest. Monsieur le président et chers collègues, en
disant cela, il vous trompe parce qu’il ne se fait pas le
porte-parole exact des opinions des Canadiens de l’Ouest tels
que je les connais, moi qui ai pourtant voyagé considérablement
dans cette région du pays. Cette opinion n’est pas, en
tout cas, partagée par un Canadien très distingué, un ancien
premier ministre de l’Alberta.
e (2220)
Qu’il me soit permis de le citer. Il parle des doutes que lui
inspire la façon dont le premier ministre. (M. Trudeau) s’y
prend pour procéder au rapatriement. A la page 920 des
Débats du Sénat du 22 octobre, on voit que le sénateur
Manning a déclaré:
Je ne doute pas de la parole du premier ministre quand il dit croire qu’il a choisi
la voie juste et logique, mais il se trompe, il se trompe terriblement et il court
inutilement le danger de déchirer la confédération.
Ce sénateur connaît assez bien notre pays, monsieur le
Président, et il connaît très bien l’Ouest. C’est une question
dont ont également parlé le député de Rosedale (M. Crombie),
le député de Cambridge (M. Speyer) et plusieurs députés de la
région de l’Atlantique ainsi que le député de York-Nord (M.
Gamble). L’été dernier, ces députés ont voyagé dans l’Ouest et
ils rapportent le sentiment que de façon générale, nos concitoyens
de l’Ouest estiment que beaucoup de leurs plaintes ont
été ignorées et qu’ils peuvent s’attendre à de nouvelles injustices
par suite de l’action du gouvernement.
J’arrive difficilement à comprendre la position des membres
du Nouveau parti démocratique. Pour moi, ils ont vendu leur
âme pour rechercher certains gains politiques à court terme.
J’estime aussi qu’ils ont trahi leurs commettants de l’Ouest
parce qu’à mon sens, cette question des ressources est plus
embrouillée que jamais. Rien n’est clair. Le droit de propriété
est de facto enlevé aux provinces. Le Nouveau Parti Démocratique
a fait le jeu du Premier ministre.
Le résultat, c’est que dans l’Ouest on pensera de nouveau
que nous voici revenus au statut de colonisés d’il y a cinquante
ans. C’est une date importante, parce que des droits avaient
été obtenus par suite de l’adoption de la loi de 1930 sur le
transfert des ressources naturelles après de longs débats et
d’intenses délibérations.
C’est après l’adoption de cette loi et d’autres lois subséquentes
que la propriété des ressources fut transférée aux provinces
de l’Ouest, comme aux autres provinces de la confédération. Il
me semble que l’action du prnemier ministre et du chef du NPD
(M. Broadbent) constitue un pas en arrière pour ce qui a trait
au respect de cet élément très important, vital et fondamental,
en tout cas pour l’Ouest du Canada.
Des voix: Bravo!
M. Mazankowski: Le Premier ministre Blakeney n’a pas
donné un accord global. A mon sens, le Nouveau Parti Démocratique
oublie carrément toute une région du Canada qui a
rejeté le parti libéral. Les gens de ces régions n’ont pas voté
pour le parti libéral parce qu’ils craignaient quelque chose de
cette nature. Ceux qui ont voté pour le NPD aux dernières
élections doivent maintenant avaler une politique libérale.
Le gouvernement et le Nouveau Parti Démocratique ne
devraient pas non plus ignorer certains autres faits dont je
veux dire un mot. Par exemple, ils ne devraient pas oublier
qu’un ministre, à l’autre endroit, parlant au nom de la province
de l’Alberta, n’appuie pas la formule d’amendement contenue
dans cette résolution. Il appuie plutôt la position de l’Alberta,
la formule de Vancouver. C’est la position que notre parti a
adoptée.
Ils ne devraient pas oublier que sept ou huit provinces
n’appuient pas la proposition, comme en font foi les projets de
poursuite devant les tribunaux. Ils ne devraient pas oublier que
de jour en jour, à mesure que le débat se poursuit et que les
Canadiens connaissent mieux ce que contient la proposition,
les constitutionnalistes, les éditorialistes et les Canadiens bien
informés expriment de plus en plus de réserves à son sujet.
Malgré tout cela, le gouvernement a accéléré le rythme du
processus qu’il entend suivre.
Pourquoi tant d’inquiétude dans le pays? A mon avis, c’est
parce que la proposition vise à changer la nature fondamentale
de la Confédération canadienne. M. Timothy Christian, professeur
de droit constitutionnel à l’Université de l’Alberta, a
dit que la proposition était un changement qui rapprocherait le
Canada du modèle américain. Il affirme que le concept des
référendums obligatoires est une déviation radicale de la
démocratie parlementaire.
Quelles sont les autres inquiétudes que je partage avec
beaucoup d’autres Canadiens? Des changements importants
sont proposés dans la division des pouvoirs entre les deux
niveaux de gouvernement. La formule d’amendement proposée
est inacceptable pour la plupart des provinces et comme l’ont
dit plusieurs porte-paroles de notre parti, on va créer pour
toujours différentes classes de provinces. Le statut d’égalité va
disparaître. Comme l’a dit le député de Rosedale, les provinces
de l’Ouest ne pourront plus jamais devenir des provinces de
première classe. C’est regrettable, parce que cela est contraire
à la réalité des tendances courantes de la croissance.
4028 DÉBATS DES COMMUNES 23 octobre 1980
DÉBATS DES COMMUNES
Une voix: Vous interprétez mal la section.
M. Mazankowski: Le député dit que j’interprète mal. Si
c’est le cas, il y a beaucoup d’autres Canadiens qui en font une
mauvaise interprétation. Je ne peux m’attendre à beaucoup de
sagesse de l’honorable député qui a tenté de nous faire avaler
aujourd’hui un rappel au règlement de sa fabrication.
Je dis que la proposition établit différentes classes de
citoyens. On a mentionné plusieurs fois l’article 42. C’est une
matraque, et non seulement un moyen de sortir d’une impasse.
Les députés d’en face feraient bien de le lire et de le relire. Il
donne au gouvernement fédéral le pouvoir de refaçonner la
nation par une manipulation fédérale. Cela éveille des soupçons,
monsieur l’Orateur. Cela nous pousse à demander quels
sont les mobiles du gouvernement. Le Premier ministre est-il
sérieux quand il dit qu’un système de gouvernement présidentiel
comme celui de la France pourrait être ce qu’il y a de
mieux pour le Canada? Est-ce là son mobile?
J’ai déjà parlé de la propriété des ressources provinciales,
question qui soulève beaucoup d’incertitude. Et que dire des
premiers citoyens du Canada, des droits, des réclamations, des
traités, des Indiennes? Tout ce champ n’est certainement pas
clair et les Indiens n’ont pas été consultés. Les garanties sont
loin d’être claires. J’aimerais citer un article du Journal de
Saint-Paul, Alberta, du 15 octobre. En voici le début:
Si, vraiment, le gouvernement fédéral rapatrie l’Acte de l’Amérique du Nord
britannique, comme il se le propose de le faire, sans le consentement des Indiens,
sans enchâsser les droits des Indiens dans une nouvelle constitution, il se rend
coupable d’une grave violation de promesses, selon Eugene Steinhauer, président
de l’Association des Indiens de l’Alberta.
Plus loin, l’article poursuit:
Les nations indiennes de l’Alberta ont affirmé plusieurs fois qu’elles s’opposent
au rapatriement de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique à moins que les
Indiens ne reçoivent la garantie que les droits découlant de leurs traités seront
enchâssés dans la nouvelle constitution. Ces traités, signés de bonne foi entre la
Couronne et les Indiens il y a plus d’un siècle, reconnaissaient que les autochtones
de ce pays sont des nations, déclare Steinhauer, et ces traités étaient des
ententes en vertu desquelles ces nations renonçaient pacifiquement à des milliers
de milles carrés de terrains en échange de petits domaines appelés des réserves.
Ces domaines et le droit à l’auto-détermination appartiennent aux Indiens «tant
que le soleil brillera, que les rivières couleront et que l’herbe croîtra».
Parlant de l’insignifiant article 24 de la charte proposée,
l’article ajoute:
C’est un moyen délibéré de laisser passer l’occasion de faire une déclaration forte
et positive reconfirmant nos traités, déclare Steinhauer. Nos droits doivent être
clairement définis.
Je suis d’accord avec cette déclaration tout comme mes
honorables amis, j’en suis certain, monsieur l’Orateur.
Des voix: Bravo!
M. Mazankowski: Et que dire du droit de propriété, monsieur
l’Orateur? En présentant sa résolution, le ministre de la
Justice (M. Chrétien) a dit qu’il complétait le travail entrepris
par le très honorable John George Diefenbaker en vue de
consacrer la déclaration des droits dans la Constitution.
Mais il y a une omission très évidente, quand on compare la
charte des droits à la déclaration des droits. Dans la charte, je
La constitution
ne vois aucune mention du droit à la vie, à la liberté, à la
sécurité et à la jouissance de la propriété. Ce n’est pas dans la
résolution que nous étudions. Et pourquoi, Monsieur l’Orateur?
Cela signifie-t-il que nous pouvons nous attendre à une
vaste expropriation des terres? C’est possible. Nous savons
quels ont été certains des cheminements philosophiques du
Premier ministre dans sa jeunesse. La véritable orientation du
Premier ministre ressort-elle de ces propositions? Ce sont des
questions très graves, Monsieur l’Orateur.
Une voix: Et il n’y a pas de réponse..
M. Mazankowski: Je suis sûr que la plupart des Canadiens
ne se rendent pas compte que le droit à la propriété privé est
omis dans ce qu’on appelle l’enchâssement des droits humains.
* (2230)
Et le droit à la vie? Il me semble que c’est un droit
fondamental dans toute charte des droits humains. Le droit à
la vie devrait être le droit premier et fondamental de tout droit
humain dont découlent tous les autres droits. Sans ce droit, il
n’y en a pas d’autre, car un être humain privé de sa vie est
privé pour toujours de tous ses autres droits. Le premier devoir
de l’Etat doit donc être la protection du droit à la vie, devoir
dont il doit s’acquitter envers tout être humain, avant toute
chose. Et la reconnaissance de ce droit, si le Parlement est
sérieux au sujet de la protection des droits fondamentaux,
devrait prévoir immédiatement des mesures pour mettre fin au
meurtre légalisé d’enfants dans le sein de leur mère, environ
60,000 par année.
J’en viens maintenant à la protection des droits de la langue
de la minorité, l’anglais et le français. Et qu’advient-il des
Canadiens qui ne connaissent ni l’anglais ni le français?
Auront-ils des droits spéciaux en vertu de cette proposition?
Le ministre de la Justice (M. Chrétien) dit que le Canada est
un pays de minorités. Il nous a dit que la proposition protégerait
et garantirait les droits des minorités. Comment les nouveaux
Canadiens, qui ne connaissent ni l’anglais ni le français,
seront-ils protégés? Quand on regarde la composition de ce
pays et la réalité du Canada, on constate que la population des
six provinces de l’Est se compose de Britanniques et de Français
pour environ 80 p. 100. Dans les Prairies, les Britanniques
et les Français représentent environ 51 p. 100. Pour vous
donner plus de détais, les Britanniques 44 p. 100, Français 7 p.
100, Allemands 15 p. 100 et Ukrainiens 10 p. 100. Je dis donc
que l’Ouest est vraiment un pays de groupes minoritaires.
Voilà la réalité dans l’Ouest canadien, Monsieur l’Orateur. Je
dis donc que la proposition crée deux classes de citoyens.
Quand on commence à diviser les droits humains, une chose
devient évidente. Essayer de codifier ou de définir des libertés,
c’est commencer à limiter ces libertés. Notre droit coutumier
nous a permis de crystalliser nos traditions et nos coutumes.
Dire que les droits fondamentaux ne sont pas déjà reconnus
dans cette réalité, c’est dire des exagérations.
23 octobre 1980 4029
4030 DÊBATS DES COMMUNES 23 octobre 1980
La constitution
Je dirai en terminant que si nous voulons protéger les droits
fondamentaux, nous devons protéger cette institution qu’est le
Parlement, car le Parlement est le gardien des droits humains.
Si nous protégeons cette institution, nous protégerons aussi nos
droits humains, mais ce que nous faisons aujourd’hui, c’est que
nous détruisons le rôle du Parlement.
Des voix: Bravo!
M. John Evans (secrétaire parlementaire du vice-premier
ministre et ministre des Finances): Monsieur l’Orateur, je
veux participer à ce débat où nous sommes invités à examiner
une résolution qui traite du rapatriement de notre constitution
et de l’inclusion d’une charte des droits et des libertés, de
même que de l’enchassement du concept de la péréquation et
d’une formule d’amendement. En ce sens, cette résolution
marque un tournant de l’histoire canadienne. Je crois qu’elle
pose les jalons du progrès pour l’avenir.
Le lundi 6 octobre 1980, le ministre de la Justice (M.
Chrétien), au nom du gouvernement, présentait cette initiative
historique de réforme constitutionnelle, initiative qui permettra
au Canada de franchir le dernier pas sur la route de
l’autodétermination et de l’indépendance. Ce sera la fin des
impasses constitutionnelles dont nous souffrons depuis trop
longtemps.
[Français]
L’honorable ministre de la Justice et du Développement
social (M. Chrétien) a fourni l’occasion à chaque député de
relever un défi de taille. C’est à nous, députés, de relever ce
défi. Nous devrons réunir les meilleures idées d’hier à celles
d’aujourd’hui et nous en servir pour poser la base de notre
avenir. Je crois sincèrement que l’avenir de ce grand pays
dépend réellement du succès de nos efforts actuels. Ces efforts
et ces initiatives vont tracer la voie du renouveau des assises de
notre nation et redonneront à nos institutions une vitalité
nouvelle.
[Traduction]
Depuis que les illustres pères de notre pays ont pris de
graves décisions il y a 113 ans, il n’avait jamais été aussi
évident qu’aujourd’hui qu’il devenait urgent pour le gouvernement
national de passer à l’action dans l’intérêt du Canada et
de tous les Canadiens. Tout le monde aurait préféré que cette
action soit fondée sur un agrément de tous les paliers de
gouvernement, et je crois parler au nom de tous les membres
de cette Chambre en disant cela, mais une pareille entente ne
s’est pas réalisée et il n’est pas raisonnable de penser qu’elle
pourra se réaliser dans un avenir prévisible.
Une voix: C’est possible.
M. Evans: L’alternative, c’est donc une action unilatérale ou
l’inaction. Je soutiens qui l’inaction était devenue vraiment
inacceptable pour les Canadiens.
Voyons un peu quelle est cette action unilatérale qui est
proposée. La résolution à l’étude se compose d’une adresse
conjointe de la Chambre des communes et du Sénat en vue de
rapatrier notre constitution. Pour rédiger cette adresse, un
comité mixte composé de membres des deux Chambres du
Parlement et de tous les partis sera amené à examiner la
résolution. Le comité aura le pouvoir de former des sous-comités,
de siéger selon ses besoins et d’obtenir de l’information de
diverses sources. A la fin des réunions de ce comité, des
recommandations seront présentées à la Chambre et au Sénat
où elles seront débattues.
Le mandat et le calendrier de ce comité sont clairs. Pourtant,
certains prétendent que cette procédure est non seulement
un complot mais une véritable attaque sournoise contre
le système fédéral. A mon avis, ce n’est ni l’un ni l’autre. C’est
plutôt une réaffirmation très claire de notre système de gouvernement
parlementaire. Les résolutions assurent que les
choix constitutionnels qui se posent à notre pays seront faits au
Parlement par des représentants de tous les Canadiens. Ils
seront faits par des parlementaires exerçant leurs responsabilités
à l’égard des Canadiens. Loin d’attaquer le système fédéral,
les moyens d’action que propose le gouvernement font voir
une compréhension du fédéralisme des pères de notre pays. Ils
mettent en lumière une préoccupation pour l’avenir du
Canada, une vision réaliste du gouvernement et la compréhension
des institutions canadiennes.
Comme on l’aura compris en écoutant mon discours, je
rejette l’idée que le Canada soit une communauté de communautés,
ou une association de dix provinces dont les gouvernements
sont non seulement des égaux, mais dans un sens réel,
des supérieurs du gouvernement national. D’après cette idée, le
gouvernement national ne doit rien faire qui soit contraire aux
vues des gouvernements provinciaux et doit tout faire ce qui,
d’après les premiers ministres des provinces, devrait être fait.
Si ce raisonnement était poussé à sa conclusion logique, le
gouvernement national de ce Canada ne serait rien d’autre
qu’un secrétariat central chargé de mettre en oeuvre les propositions
des provinces. Nous ne serions plus une fédération, mais
plutôt un vague regroupement, sans liens réels, d’États plus ou
moins souverains.
Je rejette cette forme de Canada, monsieur l’Orateur,
comme le faisaient, j’en suis sûr, les Pères de la Confédération.
Rien ne pourrait être plus éloigné du concept du Canada qui
avait émergé de Charlottetown en 1864.
[Français]
Monsieur le président, notre système fédéral a été conçu
afin que le gouvernement national voie au bien-être de tous les
Canadiens. Cet objectif est clairement défini dans les dispositions
de notre Constitution, qui donne au gouvernement central
le pouvoir d’agir en vue de maintenir la paix, l’ordre et
d’assurer le bon gouvernement. On peut ajouter que le gouvernement
central a même le pouvoir de désavouer une loi
provinciale. La confédération ne signifie pas une union faible
et sans cohérence, comme le pensent certaines provinces et
certains députés de l’opposition, au contraire, confédération
veut dire plus que la seule somme de ses parties.
* (2240)
[Traduction]
Le but de cette confédération tel qu’il avait été conçu par les
Pères de la Confédération était d’établir une présence nationale
dominante en Amérique du Nord septentrionale, avec la
capacité de résoudre les différends au sein de l’Union. C’est ce
patrimoine que nous avons tous solennellement juré de défendre
et de promouvoir. C’est ce patrimoine que la résolution que
nous étudions consigne. Mais alors que notre système politique
était fondé sur les principes d’accommodement et d’amendement,
ces principes se sont estompés avec le temps, dans une
grande mesure par suite des décisions prises par le Conseil
privé à Londres avant que ne soit créée la Cour Suprême du
4030 DÉBA TS DES COMMUNES 23 octobre 1980
DÉBATS DES COMMUNES
Canada, décisions qui ont considérablement modifié la confédération
que nous avions fondée.
Je suis profondément convaincu que nous devons trouver
autre chose que l’unanimité comme modalité de décision pour
résoudre les conflits nationaux essentiels; nous devons rétablir
le principe fondamental qui sous-tendait notre confédération;
nous devons prendre des mesures pour arrêter la dérive vers le
régionalisme et l’alinéation, qui menacent l’intérêt national. Je
suis profondément convaincu que si nous ne le faisons pas, si
nous optons pour l’inaction au nom d’une harmonie immédiate,
nous verrons le Canada se désagréger.
Jamais, depuis 1867, les Canadiens n’ont eu à faire un choix
aussi évident: agir tout de suite pour instituer des moyens
efficaces de moderniser et de conserver un système viable, ou
regarder le système se désagréger sous le poids de son inflexibilité
actuelle.
Le chef de l’opposition (M. Clark) a postulé que nous
risquons de détruire le pays en appuyant la résolution présentée
par le Ministre de la Justice (M. Chrétien). C’est vrai, des
mesures unilatérales peuvent s’avérer «divisives». C’est vrai
aussi qu’il y a danger de désaccord.
Cependant, si c’est le cas, comment le chef de l’opposition
a-t-il pu, puisqu’il est supposément de cet avis et je suis
convaincu qu’il l’est, comment a-t-il donc pu, dis-je, mettre
aux voix la motion portant le rapatriement unilatéral de la
Constitution et, qui plus est, une formule d’amendement sans
aucune discussion entre le gouvernement fédéral et les
provinces?
Sur quoi le chef de l’opposition s’appuie-t-il lorsqu’il parle
du danger qui est à l’origine de ses craintes? Est-ce l’action
unilatérale? Est-ce l’imposition d’une formule d’amendement?
