Conférence des Premiers Ministres sur les Questions Constitutionnelles Intéressant les Autochtones, Presentation des Nations Indiennes de Hobbema a la Conference Portant sur l’Article 37(1) sur les Droits Ancestraux et les Droits Issus de Traites (15-16 mars 1983)


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Date: 1983-03-15
Par: Assemblé des premières nations
Citation: Conférence des Premiers Ministres sur les Questions Constitutionnelles Intéressant les Autochtones, Presentation des Nations Indiennes de Hobbema a la Conference Portant sur l’Article 37(1) sur les Droits Ancestraux et les Droits Issus de Traites, Doc 800-17/005 (Ottawa: 15-16 mars 1983).
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Traduction du Secrétariat
DOCUMENT: 800-17/005

CONFÉRENCE DES PREMIERS MINISTRES
SUR LES QUESTIONS OONSTITUTIONNELLES
INTÉRESSANT LES AUTOCHTONES

PRESENTATION DES NATIONS INDIENNES
DE HOBBEMA A LA CONFÉRENCE PORTANT
SUR L’ARTICLE 37 (1) SUR LES DROITS
ANCESTRAUX ET LES DROITS ISSUS DE
TRAITES

Assemblé des premières nations

Ottawa
Les 15 et 16 mars 1983

PRÉSENTATION DES NATIONS INDIENNES
DE HOBBEMA A LA CONFÉRENCE PORTANT
SUR L’ARTICLE 37 (1) SUR LES DROITS
ANCESTRAUX ET LES DROITS ISSUS DE
TRAITÉS

(15-16 mars 1983)

TABLE DES MATIÈRES

DÉCLARATION DES NATIONS INDIENNES DE HOBBEMA

A. La spiritualité indienne par rapport à la
souveraineté culturelle indienne

B. Proposition de mécanisme bilatéral

C. L’autodétermination des Indiens

D. Les ressources naturelles

E. Les droits ancestraux et les droits issus de traités

F. Répercussions des dispositions de la Charte sur
les droits des Indiens

G. Le mot « existants » au paragraphe 35(1)

H. Elimination de l’alinéa 12(1)b) de la Loi sur
les Indiens de l’ordre du jour de la Conférence

DÉCLARATION DES NATIONS INDIENNES DE HOBBEMA

Après des siècles de mauvaise foi et de promesses non
tenues, nous voyons en la présen conférence, à un moment
de renouveau constitutionnel, une occasion unique de créer entre
les nations indiennes et les Canadiens une nouvelle relation
fondée sur le respect réciproque et le pluralisme. Pour nous,
le terme « pluralisme » consacre une certaine interdépendance de
nos sociétés, et une interdépendance qui reconnaît, comme
l’affirme la Loi.constitutionnelle de 1982, aux articles 25
et 35, que nous avons des droits authentiques — ancestraux et
issus de traités — qui nous sont propres. Ces droits constituent
le fondement de nos institutions politiques et sociales
distinctives et d’une relation renouvelée qui puisse susciter
une confiance qui a été presque détruite par les gestes qu’a
posés le gouvernement.

Compte tenu de la nécessité de donner plus de substance
aux droits énumérés à la Loi constitutionnelle, les articles
suivants traitent surtout de domaines particuliers et de certains
domaines généraux qui doivent être définis et précisés.

Voici un sommaire de chacun de ces articles, avec les
recommandations qui y sont présentées.

A. La spiritualité indienne par rapport à la souveraineté
culturelle indienne

Sommaire

L’article sur la spiritualité indienne compare la
vision indienne du monde à celle des Euro-Canadiens. La
philosophie de ces derniers est fragmentée, analytique et repose
en général sur un fondement assez étroit, alors que nous
percevons toutes les institutions, tant spirituelles et
Culturelles que politiques et juridiques, comme des façons
différentes d’aborder la même réalité ultime.

La langue, les coutumes et les traditions des tribus
indiennes du Canada présentent des différences, mais celles-ci
recouvrent une unité spirituelle avec le grand Esprit et la même
vision fondamentale de la nature.

La Cérémonie de la tige sacrée, qui n’a lieu que
rarement et qui représente l’union absolue des nations, symbolise
ce lien entre les dimensions spirituelles et temporelles de notre
existence. Nos chefs ont dirigé cette cérémonie lors de la
signature du traité et à toutes les occasions de grande importance
par la suite et il convient d’y avoir recours encore une fois
pendant le présent dialogue constitutionnel.

Recommandation

q. Les négociations visant à préciser les droits ancestraux
et les droits issus de traités doivent en tout temps tenir compte
de la spiritualité et de l’unité indiennes.

2. A Pour mieux exprimer ce principe d’une importance vitale,
nous suggérons d’ajouter un préambule à la définition des « droits
ancestraux et droits issus de traités » dont l’esprit serait
similaire à celui du préambule de la Charte canadienne des
droits et libertés, qui se lit comme suit:

« Attendu que le Canada est fondé surides principes
qui reconnaissent la suprématie de Dieu et la primauté
du droit … »

Dans le cas de la définition des droits des Indiens, le préambule
pourrait se lire comme suit:

« Attendu que les peuples indiens voient la présence
du Grand Esprit sous la diversité de l’homme et de la
nature, il est par les présentes reconnu et affirmé
que les droits suivants – ancestraux et issus de traités —
sont les fondements sur lesquels reposent l’intégrité et
l’unité de la société et du gouvernement indiens: »

B. PROPOSITION DE MÉCANISME BILATERAL

Sommaire

1. La nécessité de mettre sur pied un mécanisme bilatéral
permanent visant à continuer le travail de définition des droits
des Indiens — ancestraux et issus de traités — et à les enchâsser
sans réserve dans la Constitution est l’une des principales
préoccupations des nations indiennes qui participent à la présente
conférence.

2. On doit identifier et définir les divers droits
ancestraux et issus de traités des Indiens, des Inuit et des Metis
lors de cette conférence constitutionnelle de mars 1983, mais une
fois l’actuel article 37 abrogé en avril 1983 (sous l’empire de
l’article 54 de la Loi constitutionnelle)il n’y a plus aucune
obligation de convoquer une autre conférence pour traiter de ces
questions.

3. L’actuelle formule d’amendement, qui figure à la
Partie V de la Loi Constitutionnelle exige l’approbation du
gouvernement fédéral et d’au moins sept des provinces contenant
au moins 50 pour cent de la population de l’ensemble des provinces.
Aucune disposition n’exige le consentement obligatoire des
Indiens à tout amendement constitutionnel abrogeant ou modifiant
nos droits ancestraux et issus de traités, ce qui nous laisse
encore une fois dans une situation très vulnérable.

Recommandations

1. Il faut mettre sur pied un mécanisme bilatéral officiel
qui continuerait à fonctionner indépendamment de tout processus
permanent qui pourrait découler de la conférence constitutionnelle
de mars.

2. Nous proposons de créer le plus tôt possible un Bureau
de la protection des droits des Indiens (BPDI); la première tàche
de ce Bureau serait de mettre en oeuvre un mécanisme bilatéral
fonctionnel entre les premières nations et le gouvernement du
Canada.

3. Il nous faut un engagement officiel de la part du
gouvernement fédéral d’obtenir le consentement des Indiens
avant d’approuver tout amendement constitutionnel affectant nos
droits.

4. Nos droits ancestraux et issus de traités pourraient
être incorporés par renvoi à la Constitution au moyen d’une ou
plusieurs annexes déterminant et définissant les droits des divers
peuples autochtones. Il y a un précédent à cet effet aux articles
80 et 108 de la Loi constitutionnelle de 1867. Si l’on ne
s’entend pas sur l’incorporation d’une définition de nos droits
par renvoi, nous proposons un amendement visant à enchâsser
une série permanente de conférences constitutionnelles pour
définir et enchâsser nos droits.

5. Nous proposons donc que la Loi constitutionnelle de 1982
soit amendée en remplaçant l’article 37 par ce qui suit:

37(1)…une fois par année pendant les cinq années suivant
l’entrée en vigueur de la présente partie…

OU …au cours des deux années suivant l’entrée en
vigueur de la présente partie …

le premier ministre du Canada convoque une
conférence constitutionnelle réunissant les
premiers ministres provinciaux, les représentants
des peuples autochtones du Canada et lui-même.

(2) Sont placées à l’ordre du jour de la (des)
conférence(s) visée(s) au paragraphe (1) les questions
constitutionnelles qui intéressent directement les
peuples autochtones du Canada, notamment la
détermination et la définition des droits de ces
peuples à inscrire dans la Constitution du Canada.

(3) La Constitution du Canada peut être amendée après
la dernière conférence convoquée en vertu du
paragraphe (1) de façon à inclure les droits des
autochtones — ancestraux et issus de traités —
uniquement avec l’approbation des représentants
autorisés de ces peuples autochtones.

(4) Le Parlement du Canada mettra sur pied un
bureau chargé d’assurer la protection des droits
— ancestraux et issus de traités — des peuples
autochtones du Canada.

(5) Le paragraphe 38(3) de la Loi constitutionnelle de
1982 ne s’applique pas à un amendement fait en
vertu du paragraphe (3) du présent article.

(6) Le premier ministre du Canada invite des
représentants élus des gouvernements du territoire
du Yukon et des territoires du Nord-Ouest à
participer aux travaux relatifs à toute question
placée à l’ordre du jour de la conférence visée
au paragraphe (1) et qui, selon lui, intéresse
directement le territoire du Yukon et les
territoires du Nord-Ouest.

6. Nous proposons d’amender comme suit la Loi constitution-
nelle afin de prévoir le consentement des peuples autochtones aux
amendements dérogeant à leurs droits ancestraux et issus de
traités:

Ajouter un nouveau paragraphe 38(5):

38(5) Tout amendement à la Constitution du Canada
qui déroge aux droits — ancestraux et issus de
traités — des peuples autochtones du Canada
exige le consentement des représentants autorisés
des peuples autochtones affectés par l’amendement
en Cause.

7. Comme solution de rechange, le consentement des Indiens
pourrait être prévu à une étape ultérieure du processus
constitutionnel au moyen d’un amendement à l’article 48 de la
Loi constitutionnelle. Cette proposition vise à traduire le rôle
du gouvernement fédéral dans le mécanisme bilatéral auprès
des nations indiennes. Le gouvernement fédéral s’engagerait
notamment à obtenir le consentement des Indiens avant d’approuver
tout amendement constitutionnel futur affectant nos droits.

Nous proposons d’amender comme suit l’article 48:

48 (1) Sous réserve du paragraphe (2), le Conseil privé
de la Reine pour le Canada demande au gouverneur
général de prendre, conformément à la présente L
partie, une proclamation dès l’adoption des
résolutions prévues par cette partie pour une
modification par proclamation.

(2) Le Conseil privé de la Reine pour le Canada ne
demande pas au gouverneur général de prendre une
proclamation conformément à la présente partie
lorsque la modification déroge aux droits
— ancestraux et issus de traités — des peuples
autochtones sans avoir d’abord obtenu le consentement
des représentants autorisés des peuples affectés par
la modification.

8. Nous nous inquiétons également du fait que la Loi
constitutionnelle ne permet pas des modifications émanant des
nations indiennes. Nous proposons donc de modifier l’actuel article
46 en y ajoutant le paragraphe suivant:

46(2) Dans les cas visés aux articles 38, 41, 42 et 43,
à l’égard de questions constitutionnelles affectant
directement les droits – ancestraux et issus de
traités — des peuples autochtones, les représentants
autorisés de ces peuples peuvent prendre l’initiative
des procédures de modification.

C. L’autodétermination des Indiens

A titre de peuples distincts dont la tradition remonte
à des millénaires avant le contact avec les Européens, nous
avons le droit à l’autodétermination, de même que le droit
connexe de déterminer librement la forme de notre association
avec l’Etat canadien.

L’Encyclopaedia Britannica (Mic.v.ix, pp 4l-2) distingue
deux sens du terme « self-determination » (autodétermination):

(Traduction)
« En premier lieu, on dit qu’un Etat a le droit à
l’autodétermination en ce sens qu’il a le droit de
choisir librement ses systèmes politique, économique,
social et culturel. En second lieu, le droit à
l’auto-détermination se définit comme le droit d’un
peuple de se conntituer Etat ou de déterminer
librement la forme de son association avec un Etat
existant. Les deux sens ont leur fondement dans la
Charte (Article 1, paragraphe 2 et article 55,
paragraphe 1). » 2

C’est ce second sens qui intéresse surtout les Indiens. Il ne
fait aucun doute que les Indiens sont et ont toujours été
un « peuple » distinct au sens des paragraphes 1(2) et 55(1)
de la Charte des Nations’Unies, et qu’ils aspirent à déterminer
librement la forme de leur association avec un Etat existant,
conformément à la seconde partie de la définition de
l’Encyclopaedia Britannica.

Nous n’avons jamais renoncé à notre droit à
l’auto-gouvernement, qui, le continent, a pris des
formes diverses et a été reconnu par les divers gouvernements
britanniques et canadiens. L’auto-gouvernement indien se
caractérise notamment par le recours à un consensus
dirigé par les chefs de la communauté, sans opposition
officielle selon le modèle britannique de gouvernement
parlementaire. Après une discussion approfondie de tous
les aspects de la question à l’étude, le résultat final de
la délibération est annoncé par les chefs.

Nous considérons ce droit à l’autodétermination à la
fois comme un droit ancestral et comme un droit issu de
traités. Il est consacré par l’usage et a été reconnu pa
traité. Par exemple, le traité no 6, signé en 1876 avec
Crké des plaines et des bois stipule:

Ils (les Indiens)

eux, et aussi entre
eux et les autres tribus

et le traité no 7, signé en 1877 avec les Pieds noirs de
Bow River et de Fort MacLeod stipule:

maint la paix et entre
eux et entre eux et les autres tribus
qu’entre eux-mêmes et les autres sujets de sa
Majesté, qu’il ou
blancs,

.. 4

La mention du maintien de la paix et de l’ordre dans ces traités
était un mandat général dans les traités qui reconnaissaient
(comme beaucoup des instruments établissant l’auto-gouvernement
colonial britannique)5 le droit des peuples indiens de maintenir
l’ordre public et de se gouverner eux-mêmes. Il ne serait pas
exagéré de dire que ce droit comporte des dimensions aux plans
exécutif, législatif et judiciaire. nTant que nous demeurerons
un peuple original au sein de la Confédération canadienne, nous
faisons et administrons nos propres lois et recourons à nos
propres mécanismes pour résoudre les Conflits conformément aux
traités et aux usages traditionnels.

Pour donner effet à une troisième forme de gouvernement
au sein de la Confédération et conformément à notre histoire
politique et culturelle, nous devons disposer des pouvoirs
suivants pour que notre gouvernement soit efficace:

1. Pouvoirs exécutifs et législatifs
2. Le pouvoir d’administrer la justice et d’appliquer
les lois
3. Les pouvoirs fiscaux
4. Le pouvoir de réglementer les relations domestiques
5. Le pouvoir de réglementer l’utilisation des biens
immobiliers
6. Un pouvoir relatif aux programmes sociaux
7. Le pouvoir de décider de la langue officielle
8. Le pouvoir de déléguer
9. Le pouvoir de définir le statut d’Indiens et
l’appartenance

D. RESSOURCES NATURELLES

Nos droits à la terre et aux minéraux qu’elle contient
précèdent à la fois la création du Canada et celle des provinces
des Prairies et se fondent sur un droit ancestral confirmé par
la Proclamation royale de 1763. Puisque nous n’avons jamais
aliéné nos droits par transfert public selon les dispositions de
la Proclamation, ces droits continuent à nous appartenir en
exclusivité. En outre, puisque lors de la signature des
traités il était entendu par nos chefs que seule la couche de
terre nécessaire à des fins agricoles était concédée à la Couronne,
nous avons conservé tout ce qui se trouve en-dessous.

