Canada, Débats de la Chambre des communes, « Le projet de résolution concernant la loi constitutionnelle de 1981 », 32e parl, 1re sess (4 mars 1981)
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Date: 1981-03-04
Par: Canada (Parlement)
Citation: Canada, Parlement, Débats de la Chambre des communes, 32e parl, 1re sess, 1981 à 7894-7909.
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LA CONSTITUTION
LE PROJET DE RESOLUTION CONCERNANT LA LOI
CONSTITUTIONNELLE DE 1981
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[Traduction]
La Chambre reprend le débat sur la motion de M. Chrétien, appuyé par M. Roberts, concernant une Adresse à Sa Majesté la reine relativement à la Constitution du Canada.
Et sur l’amendement de M. Epp, appuyé par M. Baker (Nepean-Carleton): Qu’on modifie la motion à l’annexe B de la résolution proposée en supprimant l’article 46 et en apportant à l’annexe toutes les modifications qui découlent de cette suppression.
M. Bill Vankoughnet (Hastings-Frontenac-Lennox et Addington): Madame le Président, je suis heureux d’avoir l’occasion de terminer l’allocution que j’ai commencée hier soir au sujet du débat constitutionnel.
Depuis que le premier ministre (M. Trudeau) et son gouvernement sont au pouvoir, c’est-à-dire depuis trop longtemps, notre économie pâtit. Le chômage, l’inflation et les taux d’intérêt n’ont jamais été aussi élevés. On nous a imposé la conversion au système métrique et le contrôle des armes à feu, de même qu’une politique en matière de bilinguisme qui n’était pas nécessire dans bien des régions du Canada. On nous a imposé un programme énergétique qui a grandement compromis nos chances d’en arriver à l’autosuffisance énergétique et qui nous mène droit au socialisme. Nous attendons toujours le budget qui contribuerait à régler les vrais problèmes des Canadiens.
Les tenants des changements constitutionnels appartiennent à un parti qui a contribué pour beaucoup à semer la zizanie au Canada, un parti qui ne peut prétendre représenter toutes les régions du Canada et qui semble pourtant résolu à imposer au peuple des mesures impopulaires. On entend dire que le premier ministre et son gouvernement trompent la population canadienne par leur manque de franchise. De nombreux Canadiens ont combattu et sont morts pour la survie de notre régime. Ceux-là et leurs ancêtres, et nos alliés du monde libre seraient sans doute un peu sceptiques s’ils se faisaient dire que ce régime doit être modifié, surtout par quelqu’un qui n’a peut-être pas voulu se battre pour son pays à une certaine époque.
Monsieur l’Orateur, par sa conduite passée, le gouvernement actuel n’a pas acquis le droit ne serait-ce que d’envisager de rapatrier et de modifier unilatéralement la constitution. Le gouvernement fédéral actuel a tellement abusé des provinces et des Canadiens dynamiques que l’on ne peut qu’accueillir avec méfiance toute tentative de sa part de poser un geste aussi controversé à propos d’une question aussi importante. Le Canada représente beaucoup pour beaucoup de gens.
C’est notre patrie; peu d’entre nous voudraient la quitter pour vivre aillleurs dans le monde; par contre, beaucoup de gens de partout dans le monde veulent et viennent habiter ici. Le Canada est reconnu pour la liberté, la justice et le respect de la règle du droit. Le Canada, c’est dix provinces et deux territoires habités d’un océan à l’autre par des gens venant d’une foule de cultures diverses. Nous avons des ressources en abondance et nous sommes animés d’un immense espoir. Nous avons beaucoup accompli et nous avons un brillant avenir devant nous. Nos richesses actuelles et notre potentiel proviennent en grande partie de notre passé. Nous avons un bon régime; un régime durable fondé sur la monarchie constitutionnelle et la démocratie parlementaire.
Toutes ces grandes qualités du Canada n’ont pas été acquises en 54 ans, ni même en 114 ans; elles ont été forgées au cours des siècles en se fondant sur les précédents et en empruntant aux régimes qui avaient fait leurs preuves avec le temps. Nous faisons bon usage de nos droits. Il faut faire en sorte que notre système politique, qui a subi avec succès l’épreuve du temps, et qui est fondé sur le régime parlementaire, le droit coutumier et la Couronne, continue de nous bien servir à l’avenir. Il faut empêcher que nous glissions vers un régime socialiste, que certains prédisent déjà. Il faut s’assurer que le Canada ne devienne pas un État unitaire, que certains voient déjà se profiler à l’horizon. Il faut combattre ces idéologies et lutter pour préserver et améliorer la fédération parlementaire dans laquelle nous vivons.
Il ne faut pas oublier que le gouvernement est au service du peuple et non le contraire. Du moins, c’est ainsi qu’il en a été au Canada et dans le monde libre, et c’est exactement ce qu’il faut conserver. Les droits ne sont pas une émanation de l’Etat, ils sont des choses inaliénables et innées dans l’être humain. On a toujours ces droits, quelle que soit la façon dont les différents gouvernements peuvent les envisager.
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Nous avons hérité d’un précieux patrimoine dans notre régime qui respecte et protège les droits et les libertés et, que ces règles soient écrites ou non, nous devons nous assurer que nous continuerons à les observer à l’avenir. Nous devons nous méfier de ceux qui prônent des idéologies suspectes et qui voudraient changer le Canada, que ce soit dans leur propre intérêt ou dans l’intérêt d’une philosophie plus globale, contraire à nos traditions.
Cela peut se faire graduellement sous le couvert de l’éloquence ou d’un charisme quelconque et c’est exactement ce dont doivent se méfier les Canadiens. Reportez-vous en arrière et regardez ensuite vers l’avenir, et voyez ce qui se passe depuis les 12 ou 13 années où notre pays a été sous le charme du premier ministre actuel. Réfléchissez à la précipitation avec laquelle on veut modifier notre constitution séculaire et demandez-vous: «Pourquoi?».
Monsieur l’Orateur, nous ne pouvons foncer à l’aveuglette et laisser le gouvernement actuel risquer de compromettre encore davantage l’avenir de notre pays. Je suis heureux de faire partie d’un régime qui tend sincèrement au maintien et à l’édification d’un meilleur Canada à partir de notre système actuel et de ses points forts, et non par l’imposition unilatérale et contraignante du changement pour le changement.
Des voix: Bravo!
M. Douglas Fisher (Mississauga-Nord): Monsieur l’Orateur, j’appuie sans réserve ce projet de résolution et je me réjouis que nous ayions enfin décidé de rapatrier notre constitution au Canada. Je crois que la majorité de mes commettants sont d’accord sur ce point. C’est aussi un honneur pour moi de pouvoir prendre part à ce débat. Je souhaite que le Canada soit fort et pour cela il nous faut un gouvernement central fort.
Au cours de la campagne référendaire qui a eu lieu au Québec il y a presque un an déjà, un nombre impressionnant de personnages éminents ont pris toutes sortes d’engagements sur l’avenir du Canada. Des députés, des premiers ministres provinciaux, des chefs municipaux et locaux, des représentants d’organismes bénévoles et de clubs sociaux, d’églises et d’écoles même de simples citoyens ont uni leurs voix pour convaincre les Québécois que le Canada était un pays intéressant, un pays en pleine évolution, un pays disposé à supprimer tous les obstacles qui empêchent tous et chacun de bénéficier d’une véritable unité nationale.
Le débat qui se déroule en ce moment est la suite logique de cette campagne et de ces engagements. Nous donnons suite à ses promesses. Alors que le processus n’est qu’amorcé, nous reconnaissons tous que notre vie politique a besoin du symbole d’autonomie. Que nous avons besoin des garanties et des limites fixées dans la charte des droits et des libertés. Que nous avons besoin d’une formule d’amendement à la fois souple et réaliste.
Les gens de ma région n’associent pas nécessairement ce projet de constitution avec le référendum, mais ils se rappellent volontiers les promesses qui ont été faites à cette occasion, promesses qui doivent maintenant être tenues. Nous savons que les honnêtes gens qui ont voté majoritairement pour le Canada veulent maintenant nous voir défendre notre position. Nous savons également que les autres qui ont voté avec la minorité contre le Canada, restent à l’affût, attendant notre premier faux pas.
D’une façon générale, on reconnaît que notre entreprise est l’aboutissement d’une histoire longue et parfois ennuyeuse, une histoire de lutte qui remonte à 50 ans. Examinons une peu notre proposition. Nos gouvernements vont continuer de respecter les principes établis dans l’ancienne AABN. Et pour mettre un terme au mécontentement suscité par un document désuet, nous devons établir de nouveaux rapports sans tarder. Mais nous n’en sommes pas là pour l’instant. Ces changements viendront plus tard, à la suite de négociations concrètes. Il convient pour l’instant de s’en tenir aux principes fondamentaux. Ces changements nécessaires seront apportés bientôt, toutefois, car nous serons en mesure de négocier en sachant qu’il est possible de faire adopter des amendements. La formule que nous proposons offre à tous et chacun des garanties suffisantes. D’une part, ces changements présenteront un tel défi sur le plan politique que le gouvernement fédéral se verra dans l’obligation de trouver des compromis acceptables. D’autre part, nous ferons preuve de suffisamment de souplesse pour veiller à ce que chaque gouvernement provincial s’en tienne aux faits au cours des négociations et cherche à faire les mêmes compromis de façon à rétablir l’équilibre. Cela nous permet de mieux cerner nos négociations futures et de savoir qu’il est possible d’effectuer des changements. Chacune des parties a de la puissance politique et c’est pourquoi aucune ne peut risquer de se montrer de mauvaise foi. Nous avons la possibilité de renouveler notre fédération et de la faire progresser, de l’adapter à l’avenir en toute bonne foi.
Je crois en un gouvernement central fort pour le Canada. L’autre formule d’amendement que nous a proposée l’opposition officielle affaiblirait considérablement le gouvernement fédéral.
Notre formule permet au Parlement de discuter de la résolution constitutionnelle des provinces de prendre une décision; puis aux provinces et aux régions de l’approuver après quoi, ayant reçu l’approbation générale, elle sera appliquée uniformément dans tout le pays. Avec la formule de l’opposition, différentes propositions auraient différentes répercussions sur les différentes provinces, selon le fameux principe du damier. Certains adversaires de cette formule ont fortement protesté, prétextant que tout au Canada, du Code de la route à la réforme des pensions, était déjà soumis à ce principe. Cet argument, et particulièrement avec ces exemples, ne fait qu’éluder la question.
Certaines règles doivent s’appliquer uniformément à tous les Canadiens. Nous sommes en train d’étudier des principes fondamentaux, et non pas des petites règles de moindre importance comme les limites de vitesse ou des programmes gouvernementaux négociables comme les pensions. Les mesures constitutionnelles sont tellement importantes qu’elles forment la base même de tout. Elles doivent être appliquées uniformément partout. On ne pourrait nulle part ne pas en tenir compte.
Je ne puis souscrire, par exemple, au principe du damier qui me reconnaîtrait mes droits dans certaines provinces et non pas dans les autres. Ma liberté de religion ne saurait être reconnue ou niée par une assemblée législative provinciale. Une personne handicapée a tout autant besoin de protection en Onta-
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rio qu’au Manitoba. Les droits d’une femme ne changent pas selon qu’elle habite sur la côte ouest ou la côte est. Quand nous parlons de la charte des droits inscrite dans cette résolution, il s’agit des libertés fondamentales. Nous disons en fait à tous les niveaux de gouvernement, municipal, provincial ou fédéral, qu’il y a des limites que les gouvernements ne peuvent franchir. Nous affirmons que les gouvernements sont soumis à des limites, non pas les gens. La charte que nous avons en vue doit s’appliquer partout, pas seulement à quelques endroits où l’on trouve commode de l’accepter.
Des voix: Bravo!
M. Fisher: Il faut s’en tenir aux principes. Il faut retourner aux principes fondamentaux; nos libertés sont trop facilement menacées. Il faut une certaine protection. C’est pourquoi notre charte ne sera pas morcelée ni éparpillée aux quatre coins du Canada; il ne faut pas que nos droits soient éparpillés. Les Canadiens, non pas seulement quelques ou certains Canadiens, mais tous les Canadiens ont les mêmes droits.