Il ne peut s’agir ni de l’une ni de l’autre, puisque sa motion
mettait aux voix et l’action unilatérale et la formule
d’amendement.
La résolution dont la Chambre a été saisie propose une
formule d’amendement qui exige l’unanimité pendant deux
ans, période au cours de laquelle des discussions peuvent avoir
lieu entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux.
Nous pourrions alors trouver une formule d’amendement
acceptable pour tous. Au bout de cette période de deux
ans, on appliquera la formule de Victoria. Si les provinces n’en
veulent pas, elles peuvent en proposer une autre. On pourra
demander au peuple canadien laquelle de ces solutions il
préfère.
C’est une approche beaucoup plus raisonnable et conciliante
que de dire (parce que les honorables députés de l’Opposition
le croient) que le consensus de Vancouver est ce que toutes les
provinces souhaitent, c’est pourquoi nous le leur imposerons.
Cela ne me semble pas très raisonnable. C’est la raison pour
laquelle je dis que ce n’est pas la formule d’amendement qui
est à l’origine du grand danger de dissension.
J’ai parcouru les discours du chef de l’opposition, son discours
d’ouverture et les discours qu’il a faits invoquant des
questions de privilège, etc. Et je me demande: ne serait-ce pas
la péréquation qui est à la base du danger? J’ai remarqué
La constitution
cependant que le Chef de l’Opposition disait dans sa déclaration
que la péréquation est, en fait, souhaitable. Comment se
fait-il alors qu’il ne l’a pas comprise dans sa motion d’hier? Je
crois que le Chef de l’opposition croit sincèrement que la
péréquation doit figurer dans la Constitution.
C’est pourquoi, si j’en crois ses déclarations, ce n’est pas la
péréquation qui constitue le danger qui déchirera ce pays. Si ce
n’est ni l’action unilatérale, ni la formule d’amendement, ni la
péréquation, ce ne peut être qu’une chose: la charte des droits.
J’aurais voulu entendre plus de discussions sur la charte des
droits, si c’est elle qui est à l’origine de nos difficultés. Si c’est
le cas, pourquoi avons-nous discuté si peu, au cours des deux
semaines et demi qui viennent de s’écouler, de la charte des
droits elle-même et des problèmes qu’elle suscite.
L’honorable député de Végréville (M. Mazankowski) a bien
émis, ce soir, quelques idées intéressantes. Il a fait quelques
observations judicieuses. Les honorables députés de l’Opposition
m’ont vu écouter attentivement ce qu’ils avaient à dire.
Cependant, je n’ai pas entendu grand chose sur la charte des
droits, qui serait donc à la base du désaccord. C’est donc
l’imposition universelle d’une charte des droits qui est le grand
danger et finira par déchirer le pays.
Je me heurte à quelques autres difficultés. Ce soir, l’honorable
député de Végréville a indiqué qu’il sait que le peuple
indien est contre le rapatriement unilatéral sans garantie de ses
droits. Comment l’honorable député de Végréville a-t-il pu,
dans ce cas, appuyer la motion proposée par le Chef de
l’Opposition, portant rapatriement unilatéral de la Constitution
sans enchâssement de ces droits?
Des voix: Bien dit! Bravo!
M. McDermid: Nous les y mettrons lorsqu’elle sera ici.
M. Evans: L’honorable député dit que nous y incluerons ces
droits lorsqu’ils nous seront rendus. L’honorable député de
Végréville avait bien dit que les leaders indiens ne voulaient
pas de rapatriement sans l’enchâssement de leurs droits dans la
Constitution avant le retour de celle-ci. Mais bien qu’il le sût
et qu’il supportât ce point de vue, il appuya hier soir la motion
du Chef de l’opposition.
Nous sommes d’avis que la résolution dont la Chambre a été
saisie est une mesure qui suppose bien moins de risques que les
solutions proposées par l’Opposition, à savoir l’inaction ou des
mesures qui, en fin de compte, auraient encouragé les séparations
régionales. Le gouvernement propose une mesure unilatérale,
mais ce n’est pas une mesure «divisive» puisqu’elle ne
touche pas à la répartition des pouvoirs entre le gouvernement
fédéral et les gouvernements provinciaux. Elle fournit, enfin,
un moyen évident de résoudre nos différends futurs et de
clarifier nos différends passés, dont nous nous accommodons
depuis bien longtemps. Ainsi, la proposition du gouvernement
réduit les risques à long terme de conflits et de paralysie
politique.
23 octobre 1980 4031
DÉBATS DES COMMUNES 23 octobre 1980
La constitution
Il est évident que bâtir une nation n’est ni simple ni facile.
Mais il ne servirait à rien de céder, sur tous les fronts, aux
exigences régionales pour sauvegarder l’harmonie. Bâtir une
nation ne va pas sans épreuves ni défis. Il faut affronter les
premières et relever les seconds. Ni l’inaction, ni l’indécision,
ni la capitulation ne peuvent être indéfiniment tolérées. Le
temps arrivera à bout de ceux qui refusent de voir la réalité en
face.
• (2250)
Si les Pères de la Confédération avaient pratiqué l’attentisme
ou favorisé la négociation perpétuelle, je suis convaincu
qu’ils n’auraient pas aujourd’hui le privilège de la citoyenneté
canadienne. S’ils avaient voulu bâtir des provinces plutôt
qu’une nation, le Canada n’existerait tout simplement pas.
Je me permets de dire au chef de l’opposition que nous
n’avons pas d’autre choix que de renouveler la constitution tout
de suite et que l’impasse à laquelle nous accule clairement la
règle de l’unanimité contraint le gouvernement à agir unilatéralement
et de manière décisive.
Comme le premier ministre (M. Trudeau) l’a déclaré:
Notre tour est maintenant venu de mériter notre héritage. Nous avons un
devoir évident: celui de terminer les fondations sur lesquelles reposent notre
indépendance et nos libertés.
En fin de compte, si le gouvernement national, le gouvernement
qui représente tous les Canadiens n’a pas pour rôle de
passer à l’action pour répondre à un besoin évident, je
demande aux honorables députés de l’Opposition et à ceux de
ce côté-ci de la Chambre: quel rôle peut avoir le gouvernement
de la nation? Je le répète: le gouvernement national a pour rôle
d’agir fermement dans l’intérêt de la nation non seulement tel
que nous le concevons, mais aussi tel que l’ont compris nos
pères fondateurs.
Beaucoup de choses ont changé depuis 1867 et le partage
des compétences a évolué considérablement depuis la première
définition qu’on en a donné. Mais il est important dans ce
débat de bien comprendre que ceux qui ont eu la première idée
du partage des compétences entre les ordres de gouvernement
au Canada ont été conscients du danger bien réel de paralysie
politique que ce partage implique. Ne pas reconnaître la
réalité actuelle de cette paralysie, c’est renier la sagesse de nos
pères fondateurs.
Le gouvernement fédéral a la responsabilité et le devoir
d’agir dans l’intérêt national. La résolution qui a été présentée
à cette Chambre est à la hauteur de cette responsabilité et de
ce devoir. Il nous importe à tous d’adhérer aux principes
qu’elle contient. Je crois sincèrement que cette résolution ne
risque pas de nous faire perdre le Canada. Le risque se trouve
plutôt dans le maintien du statu quo.
Des voix: Bravo!
M. Gordon Taylor (Bow River): Madame le Président,
jamais de ma vie je n’ai vu autant d’hypocrisie que vient d’en
montrer l’autre côté de la Chambre. Les honorables députés de
l’opposition ont discouru sur la loyauté qui s’impose envers le
Canada, mais aucun d’eux, pas même le premier ministre (M.
Trudeau), ne s’est levé aujourd’hui quand on a entonné «O
Canada». Quand deux députés libéraux se sont levés, on leur a
fait signe de se rasseoir. Autrement dit, le parti d’en face est
devenu une bande de créatures de Trudeau. Tout ce que dit
Trudeau, c’est ça qu’ils font. Les Canadiens ne s’y laissent pas
tromper.
Autre exemple d’hypocrisie qui a de quoi dégoûter les
Canadiens: les honorables députés de l’opposition se lève maintenant
et font l’éloge de feu le très honorable John Diefenbaker.
De son vivant, ils l’insultaient et faisaient tout pour le
blesser. Ils l’ont persécuté. Ils ont contrecarré ses efforts.
Maintenant qu’il est disparu, ils font son éloge. Une telle
hypocrisie est à vous rendre malade.
Les honorables députés de l’opposition discourent sur la
fidélité aux grands principes. L’autre jour, quand mon honorable
ami, l’honorable député de Calgary-Est (M. Krushner), a
présenté une résolution pour obtenir notre appui envers Terry
Fox et ceux qui sont atteints et se meurent du cancer, les
libéraux ont répondu non. Ils ont rejeté la résolution. Je dis
que c’est une honte. Ce jour-là ils ont commis une faute.
L’honorable député leur a donné une autre chance. Il a
présenté la même résolution une seconde fois pour aider Terry
Fox à aider ceux qui se meurent du cancer, mais les libéraux
ont encore dit non. Quels grands principes? Quelle espèce de
machin est donc ce gouvernement qui ne veut même pas aider
les cancéreux du pays?
En plus de l’hypocrisie, je n’ai jamais rien vu qui ressemble
plus à une dictature que ce que nous voyons de l’autre côté de
la Chambre. J’ai joint l’Aviation canadienne pour combattre le
totalitarisme. Pendant trois ans, j’ai fait ce qu’on m’a dit de
faire. Je n’ai jamais pensé que j’aurais à rentrer au pays pour
combattre le totalitarisme à la Chambre des communes. C’est
pourtant ce que nous sommes en train de faire. Nous entendons
bien des inventions et des demi-vérités. Nous voyons que
le gouvernement tente de tromper le peuple. Il n’est pas
étonnant que les honorables députés de l’opposition réclament
la clôture. Les gens s’ouvrent les yeux et si on leur donnait une
semaine de plus, ce serait presque la révolution au pays. C’est
peut-être déjà le cas, parce que les gens entendent des demivérités
de la part du gouvernement, depuis le premier ministre
jusqu’au simple député.
Pendant la campagne électorale, le premier ministre et M.
Stuart Smith, chef du Parti libéral de l’Ontario, sont allés de
ville en ville faire croire aux Ontariens que le pétrole et le gaz
naturel de l’Alberta appartenaient à tous les Canadiens. Ils ont
oublié de dire, cependant, que l’or de l’Ontario n’appartient
qu’aux habitants de l’Ontario. Ils ont oublié de dire que les
ressources hydro-électriques du Québec n’appartiennent
qu’aux Québécois et que le bois de la Colombie-Britannique
n’appartient qu’aux habitants de la Colombie-Britannique. Ils
se sont discrédités eux-mêmes en affirmant quelque chose qui
est en contradiction totale avec l’Acte de l’Amérique du Nord
britannique. Ils ont déclaré que les ressources naturelles de
l’Alberta, le pétrole et le gaz, appartiennent à tous les Canadiens.
Pour se faire élire, il leur a fallu recourir au mensonge.
Et voilà que les honorables députés d’en face nous parlent
d’honnêteté et de sincérité. Comment s’étonner que les Canadiens
ne croient plus un mot de ce que leur dit le Premier
ministre. Comment s’étonner qu’ils aient perdu confiance en
lui.
DEBATS DES COMMUNES 23 octobre 1980
23 octobre 1980lDBTSDSCMMNS4
Des voix: Bravo!
M. Taylor: En parlant de demi-vérités, le premier ministre
informe la presse que ce qu’il propose tient compte de ce que
les Québécois demandaient lorsqu’ils ont voté contre la souveraineté
nationale. Il n’y a rien de moins vrai. Même Claude
Ryan, chef du parti libéral du Québec, ne serait pas d’accord.
Il va même prendre sur lui de poursuivre le gouvernement
devant les tribunaux si le gouvernement québécois ne le fait
pas. Les honorables députés d’en face demandent que les
Canadiens leur fassent confiance. Nous ne pouvons croire à
rien de ce que dit le Premier ministre du Canada.
Des voix: Bravo!
M. Taylor: Il y a des honorables députés d’en face, comme
l’honorable député du Manitoba, qui ont tenté aujourd’hui
d’induire la Chambre en erreur en affirmant que les Canadiens
de l’Ouest ne prennent pas ces questions au sérieux. Je me
demande alors pourquoi 600 personnes ont assisté à la réunion
séparatiste qui s’est tenue à Red Deer hier soir. Je me
demande pourquoi les habitants du Manitoba, de la Saskatchewan
et de la Colombie-Britannique sont en train de mettre sur
pied des mouvements séparatistes.
Permettez-moi de vous citer l’exemple de M. Bob Giles. Il
était l’éditeur et le directeur du Watchman, journal d’Argenteuil,
dans la circonscription d’Argenteuil-Deux-Montagnes. Il
était directeur et éditeur d’une entreprise familiale fondée il y
a plus de 75 ans. Jusqu’à ce que M. Giles quitte la province de
Québec, lui et son journal ont appuyé le secrétaire d’État et
ministre des Communications (M. Fox) après qu’il eut obtenu
pour la première fois l’investiture du Parti libéral dans Argenteuil-
Deux-Montagnes. Il écrivait des éditoriaux contre la
séparation. Il est allé en Alberta en 1977 et est devenu éditeur
et directeur du Standard de Strathmore, dans la circonscription
d’Alberta-Bow River. Depuis ce temps, il a étudié l’aliénation
qu’il voyait autour de lui et les raisons pour lesquelles
l’Ouest est désenchanté du gouvernement libéral. Il a enfin
compris ce dont il s’agissait. Il est devenu désenchanté du
Premier ministre et du gouvernement libéral. Il est même allé,
l’autre jour, jusqu’à s’acheter une casquette pour indiquer qu’il
n’appuyait plus le gouvernement libéral. Il veut que la justice
règne dans ce pays. C’est pourquoi il porte une casquette
semblable à celle que j’ai dans la main. Cette casquette porte
la mention suivante: «Western Republic of Canada». Il ne se
sépare pas du Canada. Nous ne laisserions pas le Premier
ministre nous chasser de notre pays, mais Bob Giles porte tout
de même sa casquette. Je ne la porte pas encore, mais si ce
totalitarisme dont nous sommes actuellement victimes doit
s’accentuer, je serai le prochain à la porter.
Les Canadiens de l’Ouest ne veulent pas et ne demandent
même pas un traitement de faveur. La colère qui gronde en
eux depuis longtemps a été exacerbée lorsque le Premier
ministre et le ministre de l’Énergie, des Mines et des Ressources
(M. Lalonde) ont refusé d’accorder à l’Alberta un prix
raisonnable pour le pétrole et le gaz naturel et lorsque le
Premier ministre et M. Stuart Smith ont essayé d’illusionner
les Canadiens de l’Ontario en leur disant que le gaz et le
pétrole de l’Alberta appartiennent à tous les Canadiens, ce qui
est complètement faux et en contradiction avec l’Acte de
l’Amérique du Nord britannique.
La constitution
* (2300)
Le premier ministre (M. Trudeau) a promis au peuple de
l’ouest du Canada-j’étais là et je l’ai entendu à la conférence
sur les ressources de l’Ouest-qu’il corrigerait l’inégalité en
matière de tarifs de fret. Les tarifs de fret sont à leur sommet
dans ce pays. Nous payons les tarifs les plus élevés vers l’Ouest
et nous payons les tarifs les plus élevés vers l’Est. Le Premier
ministre s’est engagé vis-à-vis des gens de l’ouest du Canada
quand il a dit qu’il n’y avait pas de raison qu’un quart de la
population ne soit pas traité justement. Il leur a promis des
tarifs de transport justes mais il n’a rien fait pour cela. En
traînassant et en laissant le transport du grain dans le
marasme où il était en 1979, il est en train de ruiner les
agriculteurs. Il a détruit notre industrie pétrolière en établissant
un prix d’exportation pour le pétrole il y a quelques
années. Il a ramené l’industrie quatre ans en arrière. On ne
s’étonnera donc pas que nous payons toujours des millions de
dollars pour le pétrole importé. La plupart de cela est l’oeuvre
même du Premier ministre actuel.
Des voix: Bravo!
M. Taylor: Bob Giles, qui a été dans le temps un libéral
convaincu, a pris maintenant une autre position. Il veut la
justice dans ce pays. La seule façon que nous puissions l’avoir
pense-t-il, est d’établir un Ouest canadien républicain. Il m’a
demandé de donner cette information au Secrétaire d’État et
ministre des Communications (M. Fox) avec ses compliments
dans l’espoir que le ministre la présenterait à la prochaine
réunion du Cabinet, pour montrer au Premier ministre ce qui
se passe au Canada. Il est en train de détruire le Canada, il est
en train de diviser le pays.
Monsieur l’Orateur, je ne me contenterai pas de me lever et
de dire «Oui, oui» comme les députés libéraux le font, parce
que je vois que le pays est en train d’être détruit.
Une voix: C’est la vérité!
Des voix: Bravo!
M. Taylor: En 1968, le premier ministre a promis au peuple
une société juste et il leur a imposé la Loi sur les mesures de
guerre. En 1972, il lui a promis une société nouvelle et leur a
donné un record d’inflation et de chômage. En 1974, il a
promis qu’il n’y aurait aucun contrôle des salaires et des prix.
Il s’est, à cette occasion, moqué du chef de l’Opposition, M.
Stanfield, puis il a imposé le contrôle des prix et des salaires
mais pas de la façon que cela aurait été fait si M. Stanfield
avait été élu. En 1980, il a promis qu’il n’y aurait aucune
hausse du prix de l’essence, mais le prix a été augmenté. Nous
le savons tous grand nous allons à une station-service.
Qu’en est-il de nos ressources naturelles? Nous demandons
tous d’être traités avec justice. Nous avons connu les années de
la crise. J’ai connu la faim et j’ai vu ma mère en souffrir tout
au long de ces années. J’ai décidé alors, grandissant au milieu
des champs de blé et de toute cette abondance, qu’il n’y avait
aucune raison pour que des hommes et des femmes, des
garçons et des filles soient affamés alors qu’il existait une telle
abondance. J’ai décidé que je ferai tout ce que je pourrai pour
m’assurer qu’aucun autre Canadien n’ait à en souffrir. Nous
avons trouvé du pétrole, et ce n’est pas avec l’aide des gens de
l’est du Canada mais avec l’aide des Américains. Maintenant,
les choses vont un peu mieux. Comme nous sommes plus à
l’aise, le ministre de l’Énergie, des Mines et des Ressources
80091-34
DÉBATS DES COMMUNES 4033
23 octobre
1980
4034 DÉBATS DES C- O-~M ~-M ~U~- N~-E S-~ – – – –
La constitution
(M. Lalonde) et le Premier ministre se moquent de nous. Ils
sont furieux parce que nous prenons les mesures nécessaires
pour ne plus jamais avoir de temps difficiles. Ils veulent
détruire notre industrie.
Des voix: Bravo!
M. Taylor: Ils disent que nous ne partageons pas. Nous
avons partagé équitablement avec toutes les autres provinces.
De plus, nous avons partagé $17 milliards en vendant aux
Canadiens notre pétrole et notre gaz à un prix plus bas que le
prix mondial. Je me demande si ceux qui ont l’or en Ontario le
feraient, ou ceux qui ont de l’électricité ou du bois le feraient.
Nous avons payé le plein prix pour notre équipement. Nous
avons payé des prix exhorbitants chaque fois. Vous voulez que
nous continuions à donner sans répit. Il n’est pas étonnant que
des centaines de personnes se fatiguent de cela. Nous voulons
vous dire que si vous continuez ainsi vous allez détruire le
Canada et il n’y aura plus de Canada à gouverner. Vous avez
peut-être intérêt à y penser davantage.
Des voix: Bravo!