Il est vrai que le paragraphe 92A(1) de la Loi
constitutionnelle ne parle pas de propriété provinciale des
ressources naturelles, mais il confère aux provinces le pouvoir
exclusif de légiférer sur les ressources non renouvelables sans
qu’il soit nécessaire de consulter les Indiens, qui possèdent une
bonne partie de ces ressources, ou d’obtenir leur consentement.
Pour empêcher que cela ne se produise, nous proposons d’ajouter
un nouveau paragraphe:

92A(7) Rien de ce qui précède ne porte
atteinte à la propriété indienne des
ressources naturelles non renouvelables
tant dans les réserves qu’à l’extérieur
de celles-ci.

E. LES DROITS ANCESTRAUX ET LES DROITS ISSUS DE TRAITES

La définition précise des droits ancestraux et des
droits issus de traités échappe depuis longtemps aux organismes
législatifs et judiciaires du Canada. Malgré leurs efforts
tenaces, ils n’ont presque jamais tenu compte de ce qui était
sous-entendu par nos chefs lors de la signature des traités
et ils ont constamment utilisé les droits étrangers et les modèles
européens pour tenter de définir la juste portée de nos droits.

Nous maintenons qu’il n’est pas possible de définir
exactement nos droits par le simple examen des textes écrits
des traités et des négociations, mais qu’il est absolument
nécessaire de comprendre l’esprit dans lequel ces pactes ont été
conclus ainsi que ce que nos chefs croyaient être l’essence de
ces traités.

Ayant occupé cette terre pendant des millénaires, nous
possédions tous les pouvoirs nécessaires à notre mode de vie.

Nous n’avons pas renoncé à ces droits au moment de
l’occupation européenne ni lors de la signature des traités. Ces
droits issus de traités comprennent notamment:

(i) L’autodétermination, y compris les organismes .
judiciaires, les cours tribales, la police, la
culture et la langue.
(ii) La chasse et la pêche.
(iii) L’éducation.
(iv) La santé et la médecine.
(v) Le développement social et économique, y compris les
programmes d’emploi et de bien-être.
(vi) L’exemption des impôts et de la saisie.
(vii) Les ressources naturelles.

F. LES REPERCUSSIONS DES DISPOSITIONS DE LA CHARTE SUR LES
DROITS DES INDIENS

Nous, les Indiens, avons toujours soutenu que nous
possédons tous les droits des autres Canadiens mais qu’en plus
nous possédons des droits particuliers à cause de nos origines.
La « Charte des droits et libertés » figurant aux articles 1 à 34
repose sur le principe de l’égalité des droits de chacun au Canada.
On ne sait comment ceci affectera nos droits particuliers. A notre
avis, les articles 1, 2, 15, 16 à 23, 24(1), 25, 28, 33, 35 et 38
pourraient être utilisés par les tribunaux pour porter atteinte
à notre statut particulier.

G. LE MOT « EXISTANTS » AU PARAGRAPHE 35(1)

On discute beaucoup au Canada du sens exact du mot
« existants » au paragraphe 35(1). On n’a pas encore réussi à trouver
un consensus quant à la définition des droits ancestraux et des
droits issus de traités. La présence du mot « existants » ne fait
qu’ajouter à cette incertitude. Nous ne sommes donc toujours pas
convaincus que nos droits soient protégés. Nous recommandons que le
mot « existants » soit éliminé du paragraphe 35(1) parce qu’il ne
nous apporte aucun avantage et portera en fait atteinte aux droits
dont nous jouissons présentement.

H. ELIMINATION DE L’ALINEA 12(1) b) DE LA LOI SUR LES INDIENS
DE L’ORDRE DU JOUR DE LA CONSTITUTION

L’alinéa 12(1) b) constitue une restriction imposée
artificiellement par le Parlement sans consultation avec les
Indiens. Depuis son adoption, il a causé des difficultés
considérables pour la communauté indienne parce que, dans de
nombreux cas, l’unité familiale a été au pire fragmentée et
disloquée et au mieux irrévocablement modifiée. Malheureusement,
il n’est plus possible de tout simplement abroger cette disposition
parce que, au cours des générations qui se sont succédées
depuis son adoption, la question du statut d’Indien est inextrica-
blement mêlée à d’autres facteurs politiques et économiques
d’importance. L’abrogation de l’alinéa 12(1) b) sans disposition
permettant de résoudre les problèmes connexes pourrait, au lieu
d’améliorer la vie de la communauté indienne, entraîner une
injustice encore plus grande.

Les nations indiennes connaissent bien leur population
et leurs communautés et c’est donc à eux qu’il appartient de
décider qui est un Indien et de résoudre la question de
l’appartenance à une tribu indienne. C’est ainsi que cela se
faisait dans le passé et c’est ainsi que cela doit continuer à
se faire.

L’exposé qui précède est conçu comme un sommaire des
points saillants des articles qui suivent; pour plus de détail
le lecteur est prié de se reporter au texte de ces articles.

LA SPIRITUALITE INDIENNE PAR
RAPPORT A LA SOUVERAINETE
CULTURELLE INDIENNE

LA SPIRITUALITE INDIENNE PAR RAPPORT A LA SOUVERAINETE
CULTURELLE INDIENNE

Pour nous, Indiens, il est impossible de séparer la
dimension spirituelle de la vie de ses dimensions culturelles,
sociales et politiques. Ce sont là des façons différentes d’aborder
la même réalité ultime — la grande chaîne de l’existence essentielle
à tous les êtres humains. Il y a évidemment des différences aux
plans du langage, des coutumes et des traditions, mais elles
recouvrent une unité spirituelle qui traduit notre relation avec‘
le Grand Esprit et une même vision fondamentale du monde. Bien
qu’il y ait de nombreuses différences de détail entre les diverses
nations indiennes, par suite des différences des souvenirs
collectifs, des modes de production et des systèmes politiques,
de même que de variations aux plans de l’art, du rituel, des
coutumes et des valeurs, il y a également de grandes similarités.
Tous, nous respectons les vieillards, nous aimons nos enfants,
nous pratiquons la collaboration, nous privilégions l’autonomie
et nous participons à une relation globale avec notre mère la
terre. Nous avons une façon « holistique » d’aborder l’univers,
qui nous distingue de nos voisins. Autrefois, les cultures
européennes aspiraient à établir une relation globale entre
l’hom et Dieu et la nature; mais depuis la révolution indus-
trielle et l’avènement de la technologie moderne, les Européens
et les Canadiens se préoccupent surtout de fragmenter – de se
concentrer de façon analytique, par des méthodes mathématiques
et scientifiques, sur des problèmes de plus en plus petits.
En un certain sens, l’atome et la cellule sont devenus plus
importants comme objets d’étude que les entités plus grandes
dont ils font partie. Cette approche fragmentée nous est
étrangère à nous, Indiens. Nous ne disons pas que l’étude de
ces questions étroites n’est pas importante, mais qu’il faut
bien en venir à relier les parties au tout dans une grande
synthèse – une mise en place — et qu’il nous Semble, en toute
modestie, que c’est cette approche « holistique »de l’homme,
de la nature et du Grand Esprit qui est à l’origine de toutes
choses qui fait présentement défaut à la culture euro-canadienne.

Nous considérons ces différences au plan de la
philosophie sociale de base et de notre vision fondamentalement
religieuse de l’univers de la plus haute importance. L’accent
que nous mettons sur la préservation de nos droits distinctifs
— ancestraux et issus de traités – aux articles 25, 35 et 37 de
la Loi constitutionnelle de 1982, reconnaît le caractère unique
de notre tradition, fondé sur une vision essentiellement spirituelle
de la réalité.

Cependant, de grands dangers menacent nos traditions:
les pressions assimilatrices de la culture euro-canadienne
dominante, la séduction des media et les empiètements d’institutions
qui ne reflètent pas convenablement notre culture. Ces fortes
pressions étrangères ont perturbé notre système d’éducation et
déformé nos structures et nos processus sociaux. Nous avons perdu
la maîtrise conceptuelle et logistique de notre société. Notre
opération d’autodétermination a perdu de sa vigueur.

L’interdépendance des concepts spirituels et des
concepts politiques et juridiques des Indiens est soulignée
par la « Cérémonie de la tige sacrée » qui n’a lieu que rarement
et qui représente la réunion absolue des nations, se mettant
d’accord sur les clauses et les conditions de traités solennels,
que seul l’Etre suprême peut éliminer.

Cette cérémonie, pratiquée avant les consultations et
à la lumière de l’aube caractérisait la signature de tous les
traités. La tige sacrée de la nation indienne s’est transmise
d’une génération à l’autre de gardiens depuis des centaines
d’années. Les linges qui entourent la tige sacrée sont si
vieux et si fragiles qu’il faut les manipuler avec un soin extrême.

On ne sort la tige sacrée qu’une seule fois par année,
pour la danse du soleil, ou lorsqu’il y a une entente entre
les nations qui affectera notre population pendant plusieurs.
générations. La tige ne peut quitter nos terres, oü tous les
traités doivent être conclus et signés. Chaque fois que la tige
sacrée est présente, ces traités contiennent invariablement les
mots: « Aussi longtemps que brillera le soleil, que couleront les
rivières et que poussera l’herbe ». Ces mots, accompagnés de ces
rites anciens et solennels, signifient que les clauses des
traités doivent être observés avec une bonne foi absolue et avec
la plus grande exactitude.

Dans le passé, au cours de la cérémonie, chaque chef
priait à tour de rôle avec la tige, après quoi elle était remise
à sa place. Le lieutenant-gouverneur Morris, qui a présidé à la
signature des traités solennels avec les Indiens, comprenait bien
le rôle de la tige sacrée dans la cérémonie. Pour sa part, il prit
la Sainte Bible sur laquelle il fit un serment engageant la Reine
et ses successeurs à observer à jamais les clauses du traité.

Notre époque de renouveau constitutionnel nous présente
des occasions de renforcer notre souveraineté culturelle, mais
comporte aussi des dangers. Une définition forte des droits
ancestraux et issus de traités signifiera que les générations
à venir d’enfants indiens disposeront d’un cadre plus positif
pour développer et étendre eux-mêmes leur culture. Une définition
plus faible pourrait signaler la disparition ultime d’une culture
indienne robuste.

Nous soutenons que notre façon d’aborder les grands
problèmes de l’existence, dans un contexte spirituel, devrait
avoir un effet important sur l’interprétation des dispositions de
la Charte et de la Loi constitutionnelle de 1982 qui visent les
Indiens. Comme nous l’avons déjà dit, les cultures d’origine
euro-canadienne ont plus que nous tendance à analyser les concepts
et à procéder par un raisonnement déductif abstrait. Ces
cultures tendent à séparer les problèmes, alors que nous préférons
voir les choses en termes de leur contexte global, Voir le tout
plutôt que les parties. Nous recommandons donc fortement
qu’au moment d’interpréter les « droits – ancestraux et issus de’
traités – des peuples autochtones » mentionnés aux articles 25 et 35
ou de souligner à l’article 26 de la Charte que le fait que la
Charte garantit certains droits et libertés « ne porte pas atteinte
aux droits ou libertés — ancestraux, issus de traités ou autres —
des peuples autochtones du Canada » la Conférence tente de relier
les diverses définitions en un ensemble cohérent. Puisque la
garantie de la religion et de la culture indiennes exprimée
par les droits « ancestraux et issus de traités » porte sur
l’ensemble d’un mode de vie, toutes les garanties particulières
devraient être vues par rapport à un ensemble plus grand.

Pour mieux exprimer ce principe d’une importance vitale,
nous suggérons d’ajouter un préambule à la définition des « droits
ancestraux et droits issus de traités » dont l’esprit serait
similaire à celui du préambule de la Charte canadienne des
droits et libertés, qui se lit comme suit: « Attendu que le
Canada est fondé sur des principes qui reconnaissent la suprématie
de Dieu et la primauté du droit … ». Dans le cas de la
définition des droits des Indiens, le préambule pourrait se lire
comme suit:

« Attendu que les peuples indiens voient la présence du
Grand Esprit sous la diversité de l’homme et de la
nature, il est par les présentes reconnu et affirmé
que les droits suivants — ancestraux et issus de traités –
sont les fondements sur lesquels reposent l’intégrité et
l’unité de la société et du gouvernement indiens: »

LA CONFERENCE CONSTITUTIONNELLE DES
15 ET 16 MARS 1983, EN VERTU DE
L’ARTICLE 37, ET LE MECANISME BILATERAL

LA CONFERENCE CONSTITUTIONNELLE DES 15 ET 16 MARS 1983,
EN VERTU DE L’ARTICLE 37, ET LE MECANISME BILATERAL

I. INTRODUCTION

L’article 37 de la nouvelle constitution canadienne
fournit un moyen de définir et d’inclure dans la constitution
« les droits existants — ancestraux ou issus de traités — des
peuples autochtones du Canada ». La Conférence constitutionnelle
convoquée les 15 et 16 mars 1983 en vertu de l’article 37 de la
Loi constitutionnelle de 1982 étudiera plusieurs questions
constitutionnelles affectant les Indiens, les Inuit et les Metis
du Canada.

Les nations indiennes s’inquiètent grandement du fait
que le mécanisme constitutionnel prévu à l’article 37 pour
déterminer et-définir nos droits ancestraux et issus de traités
permet aux provinces du Canada de participer à ce processus. Non
seulement les peuples autochtones se voient-ils refuser tout
droit officiel de vote, mais c’est aux provinces et au gouvernement
fédéral qu’est conféré le pouvoir de définir et d’enchâsser nos
droits dans la constitution du Canada.

Il y a quelques mois, des représentants de l’Assemblée
des premières nations (APN) ont entiepris des pourparlers avec le
premier ministre et les fonctionnaires fédéraux. Il s’agissait de
mettre sur pied un mécanisme bilatéral officiel avec le Parlement
fédéral qui faciliterait la reconnaissance de nos droits ancestraux
et de nos droits indiens et traiterait de toute une gamme d’autres
questions affectant aujourd’hui les Indiens.

Historiquement, nos droits en tant que nations indiennes
relèvent exclusivement de la compétence du gouvernement canadien.
Notre relation bilatérale avec la Couronne découle de la nécessité
de protéger les droits et les intérêts des Indiens. On ne pouvait
se fier aux gouvernements locaux et provinciaux pour protéger les
droits des Indiens contre les intérêts souvent contraires que ces
gouvernements représentaient.

Le processus constitutionnel actuel ne saurait résoudre
convenablement les nombreux problèmes complexes qui nous affectent
aujourd’hui. Il faut mettre sur pied un mécanisme bilatéral
officiel indépendant de tout processus qui pourrait découler de
la Conférence constitutionnelle de mars. La nature exacte de ce
mécanisme bilatéral et les institutions nécessaires pour y donner
effet dépendront de ce qui peut être réalisé par le moyen du
processus constitutionnel.

