Théophile Pierre Bedard, Histoire de cinquante ans (1869)


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Date: 1869-06
Par: Théophile Pierre Bedard
Citation: Théophile Pierre Bedard, Histoire de cinquante ans (1791-1841.) (Québec: Des Presses a Vapeur de Léger Brousseau, 1869).
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HISTOIRE

CINQUANTE ANS.

(1791-1841.)

annales parlementaires et politiques du bas

canada depuis la constitution

jusqu’à l’union

T. P. BEDARD.

QUÉBEC:

DES PRESSES A TAPEUR DE LÉGER BROUSSEAU,
7, Rue Buade.

1869.

Enregistré conformément à l’Acte du Parlement du
Canada en l’année 1869, par T. P. Bedard, Avocat,
de Québec, au Bureau du Ministre de l’Agriculture.

A SON EXCELLENCE

Sir NARCISSE FORTUNAT BELLEAU, Chevalier,

LlEUTENANT-GrOUYERNEUR DE LA PROVINCE DE QUÉBEC,

Cet ouvrage est respectueusement dédié

L’AUTEUB.

PREFACE.

A la suite d’un événement important, les peuples,
comme les individus, sentent la nécessité de faire un
retour sur eux-mêmes, pour puiser dans les incidents
plus ou moins remarquables du passé, des enseigne-
ments pour l’avenir.

Cet événement est arrivé pour nous. La confédéra-
tion, en donnant aux possessions britanniques une
constitution nouvelle, a ramené le Bas-Canada à son
autonomie politique, que l’union lui avait enlevée.

Les enseignements pour les peuples proviennent de
différentes sources ; pour nous c’est principalement
dans notre histoire parlementaire et politique que
nous les retrouvons, c’est donc là qu’il faut aller
puiser.

On trouve bien en partie cette histoire dans les
auteurs qui ont écrit sur le Canada, mais jusqu’à
présent il n’existait pas d’ouvrage spécial sur ce sujet ;
c’est ce travail que l’auteur a entrepris.

Au reste, dans une œuvre de ce genre on peut faire
entrer un grand nombre de détails qui seraient dépla-
cés ailleurs, et qui sont cependant importants comme
peinture de nos mœurs politiques, pendant cette
période qui s’est écoulée depuis la constitution jusqu’à
l’union.

L’auteur n’a pas la prétention d’avoir fait un
travail parfait, mais au moins il se flatte d’avoir été
exact dans la narration des faits ; cette exactitude est
due à ses nombreuses recherches : en un mot il ose dire
qu’il a fait une œuvre consciencieuse ; et c’est uni-
quement sur ce mérite qu’il compte pour être bien
accueilli du public. .

Québec, Juin 1869.

INTRODUCTION.

Le Canada est un pays encore jeune, mais qui a
déjà passé par bien des phases politiques.

L’histoire de ses gouvernements, par exemple, don-
nerait matière à un ouvrage très-étenclu ; nous n’en
pouvons malheureusement présenter qu’une courte
esquisse.

1608—1648.

Depuis la fondation de la colonie par M. de Cham-
pîain (1608), jusqu’à l’arrivée de M. D’Aillesboust
(1648) le Canada fut administré par le gouverneur qui
seul avait la juridiction militaire, civile et criminelle.

Dans quelques circonstances, cependant, il s’aidait
des conseils des notables de la colonie, surtout pour la
gouverne des sauvages.

1648—1663.

M. D’Ailleboust, qui venait remplacer M. de Mont-
niagny en 1848, apportait avec lui, dit M. l’abbé
Laverdière, * un nouvel édit du roi, créant un conseil
composé du gouverneur, du supérieur des jésuites, en
attendant qu’il y eût un évoque, du dernier gouver-
neur sorti de charge, de deux habitants du pays élus
de trois ans en trois ans par les gens tenant le conseil
et par les syndics des communautés de Québec, des
Trois-Kivières et de Montréal.

* Histoire du Canada, par C. H. Laverdière, A. M.

Vlll

S’il n’y avait point d’ancien gouverneur dans le
pays, l’on choisissait le cinquième conseiller. Les
gouverneurs des Trois -Rivières et de Montréal avaient
entrée, séance et voix délibérât! ve au conseil, lorsqu’ils
se trouvaient à Québec. Les premiers membres de ce
nouveau conseil, furent M. D’Ailleboust, le Père
Jérôme Lalemant et les Sieurs de Chavigny, Gode-
froy et Giffard. »

1663—1760.

Jusqu’en 1663, le Canada n’avait point de cour de
justice souveraine et indépendante. Il y avait bien
eu, depuis 16é0, nn grand sénéchal, et aux Trois-
Rivières une juridiction qui ressortissait au tribunal
de ce fonctionnaire ; mais les gouverneurs généraux
s’étaient maintenus en possession de rendre la justice^
quand on avait recours à eux — ce qui arrivait souvent.

Dans les grandes affaires, ils avaient une espèce de
conseil composé du grand sénéchal, du premier supé-
rieur ecclésiastique et de quelques-uns des principaux
habitants. Mais ce conseil n’était pas permanent ; le
gouverneur l’établissait, le changeait ou le continuait,
comme il jugeait à propos. Le haut commissaire
Gaudais fit créer un conseil fixe, composé du gouver-
neur, de l’évêque, de l’intendant, qui en était le prési-
dent d’office, d’un procureur général, d’un greffier en
chef et de quatre conseillers, nommés par le gouver-
neur, l’évêque et l’intendant. M. Gaudais établit en
même temps trois cours de jnstice subalternes à
Québec, à Montréal et aux Trois-Rivières. Plus tard,
le conseil se composa de douze membres. Ses déci-

IX

eions, qui devaient être conformes à la coutume de
Paris et aux édits et ordonnances du royaume, enre-
gistrées à Québec, forment une partie considérable des
lois qui jusqu’à présent ont dirigé nos cours civiles.

Des changements également importants dans l’ad-
ministration religieuse du pays, signalent le commen-
cement de cette année 1663 : le 9 de mars, la société
de Montréal substitue à sa place les ecclésiastiques du
séminaire de Saint-Sulpice de Paris, qui depuis six
ans étaient établis à Montréal ; et, au mois d’avril, le
roi accorde à Mgr. de Laval des lettres patentes qui
permettent l’érection d 5 un séminaire à Québec. *

Depuis l’arrivée de M. de Mésy en 1663 jusqu’à la
capitulation de Montréal (1760), le Canada fut gou-
verné par ce conseil, qui possédait les pouvoirs exécu-
tif, administratif et judiciaire.

Le conseil supérieur fut souvent en proie aux
dissensions intestines. Au début même de ce nouveau
système, de graves difficultés s’élevèrent entre le gou-
verneur et quelques membres du conseil qui ne
partageaient pas ses vues.

Les prédécesseurs de M. de Mésy avaient reçu de la
compagnie des cent associés, des honoraires plus élevés
que ceux qu’on voulait lui accorder ; or M. de Mésy
prétendait que la colonie devait parfaire le montant ;
deux des conseillers (le procureur général Bourdon et
le sieur de Yilleray) s’étant opposés à ses prétentions,
le gouverneur, sans forme de procès, les fit embarquer

* Histoire du Canada par C. H. Laverdière A. M,

pour l’Europe. Cet acte arbitraire et tyrannique
engagea le roi à rappeler M. de Mésy. On se préparait
à lui faire son procès ; mais il mourut dans l’intervalle.

Le deuxième successeur de M. de Mésy, M. de
Frontenac, eut aussi des démêlés avec quelques mem-
bres du conseil, entre autres avec M. l’Intendant. Le
gouverneur prétendait avoir droit à la présidence,
tandis que l’intendant se croyait autorisé à revendi-
quer cet honneur. Il fallut une ordonnance du roi
pour rétablir l’harmonie. Par ordre de Louis XIY,
le gouverneur obtint le droit d’occuper la première
place ; l’êvêque devait remplir la seconde, et l’in-
tendant la troisième. Ainsi, la table ronde, qu’on
avait été obligé d’employer pour ménager les suscep-
tibilités, put être remplacée par une table ordinaire.

En dépit des divisions intestines qui éclatèrent, à
diverses reprises, dans le conseil supérieur, et surtout
dans les premières années de son fonctionnement, on
peut dire que cette nouvelle forme de gouvernement
fut un grand bienfait pour la colonie. C’est, en effet,
durant l’époque qui s’est écoulée de 1663 à 1760, que
le Canada s’est développé davantage ; c’est durant
cette période que se sont accomplis les plus grands
événements de notre Iristoire. Si nos ennemis d’alors
ont pu s’emparer de la Nouvelle France, le conseil
supérieur, c’est-à-dire le gouvernement qui régissait le
Canada, n’en saurait être responsable. Les fautes de
la mère-patrie sont seules causes des pertes qu’elle a
éprouvées en Amérique. Les difficultés qui se sont
élevées entre M. de Montcalm et le dernier gouver-

XI

neur français, M. de Vaudreuil, difficultés qui ont
précipité notre ruine, ne peuvent être attribuées au
régime sous lequel vivait la colonie du Canada. Des
antipathies de caractère, plutôt que de solides raisons,
contribuèrent à produire entre le gouverneur canadien
et le général français cette funeste division qui détrui-
sit nos liens avec la mère patrie.

1760—1764.

Après la capitulation de Montréal, tout le Canada
resta au pouvoir de l’Angleterre. Le général Amherst
divisa le pays en trois gouvernements. Le major
général James Murray fut placé à la tête du gouver-
nement de Québec ; le brigadier Thomas Gage fut
nommé gouverneur de Montréal, et le commande-
ment des Trois-Rivières échut au colonel Ralph
Burton.

Amherst étant parti pour New- York (le 20 septem-
bre 1760) retint toutefois eon titre et ses pouvoirs de
gouverneur, et laissa aux gouverneurs particuliers qu’il
venait de nommer, le soin d’établir des cours ou tribu-
naux pour l’administration de la justice dans leurs
districts respectifs.

 » Murray établit un conseil militaire * composé de
sept officiers de l’armée pour décider les affaires civiles
et criminelles les plus importantes, se réservant les
autres questions, pour les juger lui-même sans appel.
Gage, dans les limites de sa jurisdiclion, adoucit un

\ Histoire du Canada, par M. Bibaud.

Xll

peu ce système arbitraire, et autorisa les capitaines
de paroisse à terminer les différends, tout en laissant
aux parties le droit d’en appeler au commandant
militaire du lieu, ou à lui-même. Aux Trois-Bivières
les choses furent réglées à peu près comme dans le
gouvernement de Québec. »

Ce gouvernement, qu’on désigne sous le nom de
gouvernement militaire, ne se rendit pas odieux ; au
contraire, on s’accorde à reconnaître qu’il administra
la justive avec équité. Rarement cependant, et ce
fut un bonheur, les colons y recoururent pour le
redressement de leurs griefs particuliers ; ils préfé-
raient s’en rapporter aux décisions de leurs pasteurs ou
des capitaines de milice.

Far le traité de Paris, (10 février 1763) le Canada
passa définitivement à l’Angleterre. Le pays fut
administré par mrgouverneur général, dont le premier
fut Murrray.

Un des premiers actes de George III, roi d’Angle-
terre, fut d’abolir les lois françaises pour y substituer
les lois anglaises, contrairement aux articles du traité
de paix, qui accordaient aux colons français la jouis-
sance de leurs droits civils et le libre exercice de la
religion catholique.

Quoique les Canadiens fussent devenus sujets anglais,
et eussent été reconnus comme tels par le traité de
Paris, cependant l’Angleterre ne jugea pas à propos
de les faire jouir des mêmes prérogatives que celles
accordées aux habitants de la métropole.

Murray, qui avait été nommé gouverneur lè # 21

Xlll

novembre 1763, forma, pour obéir à ses instructions,
un nouveau conseil, investi conjointement avec lui
des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Ce
conseil devait se composer des lieutenants gouverneurs
de Montréal et des Trois-Eivières, du juge en chef, de
l’inspecteur des douanes et et de huit personnes choi-
sies parmi les habitants les plus considérables. Il n’y
fit entrer qu’un seul homme du pays (*), pour faire
nombre ; et, comme il n’y avait pas aux Trois-Eiviè-
res de protestants dont on pût faire des magistrats, ce
district fut annexé, partie à celui de Québec, partie à
celui de Montréal. Toute l’ancienne administration
fut en même temps refondue.

En dépit de la proclamation de George III, Murray
permit l’usage des lois françaises dans les causes rela-
tives à la propriété foncière. Pour plaire à ses
compatriotes le gouverneur eût dû laisser entre leurs
mains le gouvernement de la colonie, mais son esprit
de justice et d’impartialité lui fit adopter la seule
ligne de conduite conforme à la lettre ‘du traité de
1763. En conséquence il convoqua une assemblée
des représentants du peuple, sachant d’ailleurs d’a-
vance que cet appel n’aurait aucun succès. Aussi ne
fut-il pas surpris de ne voir aucun Canadien accepter la
charge de conseiller, attendu qu’il fallait pour cela
prêter le serment du test, f

* François Meunier, homme obscur et sans influence, dit M,
Laverdière.

f On appelle ainsi du mot anglais test, épreuve ou examen, une
loi qu’en 1673 le parlement anglais arracha à Charles II, à l’effet
d’empêcher les catholiques d’occuper des fonctions publiques.
D’après cette loi, tout fonctionnaire public, civil ou militaire devait

XIV

On vit alors les protestants porter contre Murray
des accusations tellement graves et tellement persis-
tantes, que celui-ci fut forcé de passer en Angleterre
pour expliquer la conduite qu’il avait tenue dans
l’administration delà colonie.

Le système d’exclusion adopté par le gouvernement
anglais à l’égard des Canadiens subsista j nsqu’en 1774 ;
il fut permis cependant aux Canadiens, en 1766, d’être
jurés en des cas spécifiés, et d’être avocats sous certai-
nes restrictions. Ce léger acte de faveur n’était pas
de nature toutefois à satisfaire les nouveaux sujets de
l’Angleterre ; on demandait à grands cris des modifi-
cations au régime existant, ces plaintes. Ces deman-
des eurent pour résultat d’amener l’acte de 1774.
1774-1791.

En 1774, furent passés deux actes concernant l’admi-
nistration de la Province de Québec ; le premier fixait
les limites du pays, et il confirmait le cierge catholique
et les fidèles dans leur droit à l’exercice libre de leur
religion. Cet acte établissait encore les lois civiles
françaises et les lois criminelles anglaises, et créait un

prêter un serment particulier, et déclarer par écrit qu’il ne croyait
pas au dogme de la transubstantiation. Depuis l’union de l’Irlande
à l’Angleterre (en 1800) les efforts du parti libéral eurent principa-
lement pour objet l’abolition de ce serment. En 1828, lord John
Eussell fit adopter par la chambre basse une proposition à cet effet ;
mais elle fut annulée par la’Chambre haute. Cependant le 13 avril
1829, le ministère, que dirigeaient Wellington et Peel, supprima le
serment du test.

Quand Monseigneur Plessis fut appelé au conseil législatif,
Eyland qui, en sa qualité de chancelier,devait lui faire prêter serment,
lui présenta la formule du serment du test, le prélat indigné refusa,
et ne voulut prêter que le serment d’office. Sherbrooke, qui admi-
nistrait alors la Province, envoya le lendemain Ryland faire des
excuses à l’éminent Prélat.

XV

Conseil qui ne pouvait être composé de moins de 17
membres et de pas plus de 23. Le gouverneur en
conseil pouvait faire des ordonnances qui avaient
force de loi, et prélever des taxes pour la confection
des chemins publics et la construction des édifices indis-
pensables : tels que les bureaux publics, les palais de
justice et les prisons. Le second de ces actes rappe-
lait certaines ordonnances passées sous le gouverne-
ment français pour prélever certaines taxes, et leur
substituait des droits sur quelques produits d’importa-
tion. Les revenus provenant de ces droits devaient
être employés au soutien du gouvernement civil et à
l’administration de la justice.

Tels étaient les principaux dispositifs de ces deux
actes. La première séance de ce conseil n’eut lieu
qu’au printemps de 1777. Le cadre de ce résumé ne
nous permet pas d’entrer dans les détails des actes ad-
ministratifs de ce nouveau gouvernement, qui d’abord
ne fut pas accueilli avec beaucoup de faveur, parce
qu’on avait promis le système constitutionel parlemen-
taire, et ensuite en conséquence des actes arbitraires et
tyranniques de Haldimand, qui pendant la guerre de
l’indépendance faisait emprisonner par centaines ceux
qui étaient prévenus ou soupçonnés d’adhésion à la
cause américaine. Le calviniste du Calvet, entre autres,
fut une de ses nombreuses victimes ; aussi, à peine
sorti de prison, s’empressa-t-il de passer en Angleterre
pour y demander le rappel du général Haldimand
dont le gouvernement avait été une suite d’espionnage
et d’inquisition d’état.

XVI

Ses écrits sur le système de gouvernement qu’il
rêvait pour sa patrie, le signalèrent à l’attention publi-
que. Ce système différait peu du gouvernement qui
nous fut donné en 1791.

Il y eut peu d’événements remarquables dans
l’espace de temps qui s’écoula jusqu’à l’octroi de la
constitution, — si ce n’est les récriminations incessantes,
et la demande d’une assemblée élective, telle que pro-
mise depuis longtemps. Enfin, en 1791, le célèbre Pitt,
alors ministre des finances, proposa aux Communes l’oc-
troi d’une constitution modelée sur celle de l’Angle-
terre, et qui conférait au gouverneur presque tous les
pouvoirs du souverain. Ce représentant du roi choisis-
sait un conseil dont les membres n’étaient responsables
qu’à lui-même, et il devait créer un conseil législatif
dont les membres choisis par le souverain seraient
nommés à vie ; enfin on donnerait au peuple ce -qu’il
demandait depuis longtemps : une chambre élective.
L’acte de la constitution réglait encore les détails de
sa mise en opération, telle qu’une loi électorale, le
nombre des sessions, la durée du parlement fixée à
quatre ans. Il terminait en citant l’acte déclaratoire
passé en 1778, par lequel l’Angleterre renonçait au
droit de taxer ses colonies autrement que pour les fins
du commerce, et il confirmait cette faveur au Canada.
C’est sous l’empire de cet acte, qui ne reçut pas de
changements jusqu’à l’union, que nous verrons se
dérouler les  » annales parlementaires et politiques du
Bas-Canada. »

CHAPITRE I.

Ouverture du premier parlement — Àssermentation des membres
—Election de M. J. A. Panet comme président de l’assemblée. —
Défection de M. P. L. Panet. — Demande de privilèges pour les
communes du Canada.- — Discours de lord Dorchester. — Réponses
du Conseil Législatif et de l’Assemblée. — Discussion sur les lan-
gues française et anglaise.: — Discours de M. de Lotbinière et de M.
de Rocheblave, — Rédaction des lois dans les deux langues. — Tra-
hison des membres anglais. — Adresse au roi. — Requête au sujet de
Péducation. — Prétentions des membres anglais au sujet des biens
des Jésuites, — Abolition de l’esclavage. — Mesure du CoDseil reje-
tée. — Pourquoi le bill de judicature remis, — Résolution au sujet des
subsides. — Subsides. — Impôts. — Prorogation des Chambres. — Rôle
des députés canadiens. — Lord Dorchester et ses instructions.—
Deuxième session. —Adresse au duc de Kent. — Quelques mots sur
lui. — Division judiciaire. — Suspension de Yhabeas corpus. — M.
Panet nommé juge. — M. de Lotbinière président. — M. Panet
n’exerce pas ses fonctions.— Partie des revenus accordée au Haut-
Canada,— Inviolabilité des membres, — Leur absence. — Deuil au
sujet de la Reine de France. — Accusation de lèze-majesté — Con-
damnation. — Société de loyauté. — Discours de M. Plessis. —
Evêché protestant. — L’évêque conseiller. — lord Dorchester veut
nommer l’évêque catholique. — Troisième session. — Admission des
étrangers aux délibérations. — L’assemblée revient sur ses pas. —
Le Haut- Canada déclaré avoir droit à un huitième des revenus. —
Loi des chemins etponts. — Loi des monnaies. — Dernièresession.—
La monnaie et les faux monnajeurs.— Chemins vicinaux et royaux,
mise à exécution de la loi, — Condamnation des violateurs. —
Demandes de cours sommaires. — Loi de milice, — Fin du premier
parlement — Avantages remportés par les canadiens.

Le 17 décembre 1791, s’ouvrait à Québec, dans
l’ancien palais épiscopal, érigé sur la place des édfices
du Parlement actuel, la première session du premier
Parlement du Bas- Canada. Les honorables Pierre
Panet, Jenkin William et James Monck, commissaires
nommés sous le grand sceau de la Province pour
administrer le serment aux membres qui venaient
d’être élus, demandèrent au grenier de l’Assemblée

— 2 —

ïa production des rapports des officiers-rapporteurs-
constatant l’élection des membres ; ceux qui parlaient
la langue française furent assermentés par M. Pierre
Panet, et les autres, par les deux commissaires anglais.
Peu après, le major général Alured Clarke, qui rem-
plaçait, comme lieutenant-gouverneur, lord Dor-
chester, alors en Angleterre, manda l’Assemblé 6
Législative dans la salle du Conseil, et lui recommanda
d’élire un président dont le choix devait recevoir son
approbation le jeudi suivant; les paroles du lieute-
nant-gouverneur furent répétées en français par M.
Pierre Panet. Le conseil législatif était alors composé
de douze membres à vie, choisis par le gouvernement
impérial, d’après les recommandations du conseil ex-
écutif de la Province ; le Juge en chef Smith en était
le président. Le choix du président de l’assemblée
mit aussitôt en évidence l’antagonisme des deux races.
MM. Dunière et de Bonne ayant proposé à ce poste
M. J. A. Panet, un des représentants de Québec, le
parti anglais proposa successivement MM. Grant,.
McGill et Jordan ; M. Panet fut finalement élu sur
une division de 28 contre 18. Des seize membres
anglais, pas un ne vota pour M. Panet, tandis que
deux canadiens votèrent contre lui, l’un de ces
derniers était le propre frère du candidat M. P. L.
Panet. Celui-ci, dans le discours qu’il fit pour appu yer
M. Grant, remarqua que M. Panet ne connaissait pas
la langue anglaise, que le Canada était une colonie
anglaise, que la langue de la métropole était l’anglais,
et il termina en disant :  » Je suis d’opinion que c’est

— 3 —

* c une nécessité absolue pour les canadiens d’adopter
 » la langue anglaise, et je pense qu’il n’est que décent
 » que le président que nous avons à choisir puisse
 » s’exprimer en anglais lorsqu’il s’adressera au repré-
 » sentant de notre Souverain. »

Une telle conduite, inqualifiable envers un frère,
était en même temps une lâcheté envers les canadiens
ses compatriotes ; le mépris des membres des deux
origines, en fut la récompense. MM. Pierre Bédard,
de Bonne et le candidat lui-même avaient pris une
part active à la discussion qui se termina par la défaite
•du parti anglais.

Le président, qui se reconnaissait incapable de
parler la langue anglaise, demanda à la chambre de
prier Son Excellence qu’il lui fût permis de faire tra-
duire en anglais les communications qu’il aurait à lui
faire, et M. Grant demanda,, pour les Communes du
Bas-Canada, les mêmes privilèges que ceux des Com-
munes anglaises, à savoir : l’exemption d’arrestation,
d’assignation dans l’enceinte du palais législatif, et
l’accès auprès du Gouverneur.

Son Excellence lord Dorchester accorda aux mem-
bres leurs demandes, approuva le choix qu’ils avaient
fait de M, Panet, comme leur président, puis il adressa
aux deux Chambres un discours dans lequel, il dit
qu’il ne pouvait, sans émotion inaugurer dans la
Province un système qui avait élevé l’empire britan-
nique au plus haut degré de gloire parmi les nations,
et terminait en recommandant l’harmonie et la bonne
«entente parmi les deux brauches de la législature,

_ 4 —

afin qu’elles pussent travailler avec plus d’efficacité
au bien public ; comme on le verra plus tard, cette
recommandation notait pas hors de propos.

La réponse du Conseil législatif, à ce discours, fut
une prière d’action de grâces au Ciel, u pour avoir
rompu les liens qui unissaient le Canada au pouvoir
qui l’avait établi. »

On était alors à l’époque-des scènes les plus odieuses
de la révolution française ; les massacres sans nombre,,
la terreur, la famille royale prisonnière au Temple^
Louis XVI subissant un procès dont le jugement
devait être une condamnation à mort, tontes ce&
horreurs étaient bien de nature à motiver les expres-
sions de ce discours ; mais, malgré tout cela, le
souvenir de la mère-patrie était encore trop vfvaee
chez les canadiens, les sympathies encore trop pro-
noncées pour que ce discours fut agréable à la popu-
lation.

La réponse de l’assemblée ne fut qu’une répétition
du discours du Grouverneur-Général. Après avoir
ûxé, le quorum à 28, l’assemblée s’occupa des règle-
ments qui devaient régir ses délibérations, elle adopta
ceux des communes anglaises sauf quelques modi-
fications nécessitées par l’état naissant du système
parlementaire.

La discussion sur les affaires de régie fut lon-
gue et violente, surtout lorsqu’il s’agît de déter-
miner dans quelle langue les entrées seraient
faites dans les journaux tenus par le grenier ; on
résolut de tenir deux registres,, l’un en français, l’autre

