Gilbert Athot et François Demers, « Bourassa exige des garanties », Le Soleil [de Québec] (25 août 1975)
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Date: 1975-08-25
Par: Gilbert Athot & François Demers (Le Soleil)
Citation: Gilbert Athot et François Demers, « Bourassa exige des garanties », Le Soleil [de Québec] (25 août 1975).
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PRESS CLIPPINGS COUPURES DE JOURNAUX
Name of Publication Nom de la publication
LE SOLEIL
Date
AUG 25 1975
Rapatriement de la constitution
Bourassa exige des
garanties
par Gilbert ATHOT
et François DEMERS
Envoyés spéciaux du SOLEIL
MONT-GABRIEL – M. Robert Bou-
rassa exige des garanties constitution-
nelies pour l’avenir de la culture
française au Québec avant de donner
son accord au rapatriement de la
constitution canadienne de Londres à
Ottawa.
Par ailleurs, LE SOLEIL a appris
que le gouvernement du Québec ira
même jusqu’à réclamer fermement
l’introduction dans la Constitution
d’un mécanisme pour éviter a l’avenir
que la Cour suprême du Canada soit
appelée a prendre des décisions en
matière constitutionnelle à la place
des hommes politiques. comme cela v
risque de se produire dans le cas des
communications.
« En tant que chef du gouverne-
ment du Québec, je suis convaincu que
les Québécois n’accepteront le rapa-
triement de la constitution, objectif
désirable en soi, que si cette constitu-
tion leur donne des garanties pour
l’avenir de la culture française », a
textuellement affirmé, hier, le premier
ministre.
« Il me semble en effet tout à fait
normal que le Québec se voit recon-
naître les pouvoirs et les moyens de
décider finalement des questions ma-
jeures qui concernent la protection et
le développement de sa langue et de
sa culture », devait-il s’empressa d’a-
jouter.
M. Bourassa profitait ainsi de la
fin du colloque de deux jours du Parti
libéral du Québec. dont le thème était
« Les années 80 ». Pour tenter de
relancer officiellement, au nom du
Québec, le débat constitutionnel inter-
rompu par le désormais célèbre échec
de Victoria en 1971.
Il manifeste par là son entier
désaccord avec son homologue fédé-
ral. M. Pierre Elliott Trudeau, qui a
récemment soutenu le contraire, c est-
à-dire: rapatrions d’abord la constitu-
tion et on discutera de ses modifica-
tions par la suite, ici même au Canada.
C’est probablement en raison de
cette situation que le chef du gouver-
nement québécois n’a pas demandé
officiellement, par la même occasion,
la convocation d’une conférence cons-
titutionnelle. ll préfère. semble-t-il,
attendre la réaction de M. Trudeau.
« S’il n’y a pas de chances de
succès. ça ne vaut pas la peine de
convoquer une telle conférence », dit-
M. Bourassa, comme l’avait d’ailleurs
déclaré son homologue canadien en
d’autres circonstances.
En ce qui a trait à la culture, la
position de base du Québec « n’est pas
négociable », a affirmé le premier
ministre québécois. Par contre, dans
les domaines social et économique, le
Québec semble ouvert a des com-
promis.
Advenant un changement d’atti-
tude de M. Trudeau sur la condition
préalable au rapatriement de la cons-
titution et la précipitation d’un débat
constitutionnel, tous les dossiers du
Québec ne sont pas prêts, mais on
affirme dans l’entourage de M. Bouras-
sa qu’ils le seraient en temps utile.
Pourquoi ces exigences?
Le premier ministre du Québec a
profité de son allocution d’hier pour
expliquer longuement les raisons et le
cadre des exigences québécoises?n
matière de culture. En voici les princi-
paux passages.
« Si la problématique de notre
affirmation culturelle est devenue
plus exigeante, c’est que des facteurs
purement objectifs sont venus modi-
fier la situation historique de la
langue et de la culture françaises au
Québec et au Canada.
« Le développement des moyens de
communications modernes, la situa-
tion de notre taux de natalité et la
difficulté croissante d’intégration des
immigrants comportent en eux-memes
des risques évidents pour l’avenir de
notre collectivité.
« Face à cette situation nouvelle, la
question qui se pose est de savoir si le
Québec peut s’en remettre à d’autres
pour décider de la façon dont nous
devons faire face aux changements
survenus et à ceux qui s’annoncent.
« La bonne foi ou l’action des
hommes en place au niveau du gouver-
nement fédéral n’est pas ici en cause,
non plus que les mérites d’une éven-
tuelle relève. Le problème n’est pas au
niveau des hommes, il est au niveau
des faits.
« Selon toute vraissemblance, la
population québécoise diminuera par
rapport à celle du reste du Canada. Et
quand nous parlons de souveraineté
culturelle du Québec, nous ne cher-
chons pas des garanties contre des
personnes. Nous cherchons à protéger
pour l’avenir les droits d’un peuple.
« Le rapatriement de la constitu-
tion canadienne et l’adoption d’une
formule d’amendement à la constitu-
tion pourraient être l’occasion d’une
reconnaissance des droits culturels
des Québécois.
« Évidemment, dans le domaine de
la révision constitutionnelle, le Qué-
bec partage avec d’autres provinces un
certain nombre d’objectifs visant à
réaliser un meilleur équilibre entre le
pouvoir fédéral et le pouvoir provin-
cial. Nous avons eu d’ailleurs l’occa-
sion d’en discuter, il y a quelques.
jours. à la conférence des premiers
ministres provinciaux à Saint-Jean.
dans la province de Terre-Neuve.
« Cependant, le gouvernement du
Québec. pour des raisons évidentes, se
doit d’exiger des garanties constitu-
tionnelles très claires dans des sec-
teurs naturellement liés à la sécurité
culturelle, parmi lesquels les commu-
nications et l’immigration ont une
signification particulière. »
Par ailleurs. M. Bourassa a signalé.
à l’issue du colloque de la fin de
semaine. que son gouvernement veut
adopter les orientations suivantes:
a) poursuivre la croissance écono-
mique afin d’accentuer le progrès
social;
b) associer la croissance économi-
que à la lutte contre la pollution en
continuant de mettre l’accent, jus-
qu’au tcrme des années 80. sur les
sources d’énergie hydraulique par
opposition au nucléaire;
c) essayer de donner une significa-
tion authentiquement humaine et per-
sonnelle à l’organisation et au déve-
loppement de la société;
d) accorder une importance accrue
à la région, dans la politique économi-
que. « Un parti pris pour la vie
régionale. »