Comme je l’ai dit il y a quelques instants, c’est notre devoir de passer à l’action sur-le-champ. Nous en avons le pouvoir. On a entendu beaucoup de discours ronflants à propos de la méthode que nous avons employée et de ses conséquences pour nos objectifs. Certains soutiennent qu’il nous faut pour agir un appui beaucoup plus large de la part des provinces. Ils semblent croire que les provinces sont nos égales ou qu’elles sont en quelque sorte plus importantes que le gouvernement fédéral. Ils estiment que nos initiatives et notre démarche détruiront la confédération. Je soutiens le contraire. J’estime que le moment est venu d’agir. La mise en oeuvre de cette résolution ne peut que renforcer le pays. Le gouvernement fédéral doit être plus qu’une voix parmi celles des différents gouvernements du Canada, en particulier dans le domaine constitutionnel. Notre devoir est de prendre les mesures qui s’imposent en matière de constitution. Le dernier mot appartient au Parlement du Canada.
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A coup sûr, nous sommes partie au pacte confédératif. Les provinces ont un rôle indépendant à jouer. Elles touchent à certains aspects de notre vie qui ne devraient pas regarder le gouvernement fédéral. Elles doivent par conséquent pouvoir faire valoir leur point de vue dans un débat aussi fondamental que celui-ci. Toutefois, lorsque les provinces refusent d’agir et que l’association se dissout, ce doit être à nous de jouer. Nous devons envisager le rôle de chaque gouvernement dans une juste perspective, et non pas dans une optique artificielle et exagérée. Les provinces ne peuvent s’exagérer leur indépendance au point de s’arroger un droit de véto. Elles ne peuvent réclamer que nos consultations et notre interdépendance marquent le règlement du débat. Prises individuellement ou ensemble, les provinces peuvent nous donner de précieux aperçus. Elles ne peuvent cependant pas se contenter de conjuguer leurs points de vue et leurs demandes et conclure-comme elles l’ont fait-que la décision finale leur appartient. Le Parlement ne peut se contenter de suivre les conseils des provinces. Certes, nous devons en tenir compte. Mais nous devons aussi tenir compte d’autres réactions et des pressions nombreuses et variées qui s’exercent dans tout le pays. Nous devons user de notre propre jugement et apporter nos propres réponses.
Dans ce débat, on a dit aux provinces que si elles voulaient que le fédéral modifie sa position, elles n’avaient qu’à proposer une meilleure solution. Elles ont eu tout le loisir de participer aux changements en cours. Au lieu de cela, elles ont perdu de vue l’objectif national et elles ont uniquement bataillé pour la satisfaction de leurs revendications régionales. Elles ont vu comme nous une occasion magnifique d’agir, de changer enfin le système, mais elles n’ont suggéré qu’une succession de mesures dilatoires. Elles ont eu leur chance, au cours de l’année qui vient de s’écouler et au cours du dernier demi-siècle, d’améliorer notre vie nationale. Maintenant que le gouvernement fédéral veut saisir l’occasion et agir, elles le traitent d’arrogant, d’impitoyable et de despotique.
Tous les députés à la Chambre ont été élus pour assumer cette responsabilité et non pour l’esquiver ou la confier à une coalition mal définie, qu’il s’agisse d’un groupe de premiers ministres ou de particuliers. Ce travail nous incombe à nous. En fait, si nous n’agissons pas, si nous reculons devant notre devoir, nous sonnerons le glas du gouvernement fédéral. On nous percevra comme un gouvernement dénué de la volonté ou de la capacité d’agir et de diriger le pays. Le Canada a besoin d’un gouvernement central fort. Le gouvernement doit présider à la destinée du pays.
Je crois que nous avons assumé nos responsabilités et que nous avons très, très bien agi. Lorsque le gouvernement fédéral a dû montrer la voie, il ne s’est pas dérobé. Des députés de tous les partis peuvent s’enorgueillir de tel ou tel aspect de la constitution auquel ils ont contribué. Contrairement à ce que pensent nos critiques, cette méthode a réussi.
Nous avons fait en sorte que tout le pays discute de notre nouvelle constitution. Grâce aux débats dont elle a fait l’objet à la Chambre et au comité, elle est devenu une question authentiquement nationale. Les députés sont loin d’avoir été d’accord, mais tous ont eu pleinement l’occasion de se faire entendre soit à la Chambre soit au comité. Tous ont également pu exprimer leur opinion, et la télévision a fait en sorte de la transmettre à la population, lui conférant ainsi une incidence accrue. Si j’en juge par le courrier que je reçois, les opinions sont de plus en plus informées et solides. Les gens qui m’écrivent ou qui m’arrêtent pour m’entretenir de cette question estiment que leur point de vue est valable et nous les écoutons. En terminant, je tiens à répéter combien je suis heureux de participer à ce débat.
Nous faisons les premiers pas pour nous doter des outils qu’il faut pour gouverner. Nous rapatrions notre constitution au Canada, nous établissons les frontières essentielles de l’action gouvernementale dans la charte et nous nous donnons les moyens de modifier la constitution à l’avenir.
Nous devons commencer tout de suite à nous servir de cet outil. Au début de mon intervention, j’ai parlé du référendum québécois en disant que nous y avions trouvé une grande motivation et pris un engagement solennel à respecter. J’aurais pu tout aussi bien parler de nos territoires septentrionaux isolés, des affrontements entre les provinces productrices et les provinces consommatrices d’énergie, des inégalités entre les régions riches et les régions pauvres, des motifs de mécontentement et des déséquilibres entre les zones urbaines et les zones rurales. Nous devons, bien sûr, nous adresser maintenant à ces groupes qui présentent de profondes différences et qui ont de
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sérieux griefs et nous mettre à recimenter notre unité nationale.
Il nous faut faire ces premiers pas et, ce faisant, nous rendons les suivants, plus importants, encore plus faciles à faire. Nous savons comment se produiront les changements. Cela permet de dégager les débris, et de nous concentrer sur les changements qui sont dans les meilleurs intérêts de tous. Nous devons modeler nos institutions et nos gouvernements pour les rendre conformes à nos besoins. Le manque d’outils appropriés nous a paralysés dans le passé. Maintenant que nous nous sommes dotés des outils qu’il faut, il nous reste à achever le travail.
Mlle Pauline Jewett (New Westminster-Coquitlam): Monsieur l’Orateur, comme d’autres députés je suis très fière de pouvoir prendre part à ce débat. Cela fait longtemps que j’estime, en fait pratiquement depuis toujours, que l’une des lacunes les plus graves de la constitution canadienne, l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, c’est qu’il ne comporte pas de charte des droits et libertés dont les dispositions soient contraignantes pour le gouvernement fédéral aussi bien que pour les gouvernements provinciaux. Par conséquent, lors du dépôt des propositions constitutionnelles l’automne dernier, c’est avec un plaisir particulier que j’ai remarqué qu’elles comprenaient une telle charte.
J’ai par contre trouvé particulièrement décourageant à la lecture du libellé exact de la charte de découvrir avec qu’elle avait été rédigée trop hâtivement et qu’elle négligeait dans une large mesure les besoins réels de nombreux Canadiens. Dans mon discours à la Chambre des communes le 23 octobre dernier j’ai d’ailleurs fait remarquer en particulier que quelles que soient ses intentions, la charte ne garantissait pas le droit des femmes à l’égalité. Elle reprend les mêmes phrases, telles que l’égalité devant la loi, qui ont été employées dans notre droit civil et coutumier ainsi que dans la déclaration canadienne des droits de M. Diefenbaker et que l’on a interprété comme signifiant l’égalité dans la façon dont la justice est rendue et non pas l’égalité dans la loi elle-même ainsi que dans sa substance même. Les propositions présentées à l’origine comportaient d’autres lacunes. Mais celle-ci sautait tellement aux yeux qu’aucune femme dans notre pays et qu’aucun membre des autres groupes jusqu’ici défavorisés, quels qu’ils soient, n’eurent le sentiment qu’on leur garantissait l’égalité.
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Un des événements les plus importants des derniers mois, ce fut la participation des Canadiens à ce débat. Un grand nombre d’entre eux ont pris la parole devant le comité spécial mixte de la constitution du Canada ou y ont présenté des mémoires. Quand les gens disent que la constitution, et notamment la charte, ne sont pas faites au Canada, je ne peux m’empêcher de rire. En effet, non seulement le projet constitutionnel a été élaboré en sol canadien par le Parlement mais, fait encore plus important, tous les amendements que le ministre de la Justice (M. Chrétien) a présentés au mois de janvier ont été proposés et façonnés par nos concitoyens dans différents groupes importants, tant au niveau provincial que national.
Les députés au Parlement fédéral et aux assemblées législatives provinciales ont peut-être tendance à oublier que la démocratie ne se limite pas à eux, qu’il n’y a peut-être pas seulement deux niveaux de gouvernement qui jouent un rôle important dans notre société démocratique, mais une troisième instance. Cette dernière intervient en général entre les élections- parce que ces gens-là eux-mêmes nous guident à cette occasion-je veux parler des groupes de particuliers, des groupes économiques, culturels, ethniques, religieux ou sexuels, de ces groupes puissants, dynamiques et démocratiques de gens dont nous, législateurs et parlementaires, oublions l’opinion à nos risques et périls. Or, c’est de cette fraction de notre société démocratique que nous avons entendu parler au cours des derniers mois.
La chose la plus judicieuse que le gouvernement ait faite a été de permettre la télédiffusion des audiences du comité de la constitution et de reporter le délai de rigueur pour la présentation de dossiers et d’exposés au comité de la constitution. Ce sont les auteurs de ces exposés et de ces mémoires, ces représentants de nos concitoyens qui ont contribué plus qu’aucun d’entre nous à améliorer la charte et à la rendre beaucoup plus puissante que celle qui avait été présentée à l’origine. Cette charte, qui est très bonne, est donc l’oeuvre de nos concitoyens. J’ai moi-même été surprise par la vigueur des arguments invoqués, surtout dans les exposés relatifs aux droits des femmes à l’égalité et par l’accord général de tous les groupes sur les amendements nécessaires. Et il ne s’agissait pas seulement de l’opinion de quelques Canadiens, mais de groupes représentant des milliers de personnes.
Je tiens à rappeler à la Chambre que d’excellents mémoires portant sur l’amélioration de la Charte du point de vue des femmes ont été présentés par le Conseil consultatif canadien de la situation de la femme, le Comité national d’action sur la condition de la femme, l’Association nationale de la femme et du droit, Indian Rights for Indian Women, le Canadian Committee on Learning Opportunities for Women, l’Association canadienne pour le droit à l’avortement, l’Association des femmes autochtones du Canada, et bien d’autres. Ce sont quelques-uns des groupes qui ont témoigné au comité. Ces groupes représentaient les femmes, dans bien des cas, les hommes aussi, non seulement à titre d’associations nationales, mais aussi à titre de groupe général réunissant bon nombre d’associations provinciales et libérales.
Parmi les mémoires qui ont été présentés, bon nombre venaient de comités provinciaux d’action sur la condition de la femme, de comités féminins pour la réforme constitutionnelle, de clubs de femmes d’affaires et professionnelles, de la Catholic Women’s League, des Federated Women’s Institutes of Canada, du Conseil national des femmes du Canada, et par son entremise, des conseils provinciaux et locaux des femmes, du Conseil national des femmes juives du Canada, de plusieurs conseils consultatifs provinciaux de la condition de la femme et, dans certains cas, de conseils municipaux, comme le Vancouver Status of Women, qui a présenté un excellent mémoire, de Women for Political Action, de nombreuses succursales du YWCA, de même que de l’organisme national, de plusieurs clubs universitaires, de certains centres de recherche et de plusieurs centres pour les femmes, un notamment qui est très près de ma circonscription, le Port Coquitlam Women’s Centre. Ce n’est qu’une liste partielle des groupes de femmes canadiennes qui voulaient que la charte soit constitutionnalisée, mais qui tenaient en même temps à ce que la charte soit la meilleure possible. Ces femmes ont atteint leur objectif. La charte à l’étude est la leur, comme elle est celle des femmes
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qui ont fait valoir leurs points de vue, tout comme d’autres groupes l’ont fait à propos d’autres aspects de la charte, notamment les infirmes et les handicapés, les autochtones et les représentants de nos divers groupes ethniques. Ceux-là aussi ont contribué à la modification de la charte. Les députés de l’opposition auraient donc tort de continuer de répéter que la charte n’est pas l’oeuvre de Canadiens.