— .5 —

en anglais. M. Richardson proposa en amendement
que, bien qne les registres seraient tenus dans les
deux langues, cependant, pour conserver l’unité de
langage nécessaire dans l’empire, l’anglais serait
considéré comme le texte légal ; cet amendement fut
perdu sur division de 13 contre 26. M. Grant avait
auparavant proposé de ne tenir les registres que dans
une seule langue, lorsque le rapport du comité nommé
pour rédiger les règlements fut présenté à la Chambre.
M. de Lotbinière lui répondit dans un long discours
qu’il termina par ces paroles pleines de modération :
■ » le plus grand nombre de nos électeurs se trouvant
• » dans une situation particulière, nous sommes obligés
 » de nous écarter des règles ordinaires, et de réclamer
u l’usage d’une langue qui n’est pas celle de l’empire ;
u mais aussi juste envers les autres que nous espérons
u qu’on le sera envers nous, nous ne voulons pas que
 » notre langue exclue -celle des autres sujets de Sa
 » Majesté, nous demandons que l’une et l’autre soient
«  » permises, que nos procès- verbaux soient tenus dans
 » les deux langues. » M. de Rocheblave répondit
aussi à M. Grant :  » Pourquoi donc, dit-il, nos
 » concitoyens anglais se récrient-ils en nous voyant
u décidés à conserver nos usages, nos lois, notre
 » langue maternelle, seul moyen qui nous reste pour
< ( défendre nos biens. Le stérile honneur de voir u dominer leur langue, les portera-t-il à ôter leur force " et leur énergie à ces mêmes lois, à ces usages, à ces " coutumes qui font la sécurité de leur propre fortune. u Maîtres sans concurrence du commerce qui leur livre — 6 — " nos productions, n'ont-ils pas infiniment à perdre " dans le bouleversement général qui sera la suite " infaillible de cette injustice, et n'est-ce pas leur " rendre le plus grand service que de s'y opposer ?" * D'autres membres anglais avaient aussi proposé des amendements dans le même sens, mais ils furent tous perdus, et la minorité anglaise, animée de sentiments de domination et d'intolérance, se vit obligée de céder devant le patriotisme des membres canadiens, qui votèrent contre les prétentions injustes du parti anglais ; un seul, M. F. L. Panet poussé par les mêmes sentiments de servilisme qui l'avait fait voter contre son frère à la présidence de la chambre^ se rangea du côté du parti anglais. Il fut décidé, cependant, que les lois seraient rédi- gées en français ou en anglais, selon qu'elles auraient rapport aux lois françaises maintenues en Canada par le traité de 1763, ou aux lois anglaises introduites dans la Province par la conquête. A cette époque la population anglaise du Bas- Canada ne dépassait guère 9 à 10 mille, et cependant seize membres d'origine anglaise avaient été élus ; presque tous ces derniers conséquemment tenaient leurs mandats des canadiens, et tous avaient trahi dans cette question de vie ou de mort delà langue française, les intérêts les plus ehers de leurs électeurs. Les canadiens naturellement loyaux, francs, honnêtes et * Gazette de Montréal du 14 février 1793. — 7 — . confiants n'avaient pas hésité à choisir pour les représenter, ceux qu'ils croyaient par leur fortune, leur influence et leur éducation, le plus en état de promouvoir leurs intérêts, quelque fût leur origine : ils furent bien trompés. Comme preuve de l'esprit de tolérance et de justice qui animait les membres canadiens, nous citerons le fait que M. de Bonne, ayant proposé que la rédaction de tous les bills relatifs aux lois, coutumes, usages et droits civils de la Province fût faite en langue française, perdit cette mesure. M. Grant, qui voulait capter la confiance des canadiens qu'il avait perdue dès le commencement de cette discussion, ayant proposé d'ajouter à l'amendement de M. de Eonne ces mots : " et tous les autres bills," perdit également son amendement par le vote des membres d'origine française. Après cette discussion les esprits se calmèrent, l'assemblée vota une adresse de remercîments à Sa Majesté pour la remercier d'avoir donné au Canada une constitution semblable à celle de l'Angleterre, assurant le Ro: que les canadiens sauraient compren- dre la faveur insigna qui leur était faite, et que cette faveur ne contribuerait pas peu à rattacher la colonie à l'empire. La question de l'éducation fut la première qui attira l'attention de la législature. L'éducation était alors dans un état déplorable ; quelques instituteurs nomades, un petit nombre de curés bienveillants donnant une éducation élémentaire à des protégés, c'était là, à peu près les seuls moyens d'instruction primaire que possédaient nos ancêtres. Les habitants de Québec et des environs avaient adressé une requête à la législature au sujet de l'éducation ; dans cette réquête ils exposaient que depuis l'abolition de l'ordre des jésuites par Clément XIV, les membres de cet ordre en Canada avaient ofîert leurs biens au public? moyennant quelques revenus pour pourvoir à la subsistance de ceux qui vivaient encore en ce pays, que ces biens ayant été augmentés par le travail et l'argent des colons, les requérants demandaient qu'on en appropriât les revenus à l'éducation, M. Grant proposa l'envoi de cette requête à un comité de toute la chambre, puis à un sous comité de neuf membres afin de faire vérifier les litres de propriété des jésuites; le comité adopta cette dernière résolution qui fut néanmoins rejetée par toute la chambre. Cette question des biens des jésuites souleva de violents débats ; les membres anglais proclamaient hautement les droits de la Couronne sur ces biens qu'ils voulaient cependant voir consacrés à l'éducation, tandis que les membres canadiens déniaient ce droit au roi. Ces derniers craignaient que l'appro- priation- des biens de cet ordre célèbre, qui allait s'éteindre en Canada par la mort du père Cazot, entraînerait aussi celle des autres institutions religieu- ses. Finalement la chambre adopta une adresse au roi, le priant, vu l'extinction prochaine de l'ordre des jésuites, de consacrer les revenus de leurs biens à — 9 — l'éducation de la jeunesse ; le gouvernement n'accéda à cette demande qu'après la mort du père Cazot. M. F. L. Panet, quelques jours avant la discussion qui s'était élevée, à propos de l'éducation, avait pro- posé un bill demandant l'abolition de l'esclavage en Canada ; ce bill fut lu une fois, mais n'eut point de suite, les législateurs aimant mieux sans doute laisser à l'opinion publique le soin de détruire la servitude qui, du reste, à cette époque, était représentée par un bien petit nombre d'esclaves. * Le 5 avril 1793, la chambre repoussait, par une majorité de 30 contre 4, un projet de loi venant du conseil législatif relativement aux officiers-rapporteurs pour l'élection des membres. Ce projet tendait à imposer une charge sur le peuple, en soumettant à des peines pécuniaires ceux qui enfreindraient quelques- unes des dispositions $e cette loi ; or c'était le privilège de cette chambre que les bills de cette nature fussent premièrement proposés dans l'assemblée ; elle proclamait ainsi son droit d'initiative dans toutes les questions d'argent même sous forme de peines pécu- niaires. Le conseil législatif avait proposé un bill pour amender le système judiciaire et subdiviser le Bas- Canada en districts : mais, malgré la recommandation f. Une annonce publiée dans la Gazette de Québec, vers cette époque, représente un nègre courant à toute jambe, il est offert une récom- pense t onnête à celui qui ramènera à son maître, marchand des Trois- Rivières, son esclave fugitif, qui pensait sans doute que la loi qu'on proposait n'aurait pas d'effet rétroactif. — 10 — du lieutenant-gouverneur qui avait demandé aux chambres de s'occuper de cette question, l'assemblée proposa que copies de ce bill fussent distribuées aux membres et répandues dans le public ? et que l'étude de cette mesure fût remise à la prochaine session, à cause de sa grande importance et du bouleversement qu'elle'devait opérer ; l'Assemblée soumit ces raisons au lieutenant-gouverneur dans une adresse respec- tueuse. Une des résolutions les plus importantes, la plus inrportante même qui fut passée parla Chambre, et qui assimilait ses privilèges à ceux des Communes an- glaises, fut celle par laquelle elle affirma solennelle- ment son droit de donner des subsides à Sa Majesté ; cette résolution est ainsi conçue : " Que toutes aides " et subsides accordées à Sa Majesté parla législature " du Bas- Canada sont le seul don de l'assemblée de " cette Province et que tous bills pour accorder telles " aides et subsides doivent commencer dans l'assem- " blée, parceque c'est le droit incontestable de l'assem- " blée de diriger et de pointer dans chacun de ces " bills, les buts, considérations, conditions, limitations " et qualifications de tels dons, lesquels ne peuvent u être altérés par le conseil législatif." - La chambre voulait par là renverser d'un seul coup, les espérances du conseil. En effet, ce dernier pré- tendait avoir le contrôle sur les subsides et sur les moyens de les obtenir, même par des peines pécuniai- res, la chambre, jalouse de ses droits, l'en empêcha, et tous les membres furent unanimes sur ce point. ■ — 11 — Le 25 avril, la Chambre fut informée par un message du lieutenant-gouverneur, que les personnes exerçant la suprême autorité en France avaient déclaré la guerre à l'Angleterre. La Chambre répondit par une adresse dans laquelle elle exprimait sa profonde horreur pour le crime qui venait d'être commis en France (faisant allusion à la décapitation récente de Louis XYI) ; en même temps, elle assurait Sa Majesté des sentiments de loyauté de ses nouveaux sujets et faisaient des vœux pour le succès de ses armes. En 1TTT le gouverneur et son conseil avaient passé une ordonnance suspendant les sessions de la Cour du Banc du Roi à Montréal ; cette ordonnance avait créé une profonde alarme et beaucoup de mécon- tentement dans le District de Montréal ; la chambre avait proposé un bill pour rappeler une partie de cette ordonnance et l'avait envoyé au conseil législatif pour lui demander son concours ; mais le conseil le lui avait refusé disant qu'en Angleterre, il n'y avait qu'une seule cour du Banc du Roi, à Westminster Hall, et qu'il en devait être ainsi en Canada. Plusieurs conférences eurent lieu à ce sujet entre quelques membres nommés par les deux chambres ; ils finirent par s'accorder, mais le bill ne fut pas passé. La Chambre s'occupa ensuite de3 subsides pour subvenir aux dépenses de la législature et des voies et moyens à prendre pour se les procurer ; on proposa d'imposer une taxe de é deniers sur tout vin de — 12 — madère importé, et de 2 deniers sur tout autre vin, ces impôts furent adoptés. Les dépenses de la législature ne s'étaient élevées qu'à la somme de £1392.9.5, la chambre vota £1500. Le 9 mai, le lieutenant-gouverneur prorogea les chambres après avoir donné la sanction royale à huit bills y compris celui des subsides. Dans le discours de prorogation Son Excellence exprima ses regrets de voir la guerre allumée entre l'Angleterre et la France, remercia l'assemblée pour le vote des subsides et recommanda aux représentants de propager parmi leurs constituants l'esprit d'obéissance aux lois. Cette session- entre autres avantages, eut celui de développer les aptitudes des canadiens français aux luttes parlementaires, de les mettre au fait des règlements du système constitutionnel, de mettre au jour îe patriotisme et l'éloquence maie et sévère de nos compatriotes, lesquels apportèrent dans cette assemblée délibérante l'urbanité et la politesse fran- çaise ; elle assura en même temps le triomphe de la langue française, langue dans laquelle toutes les discussions avaient eu lieu. Le Major-général Alured Clarke ayant été rappelé en Angleterre, Lord Dorchester fut pour la troisième fois chargé de l'administration des affaires de la Province. Il arriva muni d'instructions spéciales rela- tivement aux canadiens et aux institutions religieuses. Il confirma ces dernières dans le droit qu'elles avaient de ee perpétuer comme corporations de main-morte, — 13 — ses instructions avaient aussi rapport à la concession des terres publiques qui ne devaient être faite qu'à des personnes présentant des garanties que ces terres seraient ouvertes à l'agriculture, mais malgré cette dernière condition, quelques favoris du pouvoir n'en obtinrent pas moins de grandes concessions de terre ; plus tard colonisées par nos compatriotes elles furent revendiquées par ces seigneurs inconnus, ce qui fut la cause de beaucoup de trouble et d'injustice dont souf- frirent ces hardis défricheurs. Le 11 novembre 1793 Lord Dorchester ouvrit la deuxième session, en recommandant dans son discours trois sujets principaux à la considération de la légis- lature ; l'organisation de la milice, l'administration de la justice et l'insuffisance des revenus. Les revenus étaient bien, il est vrai^ suffisants pour«payer le3 dépenses de la législature, mais la plus lourde- charge restait à la Grande Bretagne, à savoir, le paiement du gouverneur, le salaire des juges et des grands fonctionnaires du gouvernement, qui tous relevaient directement de l'autorité royale. L'assemblée législative commença ses travaux par une adresse au Prince Edouard, père de S. M. la Reine Yictoria. Dans cette adresse elle remerciait le Prince de son dévouement à la protection des biens des canadiens, de leurs personnes et du pays, et le priait d'accepter l'expression de ses sentiments le& plus cordiaux, — lé — Quelques mots sur le Duc trouveront ici leur place puisqu'il doit bientôt quitter la Province pour toujours, et qu'il doit y laisser de si beaux souvenirs. Arrivé à Québec le 12 août 1791, en qualité de commandant des fusiliers royaux, le Prince devint bientôt extrêmement populaire, et qui plus est, aimé ; jeune, actif, courageux jusqu'à la témérité, menant'joyeuse vie, payant bravement de sa personne, chaque fois qu'il s'agissait de venir au secours de quelque malheureux daus le danger, familier, sans toutefois compromettre sa dignité, il s'était entouré des jeunes gens les plus distingués des deux origines ; il se composa une cour brillante qui savait allier les plaisirs an devoir de la position sociale. Il faisait de fréquentes* excursions dans les campagnes environnantes à Beauport, à Charlesbourg, à Lorette, à Ste. Foye, et s'entretenait volontiers avec les cultiva- teurs, et cela dans l'accent français le plus pur qui fût j amais parlé à Versailles. Il avait un ascendant, remarquable sur tout ce qui l'entourait, sur les can adiens français qui aimaient en lui cette absence de morgue, et qui leur rappelait par son rang élevé V ancien roi de France, Il partit de Québec le « 5 janvier 1794 après avoir reçu des adresses bienveil- lantes de tous les grands centres de la Province et du clergé catholique auquel il avait toujours marqué beaucoup de déférence ; il devait prendre le comman- dement de l'expédition qui se rendait aux indes occidentales, et quelques mois après le succès de ses armes assurait à l'angleterre la possession de la — 15 — Martinique .et des autres îles encore actuellement sous la domination anglaise. * Les législateurs après s'être occupés de S. A. K, revinrent à leurs travaux ordinaires, la session fut longue, mais il s'y fit peu de choses. Une loi fut passée divisant la Province en trois districts judiciaires, Québec, Montréal et Trois-Kivières, le comte de Gaspé fut érigé en district inférieur, ce bill fut lors de la prorogation des Chambres réservé à la sanction royale et ne devint loi que dans le mois de décembre de la même année. Le gouvernement craignait fortement que les idées révolutionnaires de la France ne vinssent à se propager parmi les canadiens et à mettre la colonie en danger de révolte ; quelques envoyés français avaient passé la frontière américaine et essayaient de réveiller les sentiments non encore endormis de sympathie pour la France, mais sans beaucoup de succès ; le gouverne- ment averti de ces faits par ses agents secrets, laissa faire, mais fit passer une loi suspendant Vhàbeas corpus, pour ceux qui seraient arrêtés pour des * Le 27 juin 1792, lors de la clôture de3 poils à Charle3bourg, on abattit les hustings, et il y eut uue émeute qui était sur le point d'éclater par des actes de violence, lorsque le Prince s^avança et se plaçant de manière a être vu de tous. Messieurs dit-il, y en a-t-il un seul parmi vous quelqu'il soit qui ne regarde le roi comme le père de son peuple ? A ces paroles le peuple répondit par des hourras, et des cris de Vive le Roi. Y en a-t-il un seul qui ne regarde la nouvelle constitution comme la meilleure qui soit possible de donner aux sujets de S. M. ? Je vous recommande donc continua S. A. R. de vous retirer en paix, et que je n'entende plus parler de cette odieuse distinction d'anglais et de français, vous ête3 tous les sujets bien-aimés canadiens de S. M. Britannique. Vive le Prince cria le peuple, et le tumulte cessa. — 16 — propos séditieux et déloyaux. M. Panet, président de rassemblée ayant été nommé juge des plaidoyers communs, fat remplacé à la présidence par M. de Lotbinière, éla unanimement, mais comme il lui fallait se transporter à Montréal, M. Panet garda son siège jusqu'à la fin du parlement. Ce digne citoyen avait servi comme président sans aucune rénumération, quoique sa position lui fit perdre beaucoup de temps qu'il aurait pu consacrer à sa nombreuse clientèle. Les finances de la Province étaient dans un état prospère, les revenus s'élevaient à £7706 15s. 2d. pour l'année finissant le 5 janvier 1794, mais cependant ces revenus ne couvraient pas encore un tiers des dépenses de la colonie, et le Haut-Canada en réclamait une partie pour son soutien, parce qu'étant éloigné des ports de mer, tous les impôts étaient perçus dans le Bas- Canada. Cette difficulté fut résolue par des commissaires nommés par les deux parties du Canada, et une certaine proportion accordée au Haut-Canada. L'assemblée eut encore à exercer un de ses privi- lèges, celui de l'inviolabilité de ses membres ; H. Young avait été arrêté pour dettes, il fut relâché sur une résolution énergique déclarant cette arrestation contraire aux privilèges de la Chambre. Pendant cette session, les membres ne furent pas d'une assiduité exemplaire, on fut obligé de réduire le quorum à 18, et plusieurs fois le Président dut mettre le sergent d'armes à la recherche des législateurs. La session fut close le 31 mai 1794, le gouverneur sanctionna cinq bills et recommanda de nouveau — 17 — aux membres, dans l'intervalle qui devait s'écouler jusqu'à la prochaine session, de répandre parmi le peuple les principes de loyauté et de dévouement à l'empire. Les événements qui se passaient en France conti- nuaient à occuper l'empire et la Province, et le 1er février Lord Dorchester avait ordonné un deail public de deux mois, en l'honneur de Sa Majesté très chrétienne la Eeine de France, qui venait de périr sur Féchafaud. On s'exagérait généralement les dangers de la situation dans la Province, et on croyait que les idées de révolte devait nécessairement prévaloir parmi la population canadienne française. Trois habitants de Charlesbourg furent accusés de haute trahison, mais le procès n'eut pas de suite ; il n'en fut pas de même à Montréal ou six personnes furent condamnées à l'amende ou à un emprisonnement plus ou moins long pour avoir tenu des propos séditieux ; ces propos avaient été provoqués par l'insolence et la morgue que les anglais mettaient dans leurs rapports jour- naliers avec les canadiens, qu'ils s'obstinaient toujours à traiter comme des vaincus de la veille. Cependant il s'opérait un mouvement de loyauté dans tout le Bas-Canada, et une association se formait à Québec, pour affirmer solennellement l'attachement des canadiens de toute origine à l'empire britannique. L'exemple parti de Québec se propagea dans tous les grands centres et dans toutes les paroisses, et un nombre considérable d'adresses, contenant l'expres- 9, — 18 — sion des sentiments de la loyauté la plus sincère-, furent envoyées à Sa Majesté. Le gouvernement rassuré par cette démonstration cessa d'inquiéter les citoyens qu'une surveillance secrète et trop active,, fatiguait depuis longtemps, bientôt en n'entendit plus parler de hante trahision. !>‘ ailleurs le clergé
catholique prêchait l’obéissance à l’autorité et Mo
Plessis alors curé de Québec, dans l’oraison funè-
bre de Monseigneur Briand, prononcée à la cathé-
drale de Québec, avait fait entendre ces paroles-
éloquentes et remarquables de soumission à. l’An-
gleterre :  » Nos conquérants, regardés d’un œil
 » ombrageux et jaloux n’inspiraient que de l’horreur
*’ et du saisissement. On ne pouvait se persuader
 » que des hommes étrangers à notre soî, à notre lan-
 » guage, à nos lois, à nos usages et à notre culte,
 » fussent jamais capables de rendre au Canada ce qu’il
 » venait de perdre en changeant de maître. Nation
 » généreuse qui nous avez fait voir avec tant d’évi-
 » dence, combien ces préjugés étaient faux, nation
 » industrieuse qui avez fait germer les- richesses que
 » cotte terre renfermait dans son sein r nation exem-
 » plaire, qui dans ce moment de crise, enseignez à
 » l’univers attentif, en quoi consiste cette liberté,
 » après laquelle tous les hommes soupirent et dont si
 » peu connaissent les justes bornes, nation com’patis-
 » saute qui venez de recueillir avec tant d’humanité
 » les sujets les plus fidèles et les plus maltraités de ce
 » royaume auquel nous appartînmes autrefois, nation
 » bienfaisante qui donnez chaque jour au Canada de

— 19 –

%i nouvelles preuves de votre libéralité, non, non vous
<{ n'êtes pas nos ennemis ni ceux de nos propriétés " que vos lois protègent, ni eeux de notre sainte créé par
des lettres patentes du roi de France Louis XV, à la
date du 3 avril 1775. avait donc droit de priorité sur
l’évêehé protestant. Aussi Lord Dorchester avec ce
tact et cette sagacité qui le distinguaient représenta-t-il
au gouvernement impérial que cette nomination de
l’évêque anglican au Conseil Législatif était néces-
sairement injuste si cette faveur ne s’étendait à

_ 20 —

l’évêque catholique, le duc de Portland alors ministre
anglais, remit indéfiniment la solution de cette ques-
tion.

En ouvrant la troisième session, le 5 janvier 1795,
Lord Dorchester fit allusion aux idées révolutionnaires
qu’il qualifia de système politique insidieux, imaginée
pour séduire le peuple et le rendre l’instrument de
sa propre misère et de sa destruction ; il félicita les
les chambres sur la tranquilité du pays et loua les
membres du zèle qu’ils avaient déployé pour inculquer
dans l’esprit du peuple l’idoe d’obéissance aux lois.
La chambre répondit en exaltant le bonheur dont
le Canada jouissait sous la constitution libérale qu’il
devait à la générosité de l’Angleterre ; cette démons-
tration en faveur du gouvernement était alors sincère
et juste, surtout l’orsqu’on comparait l’état actuel
avec le gouvernement oligarchique et arbitraire dont
on venait d’être débarrassé ; mais la non respon-
sabilité des ministres aux chambres ne devait pas
tarder à faire sentir ses mauvais effets ; et peu après
commencèrent à s’élever les rc éliminations les plus vio-
lentes contre le système de gouvernement que le
Canada s’était applaudi un instant de posséder ; ces
récriminations devaient aboutir à la guerre civile.

L’assemblée par une résolution admit les étrangers
à ses délibérations et ensuite procéda aux affaires.
Elle passa une loi pour obliger les vaisseaux venant
de pays infectes de maladies contagieuses à faire la
quarantaine, puis elle modifia l’opinion quelle^vait
émise relativement aux bills venant du conseil, bills

— 21 _

qu’elle rejetait lorsqu’ils imposaient des peines pécu-
niaires, et par une résolution déclara que la chambre
ne devait pas insister sur le principe réclame et exercé
par elle, en rejetant des bills venant du Conseil
Législatif, par la raison qu’ils imposaient des peines
pécuniaires, pourvu que telles pénalités imposées
fussent seulement pour punir les ofTenses, et qu’ils
ne tendissent pas à imposer une charge sur les sujets.
Les commissaires du Haut et du Bas-Canada,
nommés pour déterminer la proportion des revenus
que le Haut Canada devait avoir sur les objets
importés et consommés dans cette dernière province,
firent une enquête et finirent par déterminer que
le Haut-Canada avait droit à un huitième des revenus
des douanes sur ces mômes objets. La loi relative aux
chemins et ponts rencontra une vive opposition de la
part des membres canadiens qui, fidèles échos de leurs
électeurs ne voyaient dans ce projet de loi que
taxes et corvées bien que les habitants de S te. Foye
et de St. Augustin eussent demandé par requête
l’amélioration des chemins dans ces localités, et la
construction d’un pont sur la rivière du Cap Rouge,
qu’ils étaient obligés de traverser à gué ; les manifesta-
tions d’opposition qu’elle souleva dans la population
furent mal interprétées par les anglais possesseurs de
seigneuries; ils se servirent de ce mécontentement,
qu’ils qualifiaient de révolte contre les lois, comme pré-
texte pour hausser les taux de concession des terres, qui
sous la domination française ne s’élevaient qu’à quel-
ques deniers par arpent Ils firent encore tous les efforts

— 22 —

possibles auprès du pouvoir pour en obtenir le chan-
gement de la tenure seigneuriale, et le droit de
concéder leurs terres aux taux qu’il leur conviendrait,,
mais leurs efforts restèrent sans effet, et M. Kochele-
lave qui présenta une résolution à ce sujet dût la
retirer en présence de l’hostilité avec laquelle elle
était accueillie; l’acte relatif aux chemins ne passa
qu’à la session suivante. Il fut aussi présenté pendant
cette session un projet de loi pour déterminer la
valeur respective des différentes monnaies d’or et
d’argent qui circulaient dans le pays, ce sujet prit ‘
beaucoup de temps à la chambre ;; il avait été proposé
par M. Eichardson, et l’adoption définitive de cette
mesure fut remise à une époque ultérieure.

Pour augmenter les revenus, la chambre taxa les
objets de consommation non indispensables tel que
l’eau de vie, le sucre, la cassonade, le café, le sel et
le tabac, puis après avoir donné au gouvernement le
droit de s’assurer des émigrés venant de la France, et
suspectés de vouloir semer les principes révolution-
naires parmi les canadiens, la chambre fut pi orogée
le 7 mai.

La dernière session de ce premier parlement fut
ouverte le 20 Novembre 1795, le mauvais état des
récoltes en Angleterre et en Canada fit que Lord
Dorchester, qui avait défendu par un ordre l’exporta-
tion des céréales, donna les raisons pour lesquelles il
en était venu à cette détermination, c’était, disait-il r
afin de sauver les habitants du pays de la misère ; il
demanda aussi à la législature de lui continuer le

— 23 —

pouvoir d’arrêter les étrangers suspectés de vouloir
apporter le trouble dans la colonie ; cette mesure qui
donnait au gouverneur un pouvoir aussi étendu et
aussi arbitraire qu’au souverain possédant un pouvoir
absolu, aurait pu être une cause de persécution
contre les canadiens français, sur qui retombaient
nécessairement tous les soupçons de déloyauté ; en
effet, eux seuls, pouvaient encore garder pour la France,
patrie de leurs a jeux, un attachement qui dans les
cruelles circonstances ou elle se trouvait, devenait
une menace incessante contre le pouvoir. Mais
Lord Dosehester n’en abusa pas, et toutes les accusa-
tions portées contre les canadiens furent dues à
l’initiative des particuliers.

Le règlement de la question relative aux monnaies
d’or et d’argent qui circulaient dans le pays présentait
des difficultés, il fallait d’abord constater la valeur
spécifique des différentes pièces anglaises, françaises,
espagnoles, puis les ramener à un point de départ
commun, on adopta le louis courant, le bill qui fut passé
à cette fin, contenait aussi des pénalités contre les
faux-monnoyeurs, et contre ceux qui seraient pris,
porteurs de fausse monnaie.

La question des chemins qui avait été remise à la
session précédente, fut de nouveau portée devant la
chambre, il s’agissait de pourvoir à l’ouverture et à
l’entretien des chemins vicinaux et royaux, et de
construire des ponts sur les rivières ; cette mesure se
présentait sous les formes les moins acceptables,
parcequ’elle obligeait ou à payer une certaine somme

— 24 —

ou à contribuer par le travail à ces ouvrages. Malgré
tout, les députés se mirent au-dessus des préjugés,
et votèrent la loi qui reçut la sanction royale, per-
suadés que le temps ferait comprendre l’urgence
d’une loi semblable ; cette mesure établissait un
système de voirie à peu près complet, sous la sur-
veillance d’officiei*3 préposés à cette fin.

La mise à exécution, de cette dernière mesure fut
difficile, cbacun s’obstinait, les officiers à faire leurs
devoirs, les habitants à désobéir, cet ordre, de chose
dura jusqu’en 1797, époque ou la révolte en vint à
un tel point que l’autorité dut sévir ; 12 habitants
de Lévis furent condamnés à une forte amende et à
l’emprisonnement pour avoir fait prisonniers des
sous voy ers de cette paroisse *. Le juge de Bonne, en
ouvrant les assises pendant lesquelles eurent lieu ces
condamnations fit un discours plein de menace et
beaucoup plus sévère que celui du juge en chef Smith,
quoique ce dernier n’eût pas les mêmes raisons de
ménager les accusés, tous canadiens français. Cepen-
dant peu à peu on reconnut tout le bien que faisait
cette loi, on en observa plus attentivement les règle-
ments, les esprits se calmèrent et tout rentra dans
Tordre.

* Ceux qui furent condamnés dans cette circonstance avaient
agi assez singulièrement. Un soir que les trois sous-voyers étaient
réunis, ils s’en étaient emparés, les avaient conduits dans une maison
isolée et inhabitée et là après leur avoir demandé s’ils persistaient à
faire exécuter la loi, sur leur réponse affirmative ils ies avaient
enfermés en leur laissant un pain et un sceau d’eau, bien décidés à
les laisser périr de faim. Les familles des sous-voyers inquiété
firent des perquisitions, mais ce ne fut que la troisième journée-
qu’ils les découvrirent et les délivrèrent, ils étaient exténués,

— 25 —

Fendant cette session la législature eut à remédier
à un autre abus ; ceux qui faisaient la traite, ou
exploitaieut les forêts du Haut-Canada, engageaient
leurs employés daus le Bas-Canada et leur don-
naient Me fortes avances, or il arrivait fréquemment
que ces serviteurs s’engageaient encore à cinq ou
six maîtres différents et recevaient ainsi de toutes
mains, ou bien désertaient le long de la route ; la
législature vint au secours des commerçants et
passa une loi pour l’appréhension et la punition de
ces délinquants d’un nouveau genre.

Le système judiciaire était loin de plaire aux
habitants du Canada, il n’y avait que trois districts
et deux termes civils et criminels par année ; de
toute part s’élevaient des plaintes, et l’on deman-
dait l’érection de cours sommaires dans les villages
populeux, pour punir les délits et pour le recouvre-
ment des dettes peu élevées ; la législature saisie de
toutes ces plaintes ne fit rien cependant, et laissa
subsister l’ordre de chose pré-établi.

Dans la prévision d’une guerre et dans le dessein
de former la population aux armes, Lord Dorchester
avait demandé une loi de milice ; cette loi fut passée,
elle était basée sur le principe de la conscription, en
laissant toutefois aux travaux des champ?, un certain
nombre des habitants propres aux services. Telles
furent les principales lois qui occupèrent la législature
jusqu’à sa prorogation qui eut lieu le 7 mai 1796.
Lord Dorchester toujours juste envers la colonie
qu’il gouvernait en homme habile, exprima dans son

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discours de prorogation sa satisfaction sur l’état du
pays, il observa que l’unanimité, la loyauté et le
désintéressement que le premier parlement provincial
avait manifesté n’avaient jamais été surpassés dans
aucune des provinces de l’empire britannique!

Ainsi se termina ce premier parlement, les, cham-
bres sobres de mesures n’eurent pas de grands sujets
de discussion, ni de lutte, aussi les délibérations furent-
elles généralement courtes ; il n’y avait point de ces
idées politiques divergentes qui pouvaient séparer
la représentation en deux camps, comme cela
avait lieu alors en Angleterre entre les whigs et les
torys. Les deux nationalités mises en présence
s’étaient de suite mesurées, l’une, la nationalité
anglaise protégée par les conseils exécutif et législa-
tifs et forte de ce double appui, cherchait à acquérir
une suprématie dans les deux chambres, l’autre
appuyée sur sa majorité et son droit, luttait avec
patriotisme pour garder sa prépondérance qu’elle
méritait d’ailleurs de conserver, d’abord par l’esprit de
justice et de modération dont elle avait fait preuve
dans tous ses actes, et ensuite parcequ’elle représentait
véritablement la grande majorité des citoyens de ce
pays.

•000

CHAPITRE IL

Election. — Retraite des membres. — Conduite odieuse des offi-
ciers rapporteurs. — Départ de Lord Dorchester. — Sa justice. —
Prescott lui succède. — Première session. — Luttes pour la prési-
dence. — M. Panet élu. — Défection parmi les canadiens. — Traité
avec les Etats-Unis. — Loi des suspects. — Requête d’une contesta-
tion d’élection. — Difficulté avec le Haut-Canada. — Essai d’amen-
der la loi des chemins. — Procès de McLane. — Récompense aux
témoins. — Ce que devient Black. — Troisième session. — Défectuo-
sité, honoraires des membres. — Discorde parmi les ministres. —
Régie des terres. — Prescott se retire. — Le juge Osgood résigne,
ce qu’il était — du choix des juges en général. — Ouverture delà
4me session. — Mort du père Cazot.— Question des biens des
j ésuites. — Bouc expulsé après une enquête. — Amendements à la
loi des élections et à celle de la judicature. — Encore la question
des biens des jésuites. — Fin du deuxième parlement. — Travaux
opérés, — Hostilité du conseil législatif. — Elections générales. —
Mal conduites. — Dix fonctionnaires élus. — 3me parlement. — M.
Panet élu président. — Ecoles gratuites protestantes. — Liberté de
tester. — Bouc élu et expulsé de nouveau. — Discussion sur la loi
des écoles. — Ce qu’était le conseil législatif. — Mort de M. de
Rocheblave. — Indépendance des cencitaires et du clergé. — Session
de 9 jours. — Fin du parlement.

Les collèges électoraux furent appelés à élire des
représentants dans le cours de l’été, en vertu de brefs
d’élection datés du 3 juin. Plusieurs membres remi-
nirent leurs mandats et refusèrent de briguer de nou-
veau les suffrages populaires, parceque le temps qu’ils
passaient au siège du gouvernement .les faisait négli-
ger leurs affaires, et cela sans aucune rétribution,
mais un grand nombre furent rejetés par le peuple,
puisque sur cinquante membres, trente-six nouveaux
furent élus. Les élections furent conduites d’une
manière irrégulière et arbitraire par des officiers
rapporteurs, dociles instruments du conseil exécutif,

— 28 —

de qui ils tenaient leurs commissions. On voulait
surtout augmenter la représentation anglaise, en impo- ,
sant des candidats de cette origine, aux circonscrip-
tions électorales peuplées par des canadiens, mais le
patriotisme et le bon sens du peuple firent justice de
ces candidats officiels.

Lord Dorchester était parti de Québec le 9 juillet
pour retourner en Angleterre, il emporta avec lui les
sentiments d’estime et de considération des canadiens
auxquels, dans tout le cours de son administration, il
s’était efforcé de rendre justice, il laissa le pouvoir
entre les mains du] général Prescott, qui fit plus tard
nommé gouverneur général, ce fut lui qui ouvrit
les chambres le 20 janvier 1797.

L’élection du président donna encore lieu à la lutte
entre les représentants des deux origines, le premier
candidat fut M. Young, et il fut proposé par M. de
Bonne qui avait été fait juge du banc du roi, M.
Young ayant été refusé ce fut M. Pan et qui fut élu
pour la seconde fois. Le parti anglais se tenait uni
comme un seul homme, mais le parti canadien se
divisa, ou plutôt il j eut des défections dans son
sein, quatre canadiens votèrent contre M. Panet, MM.
de Bonne, de Lanaudière, Montour et le Solliciteur-
général Foucher, presque tous ceux qui votèrent pour
M. Young étaient des créatures du gouvernement,
occupant des positions lucratives dans la magistra-
ture, ou dans l’administration ; la qualité déjuge ou
de fonctionnaire de l’Etat n’était pas alors incom-
patible avec celle de représentant du peuple.

— 29 —

Le gouverneur dans son discours avait fait connaî-
tre à la chambre que l’Angleterre avait conclu un
traité de navigation et de commerce avec les Etats-
Unis, il présumait que le Canada devait en retirer un
grand bénéfice. Il avait demandé la prolongation
du pouvoir extraordinaire donne à son prédécesseur
relativement aux étrangers suspects, ce pouvoir lui
fut accordé par un acte. Cet acte donnait à l’exécutif
le droit d’arrêter selon le bon plaisir du gouver-
neur les personnes accusées ou suspectées d’être des
traitres, sans procès, sans cautionnement, sans qu’elles
eussent le droit d’être confrontées avec leur accusa-
teur, sans qu’elles eussent le privilège de prendre
communication du contenu des dépositions faites
contre elles, c’était indirectement la suspension de
Vhabeas corpus. Ce pouvoir fut continué d’année en
année, mais on finit par en faire un si mauvais usage
par les emprisonnements arbitraires ou tyranniques,
qu’en 1810, la chambre refusa de le renouveler,
bien que la guerre avec les Etats-Unis fut alors
imminente.

Nous avons parlé des élections de 1796, e*» de la
manière dont elles avaient été conduites, la requête
suivante présentée par les électeurs du comté de
Buckïnghamshire contre l’élection des membres po ur
ce comté en donnera un exemple, c’est un document
trop curieux pour que nous puissions résister à la
tentation de le publier en partie, cette requête expose :
Que l’élection de deux représentants pour le dit comté
commença dans la paroisse St. Pierre lundi le 27

— 30 —

luin, que l’avertissement ne fut fait dans la paroisse
de Lotbinière que le dimanche 26, quoiqu’il aurait dû
être fait huit jours auparavant, que les électeurs s’y
rendirent en grand nombre des paroisses voisines et
se présentèrent à M. Cadet, officier rapporteur pour
le comté, ils voulurent donner leurs voix pour MM*
Hamel et Beauchesne, l’officier rapporteur refusa
de recevoir leurs voix, pour ces deux personnes
et dit qu’il fallait le donner pour deux des Messieurs
suivants, de Bonne, F d’Estimanville, Allsopp et Craigie,
qu’il nomma lui-même pourcandidats ; qu’il s’éleva
une rumeur sur le refus que faisait l’officicier rappor-
teur de recevoir des voix pour MM. Hamel et
Beauchesne, qu’il fut dit qu’il n’y avait point d’aver*
tissement dans les paroisses au-dessus de St. Pierre)
que trois personnes i urèrent ce fait sur affidavit, que
l’officier rapporteur dit qu’il enverrait des avis pour
ces paroisses et prendrait des voix jusqu^au 5 juillet
le lundi suivant inclusivement, qu’au lieu d’attendre
jusqu’au lundi pour clore l’élection il la déclara close
le samedi, que le 4 des électeurs se rendirent à St.
Pierre* place fixée pour l’élection, que l’officier rap*
porteur avait refusé quantité de voix pour M»
Langlois et Caron, qu’en apprenant que l’élection
avait été close le samedi, ils firent insérer leurs noms
en présence de témoins, en faveur de MM. Langlois et
Caron, que le nombre de ces voix s’élevait, pour M»
Langlois à 206, et pour M. Caron à 203. »

Et cependant malgré la gravité des faits relatés
dans ce document, la majorité de la Chambre passa

— 31 —

outre et les électeurs de ee comté furent renvoyés
des fins de leur requête.

La Chambre s’occupa aussi de régler la difficulté
toujours renaissante de la proportion des revenus à
être payée au Haut-Canada, elle passa une loi qui
donnait à cette partie de la Province la juste propor-
tion des revenus provenant des articles imposés dans
le Bas- Canada et consommés dans le Haut ; elle
régla aussi le pilotage des vaisseaux jusqu’au Bic, et
la législature fut prorogée le 2 mai.

L’Angleterre était alors en guerre avec la France,
sa flotte était engagée dans les mers intérieures, mais
elle venait de terminer la guerre avec l’Espagne ;
contre laquelle elle avait remportée une . victoire
signalée dans un combat naval au cap St, Yincent.

Lors de l’ou vertuoe de la session, le 20 février 1T9S.
L’Angleterre et la France fatiguées de la guerre,
avaient entamé des négociations pour conclure un
traité de paix qui devait en même temps assurer la
paix à l’Europe, le gouverneur dans son discours
mentionna ce fait, et fit l’éloge de la marine anglaise
qui venait de faire des conquêtes dans les Indes
occidentales.

M. Planté, pour satisfaire aux exigences de 3a
population, voulut faire passer des amendements à la
loi des chemins, mais il ne put y réussir, le bon sens
des députés les engagea à se mettre encore une fois
audessus des préjugés.

M. Sirois et M. Yigé tons deux décédés dans l’in-
tervalle de ]a session, furent remplacé le premier par

— 32 —

M. Paschal Taché, et le second par M. Berthelot

d’Artigny.

On présenta une requête contre l’élection de M.
Taché, de la part des électeurs du comité de Corn-
‘wallis ; selon cette requête l’élection avait été conduite
par un officier rapporteur ne parlant pas le français,
M. Berthelot était candidat, on demandait aux élec-
teurs son nom de baptême, et s’ils se trompaient,
l’officier rapporteur faisait autant de candidats qu’il
y avait cle noms différents prononcés, tandis qu’il
n’en faisait rien pour M. Taché, qui paraît-il, était
le candidat officiel. Nous citons ces faits pour faire
voir combien il se commettait alors d’abus de pouvoir,
abus que cependant la Chambre semblait tolérer,
en rejetant ces requêtes sans ordonner d’enquête sur
les faits qu’elles contenaient.

Les amendements à la loi des chemins passaient da
conseil à l’assemblée et. de l’assemblée au conseil,
sans qu’on put s’entendre définitivement, ils finirent
par être abandonnés.

La session fut close le 11 mai, cinq actes sans
importance ayant été passés, excepté cependant la
ratification du traité de commerce entre l’Angleterre
et les Etats-Unis qui étaient alors dans les meilleurs
tenues.

L’année précédente avait eu lieu un procès pour
haute trahison, ce procès a cause des révélations qui
eurent lieu, et de la nature du châtiment qui fut
imposé au condamné mérite de trouver sa place -ici.
L’exécutif était toujours en quête de traîtres, le pro-

— S3 —

cureur général S^ewell s’était transporté à Montréal
ou l’on soupçonnait que devaient se trouver les sédi-
tieux, à cause de la proximité de cette ville avec les
Etats-Unis. Il fît rapport que les esprits étaient très
mal disposés pour l’Angleterre, que la révolte était
fomentée et entretenue surtout par un écrit de l’am-
bassadeur français à Washington, écrit adressé aux
canadiens, leur annonçant les victoires des armées
françaises sur la France et l’Autriche, et le projet de
la république française de s’emparer des colonies
anglaises.

On finit par mettre la main sur un coupable, David
McLane de Ithode Island, fut arrêté à Québec, dans
le mois de mai, et emprisonné sous accusation de haute
trahison. D’après les témoins entendus dans cette
cause, il paraîtrait que son dessein était d’anéantir la
puissance de l’Angleterre sur le continent américain ;
pour parvenir à ee résultat, il voulait faire entrer
dans la eonspiration, tous les canadiens engagés au
service des marchands du Haut-Canada, et tous ceux
qui travaillaient dans les forêts, puis à un moment
donné, tous les -révoltés étant assemblés, ils devaient
fondre sur la garnison, la massacrer, assassiner les
ministres, après avoir au préalable endormi les
soldats avec un narcotique jeta dans leur boisson. Il
-s’ouvrit de ses desseins à un pauvre fermier ignorant
du nom de Friehette, qui lui-même le vendit à un
membre de la Chambre nommé Black, ce dernier fît
de suite avertir les autorités et l’arrestation eut lieu.