M. Taylor: Tout ce que nous recevons, ce sont mensonges et
hypocrisie. Nous avons d’un côté le Premier ministre et le Chef
du NPD qui disent au peuple qu’ils leurs donnent quelque
chose. Mais regardez un peu l’Acte de l’Amérique du Nord
britannique. On y dit que toute les terres, les mines, les
minéraux et les redevances appartiennent aux provinces. Elles
en sont déjà propriétaires. Regardons ensuite la lettre que le
Premier ministre a envoyée au Chef du NPD, lettre qui n’aura
pas manqué de réchauffer le coeur de ce chef de parti qui s’est
mis sous l’aile du Premier ministre. Que dit cette lettre:
… confirme la compétence des provinces en matière de prospection, développement,
conservation et gestion des ressources naturelles non renouvelables …
Il n’y a rien au sujet de la propriété ici. C’est moins encore
que ce que nous avons avec l’Acte de l’Amérique du Nord
britannique.
Des voix: Bravo!
M. Taylor: Qu’essaient-ils de faire? Pensent-ils que le
peuple canadien est ignorant? Ce n’est pas le cas. Il y a autre
chose dans cette lettre qui a réjoui le chef du parti Néo-démocrate.
Je fais allusion au mot «sujet à la suprématie fédérale».
Ils veulent toujours avoir la main mise là-dessus pour faire ce
qu’ils veulent, même dans cette lettre. Il n’est pas étonnant
alors que M. Blakeney n’accepte pas ce genre de chose.
Des voix: Bravo!
M. Taylor: Le peuple du Canada ne l’acceptera pas non
plus. J’aimerais dire autre chose. Ils ne disent même pas ce
qu’ils veulent gérer. S’agit-il de la gestion de prix ou s’agit-il
de la gestion du forage? M. Trudeau ne dit rien là-dessus.
Des voix: Règlement.
M. Taylor: Sa réponse aujourd’hui nous a montré le concept
totalitarien de notre premier ministre. Le chef du NPD a
demandé au premier ministre s’il nationaliserait l’industrie
pétrolière et M. Trudeau a répondu «Non, pas pour le
moment.»
M. l’Orateur adjoint: A l’ordre, s’il vous plaît. J’aimerais
attirer l’attention du député sur le fait qu’il n’est pas d’usage
dans cette Chambre de se référer aux députés par leur nom.
On doit indiquer leur circonscription ou leur ministère.
M. Taylor: Oui, monsieur l’Orateur. Le Chef du parti
néo-démocrate et le Chef du parti libéral sont du même acabit.
Quelle a été la réponse du premier ministre? Il a dit «pas pour
le moment». Je déclare au peuple canadien: méfiez-vous parce
qu’il ne déclarera jamais qu’il ne nationalisera pas; ce qu’il dit
est «pas pour le moment». Dans le livre qu’il a écrit il y a
quelques temps et qui s’intitule «Fédéralisme, nationalisme et
raison-par Pierre E. Trudeau» et là je dois dire son nom
parce que c’est ce qu’il y a sur le livre …
Des voix: Oh, oh!
M. Taylor: Il a déclaré:
Ainsi, quand une minorité étroitement unie à l’intérieur d’un état commence à
s’imposer avec résolution comme une nation, elle déclenche un mécanisme qui
tend à la propulser vers le statut d’état indépendant.
Il essaye là de prévoir ce jour. Il a parlé aux étudiants de
Montréal au sujet d’une république francophone. Il a dit qu’il
vaudrait mieux avoir une république francophone. S’il veut une
république francophone, pourquoi ne le déclare-t-il pas tout de
suite? Je n’ai rien contre une république francophone, mais
pourquoi est-il en train de louvoyer et d’essayer de l’amener
dans la constitution qui doit être acceptée par le gouvernement
britannique?
Nous avons entendu quelques autres choses l’autre jour au
sujet de l’absence de toute autre solution. C’est un non-sens.
Les personnages les plus importants de cette province sont
prêts et décidés à intervenir. Nous pourrions avoir un accord,
comme le sénateur Manning l’a dit dans son discours au Sénat
l’autre jour. Si l’ensemble des propositions ne contenait pas
toutes les théories personnelles du Premier ministre, il pourrait
y avoir un accord. Il a fait cela délibérément de façon à ce
qu’il n’y ait pas d’accord. Il ne trompe personne. Il ne veut pas
d’accord, il veut être un héros. Mais personne ne pensait qu’il
essaierait de les faire passer subrepticement à l’Angleterre
pour les faire accepter par le Parlement britannique. Bien sûr,
il est très gêné quand il doit faire accepter un amendement
là-bas. L’autre jour, le ministre de la Justice (M. Chrétien)
s’est senti très mal à l’aise et avait presque les larmes aux yeux
parce qu’ils devaient aller demander un amendement au Parlement
britannique. Mais qu’y a-t-il de gênant à ce qu’il
demande maintenant tout un ensemble d’amendements? Le
ministre de la Justice (M. Chrétien) et le premier ministre (M.
Trudeau) ont tous deux déclaré qu’il n’y avait pas de changement
dans les pouvoirs. J’aimerais dire qu’il y en a un. Ils se
sont aventurés dans le domaine de compétence qui appartient
aux provinces. C’est exactement ce qu’ils font. D’après l’Acte
de l’Amérique du Nord britannique, l’éducation appartient
aux provinces et le gouvernement empiète délibérément dans
ce domaine. L’éducation est de la compétence des provinces.
Les règlements indiquent que les parents ont le droit d’envoyer
leurs enfants à l’école de leur choix, anglaise ou française.
4034 23 t b 1980ÛQ(
23 octobre 1980 DÉBATS DES COMMUNES 4035
* (2310)
J’ai adressé un questionnaire aux familles de ma circonscription.
Une des questions posée était: Etes-vous en faveur de
garantir dans la constitution le droit pour une minorité de
langue française ou anglaise d’avoir ses enfants éduqués dans
la langue de la minorité? Soixante-quatre pour cent des réponses
indiquaient qu’ils n’étaient pas en faveur d’insérer cela
dans la constitution. La deuxième question était: Estimez-vous
qu’il est suffisant de laisser cette décision aux provinces si le
besoin existe? Soixante-dix pour cent ont répondu «Oui nous
sommes prêts à faire confiance à chaque province». Il serait
donc néfaste de mettre cela dans la constitution. Si c’était le
cas, les gens qui croient actuellement que le gouvernement
essaie de leur imposer le français diraient: «Vous voyez, je vous
l’avais dit, ils demandent même maintenant de modifier l’Acte
de l’Amérique du Nord britannique».
J’aimerais dire à la Chambre ce que la province de l’Alberta
fait déjà. Elle offre tous les services en français aux enfants
d’origine francophone, de la première année jusqu’à l’université,
si le nombre le justifie. Le ministère de l’Éducation
provincial, les commissions scolaires publiques, les commissions
scolaires privées et séparées offrent toute leur collaboration.
Ils assurent également l’éducation des Ukrainiens et des
Allemands.
Des voix: Bravo!
M. l’Orateur adjoint: A l’ordre, s’il vous plaît. Je regrette
d’interrompre le député mais le temps qui lui était alloué est
expiré.
M. Maurice Harquail (Restigouche): Monsieur l’Orateur,
je suis heureux de participer ce soir à ce débat important.
Nous avons tous exprimé notre respect pour cette institution.
Quand nous pensons à cette institution, nous reconnaissons
qu’elle comporte un mécanisme d’opposition. Mais quand on
écoute ce qui a été présenté à la Chambre ce soir et toutes les
autres remarques des députés de l’Opposition officielle sur un
sujet aussi important, on peut se poser des questions sur ce
mécanisme d’opposition.
Avec tout le respect que je dois à mon honorable collègue de
Bow River (M. Taylor), le commentaire le plus charitable
qu’on pourrait faire est qu’il a vraiment bien coloré le sujet de
la Constitution. Je dis coloré et non couvert parce qu’il n’a pas
traité ce sujet devant la Chambre.
Des voix: Honte!
Des voix: Bravo!
M. Harquail: Je suis entièrement d’accord avec le député de
Winnipeg-Nord-Centre (M. Knowles) qui a invité les députés
à parler du sujet en cause. Il les a invité à parler de la
constitution mais ce n’est pas ce que nous avons entendu ici:
nous avons entendu des insinuations, des horions, et une présentation
erronée des faits. C’est ce dont nous avons été
témoins à la Chambre des communes. Il existe un nom pour ce
type de démagogie. C’est honteux, voilà ce que c’est.
Nous pourrions répondre de la même façon. Si nous voulions
que cette institution fonctionne ainsi, si nous ne voulions pas
La constitution
discuter de lois ou du point qui nous est soumis, si nous
voulions tromper les Canadiens, nous pourrions le faire facilement
en particulier avec la télévision. Les députés d’en face
n’ont pas expliqué qu’il ne s’agit pas ici d’une loi mais d’une
simple motion que nous transmettrons au comité et qui reviendra
ensuite.
Des voix: Ce n’est pas une motion.
M. Harquail: C’est une proposition. Nous faisons des
motions pour la proposition.
M. Epp: Ce n’est pas une proposition.
M. Harquail: On ne dit pas aux Canadiens …
Une voix: Vous ne savez pas ce que c’est.
M. Harquail: Ils ne disent pas aux Canadiens par l’intermédiaire
des média qu’il y aura un débat permanent sur la liberté
d’expression dans cette Chambre ce qui est exactement l’objet
de cette constitution.
M. Clark: Quand? Combien?
M. Harquail: J’ai le privilège de faire cela ce soir. Je peux
m’exprimer seul sans être interrompu. C’est cela la Chambre
des Communes.
Des voix: Bravo!
M. Harquail: Le droit d’être entendu est un des principes
fondamentaux de cette Chambre. Les membres d’en face
doivent en tenir compte.
M. Clark: Monsieur l’Orateur, il s’agit là d’une question
d’ordre.
Des voix: Assis!
M. Clark: Je me demande si le député qui parle pourrait
répondre à deux questions?
Des voix: Oh, oh!
M. Clark: Comment le droit de parole est-il protégé par
l’imposition de la clôture?
M. Lalonde: Il ne s’agit pas ici d’une question d’ordre.
M. Clark: Combien de jours de débat seront garantis dans la
Chambre des communes après le rapport provenant du
comité?
M. Harquail: Les Canadiens ont donné au monsieur qui
vient de parler un droit important quand ils lui ont donné le
titre de «Très honorable». Il devrait certainement penser avant
de parler et respecter ce droit.
M. Clark: Répondez à la question!
M. Harquail: Je vous répondrai de la façon qui convient.
Quand la période qui m’est allouée pour parler sera terminée,
je serai heureux de …
M. l’Orateur adjoint: Je rappelle au député qu’il doit adresser
sa remarque à la présidence.
M. Clark: S’il vous plaît.
23 octobre 1980 DÉB3ATS DES COMMUNES 4035
4036 DÉBATS DES COMMUNES 23 octobre 1980
La constitution
M. Harquail: Je suis désolé, monsieur l’Orateur. Cette
institution est faite pour la discussion. Si je devais discuter
avec le très honorable monsieur d’en face je suggérerais qu’il
parle au député de York-Nord (M. Gamble) qui a quelques
suggestions à propos de ce qu’il a fait dernièrement, si je me
rappelle bien.
Des voix: Bravo!
M. Harquail: C’est ce qui inquiète le très honorable monsieur.
C’est ce qui le préoccupe, en particulier le genre de
conseil qu’il a reçu ce soir. C’est pourquoi il est inquiet. C’est
pourquoi il insiste sur les détails. Il a été des deux côtés. Je ne
vois pas quelle autre position il pourrait prendre à cet égard. Il
a été de tous les bords. C’est ce qu’il a fait. Il ne dit pas que
nous sommes revenus ici plus tôt, que nous nous sommes réunis
plus tôt que prévu. Il ne le mentionne pas.
Une voix: Un débat de 24 heures.
M. Harquail: Ils y tiennent à ces 24 heures! Est-ce qu’ils
pensent qu’ils peuvent tromper les Canadiens?
Une voix: Pas aussi bien que vous.
M. Harquail: Pensent-ils qu’ils peuvent tromper les Canadiens
comme le leader de l’opposition officielle a essayé de le
faire cet après-midi. Le député de Winnipeg-Nord-Centre (M.
Knowles) a essayé de déformer ce que M- » l’Oratrice avait dit
à cette honorable assemblée et a essayé de détruire le respect
que nous avons pour la présidence. Est-ce que c’est ce que l’on
doit faire à tout prix? Est-ce la position prise par l’opposition?
M. Clark: C’est notre règle.
M. Harquail: En ce qui concerne la constitution …
Une voix: Vous n’avez aucun respect.
M. Harquail: Nous croyons tous en une bonne base. D’ordinaire,
on commence par la fondation. J’aurais pensé que les
premiers ministres, les Canadiens et les députés ici voudraient
collaborer pour ramener la Constitution dans notre pays. Nous
avons un drapeau canadien et nous avons un hymne national,
O Canada. Pendant les 53 dernières années de conférences
fédérale-provinciale, nous avons été témoins de tactiques retardatrices.
D’abord, nous avons obtenu le drapeau, plus récemment
nous avons eu O Canada, et maintenant nous en sommes
à discuter de la constitution. Je pense que cela explique la
situation parfaitement bien pour les Canadiens. Dans ce mécanisme
d’opposition, ils estiment qu’ils doivent disputer chaque
point: le drapeau, O Canada, le Canada lui-même et la
constitution . . . juste pour avoir le plaisir de dire qu’ils ont
représenté une bonne opposition. Surtout quand cela est aussi
évident, ne comprennent-ils pas et ne savent-ils pas ce que les
Canadiens veulent?
0 (2320)
M. Kilgour: Monsieur l’Orateur, j’invoque le Règlement.
Les députés de ce côté-ci de la Chambre conviendraient de ne
plus rien dire au cours du discours de l’honorable député, s’il
convient de dire enfin quelque chose à la Chambre.
Des voix: Oh, oh!
M. Harquail: Monsieur l’Orateur, c’est là une intervention
typique. On gaspille le temps de la Chambre et cela n’est pas
juste. Il fut un temps où monsieur le député était, si j’ai bonne
mémoire, le secrétaire parlementaire du Président de la Chambre,
et j’aurais cru que pendant la courte période où il a occupé
ces fonctions, il aurait appris quelque chose. On n’invoque pas
le Règlement sur des questions frivoles, en empiétant sur le
temps d’un autre orateur pour ce faire. Je lui demande respectueusement
de s’en abstenir.
De quoi sommes-nous témoins ici? Un article du Code
criminel traite de l’incitation. Pour moi, certains des commentaires
que nous avons entendus au cours des derniers jours, et
plus particulièrement encore aujourd’hui, par les précédents
orateurs de l’opposition, frôlent de très près l’incitation, agitant
devant les Canadiens la menace et les dangers que court le
Canada, pour leur faire peur.
Une voix: Il n’y a pas d’incitation lorsqu’il s’agit de la vérité.
M. Harquail: Je voudrais vous citer une lettre récente
envoyée à la rédaction, signée d’un Canadien habitant Jasper,
en Alberta. Je cite:
Je me trouvais à Ottawa pour quelques semaines et j’en ai profité pour écouter
attentivement les discours politiques des différents chefs de partis.
J’habite l’ouest du Canada, et je connais assez bien les opinions de nos
concitoyens ici. Aussi la naïveté maladroite de M. Joe Clark, évoquant la
possibilité d’une séparation du Canada de l’Ouest du reste du pays sur la
question constitutionnelle, me paraît être une hallucination pure et simple.
Cela est la vérité. La lettre continue:
Où irons-nous tous seuls? Nous ne sommes nullement équipés pour nous
défendre en cas de guerre. Désirons-nous être avalés par les Etats-Unis » Nous
savons que les États américains sont bien moins indépendants et ont bien moins
de droits que les provinces du Canada.
Et ceux-ci seront protégés lorsque nous aurons rapatrié la
constitution. Ils seront protégés encore plus. L’auteur de la
lettre poursuit:
Je ne m’étonne pas que les Canadiens se soient vite désenchantés et se soient
débarrassés de Joe Clark rapidement.
J’ai lu la magnifique lettre de M. Arthur Lower, professeur à l’université
Queen, et je suis absolument d’accord avec lui, lorsqu’il déclare que si le premier
ministre réussissait à nous garder unis, et à empêcher les provinces de nous
détruire, nul nom de l’histoire canadienne ne sera plus honoré que le sien.
Et cette lettre est signée J. R. Dietrich, de Jasper (Alberta).
Une voix: Quel journal?
M. Harquail: Je peux dire d’où j’ai reçu cette information.
C’était dans le Citizen.
Nous avons tous beaucoup voyagé dans le pays, et nous
sommes tous très fiers d’être Canadiens. Une partie de mon
travail, au cours des six dernières années, m’a amené dans
l’Ouest. J’ai des parents là, et même des amis. Ce sont de vrais
Canadiens, ils font partie de la majorité, et ne parlent pas de
séparation. Ils parlent de l’avenir de notre pays; ils en parlent
parce qu’ils sont sincèrement soucieux de ne pas détruire ce
pays. Voilà ce que j’appuie. C’est ce que j’aime chez les gens
de l’Ouest: ils ne craignent pas d’affirmer qu’ils sont fiers
d’être Canadiens. En Colombie-Britannique, en Alberta, en
Saskatchewan ou au Manitoba, où que vous soyez, c’est ça le
Canada.
4036 DÉBATS DES COMMUNES 23 octobre 1980
DÉBATS DES COMMUNES
J’aimerais ajouter quelques mots sur les droits à inscrire
dans la Constitution, l’une des plus importantes questions de ce
débat. Je vis dans le nord du Nouveau-Brunswick, aux frontières
de la belle province du Québec, sur les rives de la Restigouche
et je me suis adressé à la Commission scolaire afin que
mes fils puissent apprendre la langue seconde. Et, il y a
environ 15 années, on m’a répondu: Non, mais nous pourrions
vous permettre de les placer dans un cours d’immersion totale,
car nous n’avons besoin que de 16 élèves, et avec votre fils,
nous aurons le nombre requis pour le cours. Je n’avais pas
l’intention d’accepter cette proposition. Je voulais que mes fils
aillent dans un cours uniquement français, afin qu’ils connaissent
vraiment leur seconde langue, la langue française. Je suis
heureux de dire que, par ma persévérance, j’ai fini par obtenir
ce que je voulais, et tous mes fils ont fait leur cours élémentaires,
jusqu’à la septième année, en français. Il ne s’agissait pas
d’un cours d’immersion totale, mais bien d’un cours français.
Et mes trois fils sont magnifiquement bilingues aujourd’hui.
Voilà ce en quoi je crois.
[Français]
Lorsque j’étais jeune je n’ai pas eu l’occasion d’apprendre le
français, la deuxième langue de notre pays, car, nos collèges
étaient de langue anglaise.
Monsieur l’Orateur, depuis longtemps, dans ma vie publique,
j’appuie la position du très honorable premier ministre
(M. Trudeau), je veux dire en ce qui concerne les Acadiens du
Nouveau-Brunswick. Oui, je veux défendre les Acadiens du
Nouveau-Brunswick! Oui je veux défendre le droit fondamental
de la langue française dans la Constitution! C’est là ma
position et à 100 p. 100!
[Traduction]
C’est pourquoi je suis très heureux d’avoir le privilège de me
lever ici aujourd’hui pour déclarer que ce que j’ai offert à mes
concitoyens c’est de travailler non seulement pour les droits
linguistiques, mais aussi pour d’autres droits fondamentauxculture,
éducation-dont nous avons longtemps parlé et qui
sont essentiels à notre avenir. C’est là une question qui est
importante pour la survie de ce pays. Nous n’avons pas à
imaginer une histoire quelconque afin d’aiguillonner les Canadiens
ou de leur faire peur devant l’avenir qui attend ce pays.
J’implore tous les députés qui siègent à cette Chambre de
montrer un certain respect pour cette institution, d’essayer de
comprendre l’opinion des autres députés. Nombreux sont ceux
qui parmi nous ont eu l’occasion de voyager hors du Canada.
Je suis certain que, Monsieur le Président, vous avez conscience
de ce sentiment qui vous étreint, lorsque vous retournez
au Canada, où nous jouissons de la liberté, où nous pouvons
marcher dans la rue sans crainte, sans mettre en danger notre
vie et notre sécurité. C’est là la qualité la plus extraordinaire
de ce pays, une qualité que nous devrions préserver et protéger.