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On a pu constater que la presque totalité des 59 articles du projet de résolution constitutionnelle du gouvernement avaient été sensiblement améliorés lorsque le ministre de la Justice a présenté ses amendements en janvier dernier. Il est indéniable que le projet a été nettement amélioré et qu’il est encore possible de l’améliorer. On pourrait notamment préciser certains articles de la charte. Je pense surtout aujourd’hui aux articles concernant les femmes.
La conférence extraordinaire qui avait pour thème les Canadiennes et la constitution-dont les députés ont naturellement beaucoup entendu parler-a proposé des précisions et des améliorations substantielles. Cette conférence, qui a réuni à Ottawa plus de 1,000 femmes la fin de semaine du 14 février dernier, fut un véritable succès. Je vous ferai grâce de tous les organismes candiens qui ont approuvé les recommandations de la conférence, mais sachez qu’ils se comptent par dizaines. Cela montre à quel point les Canadiennes s’intéressent et souhaitent participer à l’élaboration de la charte.
J’espère que tous les députés liront attentivement les autres propositions faites par cette conférence, puisqu’elles sont maintenant à leur disposition. J’ose espérer notamment qu’ils se pencheront plus particulièrement sur trois propositions, car les femmes souhaiteraient qu’on leur accorde une place importante dans la charte.
En premier lieu, les femmes souhaitent qu’à l’article 1 ou à l’article 25 peut-être, on reconnaisse que les droits et libertés définis dans la charte s’appliquent aussi bien aux femmes qu’aux hommes. Il devra s’agir là d’une déclaration de principe qui précisera, au cas où il y aurait certains doutes, comme à l’article 15, que ces droits s’appliquent tout autant aux femmes qu’aux hommes. C’est très important pour les femmes, et plus particulièrement pour les femmes autochtones. C’est un point sur lequel toutes les partis sont d’accord, je crois. C’est d’ailleurs l’un des deux amendements que nous avons proposés lors des libérations du comité sur la constitution, que les conservateurs étaient prêts à appuyer.
Je souhaite donc ardemment que si les conservateurs ne formulent pas cet amendement ou encore si nous n’avons pas l’occasion de le faire, le ministre de la Justice s’en chargera.
Des voix: Bravo!
Mlle Jewett: Pour ce qui est des deux autres amendements dont je voudrais parler et qui ont été proposés au comité par les néo-démocrates, aucun des deux autres partis ne les a appuyés. Cependant, je pense que plusieurs ministériels auraient voulu quand même les examiner de plus près. Dans l’un d’eux, nous proposions de remplacer dans la charte par le mot «personne» les mots «chacun», «le public», ou toute autre mot analogue. Il faudrait généraliser l’emploi du mot «personne» dans toute la charte.
L’autre amendement portait sur le paragraphe 15(2) qui traite des programmes de promotion sociale dans le cadre des droits à l’égalité. Il est précisé que ce genre de programmes concernent particulièrement les groupes défavorisés. Ils ne visent pas l’ensemble de la population. En fait, agir ainsi serait dangereux d’une certaine manière.
L’objectif de ce paragraphe est d’assurer que le paragraphe (1) n’interdit pas les lois, programmes ou activités destinés à améliorer la situation des défavorisés. Malheureusement, on précise «d’individus ou de groupes défavorisés» si bien qu’une seule personne, comme cela est arrivé dans l’affaire Bakke aux Etats-Unis, pourrait obtenir certains avantages que le groupe auquel elle appartenait avait en en abondance, et empêcher ainsi un membre d’un autre groupe de bénéficier d’un tel programme. Il faut tenir compte de la situation de tout le groupe, et si un tel groupe est avantagé, le seul fait qu’un seul membre de ce groupe ne l’est pas ne devrait pas lui valoir un traitement particulier. Tout programme de promotion sociale devrait s’adresser spécifiquement à l’ensemble d’un groupe de défavorisés.
J’insiste là-dessus parce que les femmes avec lesquelles j’en ai parlé, avec qui les députés en ont parlé, ces femmes viennent de tous les coins du Canada et elles estiment que pour que l’intention qu’exprime la charte s’exécute à l’égard des femmes, comme d’ailleurs des autres groupes défavorisés, il faut de toute nécessité supprimer ce passage à l’article 15(2). Il y a un instant, j’ai mentionné qu’à l’exception d’une seule, le Nouveau parti démocratique avait en fait présenté en comité toutes les modifications que recommande actuellement le comité spécial des femmes et de la constitution. Nous ne serions que trop heureux de les représenter toutes à nouveau, mais sur le plan de procédure cela risque de se révéler extrêmement difficile à faire. Si tel est le cas, je ne puis que prier le gouvernement et spécialement le ministre de la Justice-j’ai dû renoncer à m’adresser au ministre chargé de la condition féminine …
Des voix: Bravo!
Mlle Jewett: . . . avec toute la force dont je suis capable, de songer à mettre en évidence les trois modifications que j’ai mentionnées, et d’examiner très sérieusement les autres aussi. Je n’ai pas perdu confiance, parce que les députés s’en rappelleront, le 20 février j’ai interrogé le ministre de la Justice à ce sujet à la Chambre. Il a dit: «La charte ne pourra jamais être parfaite». D’accord. «Nous avons répondu, je crois, à la plupart de leurs demandes». Il s’agit des demandes des femmes. Il a dit ensuite «S’il est possible d’apporter d’autres améliorations, nous tâcherons de les étudier sous tous les aspects». Auparavant, le 16 février, le premier ministre (M. Trudeau), s’était dit «prêt à parier que ce sont des additions, clarifications et autres modifications . .. sensibles et valables». J’inviterai donc le gouvernement à ne pas attendre que les conservateurs donnent leur appui à ces modifications. Je ne pense pas qu’ils vont le faire, si ce n’est pour celle que j’ai mentionné la première. Ils leur adressent des éloges de pure forme. En toute honnêteté, rien ne permet de penser qu’ils vont leur donner leur appui, encore moins les présenter. Mais je les y encourage, et j’espère même qu’ils vont le faire.
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Contrairement à l’avis qui a été exprimé dans la population, de nombreux parlementaires et députés provinciaux estiment qu’il faut attendre d’avoir rapatrié la constitution assortie d’une formule de modification avant de se mettre à rédiger une charte des droits et des libertés fondamentales. Quand je me
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rends compte que ces gens revendiquent pour rien, j’en deviens très contrariée. Nous n’obtiendrons jamais, pas même en 100 ans, une charte protégeant nos droits et les libertés fondamentaux, si nous attendons toujours à plus tard. Des Canadiennes m’ont affirmé, ainsi qu’à bien d’autres de mes collègues, que si l’on cherchait à régler ces questions dans des conférences fédérales-provinciales, les onze premiers ministres provinciaux, croyaient-elles, ne leur reconnaîtraient pas l’égalité-et elles en sont persuadées.
Par exemple, si l’on observe ce qui se passe aux États-Unis, on constate que les Américaines cherchent depuis 1924 à faire adopter un amendement sur l’égalité des droits et qu’elles n’y ont pas encore réussi. Je ne crois pas non plus qu’une assemblée constituante le ferait. J’aurais souhaité que ce soit possible, mais c’est fort peu probable. Cela ne correspond pas à la tradition canadienne.
Je voudrais également faire remarquer que certains d’entre nous au moins qui ont étudié le droit constitutionnel canadien, sont d’avis que la question des droits et libertés fondamentaux n’entre pas dans le paragraphe de l’article 92 concernant la propriété et les droits civils. On ne peut appliquer différemment d’une région à l’autre la charte des droits et libertés. Cette question ne relève pas strictement de la compétence des provinces. Dans les grands procès des années 1950 et 1960-et je songe au procès des témoins de Jéhovah et à l’affaire Roncarelli et à la loi sur le cadenas-où les libertés civiles étaient en jeu comme la liberté d’expression, la liberté de religion et la liberté de réunion, ou quelque autre aspect de nos libertés fondamentales, on a nié que ces libertés avaient trait à la propriété et aux droits civils et, par conséquent, qu’elles relevaient de la compétence des provinces. Dans tous ces procès, les tribunaux ont estimé que ces droits étaient l’apanage de tous les Canadiens, où qu’ils vivent dans le pays. Dans ce cas, nous devrions examiner les rares cas de la jurisprudence canadienne, qui concernent nos droits et nos libertés.
D’une certaine façon, d’aucuns pourraient trouver étrange que pareils cas existent, puisque nous n’avons pas de charte des droits. Même le député de Provencher (M. Epp) commence à ne plus croire que les droits et libertés s’appliquent uniquement au Québec, et non pas à l’Alberta, ou vice versa, et qu’ils doivent plutôt s’appliquer uniformément partout. Certains cas probants nous permettent de voir qu’essentiellement, on n’enfreint nullement la compétence des provinces. Je souhaite qu’on cesse de croire que nous empiétons sur les compétences provinciales en insérant dans la constitution une charte des droits et des libertés.
Certains prétendent également, en ce qui concerne la charte et des droits des libertés de la personne, que nous cherchons à remplacer la suprématie du pouvoir législatif par celle du pouvoir judiciaire. Il y aura manifestement d’autres litiges, mais j’aimerais rappeler à la Chambre-je suis sûr que les députés n’ont pas besoin qu’on le leur rappelle mais je le fais quand même-que les tribunaux interprètent depuis des années nos droits et nos libertés selon le droit commun-ou le droit civil, au Québec. Ce n’est pas que les tribunaux n’aient pas interprété nos droits et libertés pendant tout ce temps-là, car ils l’ont fait en application du droit commun ou du droit écrit. Comme je l’ai déjà dit il y a quelques instants, même aux termes de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, ils ont eu à interpréter nos droits et libertés dans certains procès retentis- sants. Nous ne passons pas de la suprématie du pouvoir législatif à celle du pouvoir judiciaire. Il y aura de nouveaux litiges, cela ne fait aucun doute, mais l’objectif important que cette charte vise à atteindre, comme les Canadiens ont eu leur mot à dire à ce sujet, c’est de s’assurer que les tribunaux sont bien prévenus des droits et libertés que nous tenons à faire protéger et, surtout dans le domaine qui m’intéresse tout particulièrement, qu’ils ont bien compris dorénavant, je pense, que nous tenons à ce que l’égalité des sexes soit garantie dans l’essence même de la loi proprement dite.
Des voix: Bravo!
Mlle Jewett: Il y a quelques instants, j’ai parlé des partisans de «l’attentisme» et j’ai dit que dans ce cas-là nous attendrons toujours. On parle beaucoup de la formule d’amendement. Il est évident qu’elle est un peu plus souple que la règle de l’unanimité qui, bien entendu, nous enfermerait dans un véritable étau, comme nous le savons tous. La formule d’amendement proposée est un peu plus souple. Selon cette formule, toute modification à la constitution doit obtenir l’appui d’une majorité régionale et, à cette fin, le Canada est divisé en quatre régions. A mon sens, cette formule reste tout de même un peu rigide. N’importe quelle région sera en mesure d’imposer son veto à une modification. Je le répète, cela représente un progrès sur la règle d’unanimité, bien entendu, mais je ne vois pas comment on peut s’attendre à voir apporter de nombreux amendements selon cette formule.
(1650)
Il est peut-être préférable qu’il en soit ainsi. Mais d’aucuns peuvent prétendre qu’un régime fédéral, notamment en ce qui concerne la répartition des pouvoirs-et la charte n’a rien à voir avec cette répartition-ne doit pas être trop souple: il devrait être vraiment difficile de faire adopter un amendement. Je pense qu’en effet ce sera extrêmement difficile, et il est peu probable qu’il y ait beaucoup d’amendements qui soient adoptés rapidement. Par conséquent, ceux qui comptent uniquement sur l’adoption d’amendements font fausse route. Je voudrais ajouter quelques mots au sujet de la formule d’amendement. Un grand nombre de mes commettants s’intéressent vivement à la formule d’amendement et cela les préoccupent.