Un jury anglais fut assigné, la preuve prise, ua

— 34 —

grand nombre de témoins furent entendus, tous
exagérèrent les choses. MeLane fut trouvé coupable^
jugé et condamné à mort. L’exécution eut lieu le 21
juillet près de la porte St. Jean..

McLane après avoir été pendu, eut la tête tranchée
par le bourreau (pi la montra aux spectateurs en
disant,  » voici ïa tête du traître, » puis ses entrailles
furent arrachées et brûlées, et des incisions faîtes aux
quatre membres. Ce spectacle remplit d’horreur
toute la population, c’était ce que le gouvernement
voulait. Un jury intelligent ou moins préjugé eut
certainement vu dans cet accusé, d’après l’extrava-
gance de ses projets, plutôt un fou qu’un conspirateur,
il l’aurait fait envoyer aux petites maisons, mais il
fallait une victime, un épouvantail, cette victime
étant toute trouvée, elle subit le sort que nous venons
de décrire.

La Gazette de Québec^ annonça avec emphase que
les accusateurs et les témoins avaient obtenu de
grandes concessions de terre, pour les récompenser
d’avoir contribué à sauver la patrie en danger.
Black fut le plus favorisé, mais la tradition rapporte
qu’il tomba dans l’indigence, mendia son pain dans la
capitale même, ou deux ans auparavant il siégeait
dans l’assemblée^ et mourut à l’hôpital»

La deuxième session fut prorogée le II mai et la
troisième ouverte le 28 mars 1799, par un discours ou
: l’on retrouve toujours les mêmes idées que dans les
discours précédents, c’est-à-dire la guerre de l’Angle-
terre avec la France, le danger imaginaire de révolte

— 35 —

en Canada, et la demande de la continuation des
pouvoirs qui suspendaient virtuellement Yhàbeas
corpus.

Si à cette époque le système judiciaire mécontentait
la population, a cause de l’éloignement des palais de
justice, la loi des élections n’était pas plus satisfai-
sante, la votation n’avait lieu qu’à une seule place
dans un comté, et bien souvent cette place était fixée
sans discernement on par malice à l’une des extrémités
des comtés qui à dette époque était très étendus. Pour
en citer un exemple, le comté de Northumberland com-
prenait toute la rive nord du fleuve St. Laurent depuis ‘
l’Ange Gardien jusqu’à la Malbaie, et dans les élec-
tions la votation avait lieu à la Baie St. Paul, aussi
les électeurs de ce comté se plaignèrent-ils à la législa-
ture de cet abus, et demandèrent d’y remédier, en or-
donnant que la votation eut lieu dans deux ou
plusieurs places dans ce comté, mais cette question
comme les contestations d’élections n’eut ps^ le privi^
lége d’un examen, et la requête fut oubliée.

C’est pendant cette session qu’un nommé Jean B.
Bouc représentant du comté d’Effingbam, dans les
environs de Montréal, fut accusé et condamné à
trois mois d’emprisonnement et à vingt louis d’amende,
pour avoir obtenu de l’argent sous de faux prétextes,
dans les circonstances suivantes ; il avait acheté un
lot de blé d’un honnête cultivateur, l’avait mouillé et
ensuite, de concert avec trois complices, il était allé
trouver son vendeur et l’avait accusé de lui avoir vendu
du mauvais blé, en l’informant que la loi punissait une

— 86 —

telle offense par la carde, ajoutant cependant qu’il
pouvait éviter un procès en lui souscrivant un billet
de dix-huit cents francs. Le pauvre Drouin crut
Bouc sur parole, et terrifié par la perspective du
sort qui l’attendait, il consentit à tout. Mais plus tard
il s’avisa, reconnut qu’il avait été joué, et traduisit
Bouc devant la cour criminelle ; on eonnait le résul-
tat.

L’assemblée prit officiellement connaissance de-
cette affaire en se faisant transmettre par le greffier
delà Cour, copies des pièces du procès, et un mem-
bre proposa de suite que la Chambre s’occupa
de cette cause, et de la détermination qu’elle devait
prendre. Mais Bouc avait des amis, il en usa pour
faire remettre la considération de cette affaire au
mois de juillet suivant, sachant bien qu’alors la
Chambre serait prorogée.

L’assemblée céda enfin aux demandes réitérées
des habitants de Québec et de Montréal, en décidant
de faire bâtir des palais de justice dans ces villes
ainsi qu’à Trois-Rivières, et pour subvenir à ces
dépenses, elle imposa une légère taxe sur les procédu-
res judiciaires.

Ce fut encore daus cette session que la Chambre
eût à cod sidérer la question des honoraires des mem-
bres. M. Papineau proposa à l’assemblée d’exami-
ner s’il ne serait pas juste que le président et les
membres reçussent une indemnité pour leurs frais de
voyage, et la perte de leur temps. Il faut rendre
justice au désintéressement des membres, cette sug-

— 37 —

gestion fut de suite repoussée avec indignation par
la grande majorité.

La Chambre après avoir passé les actes continuant
ceux des sessions précédentes, au sujet de la milice,
des revenus, et du traité de commerce avec les Etats-
Unis, fut prorogée le S juin 1799^’

Pendant cette même année, la discorde commença
b régner au sein même du conseil exécutif; l’intérêt
en fut la cause. La régie des terres publiques était
faite par quelques membres du conseil qui se ren-
daient coupables de concussion en se donnant à
eux-mêmes ou en donnant à leurs amis de vastes
concessions de terres. Une fois propriétaires, ils
faisaient tout en leur pouvoir pour en éloigner les
colons canadiens ; ceux-ci auraient naturellement
apporté leur religion, leurs mœurs et leur langue dans
ces mêmes domaines possédés par des piotestants
anglais, qui donnaient à leurs possessions des noms
anglais, autre sujet d’éloignement pour les cana-
diens.

Alors les canadiens se dirigèrent près des frontières
des Etats-Unis et s’y fixèrent, tout en protestant
énergiquement contre les abus commis à leur préjudice
au bureau des terres. Ces plaintes furent portées au
gouverneur qui en comprit la justesse et épousa la
cause des colons, sa conduite fut approuvée par le due
de Portland alors ministre des colonies, qui enjoignit au
général Preseott de faire cesser ces abus. Lespre.niè-
res tentatives qui furent faites par lui dans ce sens
furent mal accueillies du conseil, les principaux

— 38 —

membres étaient les plus grands coupables, ils se
soutenaient entre eux, ils finirent par se plaindre
au duc de Portland de l’arbitraire des instructions
qu’il avait données.

Pour éviter de plus grandes difficultés, le gou-
verneur fut rappelé, et le juge Osgood, président
du bureau des terres, résigna sa charge et retourna
en Angleterre. Le gouverneur s’était bien, il est
vrai, montré juste, mais tout cela s’était passé dans
l’ombre, et ne put lui ramener la confiance et la
popularité qu’il avait perdues, en s’obstinant à refuser
aux catholiques l’érection de nouvelles paroisses,
érection nécessitée par l’agrandissement des ancien-
nes ; aussi le général Prescott partit du Canada
sans emporter avec lui les regrets, ni des canadiens,
ni de ses compatriotes.

Prescott laissa le Canada le 31 juillet 1799, et fut
remplacé par Eobert Shore Mimes, comme lieute-
nant-gouverneur, le gouvernement impérial ne tarda
pas à lui conférer le titre de baronet.

Nous venons de dire que le juge Osgood résigna
sa charge ; on s’étonnera peut-être de voir un anglais,
venu récemment dans le pays, (on le disait fils naturel
de George II,) promu à la haute dignité de juge en
Canada sans avoir fait aucune étude légale. Cette ano-
malie se présentait tous les jours ; les lois civiles
françaises étaient en force en Canada, et les lois crimi-
nelles de l’Angleterre régissaient les cours d’assises, et
cependant sans égard à cette exigence de la position
exceptionnelle dans laquelle nous nous trouvions, l’Ex-

— 39 —

éeutif portait ses favoris au banc sacs qu’il fut besoin
pour eux d’avoir été reçu avocat, ni d’avoir pratiqué
«comme tel, et sans s’assurer d’avance si ces juges
de la veille, connaissaient les éléments du droit sur
lequel ils allaient avoir à se prononcer. JSTe vit-on
pas, lors de la deuxième session du premier parle-
ment, un nommé Cary demander à la législature d’être
exempt des études préalables que la loi exigeait pour
être reçu avocat, alléguant pour raison que les change-
ments judiciaires qui venaient de s’opérer^ lui avaient
fait perdre sa position de juge à Gaspé, et qu’il restait
sans ressources, et sans aucun moyen de gagner la
subsistance de sa famille. Tels étaient les abus du
pouvoir à cette époque; nous ne voulons pas dire
qu’il éloignait du banc les canadiens ayant fait une
étude spéciale des lois françaises ; MM. Panet et
de Bonne seraient une preuve du contraire, mais
c’était les exceptions. Aussi nos aïeux, faisant allusion
au gouvernement militaire qui suivit la conquête,
et qui cumulait le pouvoir judiciaire, disaient-ils
qu’ils aimaient autant la justice anglaise en épaulet-
tes qu’en bonnet carré.

Le 5 mars 1800, le lieutenant gouverneur Milnes
en ouvrant la quatrième session, remercia les citoyens
de leur zèle et de leur dévouement au gouvernement
impérial, parce qu’ils avaient contribué aux frais de
la guerre par des souscriptions volontaires, dont le
produit avait été transmis au roi II se félicitait en
même temps de l’amitié qui existait entre l’empire et
les Etats-Unis. L’empire britannique, alors en guerre

— 40 —

avec la France et l’Autriche, avait été bien aise, dans
son isolement européeen, de trouver des amis dans ses
anciens sujets, qui depuis un quart de siècle avaient
conquis leur indépendance.

La question des biens des jésuites vint la première
agiter la Chambre, le père O’azot venait de mourir, et
il s’agissait de savoir à qui retourneraient les biens de
cette compagnie, les édifices, étaient déjà occupés
comme palais de justice, ou comme casernes *. M.
Planté proposa de s’enquérir des droits de la Province
sur ces biens;, alors M. Young, un des conseillers
exécutifs se leva, et déclara que le lieutenant gouver-
neur avait donné ordre de prendre possession des biens
appartenant au ci-devant ordre des jésuites, et devenus
vacants par la mort du dernier d’entre eux. Cette
révélation tomba sur les membres canadiens comme
un coup de foudre, ils n’osaient y croire, mais peu à
peu ils se ravisèrent, et M. Bedard obtint de la
Chambre qu’elle demanda au lieutenant gouverneur,,
la permission de pouvoir prendre communication de
pièces accompagnant le rapport fait au sujet des
ces biens à Lord Dorchester, en 1T89. M. Milnes lui
fît répondre que le rapport et toutes les pièces justifi-
catives avaient été soumis au Roi, et qu’après en
avoir conféré avec le conseil des ministres, le Sonve-

* La Gazette de Québec, publiait l’orbituaise suivant : Samedi
dernier, le 19 courant (1800) le révérend père Jean Josepli Caaot,
prêtre de la compagnie de Jésus, procureur des missions et collèges
des Jésuites en Canada, le dernier des jésuites d^ cette Province-
Les immenses charités qu’il pratiqua lui assurent pour longtemps
les bénédictions des pauvres, c’était un de ces hommes doat la vie»
est un. trésor précieux^ et la mort une calamité publique.

— 41 —

rain lui avait ordonné de prendre possession de ces
biens, et qu’il avait agi conformément à cet ordre.

Examinons brièvement si l’Angleterre avait le
droit de s’emparer des biens de cette société, comme
elle l’a fait.

L’Eglise est une société visible qui de droit divin et
humain a le pouvoir de posséder ; c’est le Souverain
Pontif qui a la haute main sur ses biens et sur leur
administration ; les ordres religieux ou autres qui pos-
sèdent au nom de l’église ne sont que des mandataires ;
c’est tellement le cas que lors de l’établissement d’un
ordre religieux à Québec, il y a quelques années à
peine, dans les règlements faits pour la régie de cet
ordre, règlements qui furent soumis à la cour de
Rome, il était dit qu’il pourrait aliéner avec le
consentement de l’archevêque, les consulteurs du
Souverain Pontif supprimèrent le nom de l’archevê-
que pour y substituer celui du pape. L’Eglise possé-
dant des biens, le gouvernement n’a pas le droit de
s’en emparer. Ainsi le gouvernement français s’em-
para en 1789 des biens de l’Eglise et les déclara biens
nationaux, mais dès que l’ordre se rétablit, Napoléon
fit, en 1803, un concordat avec Pie VIL

Parmi les dispostifs de ce concordat, Pie VII cédait
an gouvernement français tous les biens de l’Eglise
alors aliénés, en exigeant toutefois que ceux qui
n’étaient pas aliénés seraient rendus à l’Eglise. D’un
autre côté le gouvernement français s’engageait à
payer, comme restitution, la rente du prix de ces
biens, cette rente le pape la destina au soutien du

— 42 —

clergé français, et voilà pourquoi aujourd’hui le clergé
est rétribué par l’état.

An Canada, l’Angleterre s’empare du pays ; si la
guerre est juste, les biens de la Couronne de France
deviennent ses propres biens par la conquête, mais
les biens de l’Eglise continuent d’appartenir à l’Eglise
et ne peuvent devenir biens nationaux.

Les ordres religieux cessant d’exister en Canada,
c’était au pape à disposer de leurs biens comme il l’a
toujours fait lorsqu’un ordre religieux, pour une raison
ou pour une autre, a cessé d’exister. Ainsi lors de la
suppression des Templiers, le pape disposa de leurs
biens. De même lors de la suppression des jésuites,
Clément XIV disposa de leurs biens en France, en
Espagne, au Portugal, en Italie.

La loi française reconnaissait à l’Eglise le droit de
posséder, et toute la législation était conforme à ce
droit, or par la conquête l’Angleterre maintint la
législation française au civil, par conséquent elle
reconnaissait implicitement à l’Eglise le droit de possé-
der. La conclusion à tirer est donc que l’Angleterre
a violé le traité de 1763, en s’emparant des biens des
ordres religieux et en particulier de ceux des jésuites.

Il est vrai qu’à cette époque l’évêque qui était
préposé à la garde de ces biens en Canada, ne réclama
pas, mais la négligence ou l’incurie du prélat qui
gouvernait alors l’église du Canada, ne porte aucune
atteinte au droit que l’Eglise avait sur ces biens.

Tel^e est selon nous la solution légale et logique de

— 43 —

cette question des biens des jésuites, qui agita la
chambre pendant cette session.

Le député Bouc qui avait écliappé à l’expulsion
l’année précédente fut moins heureux cette fois, son
expulsion fut résolue par la votation qui eut lieu dans
cette circonstance, on voit cependant qu’il comptait
beaucoup d’amis parmi les députés ; on lui avait
permis de se faire défendre à la barre de la Chambre,
et M. Caron, avocat de Montréal s’acquitta de cette
charge ingrate avec beaucoup de chaleur.

La loi des élections fut amendée, elle donna plus
de facilité à la votation en fixant deux places par
comté où les voix seraient prises ; plusieurs clauses
pour punir la corruption et la violence furent aussi
ajoutées, elles décrétaient de peines pécuniaires ou
d’emprisonnement pour toute infraction à ses dispo-
sitifs.

L’organisation de la magistrature appela aussi
l’attention des députés ; la Chambre voulait porter à
sept le nombre des juges devant siéger en appel et
rapprocher les époques des audiences. M. Grant qui
avait proposé ce projet de loi y avaient inséré une
clause empreinte de ce cachet d’injustice et d’exclusi-
visme envers les canadiens, qui pouvaient prétendre à
ces hautes charges ; cette clause comportait que nul ne
pouvait prétendre à être nommé juge à moins d’avoir
pratiqué comme avocat au moins 7 ans dans la
Province ou 5 ans en Angleterre. Dans la position
ou se trouvait alors la colonie, l’absurdité de cette
clause ressort d’elle-même. Les différents amende-

— 44: —

ments à la loi de judicature occupèrent les députés
pendant un temps considérable, ils passèrent à
l’assemblée, mais furent repoussés par le Con-
seil. . #

Cependant l’affaire des biens des jésuites n’était pas
terminée, le rapport du comité nommé par la Cham-
bre pour prendre communication des titres de pro-
priété de la compagnie fut déposé sur la table et la
discussion recommença, MM. Berthelot, Bédard et
Papineau prétendirent que ces biens devaient revenir
aux institutions catholiques qui en disposeraient en
faveur de l’éducation, puisque tel était le bon plaisir
du roi, M. Young leur rappela que puisque tels étaient
les ordres du souverain, ils devaient s’y soumettre, et
il ajouta que persister dans leur prétention serait
manquer de respect envers le roi, cette fois la discus-
sion cessa complètement.

La clôture de cette session qui eut lieu le 29 mai,
termina aussi le deuxième parlement qui, s’il ne fut
pas fertile en mesure, le fut du moins en paroles, la
question de privilège soulevée par l’affaire de Bouc,
celle des biens des jésuites, de l’organisation de la
magistrature furent surtout l’objet de longs débats.
L’hostilité du Conseil commença aussi à percer, et
l’expérience de dix ans démontra les inconvénients
résultant de la présence des juges et de quelques
autres fonctionnaires au milieu de l’assemblée.

Les élections générales qui eurent lieu dans le cours
de l’été furent encore conduites d’une manière injuste
et irrégulière par les officiers rapporteurs qui proté-

— 45 —

geaient partout le candidat officiel ; ces abus joints
aux difficultés pour les électeurs de franchir quelque
fois une vingtaine de lieux pour aller donner leurs
votes, formaient pour ainsi dire un déni des franchises
électorales. Cette élection porta à l’assemblée quatre
conseillers exécutifs, trois juges, un agent des domai-
nes royaux, et deux autres fonctionnaires salariés du
gouverDeinent, en tout dix, c’est-à-dire le cinquième
de la représentation.

Le troisième parlement fut ouvert le 2 janvier 1801,
MM. de Borne, Leslie et J. A. Panet furent successi-
vement proposés à la présidence de la Chambre, mais
ce dernier l’emporta et fut élu pour la troisième fois.
Le lieutenant gouverneur en ouvrant les Chambres
exprima son regret de voir que l’Angleterre était
encore en guerre, puis recommanda à l’attention de
la Chambre, la protection que le pays devait aux
malades, aux aliénés et aux enfants trouvés, enfin il
annonça avec joie qu’il avait donné des instructions
pour ouvrir des écoles gratuites, et pour l’enseigne-
ment de la langue anglaise.

Ce discours à cause de sa dernière partie surtout ne
plut qu’à demi aux députés canadiens, ils voyaient
avancer l’orage qu’amènerait infailliblement tout
proiet de loi que le gouvernement devait nécessaire-
ment présenter, en conformité à cet ce idée de la
diffusion de l’anglais, qui avait reçu un commence-
ment d’exécution.

Un acte ou arrêté du conseil exécutif de 1T74 ?
permettait de tester en faveur de toutes personnes

— 46 —

nonobstant les restrictions de légitime et autres du
droit français, mais les magistrats anglais même
avaient toujours eu des doutes sur la validité de cette
ordonnance qui détruisait du coup la législation tes-
tamentaire française qui était alors notre droit. Pour
enlever tout doute, la législature passa pendant cette
session un acte confirmant celui de 1774, et donnant à
tout citoyen la liberté illimitée de tester ; MM. Papi-
neau, Pedard, Hubert essayèrent en vain d’exclure
les enfants illégitimes, au profit des héritiers naturels,
les concubines à celui des épouses légitimes, tout fut
inutile, la loi passa sans amendement dans les deux
Chambres. *

Cependant Bonc s’était fait élire aux dernières
élections, il fut de nouveau expulsé et la Chambre
dût, en 1802, le déclarer inéligible par une loi spéciale.

L’assemblée consacra une certaine somme à l’achè-
vement des palais de justice à Québec et à Montréal,
elle remit les arrérages de lots et vente aux tenan-
ciers des terres des domaines royaux, et accorda un
secours généreux aux communautés religieuses qui
recevaient les malades, les aliénés et . les enfants
trouvés.

La discussion sur la loi des écoles fut ouverte
par M. Perreaut qui pendant que le gouvernement
avait présenté sa mesure, en avait lui-même présenté

* Pendant cette session, les députés se votèrent des pupitres,
jurqu’alors, ils avaient siégé comme les membres des communes
anglaises sans rien pour écrire, que la table du greffier.

— 47 —

une autre avec des dispositifs tout différents, celle îâ
fut déclarée hors d’ordre, mais cette déclaration fut
considérée de nouveau et changée sur la proposition
de M. Bedard, qui par ses explications démontra que
toutes deux pouvaient être présentées simultanément,
qu’alors la deuxième proposition, celle de M. Perreaut,
devait être considérée comme un amendement à la
première.

Kien de pins absurde que la loi que le gouverne-
ment présenta et qui fut néanmoins adoptée par une
majorité complaisante. Elle était le résultat des
demandes de l’évêque protestant qui suggérait à
Milnes d’établir dans les principaux centres de la Pro-
vince, des écoles pour enseigner gratuitement la langue
aD glaise aux canadiens. Cette suggestion agréée par
]e Conseil et appuyée par le lieutenant gouverneur,
fut soumise au duc de Portland, avec la demande
d’autoriser le gouvernement à affecter une partie des
terres de la couronne et les « biens des jésuites au
payment des dépenses que ces écoles entraîneraient.
Mimes et les anglais espéraient par là faire apprendre
la langue anglaise à tous les canadiens ; ce projet fut
agrée par le ministre des colonies, et servit de base
à la loi des écoles.

L’acte donnait au gouverneur le pouvoir de nommer
des syndics d’école qui formeraient une corporation
sous le nom de  » Institution royafe pour l’avancement
de l’éducation, » tout dépendait du gouvernement, la
nomination des syndics, celle des instituteurs, le choix
des lieux, mais les frais d’érection des maisons d’école

— 48 —

devaient être supportés par les habitants. On com-
prend toute Piniquité d’un pareil système destiné
comme l’a si bien dit Garneau, dans l’esprit de ses
auteurs, à l’anglification du pays par un système
général d’instruction publique de la langue anglaise.
L’évêque protestant fut élu président de l’institution
royale ; aussi c’en fut assez pour empêcher tous les
bons résultats que le conseil exécutif en attendait ;
les maisons d’école furent érigées, les instituteurs
nommés, mais ils durent enseigner aux quatre murs,
aucun des canadiens ne voulant confier leurs enfants
à ces maîtres d’école, parlant une autre langue et
professant une religion autre que la leur.

Cet acte dit Christie avec cette impartialité qu’on
lui connaît, fut un fiasco ; il est tombé, comme on
pouvait l’anticiper, par le manque de coopération,
pour ne pas dire l’opposition d’un corps aussi influent
que le clergé catholique, qui comme toutes les autres
dénominations religieuses, insistait avec raison, pour
avoir entre leurs mains l’éducation de leur troupeau.

Les autorités françaises en vertu d’un arrêt daté de
Versailles le 13 mai 1724 s’étaient emparé, sans payer
aux propriétaires, de certains terreins pour ériger
les fortifications de Montréal, ces fortifications furent
démolies en vertu d’un acte passé pendant cette session,
mais le gouvernement paya aux propriétaires qui
purent justifier de leurs droits devant la cour du banc
du roi à Montréal, la valeur de ces mêmes terreins,
donnant ainsi l’exemple du respect pour la propriété.
L’Evêque protestant avait été nommé au conseil légis»

— 49 —

latîf et il y siégeait sans qu’on songeât encore à y
porter l’évêque catholique.

La Chambre fut prorogée le 8 avril.

Le rôle du conseil législatif, depuis que le Canada
jouissait du gouvernement constitutionel était sans
grande importance, mais cependant l’exécutif s’atta-
chait à y appeler ceux des canadiens qui avaient un
grand nom ou une grande forlune, espérant qu’ils
emploiraient leur influence supposée, comme instru-
ment de la volonté du gouverneur, et comme une
barrière à la trop grande prépondérance des
canadiens dans l’assemblée. * On verra plus tard que
ce calcul avait sa raison d’être.

Le lieutenant gouverneur Milnes qui ouvrit la
deuxième session le 11 janvier 1802, fut heureux
d’annoncer aux chambres que la paix était enfin
conclue entre l’Angleterre et la France, il recommanda
aussi d’encourager par une législation sage la
culture du chanvre, et appela l’attention des cham-
bres sur l’insuffisance des maisons de correction, qu’il
dit être un des moyens les pins propres à prévenir
de plus grands crimes, en punissant les moindres
offenses, et en employant les délinquants à quelques
industries.

Les règlements de la chambre furent imprimés et

* Les conseillers législatifs en 1801 étaient, îe juge en chef
Osgoode, président, l’évêque de Québec, Jacob Mountain, Hugh
Finlay, Ths. Dunn, P, R. de St. Ours, Fs. Baby, Jos. de Longueil,
Chs. de Lanaudière, Sir George Pownall, R. A. de Boucherville,
Henry Caldwell, le juge Monk, Sir John Johnston, Chartier de
Lotbinière et G. E. Taschereau.

4

— 50 —

distribués aux membres ; des essais infructueux furent
tentés pour étendre la loi du bénifîce d’inventaire aux
successions vacantes, et pour modifier la loi des
chemins, de manière à ôter au peuple la responsabilité
de l’entretien des voies publiques.

Le délai accordé aux officiers rapporteurs pour faire
leurs rapports fut prolongé pour celui de G-aspé, à
cause de la grande distance de ce comté.

Le secrétaire de Milnes, Hyland, fut nommé greffier
de la couronne en chancellerie ; cet homme qui devait
jouer un rôle odieux envers les canadiens avait été
secrétaire des gouverneurs depuis Lord Dorchester ;
c’était un favori du ministre des colonies, ce qui
explique son élévation rapide, d’abord à la position de
secrétaire du gouverneur, ensuite à celle de secrétaire
de l’exécutif, et enfin à celle de membre du conseil
législatif.

M. Berthelot ramena sur le tapis la question du
salaire du président et des membres, M. de Bonne
grassement payé comme juge, et qui voulait faire
preuye de désintéressement, suggéra de publier la
proposition de M. Berthelot pendant trois semaines
dans les journaux de Québec et de Montréal, afin
qu’elle parvint à la connaissance des électeurs ; sa
suggestion fut refusée, mais elle eut l’effet de terminer
la discussion à ce sujet.

Il fut par une loi, donné pouvoir aux juges de
paix des villes de Montréal Québec et Trois-Rivières
de passer un règlement pour le maintien du bon ordre
dans ces villes et pour leur entretien. 11 se corn-

— 51 —

mettait dans ces grands centres beaucoup de délits
qui demandaient une punition immédiate, c’est pour
cette raison que cette loi fut passée.

Bouc après avoir été expulsé deux fois de la
chambre, était parvenu à se faire élire de nouveau.
Il fut expulsé une troisième fois, et l’on passa une loi
pour le disqualifier à -siéger dans l’assembL e. La
chambre eût à s’occuper des requêtes des habitants
de St. Thomas et de ceux de l’ADge Gardien qui
demandaient un pont, les premiers sur la rivière du
Sud, et les derniers sur la rivière Montmorency, il
ne fut cependant rieu fait à ce sujet, la chambre aima
mieux laisser à l’initiative des particuliers, le soin de
construire ces ponts dont l’urgence était cependant
visible, elle était avare de ses deniers, elle aimait
mieux voir les ministres consacrer à faire des pen-
sions aux officiers en retraite, on aux anciens servi-
teurs du gouvernement, des sommes considérables.
M. de Rochelelave mourut à la fin de cette session,
sa perte fut vivement sentie dans les rangs des députés
canadiens, il s’était montré dan? le cours de sa vie
politique, patriote sincère, homme intègre, orateur
élégant et persuasif,

Du 5 avril 1802 époque ou eut lieu la fermeture des
chambres, -au 8 février 1803 ou elles furent ouvertes,
il ne se passa rien de remarquable, si ce n’est la
correspondance échangée entre Milnes et le duc de
Portland relativement à l’indépendance des censitaires
vis-à-vis leurs seigneurs, et du clergé vis-à-vis le
gouvernement; le duc répendit au lieutenant gou-

— 52 —

verneur que quant à l’indépendance des habitants^
elle tenait aux lois et aux coutumes et qu’il ne fallait
pas- songer à remédier à ce prétendu mal ; mais quand
à l’indépendance du clergé vis-à-vis le gouvernement,
il remarqua qu’il ignorait pourquoi les instructions
royales envoyées à lord Dorchester n’avaient pas été
suivies, savoir : que personne ne pourrait entrer dans
les ordres sans en avoir au préalable obtenu la per-
mission du gouverneur. Lord Dorchester, avec ce
tact qui le caractérisait, n’avait jamais voulu commu-
niquer à qui que ce roit dans le pays, ces instruc-
instruetions dictées au ministre des colonies par le
fanatisuie religieux des grands dignitaires de l’église
anglicane.

L’état des revenus de la Province démontra qu’il
s’était élevé pour l’année finissant le 5 janvier 1803
à la somme de £31241 4 10, c’était un accroissement
prodigieux depuis 1791 où ils n’étaient alors que de
£2000.

L’absence prolongée et constante des membres-
nécessita des mesures sévères contre eux, ils furent
tous avertis de se trouver à leur poète avant le 4 mars
alors prochain, et lorsque l’époque fatale fut arrivée
il arriva que MM. Caldweîl et Papineau qui
avaient retardé, se trouvèrent sous la garde du sergent
d’armes ; M. Caldwelî donna pour excuse qu’il était
en voyage et qu’il avait été arrêté par le mauvais
temps. M. Papineau, lui, déclara nettement qu’il
n’avait pas l’intention de siéger, qu’il avait été élu
sans s’être porté candidat, que le travail nécessaire

— m —

au soutien de sa famille requerrait tout son temps ; il
fut exempté de paraître pendant cette session.

Le juge Panet avait présenté un projet de loi pour
^empêcher l’inhumation dans les églises et les cime-
tières qui se trouvaient dans l’enceinte des villes,
mais bien que la chambre s’occupa de celte
question pendant plusieurs semaines, il ne fut rien
décidé.

Une innovation fut introduite au conseil législatif,
jusqu’alors «’était deux conseillers qui portaient les
messages à la chambre ; il fut décidé que ce serait
•désormais le maître en chancellerie du conseil qui
accomplirait cette mission.

L’acte de milice qui avait été passé dans la dernière
session, contenait une clause qui permettait au gou-
verneur, dans un moment de guerre ou de danger
imminent de convoquer les chambres après quatorze
jours d’avis, or l’Angleterre et la France venaient de
recommencer les hostilités interrompues pendant deux
ans, c’en fut asses pour engager le gouverneur qu»
avait clos la précédente session ie 18 avril 1803, de
convoquer le parlement le 2 août de la même année.
•Craignant toujours que la France ne profitât de sa
position pour essayer de reconquérir la colonie, par
les armes ou par des émissaires qui pourraient soule-
ver les canadiens, il fit renouveler la loi des étrangers
suspendant Vhdbeas corpus. Cependant il s’opérait
un mouvement de loyauté dans la province, des
compagnies de volontaires se formaient dans les villes
et dans les grands villages, le gouverneur fut telle-

— 54 —

ment flatté qu’il en donna communication à îa
chambre, en recommandant de régulariser ce mouve-
ment par une loi, un projet fut rédigé passé et envoyé
au conseil, il n’eut pas le temps d’y donner son
concours, la prorogation ayant eu lieu subitement le
11 août. La session n’avait duré que neuf jours, c’est
la plus courte qui ait eu lieu dans la province du Bas-
Canada, et même sous l’Union. La cinquième session
qui fut ouverte le 10 février et fermée le 2 mai 1804
ne présenta aucun incident remarquable si ce n’est
l’absence des membres, absence qui empêchait la
chambre de siéger, les actes concernant les étrangers
et celui de la milice furent continués, aucune mesure
nouvelle de quelqu’importance ne fut introduite.

Avec ce parlement finit la concorde et l’harmonie
qui avait régné jusqu’à un certain point entre l’exé-
cutif et l’assemblée ; le changement de gouverneur,
les prétentions de la majorité, les. susceptibilités
exagérées et mal entendues des membres au sujet de
leurs privilèges, la manière dont ils entendaient la
liberté de la presse, toutes ces circonstances réunies
devaient amener des troubles au sein des chambres,
et créer l’excitation dans les villes, jusqu’à ce qu’un
événement étranger, la guerre, vint détourner l’atten-
tion générale pour la reporter sur la défense du paySj,
et prouver la loyauté des canadiens.

-ooo-

CHAPITRE III.

Elections générales. — Fondations du Mercury. — Contestations
Sélections. — Impôts pour l’érection des prisons. — Mesures sei-
gneuriale. — Discours de MM. Bedard et Richardson. — Vente le
dimanche prohibée. — Incompatibilité d’une charge lucrative avec
un mandat de représentant — Augmentation du salaire du
traducteur français. — Refus du gouverneur. — Amélioration des
voies de communication — Départ de Milnes. — Opinion sur lui.
— M. Dunn réunit les chambres. — Décès de M. Grant. — Ce
qu’était ce dernier. — Proposition de M. Bedard contre la Gazette
de Montréal — Ce qui avait amené cette proposition. — Banquet’
politique, sautés — M. Cary arrêté. — adresse au roi. — Pourquoi les
marchandises avaient été taxées. — Opinion du Mercury sur les
canadiens* — Faute de M. Bedard. — Fondation du Canadien. —
Prospectus. — Recherches du gouvernement. Monseigneur Plessis.
— Ouverture des chambres par M. Dunn. — Son disconrs réponse
de l’Assemblée. — Salaire des membres. — Judicature. — Question
d’étiquette. — Amendements à la loi des suspects. — M. Hart juif
élu. — Affeire de Cheasapake. — Appel de la milice. — Tirage au
sort. — Mandement de l’Evêque Plessis. — Arrivée de Sir James
Craig. — lutte entre le Canadien et le Mercury. — Ouverture de la
session. — Serment de M. Hart. — Enquête sur son culte. — Il est
expulsé. — Lois des élections contestées. — Cours monétaire. —
Inspectiop des bois. — Egibilité des juges. — Le conseil repousse
îa mesure — Question de privilège. — Demande d’une banque. —
Travaux publics. — Fin de l’ère de la tranquiiité.