Nous proposons que soit créé le plus tôt possible un
Bureau de protection des droits des Indiens (BPDI). La première
tàche de ce bureau sera de mettre sur pied un mécanisme bilatéral
fonctionnel entre les premières nations et le gouvernement du Canada.
Ce mécanisme devra comporter au premier chef un engagement de la
part du gouvernement fédéral à obtenir le consentement des Indiens
avant d’approuver toute modification constitutionnelle affectant
nos droits.

Le Bureau pourrait également assurer une aide précieuse,
au plan technique et à celui de la recherche, pour faciliter le
travail de détermination et de définitibn de nos droits ancestraux et
issus de traités. Ce bureau continuerait cependant à fonctionner
une fois terminé l’actuel processus constitutionnel. Ce sera
l’institution centrale à l’avenir pour les relations entre les
Indiens et la Couronne du Canada.

Nous nous rendons bien compte des difficultés
qu’implique l’utilisation de l’actuel processus constitutionnel
pour traiter des nombreux problèmes qui concernent notre peuple
aujourd’hui. L’absence de tout processus permanent pour continuer
le travail de définition et d’enchâssement de nos droits constitue
pour nous une préoccupation importante. En outre, l’actuelle
formule d’amendement de la constitution ne protège pas les intérêts
des Indiens. C’est pourquoi nous proposons plusieurs amendements
visant à obtenir le contrôle par les Indiens des modifications
qui affectent nos intérêts.

II. LA CONFERENCE DE MARS ET LE PROCESSUS PERMANENT

L’ordre du jour de la Conférence constitutionnelle
convoquée en vertu de l’article 37 doit comprendre la détermination
et la définition des divers droits — ancestraux et issus de
traités – des Indiens, des Inuit et des Métis. Les premiers
ministres doivent étudier toute une gamme de questions affectant
ces peuples de nos jours.

Nos conseillers constitutionnels ont proposé que nos
droits ancestraux et issus de traités soient « incorporés par
renvoi » dans la Constitution au moyen d’une ou plusieurs annexes
déterminant et définissant les droits des divers peuples autochtones
On croit qu’un amendement n’est pas nécessaire, puisque rien
de neuf n’est ajouté à la Constitution. Les annexes ne feraient que
donner un contenu aux termes « droits ancestraux et issus de
traités » que l’on trouve déjà aux articles 35 et 37 de la
Constitution. Nous avons préparé des annexes déterminant les
droits des nations indiennes et qui pourraient être ainsi
incorporées à la Constitution.

En l’absence d’un-accord sur l’incorporation d’une
définition de nos droits par renvoi, nous proposons une modification
enchàssant une série de conférences constitutionnelles pour définir
et enchâsser nos droits. Nous nous rendons bien compte qu’il n’y
a guère d’espoir que les nombreux problèmes complexes affectant
nos peuples puissent être pleinement discutés et faire l’objet
d’un accord en une seule conférence de deux jours. Nous craignons
qu’une fois abrogé l’actuel article 37 en avril 1983 (sous
l’empire de l’article 54 de la Loi constitutionnelle) il ne
demeure aucune obligation de convoquer une autre conférence
portant sur ces questions.

1. Le processus permanent

Notre objectif premier à la Conférence de mars sera donc
de mettre sur pied un processus permanent pour continuer le
travail de définition et d’enchâssement des droits ancestraux et
des droits issus de traités des peuples autochtones. Nous
proposons d’amender la Loi constitutionnelle de 1982 en remplaçant
l’actuel article 37 par ce qui suit:

37(1) … une fois par année pendant les cinq années
suivant l’entrée en vigueur de la présente partie ..

OU … au cours des deux années suivant l’entrée en
vigueur de la présente partie…

le premier ministre du Canada convoque une
conférence constitutionnelle réunissant les
premiers ministres provinciaux, les représen-
tants des peuples autochtones du Canada et
lui-même.

(2) Sont placées à l’ordre du jout de la(des)
conférence(s) visée(s) au paragraphe (1) les
questions constitutionnelles qui intéressent
directement les peuples autochtones du Canada,
notamment la détermination et la définition des
droits de ces peuples à inscrire dans la
Constitution du Canada.

(3) La Constitution du Canada peut être amendée après
la dernière conférence convoquée en vertu du
paragraphe (1) de façon à inclure les droits des
autochtones — ancestraux et issus de traités –
uniquement avec l’approbation des représentants
autorisés de ces peuples autochtones.

(4) Le Parlement du Canada mettra sur pied un bureau
chargé d’assurer la protection des droits
—ancestraux et issus de traités — des peuples
autochtones du Canada

(5) Le paragraphe 38(3) de la Loi constitutionnelle de
1982 ne s’applique pas à un amendement fait en vert
du paragraphe(3) du présent article.

(6) Le premier ministre du Canada invite des représen-
tants élus des gouvernements du territoire du Yukon
et des territoires du Nord-Ouest à participer aux
travaux relatifs à toute question placée à
l’ordre du jour de la conférence visée
au paragraphe (1) et qui, selon lui, intéresse
directement le territoire du Yukon et les
territoires du Nord-Ouest.

Commentaires:

Le paragraphe 37(1) que nous proposons vise à mettre sur
pied une série permanente de conférences constitutionnelles.
Les représentants des peuples autochtones doivent avoir une
voix égale à celle des premiers ministres à chacune de ces
conférences. Nous proposons également de mettre sur pied un
comité permanent qui continuerait à travailler entre les
conférences officielles. D’après le modèle du Comité permanent des
ministres sur la constitution (CPMC), ce comité étudierait une
liste de questions établie par les participants à la Conférence
de mars.

Chacun des peuples autochtones ainsi que les gouvernements
fédéral et provinciaux seraient représentés à ce comité. Le
CPMC a travaillé à réaliser un consensus sur les changements
constitutionnels. La méthode du consensus est conforme ànla
méthode traditionnelle de prise de décision de bon nombre de
nos nations indiennes. Cependant, nous voudrions avoir l’assurance
que la façon dont les nations autochtones comprennent les traités
et leurs autres droits serait considérée au moins tout autant que
les préoccupations des gouvernements provinciaux.

La méthode du consensus ne sera acceptable au palier
du comité que si nous avons un vote officiel pour les questions
constitutionnelles affectant nos droits, conformément au nouveau
paragraphe 37(1) que nous proposons. Nous discuterons plus loin
d’autres propositions prévoyant le consentement des Indiens aux
modifications futures affectant nos droits.

Le CPMC (qui a servi de modèle dans la présente
proposition) était co-présidé par un ministre fédéral et par
un représentant des provinces. Cette façon de faire ne conviendrait
pas pour un comité tentant de définir et d’enchâsser les droits
des peuples autochtones. A cause de la grande diversité
d’intérêts impliqués dans cette série de pourparlers constitu-
tionnels, il faudrait un président indépendant.

Ce rôle pourrait revenir, par exemple, à M. Emmett Hall.
Il s’est dit intéressé à aider les peuples indiens au cours des
actuelles négociations constitutionnelles. Son jugement dans
l’affaire Calder, alors qu’il faisait partie de la Cour suprême,
montre qu’il est au moins sympathique aux intérêts des Indiens.
Sa carrière distinguée lui a également valu le respect des chefs
politiques tant fédéraux que provinciaux.

Pour reprendre notre commentaire de l’amendement proposé,
le paragraphe 37(3) exige que la définition définitive des droits
ancestraux et issus de traités qui sera enchàssée dans la
Constitution canadienne soit acceptable aux peuples autochtones.
L’actuelle formule d’amendement ne comporte aucune disposition
visant le consentement des Indiens aux amendements enchàssant nos
droits. Le paragraphe(1) ci-dessus donnerait aux peuples
autochtones le droit de vote aux conférences à venir, mais sans
disposition semblable au paragraphe(3), les gouvernements fédéral
et provinciaux pourraient tout simplement décider entre eux de
nos droits qu’ils veulent reconnaître et enchâsser leur version
sans aucune consultation des peuples indiens.

Le paragraphe(4) exige que le gouvernement fédéral
assure à ces droits une protection permanente par le moyen d’un
bureau comme le Bureau de la protection des droits des Indiens.
(On trouvera aux annexes A et B des organigrammes de la structure
et du fonctionnement de ce bureau.) Ce bureau de la protection
des droits des Indiens serait l’institution principalement
chargée de la protection des droits des Indiens. Ce sera aussi
l’élément de base de la mise en oeuvre d’un mécanisme bilatéral
officiel entre les Indiens et la Couronne du Canada. Nos proposi-
tions quant à la structure et au fonctionnement de cette institu-
tion seront étudiées plus loin dans le cadre du mécanisme
bilatéral que nous désirons voir mettre sur pied.

Le paragraphe (5) de notre projet d’article 37
cherche à surmonter le paragraphe 38(3) de la Loi constitutionnelle
et d’empêcher les provinces de se retirer des modifications
enchâssant les droits ancestraux et issus de traités des peuples
autochtones. La disposition de l’article 38(3) permet à une
province de refuser de reconnaître les droits des Indiens habitant
cette province, même si la gonstitution est amendée de façon à
enchâsser les droits des Indiens. Ceci est particulièrement
important dans les provinces maritimes, en Colombie-Britannique
et en Ontario où aucun traité n’a été signé. La reconnaissance
des droits des autochtones dans ces régions pourrait être
conçue comme une atteinte aux droits et pouvoirs provinciaux.
Outre ce nouveau paragraphe 37(5), le paragraphe 38(3) lui-même
devrait être modifié par l’addition des mots « sous réserve du
paragraphe 5 de l’article 37 ».

L’amendement de la ni constitutionnelle pour inclure
le nouvel article 37 présenté ici exigera l’approbation des
gouvernements fédéral et provinciaux en vertu de l’actuelle formule
d’amendement. Si l’on ne s’entend pas sur l’enchâssement d’un
processus constitutionnel permanent comme celui-ci, nous demandons
à tous les participants de la Conférence de mars de tout simplement
ajourner la conférence pour permettre d’étudier davantage les
problèmes soulevés.

Même l’actuel article 37 sera abrogé, le fait d’ajourner
la conférence permettra de la convoquer de nouveau à une date
ultérieure sur laquelle les participants pourront se mettre
d’accord. Comme on l’a déjà dit, un comité de travail devrait
être mis sur pied pour étudier ces questions en vue d’en
arriver à une entente et de faire rapport à une nouvelle session
de la Conférence constitutionnelle.

Nous demandons que les premiers ministres s’engagent
publiquement à poursuivre le processus de détermination et
d’enchâssement de nos droits dans la Constitution. Que nous
puissions ou non.obtenir une modification enchàssant une série
de conférences constitutionnelles où nous aurions une voix égale
à celle des provinces, nous demanderons au gouvernement fédéral
de mettre sur pied officiellement un mécanisme bilatéral assurant
la pleine protection de nos droits.

2. Le consentement des Indiens

Une autre préoccupation importante des premières nations
est le fait qu’il ne soit pas nécessaire d’obtenir le consentement
des Indiens pour modifier la Constitution en abrogeant les droits
des Indiens. Un amendement enchàssant une telle clause à la
Partie V de la Loi constitutionnelle équivaudrait à une modification
de l’actuelle formule d’amendement. En vertu de l’article 41,
il faudra donc le consentement unanime de toutes les provinces
et du gouvernement fédéral.

Nous proposons d’amender comme suit la Loi constitu-
tionnelle afin de prévoir le consentement des peuples autochtones
aux dérogeant à leurs droits ancestraux et issus de
traités:

Ajouter un nouveau paragraphe 38(5):

38(5) Toute à la Constitution du Canada qui
déroge aux droits — ancestraux et issus de traités —
des peuples autochtones du Canada exige le consen-
tement des représentants autorisés des peuples
autochtones affectés par l’amendement en cause.

Comme solution de rechange, le consentement des Indiens
pourrait être prévu à une étape ultérieure du processus constitu-
tionnel au moyen d’un amendement à l’article 48 de la Loi
constitutionnelle. Cette proposition vise à traduire le rôle du
gouvernement fédéral dans le mécanisme bilatéral auprès des
nations indiennes. Le gouvernement fédéral s’engagerait notamment
à obtenir le consentement des Indiens avant d’approuver tout
amendement constitutionnel futur affectant nos droits.

Nous proposons d’amender comme suit l’article 48:
48(1) Sous réserve du paragraphe(2), le Conseil privé
de la Reine pour le Canada demande au gouverneur
général de prendre, conformément à la présente
partie, une proclamation dès l’adoption des
résolutions prévues par cette partie pour une
modification par proclamation.

(2) Le Conseil privé de la Reine pour le Canada ne
demande pas au gouverneur général de prendre une
proclamation conformément à la présente partie
lorsque la modification déroge aux droits
— ancestraux et issus de traités — des peuples
autochtones sans avoir d’abord obtenu le
consentement des représentants autorisés des
peuples affectés par la modification.

3. Initiative indienne des modifications constitutionnelles

Nous nous inquiétons également du fait que la Loi
constitutionnelle ne permet pas des modifications émanant des
nations indiennes. Nous proposons donc de modifier l’actuel
articles 46 en y ajoutant le paragraphe suivant:

46(2) Dans les cas visés aux articles 38, 41, 42 et 43
à l’égard de questions constitutionnelles affectant
directement les droits — ancestraux et issus de
traités — des peuples autochtones, les
représentants autorisés de ces peuples peuvent
prendre l’initiative des procédures de modification.

4. Article 35

Nous proposons en outre que l’article 35 de la Loi
constitutionnelle soit modifié en éliminant le mot « existants ».

Le gouvernement fédéral soutient que l’addition du mot
« existants » à cette disposition n’en a nullement modifié le
sens. Nous sommes d’avis contraire.

Les règles d’interprétation des lois exigeront que les
tribunaux interprètent cette disposition de façon à donner effet
à chacun des mots qu’elle comporte. Elle pourrait très
facilement s’interpréter comme limitant nos droits à ceux qui
n’étaient pas déjà abrogésoniés par un texte de loi et par
des mesures exécutives au moment de l’adoption de la Loi constitu-
nàonnelle en 1982.

Si, comme le soutient le gouvernement fédéral, le mot
ne change pas le sens de la disposition, il ne devrait y avoir
aucune objection à sa suppression.

III. LE MECANISME BILATERAL

La relation historique entre la Couronne et les peuples
indiens du Canada place aujourd’hui les Indiens dans une situation
constitutionnelle particulière. Les chefs indiens des premières
nations se fient sur cette relation historique avec la Couronne
pour entreprendre des négociations bilatérales avec le gouvernement
du Canada.

Bien que ces négociations portent présentement surtout
sur la Conférence constitutionnelle qui aura lieu bientôt, les
chefs indiens désirent que la relation bilatérale historique avec
la Couronne soit maintenant reconnue officiellement et institu-
tionnalisée. Elle doit se poursuivre indépendamment de tout
processus découlant de la Conférence convoquée en vertu de
l’article 37.