Sauf erreur, la formule d’amendement proposée, en vertu de laquelle une majorité dans chacune des quatre régions doit appuyer un amendement, n’est pas forcément la solution définitive. Si les législateurs, les premiers ministres et nous tous trouvons une meilleure formule dans les deux ans qui suivront le rapatriement des propositions et pendant lesquels l’unanimité sera requise, je crois comprendre que les Canadiens pourront alors choisir entre la formule de la majorité régionale et l’autre formule qui sera alors présentée.
Pour ma part, je travaillerai très fort pour que l’on adopte au Canada une formule qui tienne compte des cinq régions. Je suis assurée de l’appui d’un bon nombre de mes collègues néo-démocrates de la Colombie-Britannique et du Nord. Nous, de la Colombie-Britannique, croyons fermement que notre province constitue une région distincte, l’une des cinq régions de notre pays. S’il faut adopter une formule d’amendement autre que celle qui est proposée à l’heure actuelle, nous serons nombreux à réclamer une formule qui tienne compte des cinq régions. J’ignore si nous pourrons compter sur les députés des autres provinces. Si nous devons proposer une autre formule que celle contenue dans le projet de rapatriement, autant en
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choisir une qui plaise à toutes les provinces. En tant que représentants de la Colombie-Britannique, il nous incombe de peser toutes les possibilités. De toute façon, je rappelle à la Chambre que, dans les deux années suivant la rapatriement de la constitution, nous pourrons élaborer et proposer une autre formule d’amendement, et tenter de la faire accepter par les autres parties du pays.
En conclusion, j’aimerais souligner l’importance de tout le processus-surtout les audiences du comité de la constitution- qui a disposé et encouragé des Canadiens de tous les milieux à dire leur mot au sujet de la charte des droits de la personne. Je pense que, comme Canadiens, nous devons tous être extrêmement fiers de cette réalisation.
Des voix: Bravo!
Mlle Jewett: C’est pourquoi nous pouvons tous être sûrs que cette charte-et surtout les amendements qui ont été apportés et ceux que l’on apportera encore, nous l’espérons, par suite de la consultation des Canadiens-est une charte vraiment canadienne.
Des voix: Bravo!
[Français]
M. Pierre Gimaïel (Lac-Saint-Jean): Monsieur le président, permettez-moi tout d’abord de signaler à quel point j’apprécie l’accession de l’honorable député de Madawaska-Victoria (M. Corbin) au fauteuil de la présidence, et j’espère que les gens de la République du Madawaska sauront apprécier le fait qu’on a confié à leur député la charge de bien veiller à l’application du Règlement de la Chambre.
En entrant dans le vif du sujet, monsieur le président, je dirai que j’ai la chance aujourd’hui de m’exprimer à la Chambre sur un sujet qui est des plus importants pour notre pays, pour tous les gens qui y habitent, pour ceux qui y ont habité et peut-être plus encore pour nos enfants. Ce grand débat sur la Constitution canadienne, il y a des années qu’il a débuté. Nous atteignons maintenant les phases de la réalisation. Il s’est dit énormément de choses au cours des années, mais les choses qui se sont faites sont beaucoup plus rares. Maintenant, en tant que gouvernement, ce gouvernement-ci a décidé qu’il était temps de mettre en place les mécanismes voulus qui permettront à notre pays de se renouveler, de continuer à être un des plus beaux pays au monde. Il est évident que ce débat risque de traîner en longueur. Présentement nous étudions un amendement présenté par le parti de l’opposition officielle qui porte sur le référendum. Cet amendement je crois, comme beaucoup d’autres qui pourraient être présentés par ce même parti, n’est qu’un prétexte pour prolonger le débat.
Je ne peux pas dire, monsieur le président, que je m’en plains parce que plus le débat avance plus on se rend compte des diverses positions des divers partis de la Chambre. Plus les positions se font claires et plus on voit ce qu’il y a vraiment dans le fond des pensées des hommes. Cela est important parce qu’un pays est une union d’êtres humains habitant une surface géographique, et c’est surtout fait de bonne volonté, de relations, non de confrontations, mais de relations entre les hommes quelles que soient les différences dont ils sont composés. Je dois dire tout de même, monsieur le président, que je suis extrêmement déçu, parce que j’ai entendu des propos cités à la Chambre qui m’ont fait mal, qui m’ont d’abord choqué, mais plus je les revois plus ils me font mal au lieu de me choquer. Je veux parler des déclarations faites hier soir à la Chambre par le député de Simcoe-Sud (M. Stewart). Je veux ici en citer quelques-unes. Je ne possède pas la version anglaise, mais j’ai la version française du compte rendu officiel des Débats, à la page 7858, on dit et je cite:
Beaucoup de mes collègues ont rappelé l’histoire de notre grand pays: l’Acte de Québec de 1774, l’Acte constitutionnel de 1791 et le rapport de lord Durham. Ils ont fait état du fait que l’Acte de Québec et l’Acte constitutionnel avaient accordé aux Canadiens français les droits les plus évolués de l’époque. Personne, malheureusement, n’a fait remarquer que le rapport Durham avait recommandé l’union du Haut et du Bas Canada et l’utilisation d’une seule langue fédérale: l’anglais. Si l’on avait appliqué cette recommandation, nous n’aurions pas aujourd’hui ce débat envenimé à la Chambre.
Lorsque j’ai entendu ces premières paroles j’ai frissonné, et lorsque l’on y pense bien, on constate qu’il peut y avoir place à l’interprétation. Je me suis dit: Peut-être que l’honorable député s’est mal exprimé! Et quelques lignes plus loin et je lis une autre phrase, celle-là signifie beaucoup de choses:
Le bilinguisme et la politique du biculturalisme du gouvernement n’ont servi qu’à irriter la communauté anglophone du Canada.
J’ai entendu ces paroles prononcées ici dans cette Chambre où doivent siéger 284 personnes, représentant des millions de Canadiens dans le but et l’intérêt de chacune des personnes de ce pays et cela en toute sérénité. J’ai entendu ces paroles prononcées ici dans cette honorable Chambre.
Une voix: Incroyable!
M. Gimaïel: C’est tout simplement aberrant!
Est-ce qu’il y a un francophone dans cette Chambre qui a souligné toutes les privations qu’ont eu à souffrir les francophones dans ce pays depuis 100 ans? Le Canada est un beau pays, il est beau, il est grand parce qu’il y a des hommes qui ont eu la compréhension les uns envers les autres. Il y a des francophones qui ont fait des sacrifices immenses pour être Canadiens. C’est pourquoi notre pays s’est bâti dans l’entente, dans la compréhension et dans le respect mutuel, et je sais qu’il y a aussi des anglophones qui l’ont fait. Je sais aussi qu’il y a des anglophones qui ont travaillé fort pour bâtir ce pays-là. Je sais aussi qu’ils ont respecté les francophones de ce pays, mais je pense qu’à l’heure actuelle, dans le débat où nous sommes engagés présentement, les partisaneries politiques malsaines doivent être mises de côté, surtout lorsqu’elles frôlent le racisme, pour laisser place à un pays que nous sommes à bâtir. Et je serais curieux d’entendre le député de Simcoe-Sud (M. Stewart) dire qu’en parlant hier soir dans cette assemblée il représentait l’avis de tous ses commettants. Je suis sûr que ce n’est pas le cas, et je lui signalerai, comme à d’autres de ses collègues, que lorsqu’il vient ici, il ne vient pas exprimer les vues du parti progressiste conservateur, mais celles de centaines de milliers de personnes qu’il représente à la Chambre.
C’est son travail et il est payé pour le faire. Je veux revenir à une autre phrase qui, celle-là, ne laisse aucune interprétation: Par contre, le bilinguisme national n’est ni naturel, ni souhaitable, ni bien vu: c’est l’une des causes premières de la désunion nationale. On entend ces paroles qui nous ramènent à l’époque de Lord Durham qui était un envoyé d’Angleterre ici au Canada pour venir voir à nos problèmes. Moi je me dis en tant que député représentant des gens ici, qu’est-ce que les gens que je représente veulent que je fasse? Que je bâtisse un nouveau pays ou que j’essaie de créer une relation de forces à travers le Canada qui font que les anglophones et les francophones auront à s’engueuler toute leur vie? Ce n’est pas cela que les gens veulent.
[Page 7901]
Je viens d’une circonscription où la population est francophone à 100 p. 100, où les gens sont fiers de ce qu’ils sont, fiers de leur personne, fiers de leur langue et de leur avoir, fiers de leur culture. Mais ce qu’ils aiment avant tout, c’est leur pays. Ce qu’ils aiment avant tout, c’est de s’entendre avec les gens avec qui ils vivent. Ce qu’ils aiment avant tout c’est la paix qu’ils ont à offrir à leurs enfants. Ce qu’ils aiment avant tout c’est la paix dans laquelle ils ont vécu toute leur vie. Et cela, monsieur le président, ce n’est pas avec des discours comme celui-là qu’on va le donner aux Canadiens. Depuis le début de ce débat, les positions des partis commencent à s’établir clairement.
Le Nouveau parti démocratique a dit: Parfait, on est d’accord sur le fait qu’on rapatrie la Constitution, on est d’accord sur la charte des droits.-Ils ont travaillé très fort d’ailleurs pour présenter des amendements à cette charte-. On est aussi d’accord sur la formule d’amendement. Mais nous avons des choses que nous voulons voir se réaliser, que nous pensons importantes pour les gens que nous représentons. Ce sont des questions d’énergie et d’autres.
Je respecte une position comme celle-là; elle est basée sur un désir venant de la population. Par contre, en ce qui regarde le parti progressiste conservateur, je commence à avoir de sérieuses réserves. On nous a d’abord dit qu’on ne voulait pas de rapatriement unilatéral; ensuite on nous a dit qu’on voulait un rapatriement, mais sans charte des droits et sans la formule d’amendement présentement inscrite. On nous a dit qu’on voulait apporter des amendements à la charte des droits, qu’on ne voulait pas de rapatriement. On a même proposé d’apporter des amendements au statut de la femme, à toutes sortes de choses. On nous a ensuite dit: la formule, quelle est la bonne? C’est la formule de Vancouver. Cette formule a prouvé en fin de semaine dernière qu’elle n’était pas bonne, puisqu’elle tient compte des deux-tiers de la représentation pour faire accepter un amendement; elle demande la loi des deux-tiers et a un opting-out et un opting-in, et le résultat du dernier congrès tory nous montre un résultat des deux-tiers avec un opting-in et un opting-out. Alors on voit qu’il n’y a plus rien qui va dans le parti présentement. Dans ce contexte-là, pour revenir au sérieux, la question que je me pose, c’est que tout ce que l’on amène présentement comme position du côté des conservateurs, c’est tout simplement de l’obstruction au travail que nous sommes en train de faire.
Une voix: De la division!
M. Gimaiel: Et sur un point comme la langue, la politique de bilinguisme, ce qui est extrêmement sérieux, fondamental à notre pays, je demande une chose, ni plus ni moins que la suivante: Si vraiment l’opinion émise par le député de Simcoe- Sud (M. Stewart) n’est pas la même que celle du parti progressiste conservateur …
Une voix: Quelle honte!
M. Gimaïel: … je demande au très honorable chef de l’opposition (M. Clark) de faire ce que son prédécesseur, l’honorable Bob Stanfield, avait fait dans le cas du député de Moncton, c’est-à-dire qu’il expulse le député de Simcoe-Sud de son parti, ni plus ni moins!
(1700)
[Traduction]
J’aimerais maintenant m’exprimer en anglais et demander au très honorable chef de l’opposition (M. Clark) de suivre l’exemple de Bob Stanfield, l’ancien chef de l’opposition qui avait exclu le député de Moncton de son parti parce qu’il n’en partageait l’attitude à l’égard de la politique du bilinguisme au Canada. Je demande au chef de l’opposition d’exclure de même le député de Simcoe-Sud (M. Stewart) si celui-ci n’a pas exprimé le point de vue de son parti. Je ne lui demande rien de moins que cela. Alors, nous connaîtrons la vérité.