Je ne vais pas retarder la Chambre par une énumération de
tous les pays où elle n’existe pas. Je voulais simplement attirer
l’attention sur ce point, car j’ai eu l’occasion de voyager
ailleurs et que je suis ravi quand je reviens au Canada.
Lorsque vous voyez des gens s’agenouiller pour baiser le sol,
vous comprenez que c’est là le sentiment qui vous étreint
lorsque vous revenez dans ce grand pays. Nous savons pourquoi
nous sommes fiers d’être Canadiens. C’est à cause des
droits que nous avons, et aussi parce que nous sommes prêts à
assumer nos responsabilités et à accepter notre devoir. Nous
La constitution
avons bien l’intention, une fois que la Constitution sera retournée
au pays, d’avoir un débat libre.
Monsieur l’Orateur, la chef de l’opposition (M. Clark) dit
qu’il consent à ce que nous ramenions la constitution; deux
minutes plus tard, il déclare qu’il n’aime pas notre façon
d’aborder la question. Qu’il se décide!
Enfin, je voudrais conclure par une citation de l’Institut de
Recherche sur la Politique publique:
Le problème est qu’au cours des dernières années, les liens traditionnels
économiques entre les provinces canadiennes ont subi une érosion. A mon avis,
cette érosion, si elle se poursuivait, mettrait en cause notre survie à titre de
nation.
Pour réussir à bâtir une nation plus forte et un Canada renouvelé, nous devons
d’abord nous engager, et en prendre la décision consciente, non seulement à
réaménager la constitution mais aussi à tisser des liens économiques solides entre
les régions du Canada. Il nous faut un nouveau jeu de relations économiques et
politiques qui puissent tenir compte des puissances existant au pays, que ce soit
dans les provinces de l’Atlantique, au Québec, en Ontario ou dans l’Ouest, de
façon à ce que nous nous renforcions, en une association réelle qui créé un tout
plus solide et plus uni et un pays plus uni.
En conclusion, j’espère que nous n’abuserons pas des règlements
de cette Chambre, et que nous n’abuserons pas de
l’émission télévisée de ces débats que reçoivent les gens, de
façon à ce qu’ils puissent dire que nous les induisons en erreur.
Il s’agit d’un argument fallacieux sur presque toutes ses coutures
en ce qui concerne la question qui a fait l’objet des débats
depuis que la Chambre a repris ses délibérations après le congé
d’été. J’aimerais qu’on aborde avec intelligence et réalisme les
responsabilités et les travaux que nous sommes appelé; à
assumer ici.
0 (2330)
Sur la question des droits-peu importe que je prenne la
parole sur une question de privilège ou un rappel au Règlement
ou à toute autre occasion–que penser de la question de
la diffusion des débats de la Chambre à la télévision? A cet
égard, l’image de la Chambre a beaucoup changé par rapport
à ce qu’elle était autrefois. Elle revêt maintenant à plusieurs
occasions l’apparence d’un studio de télévision. On s’était
notamment entendu sur le fait qu’il n’existerait pas de révision
ni d’abus de la diffusion aux Canadiens du message qu’ils sont
tout à fait en droit de recevoir. Les députés d’en face voudraient
maintenant étendre le service de télévision à d’autres
secteurs que la Chambre. Toutefois, il serait peut-être préférable
de débattre cette question à une autre occasion. A ma
connaissance, durant la courte période qui s’est écoulée depuis
que je siège ici, nous n’avons pas débattu les avantages ni les
inconvénients de la télévision des débats de la Chambre, ni
avons-nous convenu que nous permettrions aux personnes et
aux média à l’extérieur de la Chambre de tripoter l’exposé de
nos délibérations. A mon avis, le projet initial ne comportait
pas cette éventualité. Nous aurons l’occasion d’en discuter une
autre fois. Cependant, voilà un bel exemple de personnes qui
foulent au pied les droits d’autres personnes et qui les trompent.
Voilà une initiative susceptible de jeter la division dans le
pays, initiative très menaçante, et que je m’efforcerai de
corriger au cours des prochains mois et des prochaines années.
Dans l’intervalle, je voudrais exprimer mon appréciation au
moins à certains des députés qui ont bien voulu me permettre
de m’exprimer dans cette institution libre et démocratique
qu’est la Chambre. J’ose espérer qu’après nos délibérations en
comité avant de revenir en Chambre, tous et chacun des
députés auront eu l’occasion de s’exprimer grâce à ce précieux
23 octobre 1980 4037
DÉBATS DES COMMUNES
La constitution
droit de parole qui s’insère dans les travaux que nous poursuivons
au sujet de la constitution et dans ceux que nous entreprendrons
relativement à la formule d’amendement une fois
que la constitution sera rapatriée.
M. Clark: Monsieur l’Orateur, pour revenir à mon rappel au
Règlement-et je sais que le député ne voudrait pas tromper ni
la Chambre ni le public-je voudrais lui rappeler qu’il s’est
engagé à répondre à mes deux questions à la fin de ses
observations. J’aimerais qu’il nous explique comment la liberté
de parole est garantie par l’imposition de la clôture. En
deuxième lieu, et il s’agit d’une question qui intéresse grandement
tous les membres de la Chambre, il a parlé de la
possibilité que la question serait débattue d’une façon exhaustive
dès qu’elle aura franchi l’étape du comité. Le député nous
dirait-il dès maintenant le nombre de jours et de semaines que
le Gouvernement du Canada est disposé à garantir à ce débat
une fois que la proposition sera revenue du comité? Comme le
député prétend s’intéresser au droit du débat parlementaire, il
devrait s’intéresser au point que j’ai soulevé et je sais qu’il
désirait avoir l’occasion d’y répondre.
M. Harquail: Monsieur l’Orateur, je sais gré au chef de
l’opposition (M. Clark) de me donner l’occasion de reprendre
la parole. Je voudrais expliquer aux Canadiens que la Chambre
est régie par certains règlements. Les articles 75(a), (b) et
(c) du Règlement ont souvent été mal cités d’une façon
fallacieuse. On a dit que l’article 75(c) parlait de clôture, ce
qui n’a jamais été le cas. Il s’agit présentement de la clôture,
ce qui n’était pas le cas les autres fois. En ce qui concerne
l’autre question qui a été posée, j’aurais cru que le député, à
titre de Premier ministre, aurait appris sa leçon en ce qui
concerne le respect du leader de son parti en Chambre. Le
leader de notre parti en Chambre est notre porte-parole et il
renseignera les députés d’en face sur les décisions prises par le
gouvernement, élu pour gouverner, quant à la période et au
moment du débat, et je suppose que le député respectera cette
décision.
M. Clark: Nous aurons donc encore la clôture.
M. Bill McKnight (Kindersley-Lloydminster): Monsieur
l’Orateur, c’est avec un sentiment de joie mêlé de tristesse que
je me lève ce soir en cette Chambre pour parler sur la
constitution et sur l’avenir du Canada. J’éprouve un sentiment
de tristesse car je n’ai que 20 minutes à consacrer à mon
discours. J’entends les députés d’en face affirmer qu’ils n’ont
que faire d’un autre député de l’Ouest. Nous venons d’entendre
le député de Restigouche (M. Harquail) parler de la liberté de
parole en cette Chambre et maintenant certains députés affirment
qu’ils n’ont que faire d’un autre représentant de l’Ouest.
Je puis affirmer aux députés d’en face que nous de l’ouest
canadien avons le sentiment que nous faisons partie du
Canada. Nous sommes fiers de notre pays et nous avons
l’intention d’exprimer nos sentiments aux Canadiens et de leur
dire que nous avons l’intention de continuer à faire partie du
Canada.
On n’accorde que 20 minutes à chaque député pour participer
au débat sur la constitution du Canada. L’avenir de notre
pays, de mes enfants, de mes petits-enfants et de mes arrièrepetits-
enfants sera décidé par des députés qui prendront la
parole pour une courte période de 20 minutes. Jusqu’ici le
débat n’a duré que 24 heures. Certains de mes amis qui
m’entourent n’auront pas l’occasion de prendre la parole ce
soir. Plusieurs se verront refuser ce droit à cause du règlement
du bâillon, à cause de la clôture, à cause de la restriction du
droit de parole qui a été imposé aux membres de la Chambre.
Hier, les députés ont eu l’occasion de discuter et de voter
une motion présentée par mon parti en vertu de laquelle la
constitution du Canada serait rapatriée immédiatement. Elle
aurait pu être rapatriée accompagnée d’une formule d’amendement
sur laquelle se sont entendus les dix premiers ministres
du Canada, pour être ensuite débattue en Chambre jusqu’à
l’adoption d’une constitution canadienne pour les Canadiens.
Nous savons tous ce qui s’est produit. Nos idées sur le Canada
n’ont pas changé. Nous n’avons pas changé d’opinion sur le
rapatriement de la constitution, c’est le gouvernement qui a
rejeté notre proposition.
Non seulement les membres du parti gouvernemental ont
voté contre notre motion, mais leur exemple a été suivi par les
députés du Nouveau parti démocratique. La plus importante
objection que nous avons entendue hier de la part des députés
du gouvernement était que l’adoption de notre proposition
accorderait à certaines provinces le droit de ne pas y adhérer si
le gouvernement fédéral empiétait sur leur compétence. Elles
pourraient décider de se voir englober ou non dans un empiétement
fédéral sur leur compétence. On a affirmé que pareille
démarche était inadmissible.
Non seulement les Canadiens élisent des députés à la Chambre
des communes, mais ils élisent également aux assemblées
législatives des députés qui sont également des Canadiens et
qui représentent leurs commettants et qui ont également le
droit de faire partie du Canada. Lorsque j’ai fait mon entrée à
la Chambre il y a un an, j’éprouvais plusieurs sentiments.
J’éprouvais un très grand respect à l’égard de tous les députés,
notamment de ceux qui y siégeaient depuis longtemps. Certains
pour qui j’ai du respect sont précédés d’une légende. Un
de ces députés est celui de Winnipeg-Nord-Centre (M. Knowles)
qui a une réputation de grand citoyen et de défenseur sans
reproche de la liberté de parole.
Hier, alors que le présent gouvernement nous imposait la
clôture, ce député prétendument honorable que je respectais ne
s’est pas tenu debout au moment opportun. Il est demeuré assis
et a permis le bâillonnement de la Chambre des communes
sans mot dire. Les commettants de la circonscription de Kindersley-
Lloydminster en Saskatchewan que je représente ainsi
que les commettants de toutes les autres circonscriptions représentées
par des députés de mon parti et des députés du
Nouveau parti démocratique croient au Canada et désirent
continuer à en faire partie. J’étais heureux lorsque le premier
ministre a annoncé que la résolution constitutionnelle serait
présentée de nouveau à la Chambre. Le député de Yorkton-
Melville (M. Nystrom) et le député de Prince-Albert (M.
Hovdebo), bien qu’ils ne soient pas membres du même parti
politique que moi et diffèrent d’opinion sur plusieurs points,
ont exprimé les sentiments, les désirs et les préoccupations de
leurs commettants.
Le Daily Herald de Prince Albert du vendredi 3 octobre
rapporte les propos suivants de l’honorable député de Prince-
Albert (M. Hovdebo): «La décision du premier ministre Trudeau
de rapatrier l’Acte de l’Amérique du Nord britannique
est une étude de cynisme.» Il a dit que le premier ministre
essaie de rapatrier la constitution sans le consensus des provinces,
qu’il ne tient pas compte des problèmes et qu’il faut un
23 octobre 1980
DÉBATS DES COMMUNES
consensus des provinces pour que le gouvernement fédéral
puisse poursuivre ses options. Je suis d’accord avec l’honorable
député de Prince-Albert, monsieur l’Orateur, mais je regrette
de ne pas l’avoir entendu parler de cette très importante
question à la Chambre. J’aimerais croire qu’il va continuer à
représenter les désirs de ses commettants.
Le député de Yorkton-Melville (M. Nystrom) s’est levé à la
Chambre des communes et a parlé avec éloquence des écueils
et des injustices qu’il voit dans le projet de résolution. A propos
des articles 42 et 46 concernant la formule d’amendement, il a
dit qu’il n’est pas correct qu’en vertu de ce projet de résolution
on puisse donner un droit par une formule d’amendement puis
de le retirer par un référendum de manipulation qui nie
l’association fondamentale et l’essence même du fédéralisme.
C’est ce qu’il a dit à la Chambre. J’espère que les députés de
son parti continueront à parler comme cela, je crois qu’ils
représentent véritablement leurs électeurs. C’est ce que nous
entendons. C’est ce que l’honorable député de Winnipeg-Nord-
Centre (M. Knowles) disait lorsqu’il a dit que nous devrions
oublier nos différends. Je suis d’accord avec ces deux députés
du N.P.D. mais j’aimerais savoir s’il y en a d’autres qui
pensent de la même façon et qui n’ont peut-être pas pris la
parole à la Chambre. Un seul député de ce parti a pris la
parole sur le projet de résolution aujourd’hui. Si j’ai bien
compris l’honorable député de Winnipeg-Nord-Centre, il parlait
sur un amendement ou une question de règlement.
M. Knowles: Monsieur l’Orateur, j’invoque le règlement.
L’honorable député ne se rend-il pas compte, en ce qui concerne
notre position sur la clôture, que nous avons voté contre,
aujourd’hui, en bloc? Ne se rend-il pas compte que j’ai fait un
discours complet de vingt minutes aujourd’hui, y compris notre
attaque contre la clôture? L’honorable député de New Westminster-
Coquitlam (Mtt Jewett) a fait un discours complet de
vingt minutes et nous en avons un autre à venir. L’honorable
député ne devrait-il pas dire les choses comme elles sont?
M. McKnight: Monsieur l’Orateur, bien sûr, je rétracte mes
propos sur la question dont parlait l’honorable député de
Winnipeg-Nord-Centre, mais parfois nous entendons des discours
de vingt minutes de l’honorable député sur d’autres
questions. Mes excuses à l’honorable député.
Le député de Kootenay-Ouest (M. Kristiansen) a aussi pris
la parole et j’ai parlé de son discours plus tôt aujourd’hui. Il
disait: «Mon chef a dit que nous appuyons en principe la
plupart des articles du projet de résolution, sinon tous», mais il
ajoutait: «en ce qui concerne l’imposition des ressources». Il a
ensuite cité l’ancien premier ministre de la Colombie-Britannique,
M. Barrett, qui disait:
La Colombie-Britannique serait disposée à partager tous les droits que lui
confère la constitution en matière de pétrole et de gaz naturel si le gouvernement
du Canada mettait sous régie publique la totalité du pétrole et du gaz du pays.
C’est très joli pour la population de la Colombie-Britannique.
Il ajoutait qu’il semble que le N.P.D. veut que la province
garde la compétence sur les ressources naturelles, c’est-à-dire à
moins que le gouvernement fédéral ne promette de nationaliser
toutes les ressources naturelles, auquel cas il les lui céderait
toutes. Je suis sûr que la population de la Colombie-Britannique
serait très intéressée par cette proposition.
Cette coalition libérale-démocrate présentera un présumé
amendement qui n’est acceptable que pour le premier ministre
La constitution
et pour le chef du Nouveau parti démocratique. Il n’est pas
acceptable pour le premier ministre de la Saskatchewan, qui a
déclaré aujourd’hui que cette mesure a rendu la négociation
plus difficle pour les provinces. Il y a eu tout un chambard à
propos du droit à l’imposition indirecte. Mais la plupart des
ressources de la Saskatchewan ne sont pas exportées vers les
autres coins du Canada, monsieur l’Orateur; elles sont exportées
au-delà des frontières du Canada. Donc, l’imposition
indirecte ne fait rien dans ces circonstances.
M. Blakeney a déjà trouvé un moyen de contourner l’imposition
indirecte en imposant un impôt sur le revenu à la tête du
puits ce qui a diminué en continuera à diminuer l’exploration
pétrolière dans notre province. De cette manière on compromettra
le potentiel d’autosuffisance pétrolière de notre pays.
Nous voyons le Canada comme étant plus qu’un simple
gouvernement fédéral. Plusieurs députés-et pas seulement de
mon parti-ont parlé sur ce projet de résolution. Une province
l’accepte; deux ne sont pas sûres et sept envisagent de porter
l’affaire devant les tribunaux. Le sénateur Manning s’est élevè
à l’autre endroit contre le projet de résolution et le ministre
politique de l’Alberta à l’autre endroit, le ministre d’État au
Développement économique (M. Olson) aurait déclaré, suivant
le Sun de Vancouver du 11 octobre.
Le ministre du Développement économique, Bud Olson, le seul albertain au
Cabinet fédéral a déclaré vendredi qu’il ne favorise pas la formule d’amendement
constitutionnel du premier ministre Pierre-Elliot Trudeau.
Le sénateur a dit aux étudiants de l’Université de l’Alberta qu’il préfère la
formule d’amendement de l’Alberta.
Donc, ce ne sont pas seulement les députés de notre parti qui
s’opposent à la motion, monsieur l’Orateur. Nous voulons
savoir pourquoi il faut changer le système dans lequel nous
avons fonctionné. Nous voulons savoir de quel droit le seul
point de vue acceptable est celui des Libéraux. Il faut représenter
plus que ce seul point de vue.
Voyons ce que représente le point de vue fédéral au Canada,
monsieur l’Orateur. Il y a au total 282 sièges à la Chambre, et
à l’heure actuelle il y en a un certain nombre qui sont vacants.
Le gouvernement a 143 députés et une majorité de 33 sièges.
Le Québec a envoyé 72 députés sur les banquettes
ministérielles …
Une voix: Soixante-quatorze.
M. McKnight: . . . et plus de 86 pour cent des députés
libéraux viennent des provinces centrales, c’est-à-dire du
Québec et de l’Ontario. Seulement 20 députés libéraux viennent
des huit autres provinces réunies, deux d’entre eux de
l’ouest de la frontière entre l’Ontario et le Manitoba. Qu’en
est-il donc du Manitoba rural, de la Saskatchewan, de l’Alberta,
de la Colombie-Britanique, du Yukon et des Territoires
du Nord-Ouest?
Une voix: Il y a des députés du N.P.D.
M. McKnight: J’entends un député du côté du gouvernement
dire que c’est correct parce que le NDP les appuie.
J’aimerais dire aux honorables députés d’en face que, d’après
les renseignements que j’ai et les discours à la Chambre que
j’ai lus, les députés du N.P.D. n’appuient pas tous le gouvernement.
Je les en félicite et je les félicite de parler au nom de
leurs commettants.
23 octobre 1980 4039
4040 DÉBATS DES COMMUNES 23 octobre 1980
La constitution
On nous a longuement parlé des émotions intenses que
soulève cette question et nous avons été accusés de recourir à
des tactiques d’intimidation et à l’agitation, alors que nous ne
cherchons rien d’autre que d’attirer l’attention du gouvernement.
Je pense que tout le monde reconnaît que le premier ministre
de ma province est un individu très conservateur, un
homme posé qui fait bien attention de ne pas exagérer lorsqu’il
présente sa cause. De fait, je pense que les premiers ministres
de l’ouest canadien ont pris bien soin de minimiser les sentiments
et les vives préoccupations de la population de l’ouest
canadien. Dans une interview, on demandait au premier ministre
Blakeney:
Quelle est votre perception du sentiment du pays aujourd’hui et quels dangers
cette acrimonie constante représente-t-elle pour l’unité nationale?
Il a répondu:
Eh bien, je pense que le sentiment du pays se transforme en climat de
confrontation.
0 (2350)
Au cours de l’entrevue M. Blakeney ajouta:
… notre situation devient inquiétante. En fait, elle commence à être dangereuse.
On lui présente la question suivante:
Dangereuse parce qu’elle est une menace pour la survie du Canada comme nous
le connaissons maintenant?