1. La relation bilatérale historique

Lorsque le Canada a été créé en 1867, le Parlement fédéral
a reçu compétence exclusive pour toutes les questions
relatives aux Indiens et aux terres qui leur étaient réservées.
Le pouvoir centralisé que l’on retrouve au pragraphe 91(24) de
la Loi constitutionnelle de 1867 découlait du désir de la
Couronne impériale de protéger les peuples indigènes de ses
colonies. On ne pouvait se fier aux gouvernements locaux et
provinciaux pour protéger les droits des Indiens contre les
intérêts souvent contraires que ces gouvernements représentaient.

La Proclamation royale de 1763 étendait pour la
première fois la protection de la Couronne aux
ou tribus
Il était juste et raisonnable de le faire. A l’époque,
c’était également essentiel non seulement pour les intérêts de la
Couronne mais aussi pour la sécurité de la colonie. Ce fait a été
reconnu par la Couronne britannique dans la Proclamation elle-même.

Tant par esprit de justice que par nécessité militaire,
la Couronne britannique a choisi de respecter les droits des
Indiens. Les fonctionnaires de la Couronne dans les colonies
obtenaient l’accès aux terres indiennes au moyen d’une série de
cessions par traité.

En retour, Sa Majesté la Reine prenait plusieurs
engagements envers les peuples indiens. Bon nombre de ces
engagements étaient inscrits dans les traités, mais pas tous.

En 1870 dans l’Ouest, le gouvernement du Canada a
acquis juridiction sur les terres cédées par traité lorsque la
terre du Rupert et le territoire du Nord-Ouest se sont ajoutés
au Canada. Le décret du Conseil admettant ces terres au Canada
posait comme condition que le gouvernement du Canada continuerait
d’observer les principes d’équité qui avaient uniformément régi
la Couronne britannique dans ses transactions avec les peuples
autochtones. Le gouvernement canadien acceptait expressément
le devoir de s’occuper de la protection des tribus indiennes
dont les intérêts et le bien-être étaient impliqués dans le
transfert de ces terres.

En 1930, le Canada cédait ses droits sur ces terres
aux gouvernements provinciaux du Manitoba, de la Saskatchewan
et de l’Alberta. Le gouvernement du Canada, cependant, confirmait
encore une fois son devoir historique de s’acquitter des
obligations de la Couronne envers les Indiens. Ces ententes sur
le transfert des ressources naturelles et le devoir du gouvernement
fédéral envers les Indiens de chaque province ont été incorporés
à la Constitution canadienne par la nni constitutionnelle de 1930
et par la Loi constitutionnelle de 1982.

Le rapatriement de la Constitution canadienne en 1982
a laissé le gouvernement du Canada seul responsable de la
préservation et de la protection des droits et libertés des
Indiens. La compétence conférée au gouvernement du Canada par
le paragraphe 91(24) est différente de tout autre pouvoir
conféré à l’un ou l’autre palier de gouvernement au Canada
aujourd’hui. Aucun autre groupe ethnique ou culturel de la
société canadienne n’est soumis à un pouvoir exclusif de ce
genre.

La justice et l’humanité exigent qu’un pouvoir
sans précédent soit exercé uniquement pour le bien des personnes
qui y sont soumises. L’essence et la raison d’être de la relation
bilatérale établie en 1763 par la Couronne impériale continuent
d’être la protection des droits et des intérêts des Indiens.

2. Bureau de la protection des droits des Indiens

Pour assurer le bon fonctionnement de ce mécanisme
bilatéral et la protection des droits des Indiens, nous proposons
la création d’un Bureau de la protection des droits des Indiens
(BPDI). On trouvera l’organigramme et le fonctionnement du
bureau aux appendices A et B.

La première tâche du Bureau serait de préciser et de
mettre en oeuvre un mécanisme bilatéral fonctionnel entre les
premières nations et le gouvernement du Canada. Il aiderait
notamment à négocier un « grand traité » afin de consacrer
officiellement la relation historique entre les Indiens et la
Couronne du Canada. Un des objectifs primaires de ce processus
serait le contrôle par les Indiens des affaires internes des
premières nations.

Il est également très nécessaire de préciser qui est
responsable du financement et de la prestation des services
(surtout en matière de santé, d’éducation et de services sociaux)
aux Indiens inscrits habitant dans les réserves ou ailleurs.
Ceci pourrait comprendre un rôle dans la création des institutions
de l’auto-gouvernement indien.

La nature et la composition que l’on propose pour le
BPDI visent à refléter les aspirations des Indiens dans une
structure qui peut s’adapter à l’actuel système canadien.
Il s’inspire de modèles familiers à la fois aux Indiens
et au gouvernement fédéral, comme la Commission canadienne
des revendications des Indiens et la Commission des Indiens
de l’Ontario. Il faudrait une loi pour assurer le respect,
la reconnaissance, l’appui politique et le financement
essentiel à l’efficacité de cet organisme.

Nous proposons que ce Bureau de la protection des
droits des Indiens soit rattaché au gouverneur général. Il
s’acquitterait de ses fonctions sous la direction d’un
secrétariat indépendant mandaté à la fois par la Couronne
et par les premières nations.

Le Bureau de la protection des droits des Indiens
pourrait également fournir une aide précieuse au plan technique
et à celui de la recherche aux premières nations et au gouvernement
fédéral pour le travail de définition et de codification des
droits ancestraux, issus de traités et autres des peuples indiens.
Le BPDI pourrait concerver tous les documents et renseignements
relatifs à l’histoire et aux droits des Indiens.

Dans le cadre de ce mécanisme bilatéral, le BPDI aurait
également le pouvoir de se prononcer ou d’agir comme conciliateur
dans les Conflits quant à la compétence gouvernementale, aux
ressources naturelles, à la propriété foncière, auxdroiD,de
chasse et de pêche, à la fiscalité et à l’appartenance ou au
statut. La façon dont les droits des Indiens ont été traités
par le passé par les tribunaux canadiens (dont les juges sont
nommés par le gouvernement du Canada) milite en faveur de la
mise sur pied d’un tribunal indépendant pour toutes les questions
affectant les droits des Indiens.

On prévoit également que le BPDI jouerait un rôle
important d’intervention et de défense des droits des Indiens.
Il surveillerait de façon continue toute la législation fédérale
et provinciale, les règlements et les politiques affectant les
Indiens et les terres indiennes. Pour s’acquitter efficacement
de ce rôle, le Bureau devrait disposer d’un pouvoir suffisant
pour forcer des changements en cas d’échec des négociations
et des discussions.

3. Un « Grand Traité »

Les modifications constitutionnelles proposées dans
la première partie de notre mémoire visent à assurer pour nos
droits une protection constitutionnelle. La nature exacte du
mécanisme bilatéral dépendra de ce qui peut être réalisé au
moyen du processus constitutionnel. Nous répétons cependant que
l’urgente nécessité d’un mécanisme bilatéral officiel entre les
nations indiennes et la Couronne du Canada ne fera qu’augmenter
si aucun mécanisme.constitutionnel permanent n’est mis sur pied
pour définir nos droits ancestraux et issus de traités.

Nous désirons que la relation bilatérale historique entre
les Indiens et la Couronne du Canada soit rendue officielle au
moyen d’un « Grand Traité » entre les premières nations et le
gouvernement du Canada. Il s’agirait d’une entente globale
exposant la structure de nos relations à venir avec la Couronne.
Il comportera plusieurs dispositions expresses visant à assurer
une protection permanente pour nos droits, qui ont été insidieuse-
ment abrogés dans le passé.

Le consentement des Indiens serait nécessaire pour
retirer à notre peuple une quelconque partie de ses droits ou
de ses biens. Jusqu’à ce que nous puissions obtenir un amendement
constitutionnel prévoyant le consentement des Indiens, le
gouvernement fédéral conviendra d’obtenir le consentement des
Indiens avant d’approuver toute modification affectant les droits
des Indiens. Le « Grand Traité » exposerait et définirait nos
droits — ancestraux, issus de traités et autres.

IV. CONCLUSION

L’actuel processus constitutionnel, sous le régime de
l’article 34 de la Loi constitutionnelle, ne peut convenablement
résoudre les nombreuses questions complexes qui affectent notre
population aujourd’hui. Il ne prévoit pas la pleine participation
des Indiens au travail de définition et d’enchâssement de nos droit:
Il permet aux gouvernements provinciaux d’opposer un veto
aux modifications constitutionnelles destinées à protéger
pleinement nos droits et de s’y soustraire.

Nous proposons donc qu’un mécanisme bilatéral officiel
soit mis sur pied entre les premières‘nations et le gouvernement
du Canada. Ce mécanisme reflètera notre relation historique
avec la Couronne. Il peut servir à faciliter la reconnaissance
de nos droits ancestraux et issus de traités et s’occuper de tout
un éventail d’autres questions qui intéressent aujourd’hui
notre peuple.

Nous proposons la création d’un Bureau de la protection
des droits des Indiens, le plus tôt possible, pour mettre en
oeuvre un mécanisme bilatéral officiel et assurer la protection
permanente de nos droits. Nous demandons au gouvernement du
Canada de s’engager à obtenir le consentement des Indiens
avant d’approuver toute modification constitutionnelle affectant
nos droits.

Nous proposons en outre plusieurs modifications
constitutionnelles visant à enchâsser un processus permanent
pour poursuivre le travail de définition et d’enchâssement
de nos droits. Nous proposons également que l’actuelle formule
d’amendement soit modifiée de façon à exiger le consentement des
Indiens aux modifications futures affectant nos droits.

ANNEXE A

DIAGRAMME 1 (Organigramme)

LA COURONNE

ASSEMBLEE DES PREMIERS NATIONS LIEUTENANT GOUVERNEUR GOUVERNEUR GENERAL GOUVERNEMENT DU CANADA

BUREAU DE LA PROTECTION DES
DROITS DES INDIENS —
PRINCIPES DE FONCTIONNEMENT
COMMISSAIRE

COMMISION DE L’ACCORD DES AUTOCHTONES COMMISSION DE L’APPLICATION DES TRAITES COMMISION DU DROIT INDIEN COMMISSION D’ADJUDICATION COMMISSION DE LA PARTICIPATION PARLEMENTAIRE COMMISSION SUR LA CONSTITUTION CANADO-INDIENNE

La définition permanente Définition permanente Codification Examen Ratification Enquêtes et jugements Immunité et participation des Indiens

L’AUTODETERMINATION DES INDIENS

On peut dire que la Loi constitutionnelle de 1861
consacre un »statut particulier » pour les Indiens. Le paragraphe
91(24) donne évidemment compétence au Parlement à l’égard des
Indiens et des terres réservées aux Indiens, ce qui fait
des Indiens un des trois groupes particuliersl expressément
mentionnés dans la Loi.

Avant l’adoption de cette loi, évidement, les peuples
indiens pratiquaient depuis longtemps l’autodétermination.
En qualité de peuple distinct, habitant un territoire défini
à l’exclusion des autres peuples, les Indiens avaient le droit
à l’auto-gouvernement. Dans la mesure où, dans de nombreuses
régions du pays, cette situation existe encore, ils continuent
à zosséder ce droit. Ce droit n’est pas incompatible avec leur
appartenance à la fédération canadienne, comme en témoigne la
présence des Indiens à la présente Conférence.

L’Engyglopnedia Britannica (Mic.v.ix, pp 41-2) distingue
deux sens du terme « self-détermination » (autodétermination):

(Traduction)

« En premier lieu, on dit qu’un Etat a le droit à
l’autodétermination en ce sens qu’il a le droit de
choisir librement ses systèmes politique, économique,
social et culturel. En second lieu, le droit à
l’autodétermination se définit comme le droit d’un
peuple de se constituer un Etat ou de déterminer
livrement la forme de son association avec un Etat
existant. Les deux sens ont leur fondement dans la
Charte (Article 1, paragraphe 2 et article 55, paragraphe 1

C’est ce second sens qui intéresse surtout les Indiens.
Il ne fait aucun doute que les Indiens sont et ont toujours été
un « peuple » distinct au sens des paragraphes 1(2) et 55(1) de,
la Charte des Nations unies, et qu’ils aspirent à déterminer
librement la forme de leur association avec un Etat existant
conformément à la seconde partie de la définition de
l’Encyclopaedia Britannica.

Nous n’avons jamais renoncé à notre droit à l’auto-
gouvernement, qui, à travers le continent, a pris des formes
diverses et a été reconnu par les divers gouvernements britanniques
et canadiens. L’auto-gouvernement indien se caractérise notamment
par le recours à un consensus dirigé par les chefs de la
communauté, sans opposition officielle selon le modèle britannique
de gouvernement parlementaire. Après une discussion approfondie
de tous les aspects de la question à l’étude, le résultat final
de la délibération est annoncé par les chefs.

Nous considérons ce droit à l’autodétermination à la
fois comme un droit ancestral et comme un droit issu de traités
Il est consacré par l’usage et a été reconnu par traité. Par
exemple, le traité no 6, signé en 1876 avec les Cr des plaines
et des bois stipule:

Ils (les Indiens) promettent et

et qu’ils maintiendront la paix et l’ordre entre eux, et
aussi entre eux et les autres tribus …3
et le traité no 7 signé en 1877 avec les Pieds noirs de Bow
River et de Fort MacLeod stipule:

entre
eux et entre eux et les autres tribus
entre eux-mêmes et les autres sujets de Sa
Majesté, qu’ils
ou blancs, habitant maintenant ou
habiter par la suite partie de ladite

La mention du maintien de la paix et de l’ordre dans ces traités
était un mandat général dans les traités qui reconnaissaient
(comme beaucoup des instruments établissant l’auto-gouvernement
colonial britannique)5 le droit des peuples-indiens de maintenir
l’ordre public et de se gouverner eux-mêmes. Il ne serait pas
exagéré de dire que ce droit comporte des dimensions aux plans
exécutif, législatif et judiciaire. Tant que nous demeurerons
un peuple original au sein de la Confédération canadienne, nous
faisons et administrons nos propres lois et recourons à nos
propres mécanismes pour résoudre les conflits conformément
aux traités et aux usages traditionnels.

On pourrait faire valoir que par rapport aux millénaires
qu’a duré l’histoire du monde, la création des Etats nations
territoriaux, il y a quelque 500 ans, est un phénomène relativement
récent.Le développement du modèle européen de l’Etat nation a
entraîné le gouvernement centralisé, une conception absolutiste
de la souveraineté (ou du pouvoir suprême de légiférer) et une
diminution du pluralisme qui caractérisait les époques antérieures.

La déclaration d’Alger des droits des peuples, de
1976, est importante à cet égard. Pour citer Richard Falk,
professeur de droit international a l’université Princeton:
La déclaration d’Alger est elle-même une affirmation
de la souveraineté populaire, àfirmant que ce sont les
peuples du monde qui sont la source fondamentale
d’autorité à l’égard du processus de gouvernement.
Des tendances étatiques ont quelque peu déformé
cette situation, donnant l’impression que ce sont les
gouvernements qui sont la source ultime, sinon unique,
d“autorité à l’égard des droits de la personne. La
déclaration d’Alger, inspirée de la tradition de la
Grande Charte, constitue un ensemble de droits affirmés
par et pour les peuples du monde face aux revendications
et aux activités des gouvernements, des sociétés
multinationales et des institutions internationales.6

Nous avons cité ce passage pour souligner qu’il devrait y avoir
davantage de place pour le pluralisme dans le fédération canadienne
d’aujourd’hui. Il ne s’agit pas de concéder à chaque groupe le
droit de se gouverner, mais de reconnaître le droit indien
traditionnel à l’autodétermination. Nous différons des autres
en ce que nous habitions le continent lorsque les Européens sont
arrivés, mais une longue évolution historique nous a forcés à
accepter des institutions que nous n’avions ni conçues ni choisies.
Ceci nous distingue de nos voisins d’origine européenne. La
reconnaissance des pouvoirs d’auto-gouvernement dans le cadre
du renouveau constitutionnel serait conforme à des engagements
historiques et enrichirait l’Etat canadien en permettant une
diversité raisonnable, dans des limites-acceptées, de
l’auto-gouvernement indien.