Des voix: Bravo!
M. Gimaïel: S’il refusait, cela signifierait que le député de Simcoe-Sud a bel et bien exprimé le point de vue de son parti.
Des voix: Bravo!
[Français]
M. Gimaïel: Mais j’ai des doutes immenses que cela se produise et je vais dire pourquoi. Premièrement, l’honorable chef de l’opposition n’est-il pas celui qui, lors d’un séjour à Chicoutimi, a signé la fameuse pétition que fait circuler le gouvernement séparatiste du Québec à travers la province depuis six mois?
[Traduction]
N’est-ce pas lui qui a signé la pétition que le gouvernement du Québec a fait préparer et qu’il fait circuler depuis six mois dans toutes, les régions de la province? Oui, c’est bien le chef de l’opposition qui a signé cette pétition à Chicoutimi.
[Français]
Est-il possible à ce moment-là que nous puissions dire que ce parti a une politique visant à un Canada bilingue, à un Canada uni? Non! Dans le même contexte d’idées, je rappellerai, et je tiens surtout à ce moment-ci à m’adresser à mes commettants. Avez-vous tous, résidants de la circonscription de Lac-Saint- Jean, entendu le premier ministre du Québec, M. René Lévesque, dire: Heureusement qu’il y a le parti progressiste conservateur pour défendre nos intérêts à la Chambre des communes.
Si c’est cela, monsieur Lévesque, que de défendre les intérêts des Québécois à la Chambre des communes, vous pouvez continuer à balbutier et à faire croire à tout le monde que, vous, vous défendez les Québécois.
Mais moi je peux vous dire que je suis fier d’être ici pour représenter mes gens et que je suis fier de travailler pour bâtir un pays et non pas pour essayer de désunir et de briser, comme vous le faites, et je vous dirai, M. Lévesque, que je n’ai pas besoin de m’allier à des gens qui font des discours comme celui-là pour convaincre les gens du Lac-Saint-Jean que je travaille pour eux. Monsieur le président, je pense qu’il est temps que la vérité soit dite aux Québécois à propos de ce qui se passe au niveau du renouvellement constitutionnel que nous entamons. Nous avons été accusés au Québec de vendre cette province, d’être traîtres à la loi 101, de changer la Constitution unilatéralement, de tout ce qu’on peut imaginer. On l’a dit, sur le dos des 75 députés du Québec, en précisant bien que nous sommes des moutons. Cela est important.
[Page 7902]
Il y a quelque chose que je tiens à dire à la population du Québec dès maintenant, et surtout aux gens de ma circonscription, ce que nous sommes en train de faire en tant que députés du gouvernement du Canada, ce n’est pas changer la Constitution canadienne, mais préparer le contexte qui sera nécessaire et qui est souhaitable pour que le changement se fasse. Ce qui veut dire en des termes très simples, parce que je suis un homme de la rue, que présentement on est en train de demander au gouvernement anglais de nous renvoyer notre Constitution pour que onze premiers ministres, les dix des provinces plus le très honorable premier ministre (M. Trudeau) du Canada, s’asseoient autour d’une table et discutent afin de créer les changements nécessaires à ce que notre pays ressemble plus aux besoins qu’ont la population d’aujourd’hui et les populations de demain dans ce pays. En même temps, nous disons à nos amis de l’autre côté de la rivière ou de l’océan, inscrivez dans cette Constitution une charte des droits. Vous allez dire: Pourquoi une charte des droits? C’est très simple. Refaire une Constitution, c’est refaire un pays. Cela peut vouloir dire de changer tous les droits, toutes les lois qui régissent les Canadiens.
Dans ce contexte-là, moi, en tant que représentant de 80,000 personnes résidant dans la circonscription du Lac-Saint-Jean, jamais je n’admettrai que l1 premiers ministres, que ce soit tous des grands Canadiens, y compris le très honorable premier ministre, ne jouent dans la Constitution canadienne et la changent sans qu’auparavant les droits fondamentaux des gens que je représente soient protégés par une charte des droits inscrite dans la Constitution de façon immuable. Bien sûr que ce n’est pas parfait. Mais les gens qui ont essayé d’atteindre la perfection du premier coup, savez-vous ce qu’ils ont fait dans leur vie? Ils n’ont jamais rien fait. La perfection, cela ne s’atteint pas du premier coup. En plus, on place dans cette Constitution-là une formule de référendum ainsi qu’une formule d’amendement pour éviter qu’il y ait un blocage systématique. On n’est pas pour passer encore 20 ans de sa vie à chicaner là-dessus, à se demander où on va aller, ce qu’on va faire. Il faut qu’on arrive à une solution du problème constitutionnel canadien. Il faut que notre Constitution soit rajustée, parce qu’il est concevable que, quand elle a été faite, il n’y avait pas de télévision, d’avion, et les routes étaient moins rapides.
Tant de choses ont changé dans ce pays. Cela change tellement vite. C’est tout ce que l’on se prépare à faire. A ceux qui crient au viol, à la trahison, à ceux qui nous sortent toutes sortes d’arguments pour dire qu’on est en train de vendre le Québec, je leur réponds que, pour la première fois dans l’histoire du Canada, les droits des francophones à l’éducation, à leur langue, la reconnaissance du français comme tel, vont être inscrits dans la Constitution du Canada et personne, ni un premier ministre, ni un gouvernement, ne pourra changer cela sans l’accord total de la population du Canada. Est-ce que cela ne constitue pas un gain?
J’ai vu des choses vraiment décevantes se passer dans ma circonscription en partie. On a entendu parler de la fameuse pétition dont je parlais tout à l’heure, l’opération solidarité ou je ne sais trop quoi, qui traîne un peu partout à travers le Québec depuis six mois, qui devait être remplie dans un mois et qui devait nous être envoyée, à tous les députés québécois qui siègent à Ottawa, en nous pointant du doigt, et on nous met au défi de faire ce que nos gens nous disent. J’ai vu la façon dont on procède. On a d’abord essayé d’aller partout, cela n’a pas fait. On a essayé dans les écoles, cela n’a pas tellement fait non plus. On a demandé de l’aide de la FTQ, qui, en bon syndicat, a accepté, «Oui, monsieur le ministre, on y va.» La FTQ a fait signer cela, cela n’a pas tellemnt fait non plus. Mais la façon dont on s’est servi de ce papier pour aller «tanner» des gens, on leur a dit: Signez! Non merci! Signez! Après dix fois, la personne signe. Il y a une autre chose qu’on disait aussi: Si tu ne signes pas cela, tu es un faux Québécois. C’est beau cela! Qu’est-ce que cela veut dire? Cela a tout l’air comme s’il y avait deux sortes de Québécois. Mais moi je commence à me poser des questions sur les deux sortes de Québécois. Je vais donner des exemples.
Avoir le choix entre être un faux Québécois comme l’honorable ministre de la Justice, qui est allé à Washington prononcer un discours devant la Banque mondiale il y a deux ans, tout en français, ou être un vrai Québécois, comme le premier ministre du Québec, René Lévesque, qui est allé à New York, deux mois après ses élections, prononcer un discours tout en anglais, je préfère le premier. Il a dit deux mots en français: Saint-Félicien et la Baie James. Deux projets qu’il appelait de «balounes» politiques avant d’être au pouvoir. Moi j’aime mieux être un faux français qui va parler français à Washington qu’un vrai qui va parler anglais à New York. Je vous le dis cent fois! Si être un faux Québécois c’est par la décision qu’a prise le ministre de la Défense nationale ici avec ses collègues d’acheter des F-18 qui amènent un milliard et demi de dollars de retombées économiques au Québec, j’aime autant être un faux Québécois comme cela que d’être un vrai Québécois comme René Lévesque qui va acheter pour 11 millions de dollars d’autobus à la compagnie General Motors aux Etats- Unis au lieu d’acheter de la compagnie Bombardier au Québec.
J’aime autant être un faux Québécois dans ce contexte-là. Des Québécois de salon, on n’en a plus besoin! C’est fini l’époque des salons, l’étape des grands «jasages» où les intellectuels, l’intelligentsia faisaient marcher tout le monde à travers la province de Québec en disant: On va voir comment on peut renouveler ce pays-là, et on serait peut-être mieux de mettre tout cela de côté parce qu’on va en bâtir un autre bien mieux, on va bâtir la maison, on sera dehors à peu près dix ans au grand froid, mais c’est pas grave! On va en bâtir un autre après. Cela, c’est fini, les grandes paroles en l’air. On est maintenant passé au moment des actes. Ce sont des hommes qui viennent s’asseoir et discuter.
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Souvent le ministre de la Justice (M. Chrétien) est blâmé de ne pas avoir consulté. Moi j’ai vu ce qui s’est passé au cours du dernier été. Après que les Québécois eurent répondu au référendum du parti Québécois, après que les Québécois eurent dit non, un Québécois, celui-là même qui avait bâti la compagnie Bombardier, celui-là même qui a bâti la compagnie Canadair, s’est levé et a dit: Moi je vais le prendre le dossier, Pierre. Je n’aime pas cette question-là, je n’ai jamais voulu faire ma carrière là-dessus, mais je prends le dossier. Je vais faire le tour des premiers ministres, on va voir ce qu’ils ont dans le corps. Il a fait le tour des premiers ministres et quelles sont les réponses qu’il a obtenues? Le premier ministre du Manitoba, M. Sterling Lyon, est venu nous dire ici à Ottawa: Une charte des droits on n’en veut pas! En 1980, une charte des droits, pouah! On n’a pas besoin de cela, c’est un affront à la population. On n’a pas besoin de protéger les droits des citoyens, mais il faut que ceux des provinces soient inscrits dans la Constitution. Protégeons-nous, mais les citoyens ce n’est pas grave!
Il faut se rendre compte de ce qui se passe. On veut la réponse de l’Alberta, mais vous venez de l’obtenir. La meilleure façon d’être Canadien, c’est de dire à d’autres Canadiens: Vous avez besoin de pétrole, on ne vous en vend plus parce que vous n’en donnez pas le prix!
Je me souviens d’un temps où j’ai vu dans l’histoire que, si les Canadiens de l’Est avaient réagi de la même façon, le Canada serait maigre, il ne serait pas gros et il n’aurait pas duré longtemps.
Un fait demeure, il est inconcevable d’imaginer que les premiers ministres des provinces désiraient s’asseoir sérieusement. Ils ne le voulaient pas! Il y avait une stratégie politique très simple, savoir, dire: On attaque le gouvernement canadien, on se débat sur l’affaire constitutionnelle, cela fait disparaître l’opposition provinciale, on est sur les hot lines ou à la télévision avec le gouvernement du Canada, et lorsque les gens viennent voter, ils ne peuvent voter que pour nous autres, parce que le parti libéral du Canada n’est jamais en élections contre nous, ce sont toujours les partis provinciaux. Mais dans ce grand débat les partis provinciaux n’ont pas eu leur place, parce que c’était le jeu. Cela est fini. Maintenant nous sommes rendus au sérieux. Nous, présentement, nous bâtissons le contexte nécessaire à ce que le changement se fasse.
Après, les premiers ministres des provinces viendront s’asseoir avec le premier ministre du Canada et bâtiront un nouveau pays au nom de tous les Canadiens. Et, dans ce contexte-là, je vous demande, personnes de ma circonscription, et je vous assure que le plus profond de ma pensée, la plus grande partie de mon travail ici, se fait dans le sens de veiller à vos intérêts. Voilà pourquoi j’ai siégé durant plus de 15 sessions au comité sur la Constitution, et voilà pourquoi je tiens à garder un regard sérieux sur ce qui se passe, car, quoiqu’il puisse arriver au Canada au cours des prochaines années, quelles que soient les transformations qui seront faites à notre Constitution, je puis vous jurer que jamais personne ne touchera à vos droits fondamentaux, que jamais personne ne viendra vous enlever ce que vos pères et vos ancêtres ont si durement acquis, parce que le travail que vous m’avez confié, c’est justement de veiller là-dessus, et c’est ce que je fais avec mes collègues. Et en leur nom, je vous dis simplement, si nous votons en faveur de cette résolution c’est parce que l’avenir de notre pays est dans les réussites, dans le changement et parce que nous tous en tant que vos représentants nous veillons à ce que vos intérêts et ceux de vos enfants soient protégés. Dans ce sens-là, je dis au gouvernement qui est présentement en cause: Allez de l’avant! Ce pays sera plus beau parce qu’il y a des hommes honnêtes et des hommes de coeur qui auront travaillé au nom des anglophones, des autochtones, des francophones et de tous les gens qui ont bâti ce pays et contribué à le faire encore plus beau et plus honnête. Je demanderais à mes collègues de l’opposition d’essayer de penser aux gens qu’ils représentent au lieu de penser à une position que leur parti essaie de faire adopter et qui n’est même pas encore définie.
