Gérald LeBlanc, « Pas de rapatriement sans garanties claires », Le Devoir [de Montréal] (25 août 1975)


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Date: 1975-08-25
Par: Gérald LeBlanc (Le Devoir)
Citation: Gérald LeBlanc, « Pas de rapatriement sans garanties claires », Le Devoir [de Montréal] (25 août 1975).
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Name of Publication Nom de la publication
Le Devoir

Date
AUG 25 1975

Bourassa précise son slogan

Pas de rapatriement
sans garanties claires

par Gérald LeBlanc

MONT-GABRIEL—Le premier ministre du Québec, M. Robert Bourassa, a annoncé qu’il refusera le rapatriement de la constitution canadienne, vivement souhaite par le gouvernement federal de M. Trudeau, s’il n’obtient pas des garanties très claires, inscrites dans la constitution, sur les pouvoirs nécessaires au Quebcc pour assurer la securite culturelle de son peuple.

« En tant que chef du gouvernement du Québec, a-t-il déclaré, je suis convaincu que les Québécois n’accepteront le rapatriement de la constitution objectif désirable en soi, que si cette constitution leur donne des garanties pour l’avenir de la culture française. »

C’est à l’issue du Colloque d’orientation sur « les années 80 », tenu durant le weck-end au Mont-Gabriel dans les Laurentides le Parti libéral du Québec (PLQ), que M. Bourassa a fait cette importante déclaration sur les conséquences du slogan de la souveraineté culturelle, lancé officiellement au Colloque récédent, en aout 1973 au Mont Orford dans les Cantons de l’Est.

La plupart des ministres et députés, les permanents et dirigeants du parti, quelques représentants de certains corps intermédiaires comme le Conseil du patronat, un peu llus de 400 personnes au total, avaient accepté l’invitation du PUQ dese pencher, avec l’aide d’une dizaine d’experts dont trois français et un américain, sur ce que sera et pourra devenir le Québec des années 80.

Intéressant certes et même anime lors des discussions sur les problemes de la famille, cet cxercise de futurologie avait suscité peu d’échanges générateurs d’idées nouvelles jusqu’à ce que M. Bourassa lance sa bombe de fin de Colloque.

En plus de répondre, au moins partielllement, au nombre grandissant de Quebecois réclamant une définition de la « souveraineté culturelle », gardée depuis deux ans à son état origine de slogan electoral, M. Bourassa ouvre en effet une toute nouvelle joute avec Ottawa, en contredisant carrément les convictions défendues depuis dix ans par le trio Trudeau-Marchand-Pelletier.

Pour les tenors du « french power » a Ottawa, c’est en allant défendre leurs intérêts dans la capitale canadienne que les Québécois assurent la survie et le développement de leur culture au sein de la confédération canadienne.

M. Bourassa affirme maintenant que cette présence ne suffit plus et que la constitution canadienne doit accorder explicitement au gouvernement du Québec les pouvoirs nécessaires pour assurer la sécurité culturelle des francophones.

« Il me semble, a-t-il en effet déclaré, tout à fait normal que le Québec se voit reconnaître le pouvoir et les moyens de décider finalement des questions majeures oui concernent la protection et le développement de sa langue et de sa culture. »

Le premier ministre du Québec tenait d’ailleurs à préciser qu’il ne met pas en doute la bonne foi ou l’efficacité de l’équipe Trudeau pour la protection de la culture française. S’il réclame des garanties constitutionnelles, c’est que le rapatriement de la constitution constitue un evenement historique engageant les generations a venir qui ne sont s assurées de toujours avoir des representants de poids au sein du gouvernement fédéral.

« La bonne foi ou l’action des hommes en place au niveau du gouvernement fédéral, n’est pas ici en cause, a-t-il dit, non plus ue les mérites d’une éventuelle relève. Le problème n’est pas au niveau des hommes, il est au niveau des faits.

Et ces faits comportent des « risques évidents » pour l’avenir de la collectivité québécoise pour M. Bourassa, qui mentionne le développement des moyens de communications modernes, la situation de notre taux de natalité et la difficulté croissante d’intégration des immigrants.

M. Bourassa reprend donc la thèse du Parti québécois sur le caractère temporaire et aléatoire du french power a Ottawa — »Je ne peux pas admettre que le sort culturel du Québec soit confié à une autre majorité », répète-t-il depuis quelques, mois — mais refuse sa conclusion de la nécessite pour le Québec d’accéder à l’indépendance.

Entre le « fédéralisme rigide » et « l’indépendance à l’africaine du Parti québécois », M. Bourassa promet de trouver une troisieme voie grâce à la souplesse inhérente au régime de type fédéral. Il admet cependant que la chose ne sera pas facile et qu’il faudra du temps ont trouver les moyens et les formules d’amender la constitution de façon à assurer au Québec la souveraineté culturelle tout en laissant au Canada la souveraineté politique.

Entend-il réclamer la convocation d’une conférence constitutionnelle? M. Bourassa répond qu’il faudra au préalable envisager les possibilités de succès d’une telle rencontre, sans quoi l’exercice serait inutile.

M. Bourassa souligne enfin que la révision constitutionnelle comportera sans doute d’autres secteurs, outre le champ culturel, où le Québec devra de toute évidence faire cavalier seul contre le fédéral.

« Evidemment, a-t-il dit, dans le domaine de la révision constitutionnelle, le Québec partage avec d’autres provinces un certain nombre d’objectifs visant à réaliser un meilleur équilibre entre le pouvoir fédéral et le pouvoir provincial ».

« Cependant, le gouvernement du Québec, pour des raisons évidentes, se doit d’exiger des garanties constitutionnelles très claires dans des secteurs naturellement liés à la sécurité culturelle parmi lesquels les communications et l’immigration ont une signification particulière. »

M. Bourassa admet que le dossier des communications, où les autres provinces ont appuyé le Québec jusqu’au point critique pour ensuite se retirer en douce, démontre que le Québec doit compter sur ses seuls moyens dans la négociation qui s’amorce.

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