M. Blakeney répondit:
Oui, je veux dire dangereuse parce qu’elle constitue une menace à la survie du
Canada. Je ne veux pas exagérer en disant que …
Se reportant aux débats constitutionnels qui ont lieu au
cours de l’été. M. Blakeney ajouta au cours de l’entrevue:
En ce qui concerne l’entente sur le projet constitutionnel, les premiers ministres
ont donné leur accord de principe sur tous les articles du projet.
Je demande aux honorables députés de nous dire ce que cela
signifie pour nous. Cela nous démontre qu’il y a eu entente
entre les dix provinces. Mais, qui n’était pas d’accord? Le
gouvernement fédéral n’était pas d’accord, monsieur l’Orateur.
M. Trudeau ne pouvait pas être d’accord. Le «grand boudeur»
ne pouvait être d’accord. Il voulait faire le difficile et rédiger,
seul, sa propre constitution. Ce ne sont pas les premiers
ministres qui ont provoquer l’échec de la conférence, c’est le
gouvernement fédéral.
On pourrait en ajouter au sujet de ce qui a été dit sur les
problèmes de l’Ouest. J’ai remarqué que l’honorable député de
Restigouche (M. Harquail) lisait un journal. Je désire maintenant
lire un article écrit par M. Stan Roberts, ancien membre
de l’Assemblée législative de la province du Manitoba et actuel
directeur exécutif de la Canada West Foundation. Voici ce
qu’il dit:
M. Trudeau s’est comporté ce soir comme s’il avait été président d’un état
unitaire.
Vous savez maintenant pourquoi il est un ancien membre de
l’Assemblée législative du Manitoba, monsieur l’Orateur. L’article
se poursuit ainsi:
il craint que les initiatives d’Ottawa n’accroissent la sympathie à la cause des
séparatistes dans l’Ouest. Elles vont attiser le feu. C’est comme si l’on versait sur
le feu un peu du pétrole bien connu de l’Alberta.
Mais le député de Restigouche était fier de lire une lettre
parue dans un journal d’Ottawa, dont l’auteur était apparemment
de l’Alberta. J’ai une lettre qui est parue dans l’Edmonton
Journal et qui a été écrite par quelqu’un de Penticton en
Colombie-Britannique. Je crois qu’elle va intéresser certains de
mes collègues du N.P.D. La voici:
Un grand destin attend l’Ouest canadien s’il tranche le noud gardien, mais à
moins que nous ne profitions de l’occasion, nous resterons pour toujours la vache
à lait du centre du Canada, nous resterons pour toujours sous sa juridiction
économique et politique et seront peut-être éventuellement gouvernés par l’Empereur
Trudeau dans un état totalitaire.
Si nous regardons dans les journaux, Monsieur l’Orateur, je
suis persuadé que nous pourrions tous trouver des lettres
adressées aux rédacteurs en chef qui appuient des points de
vue que nous avons exprimés.
Je dis aux membres de l’Opposition et au gouvernement du
Canada que nous essayons de vous faire comprendre. Nous
essayons d’obtenir votre aide. Nous voulons votre aide. Nous
voulons que vous nous aidiez, tout comme j’ai essayé d’exposer
clairement ma façon de voir devant cette Chambre afin de
demander aux gens du Québec de rester au sein du Canada
parce que nous voulions d’eux. Nous voulions d’eux à ce
moment-là et nous voulons encore d’eux maintenant. Nous
voulons demeurer avec eux à titre de Canadiens. Cependant,
monsieur l’Orateur, nous avons besoin de votre aide et de celle
des membres de l’Opposition. Je suis intervenu auprès de cette
Chambre et j’ai blâmé un ami de longue date parce qu’il
dirigeait, au Canada, un parti unioniste dont le but est de
diviser le pays. Je n’ai pas trouvé plaisant de blâmer un ami. Je
sais ce que les Québécois ont ressenti lorsqu’ils ont dû blâmer
des amis. Mais, j’interviendrai auprès de cette Chambre et
blâmerai le Premier ministre (M. Trudeau) et son parti s’ils
divisent le Canada parce que j’espère qu’un jour mes fils et
mes filles pourront venir à la Chambre des communes et avoir
la chance de représenter leur région au sein d’un pays, le
Canada, tel que nous le connaissons, et tel que nous le voulons.
Des voix: Bravo!
L’hon. E. F. Whelan (ministre de l’Agriculture): Monsieur
l’Orateur, au moment où j’interviens dans le débat de ce soir,
je me souviens de cette région du Canada où je suis né. Je me
souviens des vieux qui disaient qu’un jour au Canada nous
aurions notre drapeau. Ils disaient aussi qu’un jour notre
constitution serait rapatriée au Canada.
Des voix: Oh, oh!
M. Whelan: Un jour, elle sera ramenée dans son véritable
foyer. Inutile de dire que je n’ai jamais pensé que je ferais
partie de l’institution qui débattrait la question du drapeau.
Mais je peux me rappeler de ce débat. Monsieur l’Orateur,
nous avons dû recourir à la motion de clôture à cette occasion.
Je peux me rappeler de certains membres de l’opposition qui
avaient les larmes aux yeux.
M. Dick: Après cinq semaines.
M. Whelan: Je me rappelle des histoires incroyables qu’on
racontait sur ce qui arriverait dans ce pays qui est le nôtre.
J’avais pris part à cette décision et j’en étais fier. Et je suis fier
chaque jour lorsque je passe devant la Chambre des communes
et que je vois le drapeau du Canada flotter au-dessus de la
Tour de la Paix.
Des voix: Bravo!
M. Whelan: Je serai tout aussi fier de prendre part aux
mesures qui vont ramener la constitution dans son véritable
foyer, ici à Ottawa. Quelques-uns d’entre nous avons voyagé
autour du monde. Nous aidons beaucoup les pays en voie de
développement. De temps à autre, on se voit encore traité de
colonie.
4040 DÉ13ATS DES COMMUNES 23 octobre 1980
23 octobre 1980 DÉBATS DES COMMUNES
Des voix: Oh, oh!
M. Whelan: Nous entendons des gens dire que nous n’avons
pas notre constitution chez nous et voilà que, nous, qui représentons
ce grand pays appelé Canada, avons peur de quelque
chose-je ne sais pas de quoi-de la peur elle-même, c’est à
peu près le seul mot qui me vient à l’idée. Mais je ne
comprends pas certains des propos qui sont tenus au sujet du
rapatriement de la constitution et au sujet de la façon dont il
sera fait.
On n’a qu’à regarder les comptes rendus des délibérations et
voir comment souvent les premiers ministres et les dirigeants
de ce pays de toute allégeance politique, conservateurs et
libéraux, ont tenté à maintes reprises depuis 1921 de rapatrier
la constitution là où elle n’a jamais été, et ont échoué faute de
n’avoir pu en arriver à un accord.
J’écoute ces discussions à propos de la motion de clôture. Je
trouve drôle de voir le groupe de l’autre côté parler des droits
et privilèges du Parlement. Mon Dieu, Monsieur l’Orateur, ils
aiment tellement le Parlement qu’ils n’avaient pas l’intention
de nous laisser l’utiliser l’année dernière puisqu’ils nous ont
tenus à l’extérieur si longtemps.
Des voix: Bravo!
M. Whelan: Entre le moment où les élections ont été
déclenchées et la réouverture de la Chambre, les passionnés de
liberté et de démocratie qui sont dans l’Opposition ne voulaient
même pas nous laisser tirer parti des possibilités de cette
grande institution car ils voulaient diriger un pays sans Parlement.
Jamais cela n’était arrivé depuis le début de la
Confédération …
Une voix: Ce n’est pas vrai.
M. Whelan: Et ce sont nos représentants, les grands passionnés
de liberté du Parlement. Un peu plus tôt, l’un des membres-
j’oublie son nom et le nom de la circonscription qu’il
représente-a fait des commentaires sur l’Alberta. Il nous a
traité de dictateur et a dit toutes sortes de monstruosités à
notre sujet. Je ne pouvais m’empêcher de penser à un article
que j’avais lu dans un journal l’autre jour et dans lequel on
parlait d’un des membres du Parlement de l’Alberta qui avait
été assez courageux pour oser s’opposer à la grande institution
démocratique appelée le parti conservateur de l’Alberta.
Qu’est-ce qu’il ont fait de lui? Ils l’ont mis à la porte.
Des voix: Oh, oh!
Des voix: Bravo!
M. Whelan: Il l’ont mis à la porte parce qu’il ne se conformait
pas à la politique du parti. Il ne pouvait plus faire partie
de ce grand parti démocratique, le parti conservateur de
l’Alberta, dirigé par M. Peter Lougheed. Il ne pouvait plus y
rester puisqu’il n’était pas d’accord. Serait-ce à cause de leur
position minoritaire? Ils n’ont pas d’opposition. Ils ont à
présent un membre dans l’Opposition. Je crois qu’ils ont à
présent six membres dans l’Opposition, et il siégera donc en
temps que député indépendant. Je vous parie qu’il doit être
La constitution
heureux. Au moins il peut dire et faire ce qu’il veut. Il peut
être libre et indépendant.
e (2400)
Nous utilisons le système parlementaire britannique. Nous
les entendons parler de clôture. Qui s’en est servi le plus au
Canada? Le parti conservateur. Qui a été au pouvoir le moins
longtemps? Le parti conservateur.
Des voix: Bravo!
M. Whelan: La clôture a été utilisée à la Chambre des
communes 18 fois, dix fois par les Conservateurs et huit fois
par les Libéraux. Imaginez un peu s’ils avaient été au pouvoir
aussi longtemps que nous. Avec ce pourcentage, ils l’auraient
probablement utilisée 100 fois.
Des voix: Oh, oh!
M. Whelan: Quelle blague, quelle blague! Quelle hypocrisie!
Il doit y avoir une meilleure façon de les qualifier. Il y en a
probablement dans l’autre langue officielle. J’ai été critiqué
pour avoir parcouru le Canada. Je suis probablement le Canadien
qui ait le plus voyagé, le membre du Parlement qui ait le
plus voyagé. J’occupe un poste d’élu depuis l’âge de 21 ans.
Depuis 36 ans j’ai été élu à des postes de conseiller scolaire, de
conseiller municipal et de membre du Parlement.
Une voix: Ce qui fait 25 ans de trop.
M. Whelan: Pourquoi est-ce que je reste à la Chambre des
communes?
Des voix: Pourquoi?
M. Whelan: J’y reste surtout pour le processus démocratique
qui s’y déroule. On me réélit à chaque fois et on m’y
renvoie.
Des voix: Bravo!
M. Whelan: Je pose aussi ma candidature car j’ai bien peur
du groupe d’en face, et de ce qu’ils feraient à ce pays.
Imaginez un peu. Lorsque nous parcourrons le pays et parlons
aux Canadiens ou lorsque nous voyageons à l’étranger et
parlons à d’autres peubles, que disent-ils? Vous venez du
Canada, vous êtes le peuple le mieux logé au monde, celui qui
bénéficie du meilleur mode de vie et du meilleur niveau de vie
au monde. Le Canada compte le plus grand nombre de gens
qui vivent au même niveau social que dans n’importe quel
autre pays.
Le monde entier envie le Canada. J’ai été récemment en
Colombie-Britannique, dans la vallée du Fraser, à Chiliwack, à
Abbotsford et à d’autres endroits. J’ai visité des fermiers et
d’autres gens du peuple. Ces gens viennent d’un peu partout au
monde, nous avons donc parlé de la constitution. Nous avons
parlé du Canada, car ce sont des gens ordinaires comme leur
ministre de l’Agriculture. Ils m’ont raconté qu’à leur arrivée
au Canada, si on leur avait dit qu’ils allaient dans une province
portant le nom d’Alberta, d’Ontario ou de Québec, ils n’auraient
pas su où ils allaient; ils savaient simplement qu’ils
allaient au Canada. Ils m’ont dit qu’ils ne comprenaient pas ce
qui se passaient, ils ne comprennent pas ce débat. Ils m’ont dit
qu’ils voulaient en finir, qu’ils voulaient que l’on ramène la
constitution au Canada.
23 octobre 1980 DEBATS DES COMMUNES
4042 DÉBATS DES COMMUNES 23 octobre 1980
La constitution
C’était à Chilliwack, Dauphin, Ste-Rose du Lac, Russell,
Yorkton, Margo, Kamsack et Regina. A Regina, ils avaient
monté un poste de sondage direct. Même là, il a été démontré
que les gens étaient d’accord avec ce que nous faisions.
M. Hnatyshyn: Ils ont dû s’adresser aux seuls trois libéraux
de l’endroit.
M. Whelan: Il s’agissait d’un pourcentage assez élevé. J’ai
un frère qui habite à Regina.
M. McKnight: Quelle est sa profession?
M. Whelan: Je vais vous le dire. Il s’occupe d’assurance et
d’immobilier.
Une voix: Quel est son parti politique?
M. Whelan: Il est à la retraite forcée du Nouveau parti
démocratique.
Des voix: Bravo!
M. Whelan: Je tiens à vous dire qu’il était ministre dans
l’actuel gouvernement de la Saskatchewan. Il n’y est plus. Il
m’a dit: «Gene, n’oublie pas cela. Je suis d’abord et avant tout
un Canadien et je me battrai pour t’aider. Je me porterai
volontaire. Et ça ne te coûtera pas un sou».
Des voix: Bravo!
M. Whelan: Il m’a dit, «Je ferai n’importe quoi pour m’assurer
que notre Canada restera uni». Nous avons entendu des
gens parler de pauvreté. Je me souviens d’un Canada où nous
n’avions pas d’assurance-maladie, et autres services de santé.
Le député qui vient de parler a mentionné ce que nous allions
faire à ce pays. Nous étions neuf à vivre de l’allocation aux
mères nécessiteuses. Imaginez un peu cette situation dans les
années 30. Je m’en souviens. Dans quel autre pays au monde
aurais-je pu arriver au poste que j’occupe aujourd’hui?
Des voix: Bravo!
M. Whelan: Quelles sont mes origines? Irlandais, Français,
Gallois et Indien. J’ai une belle soeur hongroise, un beau-frère
roumain et un autre beau-frère allemand, une belle-soeur
finlandaise et une épouse d’origine germano-yougoslave et
j’habite dans un quartier italien.
Des voix: Bravo!
M. Whelan: Aucun autre pays au monde, avec une telle
diversité, n’est parvenu à bâtir une nation s’étendant sur 4 000
milles d’un océan à l’autre. Nous sommes une multitude de
gens provenant de toutes les parties du monde réunis ici au
Canada pour bâtir et partager un pays qui fait l’admiration
des autres. D’autres en ont fait une communauté de peuples.
Ce n’est pas la solution que nous préconisons au Canada. Nous
voulons le Canada que Jean Chrétien a si vaillamment défendu
pendant le référendum au Québec.
Des voix: Bravo!
M. Whelan: Je me souviens du jour où ce ministre est arrivé
à la Chambre. Il ne parlait qu’une langue. Il a fait bien plus de
progrès que moi, il en parle deux à présent. Lorsqu’il s’est
présenté ici, il pratiquait son anglais. Un jour il m’a dit: «Gene,
je voudrais déjeuner avec vous pour pouvoir pratiquer mon
anglais».
Des voix: Oh, oh!
M. Whelan: Je lui ai répondu: «Jean, vous êtes le bienvenu
mais ce ne sera pas de l’anglais, ce sera du Whelanois». Il
s’agit du ministre que nous admirons tous. Il s’est battu comme
personne d’autre au moment du référendum au Québec. Ils
prétendent à présent que le ministre de la Justice, qui mène le
débat ici, a changé. Ils parlent de l’homme qui s’est si vaillamment
défendu au Québec en faveur du Canada. Ils prétendent
qu’il a changé. Ils savent que ce n’est pas vrai. Il est toujours
aussi résolument en faveur du Canada.
Des voix: Bravo!
M. Whelan: A propos de télévision à la Chambre, les
députés de l’Opposition ont demandé la télévision en comité.
Le président du Comité de l’agriculture m’a déclaré que son
comité avait aussi droit à la télévision. Je suis d’accord. Il n’y a
rien de plus important que la production alimentaire et l’agriculture.
N’était-ce la présence de la télévision à la Chambre
des communes, je suis certain que les événements d’aujourd’hui
n’auraient pas eu lieu. Ils se sont mis debout et ont
chanté «O Canada», l’ex-premier ministre avec les mains dans
les poches.
Des voix: Oh, oh!
M. Whelan: L’ex-premier ministre s’est mis debout les
mains dans les poches; la télévision le montrera. Quel spectacle!
Il n’a même pas chanté les nouvelles paroles de «O
Canada».
Des voix: Oh, oh!
a (0010)
M. Whelan: Je me rappelle encore mon premier voyage à
l’Ouest du Canada. J’étais alors adolescent. Nous sommes
allés dans l’Ouest. Pourquoi? Pour donner un coup de main.
C’était le temps où ils envoyaient des jeunes de l’Est en
excursion, pour aider aux récoltes. C’est une expérience que je
n’ai jamais oubliée. J’ai passé quatre jours et demi dans un
train, pour arriver à une partie magnifique du pays, l’Alberta.
Je me dirigeais vers High River, en Alberta. Mon frère a
rendu visite au père du précédent premier ministre dans cette
ville. Mais même alors, l’Alberta ne me parut pas du tout
différente de Come-by-Chance, Port Hardy, l’île de Vancouver,
Nipawin, Kamsack, Wetaskiwin, ou ailleurs. Les Canadiens
ne sont pas très différents d’une ville à l’autre. Ce qu’ils
veulent ce sont les choses essentielles.
M. Andre: Alors pourquoi les traiter en citoyens de
deuxième classe?
4042 DÉ13ATS DES COMMUNES 23 octobre 1980
23ocobr198 DÉATS ES OMMNES4043
M. Whelan: Ils veulent être chaussés, ils veulent être nourris.
Ils veulent un certain genre de sécurité. Ils veulent donc un
travail, afin de subvenir à leurs propres besoins au Canada.
Pour ce faire, ils doivent partager, et non pas réclamer plus
que les autres. Ils ne peuvent y parvenir en déclarant «Nous ne
voulons pas bâtir ensemble le Canada» ou «Nous ne voulons
pas être dans une position où nous serions plus à l’aise que
d’autres, et obligés de partager notre prospérité avec eux.» Par
exemple, à quoi sert donc le fonds de l’héritage où l’argent
s’entasse?
M. Andre: C’est grâce à vous en ce moment.
M. Whelan: Dans les fermes, nous avons aussi des tas, et
nous savons qu’à moins d’étendre ces tas, ils ne servent à rien.
Des voix: Bravo!
M. Whelan: Ceci s’applique également, dans notre société, à
l’argent. Il ne sert à rien de l’accumuler dans une partie du
pays, et de ne pas le répartir dans le reste du pays. Ce n’est pas
ainsi que le Canada fut bâti. Nous avons partagé nos richesses,
pour bâtir un pays qui est l’envie du monde, et je sais que, là,
je me répète. Notre mode de vie fait l’envie du monde entier.
Nous sommes les mieux lotis en matière de logement et
d’éducation. Nous avons ce qu’il y a de mieux au monde.
Certains parlent d’une autre Utopie. Si, ailleurs, il est un
meilleur endroit que notre pays, je voudrais le voir de mes
yeux. Je pourrais décrire le Canada, comme un néo-canadien
de ma région l’a décrit il y a quelques jours. Il regardait la
télévision et écoutait ses enfants parler des débats des jeunes,
plus instruits, qui sont plus heureux que leurs pères. C’était un
immigrant d’Italie, et il m’a dit: «Gino, j’aimerais faire une
comparaison. Le monde est comme un énorme rôti de boeuf, et
le Canada en est la meilleure tranche.» Je n’ai jamais entendu
quelqu’un mieux décrire notre pays que Biase Di Pasquale, un
de mes voisins qui est fier de ce qu’il a accompli dans ce pays.
Il en est si fier, qu’il fait confiance aux personnes qui ont gardé
le pouvoir plus longtemps que tout autre parti au Canada. Il
fait confiance à son ami Gino, parce qu’il connaît Gino.
Des voix: Bravo!
M. Kilgour: Monsieur le Président, il reste quelques instants
au Ministre. Je me demande s’il me permettrait une question.