Les élections générales qui eurent lien dans le cours
de juillet furent mieux conduites que les précédentes ;
elles se firent sous la nouvelle loi qui donnait plus de
facilité à la votation, on n’eut pas non plus à repro-
cher aux officiers rapporteurs ces actes d’injustice et
de partialité dont leurs prédécesseurs s’étaient rendus
coupables :

M. Cary fonda le Québec Mercury , dont le premier
numéro parut le 5 Janvier 1805, quatre jours avant
l’ouverture des chambres, ce journal contrairement à
la Gazette de Québec, prit bientôt des allures indépen-

— 56 —

dantes, frondant les actes de l’assemblée, quand ils
froissaient les intérêts de la classe mercantile dont iî
était l’organe.

M. Panet fut élu pour la quatrième fois président
de la chambre, M. de Sallaberry qui fut aussi proposé
ne réunit que trois voix.

La chambre dut s’occuper sans retard de pourvoir à
l’érection de deux prisons Pune à Montréal et l’autre
à Québec. *

H y eut quatre contestations d’élections, et les faits
énumérés à l’appui de la requête des contestants,
démontrent qu’alors le suffrage populaire n’était guère
plus honnête que de nos jours ; il y est question d’abus
d’autorité des officiers de la garnison sur les soldats
pour les foire voter, de transports simulés de proprié-
tés pour qualifier des voteurs, de faux serments,
d’intimidation et d’offres d’argent. La construction
des deux prisons requérait la somme de £18,\)00 qui
fut votée, mais il fallait augmenter les impôts , on
taxa les marchandises vendues à l’encan, et les effets
de consommation usuelle ; ces impôts rencontrèrent
une vive opposition de la part des députés anglais
qui presque tous étaient engagés dans le commerce,
mais ils ne suggèrent aucun amendement prétendant
seulement que c’était les terres qui devaient être
taxées pous cette fin ; et la loi des prisons passa sans
avoir subi d’altération.

* Des papiers communiqués à la chambre constatent le fait que
deux personnes, Hosey et Smith s’étaient évadés de la prison de
Montréal en perçant un trou dans le mur avec une chovilte en fer»

— 57 —

M. Caldwell avait présenté une mesure permettant
aux seigneurs de composer avec leurs censitaires pour
leurs droits féodaux. MM. Bedard et Bourdages
proposèrent que cette mesure fut remise indéfiniment.

Le temps, disait M. Bedard, n’est pas encore arrivé
pour régler cette question, les canadiens tiennent à
leur vieux système, la mutation de ces droits charge-
rait les terres d’une dette considérable, peu de culti-
vateurs étant en état de payer immédiatement, et
ces terres tomberaient bientôt entre les mains du
seigneur qui lui-même n’ayant pas réglé avec le
seigneur suzerain, le roi, ne pouvait donner de titre
clair.

M. Bichardson qui appuya la mesure, prétendit
que les droits de lods et vente étaient ruineux, qu’ils
empêchaient les mutations de propriétés, qu’en adop-
tant cette loi qui n’avait aucune disposition obligatoire
les censitaires, ou pouvaient s’en tenir à leurs titres,
ou affranchir leurs terres de toutes redevances sei-
gneuriales, ou bien aller s’établir dans les cantons qui
étaient libres de toute taxe.

La mesure fut cependant renvoyée, après avoir
occupé plusieurs séances.

La vente des boissons, des tffets d’épicerie et de
mercerie pendant le dimanche fut prohibée par une
loi qui passa à l’unanimité.

M. Bichardson essaya de faire sanctionner par la
chambre, le principe d’incompatibilité d’un mandat
avec une charge lucrative sous le gouvernement. La
charge de percepteur des revenus pour le comté de

— 58 —

Gaspé était vacante. M. Pyke voulait l’obtenir,
M. Richardson proposa de déclarer son siège vacant
s’il était nommé, mais la majorité se prononça contre
sa prétention. *

La demande d’augmenter le salaire du traducteur
français fut mal accueillie par le lieutenant gouver-
neur, qui basa son refus sur ce que cette considération
était du ressort de l’exécutif, et que la chambre
n’avait rien à y voir; immédiatement l’assemblée
résolut de se former en comité pour examiner la
réponse du lieutenant gouverneur, mais elle n’eut pas
le temps de siéger, la prorogation ayant eu lieu le 25
mars.

On avait voté £1000 pour améliorer la navigation
entre Montréal et Lachine, et permis à un particulier
d’établir une barrière de péage sur le chemin qui
conduisait au coteau du lac, les deux voies les plus
fréquentées par les marchands qui faisaient le com-
merce entre le Haut et le Bas-Canada.

Milnes partit pour l’Europe le 5 août, laissant les
rêves du gouvernement entre les mains de M. Dunn
le plus ancien des conseillers exécutifs. Le lieutenant-
gouverneur qui avait présidé aux destinées du Canada
pendant six ans, ne laissa ni regrets ni sympathies, il
se débarrassa du soin des affaires en se conformant à
tout ce que voulair son conseil. Yenu ici avec des
préjugés contre les canadiens, son esprit droit les eût

* Nous avons souvent parlé de l’absence des membres, le 21 et
28 février, il n’y eut de présent le 21 que îe président et M. Dumont,
et le 28 M. de Saliaberry.

— 59 —

aisément surmontés, s’il eût voulu se donner la peine
de prendre connaissance par lui-même de leurs sen-
timents vis-à-vis de l’empire.

M. Dunn ouvrit la session le 20 février 1806 et
mentionna dans son discours la victoire de la flotte
anglaise sur celles de la France et de l’Espagne à
Trafalgar.

Depuis la dernière session M. Grant était mort, il
avait joué un rôle politique assez important, mais
peu honorable, trompant tour à tour les partis aux-
quels il se ralliait.

Ce fut dans la séance du sept mars que M. Bedard
proposa sa fameuse résolution attentatoire à la liberté
de la presse, en incriminant la Gazette de Montréal.
Yoici sous quelles circonstances ce journal s’était
rendu coupable du prétendu délit.

On se rappelle que pendant Ja dernière session,
l’impôt sur les marchandises avait rencontré une
forte opposition, de la part de quelques députés anglais
représentant la classe mercantile qui voulait taxer le
sol ; les marchands de Montréal avaient donné un
banquet politique à leurs représentants qui s’étaient
opposés à la mesure, ce banquet n’était qu’une occa-
sion ménagée par eux pour protester contre la loi des
prisons. L’ordonnance de cette fête contenait entre
autres les santés suivantes : 6o Aux membres du
conseil législatif favorables à la taxation constitution-
nelle telle . qu’entendue par les dignes membres de
Montréal. 7 ° A nos députés qui ont proposé un
mode de taxation constitutionnelle pour construire les

— 60 — ‘

prisons, et qui se sont opposés à la taxe sur le com-
merce, comme contraire à la pratique de la métropole.
8 ° Puisse nos représentants être dirigés par un
esprit patriotique pour le bien de cette Province, et
puissent-ils être exempts de tous préjugés locaux.
Telles étaient les principales propositions par lesquel-
les le commerce voulait protester contre le vote de
l’impôt, et ces propositions avaient été publiées dans
la Gazette de Montréal du 1er avril 1805. La majorité
avait gardé rancune au parti anglais qui avait voulu
faire peser la taxe sur l’agriculture, et aux aviseurs
du gouverneur qui avaient refusé d’augmenter le
salaire du traducteur français ; aussi croyant l’occasion
favorable de se venger, certaine d’avance du succès,
sur la proposition de M. Bedard elle déclara que la
publication des santés que nous venons de citer était
un libel faux, scandaleux, séditieux, faisant des
réflexions très graves et injustes envers les représen-
tants de Sa Majesté en cette province. *

Un comité d’enquête fut nommé pour arriver à une
connaissance certaine et légale de l’imprimeur de la
Gazette et du moteur des propositions incriminées, le
premier était M. Edward et le second M. Tod, tous
deux furent déclarés coupables de violation grave des
privilèges de la chambre, et condamnés à être mis
sous la garde du sergent d’armes.

* Pour La proposition de M. Bedard, Messieurs Fortin, Féréol,
Roy, Caron, Willbrenner, Martineau, Turgeon, Tasohereau, Roy,
Lussier, Bedard, Bourdages, Legendre, Berthelot, de Sallaberry,
Planté et Proulx.

Contre : Messieurs Richardson, Pjkc, Mure, Portelance, Frobisher
«t Young.

— 61 —

Cependant le Mercury avait rendu compte des
délibérations de l’assemblée et les avait accompagnées
de commentaires peu flatteurs à l’adresse de la majo-
rité et de la nationalité canadieune français. M.
Bedard appuyée de sa majorité docile et rancunière
fit déclarer le compte rendu de la séance seulement,
une infraction aux privilèges de la chambre et décré-
ter de la mise de M. Cary sous la garde du sergent
d’armes, mais M. Cary fit des excuses à la chambre
au moyen d’une requête présentée par M. Bourdages,
et il fut mis en liberté. Il se vengea de ceux qui
l’avaient accusé en publiant les débats qui avaient eu
lieu à son sujet, et les noms de ceux qui avaient voté
pour ou contre lui ; quand aux autres accusés ils
n’avaient pu être trouvés, et la chose fut oubliée,

La législature avait donné par cette démarche un
bien mauvais exemple d’attentat à la liberté de la
presse, et cet exemple ne devait pas tarder à être suivi
par l’exécutif, mais cette fois contre ceux qui eux-
mêmes avaient inauguré l’ère de la sévérité.

M. Bédard avec la haute compréhension des vérita-
bles principes des libertés et du parlementarisme qui
le caractérisait, commit une faute grave en dirigeant
ces démarches de la chambre, mais cependant la
prease avait alors fait si peu de progrès, qu’on n’avait
pas encore pensé à légiférer sur le plus ou moins
de liberté qu’elle devait avoir.

La chambre fut encore saisie de la question de
l’impôt.- M. Bedard voulait faire approuver la loi
des prisons par le Eoi, sur la proposition de Fai?sem-

— 62 —

Mée, qui devait lui en faire la demande. Cette
demande devait être accompagnée d’un mémoire
explicatif des raisons sur lesquelles elle s’était appuyée
pour préférer à une taxe sur les terres l’impôt sur les
importations.

M. Eichardson demandait le désaveu du roi, en
vertu de sa prérogative royale sur les lois des colonies ;
la constitution permettant au roi de les désavouer
dans les deux ans de leur passation. La proposition
de M. Kichardsou fut rejetée et celle de M. Bedard
agréée.

L’adresse au roi et le mémoire furent approuvées
par la chambre. Ce mémoire disait en substance :
L’assemblée a considéré qu’il n’y avait aucun paral-
lèle à faire entre les anciens pays de l’Europe et
celui ci, quand à la convenance de mettre des taxes
sur les terres.

Dans la mère patrie et dans les autres pays de
l’Europe ou l’agriculture a rendu les terres à peu près
d’égale valeur, une taxe territoriale pèse à peu près
en proportion de la valeur des propriétés, tandis
qu’en Canada ou l’agriculture laisse tant d’inégalité,
une taxe par arpent serait injuste. Cette taxe porte-
rait sur ceux qui commencent à défricher les terres,
parce qu’ils ont le plus de celles qui ne possèdent
aucune valeur.

Une taxe sur la valeur estimée serait impraticable,
les frais d’estimation et de collection serait plus éle-
vées que la taxe même ; les vexations qui accompa-
gnent ce genre de taxe, laissé a la discrétion

d’individus, contre lequel l’opprimé ne peut souvent
obtenir justice, ont fait croire qu’il était contraire à
l’esprit de la constitution.

La taxe aurait été injuste en ce que les habitants
des villes dont les richesses sont mobilières auraient
été exemptes de contribuer à l’érection des prisons
qui sont nécessaires pour protéger leurs propriétés.

L’assemblée a considéré qu’un impôt sur le corn-
merce était le plus juste, le moins senti et le plus
également reparti.-

Les plaintes des marchands sont mal fondées, en ce
que ces impôts ne pèsent pas sur eux mais sur le
consommateur.

Les marchands prétendent être sous des circonstan-
ces désavantageuses parce qu’ils n’ont pas la facilité
de ré-exporter sur d’autres marchés ; cette circonstance
est au contraire en leur faveur, car elle les met en
pouvoir de régler le commerce du pays, et de faire
payer l’impôt par le consommateur.

L’assemblée respecte le commerce, mais elle ne
veut pas lui sacrifier les intérêts les plus chers du
pays, particulièrement ceux de son agriculture, qui
promettent un fonds de commerce et de défense beau-
coup plus assuré que celui de la pelleterie. I¥ a été
objecté que les prisons étaient des objets locaux
auxquels il ne devait pas être pourvu par un impôt
général, mais si elles se trouvent dans un lieu, elles
servent aux délinquants de toute la Province, d’ail-
leurs cette objection n’était qu’un prétexte pour
obtenir une taxe sur les terres qui était la seule que

— m —

les inarcliands de Montréal prétendaient pouvoir être
pratiquée séparément.

Ce mémoire contenait des vues larges et justes, des
raisons péremptoires et le principe de l’impôt sur les
importations qui n’a pas cessé depuis d’être la base
du système financier de la Province. La loi des
prisons qui n’était que temporaire fut donc continuée
et sanctionnée, et la chambre prorogée le 19 avril.
Les prisons furent bâties au moyen de ces impôts qui
ensuite furent continués pour aider à soutenir la guerre
avec les Etats-Unis.

Les débats de la dernière session n’avaient pas peu
contribué à envenimer les haines nationales, le parti
mercantile battu dans ses prétentions voulut se venger
et mit le Mercury dans ses intérêts, ce journal offensé
de la censure inconsidérée dont il avait été l’objet de
la part de la représentation canadienne ne garda plus
de ménagement et maltraita notre nationalité.  » Cette
Province, disait ce journal en août 1806 est déjà trop
française pour une colonie anglaise, il est absolument
nécessaire que nous fassions tous nos efiorts par tous
les moyens avouables pour nous apposer à l’accroisse-
ment des français et à leur influence. Après une
possession de quarante sept ans, il est juste que la
Province devienne anglaise. » Cette opinion n’était
pas partagée par les hommes modérés du parti oppo-
sée, l’un deux-même envoya une communication à ce
sujet au Mercury qui eut la libéralité de la publier,
mais en l’accompagnant de commentaires dans le
même sens que son article.

— 65 —

Les canadiens jugèrent alors qu’il était plus que
temps pour eux de fonder un journal, pour défendre
leurs intérêts qu’on voulait méconnaître, et le 22
novembre 1806 le Canadien parut. *

 » Il y a déjà longtemps disait son prospectus, que des*
personnes qui aiment leur pays et leur gouvernement
regrettent que le rare trésor que cous possédons dans
notre constitution, demeure si longtemps caché, la
liberté de la presse. Ce droit qu’à le peuple anglais,
d’exprimer librement ses sentiments sur tous les actes
publics de son gouvernement est ce qui en fait le
principal ressort, c’est cette liberté qui rend la consti-
tution anglaise si propre à faire le bonheur des
peuples qui sont sous sa protection. Tous les gouver-
nements doivent avoir ce but, et tous désireraient
peut-être l’obtenir, mais tous n’en ont pas les moyens.
Le despote ne connaît le peuple que par le portrait
que lui en font les courtisans, et n’a d’autres conseillers
qu’eux. Sous la constitution d’xingleterre le peuple
a le droit de se faire connaître lui même par le moyen
de la presse ; et par l’expression libre de ses senti-
ments toute la nation devient pour ainsi dire le
conseiller privé du gouvernement.

 » Le gouvernement despotique, toujours mal info; me
est sans cesse exposé à heurter les sentiments et les
intérêts du peuple qu’il ne connaît pas, et à lui faire,
sans le vouloir, des maux et des violences dont il ne

* Ce fut paraît-il Messieurs Bedard, Taschoreau, Blanchet, Bour-
dages, Borgia et Planté qui achetèrent à leurs frais le matérie 1
nécessaire à la fondation de cette feuille.

5

— 66 —


s’aperçoit qu’après qu’il n’est plus temps d’y remédier ?

de là vient que ces gouvernements sont sujets à de si
terribles révolutions. Sous la constitution anglaise
ou rien n’est caché, ou aucune contrainte n’empêche
le peuple de dire librement ce qu’il pense, et ou le
peuple pense pour ainsi dire tout haut, il est impossible
que de pareils inconvénients puissent avoir lieu, et
c’est là ce qui fait la force étonnante de cette consti-
tution qui n’a reçu aucune atteinte, quand toutes celles
de l’Europe ont été bouleversées les unes après les
autres.

 » Les canadiens comme les plus nouveaux sujets de
l’empire ont surtout intérêt à n’être pas mal repré-
sentés.

 » Il n’y a pas bien longtemps qu’on les a vus en
butte à de noires insinuations, dans un papier publié
en anglais, sans avoir la liberté de répondre. Us ont
intérêt de dissiper les préjugés ; ils ont intérêt surtout
d’effacer les mauvaises impressions que les coups
secrets de la malignité pourraient laisser dans l’esprit
de l’Angleterre et du roi lui-même. On leur a fait
un crime de se servir de leur langue maternelle pour
exprimer leurs sentiments et se faire rendre justice?
mais les accusations n’épouvantent que les coupables ;
l’expression sincère de la loyauté est loyale dans
toutes les langues. »

Le langage élevé mais sévère du prospectus qui
appréciait si bien la constitution anglaise étonna le
gouvernement qui fit de suite des recherches pour
savoir quels en étaient les auteurs, mais ce fut peine

— m —

-perdure 5 les questions dans cette feuille furent traitées
sous forme de lettres anonymes, dans lesquelles on
étudiait les sujets au point de vue des idées constitu-
tionnelles.

Ce fut cette année que Mgr. Plessis monta sur le
trône épiscopal de Québec, il prêta serment de fidélité
;au roi au milieu du conseil exécutif, au grand mécon-
tentement des protestants qui voulaient empêcher
M. Dunn de l’accepter en l’absence du gouverneur.
La politique ne fut signalée par aucun événement
dans l’intervalle de la dernière session à celle de 1807
qui fut ouverte le 21 janvier par le président Dunn,
ie gouvernement impérial n’ayant pas encore fait
choix du gouverneur qui devait remplacer le général
Prescott, gouverneur nominal de la province.

M. Dunn prit occasion du discours d’ouverture pour
^annoncer la eonquète –du Cap de Bonne Espérance
par l’Angleterre, et demanda la continuation des actes
temporaires de milice et des étrangers suspects ; la
chambre dans sa réponse à l’adresse complimenta le
vieux président, sur la manière habile et impartiale
avec laquelle il administrait, en l’absence du gouver-
neur général.

Les différents actes temporaires restèrent en force,
et celui qui réglait la police urbaine et qui allait
expirer fut continué pour trois ans. MM. Bédard. et
Bourdages firent une nouvelle tentative pour faire
payer par la province les dépenses des députés éloi-
gnés de Québec, mais la considération de cette mesure
fut encore remise indéfiniment par le vote des membres

— 68 —

anglais auxquels se joignirent quelques canadiens,
plus favorisés que la plupart de leurs collègues du
côte de la fortune. Les sociétés de bienfaisance
reçurent l’attention de îa chambre qui les protégea
par une loi passée à cette fin.

M. Richardson proposa une mesure pour régler les
procédés des contestations d’élection, mais le conseil
législatif à qui elle avait été envoyée la garda si
longtemps qu’elle ne fut pas prête à recevoir la
sanction royale. Une grande amélioration dans la
judicature fut de donner pouvoir aux juges de paix,
déjuger sommairement les causes pour dettes liquides
et exigibles, pour un montant n’excédant pas cinq
louis.

Un incident de cette session fut une question
d’étiquette qui s’éleva à propos d’un message du
conseil envoyé à l’assemblée, le messager s’avança
jusqu’auprès du président qui le rappela à l’ordre en
lui faisant remarquer que les messagers ne devaient
pas dépasser la table du greffier ; le messager s’obstina
et dit que ceux qui l’avaient précédé avaient toujours
agi de même, mais rappelé de nouveau à l’ordre il
dit que puisqu’il en était ainsi il allait se retirer sans
lire son message, et de fait il se retira. L’assemblée
dut s’entendre avec le conseil qui acquiesça à sa
décision, mais seulement pour cette .session et pour ne
pas détruire la bonne harmonie qui existait entre les
deux branches de la législature. Cette prétendue
bonne harmonie n’empêcha pas cependant l’assemblée
de repousser par deux fois les amendements faits par

— 69 —

le conseil à l’acte des étrangers suspects ; elle préten-
dait qu’elle ne connaissait aucune circonstance
nouvelle arrivée en cette Province qui rendissent
nécessaire des additions à cette loi. Dans l’intervalle
M. le député des Trois-Kivières étant mort, M.
Hart, juif de naissance et de religion mais citoyen
considéré, fut élu pour le remplacer, 11 n’arriva en
chambre que le 16 avril, le jour même de la proro-
gation.

L’anVre du Cheasapake, vaisseau américain, qui
avait été abordé par le Léopard, vaisseau anglaisa la
recherche des matelots déserteurs, fit naître des
appréhensions de guerre entre les deux puissances.
M. Dunn crut devoir appeler pour la fin du mois
d’août un cinquième de la milice sous les armes. Le
tirage au sort eut lieu avec beaucoup d’entrain, même
parmi la population cacadienne encouragée par un
mandement de Monseigneur Plessis à ce sujet ; mais
cette démonstration militaire fut perdue pour cette
année, la diplomatie traîna en longueur l’affaire du
Cheasapake.

Ce fut le 18 Octobre 1807 qu’arriva à Québec le
nouveau gouverneur du Canada, Sir James’ Henry
Craig, militaire de réputation, ayant le grade de
lieutenant général dans l’arm’e anglaise. Par son
ordre général . du 24 novembre, il prémunit les mili-
ciens contre les artifices de la trahison et les discours
des émissaires américains, qu’il croyait répandus en
grand nombre dans le pays qui n’avait jamais été
plus tranquille, et maintint sous les armes le cin-

— 70 —

quième des miliciens que le président Dunn avait
levés.

Quelques troubles élevés à Fassomption à propos
de voirie furent grossis par les ennemis des canadiens,
et racontés au nouveau gouverneur comme des signes
d’une révolte prochaine, ou de- sympathie pour les
Etats-Unis ; Craig. le crut mais dissimula pour le
moment.

Les antipathies nationales qui s© manifestaient dans
l’assemblée n’étaient que l’écho de celles qui existaient
an sein de la population, le Mercury? et le Canadien
étaient aux prises chaque jour, le premier accusant les
canadiens de n’avoir pas su apprécier les avantages
qu’ils retiraient de leur qualité de sujets anglais, eux
qui, au moment de la conquête étaient pauvres, igno-
rants., abandonnés, puis il jetait le ridicule sur la
religion catholique et ses institutions. Le Canadien lui
répondait sur le même ton, accusant les anglais
d’intrus, d’étrangers, de vouloir peupler les cantons
d’américains, sujets dangereux au moment ou uno
guerre allait peut-être éclater entre les Etats-Unis et
l’Angleterre. Ce dernier fait avait attiré l’attention
de la chambre, mais il ne fut rien résolu à ce sujet, et
les esprits continuèrent à s’exalter. *

La quatrième session du quatrième parlement
s’ouvrit le 29 février 180B par le nouveau gouverneur

* Christie qui d’ordinaire se montre impartia’ dans ses apprécia-
tions, est injuste en parlant du Canadien qui, dit-il en appelait cons-
tamment aux préjugés nationaux, puisqu’il ne dit rien du Mercury
qui par ses injures constantes envers les canadiens, prétait à de
justes représailles,

— 71 —

qui se rendit au parlement en grande pompe suivi
d’un nombreux état major. Dans son discours il
mentionna la guerre qui durait toujours en Europe,
et les espérances que les difficultés s’aplaniraient
entre l’empire britannique et la république américaine ;
il manifesta ausei son approbation du zèle et de
l’empressement que la milice canadienne avait montré,
en obéissant à l’ordre général du président Dunn.

M. Hart qui avait prêté le serment à la manière
des juifs, la tête couverte, sur l’ancien testament,
demanda à être introduit ; un des membres devant
qui il avait été assermenté, donna communication de
ce fait à la chambre qui résolut de tenir une enquête
sur sa religion. L’enquête eut lieu par F affirmation
sur parole d’un certain nombre de députés qui décla-
rèrent connaître la croyance de M- Hart, ils dirent
qu’il appartenait à la religion judaïque ; son rival dans
l’élection l’avait aussi dénoncé comme tel, en consé-
quence l’assemblée après avoir consulté les lois par-
lementaires anglaises à ce sujet, le déclara incapable
de siéger.

Une loi pour régler les procédures à suivre dans les
contestations d’élections fut passée après avoir été
notablement modifiée par le conseil ; pour empêcher
les contestations vexatoires, la loi exigeait un cau-
tionnement de soixante louis. Les actes de milice et
des étrangers reçurent de nouveau la sanction des
chambres.

Le cours monétaire qui avait déjà été fixé fut
légèrement modifié, et la loi à cet effet permit de

— 72 —

poser l’argent au lieu de le compter en prenant pour
« base l’once d’or à raison de quatre vingt huit chelins.

11 s’élevait souvent des difficultés entre les acheteurs
et les vendeurs de bois, au sujet de la qualité et de la
quantité ; la loi autorisa le gouverneur à nommer
des inspecteurs et mesureurs assermentés qui devaient
avant la vente constater la valeur du bois.

Oe fut sur la proposition de M. Bourdages que la
chambre eut à s’occuper des juges et de leur incapa-
cité à siéger dans la chambre. Cette question eut
avec celle de M. Hart le privilège d’occuper les
législateurs pendant un grand nombre de séances.

Le parti ministériel tenait à avoir autant de créatu-
res possibles dans la chambre, or il était certain par
l’expérience et par le raisonnement de la docilité des
juge?, qui tenaient leur position de l’exécutif sans
que leur charge fut permanente. D’un autre
côté l’apposition faisait valoir les raisons de conve-
nance et de délicatesse qu’il y avait à éloigner des
luttes les représentants de la justice, afin de ne pas
fausser leurs j ugements par l’esprit de vengeance, de
préjugé ou de tout autre sentiment inséparable de
la vie active dans la politique.

Ces raisons prévalurent malgré l’opposition formida-
ble que firent à cette mesure les juges de Bonne et
Fou cher qui eurent l’indélicatesse de conduire eux-
mêmes la discussion ; la mesure passa après plusieurs
séances orageuses, mais elle fut rejetée par le conseil
qui la considéra comme trop démocratique, et tendant
à priver l’exécutif d’un puissant secours dans l’assern-

— 73 —

blée. Le juge Foncher avait reçu une assignation
dans un des appartements du palais législatif, il s’en
plaignit a la chambre, qui lui donna raison, elle déclara
cet acte une violation des privilèges de. la chambre,
et décréta de prise de corps contre l’huissier maladroit
qui avait fait cette signification ; il fit ses excuses à
la chambre et fut libéré.

Plusieurs citoyens de Québec et de Montréal expo-
sèrent à la chambre qu’en conséquence du commerce
considérable qui se faisait avec les Etats-Unis, le
numéraire allait bientôt manquer parce qu’ils étaient
obligés de faire les payements en espèces, ils deman-
daient en conséquence qu’il leur fut permis de fonder
à Québec et à Montréal une banque d’émission de
papier-monnaie; leur demande ne reçut pas alors
toute l’attention qu’elle méri’ait, et elle resta sous
considérution.

Sous le gouvernement absolu, l’exécutif avait fait
une ordonnance, permettant l’importation en fran-
chise des boisions de la Jamaique et des Iles sous le
Yent, pourvu que nos bois fussent admis de
même dans ces Iles, la chambre s’aperçut que la
Province perdait considérablement à cet échange,
et demanda l’abrogation de cette ordonnance.

La chambre s’occupa beaucoup de travaux publics,
chemins, ponts, amélioration de la navigation, érec-
tion de prisons à Percé et à Kew Carlisle, réparations
aa château St. Louis ; pour ces derniers travaux, elle
fit prélever une taxe spéciale sur les actes des notaires,
des arpenteurs, et sur les cgpies données par les gardiens

-74-

des archives. Elle vota aussi cinq cents louis pour aider
aux Dames Ursulines des Trois-Rivières à rebâtir
leur hôpital qui venait d’être incendié et passa une
loi pour pourvoir à un fond de réserve pour les
veuves et les orphelines de3 pilotes. Cette session se
termina le 14 avril, elle avait été fertile en mesures et
en discussions, mais les débats avaient eu lieu sans
acrimonie avec réserve et dignité, aussi le gouverneur
dans son discours de prorogation ne put-il s’empêcher
d’en témoigner sa satisfaction ; et il recommanda en
même temps aux députes d’inculquer dans l’esprit de
leurs électeurs le sentiment de leurs devoirs sociaux,
l’esprit d’obéissance aux lois et d’attachement à
l’empire.

Ce parlement termina aussi l’ère de la paix au
dedans et au dehors, et malgré les nombreux sujets
de plaintes que donnait aux canadiens un gouverne-
ment oligarchique, aux idées exclusives et antipathi-
ques à notre race, aucun acte de rigueur n’avait
encore motivé des récriminations bien sérieuses.
L’otage se préparait à fondre et il allait faire ressortir
du creuset de l’épreuve, la fermeté et la loyauté de
nos compatriotes.

•ooo

CHAPITRE IV.

Intrigues des courtisans de Craig. — Ils empêchent M. Panet
d’être élu à Québec. — II est élu ailleurs. — Lettre du gouverneur
à M. Panet. — Destitution de ce dernier et de quatre autres. —
M. Panet élu président. — Election approuvée. — Embargo euro-
péen. — Prospérité de la colonie, amendement de MM. Bourdages
et de Bedard à la réponse à l’adresse. — Amendements rejetés. —
Discours de MM. Richardson, Bourdages, Bedard et Papineau.

‘ — Inégibilité des juges. — Rapport d’un comité à ce sujet. — Hart
expulsé. — Dissolution subite du parlement. — Discours de Craig.
— Opinion du Canadien sur ce discours. — Election. — Ouverture
du nouveau parlement. — Menace de guerre avec les Etats-Unis. —
Opinion du ministère angleis surl’inégibilité des juges. — M. Panet
élu pour la sixième fois. — La chambre déclare son indépendance
contre l’exécutif. — Elle proteste de sa loyauté envers l’empire. —
Acte pour nommer un agent en Angleterre. — Offre de la chambre
de payer toutes les dépenses du gouvernement civil. — Craig refuse
de transmettre les adresses à ce sujet. — Disqualification des juges.

y — Le siège du juge de Bonne déclaré vacant— Fureur de Craig. —
11 dissout de nouveau le parlement. — Son discours. — Difficulté de
îa position des canadiens. — Ryand en Angleterre. — Son insuccès.
— Robert Peel désepprouve la conduite de Craig.

Les courtisans du monarque en petit qui gouvernait
alors la Province, auraient bien voulu profiter des
élections générales qui eurent lieu en mai pour gagner
une majorité dans l’assemblée, mais comprenant
qu’ils ne pouvaient exercer aucune influence sur le
suffrage populaire, ils s’emparèrent de l’esprit irritable
de Craig, et représentèrent les chefs du parti canadien
comme des conspirateurs, fomentant sans cesse la
discorde et les antipathies de races parmi leurs com-
triotes. Ils tentèrent même d’empêcher M. Panet
d’arriver à la chambre à la Haute-Tille. M. Déné-
chaud était leur candidat, et ce dernier réunit
effectivement la majorité des suffrages dans cette

— 76 —

division électorale, les officiers de la garnison, du
commissariat, les fonctionnaires publics et tons ceux
qui tenaient de près ou de loin au pouvoir votaient pour
M. Dénéchaud. Les amis de M. Tanet avaient prévu
la coup, ils le firent élire dans le comté de Hunting-
don.

l?ans toute la Province la représentation resta à
peu près la même qu’elle était avant l’élection.

M. Panet ne tarda pas à ressentir les effets de la
colère du gouverneur, quelques jours seulement après
avoir été élu, le député de Huntingdon recevait la
lettre suivante, lui annonçant sa destitution comme
lieutenant-colonel dans la milice canadienne.

Château St. Louis, 14 juin 1808.
Monsieur,

Je suis chargé par son Excellence le Gouverneur en
chef de vous informer qu’il juge nécessaire pour le
service de Sa Majesté, de vous destituer de votre
position de lieutenant-colonel dans la milice de la
ville. Son Excellence me charge d’ajouter qu’elle a dû
prendre cette mesure parcequ’elle ne peut mettre de
confiance dans les services d’un homme qu’Elle a
bonne raison de croire l’un des propriétaires d’une
publication séditieuse et diffamatoire, qui est fort
répandue dans la Province et qui a spécialement pour
mission d’avilir le gouvernement, de mécontenter les
citoyens et de créer un esprit de discorde et d’animo-
sité entre les deux parties qui les composent.

(Signé), H. W. Kyland.

— 77 *■»

MM. Bedard, Taschereau, Blanehet et Borjia reçu-
rent aussi chacun une lettre semblable.

Ce fut sous l’empire de cette excitation que s’ouvrit
le 10 avril 1809,1e cinquième parlement provincial.
M. J. A. Panet fut élu président pour la cinquième
fois. M. Denis Benjamin Yiger dont la -candidature,
à la présidence avait été opposée à celle de M. Panet
n’ayant réuni que cinq voix. On s’attendait généra-
lement à ce que, vu les dispositions de Sir James, le
choix de M. Panet ne serait j)as ratifié, il n’en fut
rien cependant et en réponse à l’adresse de M. Panet
annonçant à Craig qu’il avait été élu président pour
la cinquième fois, le gouverneur lui fit dire par le
président du conseil qu’après avoir rempli’ cette
charge pendant quatre parlements, il n’avait pas
droit d’alléguer  » les raisons d’incapacités, » que
quand à lui il n’avait pas d’objection à le voir
occuper cette position ; l’accueil n’était pas très cor-
dial, mais cependant il était au delà des espérances
de la chambre.