LE POUVOIR DE DECIDER DE LA FORME DE GOUVERNEMENT

Nous avons le pouvoir d’établir notre propre forme
d’auto-gouvernement conformément à notre histoire politique
et culturelle. Aux Etats-Unis, certaines tribus indiennes ont
adopté un modèle de gouvernement fondé sur la séparation des
pouvoinsqui caractérise le régime congressionnel. D’autres ont
choisi un modèle plus traditionnel. Quel que soit le modèle choisi,
il fonctionnerait évidemment dans les limites des pouvoirs
convenus entre nous à des conférences comme celle-ci.

Voici les pouvoirs dont nous avons besoin pour que
notre gouvernement soit efficace:

1. Pouvoirs exécutif et législatif:
(i) Le pouvoir d’adopter et d’interpréter des lois et
d’administrer la justice;
(ii) le droit de définir les pouvoirs et les fonctions
de nos gouvernants:
(iii) le droit de déterminer si les mesures prises au nom du
gouvernement sont autorisées;
(iv) le droit de-définir la façon de nommer et de révoquer
les gouvernants.

2. Définition du statut d’Indien et de l’appartenance

Un gouvernement indien a pleine autorité pour définir
son statut en ses ressortissants. Les normes de définition
pourraient plus souples et pourraient être établies par la
coutume, l’usage historique, le droit écrit ou des ententes entre
les nations indiennes. Aux Etats-Unis, par exemple, les gouvernement
tribaux ont mis sur pied leur propre méthode pour:

(i) L’abandon de l’appartenance
(ii) L’adoption de non-Indiens
(iii) L’adoption de personnes possédant la citoyenneté d’une
autre nation indienne.

3. Le pouvoir d’administrer la justice et d’appliquer les lois:

Par suite du droit à l’autodétermination, les nations
indiennes ont le pouvoir:

(i) de faire des lois régissant la conduite des
personnes, Indiens ou non-Indiens, dans les réserves
ou autres juridictions indiennes;
(ii) d’établir des tribunaux et d’administrer la justice;
(iii) de mettre sur pied des corps policiers de la tribu
ou de la bande pour appliquer les lois;
(iv) d’exclure ceux qui ne sont pas membres de la bande
des réserves ou des autres juridictions indiennes:
(v) de régir la chasse, la pêche et la cueillette
tant dans les réserves que dans d’autres terres en
vertu des droits ancestraux ou issus de traités.
Ces droits extra-territoriaux comprennent:
(a) Les territoires de chasse et de trappe;
(b) les stations de pêche;
(c) les territoires de cueillette;
(d) les prés de foin;
(e) les cimetières et terres sacrées;
(v) régir et taxer l’utilisation des eaux, des minéraux
et des forêts.

4. Pouvoirs fiscaux:

Les gouvernements indiens ont le pouvoir d’imposer et
de percevoir des impôts des non-Indiens qui habitent leurs
territoires ou y font affaire. Les recettes financeraient la
prestation de services aux membres; ces impôts serviraient à
réglementer les activités non-indiennes et remplaceraient les
impôts provinciaux ou fédéraux dans les réserves.

5. Le pouvoir de réglementer les relations familiales :

Le lien entre les familles indiennes et le régime gouver-
nemental a toujours été étroit mais malaisé. Nous devrions avoir
des pouvoirs à l’égard du mariage, du divorce, de l’illégitimité,
de l’adoption, de la tutelle et du soutien des membres de la
famille. On devrait reconnaître la compétence des tribunaux
indiens dans ces domaines ainsi que l’existence des coutumes
indiennes.

6. Le pouvoir de régir l’utilisation des biens fonciers:

L’utilisation des biens fonciers est étroitement reliée
aux pouvoirs d’auto-gouvernement et nous devrions avoir le droit
de réglementer l’utilisation des terres dans les territoires de
juridiction indienne au moyen de dispositions visant les permis,
de règlements de zonage et de règles d’héritage.

7. Le pouvoir de régir les programmes sociaux:

Nous avons le pouvoir de promouvoir et de protéger la
santé, l’éducation et le bien-être de nos membres au moyen de
programmes sociaux, culturels et économiques.

8. Le pouvoir-de décider de la langue d’administration:

Nous avons le pouvoir d’administrer le gouvernement
indien dans la langue indienne parlée par la tribu. Les communica-
tions avec les autres gouvernements continueraient à se faire en
anglais.

9. Le pouvoir de déléguer:

Nos gouvernements indiens ont en outre le pouvoir de
déléguer leurs pouvoirs à d’autres gouvernements indiens ou à
la Couronne, et de retirer au besoin cette délégation.

NOTES

1. Les autres dispositions de la Loi constitutionnelle de 1867
qui mentionne des groupes ethniques donnés sont l’article 80,
qui délimite les frontières des circonscriptions du Québec
ou la minorité anglophone prédomine et l’article 133
qui prévoit le bilinguisme anglais-français au Parlement,
aux tribunaux du Québec et du fédéral et à la législature
du Québec.

2. C’est nous qui soulignons; les dispositions de la Charte
des Nations unies sur l’autodétermination sont les suivantes:

Article I

Les buts des Nations Unies sont les suivants:

2. Développer entre les nations des relations amicales fondées sur le
respect du principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à dis-
poser d’eux-mêmes, et prendre toutes autres mesures propres à consolider
la paix du monde;

Article 55

En vue de créer les conditions de stabilité et de bien-être nécessaires
poulr assurer entre les nations des relations paci?ques et amicales fondées
sur le respect du principe de l’égalité des droits des peuples et de leur droit
à disposer eux-memes, les Nations Unies favoriseront:

3. Traité no 6, Imprimeur de la Reine, Ottawa, 1964, p.

4. Traité no 7, Imprimeur de la Reine, Ottawa, 1966, p.

5. Voir par exemple M. Wight, British Colonial Constitutions,
1947, Londres, 1952, passim.

R. Falk, « The Algiers Declaration », dans U.N. Law:

Fundamental Rights, Sijthoff, Pays-Bas, 1979, pp 232-33.

RESSOURCES NATURELLES

RESSOURCES NATURELLES

Dans le renvoi sur le transfert des ressources
naturelles à la province de la Saskatchewan, il a été jugé
qu’une province ne pouvait légalement revendiquer une
indemnité pour l’aliénation de son domaine public avant
sa création. A cet égard, nous soutenons que nos droits.
ne sont pas du tout de la même nature que ceux que la
province de Saskatchewan tentait de faire valoir contre le
gouvernement fédéral devant le Conseil privé en 1931.
Nos droits aux terres et aux minéraux, dont l’origine remonte
bien avant la création soit du Canada ou de n’importe laquelle
des provinces des Prairies, se fondent sur nos droits ancestraux
et sont confirmés par la Proclamation royale de 1763 qui est
reconnue comme une des sources de nos droits à l’article
25 de la Loi constitutionnelle de 1982. Là oû nous n’avons
jamais aliéné nos droits fonciers à la Couronne par cession
publique, comme l’exige la Proclamation, ces droits continuent
d’exister depuis des temps immémoriaux.

Un des principaux objectifs du gouvernement fédéral
lorsqu’il a conservé les terres de la Couronne dans les
Prairies était d’encourager la colonisation agricole.
Dans le cas des terres indiennes, lorsqu’une cession était
faite par la Couronne fédérale à des fins agricoles, il était
sous-entendu par les Indiens que seule la couche arable
était en cause. Nous avons cédé, essentiellement, ce qui
était nécessaire à l’agriculture; nous avons conservé le reste.
Nous considérions que le reste, y compris les minéraux,
nous appartenait collectivement et ne pouvait être aliéné.
C’était un don du Grand Esprit qui ne pouvait être cédé à
d’autres.

Tout en reconnaissant que le paragraphe 92A(1) de la
Loi constitutionnelle ne parle pas en termes de propriété
provinciale des ressources naturelles, il confère cependant
aux provinces le pouvoir exclusif de légiférer sur les
ressources non renouvelables. Sous sa forme actuelle, le
paragraphe 92A(1) permet aux provinces de conférer des
droits d’exploration, ou autrement de faire des lois à
l’égard des ressources naturelles non renouvelables
appartenant aux Indiens sans consulter ces Indiens ou
obtenir leur consentement. Pour empêcher que ceci ne se
produise, nous recommandons d’ajouter un nouveau paragraphe:

(92A(7) Rien de ce qui précède ne doit porter
atteinte à la propriété par les Indiens
de ressources naturelles non renouvelables
dans les réserves ou ailleurs.

NOS DROITS ANCESTRAUX ET ISSUS DE TRAITES
DANS LE CADRE DU RENOUVEAU CONSTITUTIONNEL .

TABLE DES MATIERES

PARTIE I

Survol historique de la Loi constitutionnelle
de 1982 par rapport aux peuples indiens
Introduction

(a) Nos expériences historiques
(b) La Loi constitutionnelle de 1982 et
la Charte ..
(c) Application ?

PARTIE II

Droits ancestraux et issus de traités

(a) Droits fonciers autochtones
(i) L’origine des droits fonciers autochtones
dans l’Ouest canadien
(ii) Les caractéristiques des droits fonciers
autochtones
(b) Droits issus de traités

Droits particuliers
(i) Autodétermination
(ii) Chasse, pêche
(iii) Education
(iv) Santé et médecine
(v) Développement social et économique
(vi) Exemption d’impôts et de saisie
(v) Ressources naturelles

PARTIE III

Le pouvoir d’amendement:
(a) Incorporation pàr renvoi
(b) Un rôle limité dans le mécanisme
d’amendement

PARTIE I

Introduction:

Au départ, il faut souligner que la Charte canadienne
des droits et libertén ne présente pas que des avantages pour
les Indiens. En octobre 1980, lorsque le gouvernement fédéral
a annoncé son intention de rapatrier unilatéralement la
Constitution, y ajoutant une liste de droits et libertés
enchàssés de même qu’une formule d’amendement, nous avions
une attitude ambivalente à cet égard. La Charte nous semblait
présenter à la fois des occasions favorables et des dangers.
Notre expérience historique nous laissait entendre que, même
avec les meilleures intentions du monde, lorsqu’une constitution
est rédigée surtout par et pour les descendants des peuples
européens et se fonde sur un modèle étranger à notre société,
il peut avoir pour nous des conséquences néfastes imprévues.
Il se peut qu’au cours de la controverse qui a abouti à
l’adoption de la Loi constitutionnelle de 1982 à Westminster,
ceux qui proposaient la Charte été quelque peu déçus
de nos interventions à Londres. Si l’on consulte l’histoire,
cependant, peut-on sérieusement nous blâmer de nous méfier
des propositions du gouvernement ? Nous sommes allés à Londres
pour réaliser au moins deux objectifs. Nous voulions une
définition plus précise de nos droits — ancestraux et issus de
traités – incorporée à la Constitution. Nous voulions aussi
un certain rôle dans le processus d’amendement (pas nécessairement
le même rôle que le Parlement ou les provinces) pour assurer
qu’une fois nos droits définis ils seraient garantis. Ils seraient,
en d’autres termes, à l’abri d’une diminution, d’une modification
ou d’une abolition au moyen d’une formule pondérée d’amendement
dont nous n’aurions pas fait partie. Nous voulions protéger,
essentiellement, ce que nous avions acquis à la suite du processus
de renouveau constitutionnel qui se déroulait dans l’ensemble
du pays. Nous reviendrons plus tard sur ce sujet, mais pour
l’instant, afin de mieux exposer nos préoccupations, il nous
faut mentionner pourquoi la Charte, sous son actuelle forme
très générale, pourrait constituer un grave danger pour les
Indiens.

(a) Nos expériences historiques: Il faut d’abord
examiner nos expériences historiques, tant avant qu’après
l’adoption de ce récent texte de loi. Quel était le sort de.
nos droits en vertu de régimes constitutionnels antérieurs ?
Si l’on comprend certains de nos problèmes en vertu de ces
régimes, il nous sera plus facile de montrer pourquoi nous
sommes si intéressés à obtenir une garantie expresse et
suffisante de nos droits ancestraux et issus de traités dans
la nouvelle constitution.

Avant la découverte de l’Amérique par les Européens,
nous habitions ce continent depuis des millénaires. Nous avions
nos langues, nos cultures, nos régimes juridiques et sociaux.
Nous étions un peuple religieux, avec de fortes valeurs
spirituelles, en ce que nous croybns au Grand Esprit qui avait
créé le monde et inspiré à ses peuples le respect de toutes les
créatures. Les Indiens ont toujours eu le respect de la nature;
nous avons insisté sur la nécessité de la conservation, d’une
saine économie et, par-dessus tout, du partage et de la collaboration
avec les autres pour assurer une vie meilleure. Pour employer
un terme philosophique, nous avions une vision holistique du
monde — nous étions portés à voir l’homme comme une partie de
l’ordre naturel oü il était relié à tous les autres êtres.
Peut-être d’autres seraient-ils plus portés que nous à se
considérer comme les maîtres inconditionnels de la nature.
Les cultures d’origine européenne sont davantage portées à
analyser des concepts, à procéder par raisonnement déductif
abstrait. Ces cultures tendent à fragmenter les problèmes alors
que nous préférons voir les choses en termes de l’ensemble
de leur contexte, comme un tout global plutôt que comme des
parties.

Cette différence culturelle peut même avoir des
conséquences pour le nouvel ordre constitutionnel. Ainsi,
l’article 25 de la Charte souligne que le .ait que la Charte
garantit certains droits et libertés « ne porte pas atteinte
aux droits ou libertés – ancestraux, issus de traités ou autres –
des peuples autochtones du Canada … » Au nombre de ces droits
et libertés, il doit sûrement y avoir la préservation de
l’intégrité ou de l’unité des valeurs indiennes – la préservation
des meilleurs éléments de notre patrimoine culturel, qui sont
tous interdépendants et se cqgénètrent en un ordre global.