Une voix: Laissez-le finir. Vous avez interrompu tout le
monde toute la nuit.
M. Whelan: Monsieur l’Orateur, je pense bien qu’il me reste
trois ou quatre minutes. A titre de ministre de l’Agriculture,
j’assiste à des réunions du Conseil alimentaire mondial, à la
FAO et à l’OCDE à Paris. Dans toutes ces réunions, le
Canada est considéré avec respect. Je sais que ce n’est pas moi
que l’on respecte, c’est ce que je représente. Je représente un
pays qu’on appelle Canada, qu’on ne considère pas comme une
puissance militaire, ni une énorme puissance qui essaie d’imposer
ses idées politiques aux autres, mais un pays dont les
citoyens jouissent de la plus grande liberté de tous les pays au
monde.
Notre pays est un pays qui est envié par beaucoup. Les gens
veulent y venir, ils veulent faire partie de ce pays que nous
appelons Canada. Oui, je suis fier d’être Canadien, et je ferai
tout mon possible pour faire comprendre au peuple canadien
La constitution
sur quoi portent ces débats. Il s’agit de ramener au bercail
notre constitution, de la ramener ici, où elle devrait se trouver.
Je ferai de mon mieux pour expliquer cela, dans le langage le
plus simple, le plus humble, car je ne pense pas que quiconque
utilise un langage plus humble que moi. Je ne sais pas utiliser
un autre langage. Près de 90 ou 95 pour cent des gens du
Canada me ressemblent, ressemblent à votre ministre de
l’Agriculture, Monsieur le Président. Ils ont eu une vie dure,
une vie difficile. Ils n’ont pas beaucoup d’instruction, mais ils
apprécient le Canada, et veulent qu’il demeure tel qu’il est
maintenant.
Des voix: Bravo!
M. Jim Manly (Cowichan-Malahat-Les Îles): Monsieur le
Président, je suis heureux d’avoir l’occasion de participer aux
débats sur la constitution, d’autant plus que de nombreux
collègues qui auraient aimé parler se sont vus refuser ce droit
par l’imposition de la clôture. Je m’indigne du refus du gouvernement
d’entendre ce que mes collègues avaient à dire, et je
m’indigne de cette limitation injuste d’un débat sur une question
aussi essentielle que la constitution.
Comme d’autres néo-démocrates, je conviens qu’il faut
ramener au pays la constitution. Je serais heureux d’y voir
inscrits une charte des droits et le principe de la péréquation.
Etant de Colombie-Britannique, je suis heureux que les néodémocrates
aient réussi à amener le premier ministre (M.
Trudeau) à accepter le contrôle provincial des ressources. Il y
a six ans, j’ai vu le gouvernement fédéral empêcher l’exercice
de ce droit, et j’ai vu comment cela a entravé l’économie de la
Colombie-Britannique sous le gouvernement du premier ministre
Barrett. Les provinces ont besoin de ces droits, afin de
pouvoir développer leurs propres économies sans être entravées
par Ottawa.
Toutefois, bien que j’appuie bien des éléments de la constitution
proposée, j’ajoute ma voix à ceux de mes collègues pour
déplorer les lacunes de la charte des droits où ne sont pas
reconnus les droits des femmes et des autochtones.
Je désire en particulier faire des commentaires quant à cette
lacune de la charte, qui ne reconnaît pas et ne prévoit pas les
droits des Indiens, des Inuit et des Métis du Canada. Nous
constatons que la charte donne des précisions sur les droits que
le gouvernement considère importants. Nous avons hérité un
bon nombre de ces droits, de par des traditions contenaires. Il
s’agit de la trame même de notre société et il était peut-être
inutile de les inscrire dans la constitution. Cependant ils y sont
inscrits, expressément.
D’autres droits, notamment les droits linguistiques, sont
nouveaux et ils ne sont pas encore acceptés universellement.
Ces droits encore sont expressément prévus.
Pourtant, qu’y a-t-il sur les droits des autochtones? Une
non-déclaration vaseuse au sujet des non-droits. Je cite l’article
24 de la charte des droits.
La présente charte ne nie pas l’existence des droits et libertés qu’elle ne
garantit pas expressément et qui existent au Canada, notamment les droits et
libertés des peuples autochtones du Canada.
C’est tout ce qu’on y trouve, cette référence aux «droits et
libertés des peuples autochtones du Canada». Georges III fit
mieux que cela. Dans la proclamation de 1763, il déclara:
23 octobre 1980 DÉBATS DES COMMUNES
4043
La constitution
. il est juste et raisonnable, et essentiel pour nos intérêts et la sécurité de nos
colonies, que les diverses nations ou tribus d’indiens avec lesquelles nous avons
des liens, et qui vivent sous notre protection, ne soient pas importunées, ni
dérangées dans la possession des parties de nos Dominions et territoires qui,
n’ayant pas été cédés ni achetés par Nous, leur sont réservés … à titre de
terrains de chasse.
M. Malone: Rendez-nous Georges III!
* (0020)
M. Manly: Nous connaissons la proclamation de George 111.
Les Indiens du Canada veulent la voir en annexe à la constitution.
Cette reconnaissance des droits des aborigènes figure
parmi les causes de la révolution américaine, parce que les
Américains, déjà passionnés de grandes destinées, s’irritaient
de voir protégées des terres indiennes. La Déclaration d’indépendance
américaine s’opposait aux mesures prises par George
III pour rendre plus difficile l’appropriation des terres.
D’accord, George III n’était pas un penseur original. Il ne
faisait que se conformer à la pratique courante des nations
européennes depuis leur première arrivée en Amérique du
Nord. Pour les puissances européennes prendre possession du
continent voulait dire s’arroger le droit de traiter avec les
nations indiennes pour les terres. Elles admettaient en général
que les indigènes possédaient, en ce qui concerne les terres, des
droits qui ne pouvaient être arbitrairement niés. Trois méthodes
eurent cours pour obtenir les titres à la terre. D’abord
occuper les terres vacantes. Or, des recherches récentes sur les
régimes de chasse, de piégeage et autres moyens de subsistance
à travers le Canada ont démontré que, malgré l’immense
étendue du pays, bien peu d’espace n’était pas utilisé par les
Indiens. Il n’y avait pas réellement d’espace vide ou non utilisé
au Canada.
La seconde méthode était ce qu’on appelait une guerre juste.
Je me demande quelle guerre juste peut avoir eu pour effet la
défaite des Indiens et la perte de leurs droits et de leur
territoire. La troisième, c’était l’achat avec le consentement
des propriétaires. En effet, dans bien des parties du Canada, la
Couronne a signé des traités avec les indigènes. Ceux-ci
cédaient certains droits et, en contrepartie, s’en voyaient promettre
certains autres. Encore récemment, le 5 juillet 1973, la
reine Elizabeth Il disait aux Indiens:
Soyez assurés que mon gouvernement du Canada reconnaît l’importance d’un
respect total de l’esprit et de la lettre de vos traités.
Ces traités et, également, la Loi sur le Manitoba de 1870
reconnaissaient, eux aussi, les droits des métis. Ainsi, partout
au Canada, les Amérindiens possèdent des droits, certains
depuis toujours, d’autres en vertu de traités, et ces droits, à
certains moments, ont été reconnus et garantis par la Couronne.
Mais la charte proposée masque tout cela en parlant de
tout droit ou toute liberté ayant trait aux indigènes du
Canada. La charte énumère d’autres droits, mais noie dans de
vagues généralités ceux des Indiens. Pourtant, vu leur situation
minoritaire, qui, plus qu’eux, ont besoin de voir leurs droits
insérés dans la charte?
Selon le gouvernement, il faut une charte des droits, car,
prétend-il, on ne saurait abandonner des droits au caprice des
parlements. Dites-moi, quel peuple, plus que le peuple indien, a
vu ses droits rongés par les lois. Depuis cent ans, cette Chambre
des communes n’a cessé d’apporter à la Loi sur les Indiens
des modifications qui interviennent dans toutes les facettes de
la vie de ce peuple. On a voulu que la liberté religieuse pour
eux soit la liberté de choisir l’Église qui pourrait envoyer des
missionnaires, et je parle des anciens missionnaires dans les
villages indiens. Mais aussi interdiction des pratiques religieuses
et culturelles traditionnelles comme les danses indigènes et
autres fêtes.
Au début du siècle, la loi exigeait que les Indiens demandent
la permission à leur agent pour assister aux rodéos, aux
expositions et aux danses. Il leur fallait la permission du
surintendant général pour recueillir des fonds pour leurs associations;
belle façon d’empêcher ces associations de trop insister
auprès du gouvernement dans les réclamations territoriales.
Des Indiens ont perdu leur statut sans leur consentement. Par
contre, d’autres l’ont reçu et ont été compris dans une bande
pour en partager les maigres ressources sans la permission de
la bande concernée.
Voilè quelques-uns des torts que le Parlement du Canada a
fait aux droits des Indiens. Aussi ceux-ci savent-ils très bien
qu’ils ne peuvent faire confiance aux parlements pour maintenir
leurs droits. Ces droits doivent être reconnus et enchâssés
dans la constitution.
Des voix: Bravo!
M. Manly: Les Indiens n’ont pas oublié le Livre blanc de
1969 qui les dépouillait de tous leurs droits. Ce Livre blanc a
servi de catalyseur. Il les a fait se réunir dans de multiples
associations et accéder au niveau politique où ils se trouvent
aujourd’hui. Mais, quand ils voient la charte des droits proposée,
ils y trouvent des dispositions qui auront le même effet que
le Livre blanc et les laisseront sans droits, sans protection, sans
même le peu de reconnaissance dont ils jouissent présentement.
Le premier ministre (M. Trudeau) a bien promis aux Amérindiens
qu’ils participeraient à l’élaboration de tout amendement
constitutionnel qui pourrait les concerner. Y a-t-il quelque
chose qui peut les concerner davantage que l’enchâssement de
leurs droits? Pourtant, on ne les a pas consultés sur la charte
des droits. A leur insu, on a glissé une vague disposition qui
fait violence à ces droits.
La semaine passée, le premier ministre a dit qu’une fois la
Constitution de retour au Canada, le premier article à l’ordre
du jour sera les droits des Indiens. Quelle hypocrisie! Il le sait
bien, le premier ministre, qu’en faisant ainsi il arrache à ce
peuple la dernière chance d’obtenir justice.
Des voix: Bravo!
M. Manly: L’article 50 dit très clairement que toute modification
à la charte canadienne des droits et des libertés ne peut
se faire qu’en conformité avec les articles 41 ou 42. De toute
évidence, le premier ministre n’est pas prêt à confier ses droits
chéris, ses droits linguistiques, aux aléas d’une telle procédure,
car il sait qu’il serait presque impossible de faire ainsi adopter
ces droits. Il doit donc savoir également qu’à moins de l’être
aujourd’hui même, les droits des Indiens ne seront jamais
reconnus ni enchâssés, du moins tant qu’il y aura des gens
comme M. Hatfield qui nie le concept même de droits indigènes.
Ceux qui croient à l’existence de tels droits doivent agir
maintenant, En comité, nous proposerons et nous appuierons
des modifications en ce sens. Nous prenons au mot le premier
ministre, qui a dit vouloir accueillir des amendements.
DÉB3ATS DES COMMUNES 23 octobre 1980
DÉBATS DES COMMUNES
Des voix: Bravo!
M. Manly: L’autre soir, le ministre des Transports a fait
appel à l’esprit de compromis. Je demande au gouvernement si,
dans cet esprit, il ne vaudrait pas changer sa position et
reconnaître les droits fondamentaux des Indiens, afin qu’ils ne
soient pas compromis au point de disparaître. Je demande au
gouvernement de joindre à la Constitution comme annexes les
traités, la proclamation royale de 1763 et autres documents de
la sorte, afin que soit donnée aux Indiens l’assurance que leurs
droits ne seront pas niés.
En terminant, monsieur le Président, permettez-moi de
signaler quelque chose qu’on ignore souvent en parlant des
Indiens. On entend souvent citer des statistiques sur l’indigence,
le chômage et la maladie. Des documentaires télévisés
nous parlent de logements insalubres et d’un système d’éducation
plein de failles. Tout ce qui est négatif dans la vie des
Indiens, nous le savons, et, tous les six mois ou à peu près, c’est
la grande affaire dans les média. Ce que nous n’entendons ni
ne voyons, c’est le côté positif que ça a du bon d’être Indien.
Depuis des centaines d’années les peuples indiens de l’Amérique
du Nord ont refusé d’être assimilés ou de perdre leur
identité. Malgré la pauvreté, la discrimination, les mauvaises
conditions de logement, l’absence de perspectives d’avenir dans
les réserves et le refus de leurs droits, ils continuent de tenir à
leur identité et à leur culture indiennes. Leur culture indienne
a quelque chose de bon pour eux. Ils ont évidemment quelque
chose de grande valeur.
* (0030)
Ce qu’ils demandent au Canada c’est la reconnaissance de
leurs droits, afin qu’ils puissent conserver leur identité et la
culture qui leur est si importante. Ils revendiquent leurs droits
pour pouvoir établir une économie décente qui leur permettra
de conserver leur statut, leurs droits et leur culture avec
quelque dignité. Les autochtones ne croient pas qu’être Indien,
Métis ou Inuit entraîne la pauvreté. Je pense que le Canada a
besoin de la contribution que les autochtones peuvent faire à
notre tissu social. Nous pouvons en apprendre d’eux. Nous
avons la richesse et les ressources dans ce pays pour nous payer
une société pluraliste. Il n’est pas nécessaire que nous entrions
tous dans le même moule. Les autochtones de notre pays ne
peuvent faire de contribution que si nous leur reconnaissons la
place à laquelle ils ont droit dans notre société et que nous leur
donnions ce qui leur revient.
Au nom du plus d’un million d’autochtones de ce pays,
j’implore le gouvernement de reconnaître et de prévoir les
droits des autochtones dans la constitution, afin qu’ils puissent
occuper leur place dans la société canadienne et, en outre, que
le Canada puisse réaliser sa destinée en tant que nation où il y
a justice et avenir pour tous les peuples.
Des voix: Bravo!
M. Bill Kempling (Burlington): Monsieur l’Orateur, j’avais
espéré parler après le député d’Essex-Windsor (M. Whelan)
parce qu’il a donné un de ses discours habituels qui n’en disait
pas très long. Si son discours avait porté sur un épandeur à
fumier, il n’aurait janiais pu le charger davantage. Se lever à
la Chambre des communes et demander aux gens de croire que
lorsqu’il voyage autour du monde on lui dit: «Ah, vous êtes du
La constitution
Canada, ce pays dont la constitution est à Londres,» c’est tout
à fait absurde. Comment peut-on s’attendre qu’on croit à ça?
Une voix: Dites-le en langage de fermier.
M. Kempling: Je dois obéir aux règles de bienséance de la
Chambre. Je ne puis le dire en language de fermier.
Il a été écrit que lorsque le Parlement britannique a été saisi
de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique en 1867, celui-ci
a été adopté en trente minutes parce qu’il y avait une question
bien plus urgente à l’ordre du jour. Il s’agissait d’une loi
portant sur la taxe pour les chiens. C’était une affaire bien plus
urgente que la constitution du Canada. La raison pour laquelle
il n’a fallu que trente minutes pour l’adopter c’est que le
Parlement britannique savait que plusieurs années de discussion
en avaient précédé la rédaction. Le Parlement de Westminster
savait que ces discussions avaient eu lieu. Certaines
discussions avaient été très amères, mais en dernière analyse
on en était venu à un consensus et on s’estimait justifié de
l’adopter en trente minutes.
On a entendu de nombreux députés de l’autre côté dire que
le pays s’est fait confondre, s’est fait mettre une camisole de
force ou ce que vous voudrez, depuis 53 ans. J’ai fait faire par
un bibliothécaire parlementaire un résumé des conférences
constitutionnelles qui ont eu lieu de 1927 à 1980. Quiconque le
lira verra qu’il n’en est pas ainsi, que le pays ne s’est pas fait
ligoter. Il y a eu bien, bien des cas où il y a eu unanimité
complète. De fait, il y a eu deux cas où les premiers ministres
et les autorités fédérales ont décidé de suspendre toute discussion
sur la constitution parce qu’ils avaient à s’occuper d’affaires
plus urgentes, la plupart ayant trait à l’économie. Quiconque
essaie de convaincre les gens du Canada qu’on nous
étrangle et qu’on nous lie depuis 53 ans commet une fraude.
La première fois que les premiers ministres provinciaux se
sont rencontrés, peu après la confédération, c’était pour parler
de revenus. Ils se sont rencontrés pour parler de partage des
revenus parce que les provinces avaient cédé les tarifs au
gouvernement fédéral et ce dernier leur avait accordé, en
remplacement, une subvention per capita. Ils se sont rencontrés
parce que l’accroissement de population des provinces
rendait ce revenu tout à fait insuffisant. C’est vraiment de cela
dont nous parlons aujourd’hui. Lorsque nous en venons aux
faits, nous nous rendons compte que nous parlons toujours de
revenus. Le gouvernement fédéral est en difficulté en ce qui
concerne les revenus. Il ne veut pas suivre la voie honnête de
l’imposition, comme mon parti a essayé de le faire. Ils essaient
de s’approprier les revenus provinciaux pour ne pas avoir à
accroître les revenus fédéraux autant qu’ils devraient probablement
le faire.
Ce débat a fait de bien étranges tours et détours aujourd’hui.
Certains députés nous ont dit que nous avions consacré
trop de temps à des points de règlements et à des questions de
privilège et que c’est là une des raisons pour laquelle le
président du Conseil Privé (M. Pinard) a eu recours à la
clôture. Si l’on fait le compte, on verra que l’on a consacré 86
minutes, soit une heure et 26 minutes, sur les 24 heures qu’a
duré ce débat, aux questions de privilège et aux rappels au
Règlement. C’est vraiment peu. Si c’est là une des raisons pour
avoir recours à la clôture, c’est une fraude absolue.
23 octobre 1980 4045
La constitution
On a fait valoir qu’il y avait une crise dans ce pays. La crise
est dans l’esprit du premier ministre (M. Trudeau) et de ceux
qui l’entourent qui conçoivent les difficultés dans ce pays
comme une crise. Il n’y a pas de crise dans l’esprit des gens à
l’extérieur. Depuis huit ans que je suis député-et je sais que
de nombreux députés siègent ici depuis plus longtemps-aucun
de mes électeurs ne m’a demandé quand la constitution du
Canada serait modifiée ou ne me dictent qu’elle devrait l’être.
Une voix: Il faudrait voyager avec Gene.
M. Kempling: Il voit cela à l’étranger. Le député de Davenport
(M. Caccia) a pris part au débat l’autre jour. Son
discours était bon, mesuré, mais il a laissé l’impression que les
quelque quatre millions d’immigrants au Canada depuis 1945
demandaient que la charte des droits soit insérée dans la
constitution. Je ne puis croire que les gens qui sont venus ici
d’Uganda, du Chili, de la Pologne, de Hongrie, des Indes, du
Tibet, des Antilles, du Vietnam, de la Grande-Bretagne, de de
n’importe quel pays de l’Ouest ou du Moyen-Orient, demandent
qu’une charte des droits soit insérée dans la constitution.
Il n’en est pas du tout ainsi. Ils sont venus ici parce qu’on leur
offrait une meilleure forme de gouvernement, un meilleur
régime de vie et de sécurité qu’ils n’en avaient dans le pays
qu’ils ont quitté.
Des voix: Bravo!
M. Kempling: Ils ont quitté des dictatures. Ils ont vu qu’ici,
ils seraient libres. Je ne pense pas qu’aucun d’entre eux ne soit
venu avec le désir ardent dans les tripes de changer la constitution
du Canada. Cela aussi est une fraude.