Le discours du gouverneur roula sur les difficultés
avec les Etats-Unis qui venait de lever l’embargo
eontre les vaisseaux étrangers pour le remplacer par
un acte défendant aux citoyens toute communication
avec la France et l’Angleterre. * Cet embargo avait
Eervi les intérêts de la colonie qui était entré dans

* En conséquence de l’état des affaires européennes et de cet
embargo, le commerce de bois du Cacadaprit une extension cocsi-
dérable, il rendit la Grande Bretagne, exclue de la Baltique en
conséquence de blocus continental, incépendante des autres nations
pour cet objet.

— 78 —

une ère de prospérité. L’allusion qu’il fit dans son
discours à l’esprit de concorde et d’harmonie qui
devait régner entre les différentes nationalités, les
ternies de  » soupçons et de jalousies imaginaires  » qui
pouvaient exister entre elles, ou contre le gouverne-
ment furent mal accueillies, et donnèrent lieu à deux
amendements à la réponse de l’assemblée à ce discours.
Par un de ces amendements, M. Bourdages deman-
dait à la chambre qu’elle vint à exprimer clairement
son opinion en disant que les  » soupçons et les jalou-
sies imaginaires  » dont le gouverneur avait parlé ne
pouvaient venir que  » d’insinuations étrangères et
malveillantes, » cet amendement fut perdu ; un autre
amendement de M. Bedard dans le même sens eut le
même sort. Cependant la discussion soulevée dans
l’assemblée à ce sujet révéla comment le parti minis-
tériel entendait le système de gouvernement dont le
Canada jouissait, et quelles étaient aussi les vues
des hommes proéminents du parti canadien sur la
constitution,

M. Richardson qui se fit l’organe du parti anglais
observa que cet amendement faisait allusion à des
insinuations étrangères et supposait par conséquent,
que Son Excellence avait été induite un erreur par ces
mêmes insinuations ; que de telles suppositions pou-
vaient bien être permises en Angleterre où il y avait
un ministère établi mais qu’ici ou il n’y avait pas de
ministres reconnus, on ne pouvait pas se permettre de
semblables suppositions. Tous les membres, selon
lui, convenaient qu’il n’y avait aucun lieu d’appliquer

— 79 —

à la chambre ces ternies de  » jalousie entre ses mem-
bres on contre le gouvernement,  » que le discours du
gouverneur ne contenait aucune réflexion directe et
qu’on pouvait se contenter de le contredire d’une
manière indirecte.

M. Bourdages répondit que le discours pouvait
donner lieu à,des reflexions sérieuses, qu’il contenait
des clioses qui tendaient à exercer une influence indue
sur les votes des deux branches inférieures de la légis-
lature ; que ces branches n’agissaient et que leurs
dispositions ne pouvaient être connues que par leurs
votes, et que si cette partie du discours était faite pour
avoir effet sur autre chose que sur les voteg il ne
signifiait rien. Ce discours pouvait donner à crain-
dre que les votes qui seraient donnés d’un côté
plutôt que de l’autre pussent être regardés comme
des actes contre le gouvernement. Le mot de gouver-
nement y étant employé, était équivoque et il pou-
vait en imposer surtout aux nouveaux membres, et à
ceux à qui les idées de notre constitution n’étaient pas
encore familières. Quand le gouvernement exerce
son pouvoir exécutif ; tout doit obéir, tout acte con-
traire à cette obéissance est celui d’un mauvais sujet,
mais quand le gouvernement exerce sa partie du
pouvoir législatif, alors il n’est qu’une des trois bran-
ches de la législature, et les deux autres en sont
indépendantes.

Bien loin qu’on put regarder l’opposition d’une de
ces deux branches à la première comme quelque chose
d’illégale, c’était le devoir de ces deux branches de s’y

— 80 —

»

opposer librement toutes les fois qu’elles le croiraient
nécessaire. Des réflexions de jalousie contre le gou-
vernement ne pouvaient avoir d’application à aucune
de ces deux branches, parceque dans le sens général
du mot, lorsqu’il est appliqué à la législature, elles
font elles-mêmes partie du, gouvernement.

M. Bedard resta dans la question, et ne se laissa pas
prendre à ces raisonnements subtils ; il exposa la vérita-
ble doctrine de la nécessité d’un ministère reconnu, et
de sa responsabilité aux chambres.

 » Le premier devoir de cette chambre, troisième
branche de la législature, dit-il, est de soutenir son
indépendance même contre les essais que ferait la
première pour la diminuer. En adoptant le sentiment
de ceul qui disent qu’il n’y a point de ministère, il
faut, ou qu’elle abandonne son devoir et renonce à sou-
tenir son existence, ou qu’elle dirige ses attaques contre
la personne du représentant de Sa Majesté, ce qui est
une idée monstrueuse dans notre constitution, parce
qu’on doit regarder la personne de notre gouverneur,
comme tenant la place même de la personne sacrée de
Sa Majesté, et lui appliquer les mêmes maximes. Il
parait donc que l’idée de ministère n’est pas un vain
mot comme quelques-uns semblent le regarder, mais
une idée essentielle à la conservation de notre consti-
tution. Dans le fait même, et indépendamment de la
maxime constitutionnelle, il est bien certain que Son
Excellence qui n’est ici que depuis si peu de temps,
ne peut connaître les dispositions du pays que sur les
informations qu’on lui a données. Quoiqu’il n’y ait

— 81 —

pas ici de ministère établi en titre d’office, il n’en est
pa& moins vrai qu’il y a réellement des ministres,
c’est-à-dire des personnes d’après les avis desquelles
Son Excellence se détermine. Il ne s’agit pas main-
tenant de punir les ministres, la chose n’en vaut pas la
peine, mais lorsqu’il deviendra nécessaire de les
connaître, la chambre saura bien ou les trouver. Les
ministres aiment toujours mieux se tenir cachés, ils
n’ont pas toujours été connus en Angleterre comme
ils le sont aujourd’hui, c’est l’affaire du bon exercise *
des pouvoirs que donne la constitution de les obliger
à paraître.  »

M. Bedard, dans ce discours plus remarquable encore
par l’exposé du véritable système du gouvernement
responsable, qui devait nous être octroyé quarante ans
plus tard, que par sa sévérité contre le gouvernement,
fut proclamé par la parti du pouvoir l’apôtre des
idées révolutionnaires.

Ce fut M. le juge de Bonne qui se chargea de répon-
dre à M. Bedard, il se donna de garde d’entrer sur le
véritable terrein de la discussion. Il parla de la
loyauté des canadiens, de leur bravoure, rappela
l’état d’hostilité de nos voisins, mit en œuvre la crainte
de paraître désunis dans les circonstances actuelles,
aux yeux de l’Angleterre ; l’adoption des idées de M.
Bedard, dit-il, relativement à un ministère qui déga-
gerait le roi ou son représentant de toute responsabilité,
ou de toute initiative, serait un avilissement pour
l’autorité royale.

M. Papineau remarqua que le juge n’avait employé
6

— If -r

que les lieux communs ordinaires sur la loyauté, la
bravoure des canadiens, la crainte de paraître déloyaux,.
il observa pour l’usage des nouveaux membres que
c’était là toute l’artillerie du ministère, qu’il la verrait
déployée régulièrement, tous les jours, sur chaque
mesure, pendant tout le cours de la session.

L’idée de la responsabilité ministérielle, telle que
l’avait exposée M. Bedard, inquiéta les ministres qui
virent avec joie que la majorité trouvait sa doctrine,
ou trop hardie, ou prématurée, car cette majorité lui
fit défaut lorsqu’il voulut faire ajouter, à la réponse
à l’adresse, un paragraphe pour exprimer que la
chambre regrettait de voir que le gouverneur avait
rappelé à son attention la question des origines natio-
nales, et l’idée de soupçons et de jalousie contre le
gouvernement.

Lorsque les débats sur la réponse à l’adresse
furent finis ; ils recommencèrent sur une question plus
chatouilleuse encore, la disqualification des juges.

M. Bourdages voulait les bannir par une simple
résolution, selon lui, d’après les lois parlementaires
anglaises ils se trouvaient disqualifiés à siéger dans
la chambre, de même que les membres de la religion
judaïque et les ministres de l’église anglicane ;
d’autres plus hardis voulaient un bill à cet effet.
M. le juge de Bonne qui soutint encore la discussion
sur ce sujet prétendait qu’une telle opinion était
contraire à l’acte constitutif du parlement canadien,
et que ce serait une atteinte à la liberté que les

— SB —

•sujets ont de choisir qui ils veulent pour les repré-
senter.

L’assemblée renouvela les actes de milice et des
étrangers, puis les débats furent repris sur la question
de rendre les juges incapables de siéger dans la législa-
ture. On avait confié à un comité de neuf membres,
dont M. Bourdages était le président, le soin de s’en-
quérir des inconvénients résultants de la candidature
des juges dans les élections ; le rapport de ce comité à
la cîiambre, avait dévoilé des faits odieux et compro-
mettants pour l’honneur et la dignité de la magistra-
ture. Des juges avaient, en perspective -c^’une élection
prochaine, ou pour récompenser des partisans dévoués,
rendu des jugements erronés ou partiaux. On avait
vu des juges-candidats s’oublier au point de courir les
tavernes avec la canaille, et de promettre des jugements
favorables à des électeurs trop tièdes. Le juge Monck
lui-môme reconnaissait l’incompatibilité des deux
qualités de magistrat et de député, et avait avoué
qu’il ne voulait plus se porter candidat

Le juge de Bonne n’était pas sorti disculpé de
cette enquête, on l’avait accusé de tentative de cor-
ruption à l’Ile d’Orléans où, pensant que M. Martineau
allait mourir, il croyait que « M. Panet briguerait les
suffrages des électeurs. Aussi, furieux, voulut-il faire
déclarer par la chambre la procédure du eomité
illégale, parce que plusieurs témoins avaient dit, non-
seulement ce qu’ils savaient, mais encore ce qu’ils
avaient ouï dire, mais battu sur ce point il se rejeta
sur une subtilité, M. Bourdages dit-il, n’a pas lu le

— Se —

rapport du comité de sa place, mais Fa fait lire par le
greffier. Enfin il obtint par la voix prépondérante dn
président qu’un comité s r enqu errerait de la manière
dont le comité de M. Bourdages avait procédé.

M. Hart avait été élu de nouveau, il fut encore
expulsé. Une loi pour exclure les juifs de la chambre,
et une autre pour exclure les juges en étaient à leur
deuxième lecture lorsque le parlement fut subitement
prorogé le 13 mai. Le gouverneur, poussé par ses
ministres, qui comptaient sur un meilleur résultat, en
en appelant au peuple, fatigué des lenteurs de l’as-
semblée, d§ ses longs débats sur des questions de
régie qu’il appelait des futilités, prenant pour de
l’audace ou de l’insubordination ce qui n’était que la
jouissance d’un droit, résolut de mettre fin à ce
parlement, en conséquence il se rendit au parlement,
en équipage de grand gala, sans que la chambre s’en
douta, excepté les familiers du château qui avaient
gardé le secret, et fit aux chambres le discours suivant,

 » Messieurs^

 » Lorsque je m’adressais à vous au commencement
de la session, je n’avais aucune raison de douter de votre
modération ou de votre prudence et je mis une pleine
confiance en toutes les deux. J’attendais de vous,
que, guidés par ces principes vous feriez un sacrifice
généreux de toute animosité personnelle, et de tous
mécontentements particuliers, que vous seriez d’une
attention vigilante pour les intérêts de votre pays, et
d’une persévérance inébranlable à remplir vos devoirs

— 85 —

publics avec zèle et promptitude. «T’attendais de vous
-des efforts sincères pour affermir l’harmonie générale
de la Province, et une soigneuse retenue sur tout ce
qui pourrait avoir une tendance à la troubler. J’ai
cru que vous observeriez tous les égards qui sont dus
-et par conséquent indispensables envers les .autres
branches de la législature, et que vous coopéreriez dans
tout ce qui pourrait contribuer au bonheur et au
bien être de la colonie.

 » tFavais le droit de m’attendre ,à ce procédé 4e voir e
part, parcequ’il était dicté par votre devoir constitu-
tion el, parcequ’il aurait fourni un témoignage assuré,
comme il était le seul que demandait le gouvernement
de Sa Majesté, et de l’attachement que vous professez
avec tant d’ardeur, et que je crois que vous possédez
en effet, et parcequ’il était particulièrement exigé par
la conjoncture critique du moment, et surtout par la
situation précaire dans laquelle nous nous trouvions
alors à l’égard des Etats-Unis. Je regrette d’avoir à
ajouter que j’ai été trompé dans ces attentes, et dans
toutes les espérances sur lesquelles je me fondais.

 » Vous avez consumé dans des débats infructueux,
excités par des animositcs peisonnelles ou par des
contestations frivoles, sur des objets futiles de pure
formalité, ce temps et ces talents auxquels, dans l’en-
ceinte de ces murs, le public a un titre exclusif; cet
abus de vos fonctions vous Travez préféré aux devoirs
élevés et importants auxquels vous êtes obligés envers
votre souverain et vos constituants, et par là vous avez
été nécessairement dans le cas .de négliger des affaires

d’importance et d’obligation qui vous étaient soumises.
S’il fallait d’autres preuves de cet abus de votre temps
je viens d’en donner une, en ce que je n’ai eu occasion
d’exercer la prérogative royale que sur -cinq bills
seulement, après une session de pareil nombre de
semaines, et de ses cinq bills, trois étaient purement
des renouvellements d’actes annuels, auxquels vous
étiez engages et qui n’exigeaient aucune discussion.

 » Une violence si peu mesurée a été manifestée dans
tons vos procédés, et vous avez, montré un défaut
d’attention si prolongé et si peu respectueux envers
les antres branches de la législature, que, quelles que
pussent être la modération et l’indulgence exercées de
leur part, on a peu de droit de s’attendre à une bonne
intelligence générale, à moins d’avoir recours à une
non t elle assemblée

 » Je donnerai les ordres nécessaires pour convoquer
le nouveau parlement provincial, aussitôt que les
circonstances le permettront sans inconvénient, j’ai
une entière confiance’ dans les électeurs auxquels
j’aurai recours, me persuadant que par un elioix de
représentants convenables, de nouveaux inconvénients
pourront être prévenus, et que les intérêts de la
colonie seront pris en considération dans le prochain
par; ornent, avec moins d’interruption et de plus
h&ttreîix effets.

c ] e ne vous cacherai pas que c’est beaucoup dans la
vue de ^revenir, s’il est possible, de fausses représen-
tations et de mettre le peuple à môme de juger des
causes crai m’ont été données pourra conduite qu©

— 87 —

fai adoptée, que je suis entré dans les détails qui
forment Je principal sujet de cette adresse. La tache
m’en a été pénible au plus haut degré, et je m’en
détourne avec une satisfaction particulière pour vous
offrir, Messieurs du conseil législatif, la reconnaissance
qui vous est due pour l’unanimité, le zèle et l’atten-
tion continuelle que vous avez montrés dans vos
procédés. Ce n’est point à vous qu’il faut attribuer
que si peu ait été fait pour le bien public. Mes
remercîments sont également dus à une partie consi-
dérable de la chambre d’assemblée : j’espère qu’ils
voudront croire que je leur rends la justice d’une
propre distinction dans les sentiments que j’entretiens
de leurs efforts pour arrêter la conduite dont j’ai tant
de droit de me plaindre. »

Ce langage insultant pour la chambre qui préten-
dait n’avoir fait que jouir de se* droits, était encore
plus blâmable en ce qu’il était p rtial et laudatif
envers la haute chambre qui, depuis la constitution,
s’était toujours montré l’instrument docile des gou-
verneurs.

La conduite de Craig, blâmé par les canadiens fut
hautement approuvé par leurs ennemis.

Le Canadien publia des articles de ses rédacteurs
ou l’on discutait la légalité de l’attitude prise par la
chambre au point de vue du droit constitutionel, en
s’appuyant sur les meilleurs auteurs anglais. Il
mettait en tête de sa feuille cette fameuse déclaration
des droits et libertés des sujets, proclamés sous le règne
de Guillaume I et conçus en ces termes : H Que la

— 88 —

liberté de la parole et des débats ou des procédures
en parlement ne doit être sujette à aucune récusation,
ni a être mise en question dans aucune cour ou dans
aucun lieu, hors le parlement. » Il disait encore :  » le
discours du gouvernement est une démonstration
qu’il a violé les privilèges de la chambre dan3 la
manière dont il a reçu les informations d’après
lesquelles il a fait ses réflexions injurieuses sur ses
procédés. Le représentant de Sa Majesté ne doit
connaître les procédés de l’assemblée que par son
président. Il reconnaît le président à Fou ver turc de
chaque parlement comme l’organe de l’assemblée, et
il lui fait la promesse solennelle d’interpréter favora-
blement tous les procédés de cette chambre qui lui
seront transmis par cet organe. Ce discours laisse
voir que ces procédés ont été connus par des infor-
mations obtenues par une espèce d’espionnage pratiqué
sur la chambre d’assemblée. » Ce langage était telle-
ment logique, tellement conforme aux usages parle-
mentaires que les anglais étaient cependant censés
connaître ‘ mieux que les canadiens, qu’il trouva de
l’approbation même dans le parti du pouvoir.
v Le gouverneur parcourut la Province pendant l’été,
et reçut de3 loyaux de Montréal, Trois-Rivières, St.
Jean et Sorel des adresses de félicitation pour avoir
usé de sa prérogative royale en dissolvant le parle-
ment. Les élections eurent lieu en octobre, et le
peuple qui sut apprécier la conduite de ses représen-
tants, contrairement à l’attente du gouvernement,
roélut presque tous les mêmes membres, quelques

— 89 —

uns qui s’étaient séparés de leurs compatriotes, furent
relégués dans la vie privée, et remplacés par d’autres
sur lesquels il avait droit de compter.

Le nouveau parlement s’ouvrit la 29 janvier 1810,
dans l’intervalle, la demande de l’assemblée relative-
ment à la disqualification des juges était parvenue en
Angleterre, le ministre des colonies, après en avoir
conféré avec les autres ministres, avait envoyé à Craig
l’ordre de sanctionner telle mesure qui serait passée
par la législature sur cette question, cet ordre contra-
riait singulièrement le gouverneur et son entourage,
mais il dut obéir, aussi dans son discours d’ouverture
après avoir parlé de la guerre européenne, des difficul-
tés toujours pendantes entre l’Angleterre et les Etats-
Unis, il assura de la part du roi qu’il était autorisé à
garantir en cas de guerre avec ces derniers, le secours
nécessaire des troupes régulières qui, jointe à la
milice du pays, promettait une résistance efficace
contre toute agression étrangère, il comptait bien que
la milice n’oublierait pas son ancienne bravoure.

A propos des juges il disait ;  » dans la dernière
session la question de l’exclusion des juges d’un siège
dans la chambre a été beaucoup agitée. Cette ques-
tion est fondée sur le désir d’éviter la possibilité de
l’existence d’un biais dans l’esprit des personnes
exerçant les fonctions judiciaires dans les cours, en
ce qu’ils se trouvent dans la nécessité de solliciter les
voix des individus sur» les personnes ou sur les biens
desquels ils pourraient ensuite avoir à décider. Quel-
que soit mon opinion ace sujet, j’ai en trop haute

— 90 —

estime le droit d’élire du peuple, pour avoir pris sur
moi, si la question m’était parvenue, la responsabilité
de la sanction royale. »

Modifiant ensuite son opinion pour la conformer à
celle de son supérieur en Angleterre, et à l’usage
anglais qui exclut les juges des communes, Craig
ajoutait :  » Sous ce point de vue il m’a paru qu’il
pourrait être utile qu’on disposât bientôt de la
question, et c’est pourquoi en recommandant le sujet
à votre considération, j’ai à ajouter, qu’ayant reçu la
volonté de Sa Majesté là dessus, je me sentirais
autorisé à donner la sanction royale à un bill conve-
nable, sur lequel les deux chambres pourraient con-
courir pour rendre à l’avenir les juges inéligibles. »

M. Panet avait été élu pour la sixième fois prési-
dent et le gouverneur, ne voulant pas d’abord se
mettre en antagonisme avec l’assemblée avait confirmé
le choix qu’elle avait fait, même en termes plus
gracieux qu’il ne l’avait fait l’année précédente.
Craig après avoir exprimé son opinion au sujet des
juges, avait exprimé celle des ministres anglais,
mais il ne mentionnait qu’une seule objection
qu’on pouvait élever contre leur inégibilité, tandis
que ces objections étaient nombreuses et constantes,
par la pression continuelle qu’exerce le prestige
d’un juge sur ses justiciables qui sont en même temps
ses électeurs. *

* Ce fat le samedi, 11 novembre 1809 qu’arriva à 8 heures A. Sî.,
le premier bateau à vapeur, Accomodalion, il était parti de Montréal
le mercredi.

— 91 —

La chambre se hâta sur la proposition de M.
Bedard, d’affirmer par un vote, son indépendance
absolue, en déclarant que toute entreprise de la part
de l’exécutif et des autres branches de la législature
contre la chambre, soit en dictant ou en censurant ses
procédés, on en approuvant la conduite d’une partie
de ses membres et en désapprouvant celle de l’entre
partie, était une violation de la constitution, que
c’était aussi une violation de ses privilèges, et une
atteinte aux droits et aux libertés du Canada.

Cette déclaration que M. Mure voulut modifier en
disant que la circonstance était inopportune, et qu’elle
allait réveiller des animosités endormies, était une
verte censure du langage du gouverneur lors de la
dissolution du dernier parlement.

Après avoir accompli ce devoir de respect envers
elle-même la chambre sur la proposition de Messieurs
Taechereau et Borgia s’occupa de la rédaction d’une
mesure pour rendre les juges inéligibles, puis M.
Bedard proposa à la chambre de s’enquérir des
dépenses et des revenus de la province, afin de consta-
ter si elle. serait en état de supporter les dépenses du
gouvernement civil.

George III venait d’atteindre la cinquantième année
de son règne, ce fut une occasion pour l’assemblée de
protester de ses sentiments de loyauté envers l’empire,
ce qu’elle fit dans une adresse de félicitation dans
laqueile elle faisait les vœux les plus ardents pour la
prolongation des jours du Souverain.

La majorité se sachant mal représentée en Angle-

terre, avisait depuis longtemps au meilleur moyen
d’obtenir justice, et de contrebalancer les influences
pernicieuses, qui étaient mises en jeu à son détri-
raentdans la métropole ; on ne vit d’autre remède que
de passer un acte pour nommer un agent résidant
dans le E-oyaume-TJni, aux fins de veiller aux intérêts
de cette province chaque fois que l’occasion le
requerrait.

Le tableau des recettes et des dépenses communi-
qué à la chambre démontra que la province pouvait
faire face aux frais de son entretien, aussi, la chambre
s’empressa- t-elle de déclarer que le pays pouvait main-
tenant payer toutes les dépenses civiles de son
gouvernement, et en conséquence elle prépara trois
adresses pour faire connaître sa résolution, l’une de ces
adresses était adressée au roi, l’autre à la chambre
des Lords et la troisième aux communes ; le gouver-
neur fut priée de les transmettre en Angleterre. *

Craig surpris de cette démarche, et ne pouvant en
blâmer le motif ne sut que répondre, d’abord il pré-
tendit que ces adresses qui lui étaient communiquées
étaient d’une nature si nouvelle, qu’elle demandait de
lin* la plus grande réflexion, que l’usage voulait que
toute mesure pour accorder des octrois vint de la
Couronne, que quoique ces octrois fussent le don de
la chambre basse, ils étaient inefficaces sans le con-

* Ce fat vers cette époque que MM. Bedard qui avait été élu pour
la Basse ViU© de Québec et pour le comté do Surrey fat appelé à
faire son choix, il opta pour la Basse-Ville. Il avait été aussi invité
par le comté de Leinster, mais il déclina l’offre.

— 93 —

cours de l’exécutif, qu’une démarche de la nature de
celle que la chambre avait ‘faite, était sans précédent
dans les annales de l’histoire parlementaire anglaise»
 » Pour toutes ces raisons, ajouta-t-il, je ne puis regar-
der ces adresses que comme sans exemple, imparfaites
dans leurs formes et inefficaces sans le concours du
conseil législatif, et je regrette de ne pouvoir prendre
sur moi de les transmettre aux ministres de Sa
Majesté, d’autant plus qu’ils ne sont pas les organes
réguliers des chambres ; néanmoins je juge à propos
d’informer Sa Majesté de la bonne disposition et des
généreuses intentions de ses sujets dans cette province. »
L’assemblée avait plusieurs motifs en voulant ainsi
assumer la responsabilité des dépenses de la province ;
d’abord elle espérait se rendre les autorités impériales
plus favorables, ensuite elle aurait un contrôle sur les
dépenses, et par la même elle soumettrait les grands
fonctionnaires à son influence; ceux ci se croyant
indépendants, agissaient à leur guise et ne respectaient
nullement les représentants ; or l’assemblée avait
pensé justement, que le moyen le plus sûr de s’assurer
du respect des officiers publics était de le3 tenir en
leur pouvoir par le moyen de leur salaire, c’est ce
qui fit qu’ils représentèrent cette mesure comme une
embûche que le gouverneur devait éviter.

L’acte de disqualification des juges était passé, il
avait été envoyé au conseil d’où, il était revenu avec
quelques amendements, la chambre avant de passer à
l’examen de ces amendements, déclara le siège du
juge de Bonne vacant. C’en était trop pour la

— 9é —

patience da gouverneur, on s’attaquait à son favori, de
suite, sans être attendu il se rendit au palais législatif
et manda les représentants.

 » Je suis venu ici, dit-il, afin de proroger le présent
parlement, et après une mure considération des cir-
constances qui ont eu lien, j’ai à vous informer de la
détermination ou je suis de recourir de nouveau aux
sentiments du peuple par une dissolution immédiate»

 » La chambre d’assemblée a pris sur elle, sans la
participation des autres branches de la législature, de
décider qu’un juge de la cour du banc du roi ne peut
siéger ni voter dans la, chambre.

 » Il m’est impossible de regarder ce qui a été fait
sons un autre point de vue, que comme une violation
directe de l’acte du parlement qui vous a conféré la
constitution. »

Faisant a’iusion à l’exclusion du juge de Bonne
prononcée par l’assemblée après la passation du bill
des juges, il dit:  » en conséquence de l’exclusion du
membre pour le comté de Québec, on a déclaré une
vacance dans la représentation, et il serait nécessaire
qu’il fut émané un nouveau writ pour l’élection d’un
nouveau membre, ce writ doit être signé par moi, et
je ne le signerai pas dans une telle circonstance ; je
n’ose me rendre participant de la violation d’un acte
du parlement, et je ne vois aucun autre moyen pour
éviter de le devenir que celui que je prends.

 » La seule objection qui puisse exister dans l’idée
d’un homme raisonnable contre l’éligibilité des juges,
vient de l’effet que peut produire la nécessité ou elle

— 95 —

les met, de solliciter les voix des électeurs. On ne
peut donc donner ancune objection bien fondée à ce
qu’ils siègent dans la chambre lorsqu’ils sont élus. »

Ce discours signalait l’irrégularité des procédés
delà chambre au sujet du juge de Bonne ; quoiqu’elle
eut passé l’acte pour rendre les juges inéligibles, cet
acte n’était pas encore en force, n’ayant pas reçu la
sanction royale, et l’eût-il reçu, il ne pouvait,*
conformément à un principe élémentaire de toute sage
législation, avoir d’effet rétroactif, et s’appliquer aux
juges siégeant en chambre. L’assemblée avait outre
passé ses pouvoirs, en excluant sans aucune saison
valable un membre légalement élu, mais comme le
seul recours du membre était un appel au conseil et
au roi ou à son représentant, le résultat prévu
c’est que le j uge de Bonne aurait gardé son siège, et
l’hostilité de la chambre était surtout dirigée contre
lui.

Aujourd’hui que nous jouissons d’un gouvernement
responsable, qu’aucune acte de tyrannie ou d’arbi-
traire ne peut avoir lieu, que le peuple est libre,
qu’aucune loi ou aucun pouvoir ne peuvent empêcher
la manifestation de l’opinion publique, on se fait
difficilement une idée delà triste position dans laquelle
se trouvaient les canadiens à cette époque.

« Nos compatriotes formaient la grande majorité,
c’était la population rurale, mais la richesse et l’in-
fluence auprès du pouvoir étaient de l’autre côté ° 7
maîtres sans concurrents du commerce qui leur appor-
tait la fortune, les anglais qui appartenaient à la nation

-96 –

du vainqueur, ne voyaient dans les canadiens que des
inférieurs, tandis qu’ils étaient leurs égaux ; les pre-
miers cherchaient par tous les moyens à les asservir et
à les dominer. Telles étaient surtout les idées de
Eyland, ancien militaire qui avait fait la campagne de
la guerre d’Amérique, et qui suivit Lord Dorchester en
Canada, en qualité de secrétaire. Malgré la position
secondaire qu’il occupait il n’en jouissait pas moins
d’une grande influence auprès de son patron et des
membres du conseil exécutif; ceux-ci le nommèrent
successivement leur grenier, puis chancelier, puis enfin
conseiller législatif. Envoyé en mission officielle par
le gouvernement canadien auprès du gouvernement
impérial, les instructions qu’il avait reçues concor-
daient parfaitement avec la haine qu’il avait vouée
aux canadiens ; au clergé catholique, et avec le désir
qu’il avait d’angliciser la population et de l’amener
au culte anglican.

Sir James Craig l’avait chargé d’obtenir du gouver-
nement impérial la suspension de la constitution, afin
de rendre le gouvernement indépendant du peuple,
d’obtenir pour le gouvernement canadien l’autorisa-
tion de s’emparer des biens des institutions religieuses,
et en particulier de ceux des sulpiciens et des jésuites,
les revenus de ces biens devant servir à payer les
dépenses du gouvernement, enfin, d’essayer de faire
donner à l’exécutif le droit de nommer aux cures.

Le gouvernement impérial quoiqu’engagé dans
une guerre s’occupa de ces demandes, grâce à la
persistance que Ryland y mettait, Liverpool, ministre

— 97 —

des colonies, le fit admettre à une séance du cabinet ou
il exposa ses demandes, ajoutant qu’on ne pouvait
être trop sévère pour les canadiens ; il traitait l’assem-
blée de bande de démagogues méprisables ; il aurait
probablement réussi à obtenir ses deux premières
demandes, sans l’opposition qu’il rencontra de la part
du chancelier Eldon ; ce ministre sentit l’injustice
qu’on. voulait commettre envers la grande majorité de
la population, il ramena ses collègues à son avis en
sorte que Kyland s’en revint au Canada sans avoir rien
obtenu, ce qui ne l’empêcha pas d’être bien accueilli ;
on savait qu’il n’en avait pas dépendu de lui s’il
n’avait pas eu plus de succès.

Avant cette entrevue, Ryland avait eu une conver-
sation avec Robert Peel, alors sous-secrétaire d’Etat,
il lui avait exposé la conduite de Sir James depuis
son arrivée en Canada, il croyait obtenir son approba-
tion surtout en lui disant que le gouverneur avait
l’assentiment de toute la population anglaise qui était
la plus riche et la plus influente. Robert Peel lui
répondit que si les anglais composaient la classe la plus
riche elle n’était pas la plus nombreuse, et il répéta
la môme remarque plus d’une fois en laissant entendre
que c’était impolitique d’agir contrairement aux
intérêts et aux préjugés de la partie la plus nombreuse
de la population. Dans une autre conversation qu’il
eut avec Lord Liverpool au mois d’août 1810, ils
parlèrent du Canadien, Ryland dit à Liverpool que
ceux qui le rédigeaient étaient des hommes de talents

mais sans fortune, sans principe, engagés dans la lutte

7

— 98 —

avec le gouvernement pour le forcer à leur donner des
positions. Il dit que quand à M. Bedard en particu-
lier, son premier motif était de parvenir au banc, mais
qu’il était tellement compromis, que la chose était
maintenant impossible, que Bedard sentait cela, qu’il
était décidé à se porter à des mesures désespérées.

Quand à la suspension de la constitution, Liverpool
était opposée à cet avis, peut-être, dit-il, les ministres
seraient-ils enclins à le partager, mais ils n’ose-
raient risquer leurs portefeuilles sur une semblable
mesure qui rencontrerait une très forte opposition. La
réunion des deux provinces en une seule, de manière à
jeter dans l’assemblée une plus grande proportion de
membres anglais, semblait dans l’opinion du noble
lord beaucoup préférable, et comme premier pas vers
ce but il suggérait d’assembler la législature à
Montréal. Eyland représentait le ministère anglais
comme très faible et affirmait que, advenant un chan-
gement, le gouverneur et le parti anglais gagneraient
tout ce qu’ils voudraient auprès des communes. Cette
opinion était énoncée parceque les canadiens comp-
taient tous leurs amis dans les rangs de l’opposition.

■000 »

CHAPITRE V.

Monseigneur Plessis. — Conversation avec Craig, — Arrestation
•<âe MM. Bedard, Ta«2hereau, Blanchet, Borgia et de l'imprimeur, Raison de l'exécutif. — Proclamation du Srouveraeur, — Elle est lue au prône et à l'ouverture de la Cour, — Le grand jury blâme le 'Canadien et le Mercury,—*- Essai de libération de M. Bedard — >
Prorogation du Parlement.— Instruction à Craig. — Le peuple
canadien chante.-— Causes de la conduite de Craig, — Ouverture
♦du Parlement — Discours de Craig. — Réponse de l’assemblée. —
Elle demande la libération de M. Bedard. — Refus du Gouverneur.
Loi de disqualification des juges passée. — Postes.— Impôts. —
Discours du Gouverneur,~-Fin de sa carrière. — Ce qu’il avait
offert à Monseigneur Plessis.— Conversation entre lui et Craig. —
Elargissement de M. Bedard.— Ryland poursuit sa mission «n
■Angleterre. — Sir George Prévost — Il réfuse de s’occuper du
•clergé catholique. — Modification de Pacte des suspects et de la loi
de milice. — Discussion entre le conseil et rassemblée au sujet de
la loi des -suspects, — Les Etets-Unis désirent la guerre. — Ils la
ux électeurs de la division ouest de
Montréal qui l’avaient élu unanimement avec M.
Gard en. Ce discours rapporté dans la Gazette de
Québec, du mois de juillet 1820, reflète les sentiments
de loyauté et de dévouement à l’empire britannique,
il fit le tour de la presse et se rendit même en Angle-

— 188 —

terre où il eut les honneurs de la publicité. M. Papi-
neau s’exprimait en ces termes.