Nous avons toujours eu un lien étroit avec nos terres,
que nous n’avons jamais considérées comme une marchandise
susceptible d’être achetée ou vendue. Il est difficile de faire
comprendre exactement en quoi consiste ce lien à des personnes
dont la culture est différente. Nous n’avons jamais considéré
que la découverte de l’Amérique par les Européens conférait
aux découvreurs le droit de prendre nos terres sans notre
consentement. Comme le déclarait le juge en chef John Marshall
des Etats-Unis à propos de la découverte dans une affaire
ancienne qui s’appliquerait tout aussi bien au Canada qu’aux
Etats-Unis: « C’était un principe exclusif qui éliminait le
droit de concurrence chez ceux qui en avaient convenu, mais qui
ne pouvait abroger les droits antérieurs de ceux qui n’étaient
pas partie à cette entente… Il régissait le droit donné
par la découverte entre les découvreurs européens mais ne
pouvait affecter les droits de ceux qui étaient déjà en possession,
soit à titre d’occupants autochtones, soit en vertu des
découvertes faites à l’époque préhistorique. »1

Il découle de ce raisonnement que nous possédons
toujours les biens que nous n’avons pas cédés. Tant la Proclamation
royale de 17632 que l’Ordonnance du Nord-Ouest3 de 1787 aux
Etats-Unis visaient à préserver ces droits. Même si ces instruments
consacraient la reconnaissance et la garantie juridiquesde nos
droits, ils n’en sont cependant pas la source. C’est la
prescription qui est à l’origine de nos droits — qui se sont
créés indépendamment de toute cession par d’autres, du fait
que nous avons effectivement habité les terres pendant
plusieurs siècles, par suite de nos activités de chasse, de
pêche, de piégeage, de culture et par nos institutions d’auto-
gouvernement.

Nous considérons cependant que nos droits ancestraux
et issus de traités ont été diminués ou effacés dans de nombreux
cas sans notre consentement. Nous avons été les victimes
d’un processus historique et constitutionnel sur lequel nous
n’avions pas prise, qui a sérieusement diminué nos droits dont
nous espérons qu’ils seront restaurés par la nouvelle constitution,
à cette époque de renouveau. Le Chancelier Kent a résumé comme
suit le rapport entre la Couronne britannique et les peuples
indiens: « Partout, les autorités coloniales ont négocié avec
eux (les Indiens), ont fait et observé des traités avec eux,
à titre de communautés souveraines exerçant le droit de libre
délibération et de libre action mais qui, en échange de la
protection, reconnaissaient une domination conditionnelle,
à titre national, de la Couronne britannique. »4

L’injustice fondamentale ici est qu’au début de nos
négociations avec les puissances coloniales, nous étions traités
virtuellement sur un plan d’égalité, puisqu’on avait besoin de
nous pour des alliances militaires contre des Etats européens
rivaux. A l’aboutissement de ce processus, cependant, nous avons
été traités d’une façon très humiliante, les traités solennels
étant assimilés plus ou moins à des contrats. Un traité
international, naturellement, ne peut être modifié que par
l’accord réciproque des parties, alors qu’un contrat peut être
modifié ou abrogé par une loi ordinaire. La protection accordée
à nos droits était donc minime.

On ne saurait donc s’étonner de ce que nous, les Indiens,
nous considérons vulnérable à de nouvelles atteintes à nos
droits. Des droits autrefois solennellement reconnus par des
parties négociant sur un pied d’égalité ont été êrodés à de
nombreuses reprises. Cette érosion de nos droits s’est produite
dans de nombreux domaines, par exemple à l’égard de la chasse,
de la pêche, du piégeage et de la cueillette, à l’égard de
notre exemption d’impôt,7 à l’égard de nos pouvoirs d’auto-
gouvernement, de nos droits de propriété foncière et de notre
capacité de disposer de nos biens meubles et immeubles par
testament de la même façon que les autres10.

(b) La Loi constitutionnelle de 1982 et la Charte:

Pour la première fois dans un texte constitutionnel canadien,
l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 reconnaît
nos « droits existants — ancestraux ou issus de traités. »‘
Nous accueillons favorablement cette affirmation de nos droits,
mais nous nous inquiétons de la présence de l’adjectif
« existants » à l’article 35 et nous préférerions qu’il soit
supprimé. Bien que l’Honorable Jean Chrétien, alors ministre
de la Justice, ait déclaré que le terme « existants » ne change rien,
lors de tout litige constitutionnel ce seraient les tribunaux
plutôt que l’exécutif qui définiraient le terme, et les
tribunaux pourraient en donner une définition étroite ou large.
Au sens empirique, il pourrait signifier tout simplement que
nous conservons les biens et les droits que nous n’avions pas
volontairement cédés à la Couronne dans le passé. Cette
définition du terme « existants » serait acceptable pour nous.
Cependant, si l’on jugeait que cet adjectif signifie que tous
nos droits — ancestraux ou issus de traités — censément abolis
par une loi avant 1982 (comme ceux que nous avons mentionnés
ci-dessus) étaient perdus à jamais et ne pouvaient jamais être
réactivés, même par la disposition enchàssée à l’article 35,
cela nous serait tout à fait inacceptable. Cette interprétation
étroite pourrait consolider les pires caractéristiques du droit
antérieur à la Charte, que les nouvelles dispositions constitution-
nelles, de l’avis de presque tous,avaient pour but d’éliminer.
Il faut souligner ici que certains éléments de la Loi constitution-
nelle de 1982 nous sont, à notre, préjudiciables et placent nos
droits énumérés dans une situation d’infériorité éventuelle par
rapport à d’autres droits proclamés.

Lorsque les rédacteurs de la nouvelle Charte tentaient de
surmonter certaines des restrictions du concept d’égalité devant
la loi de la Déclaration de M. Diefenbaker, ils ont examiné les
causes où divers tribunaux avaient donné des définitions restrictives
du mot « égalité »12 et ils ont tenté d’éliminer ces difficultés au
moyen d’un libellé plus général. A leur avis, l’égalité constituait
un principe constitutionnel si important que dans la nouvelle
Charte13 ils en ont donné une triple définition, englobant non
seulement « l’égalité devant la loi », mais aussi « l’égalité de
bénéfice » et la « protection égale de la loi. » Même si l’on ne
saurait nier qu’à nombreux égards l’égalité est une norme
constitutionnelle souhaitable, le contraste entre la définition
générale de ce concept et la définition restrictive, à l’article 35,
de droits « ancestraux et issus de traités », précédés de l’adjectif
limitatif « existants » est frappant. Il semble que chacun doive
acquérir une égalité de plus en plus grande, mais que les droits
particuliers des peuples indiens vont s’étendre à force de
définition. Ce danger comporte deux aspects.

Depuis la Grande Charte (1215), la Déclaration des droits
de l’homme (1789) jusqu’à la Déclaration américaine des droits
(1791), les chartes des droits parlent toujours en termes
de droits universels appartenant à tguà les citoyens, ou même
à toutes les personnes oü qu’elles soient. C’est ce genre de
conceptualisation universelle, a priori, qui constitue un
danger pour nous Indiens. Nous sommes un groupe particulier
avec des besoins précis que ne partagent pas les autres. Par
définition, les droits exprimés en termes universels peuvent
l’emporter sur les droits particuliers. Ainsi, dans la
Charte, si les droits très larges à l’égalité14 mentionnés
ci—dessus, ou 15 ou les droits démocratiques
recevaient une interprétation très large, cela pourrait avoir
des implications désastreuses pour la préservation d’une culture
indienne viable. Puisque nos droits ont été conçus de façon à
protéger une tradition bien particulière, ils ne devraient pas
être soumis àlérosion par le concept d’égalité exprimé avec
tant de force au paragraphe 15(1). En ce qui concerne les droits
démocratiques et la liberté de circulation et d’établissement,
bien qu’il soit peu probable que ces droits puissent s’interpréter
comme conférant des droits aux non-Indiens dans des questions qui
concernent l’auto-gouvernement indien ou à l’égard de non-Indiens
s’installant dans des terres indiennes, là où les droits garantis
par la Charte sont exprimés en termes universels, il n’est pas
inconcevable que cela puisse se produire. Il est de notre intérêt
que la disposition compensatoire de l’article 2517 s’interprète
de façon large, non seulement par les tribunaux, mais dans nos
transactions avec les gouvernements, afin d’éviter un résultat
aussi peu souhaitable. Préférablement, l’article 25 devrait
exercer la même fonction à l’égard des articles 35 et 37, ou
de toute modification ou addition qu’on pourrait leur apporter,
que l’article l envers les dispositions plus générales de la Charte.
L’article l et l’article 25 sont tous deux essentiellement des
articles d’interprétation portant sur des dispositions différentes.
Un engagement qui nous serait donné à cet égard serait très
rassurant.

Ce qui nous inquiète tout particulièrement, c’est que les
rédacteurs de la Charte ont tenté de définir les autres droits
en termes très généraux, mais qu’ils ont défini les tres
de façon restrictive. Il semble en effet que l’article 35,
oü le terme « existants » modifie les droits « ancestraux et issus
de traités » soit la seule disposition de la Loi constitutionnelle de
1982 à comporter une définition aussi restrictive.

c) Recours: La même tendance restrictive se manifeste par
l’emplacement même de l’article 35 dans la Loi constitutionnelle de
982. Le paragraphe 14 (1) ne prévoit de recours que pour ceux
dont les droits en vertu de la Charte (c’est-à-dire les articles
1 à 34)18 ont subi une atteinte. Puisque l’article 35 se
situe à l’extérieur des droits garantis par la Charte, il
pourrait sembler de prime abord qu’il n’y a aucune façon de
faire respecter cet article. On pourrait cependant faire valoir
que l’article 35 pourrait être appliqué en vertu du paragraphe
52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982, qui contient une clause
de « primauté » déclarant que la « Constitution du Canada »
est la loi suprême du Canada et qu’elle rend « inopérantes » les
dispositions incompatibles de toute autre règle de droit.
Il faut espérer que les tribunaux jugeront que ce paragraphe
52(1), comme la disposition analogue de la Constitution américainelg
constituent une disposition distincte et plus générale de recours
que l’on peut invoquer pour appliquer des droits qui ne sont pas
sous l’empire des articles 1 à 34.

De notre point de vue, il aurait été préférable de n’utiliser
qu’une seule disposition de recours, et qu’elle s’applique à
l’ensemble de la Constitution. Le pire qui pourrait arriver
à l’égard de nos droits en vertu de l’article 35 serait peut-être
ceci: puisque ces droits ne sont pas sous l’empire de la
disposition expresse de recours du paragraphe 24(1), les
tribunaux pourraient juger que l’intention du législateur
était d’en faire des normes idéales mais par nature impossible à
faire respecter et qu’aucun mécanisme d’application n’était prévu.
Ces droits pourraient s’en trouver essentiellement réduits à des
conseils aux rédacteurs de lois ou à des règles d’interprétation
servant à résoudre les ambiguïtés.

Nos inquiétudes à ce sujet seraient diminuées si, après
les mots « garantis par la présente charte » du paragraphe 24(1)
on ajoutait les mots « ou par l’article 35 », de sorte qu’il y
aurait le même recours à l’égard des droits « ancestraux et issus
de traités » qu’à l’égard des droits fondamentaux garantis par la
Charte.

PARTIE II
DROITS ANCESTRAUX ET DROITS ISSUS DE TRAITÉS

a) Droits fonciers des autochtones: L’alinéa 25(a) de la
Charte canadienne des droits et libertés préserve en les
enchàssant « les droits … — ancestraux, issus de traités ou
autres — des autochtones du Canada », notamment ceux qui sont
reconnus par la Proclamation royale du 7 octobre 1763.

La Proclamation affirme solennellement l’intention de la Couronne
Indiens « … qui vivent sous otre protection,
des parties de os
et territoires qui cédé
acheté et réservé
d’entre comme de chasse …
réserver sous otre souveraineté, protection et
l’usage desdits , toutes les terres et territoires… »

Le texte de la Proclamation visait à la fois la reconnaissance
de la propriété foncière des autochtones des terres qui n’avaient
pas été expressément cédées à la Couronne par achat « à une réunion
publique ou assemblée desdits convoquée à cette fin »
et les droits ancestraux, dont la chasse constituait un exemple.

(i) L’origine des droits fonciers dans les provinces de
l’ouest:

Même si la Proclamation royale excluait expressément le
territoire de la compagnie de la baie d’Hudson des terres très
étendues consacrées à l’usage et à l’occapation des Indiens,
et même si ce territoire englobe une bonne partie des provinces
de l’Alberta et de la Saskatchewan, les divers gouvernements du
Canada ont traité les Indiens de ce territoire comme s’ils
possédaient des droits fonciers. Comme le disait le juge
McGillivray dans l’arrêt R. c. Wesley:

Quels qu’aient été les droits des … Indiens sous le
régime de la baie d’Hudson, il est manifeste qu’au moment
où a été conclu le traité dont je vais parler, les
habitants indiens de ces plaines de l’Ouest étaient
réputés avoir, ou du moins traités par la Couronne comme
s’ils avaient, des droits et des privilèges du même ordre
et de la même nature que ceux des Indiens dont les droits
étaient considérés dans la cause St. Catherine’s Milling
… en effet, il est de notoriété publique que le Dominion
a conclu des traités avec toutes les tribus indiennes de la
plaine fertile du nord-ouest et que dans chaque cas il a
reconnu les droits fonciers des Indiens et prévu leur
cession et leur abrogation.20

Dans l’arrêt R. c Sikyea, en outre, le juge Johnson faisait
remarquer:

… les Indiens habitant les terres de la compagnie de la
Baie d’Hudson ont été exclus des avantages de la Proclamation
(de 1763)… ce fait n’est pas important, parce que le
gouvernement du Canada a traité tous les Indiens du Canada,
y compris ceux qui habitaient les terres revendiquées par
la compagnie de la baie d’Hudson, comme s’ils avaient des
droits fonciers dont la cession ne pouvait s’effectuer
que par traité.21

Il semble donc bien établi qu’il existe en Alberta et en
Saskatchewan un fondement semblable des droits fonciers des
autochtones à ce qui existe ailleurs dans le pays, que les
régions en question aient ou non fait partie des terres accordées
en 1670 à la compagnie de la baie d’Hudson. (Les frontières des
terres cédées à la compagnie sont définies par le bassin
hydrologique des fleuves qui se déversent dans la baie d’Hudson).
Seules les terres des parties sud de l’Alberta et de la
Saskatchewan feraient partie des terres de la compagnie.
L’analyse présentée dans les arrêts mentionnés ci-dessus
aurait cependant pour effet, quel qu’ait été autrefois le
statut des terres en cause, de soumettre tout le territoire
aux droits fonciers des autochtones et aux droits connexes
dans les trois provinces des Prairies.