(1720)
[Traduction]
L’hon. John A. Fraser (Vancouver-Sud): Monsieur l’Orateur, c’est un honneur que de pouvoir prendre la parole dans le cadre de ce débat. Je sais que monsieur l’Orateur ne se formalisera pas de m’entendre dire que j’ai dû attendre un certain temps pour pouvoir prendre la parole cet après-midi. Je dois avouer que cette attente m’a permis d’écouter trois discours très intéressants, ceux de deux de mes amis et collègues des banquettes ministérielles et celui d’une amie et collègue de la Colombie-Britannique, le député de New Westminster- Coquitlam (M » Jewett). Je pense que les députés reconnaîtront avec moi que tous les discours étaient empreints de réflexion, de passion et d’une très forte dose de conviction, c’est certain. Je vois certains députés ministériels acquiescer d’un signe de tête.
Le député qui a fait le discours le plus passionné cet après-midi, c’est évidemment le député du Lac-Saint-Jean (M. Gimaïel) qui nous a exprimé son opinion ouvertement. Je ne sais plus très bien si mon ami a abordé d’autres grands problèmes mais il ne m’a laissé aucun doute sur la nature de ses sentiments car il les a exprimés avec une profonde sincérité. Qu’il me pardonne de faire observer que je connais le discours qu’il critique, car j’ai eu l’occasion d’y jeter un oeil. C’est le discours de l’ancien député de Crowfoot qui a fait ensuite partie du cabinet libéral du fait que cette nomination semblait avantageuse au parti. Je sais que mon ami ne m’en voudra pas de le signaler. Cela lui donnera peut-être l’occasion d’intervenir à nouveau.
Le discours du député de Mississauga-Nord (M. Fisher) était axé sur un seul aspect du débat, sur la charte des droits, tout comme celui du député de New Westminster. C’est normal d’aborder cette question dans le cadre de ce débat, mais les députés admettront, j’en suis sûr, que je n’ai pas ménagé mes peines, pour améliorer la version originale de cette charte avec l’aide d’autres députés, mais que le débat ne porte pas uniquement sur elle.
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Avant d’aborder le sujet, je tiens à signaler une ou deux choses, monsieur l’Orateur, et c’est une tâche dont je m’acquitte très volontiers. Je veux tout d’abord féliciter les coprésidents du comité mixte de la constitution au sein duquel j’ai eu le privilège et la mission de travailler. Je songe en particulier au député de Hochelaga-Maisonneuve qui, tout au long des délibérations, a fait preuve de grande compétence, d’un grand esprit de justice et d’impartialité. Il a été tellement objectif que j’ai pensé, lorsque son tour est venu de prendre la parole à la Chambre, qu’il épouserait certaines des vues que nous lui avions exprimées. Nous avons pu constater que son idée était faite. Une fois libéré des contraintes d’une fonction quasi-judiciaire, il a trouvé le moyen de défendre les vues du gouvernement sur cette mesure. Cela ne m’a pas étonné, mais je tiens à dire officiellement que même si je ne partage pas l’opinion qu’il a exposée après la fin de son mandat de président, avec d’autres, je lui rends hommage pour la façon remarquable dont il a dirigé nos travaux à titre de coprésident du comité. Je veux aussi complimenter l’un de mes collègues, le député de Provencher (M. Epp). Les députés s’accorderont tous pour dire qu’il s’est comporté au cours de ces délibérations avec dignité, compétence et un esprit de patriotisme auquel nous aspirons tous et que nous pouvons tous comprendre.
Je veux dire aussi que ceux qui à la Chambre et dans le pays soutiennent des opinions opposées sont de bonne foi. Le très honorable chef de l’opposition (M. Clark) a eu le courage de dire le 2 octobre dernier que ce n’était’pas tout le monde qui osait se prononcer contre les propositions du premier ministre (M. Trudeau). Il a été prouvé bien des fois au cours des semaines de délibérations que la position fondamentale du très honorable chef de l’opposition était la bonne. Il ne s’est certainement pas trompé au sujet de la réaction des Canadiens. Le fait que beaucoup de personnes reprochent à leurs représentants de se comporter en politiciens et de se laisser guider par l’esprit de parti jette une note triste sur l’examen d’une nouvelle constitution. Une lettre qui a paru dans le Globe and Mail du 24 février 1981 disait ceci:
Pour une bonne part, le débat à la Chambre et ailleurs est imprégné d’esprit de parti et (faussement peut-être dans le cas des interventions plus sincères) donne l’impression de se concentrer sur la primauté des divers paliers de gouvernement plutôt que sur ce que la nouvelle constitution apportera ou non aux Canadiens. Le citoyen qui a écrit cette lettre a droit à son opinion; je me dois cependant de lui répondre, ainsi qu’à d’autres qui ont écrit dans la même veine pour critiquer tous les partis, que ces délibérations se sont déroulées dans une ambiance hautement sectaire. C’était le gouvernement qui en avait décidé ainsi. Les dés étaient pipés. Le projet a été imposé aux Canadiens unilatéralement au début d’octobre dernier et il ne représentait certainement pas le fruit des 53 années de discussions et de délibérations.
Il incombe aux ministériels libéraux, lesquels prétendent que nous discutons de la question depuis 53 ans, de consulter les archives pour voir de quoi au juste nous avons vraiment discuté pendant 53 années. Ils constateront que le nombre des sujets abordés a été restreint. Il est vrai qu’on a déjà parlé d’une formule d’amendement, mais jusqu’à récemment, nous n’avions jamais entendu parler de référendum ou d’une charte des droits et d’autres choses de ce genre. On n’avait jamais envisagé la suppression du Sénat qui est le dernier défenseur des provinces. Le schibboleth qui dure depuis 53 ans et auquel il nous faut mettre fin d’ici le l’ juillet n’est justement qu’un schibboleth. J’invite tous les ministériels impartiaux, et ils sont nombreux, à ne pas l’oublier. Je les invite à tenir compte du fait que même si des réunions ont eu lieu, le public n’y a pas participé, jusqu’à ce que notre parti, avec l’aide de certains députés néo-démocrates, ait décidé d’autoriser la télédiffusion et à la radiodiffusion du débat.
La plupart des discussions qui ont eu lieu entre le gouvernement fédéral et les provinces ont été secrètes, de même que les documents, préparatoires ou autres. Il est faux de prétendre que nous discutons de la question depuis 53 ans.
M. LeBlanc: J’invoque le Règlement, monsieur l’Orateur. J’étais le secrétaire de presse qui a autorisé la télédiffusion des conférences fédérales-provinciales, à l’époque de M. Pearson, en 1968. Depuis, la plupart des conférences fédérales-provinciales ont été télédiffusées.
M. Fraser: Monsieur l’Orateur, qu’on me permette de répondre au ministre en lui affirmant que certaines parties de ces délibérations ont été rendues publiques.
M. LeBlanc: La plupart d’entre elles l’ont été.
M. Fraser: Certaines des principales parties ne l’étaient pas cependant. Pourquoi discute-t-on tant de ce qui a été accepté et de ce qui ne l’a pas été? La plupart de ces délibérations, ou du moins une bonne partie d’entre elles, n’ont pas été diffusées jusqu’à il y a quelques mois. La plupart des gens ignoraient tout de la formule de Victoria; alors cessons de prétendre que les Canadiens suivent ce débat depuis longtemps.
Examinons un peu l’atmosphère qui régnait quand nous avons commencé à discuter de la résolution. Je le répète, cette discussion s’est déroulée dans une ambiance hautement partisane. Ce qui est merveilleux, c’est que les députés se sont montrés à la hauteur de la tâche et que le débat a été civilisé. N’oublions pas et je dis cela à l’intention du public qui nous observe que l’initiative était hautement partisane.
En premier lieu, il y a eu la clôture à la Chambre des communes. Ce n’est pas la façon idéale de commencer un débat portant sur la manière dont nous devrions améliorer les lois fondamentales qui nous régissent. Au début, la radiodiffusion et la télédiffusion des débats n’avaient pas été permises. Il a fallu, pour renverser cette décision, que les conservateurs et quelques députés néo-démocrates protestent vigoureusement. Le comité n’avait pas le droit de se déplacer. Si les députés du centre du pays voulaient connaître les véritables sentiments des habitants de l’Ouest, pourquoi ne se sont-ils pas rendus sur place? Je me refuse à croire qu’on a cherché sciemment à les empêcher de découvrir la vérité. Ces députés auraient beaucoup appris. Certains d’entre eux n’ont pas encore appris leur leçon.
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Des voix: Oh, oh!
M. Fraser: Les députés ne voyagent pas. Ils siègent ici, à Ottawa. N’allons surtout pas croire que les habitants de l’Ouest sont persuadés que le gouvernement fédéral les écoute, car nous nous tromperions.
Puis, on a fixé le délai ridicule du 9 décembre. Après une bataille en règle, ce délai a été prolongé. Ce doit être sûrement le comité mixte le plus étrange qui ait jamais siégé. Ses membres ont limité le nombre d’experts qui pouvaient venir y témoigner. Ce fut un débat fortement imbu d’esprit de parti. En fait, même sa composition était partisane.
Voyons maintenant à quoi s’occupe l’autre endroit. Le Sénat, étant contrôlé par des membres du gouvernement, a commencé son débat avant même que la Chambre des communes ait terminé le sien. Voilà une conduite des plus extraordinaires de la part du Sénat.
M. Evans: Ce n’est rien d’inusité.
M. Fraser: Ce n’est rien d’inusité, selon le député. Je ne peux imaginer un débat sur les lois fondamentales de notre pays qui se déroule à la fois ici et au Sénat. C’est incroyable. Le débat aurait dû avoir lieu ici d’abord, puis le Sénat, exerçant sa prérogative, aurait pu jeter un coup d’oeil au travail que nous avions accompli.
M. Blais: J’invoque le Règlement, monsieur l’Orateur.
M. Fraser: Vous aurez votre tour plus tard.
M. Blais: Le député prétend que la résolution mixte devrait d’abord être examinée à la Chambre des communes, puis au Sénat, dans cet ordre. Laisse-t-il entendre que les sénateurs auraient dû être exclus du comité mixte dont le député était membre?
L’Orateur suppléant (M. Corbin): Ce n’est pas une question de Règlement.
M. Fraser: Ce n’est même pas une bonne question. Repassons la liste des sénateurs de la Colombie-Britannique. Madame le sénateur Bell devait se prononcer sur la question de savoir si le Sénat devait étudier la résolution en même temps que la Chambre, mais elle n’était pas là. Le sénateur Lawson a dit, pour sa part, que le débat était tout à fait régulier. Il en fut de même des sénateurs van Roggen, Williams, Perrault et Austin.
M. Evans: J’invoque le Règlement. Sauf erreur de ma part, je crois qu’il est contraire au Règlement de parler des délibérations qui ont lieu concurrement à l’autre endroit.
M. Fraser: Le député vient de prouver mon argument. Apparemment, nous autres, députés, n’avons pas le droit de parler des délibérations de l’autre Chambre quand elles ont lieu en même temps. Vous avez déjà imposé la clôture pour terminer le débat. Vous pouvez aussi supprimer la télévision, imposer des délais et maintenant invoquer une règle de procédure. Vous nous attaquez sur tous les fronts. Le député vient d’apporter de l’eau à mon moulin.
Une voix: Nous ne disposons que de vingt minutes.