 » Peu de jours se sont écoulés depuis que nous nous
sommes assemblés dans ce lieu pour le même motif
qui nous réunit aujourd’hui, le choix de représentants.
La nécessité de ce choix venant d’une grande calamité
nationale, la mort du Souverain bien- aimé qui a régné
sur les habitants de ce pays, depuis qu’ils sont devenus
sujets britanniques, il est impossible de ne pas expri-
mer nos sentiments de gratitude pour les bienfaits,
que nous avons reçus de lui, et les sentiments de
regret pour sa perte si profondément sentie ici, et
dans toutes les parties de l’empire. Et comment
pourrait-il en être autrement, quand chaque année de
son règne a été marquée par de nouvelles faveurs
accordées à ce pays. Les énumérer et détailler l’his-
toire de la province depuis tant d’années, prendrait
plus de temps que je puis en espérer de ceux à qui
j’ai l’honneur de parler. Qu’il suffise donc, à première
vue, de comparer l’heureuse situation ou nous nous
trouvons aujourd’hui, avec celle ou se trouvaient nos
ancêtres lorsque George III devint leur monarque
légitime.

 » Qu’il me suffise de rappeler que sous le gouverne-
ment français (gouvernement arbitraire et oppressif à
l’intérieur et à l’extérieur) les intérêts de cette colonie
ont été plus fréquemment négligés et mal administrés
que ceux d’aucune autre partie des dépendances fran-
çaises. Dans mon opinion, le Canada semble ne pas
avoir été considéré comme un pays qui, par la fertilité

— 189 —

du sol, la salubrité du climat, et le territoire étendu
pouvaient être la paisible résidence d’une population
considérable et heureuse ; mais comme un poste mili-
taire, dont la faible garnison était condamnée à vivre
dans un état d’alarme et de guerre continuelle — souf-
frant fréquemment de la famine, sans commerce, ou
avec un commerce de monopole par des compagnies pri-
vilégiées, la propriété publique et privée souvent mise
au pillage, et la liberté personnelle chaque jour violée.
En même temps que chaque année, la poignée de
colons établis en cette province étaient arrachés de
leur maison et de leur famille pour aller répandre leur
sang, et porter . le meurtre et la ruine des rives des
grands lacs, du Misais pi et de l’Ohio à celles de la
Nouvelle Ecosse, de Terreneuve et de la Eaie d’Hudson.
 » Telle était la position de nos pères ; voyez le chan-
gement. George III, souverain respecté pour ses
qualités morales, et son attention à ses devoirs, son
amour pour ses sujets, succède à Louis XY, prince
justement méprisé pour ses débauches, et son peu
d’attention aux besoins du peuple, sa prodigalité
insensée pour ses favoris et ses maîtresses. Depuis
cette époque le règne de la loi a succédé à celui de la
violence, depuis ce jour, les trésors, la marine et les
armées de la Grande Bretagne ont été employés pour
nous procurer une protection efficace contre tout
danger extérieur ; depuis ce jour ses meilleures lois
sont devenues les nôtres, tandis que notre religion,
noS propriétés et les lois par lesquelles elles étaient
régies nous ont été conservées ; bientôt après les pri-

— 190 —

viléges de sa libre constitution nous ont été accordés,
garants infaillibles de notre prospérité intérieure, si
elle est observée. Maintenant la tolérance religieuse,
le procès par jury, la plus sage des garantie3 qui ait
jamais été établie pour la protection de l’innocence,
la protection contre l’emprisonnement arbitraire,
grâce an privilège de Vhabeas corpus*, la sécurité
égale garantie par la loi à la personne, à l’honneur et
aux biens des citoyens, le droit de n’obéir qu’aux lois
faites par nous et adoptées par nos représentants, tous
ces avantages sont devenus pour nous un droit de
naissance, et seront je l’espère, l’héritage durable de
notre postérité. Pour les conserver sachons agir
comme des sujets anglais et des hommes indépen-
dants. »

M. Papineau dut rendre justice aux bienfaits que la
constitution anglaise nous avait procurés, aussi sut-il
par ce moyen acquérir de la popularité, non seulement
parmi se3 compatriotes, mais encore parmi les habi-
tants d’origine anglaise.

Le comte Dalhousie qui ouvrit le onzième parle-
ment le 14 décembre 1820, fit, après le choix de
M. Papineau comme président, un long discours dans
lequel il recommandait un grand nombre de sujets à
sa considération, la milice, le système judiciaire, les
postes, les subsides, l’agriculture, les voies de com-
munication intérieure et l’immigration. Il devait com-
muniquer aux chambres un exposé des recettes et des
dépenses des deux dernières années, et ces chiflres cfé-
montrer aient aux députes que les dépenses excédaient

— 191 —

les revenus de plus de vingt deux mille louis. Le
gouverneur recommandait une taxe permanente et
qui assurerait un revenu fixe, mais la chambre com-
prenant l’impossibilité d’établir un impôt permanent,
assura cependant à Dalhousie qu’elle ferait tout en
son pouvoir pour trouver les moyens les plus propres
à inspirer la confiance aux canadiens engagés dans le
commerce.

L’enquête sur M. le juge Bedard, le vieux patriote
des anciens jours de Craig, ne lui avait pas permis de
produire des témoins à décharge, aussi fit-il à la
chambre la demande de continuer l’examen des
témoins ; cette demande lui fut accordée mais pour la
prochaine session.

Plusieurs mesures importantes furent proposées,
entre autres celles relatives à l’incorporation des villes
de Québec et de Montréal, au recensement, à l’incorpo-
ration du barreau ; sur ce dernier bili M. Cuvillier
prétendait que les avocats ne devaient pas voter sous
prétexte qu’ils étaient intéressés, et il voulait faire
retirer M. Yiger de la chambre. Le président eut
bientôt fait justice de cette prétention ridicuJe, en
décidant que, quand les règles du parlement déclarent
un représentant inhabile à voter, pour intérêt, elles
entendent par là un intérêt particulier, et non pas les
intérêts généraux qui doivent résulter à la société et
au barreau d’une mesure de ce genre. M. Papineau
eut encore à se prononcer sur une question de privi-
lège. Le conseil avait passé une loi pour la décision
sommaire des causes de peu d’importance dars 1 s

— 192 —

campagnes, cette loi imposait certaines charges qui
devaient servir de rétribution au greffier de cette
cour sommaire. Le président refusa l’admission de
cette loi à rassemblée sous le prétexte qu’elle imposait
une charge sur le peuple, et que les lois de ce genre
devaient originer dans les communes ; et M. Neilson
profita de cette circonstance pour faire affirmer de
nouveau par la chambre, son droit indéniable de voter
les subsides et le mode de les percevoir.

Cependant l’assemblée avait toujours sur le cœur
les paroles de blâme prononcées contre elle par le duc
de Richmond, lors de la fermeture des chambres ; elle
ordonna la lecture de cette partie du discours du
gouverneur qui la concernait, et sur la proposition de
M. Neilson, déclara que ce discours contenait une cen-
sure de ses procédés, et que toute censure venant des
autres branches de la législature était un abus d’au-
torité, et une violation des droits et privilèges de la
chambre ; celle-ci pouvait adopter les moyens qui lui
conviendrait pour voter les subsides, pourvu que ces
moyens ne fussent pas contraires aux usages reçus
da is le parlement anglais. MM. Oldham et Tasche-
reau seulement se séparèrent de leurs collègues sur
cette proposition et votèrent contre.

M. Andrew Stuart obtint de la chambre que le
gouverneur donnât communication des titres de con-
cession de terres accordés à Milnes et à plusieurs con-
seillers exécutifs. Cette demande engagea la chambre
à constituer un comité d’enquête qui se continua
pendant plusieurs sessions, et grâce à la persévérance

— 193 —

et à l’habileté de M. Stuart, ce comité découvrit les
abus énormes, les vexations, les dilapidations par la
prodigalité des octrois aux favoris, enfin toutes les
fàrites dont le bureau des terres de la couronne s’était
rendu coupable.

La chambre reconnaissait plus que jamais combien
là mission de M. Gordon en Angleterre, comme
agent nommé par l’exécutif, pour représenter la pro-
vince à Londres, avec un salaire de deux mille louis,
était sans effet, aussi, ne le considérant que comme une
créature du gouverneur et de son entourage, elle biffa
des estimés l’item de son salaire, et nomma M. James
Stuart comme son agent en Angleterre, avec uu salaire
de deux mille louis ; la loi proposée à cette fin fut
rcjetce par le conseil exécutif.

Les estimés pour l’année 1820 furent communiqués
à la chambre, ils étaient divisés par classes, compre-
nant le gouverneur et son état major, la législature,
le conseil exécutif, les juges, le secrétaire, le receveur
général, les fonctionnaires préposés aux terres, bois
et forets, les pensions, etc., etc., le total s’élevait à
£44,000. L’assemblée, pour ne pas rencontrer d’op-
position au conseil, vota le budget par classes, sans
entrer dans chacun des détails; les estimés s’élevaient
à quarante quatre mille louis, elle en vota quarante
six mille. Le conseil rejeta la loi des subsides, sur le
principe qu’elle intervenait dans les prérogatives de
la couronne qui avait déjà ses appropriations, et
■qu’elle n’était pas conforme au désir du gouverneur

qui demandait tin vote permanent.
13

— 194 —

Plusieurs des sommes votées avaient leur destination
spéciale, conformément à d’anciennes lois, mais l’as-
semblée les comprenait dans son budget, afin de faire
un tout de toutes les dépenses qui se trouvaient ainsi
à tomber sous son contrôle. Le conseil avait d’avance
préparé sa détermination, en passant différentes réso-
lutions par lesquelles il déclarait qu’il ne procéderait .
pas sur aucune loi de subside, à moins que tels subsi-
des ne fussent demandés ou recommandés par le roi.

La chambre répondit au refus du conseil de donner
son concours à la loi des appropriations, par une réso-
lution déclarant que le conseil ne pouvait, ni lui pres-
crire ni lui dicter la manière de voter les subsides, non
plus qu’aucune autre mesure, que toute tentative à cet
effet était une infraction de ses privilèges, que le droit
de proposer des subsides lui revenait exclusivement,
et que les résolutions du conseil étaient contraires
aux usages parlementaires et à la constitution.

Le défaut de concours du conseil sur le bill des sub-
sides laissait le gouvernement sans aucun moyen de
subvenir à la liste civile pour l’année courante. L’as-
semblée mit à la disposition du gouverneur, une
somme égale à celle à laquelle se montaient les estimés,
s’engageant à ratifier ‘par un vote, à la prochaine
cession, l’emploi qu’en ferait le gouvernement. Le
gouverneur fit répondre à la chambre qu’il avait
vivement réfléchi aux circonstances qui avaient empo-
ché le bill des subsides de passer, qu’il était d’opinion
que l’offre d’argent était absolument inefficace sans le
concours du conseil. .

— 195 —

Aucune des chambres ne voulut céder. L’une
voulait toujours rejeter un bill de subsides détaillé, et
qui ne pourvoirait pas aux dépenses de la liste civile
pour tout le temps de la, vie du roi. L’autre voulait
entrer dans le détail des appropriations, au moins par
chapitres ou divisions départementales, et refusait de
voter pour une période pins longue qu’une année ; elle
voulait aussi comprendre indistinctement les sommes
accordées par des lois antérieures pour des fins spé-
ciales.

Le tems s’écoulait et la législation n’avançait guère.
M. Taschereau comprit que la négligence de la cham-
bre à s’occuper des mesures importantes que le
gouverneur avait recommandées pouvait le blesser,
aussi sur sa proposition, la chambre lui vota une
adresse pour l’informer que, si elle ne s’était pas occu-
pée de ses suggestions, c’était uniquement dû à des
circonstances incontrôlables et qu’elle s’engageait
bien à le faire à la prochaine session. M. Vallières
avait proposé une loi pour constituer le conseil légis-
latif en haute cour de justice, qui jugerait les accusa-
tions publiques qui origineraient dans l’assemblée,
mais cette mesure fut abandonnée, tant on s’attendait
peu à obtenir justice d’un corps composé en partie de
fonctionnaires, ou de personnes vendues corps et âme
à l’exécutif.

Yers la fin de la session, l’assemblée, fatiguée de
faire des représentations inutiles, et constatant que les
abus de toute sorte allaient toujours en augmentant,
résolut de faire une énumération de tous les griefs

— 196 —

dont elle avait à se plaindre et de les exposer au gou-
verneur dans une adresse ; ce qu’elle fit. L’adresse
préparée par MM. Vallières et Taché comportait les
neuf chefs suivants.

 » Premièrement— QvlQ dans l’opinion de cette cham-
bre, il n’est pas juste que la province soit chargée du
payement d’appointemens à un lieutenant-gouver-
neur, dont la province ne retire aucun service ou
avantage quelconque ; et que Son Excellence le
gouverneur en chef soit, en conséquence, humblement
prié de suspendre le payement de ses appointemens,
jusqu’à ce qu’il réside en cette province, et y rem-
plisse les devoirs de son office.

 » Secondement — Que dans l’opinion de cette cham-
bre, la situation de lieutenant-gouverneur de Gaspé est
entièrement inutile, et ses appointemens sont une
charge, qui n’est pas nécessaire, sur le public de cette
province, cet officier n’étant point non plus résident,
et n’ayant aucun devoir quelconque à remplir comme
lieutenant-gouverneur de Gaspé ; et que Son Excel-
lence soit en conséquence humblement priée de la
prendre en considération, et soulager la province de
la charge qu’elle a eue jusqu’à présent de payer ses
appointemens.

 » 1 roisièmement — Que le secrétaire de cette province
est aussi absent, et n’exerce pas en personne les
devoirs de son office ; et que cette chambre supplie
humblement Son Excellence le gouverneur en chef
de vouloir bien prendre les mesures nécessaires pour
que cet officier ne reçoive ses appointements qu’en

197

autant qu’il résidera dans cette province, et y accom-
plira les devoirs de sa charge.

 » Quatrièmement — Que dans l’opinion de cette
chambre, l’agent de cette province a été nommé inuti-
lement, et d’une manière différente des agens de la
plupart des autres colonies anglaises, et n’a en
conséquence aucun devoir à remplir pour cette pro-
vince ; que son office est, par conséquent, un fardeau
inutile sur le peuple de cet^e province, et qu’il plaise
à Son Excellence de le prendre en considération, et
soulager cette province de la charge qu’elle a eue,
jusqu’à présent, dans le payement de ses appointemens.

 » Cinquièmement — Qu’il est essentiel au bien-être du
gouvernement de Sa Majesté, en cette province, qu’il
ne fût accordé d’appointemens à aucun des membres
du conseil exécutif de Sa Majesté qui ne résident
point en cette province, et qu’en conséquence Son
Excellence le gouverneur en chef soit humblement
prié de retenir le payement de ceux qui n’y résident
point.

 » Sixièmement — Que dans l’opinion de cette cham-
bre la combinaison, ou réunion en une seule personne,
déjuge de la cour du banc du roi de Sa Majesté et
de traducteur français, ou de juge de la dite cour
et d’auditeur des comptes publics, ou de juge de la
dite cour du banc du roi et de vice amirauté, est
incompatible avec la dignité des offices judiciaires, et
tend à la détruire, ainsi que l’estime et le respect qui
sont dûs à ceux que Sa Majesté à élevés à ces places
importantes ; qu’il en est résulté beaucoup d’inconvé-

198

niens et de mécontentemens publics et que Son Excel-
lence le gouverneur en chef soit humblement prié
qu’il lui plaise gracieusement prendre ce sujet en
considération, et requérir les Messieurs, en qui ces
offices sont réunis, de faire leur choix de l’un des ‘dits
offices.

 » Septièmement — Que jusqu’à présent les appointe-
ments annuels de deux cens livres sterling ont été
accordés, par Sa Majesté, au juge de la cour de
vice-amirauté de Sa Majesté, en cette province, au
lieu d’honoraires, tel que mentionné dans une ordon-
nance du conseil législatif du Bas-Canada, de la 20e
Geo. 3, chap. 3, que, néanmoins, depuis l’année mil
huit cent dix, il a été exigé et reçu des honoraires par
le juge de cette cour, de ceux qui procèdent dan3
icelle ; ce qui, dans l’opinion de cette chambre, est
un obstacle manifeste à l’aministration de la justice
publique, préjudiciable à l’industrie et au commerce
de la province, et comme tel a en effet excité beau-
coup de mécontentement public, et que Son Excel-
lence soit, en conséquence, humblement priée de
prendre des mesures efficaces pour que les intentions
sages et salutaires de feu Sa Très Gracieuse Majesté,
telles que portées dans l’ordonnance ci-dessus men-
tionnée, soient strictement exécutées.

 » Huitièmement — Qu’il est résulté des ineonvémens
sérieux, de ce que l’office de greffier de la couronne
en chancellerie est occupé par un membre du conseil
législatif, M. Ryland ; vu la connexion immédiate
entre cet office et la chambre d’assemblée, et que

— 199 —

dans l’opinion de cette chambre, une seule personne
suffit pour remplir tous les devoirs de greffier de la
couronne en chancellerie, et que Son Excellence soit,
eu conséquence, priée de prendre ce sujet en considé-
ration.

 » Neuvièmement — Que les appointements accordés à
un des maîtres en chancellerie, devraient en justice
appartenir et être payes à la personne qui remplit les
devoirs de cet office, au lieu qu’il est à la connais sance
de cette chambre, et qu’il parait aussi par les comp-
tes publics mis devant elle par Son Excellence le
gouverneur en chef, que les appointemens accordés
à un maître en chancellerie ne sont pas payés au
maître en chancellerie qui remplit les devoirs de
l’office, et qu’en conséquence Son Excellence soit
humblement priée de prendre le sujet en considéra-
tion, et d’adopter sur icelui les mesures qu’elle jugera
expédientes pour empêcher la continuation de cet
abus, qui autrement pourra par la suite causer de
grands inconvéniens. »

Le gouverneur prorogea les chambres le 17 mars,
dans un discours ou, sous des paroles amicales, se
cachait un blâme réel, il regrettait de voir tant de mesu-
res importantes remises à une époque ultérieure et cela
parce que le temps s’était écoulé dans des délibéra-
tions oiseuses et inutiles.  » Dans vos prochaines déli-
bérations, disait-il, souvenez-vous que vous avez reçu
le système constitutionnel mis à votre portée par des
siècles d’expérience. Il n’est pas de question ou de
difficulté qui n’ait son précédent dans les annales de

— 200 —

l’histoire parlementaire de la Grande Bretagne, et je
ne pense pas qu’on ait besoin de désirer un guide
plus sage. »  »

Dans tout le pays rognait un malaise général,
l’union et la concorde si nécessaires, entre les habitants
d’un même pays, l’étaient, plus encore dans la pro-
vince, peuplée par des éléments différents, mais loin
de là, c’était les sentiments antipathiques et défiants
qui dominaient.. L’Angleterre après avoir accordé la
constitution, n’avait pas compris la nécessité de com-
poser les différentes branches delà législature, de per-
sonnes ayant des intérêts communs et par conséquent
capables de se comprendre, et de travailler efficace-
ment pour le bien public ; cette persistance des repré-
sentants du bureau colonial à nommer au conseil
législatif ceux qu’il croyait le plus dévoués à ses
intérêts, et le plus antipathiques à l’assemblée, entre-
tenait l’antagonisme entre le conseil et les cfommunes
qui, dans un gouvernement constitutionel, doivent se
prêter un mutuel secours.

Il était évident aussi que tant que les- ministres
persisteraient à laisser au conseil le droit d’immission
dans la question des subsides, et à le pousser à
demander le vote pour la vie du roi, il n’y aurait pas
d’entente possible. Il n’était pas facile de se dissi-
muler que l’opinion publique était avec la majorité
dans la chambre. M. Papineau en était le chef, et
le ministre des colonies, lord Bathurst qui s’était avisé
avec Sherbrooke à ce sujet, écrivit à lord Dallions: e de
tâcher de l’acquérir en le nommant conseiller exécn-

201

tif, et pour dissimuler toute tentative de corruption,
et ne pas lui faire perdre l’ascendant qu’il avait sur
ses compatriotes, il lui ordonnait de faire une ou deux
nominations en même temps ; Dalhousie se conforma
à ces instructions et nomma en même temps M. Hall
et M. Keady. M. Papineau comprit que sa présence
au. conseil ne servirait de rien, et il n’y siégea jamais ;
il en fut retranché en 1823.

En ouvrant la session, le 11 décembre 1821, le gou-
verneur ne rassura pas les esprits au sujet des sub-
sides. Il demandait de les roter pour la vie du roi, en
disant que c’était un principe que le parlement britan-
nique avait consacré, et qui devait être admis dans la
province. La chambre revint de suite sur la question
d’un agent à Londres ; elle nomma encore M. James
Stuart avec un salaire de deux mille louis ; le conseil
repoussa la mesure, en disant qu’il était déjà saisi do
ce projet de loi qu’il avait rejeté à la dernière session,
et qu’il ne reviendrait pas sur ses pas. De guerre lasse
l’assemblée résolut de confier à Marryat, membre des
communes, le soin de veiller à ses intérêts, mais le
conseil refusa son concours à cette mesure, en disant
que cette nomination, de même que celle qu’on vou-
lait faire de M. Stuart, était dérogatoire à l’autorité
du gouverneur qui seul avait le droit de nommer aux
emplois civils, qu’elle embarrasserait les ministres
et ferait naître la discorde et la méfiance entre les deux
branches de la législature ; ce serait aussi une entrave
à la dépêche des affaires. MM. Yallières et Bianchet
avaient été chargés de préparer sur l’état de la province,

— 202 —

des instructions pour être transmises à Marryatt,
mais celui-ci apprenant le refus du conseil de concourir
à sa nomination, refusa le mandat de la chambre, sous
prétexte que sa nomination n’était pas constitutio-
nelle.

Le gouverneur croyant ramener l’assemblée à ses
vues au sujet des subsides, modifia un peu sa demande
telle qu’il l’avait formulée dans son discours d’ouver-
ture, en faisant connaître à la chambre qu’elle pou-
vait voter, pour une année seulement, les dépenses
accidentelles ou accessoires, tel que les dons aux institu-
tions religieuses, les votes d’argent pour l’amélioration
des voies intérieures.

Depuis plusieurs sessions des amis de l’éducation
tentaient d’améliorer le sort des canadiens dans les y
campagnes. M. Blanchet introduisit une loi à’ cet-
effet, mais elle ‘resta dans l’oubli, vu la chaleur des
délibérations sur les subsides.

L’assemblée après avoir reçu la communication du
gouverneur et le budget pour Tannée 1822, demanda
à Dalhousie de lui communiquer les instructions
royales relativement à la liste civile, et ce que ces
instructions demandaient dans les années 1792, 1797,
1810 et 1818, pour pourvoir aux dépenses du gouver-
nement. Le gouverneur déclara qu’il était de son
devoir de refuser de mettre devant la chambre les
instructions royales à ce sujet à ses prédécesseurs,
parce que ces instructions étaient confidentielles, et que
d’ailleurs il ne serait pas décent de les faire tomber
dans le domaine de la discussion.

— 203 —

La politique commerciale de l’Angleterre n’avait
guère été favorable à ses colonies en général, et au
Canada en particulier. Le blocus’ continental ordonné
par Napoléon’pour appauvrir l’Angleterre, avait irrité
les ministres anglais qui, dans leur colère, avaient
prohibé l’entrée des vaisseaux étrangers dans les ports
anglais ; cette mesure avait bien, il est vrai, été modifiée,
mais pas encore assez pour donner au commerce toute
la facilité de s’étendre en Canada, surtout à cause de
l’impôt eur les bois, qui affectait aussi les bois de la
colonie américaine. La -.chambre prépara une adresse
au roi, à la chambre des lords et à celle des commu-
nes, lui demandant de remédier à ces abus qui affec-
taient tellement le commerce du Canada, que depuis
quelques années ses importations avaient diminué
d’un million et demi. *

La chambre s’était mise à l’œuvre, elle avait com-
mencé à examiner les estimés, en se proposant de
n’adopter le budget que item, par item, comme elle
avait fait précédemment, lorsque M. Taschereau
appuyé par M. Ogden qui tous deux depuis plusieurs
séances, s’étaient séparés de leurs collègues au sujet des
subsides, proposa de voter toute la somme demandée
par le gouverneur pour le soutien du gouvernement
et pendant la vie du souverain ; sa proposition était

* Deux mandats de prise de corps furent émanés contre deux
membres qui persistaient a s’absenter du parlement sans cause
légitime, ces deux membres étaient MM. St. Onge et Jones, ils furent
amenés à la barre et rirent des excuses ; quelques temps après l’él c-
tion de M. Jonea fut déclarée nulle, pour cause de corruption, et il
fut expulsé.

— – 204 —

conforme au désir du gouvernement anglais, mais elle
fut perdue par une grande majorité.

En môme temps la chambre voulut donner des
explications de son vote. Elle déclara que, si elle
n’accédait pas à la demande d’appropriation perma-
nente faite par le gouverneur, ce n’était pas par aucun
sentiment déloyal envers le souverain, mais unique-
ment pour des raisons incontrôlables.  » Les ressources
de la province, disait-elle, sont exposées à la plus
grand instabilité, à des diminutions fréquentes, parce
qu’outre les désavantages de la position géographique
et de la sévérité du climat, elle est exposée à voir son
commerce éprouver des changements, en vertu d’acte
du parlement impérial qui aurait l’effet de suspendre
et d’arrêter son commerce, surtout de l’empêcher
d’exporter ses produits, ses céréales. La province ne
peut espérer de voir se former de nouveaux établisse-
ments agricoles à raison des abus qui se sont glissés
dans la régie des terres de la couronne, et des nou-
veaux règlements adoptés pour la concession de ces
mêmes terres. Il n’y a pas non plus de loi pour
faciliter l’établissement d’écoles de paroissses, ou
d’écoles élémentaires. Les revenus de3 biens des
jésuites donnés à cet ordre pour promouvoir l’éduca-
tion dans la province, ne sont pas encore rendus à
leur destination primitive, malgré l’intention formelle
du roi George III.

 » La division des pouvoirs législatif, exécutif et judi-
ciaire, l’iudépendance des juges clanB leurs fonctions,
ainsi- que la responsabilité et la comptabilité des

— 205 —

officiers du gouvernement, attributs de la constitution
sont marqués en Angleterre ; ils ne se trouvent
pas dans la province, ou des pouvoirs et des fonctions
qui s’excluent mutuellement se trouvent réunis dans
les mômes persounes. Ces circonstances, outre l’éîoi-
gnement de cettt province du siège de l’empire, met-
tent les ministres hors d’état de surveiller les détails de
l’administration, qui ne peut être surveillée que par
la législature coloniale, et particulièrement par l’as-
semblée. Un autre moyen de contrôle serait illusoire.

 » La dépense du gouvernement civil de la province
fait presque la totalité de la dépense publiqne, tandis
que la partie des revenus affectés à ce qu’on appelle la
liste civile, dans la Grande Bretagne, se trouve dans
une proportion très faible avec les d -‘penses du gou-
vernement qui sont votées annuellement. Sous ce
rapport, bien loin de se mettre dans une position
analogue avec celle de la Grande Bretagne, en affec»
tant les revenus publics d’une manière permanente
à la dépense du gouvernement civil, la province se
trouverait dans une situation contradicto-re avee la
métropole.

 » Le revenu territorial abandonné à la province par
George III pour le soutien de son gouvernement, le
p’oduit des actes du parlement anglais qui pourvoit
à l’établissement d’un revenu perpétuel avec une
somme annuelle de cinq mille louis, appropriée de la
même manière par un acte de la législation coloniale
pour pourvoir aux dépenses de l’administration de la
justice, formeraient en effet un revenu perpétuel qui

— 206

excéderait toutes les dépenses annuelles du gouverne-
nient civil de la province, aux taux auxquels elles
étaient portées en 1797.

a Dans la réalité, les raisons qui ont pu engager le
parlement a pourvoir pour la vie du roi et les dépenses
de la maison, et de ce qui compose ce qu’on appelle
la liste civile dans la mère patrie, n’ont jamais reçu
d’application clans la colonie, et il n’y a sous ce
rapport aucune analogie. L’appropriation permanente
des sommes nécessaires pour défrayer les dépenses du
gouvernement civil de la province, entraînerait de la
part de l’assemblée l’abandon d’un des -plus anciens
privilèges, et des droits les plus constamment exercés
par les assemblées coloniales, elle perdrait par là
même le poids qu’elle doit avoir, et celui du peuple
qu’elle représente, elle se priverait en outre par là
des seuls moyens praticables de recueillir l’emploi du
revenu public, droits et privilèges également néces-
saires pour le gouvernement du roi, comme pour la
sécurité de ces sujets dans la province. »

Telles étaient les raisons principales que la chambre
alléguait pour ne qas donner son adhésion à un vote
permanent du budget, raisons qu’elle consigna dans
une adresse à George IV que lord Dalhousie promit
de transmettre en Angleterre.

La chambre avait’ aussi déclaré formellement qu’elle
rendrait le receveur général responsable de toute
somme d’argent qui serait dépeusé par lui sans un
vote préalable.

Le conseil s’occupait de la question des subsides, et

— 207 —

quelques membres qui formaient il est vrai la minorité,
voulaient céder à l’opinion de la majorité de l’autre
chambre, et M. Debartech avait proprosé de révoquer
les résolutions que le conseil avaient passées condam-
nant la démarche de l’assemblée ; M. Richardson lui
répondit:  » comment pouvons-nous rescinder nos réso-
lutions quand il y a un comité secret siégeant dans la
chambre d’assemblée qui peut être délibéré sur la
nomination d’un gouverneur de son choix, et de
déplacer celui qui réside au château pour mettre le
6ien ? Le comité siège même à l’insçu de plusieurs
membres de la chambre, ce dont on n’a eu d’exemple
que dans les temps de Charles 1 en Angleterre.
C’est propablement un comité de salut public. » Ce
langage insolent fut dénoncé à la chambre par un des
membres M. Quironet. M. Bourdages proposa de
présenter une adresse au gouverneur, le priant de
destituer M. Richardsou de tout office ou place d’hon-
neur qu’il pouvait tenir du gouvernement, attendu
que le langage qu’il avait tenu était faux scandaleux
et méchant, qu’il tendait à détruire la confiance du
roi dans les députes ; que c’était une infraction aux
privilèges de l’assemblée. Le gouverneur répondit
que cette adresse renfermait en elle même des consé-
quences de la plus haute importance, que la résolution
lui paraissait être exprimée dans un langage qui ne
convenait nullement à la dignité d’un corps législatif,
qu’elle affectait les droits du conseil législatif et celui
de la liberté des débats, que pour ces raisons il deyait
se refuser à la demande de l’assemblée.

— 208 —

Le conseil demanda à la chambre une apologie dô
ce qu’elle avait résolu au sujet d’un de ses membres.
La chambre protesta de ses bonneâ intentions pour le
bien public, et de’ ses droits incontestables de réprimer
les offenses commises à son préjudice, et de condamner
les injures qui retombaient sur elle.

Dans une communication ultérieure Lord Dalhousie
informa la chambre qu’il allait consacrer les revenus
territoriaux, et en général tous les revenus affectés
par les actes impériaux et coloniaux, au payment de
la liste civile, au payment des dépenses indispensa-
bles, mais qu’il ne s’occuperait nullement des autres
besoins publics. Il avait aussi, quelque temps aupa-
ravant, donné à la chambre la réponse du roi à
l’adresse de l’assemblée dans laquelle elle lui avait
exposés^ pendant la dernière session, les griefs relative-
ment aux sinécures. Le roi refusait complètement
d’accéder à sa demande, d’abolir les sinécures d’un
ljeuteuant à Gaspé, d’un secrétaire colonial et d’un
agent à Londres ; selon lui, la position de lieutenant
gouverneur à Gaspé devait être maintenue avec un
salaire convenable ; quand au secrétaire de la province,
celui qui remplacerait le secrétaire actuel devrait
aller résider en Canada. L’agent colonial nommé par
le gouverneur devait aussi être maintenu.

Ce fut en partie cette réponse qui en irritant les
esprits des députés, les engagea à persister dans leurs
prétentions au sujet des subsides, et augmenta encore
l’animosité contre le conseil, animosité qui se traduisit

— 209 —

à la première occasion par la verte censure prononcée
contre un de ses membres.

Les prétentions toujours croissantes du Haut-
Canada sur la part des revenus à laquelle il
prétendait avoir droit augmentaient toujours, le
cinquième des impôts ne lui suffisait plus ; il voulait
une plus large part, et reclamait des arrérages qui ne
lui étaient pas dûs.

Des commissaires nommés de part et d’autre s’as-
semblèrent à Montréal mais ne purent s’entendre,
ceux du Bas-Canada refusant d’accéder aux prétentions
de ceux du Haut. Ce nouveau brandon de discorde
avait été employé par les amis du pouvoir qui visi-
taient le Haut-Canada. La chambre fut informée des
démarches de l’autre province, elle voulait séparer
ses intérêts de ceux du Haut-Canada en^ établis-
sant une douane à Lachine, le lieu ou passait
les marchandises consommées dans l’antre province,
mais elle n’eût pas le temps de passer aucune mesure
à cet effet, ayant été prorogée subitement le 18 février ;
le gouverneur dans le discours de prorogation, expri-
mait son regret de voir qu’on avait eu encore recours
à la mesure accoutumée de ne pas voter les subsides,
mais il avait la satisfaction de pouvoir dire que
l’administration du gouvernement n’en souffrirait pas.
Le refus de l’assemblée n’affectait que les institutions
bienfaisantes ou charitables, et l’amélioration de la
province,

ooo — — –

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CHAPITRE IX.

Idée de l’union.— Projet de loi à ce sujet par M. Wilmot. — S®
teneur. — Assemblées et résolutions pour et contre l’union. —
Lettre de Mgr. Plessis à MM. Sherbrooke et à M. Papineau. — •
Projet d’Ellice déjoué. — Discours de M. Wilmot— Le Haut Canada
hostile. — L’union. — Succès de MM. Papineau et Neilson. — M*
Vallières — Résolutions de l’assemblée contre l’union. — Amende-
ment de M. Ogden. — Conseil hostile à l’union — Budget voté item
par item. — Questions des biens de la couronne — L’union aban-
donnée par l’Angleterre. — M. Neilson puni. — Ouverturs de la
session. — Défalcation de Caldewell. — Défaut de cautionnement de
ce dernier. — Saredition de comptes— Davidson envoyé en Angle-
terre. — Il demande l’augmentation de la représentation anglaise. —
L’abolition de la peine de mort en certain cas. — Abolition de la
peine du fouet et du pilori. — Proposition Caldwell. — Tentative de
Dalhousie auprès de M. Vallières. — Mémoire de Dalhousie au
gouvernement anglais au sujet des catholiques — M. Papineau élu
président. — Lettre de Macintosh. — Intervention des conseillers
législatifs dans les élections. — Biens des jésuites réclamés pour
l’éducation. — Responsabilité ministérielle. — Mort des Evêques
Plessis et Mountain.