* (0040)
Nous avons fait valoir nos opinions au sujet de la clôture et
nos inquiétudes au sujet des travaux du comité. Nous avons
entendu des députés d’en face demander que le débat soit
renvoyé au comité. Des membres de notre parti ont exprimé
leurs vues à ce sujet. Mais pourquoi hésitons-nous à renvoyer
ce débat au comité sans que nous ayons vidé la question? La
raison c’est que nous avons vu comment fonctionne le régime
des comités de la Chambre depuis des années. Nous avons vu
les experts de nos amis d’en face manipuler les comités de la
Chambre des communes. Je vous demande, monsieur le Président,
de participer aux travaux d’un comité de la Chambre et
de les voir jouer le jeu de l’horloge. Vous savez comment cela
se passe. Le ministre se présente à un comité, arrive quelques
minutes en retard, ce qui gruge une dizaine de minutes. Le
président décide alors de lire un rapport du comité permanent
et cela prend encore dix ou quinze minutes. Ensuite, le ministre
lit une déclaration liminaire qui prend encore dix ou quinze
minutes. L’adjoint du ministre l’accompagne parfois et le
ministre lui demande s’il veut faire une déclaration. Encore dix
ou quinze minutes de plus. Ensuite, avec tous les rappels au
règlement et les discussions creuses, la première chose qu’on
sait, c’est qu’il s’est écoulé une heure sur une séance qui doit
durer deux heures. Voilà ce que nous craignons. C’est pourquoi
nous voulons savoir exactement comment fonctionnera le
comité. C’est pourquoi nous demandons aussi que les délibérations
du comité soient télévisées. Nous voulons que tout soit
diffusé pour les empêcher de jouer leur petit jeu, le petit jeu
des comités.
Nous les avons vu faire au cours des années. Nous avons vu
des comités de la Chambre tenir des séances sachant qu’un
membre de notre parti voulait proposer un amendement.
Avant que son tour de parler soit arrivé, les membres du
gouvernement avaient quitté le comité, de sorte qu’il n’y avait
plus de quorum. Nous avons vu se jouer ce jeu et c’est
pourquoi nous tenons à ce que le comité reçoive toute l’attention
qu’il mérite.
Les députés d’en face ont dit que la mesure à l’étude est
comme un bill ordinaire, que nous avons la première lecture, la
deuxième lecture, puis le renvoi au comité, après quoi elle nous
revient pour le rapport de la troisième lecture, étape à laquelle
le débat continue. Nous n’en croyons rien. Le leader du
gouvernement ne nous a pas dit combien de temps durera le
débat après la présentation du rapport à la Chambre. Il ne
veut pas le dire.
M. Pinard: Il n’y a pas de limite.
M. Kempling: Il nous dit maintenant qu’il n’y aura pas de
limite.
M. Clark: Mais il y aura de nouveau la clôture.
M. Kempling: C’est exact. Nous savons qu’il y aura de
nouveau la clôture. Nous connaissons leur jeu. Nous savons à
quoi nous attendre. Nous avons essayé de notre mieux de faire
la lumière sur leur jeu afin que les citoyens du Canada sachent
comment ils manipulent les affaires de la Chambre.
L’autre question dont je voudrais parler, c’est que bien peu
de gens au Canada ont lu l’Acte de l’Amérique du Nord
britannique. Y a-t-il même une seule personne au pays qui a lu
toute la documentation de référence dont est saisie la Chambre.
Il y a donc une population qui ne connaît pas la loi, qui ne
connaît pas la documentation de référence, mais que l’on est en
train de convaincre, par une publicité subliminale, dans bien
des cas, d’inciter les députés à amender la constitution. Cela,
c’est une fraude.
Ce que le chef de l’opposition (M. Clark) et mes collègues
de ce côté-ci de la Chambre demandent, c’est que le comité
soit autorisé à voyager au Canada pour entendre les opinions
des Canadiens, ces Canadiens qui ne connaissent pas la loi et
qui ne savent pas ce que contient la résolution présentement à
l’étude. C’est ce que nous voulons. Nous avons proposé un
amendement qui permettrait au comité de voyager afin que les
Canadiens de toutes les parties du pays soient entendus. La
question n’a pas encore été tranchée, mais je n’ai guère
confiance que notre demande sera autorisée.
Nous sommes maintenant saisis d’une question, soit une
motion visant à déférer la résolution proposée à un comité. Et
nous connaissons les jeux qui se jouent au comité. La question
qui est présentement discutée n’est pas généralement bien
comprise par les citoyens du Canada. Je suis sûr que le comité
ne sera pas autorisé à voyager pour aller recueillir les voeux des
autochtones et pour aller dans d’autres parties du pays. C’est
ce qui trouble les membres de notre parti.
4046 DEBATS DES COMMUNES 23 octobre 1980
23 octobre 1980 DÉBATS DES COMMUNES AOKI
En écoutant les députés d’en face-et je puis en parler parce
que je viens de l’Ontario-ce qui nous inquiète le plus, c’est de
voir combien peu ils connaissent les sentiments de la population
de l’Ouest. J’ai discuté avec mes honorables amis qui
m’entourent et qui viennent de l’Ouest, et je crois pourvoir me
prononcer objectivement sur leur caractère, leur sincérité et
leur honnêteté et je crois n’avoir jamais vu autant de passion
parmi les députés que ce que j’ai constaté chez les membres de
notre caucus qui viennent de l’Ouest. Ils sont vraiment inquiets
et troublés.
L’été dernier, je suis allé deux fois dans l’Ouest et j’ai
discuté avec la population. J’ai perçu un sentiment de frustration.
Et quand des députés nous parlent ici de séparatisme
dans l’Ouest, je les crois. Je crois que les forces sont en train de
se regrouper dans cette région du pays et si nous n’écoutons
pas, ce sera une tragédie.
Un article de journal m’apprend ce soir que le premier
ministre (M. Trudeau) menace d’avoir de nouveau recours à la
clôture dans ce débat afin de respecter ses échéances.
Il y a quelques mois, la province de Québec tenait un
référendum. Les députés d’en face sont venus nous voir et ont
demandé notre appui. Ils nous ont demandé de les accompagner
au Québec. Le chef de l’opposition est allé au Québec et
s’est même montré aux côtés du ministre de la Justice (M.
Chrétien). D’autres membres de notre parti sont allés au
Québec parler pour les forces du non. Le whip en chef du
gouvernement est venu me voir, à titre de whip de notre parti,
et m’a souvent répété: un tel ou un tel veut se rendre au
Québec pour faire campagne en faveur du non, quelqu’un
pourrait-il pairer avec lui? Et il vous dira, j’en suis sûr, que
nous avons collaboré. Je lui ai dit que nous trouverions quelqu’un
pour pairer chaque fois qu’un député d’en face irait au
Québec parler en faveur du non. Nous avons tenu parole
chaque fois.
Des voix: Bravo!
M. Kempling: Ce que nous demandons ici aujourd’hui et ce
que nous demandons depuis le début de ce débat, c’est qu’on
nous traite avec la même courtoisie.
La situation est grave dans l’ouest du Canada. Je crois
vraiment que les membres du gouvernement ne savent pas à
quel point la situation est grave. Nous demandons de poursuivre
ce débat. Nous demandons qu’on nous donne le temps
d’aller voir les gens dans l’Ouest et de leur parler. Nous
demandons que l’on donne au comité le temps de voyager à
travers le pays. Nous demandons en toute sincérité que le
comité soit autorisé à voyager pour aller prendre le pouls de la
population, comprendre l’inquiétude qui règne dans l’Ouest et
pour laisser à tous les intéressés la chance de se faire entendre
avant de procéder à des changements définitifs de la constitution.
Monsieur l’Orateur, c’est tout ce que nous demandons.
0 (0050)
J’ajoute, en terminant, qu’en régime démocratique, les constitutions
viennent de la population, pas du gouvernement. Le
processus est aujourd’hui interrompu par l’imposition de la
guillotine. C’est pourquoi je ne saurais appuyer la résolution
dont la Chambre est actuellement saisie.
M. l’Orateur adjoint: Je donne la parole à l’honorable
député de Kitchener (M. Lang), mais je voudrais d’abord faire
La constitution
remarquer à la Chambre que, conformément aux dispositions
de l’article 33 du Règlement, aucun député n’aura la parole
après 1 heure. Tout député qui aura obtenu la parole avant
cette heure-là disposera de la période habituelle pour le faire.
M. Clark: Monsieur l’Orateur, j’en appelle au Règlement.
Au cours des observations de l’honorable député de Burlington
(M. Kempling), qui s’inquiétait de ce qu’une limite puisse être
imposée au débat une fois que la question serait revenue du
Comité, le leader du gouvernement a lancé: «Il n’y a pas de
limite». C’est-à-dire qu’il n’y aurait pas de limite imposée au
débat une fois que la question serait revenue du Comité. De
toute évidence, c’est de toute première importance. Le leader
du gouvernement voudrait-il se lever et nous donner catégoriquement
l’assurance que l’on n’imposera pas de limite à la
période dont la Chambre des communes disposera pour débattre
la question une fois que le rapport du Comité aura été
déposé?
M. Munro (Hamilton-Est): Il ne s’agit pas là d’un appel au
Règlement.
M. l’Orateur adjoint: Si le leader du gouvernement désire
répondre à l’appel au Règlement, je lui donnerai la parole,
mais après l’honorable député de Kitchener (M. Lang).
M. Pinard: Monsieur l’Orateur, le très honorable chef de
l’opposition a un très éminent leader à la Chambre et je suis
convaincu qu’il pourrait beaucoup apprendre de lui au sujet
des règlements de la Chambre des communes.
M. Peter Lang (Kitchener): Monsieur l’Orateur, en ma
qualité de nouveau député, je suis fort privilégié de participer
au débat et d’avoir l’occasion de partager avec les honorables
membres de la Chambre quelques-unes des idées et points de
vues que je crois être pertinents à la discussion sur la constitution.
Afin de prendre connaissance d’un grand nombre des
questions constitutionnelles dont nous sommes actuellement
saisis, j’ai dû, depuis quelques mois, agir un peu comme
l’étudiant qui se bourre le crâne en prévision d’un important
examen.
Ce faisant, toutefois, je suis tombé sur certains points de
vues qui, à mon avis, seraient utiles au débat. Je pense à un en
particulier, et je cite:
J’avoue que je n’approuve pas sans réserve cette constitution à l’heure actuelle,
mais, Monsieur, je ne saurais dire que je ne l’approuverai jamais, car, dans ma
longue vie, j’ai souvent dû, à cause d’un complément de renseignements ou d’un
approfondissement de la question, changer, même sur des sujets importants,
d’opinions que je croyais jusque-là fondées. C’est pourquoi, plus je vieillis, plus je
suis porté à douter du jugement que je porte sur autrui.
Néanmoins, je doute que toute autre accord que nous puissions conclure puisse
donner une meilleure constitution; car, lorsque l’on réunit un groupe d’hommes,
afin de pouvoir profiter de leur sagesse collective, on réunit inévitablement avec
eux tous leurs préjudices, leurs passions, leurs opinions erronées, leurs intérêts
particuliers et leurs égoïsmes. Peut-on attendre quelque chose de parfait d’une
telle réunion?
C’est pourquoi, monsieur, je suis renversé de constater que le régime que nous
connaissons soit si proche de la perfection; et je crois que cela renversera nos
ennemis qui attendent avec confiance d’entendre que nos avocats sont remplis de
confusion comme ceux des constructeurs de la tour de Babel et que nos États
sont sur le point de se séparer, mais uniquement pour se réunir de nouveau par la
suite pour se trancher la gorge les uns les autres. Voilà pourquoi, Monsieur, je
consens à cette constitution-parce que je n’attends rien de mieux et parce que
je ne suis pas convaincu qu’elle ne soit pas la meilleure qui soit. L’idée que je
m’étais faite de ses lacunes, je la sacrifie dans lintérêt commun.
23 octobre 1980 DÉBATS DES COMMUNES 404A7
4048 DÉBATS DES COMMUNES 23octobre 1980
La constitution
Cette citation vient d’un homme qui était un entrepreneur,
un philosophe, un inventeur et un homme d’Etat de renommée
mondiale. Il s’agit de Benjamin Franklin et, ces paroles, il les a
prononcées lors du congrès constitutionnel de Philadelphie en
1787, soit il y a près de deux siècles.
La situation dont parlait Franklin se rapproche sensiblement
de celle dans laquelle nous, les députés, nous retrouvons aujourd’hui
au moment où nous étudions cette résolution portant
sur la constitution. Tout comme les pères de la Constitution
américaine, nous avons hérité d’une suite d’échecs, depuis 53
ans, dans nos tentatives pour en arriver à un consensus national
sur la Constitution. Il ne faut pas que notre recherche
d’une quelconque et insaisissable perfection constitutionnelle
puisse paralyser la nécessité et le devoir que nous avons de
gouverner le Canada avec efficacité.
Si nous devons tirer des leçons de l’histoire, nous devons, de
toute évidence, insister sur le renouvellement de la Constitution
malgré les hauts cris de ceux qui voudraient étudier la
question un peu plus longtemps à la Chambre, un peu plus
longtemps en comité ou un peu plus longtemps avec les
provinces.
Ce qui peut paraître comme étant un calendrier arbitraire
pour l’étude de la résolution sur la constitution n’est en fait
qu’un recours réaliste que notre gouvernement doit prendre au
lendemain du référendum québécois. Si le gouvernement choisissait
de différer encore une fois le processus, il se déroberait
manifestement à ses responsabilités nationales. On a fait une
promesse à la population du Québec et du Canada pour ce qui
est du renouvellement de la constitution et cette promesse, il
faut la tenir. De fait, la politique du gouvernement en matière
de renouvellement de la Constitution doit avant tout tenir
compte des voeux de la population du Canada.
Un sondage Gallup mené à l’extérieur du Québec avant le
référendum a révélé que 68 p. 100 de toutes les personnes
interrogées préféraient un fédéralisme renouvelé, alors que
seulement 32 p. 100 optaient pour nos dispositions constitutionnelles
actuelles.
Comme la résolution de l’honorable député d’Edmonton-Est
(M. Yurko) l’a prouvé en recevant l’appui unanime de la
Chambre, le principe du rapatriement avec une formule
d’amendement fait l’unanimité au sein du Parlement du
Canada. Presque tous les Canadiens conviennent qu’un pays
indépendant et souverain comme le nôtre ne devrait pas être
obligé de s’en remettre au Parlement d’un autre pays indépendant
et souverain pour changer sa constitution. Un grand
nombre de premiers ministres provinciaux, et la déclaration
que le premier ministre du Nouveau-Brunswick a faite en fin
de semaine en témoigne, appuient aussi en principe l’idée de
rapatriement.
Je voudrais tracer un deuxième parallèle entre la confédération
et l’établissement de l’AANB; c’est que la situation qui a
précédé la confédération est comparable à celle que nous
connaissons aujourd’hui. Nous avions la région de l’Atlantique,
l’est du Canada ou Québec ou Bas-Canada, ainsi que l’ouest
du Canada ou Ontario. Les dirigeants de ces régions ne
pouvaient s’entendre sur un accord en vue de créer un seul
gouvernement fédéral, et ce n’est que grâce à la persévérance
et à l’insistance de George Brown qu’un comité mixte a vu le
jour en 1864. M. Brown, en qualité de président de ce comité,
a joué un rôle prépondérant dans la rédaction du document qui
est éventuellement devenu l’Acte de l’Amérique du Nord
Britannique. Ce n’est pas la première fois que l’on demande à
un comité de discuter d’amendements et d’en proposer et
d’étudier des projets de constitution. C’est comme cela que
l’AANB a vu le jour. C’est pourquoi je ne comprends pas la
consternation et les sautes d’humeur du parti Conservateur
quand il est question de déférer la résolution à un comité.
Monsieur l’Orateur, je constate qu’il approche 1 h 00, mais
certains de mes amis m’ont demandé de poursuivre et c’est ce
que je vais faire.
Des voix: D’accord!
M. Lang: Notre responsabilité envers la population du
Canada, c’est d’abord et avant tout d’assurer que l’intérêt
national est préservé. De toute évidence, il y va de l’intérêt
national de rapatrier la Constitution. Pour que le rapatriement
soit plus qu’un simple geste symbolique, il faut absolument y
inclure une formule d’amendement. Depuis près d’un mois,
nous entendons quelques-uns des premiers ministres provinciaux
et certains députés de la Chambre des communes condamner
les initiatives du gouvernement relativement à la
constitution et les qualifier de dictatoriales et d’indignes du
Canada. Le chef de l’opposition (M. Clark) nous a dit que cela
menaçait de «rompre l’équilibre fondamental qui est au coeur
même de notre régime fédéral depuis la création du Canada».
Penchons-nous un instant sur cette affirmation et examinons-
la avec soin, en particulier les mots «depuis la création du
Canada». L’honorable chef de l’Opposition semble oublier que,
lorsque les Pères de la Confédération étaient en train de fonder
le pays, une guerre civile faisait rage aux Etats-Unis. Comme
l’honorable député de Sault-Sainte-Marie (M. Irwin) l’a
signalé dans son allocution, sir John A. Macdonald a très
clairement insisté sur la nécessité d’un gouvernement central
fort afin de combler la grave lacune du régime américain qui,
elle, n’a été comblée qu’après la perte de millions de vies.
e (0100)
Malgré la tentative du chef de l’opposition (M. Clark) de
récrire l’Histoire, il est évident que l’équilibre fondamental
dont il parle n’est pas tant un équilibre que la répartition des
pouvoirs entre deux niveaux de gouvernement avec prédominance
du gouvernement central. Du moins, c’est ce que les
Pères de la Confédération envisageaient. L’évolution du fédéralisme
canadien est cependant une histoire un peu différente.
Au cours des ans, les provinces ont acquis de plus en plus de
pouvoirs à mesure que le gouvernement fédéral tentait de
prendre en considération leurs besoins et leurs préoccupations.
Et il y a près de cinquante-trois ans que le gouvernement
fédéral essaie d’en arriver à un accord avec les provinces au
sujet d’une formule d’amendement. Entre-temps, notre indépendance
a été confirmée par le Statut de Westminster en
1931. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les forces Canadiennes
ont combattu pour la première fois sous les ordres de
généraux canadiens. En 1949, la Cour suprême devenait le
dernier recours juridique au Canada, à la place d’une Cour
britannique et, la même année, le Parlement acquérait le
pouvoir de modifier certaines parties de notre constitution. En
1952, pour la première fois, un Canadien était nommé gouverneur
général. En 1965, nous avons choisi le drapeau de notre
pays et, plus tôt cette année, nous avons adopté officiellement
un hymne national. C’est maintenant le rapatriement combiné
à une formule d’amendement qui devient la clé de l’indépen-
DÉBATS DES COMMUNES 23 octobre 1980 4048
DÉBATS DES COMMUNES
dance totale-nous libérant des derniers vestiges du colonialisme.
Des voix: Bravo!
M. Lang: Le processus a été graduel. Mais les forces qui
préconisent la séparation du Québec n’ont pas vu le jour
subitement non plus. Et quand le résultat final du vote a été
connu le soir du 20 mai, il est devenu clair que nous avions du
travail à faire. Tergiverser encore plus longtemps sur la question
de la réforme constitutionnelle serait une erreur fatale. Il
y a un temps pour les compromis et la négociation, et il y a un
temps pour passer à l’action. Nous en sommes rendus au temps
de passer à l’action.
Des voix: Bravo!
M. Lang: Mais ce n’est pas là l’unique raison qui doive nous
inciter à agir rapidement. Comme l’a souligné dans son discours
magistral le ministre de la Justice (M. Chrétien), nous
devons agir immédiatement pour créer le momentum nécessaire
à une réforme plus poussée. Le Canada, en tant que
nation, a beaucoup trop de potentiel économique pour être
continuellement empêtré dans un processus interminable de
négociations constitutionnelles. Le but de la présente résolution
sur la constitution est d’éliminer les doutes, les incertitudes
et les impasses qui ont marqué les pourparlers constitutionnels.