M. Fraser: Quelqu’un de l’autre côté dit qu’ils n’ont que vingt minutes. Cette décision, ils la doivent à leur leader à la Chambre. S’ils se plaignent du temps qui leur est imparti, qu’ils s’adressent donc aux leurs.
Permettez-moi de vous donner un autre exemple classique de l’esprit de parti qui régnait au comité. Que dire de la question du droit à la propriété? Un ministre de la Couronne a bel et bien promis au comité qu’un amendement du parti progressiste conservateur sur le droit à la propriété serait adopté. Cette décision a été renversée quelques jours plus tard. Si l’on veut se faire une idée du caractère partisan de ce débat, on n’a qu’à se souvenir des paroles du premier ministre à Vancouver. Malgré tous les efforts tentés par le NPD, mais à mauvais escient, pour essayer de collaborer avec le gouvernement, le premier ministre a déclaré:
«Nous avons réussi à scinder le NPD entre ceux qui aiment la liberté et la justice plus qu’ils ne haïssent les libéraux … et ceux qui haïssent les libéraux plus qu’ils n’aiment la liberté et la justice..
Une déclaration extraordinaire, rapportée dans un éditorial du Winnipeg Free Press, dit:
Cette déclaration caractérise bien tout ce qui déplaît dans l’attitude de M. Trudeau vis-à-vis de la constitution: son arrogance, sa partialité mesquine et sa malhonnêteté manifeste.
Je crois avoir démontré que dès le début, le débat sur cette résolution était imbu d’esprit de parti, et il l’est encore dans une large mesure. Tant que ce débat sera celui d’un parti majoritaire plutôt que l’expression d’opinions diverses, il aura un caractère partisan. Je regrette que cela puisse déplaire au public, mais il faut qu’il sache pourquoi il en est ainsi. Qu’est-ce qui est vraiment en cause dans ce débat? La question est de savoir si la démarche que nous adoptons est celle qui convient, et en pareil cas, si c’est la bonne solution. Le juge O’Sullivan, l’un des juges dissidents dans l’affaire du Manitoba a dit ceci:
… le procureur général du Canada conclut qu’un parti politique qui détient la majorité dans les deux chambres du Parlement canadien a le droit d’amender la constitution de notre pays à sa guise.
C’était là essentiellement la position défendue par les conseillers juridiques du gouvernement devant le tribunal. C’est également celle que défendent la grande majorité des ministériels à la Chambre, cette instance supérieure. Quelqu’un a parlé du Québec et des promesses qui ont été faites aux Québécois au cours de la campagne référendaire. Quelles promesses le gouvernement a-t-il faites aux Québécois? Je demande aux députés ministériels, ceux surtout qui viennent du Québec, si le gouvernement fédéral a promis aux Québécois au cours de la campagne référendaire qu’il viendrait à la Chambre et demanderait la permission de changer unilatéralement la constitution du Canada? Pas un seul des députés québécois ne peut répondre oui à cette question. Tous savent que la réponse est non. Évidemment, on ne l’a jamais dit aux Québécois. Si on avait eu recours à cet argument pour convaincre les Québécois de demeurer dans la Confédération, ceux-ci auraient voté autrement.
M. Baker (Nepean-Carleton): Qu’a dit M. Ryan?
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M. Fraser: M. Ryan n’a pas comparu devant le comité de la constitution. Il s’est cependant adressé aux membres de la tribune de la presse et a fait remarquer à quel point il désapprouvait la façon de procéder et à quel point on avait tort d’y tenir. Il a dit autre chose d’intéressant, et qui va au coeur même du problème que pose le présent débat. Il a dit que le séparatisme de l’Ouest était plus dangereux que celui du Québec.
Lorsque je suis retourné siéger au comité de la constitution quelques heures plus tard, on m’a demandé ce que je pensais de la déclaration de M. Ryan. J’ai accepté de répondre en disant que cela faisait une demi-douzaine d’années que nous le disions à qui voulait l’entendre sans que personne n’y prête attention. On comprend mieux les problèmes de compréhension entre le centre du pays et l’Ouest quand on songe que jusqu’à ce que M. Ryan dise que le séparatisme de l’Ouest présentait un danger, personne n’a demandé l’opinion d’un député de l’Ouest à ce sujet. Voilà le problème.
Certains disent que le débat constitutionnel ne devrait pas faire surgir d’autres problèmes dans le pays. Or, quand on entend à l’occasion d’une tribune téléphonique à Ottawa des gens préconiser l’envoi de troupes en Alberta pour s’emparer du pétrole, je soutiens que quelque chose ne va pas dans notre pays. Le juge O’Sullivan ajoutait encore ceci:
Le projet de résolution faisant l’objet du présent renvoi propose que la majorité des deux Chambres du Parlement recoure à ce pouvoir légalement illimité du Parlement du Royaume-Uni non seulement pour «rapatrier» notre constitution mais aussi pour y apporter des modifications sur des points fondamentaux avant de la rapatrier.
(1740)
A-t-on jamais dit cela aux Québécois au cours de la campagne référendaire? Bien sûr que non, parce qu’on n’aurait jamais pu retenir un auditoire en le faisant; les députés d’en face n’auraient certes jamais gagné le référendum, même si je me réjouis qu’ils l’aient remporté. Mais le gouvernement ne l’a pas fait en publiant ces choses. Il a parlé de changement, des besoins des francophones au Canada et dans la province de Québec. Et avec raison. Mais ces déclarations n’ont jamais été faites parce que n’importe quel Québécois ou n’importe quelle Québécoise digne du nom sait fort bien que c’est précisément le genre de chose qui a toujours inquiété les habitants de la province de Québec, soit que le gouvernement fédéral peut modifier les règles du jeu unilatéralement, ce qui place le Québec, minoritaire qu’il est et dont des valeurs spéciales doivent être protégées, dans une situation très précaire. Revenons au juge O’Sullivan. Il ajoute et je cite:
… mais j’ai du mal à comprendre que le procureur général du Canada puisse affirmer que le Parlement impérial règne suprême et souverain sur le Canada, lié uniquement par une «convention» qui n’a pas force de loi mais dont il peut faire fi légalement comme bon lui semble.
A-t-on jamais dit aux Québécois, au moment du référendum qui a eu lieu au Québec, que le principe général qu’avait énoncé le très honorable premier ministre St-Laurent et qui est contenu dans le Livre blanc de 1965, à savoir qu’aucun amendement important touchant les pouvoirs et la répartition des pouvoirs dans notre pays ne devrait être apporté unilatéralement par un gouvernement fédéral, allait être modifié? On n’en a jamais soufflé mot aux Québécois. Si quelqu’un peut me citer un discours du chef de n’importe quel parti, et encore plus du parti au pouvoir, dans lequel on annonçait aux Québécois que cela allait se faire, je ferai des excuses publiques. Ce n’est pas comme cela que l’on a amené les Québécois à dire non. Le juge O’Sullivan ajoute:
Prétendre que le Parlement britannique a encore légalement le droit de modifier la structure fondamentale de notre confédération sans le consentement de tous les partenaires revient à dire que les pratiques et principes constitutionnels qui sont maintenant bien établis ne valent plus.
Je pourrais continuer.
C’était là la question fondamentale. J’estime, quant à moi, que la déclaration des droits de M. Diefenbaker aurait dû être enchâssée. J’estime aussi qu’il faut constitutionnaliser certains droits. Mais je crois aussi que si nous allons modifier les lois fondamentales du pays nous devons respecter nos associés. Cela signifie qu’il ne faut pas les laisser pour compte et que le gouvernement fédéral ne peut décider de ce qui est bien et de ce qui est mal. J’aimerais que les députés me donnent une raison qui explique pourquoi le gouvernement se heurte à tant d’écueils dans l’Ouest.
J’ai sous la main un article de M. Gordon Gibson qui, je le rappelle aux ministériels, a travaillé au cabinet du premier ministre pendant quelques années. Il a à trois reprises été candidat libéral en Colombie-Britannique et à chaque fois il a été vaincu. J’ai beaucoup de respect pour lui, d’autant plus que j’ai été un de ses adversaires. Il a par la suite été élu à l’assemblée législative de la Colombie-Britannique et est devenu chef du parti libéral de la province. C’est aussi lui qui avait promis, par écrit, qu’une victoire libérale en 1980 n’entraînerait pas de taxe à l’exportation du gaz naturel de la Colombie-Britannique.
M. Baker (Nepean-Carleton): N’oubliez pas cette promesse.
M. Fraser: C’est lui qui a été trahi par le ministre de l’énergie …
M. Baker (Nepean-Carleton): Et l’ensemble du gouvernement.
M. Fraser: . . . seulement quelques semaines plus tard quand j’ai soulevé la question à la Chambre. Voici ce que M. Gibson a déclaré il y a à peine quelques semaines:
Quelle sorte de mentalité faut-il avoir pour songer à imposer un nouveau régime constitutionnel-c’est-à-dire ce qui représente le fondement même des règles qui nous permettent de vivre en harmonie-au moyen d’une procédure que rejettent non seulement la plupart des gouvernements provinciaux, mais aussi la grande majorité des citoyens?
Comment donc le gouvernement libéral peut-il se lamenter et se demander pourquoi il ne réussit pas à faire élire quelqu’un dans l’Ouest? L’auteur de cet article est l’ancien chef du parti libéral de la Colombie-Britannique.
M. Baker (Nepean-Carleton): Le chef trahi.
M. Fraser: On a beaucoup parlé de la formule du damier. On a reproché à mon parti de proposer un processus différent de celui que propose le gouvernement pour la charte des droits parce que le processus en question créerait un damier, c’est-àdire un ensemble d’éléments disparates. Je n’ai pas besoin d’expliquer aux députés pourquoi il existe toutes sortes d’éléments disparates. Il ne s’agit pas de savoir où l’on doit placer les panneaux d’arrêt ou de limitation de vitesse, mais plutôt de savoir ce qui se passe un peu partout au Canada. Je tiens à rappeler aux députés que l’Acte de l’Amérique du Nord britannique lui-même est formé d’éléments disparates. Chaque fois, que nous proposons une formule pour essayer d’obtenir l’accord des Canadiens relativement à la charte des droits, qui a été approuvée par le comité et qui sera probablement approuvée par la Chambre, les députés d’en face disent que nous ne devrions pas tenter d’atteindre cet objectif par la
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persuasion et en s’adressant au public et aux assemblés législatives provinciales, parce qu’ils craignent que cela crée une mesure qui ne sera pas uniforme. De fait, la très distinguée représentante de New Westminster-Coquitlam a signalé qu’elle avait abandonné tout espoir de parvenir à une entente. Je tiens à rappeler aux ministériels qu’ils ont oublié la pièce la plus importante sur le damier en permettant qu’un demimillion de francophones ne soient pas protégés par l’article 133, parce qu’ils voulaient l’appui du centre du Canada, en l’occurrence de l’Ontario. Cela ne sert à rien d’essayer d’y échapper. Si les députés veulent parler de damier, ils pourraient se pencher sur cela, car c’est à mon avis un carré noir. Je suis contre toute mesure unilatérale. Mais si les députés d’en face veulent critiquer notre formule parce qu’elle risque de prendre un peu plus de temps et que tout ne se fera pas uniformément et simultanément, je pense en toute justice qu’ils feraient mieux de réfléchir sérieusement à leurs propres résultats.
La question est la suivante: Comment les députés d’en face expliquent-ils aux Franco-Ontariens que le Manitoba, le Québec et, depuis peu, le Nouveau-Brunswick vont être protégés par l’article 133 mais, que la province qui compte la plus grosse majorité francophone en dehors du Québec ne le sera pas? Si le gouvernement libéral veut parler d’un principe de damier, je peux en parler moi aussi.