(ii) Les caractéristiques des droits fonciers des
autochtones: Les droits fonciers des autochtones n’ont pas
évidemment été constitués par la Proclamation royale de 1763;
ils se fondaient sur une possession de longue date, nos droits
sont tout simplement reconnus ou affirmés par la Proclamation,
la Charte et l’article 35, mais affirmés de telle façon que
la reconnaissance de ces droits et des avantages qui en découlent
sont maintenant des caractéristiques permanentes du droit
public canadien. Les droits fonciers des autochtones ont été
reconnus au 16e siècle par Francisco de Vittoria, prêtre
espagnol et spécialiste du droit international. Il soutenait
que les peuples indiens jouissaient d’une véritable souveraineté
tant dans les affaires publiques que dans les affaires privées.22

Les premiers jésuites à écrire sur le droit international
adoptaient d’ordinaire le même point de vue, et à une époque
plus récente, Lindley soutient que, comme corollaire des droits
fonciers des autochtones, les terres habitées par les autochtones
n’étaient pas terrae nullius et ne pouvaient donc être acquises
par la simple occupation par une puissance européenne.23
La cession par nous à la Couronne, de la façon stipulée à la
Proclamation royale de 1763, est devenue la façon nécessaire
et habituelle de céder ces droits, sans quoi ils demeurent.
Dans l’arrêt Calder c. .24 les juges Judson et Hall,
chacun parlant au nom de trois membres de la Cour suprême du
Canada, ont reconnu l’existence indépendante des droits fonciers
des autochtones. Pour citer le juge Judson: « … lorsque les
colons sont arrivés, les Indiens étaient là, organisés en
société et occupant la terre comme leurs ancêtres l’avaient fait
pendant des siècles. C’est ce que signifie le droit foncier des
autochtones… » ou pour citer le juge Hall: « de prime abord,
donc, les Nishgas sont les propriétaires des terres dont ils
ont possession depuis des temps immémoriaux… »

Le droit au bénéfice des terres des réserves et les droits
fonciers dans les trois provinces des Prairies ont été protégés
constitutionnellement et mis à l’abri de l’abrogation par les
provinces par la Loi constitutionnelle de 1930.25 Les trois
revendications qui restent à régler à l’article 10 des trois
annexes distinctes de cette loi (une pour chacune des trois
provinces des Prairies) n’ont pas encore été accordées aux
peuples Indiens à l’égard des traités signés au cours des
années 1870 et l’on attend toujours l’application par les
gouvernements fédéral et provinciaux en cause. Nous considérons
que le long retard à donner effet à nos droits fonciers en vertu
de cette entente devrait maintenant être terminé par la prise
rapide de mesures visant à régler nos revendications. En outre,
la protection constitutionnelle de nos droits est, en vertu de
de 1930, soumise à une modification ou à une entente
entre les provinces et le gouvernement fédéral sans notre
consentement ni notre participation. S’il n’y avait que
l’instrument de 1930, donc, nos droits fonciers futurs,
par rapport à ce document, n’auraient pas un fondement très
solide.

Pour que l’article 35 prenne vraiment effet, il faudrait
sûrement le considérer comme une législation ultérieure,
enchàssée, correctrice, d’une nature générale et globale.
A ce titre, il pourrait peut-être combler certaines des lacunes
de . Nos droits fonciers ne sont pas simplement,
comme l’article 10 des annexes de cet instrument le déclare,
soumis à une entente entre des parties non-Indiennes; c’est
une question de droit objectif . Les dispositions pertinentes
de la Charte et de la Loi constitutionnelle de 1982 reconnaissent
qu’il y a une source indépendante et supérieure de droit
autre que les désirs subjectifs des gouvernements. Dans la mesure
oü la Loi constitutionnelle de 1930 pourrait nuire à nos justes
revendications, nous considérons que ces dernières dispositions
sont une expression ultérieure et plus complète de nos droits
et l’emportent sur la loi de 1930.

(b) Droits issus de traités:

Introduction: Les droits issus de traités peuvent être
considérés à la fois au plan général et au plan particulier:
les dispositions des traités numérotés exposent des droits
particuliers reconnus entre la Couronne et une bande donnée: en
outre, cumulativement, nous pouvons extraire des divers traités
et des engagements oraux qui les accompagnaient une série de
fonctions sociales, politiques, économiques et juridiques,
bien indiennes, qui sont maintenant enchàssées dans la
Constitution au moyen des articles 25 et 35. Tel est le sens
que nous donnons à l’expression « droits issus de traités »
dans ces articles. Nos droits issus de traités définissent,
dans une large mesure, comment nous nous sommes gouvernés et
comment notre société fonctionne.

L’enchâssement de ces droits issus de traités place toute
une game d’activités traditionnelles indiennes à l’abri de la
modification ou de l’abrogation par les Parlements provinciaux
et fédéral. Pour citer Lord Denning:

Il me semble que la Loi sur le Canada fait par elle-même
tout ce qui peut être fait pour protéger les droits et
libertés des peuples autochtones du Canada. Elle
les enchâsse dans la Constitution, de sorte qu’ils
ne peuvent être ni diminués ni réduits si ce n’est
pas la procédure prescrite et par les majorités
prescrites. En outre, elle prévoit une conférence
au palier le plus élevé pour définir exactement ce
que sont leurs droits. Ceci est très important, car
ils sont à l’heure actuelle très mal définis.26

Droits particuliers issus de traités:

(i) L’autodétermination, y compris les organismes
judiciaires, les cours tribales, la police, la culture et la
langue.

A titre de peuples distincts, habitant des territoires
définis, nous soutenons que dans le cadre de l’actuel Etat
fédéral canadien nous possédons un droit inhérent d’autodétermina-
tion. C’est un droit que possédaient nos ancêtres et que nous
avons toujours exercé. Nous n’avons jamais abandonné notre
droit à nous gouverner nous-mêmes, droit qui a été reconnu
par les divers gouvernements britanniques et canadiens.
On pourrait donc dire que c’est à la fois un droit ancestral
et un droit issu de traités, découlant de l’histoire et reconnu
par des traités. Par exemple, le traité n° 6, signé en
1876 avec les Crr des plaines et des bois stipule ce qui suit:

Ils (les Indiens) promettent et

maint la paix et entre eux et
entre eux et les autres tribus …27

L’affirmation de ce droit confirme un usage historique ininterrompu
aux plans exécutif, législatif et judiciaire. Tout en faisant
partie de la Confédération canadienne, nous adoptons et nous
administrons nos propres lois et nous avons recours à nos
propres méthodes de résolution de conflits aux fins, comme le
déclare le Traité no 6, de maintenir la paix et
(Pour plus de détail, consulter l’article sur l’autodétermination
des Indiens)

(ii) Chasse, pêche et piégeage:

Ces droits ont d’ordinaire été reconnus par les traités,
par exemple le traité no 6 déclare que Sa Majesté convient en
outre avec lesdits qu’ auront le droit de se
livrer à la chasse et la pêche dans cédée. 28

De même, l’article 10 des diverses annexes de la Loi
constitutionnelle de 1930 reconnaît le droit des Indiens de chasser,
de pêcher et de poser des pièges pour se nourrir en toute saison
de l’année sur toutes les terres inoccupées de la Couronne et
sur toutes autres terres auxquels lesdits Indiens peuvent avoir
le droit d’accès.

L’article 57 fait de la Constitution, entre autres, la
« loi suprême du Canada » et lui donne un effet rétroactif.
L’effet conjugué des articles 57 et 35 est de réactiver les
droits de chasse, de pêche et les autres droits qui ont été
diminués ou abolis par des textes de loi. La Constitution devrait
maintenant l’emporter sur les lois du passé qui ont porté
atteinte aux droits des Indiens:

… Les lois fédérales, comme la Loi sur la Convention
concernant les oiseaux migrateurs S.R.C. 1970, c. M-12
et la Loi sur les pêcheries, S.R.C. 1970 c. F-14, qui
restreignaient les droits issus de traités à l’égard
de la chasse et de la pêche seraient inopérantes dans
la mesure oü elles viennent en conflit avec ces droits.
Les textes de lois abrogeant unilatéralement des droits
ancestraux connaîtraient le même sort. Si cette
interprétation est juste, le Règlement canadien sur les
mines, dont le juge Mahoney, dans Hameau de Baker Lake
c. ministre des Affaires indiennes et du Nord (1980)
1 C.F. 518, (1979) 3 C.N.L. 17 a jugé qu’il avait
diminué les droits ancestraux des Inuit de Baker Lake
serait invalide dans la mesure où il ne serait pas
compatible avec ces droits. On peut faire valoir que
les lois de Colombie-Britannique, antérieures à la
Confédération, qui de l’avis du juge Judson (au nom des
juges Martland et Ritchie) avaient aboli les droits
fonciers des autochtones dans cette province, dans
l’arrêt Calder c. Procureur général de la Colombie:
Britannique (1973), 34 D.L.R. (3e) 145 (C.S.C.)
seraient également invalides dans la mesure où elle
est incompatible avec les droits fonciers des Indiens
de la Colombie-Britannique.29

Cette nouvelle disposition, prépondérante et enchàssée, réactiverait
en d’autres termes les droits de chasse, de pêche ou de piégeage
abolis par le passé par des lois ordinaires ou même, à cause de
son caractère plus tardif, correctif et plus général, par des
dispositions enchàssées d’anciennes modifications de la Loi
constitutionnelle de 1867 ou par des textes de loi ddmême type.

(iii) Education:

« Sa Majesté de maintenir des écoles pour
dans tes réserves. »30

Cette disposition d’un traité serait renforcée par les
dispositions enchâssées sur les droits des autochtones, dont
nous avons parlé ci-dessus, puisque la préservation et le maintien
des droits ancestraux dépendent de la diffusion chez les Indiens
d’une connaissance de leurs traditions, de leurs langues et
de leur culture.

(iv) Santé et médecine:

à médicaments
l’usage et l’avantage des . »31

Ce droit aux soins médicaux est évidemment exprimé dans des
termes qui seraient plus intelligibles dans un pays peu peuplé
il y a plus d’un siècle. On peut faire valoir que les soins
médicaux, en termes contemporains, seraient plus étendus et plus
complexes qu’en 1876.

(v) Développement économique et social, y compris les
programmes d’emploi et l’assistance sociale:

Le traité no 6, par exemple, prévoyait la fourniture aux
bandes indiennes de toute une variété d’instruments agricoles,
et leur donnait l’assurance de l’aide gouvernementale en cas
de pe te ou de .32 Il faut souligner qu’en 1876, le
Canada était surtout un pays agricole. La diversification de
l’économie depuis cette époque exige qu’une aide soit donnée
dans d’autres secteurs économiques, par suite de l’évolution de la
situation.

(vi) Exemptions d’impôt et de saisie :

Ces immunités se fondent à la fois sur des traités
et sur des engagements oraux. Ainsi « nous vous
avons assuré que le traité n’aboutirait pas à une
intervention forcée à l’égard de leur mode de vie,
qu’il n’ouvrirait pas la voie à l’imposition de taxes
et qu’il n’y aurait aucune crainte de service militaire
obligatoire.33

Bien que cette énumération des droits issus de traités ne
soit aucunement complète, elle signale à notre avis les principales
catégories de droits issus de traités qui devraient être
incorporés dans la nouvelle Constitution, définissant la portée des
termes pertinents des articles 25 et 35.

(vi) Ressources naturelles

(Pour plus de détail, consulter l’article sur les ressources
naturelles).

PARTIE III

Le pouvoir d’amendement

(a) Incorporation par renvoi: Aux fins de la définition de
« droits ancestraux et issus de traités » à l’article 35, lors de
la Conférence convoquée en mars par le premier ministre, aucune
modification officielle en vertu de l’article 38 n’est nécessaire,
à notre avis, puisqu’aucune modification n’est apportée au
texte de la Constitution. On se contente de donner un sens à des
termes qui y figurent déjà. Lesjuges agissent fréquemment ainsi
lorsqu’ils précisent, par l’interprétation judiciaire, le sens
de termes comme la paix, l’ordre et le bon gouvernement34;
la seule différence dans le cas qui nous occupe serait que
les termes seraient définis non pas par les tribunaux mais par
un processus de fédéralisme exécutif, avec la participation des
peuples autochtones, conformément au paragraphe 35(2). C’est
pourquoi, au lieu d’utiliser le laborieux processus de
modification, on pourrait recourir au principe d’incorporation
par renvoi. Ce principe a été utilisé, par exemple, dans la
Loi constitutionnelle de 1867, pour garantir certains sièges
législatifs pour la minorité anglophone du Québec.35

Nous proposons donc que trois annexes soient ajoutées
à la Loi constitutionnelle de 1982, énumérant les droits
ancestraux et issus de traités — mentionnés à l’article 35 pour
chacun des trois peuples autochtones mentionnés au paragraphe 35(2).

Nous croyons que trois annexes sont nécessaires puisqu
n’y a tout simplement aucune homogénéité entre les trois
peuples autochtones, à cause de facteurs historiques, économiques
et autres. Parce que les traditions sont radicalement différentes,
il nous semblerait injuste de limiter les peuples indiens aux droits
— ancestraux ou issus de traités — des Métis ou des Inuit ou même
de les limiter à nos droits. On peut concevoir qu’à cause de
leur évolution particulière, ils possèdent des droits totalement
différents des nôtres. C’est là une des raisons qui nous porte
à croire que trois annexes distinctes portant sur les droits
ancestraux et issus de traités, une pour chaque peuple autochtone,
sont essentielles.

(b) Un rôle limité dans la procédure de modification:

En plus de participer à la définition des droits ancestraux
et issus de traités qui doivent être énumérés dans la Constitution,
les peuples Indiens devraient avoir au moins un rôle limité
dans la procédure de modification.

A plusieurs reprises, nous avons tenté de convaincre les
parlementaires britanniques de la nécessité de cette participation
des Indiens aux modifications affectant nos droits ou notre
culture. Lors du dernier débat sur la Loi constitutionnelle de 1982,
à la Chambre des communes britannique, plusieurs députés ont
appuyé notre revendication à cet égard, notamment Sir Bernard Braine,
ancien sous-secrétaire d’Etat aux Affaires du Commonwealth,
qui a déclaré:  » Le consentement des autochtones n’est pas requis
par la formule de modification. Il doit l’être si cette Chambre
désire adopter le projet de loi la conscience en paix. »36

Nous constatons la difficulté suivante: quelle que soit
l’importance des gains que nous feronsà la suite de la Conférence
de mars, tout pourrait être balayé plus tard par la majorité
pondérée mentionnée au paragraphe 38(1) de la Loi constitutionnelle
de 1982, dont les Indiens ne font pas pour l’instant partie.
Cette majorité pondérée non-indienne aurait toujours la
possibilité de modifier ou d’abolir par modification
la définition des droits ancestraux et issus de traités à la
Constitution. Nous aimerions obtenir une entente à l’effet
qu’aucune modification ne sera faite à l’avenir à l’égard de
nos droits sans notre consentement explicite et écrit.

Nous ne tentons pas d’obtenir le droit de proposer de
nouveaux amendements à la Constitution, ce droit étant présentement
réservé au Parlement et aux provinces. Nous tentons cependant
d’obtenir au moins la possibilité de préserver nos droits
nouvellement acquis, de maintenir au moins le statu quo. Une
façon simple de réaliser cet objectif serait une entente entre
les peuples indiens et la Couronne fédérale à l’effet que cette
derniere ne prendrait pas au Parlement l’initiative d’une
résolution qui porterait atteinte aux droits des Indiens sans
le consentement des peuples indiens, exprimé selon la façon
convenue. A notre avis, ceci n’équivaudrait pas à un nouveau
pouvoir de modification qui devrait être enchâssé dans le
texte constitutionnel, puisqu’aucun changement ne serait visé,
mais qu’on se contenterait de tenter de maintenir l’intégrité
d’une partie de l’actuel texte de la Constitution.