Cela demande du leadership, et le leadership exige du
courage. Le Parti libéral ne manque ni de l’un ni de l’autre,
monsieur le Président, et pour finir, je voudrais prier les
membres de l’opposition de se débarrasser de leurs doutes, de
leurs craintes et de leur désunion. Aucune constitution n’est
parfaite. Quelle que soit la mesure de perfection ou d’imperfection
de la résolution qui nous est présentée, tous les députés
doivent reconnaître qu’une constitution est un acte de foi-foi
dans le peuple canadien, foi dans les générations de Canadiens
qui maintiendront l’esprit de tolérance et d’équité qui a profondément
marqué notre passé et, je l’espère, marquera aussi
notre avenir.
Des voix: Oh, oh!
Des voix: Bravo!
M. l’Orateur adjoint: A l’ordre! A l’ordre! A l’ordre! Conformément
aux dispositions de l’article 33 du Règlement …
Des voix: Oh, oh!
M. l’Orateur adjoint: Conformément aux dispositions du…
M. Wenman: Monsieur l’Orateur, je demande la parole.
Des voix: Oh, oh!
Des voix: Bravo!
M. Wenman: Monsieur l’Orateur. Monsieur l’Orateur, je
veux que l’on me donne le droit de parole. Je …
M. l’Orateur adjoint: A l’ordre, s’il vous plaît!
Des voix: Bravo!
Des voix: Oh, oh!
M. Cossitt: Monsieur l’Orateur …
La constitution
Des voix: Oh, oh!
M. Cossitt: Monsieur l’Orateur …
M. Wenman: Je demande le droit de parole. Je ne m’asseoirai
pas avant d’avoir été entendu.
M. l’Orateur adjoint: A l’ordre! A l’ordre!
Des voix: Oh, oh!
Des voix: Bravo!
M. Wenman: J’exige la protection de la Chambre. J’exige
du gouverneur général du Canada-j’exige le droit de parole
maintenant.
M. l’Orateur adjoint: A l’ordre, s’il vous plaît. A l’ordre, s’il
vous plaît!
M. Wenman: Je demande le droit de parole et je vais parler.
La Charte des droits au Canada est-ceci est une moquerie.
C’est une moquerie, M. l’Orateur, à cause même de la Charte
en question. J’exige d’avoir la liberté de parole dans cette
Chambre. C’est une Charte hypocrite. On m’enlève mes
droits-non seulement mes droits, mais ceux de tous les intervenants
dans cette Chambre. M. l’Orateur, j’exige qu’on m’accorde
mes droits. Je ne m’asseoirai pas avant d’avoir parlé.
M. l’Orateur adjoint: A l’ordre, s’il vous plaît. La parole est
au député de Pembina (M. Elzinga) sur une question de
privilège. Le député de Pembina sur une question de privilège.
M. Peter Elzinga (Pembina): Merci, monsieur l’Orateur. En
mon nom et au nom de mes collègues, je demande qu’on me
permette de participer à ce débat. Nous sommes responsables
devant ceux qui nous ont élus et j’entends assumer cette
responsabilité.
Des voix: Bravo!
M. Elzinga: Lors de sa conférence de presse, le premier
ministre a promis de donner à tous les députés l’occasion de
participer à la discussion sur la constitution. Il est revenu sur
sa promesse.
Des voix: Oh, oh!
Des voix: Bravo!
M. l’Orateur adjoint: Je prie les députés de s’asseoir. Un
député a la parole sur une question de privilège et la courtoisie
exige que les autres écoutent leurs collègues à qui j’ai donné la
parole. Je prie donc les autres de s’asseoir. Je donne la parole
au député sur une question de privilège. Je suis sûr que ses
collègues lui accorderont au moins cette marque de politesse.
M. Elzinga: Merci, monsieur l’Orateur. Lors de sa conférence,
le premier ministre a dit que tous les députés auraient
l’occasion de participer à ce débat. Il est évident que tous ceux
d’entre nous qui venons d’ailleurs que de la partie centrale du
Canada ressentons profondément le besoin de participer au
débat parce que, effectivement, cette résolution fait de tous les
citoyens, habitant hors du Québec et de l’Ontario, des citoyens
de seconde classe.
23 octobre 1980 4049
4050DÉBAS DE COMUNES23 octobre 1980
La constitution
Des voix: Bravo!
M. Elzinga: Cette résolution vient encore confirmer le sentiment
d’aliénation qui se fait jour chez les Canadiens de
l’Ouest. Plusieurs croient fermement que le premier ministre
aggrave la situation. Nous espérons pouvoir participer au
débat pour leur montrer qu’ils ont une voix dans le débat
constitutionnel, et que cette voix a été étouffée par la motion
de clôture du gouvernement libéral.
Des voix: Bravo!
Une voix: Le vote!
M. Wenman: Monsieur l’Orateur, je demande …
M. Cossitt: Une question de privilège!
M. l’Orateur adjoint: La présidence est d’avis qu’il n’y a pas
de question de privilège, que le Règlement de la Chambre a été
observé. Le Règlement de la Chambre a été observé. Il est de
mon devoir …
Des voix: Oh, oh!
M. l’Orateur adjoint: … d’interrompre le débat.
Des voix: Oh, oh!
M. Cossitt: Cet homme est un dictateur!
M. Wenman: Vous ne ferez pas cela. Nous devons être
entendus. Le député de Fraser Valley West va participer au
débat.
M. l’Orateur adjoint: A l’ordre!
Des voix: Oh, oh!
M. l’Orateur adjoint: … soulevé par le député …
Des voix: Oh, oh!
M. Cossitt: Qui dirige ce pays?
Des voix: Oh, oh!
M. l’Orateur adjoint: A l’ordre! A l’ordre s’il vous plaît!
M. Cossitt: Une question de privilège.
Des voix: Oh, oh!
M. l’Orateur adjoint: A l’ordre, s’il vous plaît. A l’ordre, s’il
vous plaît. A l’ordre, s’il vous plaît. A l’ordre! A l’ordre, s’il
vous plaît.
M. Wenman: Je ne m’asseoirai pas.
M. l’Orateur adjoint: A l’ordre! A l’ordre! A l’ordre, s’il
vous plaît. Le député de Pembina (M. Elzinga) a eu la parole
sur une question de privilège. Je l’ai écouté et je vais appliquer
le Règlement à la question que le député a soulevée. Le député
de Pembina.
Après avoir écouté attentivement le député de Pembina, je
trouve que les dispositions …
Des voix: Oh, oh!
M. Cossitt: Monsieur l’Orateur …
M. l’Orateur adjoint: A l’ordre, s’il vous plaît. Je prie le
député de Leeds (M. Cossitt) de bien vouloir s’asseoir. Seriezvous
assez aimable pour vous asseoir?
Des voix: Oh oh!
M. Cossitt: Non!
Des voix: Oh, oh!
M. Wenman: Non!
M. Cossitt: Je demande la parole.
M. Wenman: Je demande le droit de parler de la constitution
au nom des gens de ma circonscription. Nous n’avons pas
été entendus. Les députés d’en face n’ont pas été entendus non
plus.
Des voix: Oh, oh!
M. l’Orateur adjoint: J’ai écouté la question de privilège
soulevée par le député de Pembina et je juge qu’il n’y a pas de
point de privilège en cause, que le Règlement de la Chambre
est observé.
Des voix: Oh, oh!
M. Wenman: Je demande la parole. Il est de mon devoir de
protéger mes droits à titre de député.
Des voix: Oh, oh!
M. l’Orateur adjoint: J’ai le devoir d’interrompre le débat et
de mettre aux voix toutes les motions …
Des voix: Oh, oh!
M. l’Orateur adjoint: . . . relatives à la question.
Des voix: Oh, oh!
M. Wenman: Je demande la parole immédiatement.
Des voix: Oh, oh!
M. l’Orateur adjoint: Je vais prendre le vote. Le vote a trait
à l’amendement proposé par le député de Carleton-Charlotte
(M. McCain).
M. Wenman: Je demande la parole.
M. Cossitt: Monsieur l’Orateur …
Des voix: Oh, oh!
M. Wennan: Monsieur l’Orateur, nous voulons la parole …
4050 DÉBATS DES COMMUNES 23 octobre 1980
23 octobre 1980 DÉBATS DES COMMUNES
Des voix: Oh, oh!
0 (0110)
M. Cossitt: Monsieur l’Orateur, nous voulons la parole.
Des voix: Oh, oh!
M. Wenman: Je réclame la parole.
Une voix: Non!
[Note de l’éditeur: A ce moment, des députés quittent leur
place et s’approchent de la Présidence.]
Une voix: Je réclame le droit d’être entendu sur la
constitution.
M. l’Orateur adjoint: A l’ordre, s’il vous plaît. Je rappelle
aux députés qu’ils ne peuvent prendre la parole qu’à partir de
leur siège.
Selon le Règlement de la Chambre, la parole n’est accordée
qu’aux députés qui sont à leur place respective. Les députés ne
peuvent avoir la parole s’ils sont ailleurs qu’à leur siège.
Une voix: Je réclame la parole.
M. l’Orateur adjoint: A l’ordre, s’il vous plaît. Je rappelle
aux députés l’article 12(2) du Règlement qui se lit comme suit:
Lorsque l’Orateur met une proposition aux voix, il est interdit à tout député
d’entrer dans la Chambre, d’en sortir ou d’aller d’un côté à l’autre de la salle, ou
encore de faire du bruit ou de troubler l’ordre.
Une voix: Je réclame la parole!
Une voix: Nous voulons la parole!
M. l’Orateur adjoint: A l’ordre, s’il vous plaît. Je demande
aux députés de reprendre leur siège et d’observer le Règlement
de la Chambre.
Une voix: Je réclame la parole!
M. Siddon: C’est notre constitution qui est en jeu.
Une voix: Nous sommes en pays libre. J’ai droit de parole.
Une voix: Défendons la démocratie.
Des voix: Nous avons droit de parole.
Une voix: Que se passe-t-il? Comment peut-il (Trudeau)
mener le pays tout seul, comme il le fait?
M. l’Orateur adjoint: J’invite fortement les députés à respecter
le Règlement et à reprendre leur siège. J’engage les
députés à retourner à leur place.
Une voix: Je réclame la parole.
M. l’Orateur adjoint: J’engage les députés à reprendre leur
siège.
Une voix: Le premier ministre a trompé la Chambre.
Une voix: Je réclame la parole.
M. Chrétien: Où donc est le chef de l’autre côté de la
Chambre?
Une voix: Je réclame la parole.
Une voix: Est-ce là la liberté de parole?
Une voix: Et la Loi des mesures de guerre?
M. l’Orateur adjoint: A l’ordre s’il vous plaît. Je demande
aux députés de reprendre leur siège.
M. Dick: Question de privilège!
Une voix: Rapatrions la constitution!
Une voix: Que fait-on de l’accord de Vancouver?
La constitution
Une voix: Question de privilège!
M. l’Orateur adjoint: Que tous ceux qui sont pour l’amendement
veuillent bien dire oui.
Des voix: Oui!
M. l’Orateur adjoint: Que tous ceux qui sont contre veuillent
bien dire non.
Des voix: Non!
M. l’Orateur adjoint: A mon avis, les non l’emportent.
Et plus de cinq députés s’étant levés:
M. l’Orateur adjoint: Que l’on convoque les députés.
(L’amendement de M. McCain, mis aux voix, est rejeté.)
e (0200)
(Vote n 17)
POUR
Messieurs
Althouse
Andre
Baker
(Nepean-Carleton)
Beatty
Benjamin
Blenkarn
Bosley
Bradley
Broadbent
Cardiff
Carney (Mlle)
Clark
(Yellowhead)
Clarke
(vancouver Quadra)
Coates
Cook
Cooper
Cossitt
Crombie
Crosbie
(Saint-Jean-Ouest)
Crouse
Dantzer
Darling
Deans
Dick
Dinsdale
Domm
Ellis
Elzinga
Epp
Fennell
Fraser
Fretz
Friesen
Fulton
Gamble
Gass
Greenaway
Gustafson
Halliday
Hamilton
(Qu’Appelle-Moose
Mountain)
Hamilton
(Swift Current-Maple
Creek)
Hargrave
Hawkes
Hees
Hnatyshyn
Hovdebo
Howie
Jarvis
Jelinek
Jewett (MI,-)
Keeper
Kempling
Kilgour
King
Knowles
Kushner
Lambert
La Salle
Lewis
MacKay
Malone
Manly
Mayer
Mazankowski
McCain
McCuish
McDermid
McGrath
McKenzie
McKinnon
McKnight
McLean
McMillan
Miller
Mitchell
(M »‘.)
Mitges
Munro
(Esquimalt-Saanich)
Murta
Neil
Nickerson
Nielsen
Nowlan
Nystrom
Oberle
Ogle
Orlikow
Patterson
Rae
Reid
(St. Catharines)
Riis
Robinson
(Burnaby)
Roche
Rose
Sargeant
Schellenberger
Scott
(Hamilton-Wentworth)
Scott
(victoria-Haliburton)
Shields
Siddon
Skelly
Speyer
Stewart
Taylor
Thacker
Thomson
Towers
vankoughnet
Waddell
Wenman
Wilson
Wise
Wright
Young-113.
CONTRE
Messieurs
Allmand
Appolloni
(Mme)
Axworthy
Bachand
Baker
(Gander-Twillingate)
Beauchamp-Niquet
(Mme)
Biais
Blaker
Bloomfield
Bockstael
Bossy
Breau
Bujold
Bussières
Caccia
Campbell
(Ml t)
(South West Nova)
DÉBATS DES COMMUNES 23 octobre 1980
La constitution
Messieurs Messieurs
Campbell
(Lasalle)
Chénier
Chrétien
Collenetie
Corbin
Corrîvean
Cosgrove
Côté (Mmc)
Cousineau
Cullen
Cyr
Daudlin
Dawnon
De Banc
de Corneille
Demers
Desmarais
Dîngwall
Dion
Dionne
(Chicoutimi)
Dionne
(Northunmberland-
Mîramîchi)
Dubois
Duclas
Dupont
Dupras
Duquel
Erola (Mae)
Ethier
Evans
Ferguson
Fisher
Fleming
Flîs
Foster
Fou
Frith
Garant
Gauthcer
Gendron
Gimaiel
Gingras
Gourd
Gray
Guîlbault
Harquail
Henderson
Herbert
Hervîcux-Payetie
(Mciv)
Hopkins
Hudecki
Ir.in
Isabelle
Johnston
Joyal
Kaplan
Kelly
Kîllens (Mac)
Lachance
Laj oie
J alonde
Lamoniagne
Landers
Lang
Laniel
Lapierre
Lapointe
(Charlevoix)
Lapai nte
(Beauce)
LeBlanc
Leduc
Loîse île
Lonsdale
MacBain
MacEachen
MacGuigan
Mackasey
MacLa ren
MacLi cho
Maltais
Marceau
Mme le Président: Je déclare l’amendement rejeté.
[Français]
Le vote porte maintenant sur la motion principale. Que tous
ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Des voix: Oui.
Mme le Président: Que tous ceux qui sont contre la motion
veuillent bien dire non.
Des voix: Non.
Mme le Président: A mon avis, les oui l’emportent.
Et plus de cinq députés s’étant levés:
Mme le Président: Que l’on convoque les députés.
(La motion de M. Chrétien, mise aux voix, est adoptée.)
(Vote n, 18)
POUR
Messieurs
Axwonihy
Bachand
Baker
(Gander-Tîvîllîngate)
Beauchamp-Niquet
Benjamin
Biais
Masse
Masters
McCauley
McRac
Munro
(Hamilton-Est)
Nicholson
(Mlle)
Olivier
Ostîguy
Oucîlet
Parent
Pelletier
Penner
Pepîn
Peterson
Pinard
Prud’homme
Regan
Reid
(Kenora.Raîny River)
Roberts
Robinson
(Etobicoke-Lakeshore)
Rompkey
Rossi
Roy
Savard
Schroder
Sîmmons
Smith
Stollery
Tardif
Tessier
Tobin
Tousîgnani
Trudeau
Turner
Veilletie
Watson
Weatherhead
Whelan
Yanakis -134.
Blaker
Bloomfield
Bockstael
Bossy
Breau
Broadbent
Bujold
Bussiéres
Caccia
Campbell
(Mile)
(South West Nova)
Campbell
(Lasalle)
Chénier
Chrétien
Collenette
Corbin
Corriveau
COsgrOve
Côté (Miie)
Cousineau
Calen
Cyr
Daudlin
Dawson
Deans
De Bané
de Corneille
Demers
Desmaraîs
Dingsval
Dion
Dionne
(Chicoutimi)
Dionne
(Northumberland-
Miramichi)
Du bois
Duclos
Dupont
Dupras
Duquel
Erola (Mmc)
Ethier
Evans
Fergu son
Fisher
Fleming
Flîs
Foster
Fou
Fulito
Garant
Gauthier
Gendron
Gîmnaiel
Gîngras
Gourd
Gray
Gailbault
Harquail
Henderson
Herbert
Hervicax-Payette
(M .. )
Hopkins
Hadecki
Hovdeho
Irwin
Isabelle
Jemeit (Mlle)
Johnston
Joyal
Kaplan
Keeper
Kelly
Kîllens (Mmc)
Knowles
Lachance
Lajote
Lalonde
La montagne
Landers
Lang
Lac tel
Lapierre
Lapointe
(Charlevoix)
Lapoinie
(Beauce)
LeBlanc
Leduc
Lot se île
Lonsdalc
MacBain
MacEachen
MacGuigan
Mackasey
MacLaren
MacLcllan
Maltais
Manly
Marceau
Massé
Masters
McCaulcy
CONTRE
Messieurs
Avère
Baker
(Nepean-Carirîcon
Beatty
B le nkar n
Bosley
Bradley
Cardiff
Carney (Mule)
Clark
(Yellosvbead)
Clarke
(Vancouver Quadro)
Coates
COOk
Cooper
Cromhic
Croshie
(Saint-Jean Ouest)
CrOuse
Dantzer
Darling
Dick
Dînsdate
Domm
Ellîs
Epp
Fraser
Fret z
Gambhie
Gass
Greenaway
Gustafson
Hallîday
Hamilton
(Qu’Appelle-Moose
Mountaîn>
Hamilton
(Swift Curreni-Maple
Creek)
Hargrace
Hawekes
Hees
Hnatyskyn
Hoscie
Jarvis
Jelinck
Kemplîng
Kilgour
Kushncr
Lambert
La Salle
Lewis
Mac Kay
Malone
Mayer
Mazankowski
McCaîn
McCuish
McDermid
McGrath
MeKenze
McKînnon
McKnight
McLean
MeMillan
Maîges
Munra
(Esquimalt-Saanich)
4052
McRae
Miller
Mitchell
(Mme)
Macro
( Hamilton-Est)
Nicholson
(Mile)
Nystrom
Ogle
Olivier
Orlikose
Ostiguy
Oucîlet
Parent
Pelletier
Penner
Pepîn
Peterson
Pinard
Prud’homme
Roc
Regan
Reid
(Kenora-Rainy River)
Riis
Roberts
Robinson
(Etohicoke-Lakeshore)
Rompkey
Rose
Rossi
Roy
Sargeaut
Savard
Sebroder
Simmons
Skclly
Smith
Stollery
Tardif
Tessier
Tobin
Tousîgnani
Trudeau
Turner
Veillette
Waddel
Watson
Weaiherhead
Whelan
Yana k is
Young- 156.
A lIma cd
Alikouse
Appalloiro
(Mmc>
23 octobre 1980
Messieurs
Robinson
(Burnaby)
Roche
Schellenberger
Scott
(Hamilton.Wentworth)
Scott
(Victoria-Haliburton)
Shields
Siddon
Speyer
Stewart
Taylor
Thomson
Towers
vankoug(
Wilson
Wise
Wright-
DÉBATS DES COMMUNES 4053
0 (0205)
[Traduction]
Mme le Président: Je déclare la motion adoptée.
Comme il est 2 heures du matin, la Chambre s’ajourne à 1l
heures ce matin, en conformité de l’article 2(l) du Règlement.
iflet
(A 2 heures du matin le vendredi 24 octobre, la séance est
83. levée d’office, en conformité du Règlement.)
Murta
Nickerson
Nielsen
Nowlan
Oberle
Patterson
Reid
(St. Catharines)
Cacher