Que dire des immigrants qui arriveront au Québec? Ils ne seront pas traités de la même façon en ce qui concerne l’éducation de leurs enfants. Je suis bien prêt à accepter de nombreuses différences dans notre pays, mais il est difficile de vivre dans la plus totale hypocrisie; or la seule critique que les députés d’en face peuvent nous adresser, parce que nous prétendons avoir une plus grande confiance qu’eux dans nos concitoyens et que nous pensons pouvoir réussir avec un peu de temps et de persuasion, c’est que notre formule est comparable à un damier. Le damier existe déjà à l’heure actuelle. En ce qui concerne les droits, nous proposons d’attendre encore un peu. L’argument que fait valoir le gouvernement, c’est que les premiers ministres provinciaux n’accepteront jamais rien. Comment les députés d’en face le savent-ils, je me le demande. J’entends déjà leur réponse. Ils diront que les premiers ministres provinciaux n’ont jamais été d’accord depuis 53 ans. Mais ce n’est pas vrai. Toutes sortes de modifications ont été apportées, la plupart après consultation et avec leur accord.
M. Baker (Nepean-Carleton) Il y en a eu dix-huit.
M. Fraser: Nous vivons ensemble en tant que pays depuis 113 ans. Mais nous vivions déjà ensemble auparavant, même si ce n’était pas en tant que fédération du Canada, et nous avons fait beaucoup de choses d’un commun accord. Se présenter devant le public en disant qu’il ne sera jamais possible d’obtenir l’accord des provinces, c’est faire preuve d’un manque de confiance extraordinaire. Le député de New-Westminster- Coquitlam a dit que le Nouveau parti démocratique aimerait étudier la question pendant deux ans pour proposer à son tour une formule d’amendement, et qu’il aimerait voir apporter certaines modifications concernant les femmes et la charte des droits. Il y a un certain nombre de changements que l’honorable représentante aimerait voir apporter, et elle espère bien que tout le monde sera d’accord. Cela ne veut-il pas dire qu’elle pense que des changements seront possibles avec le temps? C’est tout à fait contraire à la position qu’elle adopte.
Mes honorables amis de la Colombie-Britannique font face à un dilemme. Le député de Burnaby (M. Robinson), qui est malheureusement absent pour le moment, est un fervent défenseur des droits de la personne-tout comme moi-et je comprends fort bien ce qu’il ressent. Il a dit qu’il n’approuvait pas la formule d’amendement mais qu’il l’accepterait tout de même parce qu’il tenait absolument à voir ces droits garantis.
(1750)
Telle semble être toutefois la position des députés de Skeena (M. Fulton), de New Westminster-Coquitlam, de Kootenay- Ouest (M. Kristiansen), de Cowichan-Malahat-Les Îles (M. Manly), de Vancouver-Est (M » » Mitchell), de Kootenay-Est- Revelstoke (M. Parker), de Kamloops-Shuswap (M. Riis), de Mission-Port Moody (M. Rose), de Comox-Powell River (M. Skelly) et de Vancouver-Kingsway (M. Waddell). Bref, la phalange néo-démocrate. Ils se sont associés avec les sénateurs de Colombie-Britannique pour défendre les intérêts de cette province tout en les trahissant à propos de la formule d’amendement.
Examinons cette formule d’amendement. L’article 41, qui est devenu depuis l’article 45, donne à tout jamais un droit de veto absolu sur tout amendement constitutionnel aux provinces de l’Ontario et du Québec.
Avant d’aller plus loin, permettez-moi une précision. Je veux bien donner un pouvoir de veto sur certaines choses au Québec, mais pas à l’Ontario, quel que soit le chiffre que sa population puisse atteindre un jour. Car cela diviserait à jamais les provinces entre celles de première catégorie, de deuxième catégorie et même de troisième catégorie. Si les députés s’imaginent que l’Ouest du Canada n’avait pas pensé à cela, c’est qu’ils n’écoutent pas ce qui se dit. L’Ouest s’en préoccupe, et sérieusement. Dans l’Ouest, cette formule de modification est considérée tout d’abord comme injuste et ensuite, puisqu’il y a le référendum, comme sans utilité.
«Pourquoi sans utilité», demanderont certains? Il s’agit de sortir de l’impasse. Je vais le dire pourquoi. Imaginons un instant que la formule de Victoria soit juste. Je ne pense pas qu’elle doive créer des provinces de première et de deuxième catégories, mais supposons qu’elle soit juste. Pourquoi le gouvernement l’a-t-il mise là? Parce qu’il l’a considérée comme un moyen équitable de décider de la façon dont se feront les changements. Mais voilà qu’ensuite le gouvernement fédéral vient nous dire: «Si nous n’arrivons pas à nos fins en recourant à l’article 41 (qui est maintenant l’article 45), nous utiliserons le référendum, nous passerons par-dessus les provinces, parce qu’alors il y aura impasse». Je n’arrive pas à comprendre ce que les gouvernements ont à l’esprit quand ils parlent d’impasse.
Si nous avons une formule de modification qui exige l’adoption par tant d’assemblées législatives provinciales de diverses régions, et si cette formule est juste, pourquoi ne pas en accepter les résultats? Pourquoi s’amener ensuite avec une nouvelle formule de modification, qui permet au gouvernement fédéral de passer par-dessus la tête des gens avec un référedum, s’il n’obtient pas ce qu’il veut avec le système qu’il prétend juste? Je ne peux pas assez insister sur le fait que cette disposition et cette façon de faire répugnent à l’Ouest canadien, comme sans doute à d’autres régions. J’ai beau chercher, je ne vois pas en quoi cela est nécessaire.
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On peut discuter sur le choix de la formule de Victoria ou d’une autre formule. Ce que je préfère, c’en est une qui ne promette pas de première et de seconde catégories. Je veux bien admettre le pouvoir de veto quand il y a des questions culturelles à défendre, quand il y a une population minoritaire. Mais en vertu de quoi le gouvernement et les députés NPD de Colombie-Britannique nous demandent-ils d’admettre quelque chose qui fait des Britanno-Colombiens des citoyens de seconde zone, qui bouleverse l’équilibre des pouvoirs au pays et qui met entre les mains de l’État fédéral un référendum qu’il est seul à pouvoir utiliser?
Dix provinces auraient beau venir dire au gouvernement fédéral qu’elles ont décidé quelque chose de conforme à l’intérêt du pays, qu’elles ne pourraient pas l’adopter parce que le gouvernement fédéral le leur interdirait. Que les députés y réfléchissent bien. Si l’article 45, si la formule de Victoria est juste-ce que je ne crois pas moi-même-si le gouvernement pense qu’elle est juste, pourquoi lui faut-il un référendum? Cette question du référendum cause beaucoup d’émoi dans l’Ouest, parce qu’elle donne au gouvernement central un pouvoir qu’il n’avait jamais eu, un pouvoir dont il n’a pas besoin à moins d’avoir une idée de derrière la tête.
Une voix: Le contrôle des ressources.
M. Fraser: Il y a autre chose. Mes honorables amis du NPD de Colombie-Britannique se battent les flanc à dire qu’ils n’aiment pas la formule de modification que nous avons proposée. Il y aurait trop de formules, trop de questions sans réponse à les en croire. Je leur répondrai qu’ils font bien les difficiles avec notre formule, mais ne font pas tant de manières pour voter celle du gouvernement.
Voyons ce que prévoit la formule du gouvernement fédéral. Il ne s’agit pas seulement de l’article 45 et du référendum, c’est plus compliqué que cela. On trouve trop de formules dans la proposition du gouvernement. Examinons l’article 36, qui exige l’unanimité pendant deux ans. Voyons aussi l’article 45 qui est la formule de Victoria. On pourrait prévoir une autre formule provinciale possible dans la formule de Victoria ainsi qu’une autre formule s’appliquant au dépôt de cette autre possibilité. Je renvoie les députés à l’alinéa 42(l). Il pourrait exister une autre formule fédérale possible qui remplacerait la formule de Victoria, et nous n’aurions aucun moyen de la connaître. Je renvoie les députés au sous-alinéa 42(3)a). On pourrait tenir un référendum pour décider du choix entre la proposition fédérale et la proposition provinciale. Encore une fois je revoie les députés à l’article 41. Il pourrait y avoir une autre formule permanente et une modification par voie de référendum. A ce propos je vous renvoie à l’article 46. Si nous lisons les articles attentivement, nous voyons que la proposition du gouvernement comprend six formules d’amendement.
Certains de mes collègues du gouvernement me regardent avec incrédulité. Je les invite à consulter un avocat, ou s’ils le sont eux-mêmes, à mettre leurs lunettes et à lire ces articles parce que c’est ce qui s’y trouve.
Mes chers collègues, surtout mes collègues du Nouveau parti démocratique, disent qu’ils ne peuvent accepter la formule d’amendement du parti conservateur parce qu’elle pourrait demander trop de temps. Voyez seulement les délais prévus dans la proposition du gouvernement. On exige l’unanimité pendant deux ans. Encore une fois, je vous renvoie à l’article 36. A la fin de ce délai de deux ans, si l’on n’était pas arrivé à s’entendre sur une formule d’amendement on aurait recours à un référendum. Je renvoie les députés à l’alinéa 42(3); ce référendum serait tenu dans les deux ans qui suivraient et pendant ce temps l’unanimité serait toujours exigée.
Après avoir déterminé par voie de référendum quelle formule doit s’appliquer, l’option fédérale ou provinciale, il faut ensuite attendre six mois avant que la formule choisie soit adoptée et mise en application. Cela permet un délai de quatre ans et demi à presque cinq ans. Comment les députés néo-démocrates de la Colombie-Britannique peuvent-ils voter pour cette proposition plutôt que pour la nôtre?
Le député de Burnaby et cet après-midi celui de New Westminster-Coquitlam ont bien fait valoir cet argument. Peu leur importe que la Colombie-Britannique se trouve dans une position de deuxième classe. Peur leur importe que cette disposition relative à un référendum éloigne l’Ouest du Centre- et le Québec aussi, à en croire MM. Ryan et Lévesque. Les députés que j’ai mentionnés se soucient peu d’une pareille division. Ils ont si peu de foi en la possibilité que nous puissions jamais nous entendre sur une charte des droits qu’ils sont prêts à accepter une formule qui désavantage leur province. Ils en paieront le prix. M. Nystrom ne se trompe pas, bien loin de là.
M. Nystrom et trois autres députés comprennent l’Ouest.
M. Knowles: Règlement!
M. Fraser: Excusez-moi, je veux dire le député de Yorkton- Melville (M. Nystrom). Mes excuses au député et aux autres. Le député de Yorkton-Melville a bien vu ce que c’est. Il en a parlé dans le premier discours qu’il a prononcé à la Chambre il y a des semaines. Les gens devraient écouter certains de ces députés.
J’aimerais verser quelques commentaires au compte rendu. Ils s’adressent non seulement aux ministériels mais aussi aux députés néo-démocrates. Permettez que je lise les commentaires de M. Stephen Lewis, ancien leader fort respecté du Nouveau parti démocratique de la province d’Ontario. Voici ce qu’il a dit:
Mais, au niveau le plus élevé, nous avons ceux qui prétendent, depuis Joc Clark jusqu’à Allan Blakeney, depuis René Lévesque jusqu’à Lorne Nystrom, que ‘insistance unilatérale et dogmatique de Pierre Trudeau cause tellement de tort au pays que la démarche constitutionnelle n’en vaut tout simplement pas la peine, même sans la charte.
Il a poursuivi:
Pour moi personnellement, c’est là l’argument qui me cause le plus de difficulté. Je déteste le provincialisme mesquin de plusieurs des premiers ministres provinciaux.
Il ne les manque pas.
Je ne vois rien de particulièrement noble dans l’attitude chahuteuse des conservateurs fédéraux.
Ce ne sont pas des félicitations qu’il nous adresse.
Je suis même déçu du premier ministre Blakeney. Mais si mauvais que tout cela soit, j’ai la ferme conviction que la conduite des libéraux à Ottawa est encore pire, que nous sommes en train de causer un tort irréparable à notre pays. Je me suis laissé dire par des gens dont je respecte l’opinion qu’un an après la proclamation de la nouvelle constitution les cicatrices seront guéries et que la fierté prévaudra. Je voudrais bien croire cela du fond de mon coeur … mais je le peux pas, je ne le peux absolument pas. Les blessures sont trop profondes.
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Je viens de l’Ouest, mais je ne veux pas être rien qu’un alarmiste. Je demande à mes amis de m’écouter. Je leur demande d’apporter les changements qui feront de ce document un document canadien qui unira notre pays au lieu de le diviser.