Lorsque Pitt avait fait passer la loi qui donnait le
gouvernement constitutionnel au Canada, la clause
qui divisait la province en deux parties pour les fins
politiques, avait rencontré une forte opposition de la
part de quelques membres des communes qui voulaient
une seule organisation politique pour toute la province,
c’était selon eux le seul moyen de faire disparaître la
nationalité canadienne française. Lymburner, qui à
cette époque était un des cliefs de l’opposition,
prétendait que l’amalgame des deux nationalités se
ferait plus rapidement, et qu’on devrait par tous les
moyens essayer d’obtenir ce résultat, afin de former
une colonie puissante et dont la loyauté serait certaine.
Le parti dont il se faisait l’organe craignait alors que

ail-
les canadiens ne conservassent des sympathies pour la
France, la patrie de leurs ancêtres.

Cette idée était resté gravée dans l’esprit des
anglais du Bas-Canada, et les difficultés incessantes
relatives aux subsides, jointes aux prétentions du
Haut-Canada sur les revenus généraux de la province,
firent naître dans l’esprit du cabinet anglais l’idée
d’unir les deux sections de la province. Le parti
anglais, sans cesse en communication avec ses amis de
la métropole, animé du désir de dominer les anciens
habitants de la colonie, et des sentiments de haine
qu’augmentaient encore les préjugés religieux et
nationaux, avait exclusivement les sympathies du
bureau colonial, et les gouverneurs abondaient dans
le sens de ce parti afin de s’en faire un ami et de
s’assurer de son influence à Londres. Toutes ces
machinations réunies amenèrent le projet du bill de
l’union qui fut proposé par M. Wilmot alors ministre
de l’intérieur aux communes en 1822 ; ce projet
était considéré comme une mesure de nécessité.

Par cette loi, on augmentait la représentation
anglaise du Bas-Canada en créant six nouveaux
comtés dans les cantons, et les circonscriptions
électorales devaient être remaniées de manière qu’il
n’y eut plus que soixante députés avec une qualifica-
tion de cinq cent louis. Deux membres du conseil
exécutif devaient avoir siège dans l’assemblée avec
voix délibérative dans les débats. La durée de chaque
parlement devait être de cinq années. La législature
n’aurait pas le droit d’emprisonner aucun sujet

— 212 —

« britannique pour violation de ses privilèges, à moins
d’un acte passé à cet effet. Tous les procédés par
écrit des deux chambres devaient être rédigés en
langue anglaise, et après quinze ans de la passation
du bill, les débats devaient être exclusivement en
en langue anglaise. La religion catholique était
maintenue conformément au traité de Versailles, mais
sujette à la suprématie du roi auquel était conféré le
pouvoir de la collation des abbayes et des cures, qui
jusqu’alors était du ressort de l’évêque catholique.

Tels étaient les principaux dispositifs de ce projet
de loi qui, lorsqu’il fut connu en Canada, créa un
profond sentiment d’indignation parmi les canadiens,
et un sentiment de joie parmi les anglais.

Des assemblées publiques eurent lieu à Montréal et
à Québec pour et contre l’union, et des résolutions
furent passées dans les deux sens.

Les anglais de Québec par leur requête se plai-
gnaient de ce qu’avec le régime politique actuel, les
entreprises commerciales el l’introduction des capi-
taux étaient paralisées par les préjugés invétérés et
l’opposition systématique des canadiens français, leur
prépondérance dans l’assemblée empêchait toute
législation propre à encourager le commerce et l’in-
dustrie. Non contents de cela ils empêchaient encore
l’assimilation de la langue, des lois, des mœurs et des
institutions de la province avec celles de l’Angleterre.

Les résolutions de l’assemblée de Montréal présidée
par M. Kiehardson furent encore plus exagérées.
Elles condamnaient la politique de l’Angleterre qui

— 213 —

avait divisé la province, et dans laquelle la population
anglaise du Bas Canada se trouvait sans force. La
population française, disaient ces résolutions, quelque
temps après l’octroi de la constitution, avait bien il
est vrai marquée quelque déférence à ses compatriotes
d’une autre origine, mais bientôt incapables de jouir
sagement de ses immunités politiques, elle était
tombée dans des excès d’intolérance et de fanatisme,.

Sans l’union cette population conserverait son
ascendant. L’extension progressive des canadiens, les
autorisait à croire à leur existence politique séparée,
sous la dénomination de nation canadienne.

En maintenant l’ordre de cbose actuel, le gouver-
nement se préparait des désagréments ; il amènerait
visiblement l’indépendance d’une nation qui devien-
drait l’alliée d’un peuple étranger, et qui asservirait
les habitants anglais à son joug. M. Stuart, que l’as-
semblée avait toujours choisi pour être son agent en
Angleterre, et que le château venait d’acquérir par la
promesse de le faire juge, trahit dans cette circons-
tance la confiance que les canadiens lui avaient
toujours témoignée.

Partout où il y avait un noyau de population
anglaise, on dressait des pétitions dans le même sens.
Par contre, il y eut deux assemblées publiques contre
l’union, l’une à Québec le 7 octobre, présidée par M.
Keilson, et l’autre, le 14 à Montréal, présidée par
MM. Guy et Viger. Des comités furent nommés dans
ces deux villes, celui de Montréal était compose

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exclusivement de canadiens, celui de Québec, com-
prenait quelques anglais.

Ces deux comités s’entendirent ensemble pour pré-
parer contre l’union une adresse au roi et aux cham-
bres anglaises. Cette adresse fut signée par au moins
soixante mille canadiens. Le clergé, qui voyait ses
intérêts temporels et sa suprématie spirituelle mis en
danger, encouragea ce mouvemeut. M. ISeilson fut
député par le comité de Québec, et M. Papineau par
celui de Montréal pour aller porter cette adresse en
Angleterre ; tous deux acceptèrent cette noble mis-
sion ; M. James Stuart fut chargé d’aller soutenir en
Angleterre la requête des partisans de l’union.

Monseigneur Plessis, dont la vigilante surveillance
s’étendait aux intérêts temporels comme aux intérêts
spirituels de ses diocésains, avait compris le danger
de la loi projetée, il s’adressa à Monseigneur Poynter,
à Lymburner et à quelques autres. H adressa aussi
à ce sujet la lettre suivante à Sir John Sherbrooke.

 » La brèche qui séparait nos deux chambres s’est
élargie au lien de se refermer,…. En général
les choses ont été mal depuis votre départ, et cette
circonstance justifie la douleur très sincère que j’avais
de vous voir laisser cette province, avant d’avoir eu
le temps de consolider le bien que votre présence
y avait opéré…. Le remède qui fut suggéré le
printemps dernier à la chambre des communes
d’Angleterre, ferait assurément plus de mal que de
bien. Réunir les deux provinces dans un parlement
commun, attaquer la religion du pays, prendre des

— 215 —

mesures pour faire disparaître la langue de la
très-grande majorité des habitants, voilà des mesures
dont on suppose que le parlement impérial ne se
serait jamais occupé, si elles n’avaient été suggérées
d’ici par quelqu’un de ces personnages que vous
connaissez et qui, à la faveur du nouvel ordre de choses,
espéreraient concentrer de nouveau l’autorité dans leurs
mains et écarter des affaires les personnes les plus
intéressées au bien général du pays. Aussi la masse
des Canadiens s’est- elle réunie pour pétitionner le roi
et le parlement impérial, afin que rien ne fût changé
à la constitution, telle qu’elle existe depuis 1791. Quant
à la réunion des esprits, elle s’opérera par tout gou-
verneur qui, à ses autres excellentes qualités, saura
joindre celle de se défier des gens qui l’obsèdent, et
de se rendre communicatif à tout le monde. Ce fut
par ces moyens que vous parvîntes à rétablir la paix
entre des gens qui étaient aussi opposés les uns aux
autres qu’ils le font présentement. »

Il écrivit aussi à M. Papineau avant son départ
pour l’Angleterre.

 » On ne saurait, disait l’évêque à l’éminent patriote,
donner trop d’éloges à votre dévouement pour votre
patrie. Il est d’autant plus méritoire que vous avez
en tête des ennemis obstinés et puissants qui cherchent
à vous fermer toutes les avenues et qui ont le secret
d’amalgamer leurs intérêts avec ceux du gouverne-
ment. Aussi n’osé-je me flatter que vous ayez accès
auprès des minières. J’ai dernièrement écrit à Sir
John Sherbrooke, à M. Adam Lymburner et au doc-

216 —

tenr Poynter, Pévêque catholique de Londres, auquel
j’ai transmis une copie du Bill oV Union, tel que
projeté l’été dernier par le gouvernement impérial. . .
M.Adam Lymburner, qui demeure à Londres,….
peut vous être d’un très-bon conseil. C’est un vrai
ami de ce pays, où il a passé une partie de sa vie, et
tous savez qu’il fat député de la province pour l’ob-
tention du statut de 1791.

….  » Attendez vous que la plupart de ces mes-
sieurs blâmeront la chambre d’assemblée du Bas-
Canada d’avoir refusé, dans sa dernière session, la
liste civile telle que demandée, au nom du roi, par
lord Dalhousie. Je ne doute pas que ce refus n’ait
été la cause qui a amené ce Bill oV Union, dont vous
pouvez croire que toutes les clauses sont parties
d’ici. »

Cependant la mesure restait sur les ordres du jour
de la chambre des communes. Ellice ancien habitant
du Canada, marchand heureux, gendre du comte
Grey alors chef du parti whig, jouissait par sa fortune
et ses alliances d’une grande influence, il l’employa
pour détruire l’œuvre de Pitt, et décida le cabinet
anglais à présenter la loi de l’union aux cemmunes
anglaises. Elle était sur le point d’être adoptée,
lorsqu’un marchand anglais nommé Parker, qui avait
eu des rapports commerciaux avec le Canada en eut
connaissance et résolut de déjouer les projets d’Ellice.

Ennemi acharné d’Ellice qu’il accusait d’avoir fai-
des spéculations véreuses avec lui-même et avec
d’autres marchands, Parker s’empressa d’obtenir une

— 217 —

audience des ministres auxquels il voulut persuader
qu’ils étaient la dupe d’un fourbe et d’un fripon, mais
il ne fut pas écouté. Alors il s’adressa à quelques
membres de l’opposition ; MM. Macintosh, Burdett,
Bright et M. Lymburner lui-même, organisèrent une
forte opposition qui fit échouer la loi à sa seconde
lecture. M. « Wilmot n’eût pas honte de tenir dans
cette circonstance le langage suivant, et qui marquait
combien peu on respectait l’opinion publique des
canadiens.

 » Je vous supplie de passer cette loi sur-le champ.
8i vous différez à l’an prochain, vous recevrez tant de
pétitions contre la mesure, qu’il deviendra fort difficile
de l’adopter, quelque utile qu’elle puisse être à ceux
qui s’y opposent par ignorance ou par préjugé. D’ail-
leurs elle ‘est indispensable pour faire disparaître les
difficultés qui existent entre le conseil exécutif et
rassemblée. » Malgré cette supplication pressante, sir
James Macintosh et ses amis persistèrent dans leur
opposition, et firent renvoyer la loi à l’année suivante.

Les habitants du Haut-Canada sur l’appui desquels
3e parti anglais avait compté, se déclarèrent hostiles à
l’union. Ils trouvaient que la loi introduite dans la
chambre des communes leur était désavantageuse, en
ce qu’elle ne décrétait pas une égalité représentative
pour les deux sections de la province, et qu’ainsi leurs
intérêts seraient à la merci des députés du Bas Canada ;
ils prévoyaient que la division existerait toujours entre
eux et les habitants du Bas Canada.

Une fois éclairé sur les véritables sentiments du

— 218 —

peuple canadien, le ministère anglais se décida à
retirer son appui à la loi de l’union.

MM. Papineau et Neilson eurent un plein succès,
ils furent informées que le gouvernement n’avait pas
l’intention de soutenir au parlement la mesure de
l’union des provinces, le secrétaire du bureau colonial
leur écrivit aussi que si la question se présentait de
nouveau, avis en serait donné aux canadiens afin
qu’ils pussent défendre leur cause devant le parlement
anglais.

Lors de la convocation des chambres, le 10 janvier
1823, le grenier donna à la chambre communication
d’une lettre de M. Papineau, président de l’assemblée,
lui annonçant qu’il ne pourrait se trouver à la chambre
pendant la session. Je dois ajouter, disait-il, que la
situation aussi imprévue que cruelle dans laquelle se
trouve placée cette province loyale, exposée à voir
altérer de la manière la plus funeste aux droits des
habitants, la constitution sage qu’un gouvernement,
aussi éclairé que juste leur a donnée et qui est
devenue leur bien, devient l’occasion de mon absence
…. mais j’ai cru devoir consentir à me charger d’une
tâche très-pénible et d’une grande responsabilité en
passant en Angleterre pour y porter la requête que
les habitants de la colonie viennent si généralement
de signer. »

MM. Viger, Taschereau et Yalières furent successi-
vement proposés à la présidence, ce dernier fut élu et
le choix de l’assemblée fut approuvé par le gouver-
neur qui dans le discours d’ouverture, mentionna le

— 219 —

projet d’uu’on qui avait été remis, afin de donner
l’occasion de faire connaître les sentiments dn peuple
des provinces à cet égard. Aucun acte d’appropriation
n’ayant été passé, le gouverneur avait cru devoir
prendre sur lui de payer les dépenses ordinaires pour
les premiers six mois qui s’étaient écoulés depuis la
dernière session, mais il ne s’était pas cru justifié de
le faire pour aucun temps au-delà de cette époque, et
il restait des arrérages considérables dûs aux servi-
teurs publics. Il appela l’attention de la chambre sur
CJt inconvénient et exprima l’espoir qu’elle y remé-
dierait.

Le courte de bonne correspondance entre les deux
chambre?, fut nommé à l’assemblée et au conseil.
Le gouverneur informa les chambres que le lieutenant
gouverneur Sir Francis Burton était arrive à Québec,
et demanda de lui donner un traitement convenable
qui fut porté à deux mille cinq cent louis.

La chambre s’occupa de suite du projet de l’union
contre lequel elle passa les résolutions les plus énergi-
ques.

 » L’assemblée, disaient ces résolutions, a partagé la
surprise et la douleur éprouvées par la très-grande
majorité des sujets de Sa Majesté en cette province,
en apprenant que les ministres de Sa Majesté ont
proposé ces changements dans le statut qui a établi
notre constitution, et particulièrement l’union des
législatures du Haut et du Bas-Canada en une seule.

 » L’assemblée est intimement persuadée que la cons-
titution donnée à cette province par ledit statut, et la

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séparation de cette province d’avec le Haut-Canada,
furent de la part du parlement impérial un acte de
justice autant que de bienveillance envers les habitants
de l’une et de l’autre province, en donnant aux uns
et aux autres les moyens de conserver intacts les droits
et les privilèges qui leur ont été garantis et assures
par la foi du gouvernement.

 » La passation du dit statut a été un des moyens les
plus efficaces [de faire connaître aux habitants de
cette province la justice et la magnanimité du carac-
tère britannique, et a pour toujours assuré au gou-
vernement de Sa Majesté la confiance, l’affection et la
fidélité inébranlables de toutes les classes des sujets
de Sa Majesté en cette colonie.

 » Le dit statut modelé sur la constitution de la mère-
patrie par quelques-uns des plus grands et des plus
sages de ses hommes d’éiat, établit des pouvoirs
sufUsants pour réformer les abus, réparer les torts,
appaiser les mécontentements, et pourvoir au bien-être
général de la province.

 » Non seulement les raisons qui ont occasionné la
passation du dit statut existent encore clans toute leur
force, mais elles ont même acquis un degré de force
additionnel par l’heureuse expérience qu’en ont
faite les habitants de cette province, et pareequ’ils le
regardent avec raison comme la base permanente de
leurs lois, de leurs institutions, et de leurs droits les
plus chers.

 » Si les changemens proposés étaient adoptés par le
parlement, il en résulterait que deux provinces ayant

— 221 —

des lois, des établissements civils et religieux et des
habitudes différents essentiellement entre eux, seraient
soumises à une seule législature, dont les décisions
menaceraient tour à tour les lois et les institutions de
l’une et de l’autre province ; qu’il s’en suivrait des
inquiétudes bien fondées sur la stabilité de ces lois et
de ces institutions, des doutes funestes sur le sort futur
de ces colonies, et l’affaiblissement de l’énergie et de
la confiance des peuples et des liens qui les unissent si
fortement à la mère patrie.

 » Enfin, le sentiment d’un devoir impérieux doit nous
porter à représenter humblement à votre honorable
chambre, que si cette mesure avait lieu, elle tendrait
à affaiblir ce sentiment profond d’intérêt qui renforce
si puissamment celui de la reconnaissance et de la
fidélité dont le peuple de cette province est pénétré
envers le gouvernement et la personne sacrée de Sa
Majesté. »

La chambre adopta ces résolutions presqu’à l’una-
nimité. Ogden cependant proposa un long amende-
ment en faveur de l’union.  » La raison disait-il, pour
laquelle l’union a causé une profonde alarme parmi
les sujets d’origine française, est counne du gouverne-
ment de Votre Majesté, et s’il devenait nécessaire de
déduire des raisons pour prouver combien la mesure
que le gouvernement de « Votre Majesté vient d’adop-
ter est nécessaire, les suivantes pourraient être énon-
cées et considérées comme conclus! ves sur ce sujet ;
une jalousie et un manque de confiance en l’honneur
et la droiture du gouvernement impérial, sur toutes

— 222 —

les mesures qu’il a pu adopter pour promouvoir le
bonheur des sujets canadiens de Votre Majesté, a été
entretenue avec malheureusement trop de succès
parmi les ignorants et les imprudents, la crainte d’une
innovation ou d’un changement des anciennes coutu-
mes et habitude agit fortement sur cette classe bien
intentionnée mais sans éducation des habitants de
cette province, et dans le cas où cette entrave à faire
goûter les sentiments et les principes d’un sujet
britannique ne serait pas par elle même suffisante,
elle a été adroitement fortifiée au moyen de considé-
dérations religieuses. Les garanties inviolables des
traités et des actes du parlement impérial, ont à peine
servi à dissiper le manque de confiance qu’il est jugé
nécessaire d’alimenter sur ce sujet, et Yotre Majesté
peut seule pleinement et équitablement apprécier
jusqu’où cet esprit devient justifiable dans la réalité
des choses, et jusqu’où il est consistant avec la saine
politique de s’y soumettre. »

Cette amendement aussi intempestif que ridicule,
au milieu de la réprobation générale que causait le
projet d’union parmi les canadiens ne fut appuyé
que par deux anglais Oldham et Gardner. Le prési-
dent de la chambre le repoussa sur le principe qu’il
était diamétralement opposé aux résolutions que la
chambre venait d’adopter. Ogden en appela à la
chambre de la décision du président, mais cet appel
fut rejeté. Le gouverneur s’engagea à transmettre
l’adresse de l’assemblée au roi et aux chambres
anglaises.

223

Le conseil législatif lui-même forcé par l’opinion
publique se déclara hostile à l’union parcequ’elle avait
pour résultat d’affaiblir le gouvernement de la colonie,
et qu’elle crérait des mécontentements parmi la plus
grande partie de la population de la colonie.^ L’a dresse
du conseil ainsi que celle de l’assemblée fut envoyée
à MM. Papineau et Neilson. Kyland avait essayé de
faire passer au conseil des résolutions favorables à
l’union, mais il ne trouva que cinq de ses collègues
pour l’appuyer, M. Riehardson, Grant, Irvine,
McKenzie et Felton.

Le Canadian Times, feuille publiée à Montréal,
voulut censurer ces adresses, en disant que les majo-
rités par lesquelles elles avaient été emportées démon-
traient combien la composition de ces deux corps était
complètement anti-britannique ; un mandat de prise
de corps fut lancé contre les propriétaires de cette
feuille par ordre de l’assemblé, mais ils se cachèrent
pour éviter l’emprisonnement ou la censure.

Depuis longtemps les cantons de Test se plaignaient
non seulement de ne pas être représentés dans l’assem-
blée, mais encore de ne pouvoir jouir de la protection
des tribunaux, à cause de leur éloignemen f . La
chambre en annexa les différentes parties aux comtés
environnants pour les fins électorales, et forma une
nouvelle jurisdiction judiciaires avec une cour infé-
rieure qui devait siéger à Sherbroke.

La chambre fit remarquer au gouverneur l’in- on-
vénient qui résulterait de la nomination de M. Sewd’
comme shérif, qui se trouvait être le fils du juge en

— 224 —

chef, le juge se trouvait ainsi sujet à récusation et
incompétent à juger dans tous les cas ou le shérif
pourrait se trouver accusé par l’une ou l’autre des
parties en litige, mais lord Dalhousie ne fit aucun cas
de cette représentation.

La nomination d’un agent en Angleterre revint
de nouveau sur le tapis, l’assemblée en affirma
la nécessité et envoya cette résolution au conseil qui
la repoussa.

Le vote confirmant les dépenses faites par le gou-
verneur depuis 1818 que la chambre refusait les
subsides fut agréable au pouvoir, ces dépenses se
montaient à £198,601.

La session allait bientôt finir ot on n’avait pas
encore abordé la question des subsides, on attendait
avec anxiété les débats sur cette question qu’on
présumait devoir se résoudre comme les années
précédentes. L’attente générale fut trompée. Les
estimations des dépenses probables de l’année avaient
été envoyées à la chambre par le gouverneur, avec la
remarque que les dépenses régulières étaient couvertes
par les revenus ordinaires affectés au payment de ces
dépenses. Il restait à pourvoir aux améliorations et
aux annuités des institutions de bienfairance et de
charité. Cette distinction fut éludée par l’assemblée
qui vota le budget item par item comme elle avait
toujours prétendu qu’elle avait droit de le faire. Le
conseil, conduit par les miuistres qui avaient reçu de
l’Angleterre l’ordre de ne plus s’opposer au bill des
subsides tel que la chambre le presserait, adopta la

— 225 —

loi des subsides en déclarant cependant, pour l’acquit
de sa conscience, que c’était à cause des circonstances
particulières ou se trouvait le pays, et que son acqui-
escement ne devait pas être considéré comme un
précédent pour l’avenir.

La question de l’octroi des terres de la couronne
était’sans cesse à l’ordre du jour, la chambre voulait
connaître le fond de cette affaire. Ryland qui avait
été longtemps l’administrateur de ces biens, refusa de
répondre aux questions qui lui furent posées dans
l’enquête tenue à ce sujet ; la chambre s’en plaignit au
gouverneur qui ne décida rien. Lord Dalhousie
refusa ausei de donner à la chambre, communication
des instructions royales quïl avait reçues au sujet de
l’emploi des revenus des biens des jésuites, et prorogea
les chambres le 22 mars, satisfait de l’assemblée et. du
résultat total de la session.

Ce fut peu de temps après que le gouverneur re^ut
l’information officielle que le cabinet anglais renonçait
pour le moment au projet de l’union. Alors, irrité de
voir le succès des délégués en Angleterre, le gouver-
neur commença à exécuter sa vengeance en punissant
M. Eeileou dans la personne de son fils ; il lui ota le
titre d’imprimeur royal pour la transférer à un nou-
veau journal dont il confia la rédaction à un M.
Fisher, l’un des rédacteurs de Y Albion de .New-
York, homme versé dans la littérature, les lois et les
institutions du pays. La fondation de ce nouveau
journal dont il voulait faire son organe pour commu-
niquer les vues de l’exécutif et défendre ses mesures
15

devant le public, fut une puérile imitation de l’état
de la presse dans la métropole. Cette assimilation
avait d’autant moins sa raison d’être que l’exécutif cana-
dien ne pouvait pas être comparé au cabinet anglais ;
celui-ci est responsable aux chambres, en sorte que
les journaux officiels ne sont réellement que les orga-
nes du parti qui possède le pouvoir. Dans la province’
ou la responsabilité ministérielle n’existait pas, un
journal ouvertement reconnu comme organe du pou-
voir, tombait de suite dans l’isolement et perdait
aussi l’influence qu’il aurait pu avoir, parcequ’il
devait nécessairement défendre une politique contraire
à l’opinion publique.

Le succès de MM. Papineau et Eeilson en Angle-
terre fut dû non seulement à l’unanimité des canadiens,
mais encore à la considération personnelle et au
respect qu’ils surent inspirer aux ministres ; dès leur
première audience avec M. Wilmot sous-secrétaire des
colonies, il leur avait dit  » restez tranquilles, ne faites
part à personne de ce que je vais vous annoncer, le
gouvernement ne veut pas qu’il soit fait de bruit dans
le parlement au sujet de l’union, elle ne sera pas pro-
posée dans cette session. » Ce fut sur cette assurance
qu’ils s’abstinrent de présenter les pétitions des cana-
diens au roi et aux deux chambres, ils se contentèrent
de remettre aux ministres un long mémoire qui conte-
nait les raisons sur lesquelles le Bas-Canada s’appuyait
pour s’opposer à la mesure projetée de l’union. *

* C’est vers ce temps-là, qu’un soir M ». Papineau étant à table
chez un ami avec M. Ellice et M. Stuart, l’agent des unionistes, la

r- 227 —

Malgré la parole donnée par le gouvernement,
MM. Papineau et Neilson étaient au fait des influences
que les amis de l’union pouvaient faire jouer, et
craignant que la mesure ne revint sur le tapis pendant
la session, ils convinrent entre eux que le premier res-
terait à Londres jusqu’à la prorogation, f

L’abandon du projet de l’union avait ranimé le
calme dans les esprits des canadiens, il ne restait plus
que la question des finances qui se trouvaient toujours
de plus en plus embarassécs. Aussi le gouverneur, en
ouvrant les chambres le 25 novembre 1825, leur
déclara-t-il que ce n’était pas sans regret que chaque

conversation tomba sur le Canada. Ellice lui dit :  » Yous avez
l’air bien tranquille. Je crois savoir de bonne source que le cabinet
voiis a donné l’assurance que la mesure ne reviendrait pas sur le
tapis ; mais elle y reviendra. Je déshonorerai les ministres, j’ai
leur parole en présence de témoins. » MM. Papineau et Neilson
inquiets allèrent voir aussitôt sir James Macintosh, qui leur répon-
dit de ne pas s’alarmer ; que M. Ellice était un bavard (braggadocio)
sans poids ni influence. Il n’osera jamais agir aussi follement qu’il
a parlé. Par l’entremise de quelques-uns de mes amis, je saurai
refroidir son ardeur. Nous ne le voyons que parce qu’il est le
gendre du comte Grey. » Plus tard, M. Papineau rencontra chez
M. Ellice sir Francis Burdett. Il réussit à faire dire à celui-ci,
que si la majorité en Canada était aussi forte et aussi hostile à
l’union qu’il l’assurait, c’était compromettre le parti whig que de
le faire agir contre ses professions si souvent répétées, de respect
pour les vœux des majorités, et qu’il fallait l’abandonner. ù Non,
dit Ellice, c’est une majorité ignorante, fanatisée par les prêtres. »
Il attaqua violemment le séminaire de Montréal, les lods et ventes,
et avoua qu’il s’occupait avec M. Stuart d’un projet de loi pour
changer la tenure seigneuriale, espérant tirer meilleur parti de sa
seigneurie de Beauharnais sous un nouveau uégime.. Garneau.

f Garneau mentionne le fait que pendant le séjour de M. Papineau
à Londres, il eut deux entrevues avec Lord Bathurst alors ministre
des colonies et que ce dernier se réjouissait de la probabilité de la
dissolution de l’union américaine. L’opinion de Lord Bathurst
était partagée par Burdett, Macintoch et Hume, selon eux un aussi
vaste territoire ne pouvait jamais subsister en république. Les
gigantesques guerres civiles des Etats-Unis ont réalisé une partie
de leurs prévisions. Washington lui-même d’ailleurs n’a-t-il pas
annoncé la dissolution de la république qu’il fondait ?

228

année il avait à leur parler des difficultés financières,
maïs puisqu’elles existent encore, dit-il, il est de mon
devoir de vous les communiquer avec le détail le plus
ample, et c’est pour cette raison’que je vous ai convo-
quées sitôt.

Ce fut peu de jours après que lord Dalhousie
annonça à rassemblée la défalcation du receveur
général Caldwell. Depuis longtemps le public soup-
çonnait ce fonctionnaire de malversations, à cause des
grands travaux qu’il avait entrepris et de la vie
opulente qu’il menait, et qui devaient entraîner des
dépenses énormes auxquelles ses propres revenus ne
pouvaient pas suffire.

Nommé par le gouvernement impérial, il se croyait
indépendant des autorités coloniales, et soutenu par
ses amis qui partageaient avec lui son opulence, il
refusait constamment de fournir à l’assemblée les ren-
seignements qu’elle demandait au sujet de la caisse
publique, c’était un des principaux motifs de l’assem-
blée pour refuser les subsides, elle voulait par là forcer
le gouvernement à mettre au jour la véritable situation
des finances de la province. Le gouvernement cana-
dien, composé des amis du receveur général, n’avait
pas même exigé de lui le cautionnement de £10,000
qu’il aurait dû fournir, il en avait seulement donné un
pour pareille somme au gouvernement impérial avant
de prendre possession de sa charge, comptant bien
n’avoir jamais à rendre compte de sa gestion qu’en
Angleterre où il avait un grand nombre d’amis \ il

— 229 —

s’était laissé entraîner insensiblement sur la pente de la
ruine et du déshonneur.

C’est alors que le gouverneur, informé par la rumeur
publique des embarras toujours croissants du bureau
du receveur général, crut devoir intervenir et s’enqué-
rir par lui-même des faits. Il découvrit qu’il devait
avoir en sa possession £96,117 13s 01 sterling, et il
demanda à cet officier s’il était prêt à lui payer ce
montant. Le receveur produisit divers comptes qu’il
prétendait être dûs tant par le trésor impérial que par
la caisse militaire, mais malgré ces comptes il n’arri-
vait pas encore au montant du déficit. Néanmoins
le gouverneur envoya M. Davidson en Anglererre,
pour s’édifier sur les prétendues réclamations du rece-
veur contre la caisse impériale et militaire. Mais en
même temps il otait à Caldwell la gestion des revenus
publics qu’il mettait sous le contrôle d’un membre
du conseil exécutif et d’un membre de l’assem-
blée. Il n’avait réellement démis de ses fonctions
le receveur général que deux jours avant l’ouver-
ture de la session, et lorsqu’il fut convaincu par
le retour de M. Davidson que ses excuses étaient
nullement fondées, et que le gouvernement anglais
n’admettait aucune des réclamations de Caldwell. Ce
môme M. Davidson fit, après les informations du
gouverneur à la chambre sur la défalcation de Cald-
well, une tentative pour augmenter le nombre des
députés, mais il n’eut aucun succès, la majorité regar-
dait toujours cette demande avec défiance, parcequ ; elle
nécessiterait le remaniement des circonscriptions élec-

— 230 —

torales qui serait peut-être fait de manière à donner à
la population anglaise un plus grand nombre de
représentants. Comme pour confirmer ces prévisions,
le gouverneur demanda quelque temps après, la passa-
tion d’une loi pour agrandir les collèges électoraux,
en comprenant les nouveaux établissements des
seigneuries et des cantons de l’est ou l’immigration
anglaise s’était en partie dirigée. *

Le gouvernement anglais qui protégeait ses favoris,
les juges Ogden et Monk, en retraite depuis quelques
années avec une pension égale à la moitié de leurs
salaires demanda à la chambre d’augmenter cette
pension, mais elle refusa d’obtempérer à cette
demande, f

La découverte de la défalcation du concussionnaire
Calclwell avait produit ses fruits, elle avait induit le
gouverneur à porter ses investigations dans le bureau
des terres de la couronne ; le résultat fut qu’il demanda
aux cliambres de passer une loi pour réunir au domaine
de la couronne, de grandes étendues de terres possé-
dées en vertu de lettres patentes, dans les cantons,
et sur lesquelles il n’avait été fait aucune améliora-
tion, contrairement aux conditions contenues dans ces
mêmes lettres ; malheureusement l’assemblée passa

* Ce ne fut que le 23 décembre 1823, que M. Neilson, arrivé
d’Europe, informa la chambre que les requêtes de la Province
contre l’union seraient présentées aux commmunes par lord
Bathurst et M. Wilmot ; comme on l’a vu un peu plus haut, la chose
n’eut pas lieu.

f La chambre décidait en même temps d’élever uue statue éques-
tre à Sir G-eorge Prévost, en face du palais épiscopalou elle siégeait,
avec une inscription monumentale, ce projet n’eut pas de suite.

— 231 —

trop légèrement sur ce sujet dont elle ne calculait pas
alors toute l’importance. Le conseil législatif avait
pris l’initiative en faisant différents actes abolissant la
loi passée du temps de la reine Anne, loi qui punissait
de mort les personnes coupables de vol au montant de
quarante che’ins dans une maison habitée ; il rappela
diverses autres lois criminelles, qui restaient alors dans
le code peu al anglais, comme un monument de la
barbarie d’une législation qui aujourd’hui pêche
peut-être par un excès contraire. M. Papineau fit
aussi passer une loi pour abolir la peine du fouet et
du pilori qui était alors le châtiment* des petits délits.
Il n’est pas hors de propos de remarquer ici, que la
législation coloniale a toujours été d’un quart de
siècle en avant de la législation impériale, quand il
s’est agi de faire disparaître du code pénal anglais,
ces dispositions qui, par leur sévérité ou leur odieux,
étaient une honte pour la civilisation, f

Le président des Etats-Unis, dans son discours
d’ouverture au Congrès, avait exprimé l’espoir de voir
ter.niner favorablement les négociations entamées
avec l’Angleterre au sujet de la libre navigation sur

* Plusieurs de nos anciens citoyens ont vu administrer le fouet,
ou mettre des coupables au pilori. Ces deux exécutions se faisaient
sur le marché de la haute-ville. Pour administrer le fouet on
déshabillait le coupable jusqu’à la ceinture, et on lui donnait le
nombre de coups que portait sa sentence, l’exécuteur y mettait tant
de conscience que le sang sortait invariablement. Le pilori était
un poteau vertical avec une pièce horizontale qui formait une
espèce de croix ; an milieu de cette croix il y avait trois ouvertu-
res dans lesquelles le coupable passait sa tête et ses bras, et il
tournait le poteau au grand plaisir de la populace qui, les jours de
marché, ne lui épargnait ni les œufs pourris, ni les légumes de rebut.