Notes

1. Worcester c. Georgia, 6 Pet. 369 (1832).
2. S.R.C. 1970, Appendice 123-29.
3. Pour le texte, voir L. Pollak, (éd.), The Constitution and the
Supreme Court, vol. i, 1966, 44-46
4. Jackson c. Goodell, 5 Pet. aux pp 66-7 (1831)
5. Reservations to the Genocide Convention, I.C.J., 1951
6. Cf. 3. c. Daniels, (1968) R.C.S. 517; 5. c. Sikyea, (1964)
R.C.S. 642.
7. Snow c. la Reine (1979) C.T.C. 227 (Cour d’appel fédérale)
8. Logan c. Styres, (1959) 20 D.L.R. (2e) 416 (Ont. H.C.)
9. Hameau/Baker Lake c. ministre des Affaires indiennes, (1980) 1 C.
518
10. Procureur général du Canada c. Canard,(1976) R.C.S. 170.
11. Alinéa 1 b) de la Déclaration canadienne des droits, S.R.C. 1970,
App. III.
12. Par ex., Procureur général du Canada c. Lavell, (1974)
R.C.S. 1349; 3. c. Burnshine, (1974) 44 D.L.R. (3e) 584;
Bliss c. Procureur général du Canada (1980) 2 R.C.S. 183.
13. Paragraphe 15(1)
14. Ibid.
15. Article 6.
16. Article 3.
17. L’article 25 se lit en partie comme suit: « Le fait que la
présente charte garantit certains droits et libertés ne
porte pas atteinte aux droits ou libertés — ancestraux, issus
de traités, ou autres — des peuples autochtones du Canada. »
18. Voir l’article 34.
19. Constitution des Etats-Unis, Art. VI (2).
20. (1934) 4 D.L.R., 774 à la p. 787; 2 S.S.R. 337 à la p. 350
(Cour d’appel de l’Alberta).
21. (1964) 43 D.L.R. (29) à la p. 152; 46 W.W.R. aux pp 66-7.
22. De Indis, (1532)
23. Lindley, The Acquisition and Government of Backward
Territory in International Law (1926), 12-20.
24. (1975) 34 D.L.R. (39) 145 (c.s.c.)
25. Loi constitutionnelle de 1930; il y a trois annexes
distinctes, une pour chacune des trois provinces des
Prairies, dont les articles 10 à 12 reconnaissent les
droits fonciers des Indiens, les droits de chasse, de
pêche et de piégeage au nom de l’Alberta, de la
Saskatchewan et du Manitoba.
26. Secretary of State for Foreign and Commonwealth Affairs c.
Indian Association of Alberta and others, (1982) 2 W.L.R. 641
à la p. 643 (U.K. C.A.)
27. Traité no 6, Imprimeur de la Reine, Ottawa, 1964, à la p.
28. Ibid., p. 3. 9
29. Kent McNeil, « Constitutional Entrenchment of Native Rights »,
(Native Law centre, University of Saskatchewan), Report No 5,
1980, p. 4.
30. Voir ci-dessus, note 27, à la p. 3.
31. Ibid., p. 4.
32. Ibid., loc. cit.; voir aussi R.H. Bartlett, « Indian and
Native Rights in Northern Saskatchewan, » (1981)45
Sask. L. Rev. 13
33. Rapport des commissaires du traité no 8, 1899, Imprimeur
de la Reine, Ottawa, 1966, p. 6.
Voir également R.H. Bartlett, « Indians and Taxation in
Canada », (1980) Native Law Centre; (1979) Amer. Ind. L.
Rev. 185.
34. Article 91, préambule, Loi constitutionnelle de 1867.
35. Voir l’article 80 de la Loi constitutionnelle de 1867 et
la seconde annexe.
36. H.C. Deb. (Emg.), vol 18, no 59, col. 290 (17 février 1982).

RÉRERCUSSIONS DES DISPOSITIONS DE LA
CHARTE SUR LES DROITS DES INDIENS

LES REPERCUSSIONS DES DISPOSITIONS DE LA CHARTE SUR LES DROITS
DES INDIENS

La nouvelle Loi constitutionnelle de 1982, qui comprend
la Charte canadienne des droits et libertés, contient plusieurs
dispositions qui pourraient nuire de façon considérable à nos:
droits ancestraux et issus de traités. Lorsque la rédaction
d’un document constitutionnel complexe s’étale sur une
longue période, et qu’on apporte des modifications jusqu’au
dernier moment, il est presque certain que ce document aura
des conséquences imprévues. Le présent mémoire étudie certains
des effets négatifs éventuels de ce texte de loi sur notre
peuple et présente certaines suggestions pour contrecarrer
ces effets.

Les principales dispositions qui définissent, ou qui
pourraient affecter les droits ancestraux et issus des traités
sont les articles 1, 2, 15, 16-23, 24(1), 25, 28, 33, 35, 37, 38
52(1) et 54. Parmi ces dispositions, celles qui portent
expressément sur les droits ancestraux et issus de traités,
par exemple les articles 25 et 35, sont pour le fond les plus
importants, bien qu’ils puissent être affectés dans un sens ou
dans l’autre par les autres dispositions énumérées ci-dessus.
Article Un:

L’article 25 fait partie de la Charte, mais non l’article 35
(d’après l’article 34). En conséquence, l’article l, qui déclare
que les « droits et libertés » énoncés à la Charte (c’est-à-dire
les articles 1 à 34) « ne peuvent être restreints que par une règle
de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont
la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une
société libre et démocratique » ne s’appliquerait pas à l’article 35,
puisque ce dernier article ne fait partie de la Charte. Le fait
que l’article 1, qui peut limiter d’autres articles, ne s’appliquerai
pas à l’article 35 éliminerait une restriction, ce qui pourrait
réduire l’effet de cet article.

En outre, l’article 1 ne s’appliquerait pas expressément
aux « droits » mentionnés à l’article 25, mais ces droits,
n’étant pas enchàssés, pourraient être abrogés par une loi
ordinaire, dans la mesure où ils ne sont pas visés par une
clause semblable à l’article 35.

Article 25:

Le professeur Hogg fait valoir que l’article 25 englobe
des droits plus étendus que l’article 35. Il signale en
particulier, à l’égard des « droits ancestraux et issus de
traités » que: « .. l’article 25 n’est pas modifié par le mot
« existants » et il pourrait être plus large du fait qu’il inclut
les « autres » droits et libertés et mentionne expressément la
Proclamation royale de 1763 et les règlements de revendications
territoriales. » (Hogg, Canada Act 1982 Annotated, Toronto, p.69)

Droits linguistiques (articles 16 à 23):

Les articles 16 à 23 confèrent des droits linguistiques
à l’égard des services gouvernementaux en anglais et en français,
mais il n’y a aucune disposition similaire à l’égard des langues .
indiennes. Le droit de parler ces langues dans certains cas
est un « droit ancestral ».

Libertés fondamentales et droits à l’égalité:

Les dispositions traitant des libertés fondamentales
(article 2) et des droits à l’égalité (article 15) présentent
un certain danger pour la survie des communautés et des
organismes indiens. En effet, la « liberté d’association » de
l’article 2 et les dispositions sur l’égalité des articles 15 et
28 pourraient s’interpréter de façon à donner aux non-Indiens
certains droits de participer à des entités indiennes et ainsi
de diminuer leur caractère proprement indien. Les Indiens
devraient avoir plus de pouvoir de déterminer qui devrait
jouir du statut d’Indien. Le droit des Indiens de participer à
leurs propres organismes est un des « droits » reconnus à
l’article 25, et ceci devrait être reconnu nonobstant les droits
potentiellement incompatibles des articles 2, 15 et 28.

Recours:

Les dispositions du paragraphe 24(1) sur le recours ne
s’appliqueraient pas à l’article 35, qui ne fait pas partie de
la « charte », mais néanmoins il pourrait y avoir recours en vertu
de la « clause de primauté » du paragraphe 52(1). Si tel n’est pas
le cas, l’article 35 serait beaucoup moins utile pour nous.

LE SENS DU MOT « EXISTANTS » A L’ARTICLE 35

LE SENS DU MOT « EXISTANTS » A L’ARTICLE 35

Confirmation des droits existants des peuples autochtones
35(1) Les droits existants – ancestraux ou issus
de traités – des peuples autochtones du Canada
sont reconnus et confirmés.

Définition des « peuples autochtones du Canada »
(2) Dans la présente loi, « peuples autochtones du
Canada » s’entend notamment des Indiens, des
Inuit et des Métis du Canada.

Il est difficile d’établir avec précision le sens de
l’adjectif « existants » au paragraphe 35(1) de la Loi
constitutionnelle de 1982. Le mot « existants » ne figurait
pas dans le texte original de la clause enchâssant les
« droits ancestraux et issus de traités » dans la Charte,
mais a été ajouté au texte de l’article 35 à la fin de
novembre 1981, semble-t-il sur les instances de la province
de l’Alberta. Le 5 novembre, à la suite de l’accord
aboutissant à un compromis sur le rapatriement entre
les premiers ministres provinciaux et Ottawa, l’ensemble
de l’article 35 a été temporairement supprimé. L’article
a par la suite été restauré, mais avec l’adjectif « existants »
précédant la proposition définissant les droits des « peuples
autochtones ». A l’époque, le ministre de la Justice a déclaré
publiquement que l’addition du mot « existants » n’entraînait
aucune différence dans l’interprétation de cette clause.

Malgré les assurances du ministre de la Justice, cependant,
il est manifeste que dans tout litige, ce ne sera pas
l’exécutif fédéral mais les tribunaux qui donneront en
définitive l’interprétation constitutionnelle de l’article
35. On ne sait si les tribunaux prendront acte de ce
que le ministre de la Justice a dit à l’époque.

Il y a également eu des discussions importantes
entre les Indiens et les universitaires quant aux conséquences
juridiques de l’addition du mot « existants » à l’expression
« droits – ancestraux et issus de traités  » à l’article 35.
Jusqu’à maintenant il n’y a aucun consensus quant à la
façon exacte dont ce terme serait interprété. Diverses
autorités présentent des interprétations très différentes
de l’effet possible de ce terme sur les droits en cause,
certains faisant valoir que cela ne changerait rien, d’autres
que cela diminuerait les droits et d’autres encore que
cela les étend rait.

Puisque l’effet de cet adjectif est si incertain,
nous préférons qu’il soit supprimé. Le but de la définition
des droits ancestraux et issus de traités est de les rendre
plus certains, alors que le mot « existants » a exactement
l’effet contraire.

ELIMINATION DE L’ALINÉA 12 (1) b)
DE LA LOI SUR LES INDIENS DE
L’ORDRE DU JOUR DE LA CONFÉRENCE

ÉLIMINATION DE L’ALINEA 12(1) b) DE LA LOI SUR LES
INDIENS DE L’ORDRE DU JOUR DE LA CONFÉRENCE

L’alinéa 12(1) b) de la Loi sur les Indiens, S.R.C.
1970, c. 1-6 prévoit qu’une femme qui épouse une personne
qui n’est pas un Indien (avec certaines exceptions
mentionnées à l’article ll) n’a pas droit à l’inscription.

La cause type sur cet alinéa 12(1) b), jugée
par la Cour suprême du Canada en 1974, était Procureur général
du Canada c. Lavell et Bedard (1974) R.C.S. 1349. Il
s’agissait de deux femmes indiennes qui avaient épousé
des hommes non-Indiens et donc avaient perdu leur statut
d’Indiennes en vertu de l’alinéa en cause. A cause de
cela, la loi exigeait qu’elles abandonnent leur logement
et quittent la réserve. Les deux femmes faisaient valoir
que l’alinéa 12(1) b) les privait de « l’égalité devant
la loi » par rapport aux hommes indiens dont le statut
n’était pas affecté par un mariage mixte, ce qui constituait
une infraction à l’alinéa lb) de la Déclaration canadienne
des droits.

Le juge Ritchie, cependant, a interprété la disposition
portant sur « l’égalité devant la loi » non pas comme une
exigence de fond de la loi elle-même, mais plutôt comme une
exigence administrative. Cela signifiait que toutes les
personnes à qui une disposition juridique donnée s’appliquait
soient traitées également dans l’application de cette
disposition là, peu importait que les femmes indiennes soient
traitées différemment par rapport à leur statut, et
l’alinéa 12(1) b) a été jugé valide. La loi n’était
pas appliquée inégalement aux femmes indiennes, qui
étaient les seuls visées par la disposition.

Plusieurs mouvements de femmes non-Indiennes
ainsi que le Conseil des autochtones du Canada, qui
représente les Indiens non inscrits, appuyaient les
deux femmes devant la Cour suprême du Canada. Huit
« associations indiennes des provinces et deux des
territoires, d’autre part, de même que la Fraternité
indienne nationale, sont intervenues pour s’opposer
à Mme Lavell et à Mme Bédard.

Cependant, le protocole facultatif, signé par le
Canada, du Pacte international relatif aux droits civils
et politiques,donne le droit de présenter une requête à la
Commission des droits de la personne des Nations unies.
Ce protocole prévoit que les particuliers d’un pays qui
est partie au protocole qui soutiennent que l’on a porté
atteinte à leurs droits peuvent faire appel à la Commission,
après avoir épuisé tous les recours possibles dans leur
pays. Ce mécanisme permet en somme un appel par un particulier
d’une décision de la Cour suprême du Canada auprès d’un
forum international. A la requête d’une femme indienne,
la Commission a déclaré il y a deux ans que l’arrêt de la
Cour suprême du Canada, à l’effet que l’alinéa 12(1) b)
n’enfreignait pas la Déclaration canadienne des droits
constituait en lui-même une violation du Pacte.

A notre humble avis, la décision de la Commission des
Nations unies, qui ne lie évidemment pas les parties,
est un exemple des grandes théories a priori des tribunaux
des droits de la personne, sans égard au contexte et à l’évolu-
tion historiques, qui peut entraîner de graves problèmes
pour les Indiens. Dans l’abstrait, il est tout aussi
difficile de s’opposer à l’égalité qu’à la maternité.
Il semble cependant aux Indiens que le modèle ultime d’un
Etat complètement égalitaire comporte une assimilation
totale. Chacun est égal parce que la norme abstraite
et monolithique d’égalité décrète qu’il n’y aura aucune
différence entre les individus ou les groupes. Les
Indiens, et les membres d’autres collectivités distinctes,
doivent maintenant se conformer non pas à une norme
indienne, mais à une norme abstraite de personnalité
humaine universelle. Le particulier est sacrifié à
l’universel. C’est là une des choses que nous redoutons
à l’égard de la nouvelle Charte. serons-nous en mesure
de maintenir notre culture et nos traditions, étant donné
que le droit canadien est dominé par des normes universelles
générales?

Entre autres considérations, la majorité des Indiens
inscrits s’opposent à une interprétation de l’alinéa 12(1) b)
qui aboutirait à l’entrée non contrôlée et non réglementée
dans les réserves d’hommes blancs ayant épousé des femmes
indiennes. L’arrivée d’un grand nombre de personnes ne
connaissant ou ne comprenant guère les traditions indiennes
rendrait le maintien d’une culture indienne authentique
dans les réserves très difficile. Si les réserves ont
pour but, en dernière analyse, de créer un milieu social
où la vie indienne peut se développer, toute interprétation
ayant cet effet serait contraire à cet objectif.

A la lumière de ce qui précède, nous, les nations
indiennes; nous opposons à l’abrogation de l’alinéa 12(1).b)
de la Loi sur les Indieng à cause des conséquences
économiques, sociales et politiques qui en découleraient.
Nous nous opposons également aux effets possibles de
l’article 15 de la Charte, au moment où il entrera en
vigueur en 1985, sur l’interprétation de l’alinéa 12(1) b),
si cet alinéa devait faire l’objet d’un litige. Ainsi,
les nations indiennes réclament que des pourparlers aient
lieu afin de protéger les droits enchàssés des peuples
autochtones – ancestraux et issus de traités — de l’érosion
par l’article 15 et d’autres articles de la Charte.

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