— 282 —

le St. Laurent ; la chambre fut alarmée de ce projet et,
dans une adresse au roi, lui représenta qu’une telle
concession serait contraires aux lois des nations, et
demanda de ne point obtempérer aux désirs d’un si
ambitieux voisin. *

Cependant l’affaire de Caldwell s’instruisait en co-
mité, il proposait d’abandonner l’usufruit de la seigneu-
gneurie de Lauzon qu’il tenait de son père, et dont la
propriété devait échoir à son fils. Les tribunaux
décidèrent contre les prétensions du concussionnaire et
leur décision fut confirmée par le roi. Mais l’abandon
de ces biens n’était fait qu’à la condition que le gou-
vernement lui ferait une pension de quinze cent louis,
et que l’exécutif porterait à son crédit une cer-
taine somme qu’il prétendait être due à son père,
pour service rendus. Le comité repoussa toutes ces-
prétentions avec indignation, et l’assemblée vota une
adresse au roi par laquelle elle demandait à être
remboursée de tout le montant du déficit d’un officier
infidèle, et sur lequel el’e n’avait aucun -contrôle. Les
biens de Caldwell furent confisqués, ils furent vendus,
excepté sa seigneurie de Lauzon. Le gouvernement
recouvrit ainsi à peu près le montant que le receveur
général avait détourné.

MM. Papinean etNeilson, de retour de leur voyage
informèrent la chambre du résultat de leur mission, le

* Un nommé Flenning assistait aux débats dans les galeries,
tout à coup, pris d’un bel enthousiasme en entendant parler M.
Bourdages, il se mit à applaudir à toute main ; l’assemblée se fâcha,,
et il fut envoyé en prison pour huit jours.

— 233 —

ministre des colonies leur avait promis que si le projet
d’un acte d’union était de nouveau proposé, le Canada
en serait informé, afin qu’il put être entendu en parle-
ment par des délégués.

Cependant Dalhousie, qui pensait s’être acquis les
bonnes grâces de la majorité, par la conduite sévère
qu’il avait tenue vis-à-vis de Caldwell, tenta de se faire
des défenseurs dans la chambre. Il s’adressa à M.
Yallières à qui il envoya un mémoire explicatif des
raisons qui l’avait fait dépenser l’argent de la province
sans appropriation préalable. Il avait, disait- il, été
force par les circonstances d’agir ainsi, autrement le
service public aurait souffert, d’ailleurs il avait en cela
imité la conduite de Pitt qui, à la fin du dernier siècle,
pendant une crise ministérielle qui avait amené la
dissolution subite du parlement anglais, avait agi
ainsi. M. Vallières fut flatté de cette condescendance
du gouverneur, et il essaya de suite de se créer un
parti en chambre, pour soutenir jusqu’à un certain
point les vues du gouverneur, mais il s’aperçut bientôt
que son influence n’était pas assez grande pour déta-
cher les amis de M. Papineau.

La considération de l’acte de commerce passé en
1822 par le gouvernement impérial, pour régler la
part des revenus des douanes entre les deux Canada,
démontra la force respective des partis, Vallières était
oppose à cette loi, et il proposa des résolutions dans
ce sens, mais elles furent opposées avec succès par
Papineau qui prétendit que cette loi était une mesure
de nécessité. En sa qualité de commissaire nommé

— 234 —

pour examiner les prétentions du Haut-Canada, pré-
tentions qui avait donné naissance à l’acte de com-
merce, il put donner des explications et des détails
satisfaisants, en sorte qu’il fut vigoureusement sou-
tenu par ses amis.

M. Papineau fit affirmer à la chambre, qu’elle
n’avait pris et ne prenait l’engagement de pourvoir
aux dépenses du gouvernement civil, qu’autant que la
totalité du revenu public serait mis à sa disposition.
Cette résolution était une censure anticipée du budget
que le gouverneur présenta aux chambres quelques
temps après, et qui séparait les dépenses dont le
payment, était assuré par des lois permanentes
de celles qui avaient besoin d’un vote spécial. L’as-
semblée rejeta cette distinction qui lui semblait un
empiétement sur ses droits ; elle vota la liste civile en
entier, mais en retranchant une partie des salaires,
vingt cinq par cent, depuis celui du gouverneur
jusqu’à celui du plus humble fonctionnaire.

M. Papineau fît ajouter au bill des subsides, sous
forme de préface, une verte censure de la conduite
de l’exécutif, qui avait laissé piller le trésor de la
province par un serviteur infidèle. Le bil passa mais
fut rejeté par le conseil qui, dans une adresse au roi,
lui demanda de s’occuper de ce sujet avec les minis-
tres, afin de trouver quelques remèdes au mal existant,
et afin de l’empêcher dans l’avenir. Les débats sur
les subsides furent violents, M. Papineau surtout
s’emporta jusqu’à parler sans aucun respect du gou-
verneur et de ses conseillers.

— 235 —

La chambre repoussa aussi la demande que le
gouverneur lui fît de voter la somme nécessaire pour
rembourser l’emprunt fait à la caisse militaire, afin de
payer les dépenses du gouvernement pendant que le
receveur général vidait le coffre pour son propre
usage. Elle voyait dans cette demande une espèce
de sanction accordée à la conduite de Caldwell, et elle
résolut d’attendre la réponse à la demande de rem-
boursements qu’elle avait faite au cabinet anglais.

La législature fut prorogée le 9 mars ; le gouverneur
était mécontent de ce que la cbambre voulait toujours
contrôler les revenus, tant ceux provenant d’un acte
du gouvernement impérial que ceux qui provenaient
des lois coloniales.

Lord Dalhousie, qui voulait s’assurer quelques
membres de l’assemblée, avait invité M. Yallières à
passer chez lui pour délibérer sur les affaires de l’état ;
il avait remarqué que M. Yallières avait eu, pendant
les débats sur la loi du commerce, quelques partisans
et il pensait qu’il ne devait pas tarder à commander
la majorité, bien que, pendant la dernière session, le
parti de M. Papineau l’eut emporté. Le gouverneur,
mécontent du peu de succès qu’il avait obtenu avec
la chambre, mais voulant reconquérir, au profit du
parti anglais, la prépondérance que ce dernier ne
pouvait obtenir, souleva de nouveau les questions
religieuses ; il rédigea à ce sujet un long mémoire
qu’il adressa à M. « Wilmot ministre des colonies. Dans
ce mémoire il représentait que depuis la conquête,
l’cvêqne catholique avait exercé tous les droits de

— 236 —

patronage eccésiastique sur son clergé, que c’était un
abus auquel il fallait remédier, que la courunne
anglaise devait jouir de toutes les prérogatives dont
jouissait le roi de France en vertu des libertés de
l’égiise gallicane, et il demandait l’ordre nécessaire
pour terminer le différend existant entre l’évoque et
les sulpiciens.  » L’évêque catholique actuel, dit-il,
cherche à s’acquérir en pouvoir indépendant ; mais il
n’est nullement trop tard pour reprendre les rônes, et
une classe très-notable de son clergé désire beaucoup
que le gouvernement le fasse. » Il appelait l’attention
du ministre sur le livre de M. Chaboillez, ce qui
autorise à croire que ses sympathies étaient pour les
sulpiciens contre’ l’évoque.

Pensant que le mémoire et les dépêches étaient
insuffisants, Dalhousie s’embarqua pour Londres après
la session, afin d’aller soutenir ses prétentions auprès
du bureau colonial. Les élections qui eurent lieu en
juillet 1824 augmentèrent les forces du parli populaire.
Ce fut sous ces circonstances que le lieutenant gou-
verneur Burton ouvrit le douzième parlement le
8 janvier 1825.

L’élection de M. Papineau comme président de
l’assemblée n’eut pas l’eu sans contestation. M. Bonr-
dages, qui voyait son influence amoindrie au profit de
ce jeune membre, lui gardait rancune, il proposa M.
Vallières et réussit à amener onze de ses collègues à
voter avec lui. Burton sut capter la bienveillance
de la chambre par son discours d’ouverture ; il
remarqua qu’il avait résidé dans plusieurs colonies

— 237 —

anglaises, mais que nulle part il avait rencontré un
plus ferme attachement à l’empire britannique, et
il demandait en grâce aux membres de réunir leurs
efforts pour mettre fin aux difficultés financières.

La chambre qui devait tant à Macintosh avait,
pendant la dernière session, adopté des résolutions de
gratitude pour sa noble défense des intérêts canadiens
dans les communes. Macintosh accusa réception de
ces résolutions dans une lettre adressée à l’assemblée
et qui fut lue pendant la séance. Dans cette lettre, il
exprimait l’opinion partagée par tous les hommes
sensés des communes, que l’union qui répugnait à la
grande majorité des canadiens ne pouvait tendre à
servir leurs tntéréts, et qu’il continuerait à surveiller
les sourdes démarches des partisans de l’union, bien
qu’il ne fut pas revêtu delà qualité d’agent accrédité
de l’assemblée. Pendant les dernières élections, quel-
ques conseillers législatifs avait mis toute leur influence
en jeu pour favoriser les candidats du pouvoir ; M.
Bourdages s’éleva fortement contre cette intervention,
il fit passer une résolution la déclarant une infraction
aux privilèges de la chambre. Cette résolution
choqua le conseil, et avec raison, car la liberté du
suffrage électoral, et l’emploi des influences légitimes
n’admettant pas d’exception, les seigneurs contre qui
cette résolution était principalement dirigée, étaient
pour la plupart des conseillers législatifs amis du
gouvernement.

M. Blanchet fit encore une tentative pour faire
nommer un agent en Angleterre, mais la mesure

— 238 —
»

qu’il fit passer à cette fin fut encore r^jetée par le
conseil. La demande de M. Neilson d’augmenter
la représentation parlementaire n’eut pas plus de
succès. M. Taschereau voulut atteindre les compta-
bles publics, en les obligeant à prêter serment, et à
s’en tenir à un système de comptabilité plus régulier
ce système devait avoir pour effet d’empêcher les
fraudes ; sa mesure échoua au conseil.

Tout le monde avait reconnu l’inefficacité du corps
politique appelé institution royale pour l’avancement
de l’éducation. La chambre se fit l’écho du pays en
déclarant dans une adresse au roi que cette institution
n’avait pas répondu à l’attente générale, ni aux fins
pour lesquelles elle avait été formée. Cette adresse
demandait en même temps l’emploi des revenus des
biens des jésuites à l’éducation de la jeunesse. MM.
Papineau et Neilson donnèrent à la chambre communi-
cation d’une lettre qu’ils avaient adressé à M. Wilmot,
pendant leur séjour à Londres au sujet de l’union,  » on
en appelle, disaient-ils dans cette lettre, aux droits du
vainqueur d’imposer une mesure qui répudie à des
sujets qui sont sont sous la dépendance de l’Angle-
terre depuis deux générations. On attribue leur
opposition à l’union, à un sentiment déloyal, et ces
mêmes sujets ont deux fois ver3é leur sang pour
l’empire britannique. »

M. Uniacke qui représentait le bourg de William
Henry, fut fait juge pour faire place à M. James
Stuart qui avait pris une part si active en faveur de

239

l’union et qui le remplaça dans cette division élec-
torale.

L’indépendance des juges occupa aussi l’attention
de l’assemblée, elle adopta l’opinion de lord Bathurst
en déclarant le conseil législatif, le tribunal régulier
qui devait connaître des accusations portées contre
eux, mais en même temps elle les déclarait inhabiles à
siéger aux conseils législatif et exécutif; aucune
mesure ne fut cependant proposée à cet effet.

La liste civile qui fut envoyée à la chambre, ne
comportait aucune distinction entre les dépenses
pourvues par des lois permanentes, et celles auxquelles
il fallait pourvoir par un octroi annuel ; cette nouvelle
forme plut infiniment à l’assemblée en ce qu’elle était
une admission tacite du principe qu’elle avait toujours
invoqué, savoir le droit de contrôle absolu sur toutes
les revenus. Aussi le bill qu’elle adopta, sans entrer
dans les détails, limitait les dépenses, y compris
celles pourvues par les lois régulières, à la somme
de $58,000 sterling, sans détailler les items ; ce bill
reçut l’approbatien presqu’nanime du conseil, Richard-
son et Grant s’y opposèrent sur le principe qu’en
Angleterre, la liste civile est votée pour la vie du
roi, au commencement de son règne, et qu’il n’y a que
les dépenses imprévues auxquelles les communes
pourvoient par un vote annuel.

Burton, à qui l’assemblée demandait souvent s’il
avait reçu du gouvernement impérial, une réponse à sa
demande de rembourser le montant dont Caldwell
était défalcataire, répondit enfin que non, mais qu’il

— 240 —

avait reçu ordre de prendre des procédures régulières
pour se faire rembourser du ministre infidèle, et qu’il
avait donné des ordres en conséquence aux officiera en
loi de la couronne.

Les députés s’élevaient toujours contre le cumul
d’un mandat de représentant avec une charge lucra-
tive relevant du gouvernement. M. Keilson fit adopter
une résolution condamnant ce système, la condamna-
tion! portait sur les ministres même, entre autres sur
M. James Stuart, alors procureur général à qui on
avait fait une place dans l’assemblée, M. JN »eilson en
proposant sa résolution adopta les opinions de M.
Bedard sur la responsabilité des ministres aux cham-
bres, mais comme le ministère n’était pas responsable,
il condamnait avec force cette réunion de deux quali-
tés qui s’excluent entre elles, quand le fonctionnaire
député n’est tenu de rendre compte à personne de ses
a:;tes : on en a vu un, disait-il un exemple dans la
banqueroute du receveur général Caldwell. Le prin-
cipe si éloquemment développé par M. Neilson a été
depuis adopté dans tous les gouvernements représen-
tatifs.

Burton croyait que les difficultés financières étaient
enfin terminées, et il s’en réjouissait, l’assemblée par-
tageait aussi son opinion, et lors de la clôture des
chambres, le 22 mars, M. Papineau, en présentant le
bill des subsides s’exprimait ainsi ;  » Depuis 1818 que
 » cette chambre avait été appelée à pourvoir annuel-
 » lement à toutes les dépenses civiles de la province,
« des obstacles toujours croissants avait empêché

— 241 —

u quelle put offrir à la sanction royale, un bill qui
 » pourvut pleinement à cet objet essentiel. Enfin sous
 » <ïe plus heureux auspices, sous votre administration, " ce devoir qu'elle a toujours été prête à remplir, va " enfin s'accomplir. Yos efforts pour rétablir l'harmo- " nie entre les autorités constituées ont été couronnés " d'un plein succès qui vous garantit la reconnaissance " de l'assemblée et celle du peuple qu'elle représente." C'est ainsi que se termina cette session pendant laquelle l'assemblée s'était beaucoup occupé de pour- voir à l'amérioration des chemins, à l'encourage- ment de l'agriculture, et de l'industrie ; elle vota de fortes sommes à cette fin, et ordonna aussi le recense- ment de la province. Un bill autorisant un emprunt de trente mille louis pour terminer le canal Lachine reçut aussi la sanction royale. Lord Dalhousie revint prendre les renés du gouvernement dans l'automne de 1825, et Bnrton s'embarqua clans le même vaisseau qui avait amené le gouverneur ; il avait obtenu un congé d'absence et partit en emportant les sentiments de reconnaissance de toute la population. * Dalhousie, comme on le sait, était passé en Angle- terre pour soutenir ses prétentions au sujet des catholi- ques et de leur évoque, et aussi pour s'entendre avec * L'évêque Mountain mourut le 16 juin, et l'évêque Plessïs le 4 décembre de cette année, tous deux furent enterrés avec les mêmes honneurs, ce qui était une grande marque de déférence de la part d-un gouverneur anglais à cette époque. Bien plus, Dalhousie assista lui-même avec §on état major aux funérailles de Monsei- gneur Plessis, cette attention flatta beaucoup le clergé catholique qui en exprima sa reconnaissance au gouverneur dans une lettre respectueuse. 16 — 242 - les ministres au sujet de l'union qui restait toujours à l'état de projet, l'éveil avait été donné aux commu- nes, il ne fallait donc plus songer à surprendre leur bonne foi, il fallait amener la mesure de longue main et par des moyens détournés ; telle fut la marche que les partisans % de l'union se proposèrent de suivre. '000' CHAPITRE X. Ouverture des chambres. — Actes impériaux. — Résolutions au sujet des juges. — prétention de Caldwell — Jugement de lord Bathurst. — Enquête sur les employés. — Opinion des juges sur les assignations en français. — leurs raisons. — Raisons de M. Vallières. Représentation de l'assemblée au sujet des terres publiques. Lord Bathurst au sujet des subsides. — Adresse de l'assemblée sur le même sujet. — Prorogation. — Ouverture des chambres.— Informa- tion du gouverneur. — Dépêches non reçues.— Subsides votés comme les années précédentes. — Discours de prorogation. — Demande de secours pour l'institution royale refusée. — Encore la question des sulpiciens. — Ordonnances de milice rappelées. — Ce qu'elles étaient. — Refus des miliciens d'obéir. — Dissolutiou. — Elec- tions. — Troubles. — Manifeste de M. Papineau. — Ses accusations contre le gouverneur. — Vengeance de Dalhousie. — M. Papineau élu président — Rejeté par le gouverneur. —Prorogation. — Assem- blées publiques. — Résolutions transmises à Londres. — Accusa- tions de libelle. — Comité sur les affaires du Canada. — Opinion de Pitt rapportée. — Sir James Kempt gouverneur. — Rapport du comité. Lord Dalhousie, en ouvrant les chambres, le 21 janvier 1826, les félicita de l'accord qui rognait entre les deux branches de la législature. 11 mentionna les changements opérés par le gouvernement dans ses relations commerciales, changements qui, destinés à l'avantage général des colonies pouvaient se trouver militer contre les intérêts particuliers de cette pro- vince, dans ce cas c'était à la légis^ture à faire une représentation respectueuse à ce sujet. Puis il parla de l'éducation, d'une nouvelle division du pays pour les fins électorales et judiciaires, du défaut de bureau d'enregistrement. La réponse de l'assemblée fut nécessairement conciliante, et tout annonçait qu'une ère de tranquillité allait de nouveau recommencer. Les actes impériaux auxquels le gouverneur avait — 244 — fait allusion et qui affectaient les colonies, avaient rapport à la suppression de certains droits féodaux, au commerce avec les Indes occidentales et à l'incor- poration d'une compagnie anglaise qui existe encore, la compagnie des terres du Canada. * Quelques jours après l'ouverture de la session, la chambre passa des résolutions relativement à la charge de juge ; jusqu'alors les juges avaient été nommés par le roi, et leur commission portait qu'ils resteraient en fonction durant le bon plaisir du souverain, l'assem- blée voulait que la charge fut permanente, et en même temps qu'ils fussent déclarés inhabiles à siéger, soit à l'assemblée, soit au conseil législatif, soit au conseil exécutif ; ces résolutions furent adoptées par une grande majorité, malgré l'opposition de M. James Stuart. Ce qui avait donné lieu à cette manifestation de la chambre était une dépêche de Lord Bathurst au gouverneur. Le noble lord annonçait à Dalhousie que le gouvernement impérial était prêt à mettre les juges delà province sur le même pied que ceux de l'Angleterre, pourvu que la législature coloniale établit nn fond de retraite destiné à faire des pensions à ceux que l'âge ou les infirmités rendraient incapables de remplir leurs devoirs. * Le recensement qui avait eu lien Tannée précédente avait donné pour résultat. Totale,,.,.,,,,.,., .„„... r ... 526,500 245 On se rappelle la défalcation de Sir John Caldwell, et le montant dont il restait débiteur envers la province. Après de longues délibérations, on en était venu à décider que les biens du receveur général se trouvaient affectés au payment de ce dont il était redevable, mais son fils réclamait une somme de quarante cinq mille louis pour le temps que son père avait été en charge, alléguant pour raison que la salaire qu'il avait eu, cinq cents louis par année, était insuffisant, vu la grande responsabilité dont il était revêtu. En môme temps il réclamait les biens immo- biliers de son père comme lui étant éehns par substitu- tion. Lord Bathurst envoya au gouverneur une dépèche à ce sujet, cette dépêche comportait que les prétentions du fils du receveur général étaient illéga- les, et qu'en conséquence les officiers en loi de la couronne eussent à procéder à la saisie et vente des biens du ministre infidèle. Mais ce ne. fut qu'en 1845 que ces instructions furent exécutées, que le gouver- nement prit possession de la seigneurie de Lauzon qui aujourd'hui fait partie des biens nationaux. L'assemblée s'occupa beaucoup d'économie, elle fit une enquête sérieuse sur la dépense, sur le nombre des employés, sur leurs salaires, sur les devoirs qui incom- baient à chacun d'eux, et découvrit une foule d'abus que le manque d'organisation, la faveur ou la négli- gence faisaient commettre. Elle voulut aussi passer une loi pour soumettre les livres de comptes du rece- veur général à un bureau d'audition auquel elle confia de grands pouvoirs, mais cette loi comme — 246 — bien d'autres échoua au conseil. A chaque session, arrivait à la connaissance des législateurs, la commission de nouveaux abus dans l'administration de la justice. Ainsi, pendant cette session,, le protonotaire de Québec se plaignit des inconvénients et de l'injustice de la mise à exécution de l'ordre qu'il avait reçu des juges ; cette ordre lui enjoignait de faire toutes les assignations dans la langue anglaise ; il cita un juge- ment rendu l'année précédente et qui renvoyait une cause parceque l'exploit d'assignation était en fran- çais *. Chose singulière, l'ordre venait du juge Perreault, qui prétendait que c'était l'opinion de tous ses collègues. La raison sur laquelle ils se basaient pour appuyer leur opinion, était que tout colon né depuis la conquête était né sujet anglais, et que par conséquent il devait être assigné dans la langue que parlait son souverain au nom de qui la justice était administrée. * Province du Bas-Canada, \ BANC DU BOI DISTRICT DE QUÉBEC. / Kamouraska, vendredi, 1er juillet 1825. Présent : — L'honorable Edouard Bowen, JEAN BAPTISTE MARTIN, Demandeur. vs. GERMAIN MIVILLE, Défendeur. Le bref étant en français au lieu d'être en anglais, la cour déboute le demandeur de son action avec dépens, sauf à se pourvoir. — 247 — Mais, comme le faisait remarquer M. Vallières de St. Real, le Souverain d'Angleterre lorsqu'il exerce sa plus haute fonction royale, la sanction des lois, emploie la langue française. S'en suit-il de là qu'il oblige les communes à se servir de cette langue dans leurs délibérations ? Depuis que le3 anglais se sont affranchis d'une langue étrangère que les anciens rois normands leur avaient imposée, il ne leur est pas venu à l'idée d'imposer leur langue aux habitants des îles de la Normandie peuplées par des français^ et actuellement sous la domination anglaise. D'ailleurs il est bon de remarquer que le premier principe de Tordre judiciaire est de ne juger personne sans qu'elle ait été à portée de se défendre, or, comment obtenir ce résultat si on l'assigne dans une langue qu'elle ne com- prend pas. C'est en conséquence de ce principe qu'en 1785 il avait été passé une ordonnance provinciale, statuant que les assignations seraient rédigées dans la langue du défendeur ; cette ordonnance n'ayant pas été rappelée avait encore force de loi, par conséquent les juges, en donnant au protonotaire l'ordre dont il se plaint, avaient agi contrairement à un principe élé- mentaire de la justice, et en contravention avec la loi. La chambre partagea les vues exprimées par l'émi- nent avocat, et donna instruction au protonotaire de dresser désormais les assignations dans la langue des défendeurs. * * Nous avons été témoin des nobles efforts tentés par un de nos juges les plus distingués M. Loranger, pendant qu'il était dans la vie politique, pour faire cesser *ci cette anomalie du code criminel anglais, qui oblige de dresser les actes de mise en accusa- 248 Oq se rappelle que parmi les actes impériaux com- muniqués à la province, s'en trouvait un affectant la, tenure des terres, et déclarant franches de toutes redevances celles qui ne seraient pas encore concédées^ aussi la législature, conformément a la recommanda- tion du gouverneur, crut devoir faire une représenta- tion au gouvernement impérial à ce sujet. Sans toucher, disait rassemblée dans son adresse au roi, à la question délicate du droit que peut avoir le parlement anglais sur la législation intérieure des colo- nies, on peut dire avec assurance que les raisons de justice et de prudence qui ont engagé le parlement à établir en cette province une législation loca'e, char- gée de faire des lois pour le bon gouvernement de ses habitants, auraient dû suffire pour détourner à jamais cette législation suprême de Fempire britannique, de s'immiscer dans la législation intérieure de ce pays. Outre le fait évident de tomber dans de grandes erreurs, et de faire de grandes et irréparables injustices en faisant des lois pour un pays si éloigné, et pour un peuple dont les besoins et les usages sont si peu connus en Angleterre, le parlement britannique ayant établi une législature en cette province, s'était virtuel- lement dépouillé en sa faveur du droit de faire des lois pour l'intérieur de ce pays, et tout en conservant tion dans la langue anglaise. L'absurdité de cette coutume ressort plus encore ici qu'ailleurs, maintenant que la décentralisation judiciaire à créé des tribunaux, ayant jurisdiction civile et crimi- nelle dans des districts ruraux, peuplés exclusivement de canadiens. Il va sans dans dire que les efforts de M. Loranger furent infruc- tueux. Toucher à un article de procédure de la loi criminelle anglaise, quel sacrilège ! — 249 — son autorité suprême, il aurait dû respecter son ouvrage, et laisser agir la législature de la provine e dans l'étendue de son ressort. En effet, l'introduction en cette province de la tenure en franchise,, avait toujours été regardée comme un inconvénient, parceque cette tenure était inconnue aux habitants du pays, et étrangère aux lois civiles de cette province, et que les doutes qui avaient cons- tamment existé dans l'esprit des habitants sur la nature de cette tenure nouvelle pour eux, avaient été une des principales causes qui, jusqu'alors, avait retardé et même empêché l'établissement des terres qui y étaient assujetties. Mais la question du statut impérial qui s'immisçait si singulièrement dans les , affaires coloniales, n'était pas la seule qui devait apporter le trouble au eein du parlement, celle des finances surgit pins menaçante que jamais. Lord Bathurst, qui n'avait pas osé conseiller au roi de refuser la sanction au bill des subsides tel qu'il avait été passé dans la dernière session, écrivit à ce sujet deux dépêches à Sir Francis Burton. Dans la première il informait le lieutenant-gouverneur que les revenus provenant du statut impérial passé avant la constitution, devaient être appliqués aux dépenses du gouvernement civil, sans l'intervention de la législature coloniale, et que les droits imposés par le parlement, dans un temps ou il était de sa compétence de les imposer, ne pouvaient être abolis, ni leur destination change e que par la même autorité. — 250 — A la question qui lui fut posée par Burton pour savoir si»la liste civile telle qu'elle a été votée à la dernière session était régulière, il répondit que, con- formément aux instructions qu'il avait déjà données, tout arrangement tendant à compromettre la destina- tion du revenu permanent devait être'refusé. L'assem- blée avait voté les subsides, sans faire de distinction entre les dépenses payables sur le revenu permanent, et celles auxquelles il restait à pourvoir à même les revenus crées par les actes coloniaux. En un mot si tout le revenu avait été prélevé en vertu d'actes colo- niaux, il n'y aurait eu aucune différence dans la manière de présenter les estimations. La chambre qui avait déjà préparé la liste civile, en appliquant indistinctement tous les revenus à toutes les dépenses civiles, crut devoir protester énergi- quement dn droit qu'elle avait de disposer de tous les deniers provenant des actes impériaux et coloniaux,«et dans son adresse au roi à ce sujet elle représenta que, depuis 1818, le Canada s'était chargé de pourvoir à toutes les dépenses du gouvernement civil, mais que si on employait une grande partie des revenus prélevés dans cette province sans son intervention, en même temps qu'elle aurait à déplorer l'infraction de ce qu'elle concevait être un droit constitutionnel, elle pourrait être mise hors d'état de remplir les devoirs importants qui lui étaient confiés. Le parlement fut prorogé le 29 mars, le gouverneur • dit qu'il ne pouvait dévier des instructions qui avaient été envoyées à Burton, relativement à la liste — 251 — civile, et qu'il devait adopter les formes de compte et l'état estimatif qui avaient été mis devant le parlement pendant la session, en présentant une partie du revenu pour l'information des membres, et l'autre pour son approbation, en conséquence il remerciait la chambre de ses votes d'argent pour les institutions de bienfai- sance et de charité, mais quand au reste il devait les réserver à la sanction de Sa Majesté. La session suivante s'ouvrit le 23 janvier 1827, le gouverneur ne fit aucune allusion aux difficultés financières qui étaient moins que jamais résolues, mais il parla des malheurs qui avaient pesé sur l'Angleterre, et de l'augmentation progressive des crimes qui se commet- taient dans la province, ce qu'il attribuait aux vices du système judiciaire qni ne donnait qu'aux grands tribu- naux le droit de punir les criminels petits et grands. L'assemblée lui sut gré de son silence et le remercia du bon vouloir qu'il avait manifesté pour le maintien du bon ordre dans la colonie. Au grand étonnement des membres, le gouverneur les informa de suite après l'ouverture de la session que. Burton n'avait pas reçu les deux dépêches de lord Bathurst au sujet des finances, et que par conséquent ce dernier devait être exonéré de tout blâme relative- ment à la sanction du bill des subsides qu'il avait donné en 1825. En même temps il informait la chambre que le gouvernement impérial ne se croyait pas responsable de la défalcation du receveur général, et que le recours que la province prétendait avoir — 252 — contre le gouvernement du royaume-uni était pure- ment illusoire. D'autres dépêches avaient été adressées à Lord Dalhonsie lui-même à ce sujet, mais il ne voulait pas en donner communication, à l'assemblée qui lui en fit la demande. Il déclara toutefois qu'il était disposé à donner à la chambre les plus amples renseignements sur toute matière d'un intérêt public, mais qu'il devait refuser de mettre devant le pays la correspondance du ministre de Sa Majesté avec le gouvernement delà province. Il ajouta qu'il croyait qu'une semblable démarche était en général sujette à objection, et que dans ce cas il la croyait hors de propos. Bien que les prétentions du gouvernement impérial fussent de nature à laisser croire que les sommes dépensées, en outre de celles qui étaient votées par la législature, échappait au contrôle de l'assemblée, cela n'empêchait pas le gouverneur de le mentionner dans son estimation et de de mander à l'assemblée de lui faire bon de ces sommes ainsi avancées. C'était une preuve que le gouverneur reconnaissait implicitement à la 'chambre le droit de contrôle exclusif sur les dépenses. Les subsides furent votés comme ils l'avaient été en 1825 et 1826, mais ils furent rejetés par le conseil législatif et refusés par le gouverneur qui en proro- geant les chambres le 7 mars leur fit d'amers repro- ches. Si, dit-il, pendant plusieurs années vous vous êtes trop attachés à la forme des comptes qui vous étaient présentés, vous auriez aisément surmonté ces difficultés avec un peu de modération et de bon — 253 — vouloir. Il parla aussi de concession et de bonne volonté de la part du gouvernement anglais, ce dernier cependant avait toujours persiste dans sou opinion. Le refus de rassemblée de voter les subsides dans la forme qu'il demandait était donc la censure la plus solennelle que la législature put porter contre l'administration. Lord Dalhousie, comme ses prédécesseurs tenait à l'institution royale pour l'avancement de l'éducation, mais les statistiques venaient chaque année détruire les espérances que le parti anglais avait fondées sur ce moyeu d'anglification, chaque année aussi les gouver- neurs demandaient de nouveaux octrois pour payer les dépenses que nécessitait la mise à exécution de ce système d'éducation. Pendant la dernière session il avait envoyé un message spécial à la chambre, pour demander une augmentation de trois mille louis sur l'octroi ordinaire. Il donnait pour raison de cette demande qu'il était sur le point de conclure un arran- gement avec l'évêque et le clergé catholiques, arran- gement qui assurerait leur coopération an système d'instruction publique. Les autorités ecclésiastiques devaient former un comité séparé qui aurait le con- trôle exclusif et la régie des écoles catholiques qui seraient créés en vertu de l'acte de 1801. La chambre avait repoussé la demande du gouver- neur, le parti catholique parce qu'il pensait que cette demande et les raisons sur lesquelles elle était basée, ' étaient un piège qu'on lui tendait pour augmenter les ressources de l'institution royale. * Il pensait avec 254 — raison que jamais le clergé ne consentirait à s'allier aux officiers de cette institution destinée, dans l'esprit de ses auteurs à faire perdre aux canadiens et leur religion et leur langue. D'un autre côté le parti anglais refusait db favoriser une alliance qui faisait complètement manquer le résultat qu'il espérait tou- jours obtenir par l'institution royale. Pendant la dernière session, les députés canadiens et la population catholique apprirent tout à coup par la voie d'un journal officieux, que le gouvernement songeait sérieusement à s'emparer des biens des sulpi- ciens. Depuis plus de cinquante ans, selon lui, les hommes de loi les plus éclairés de la grande bretagne avait été consultés sur ce sujet, et tous étaient d'ac- cord à soutenir que la prétention des ecclésiastiques du séminaire de Montréal, à la propriété delà seigneu- rie de l'île de Montréal, en main-morte, ne pouvait être soutenue en loi pour deux raisons, d'abord parce- qu'ils ne formaient pas légalement un corps politique, ensuite parce qu'ils n'étaient que les mandataires d'une société résidant en pays étranger. La passation de l'acte impérial devait s'appliquer au Canada comme aux autres colonies, l'acte qui changeait la tenure des terres avait servi à réveiller la question. Plusieurs individus de Montréal s'appuyant sur cette loi s'étaient adressé au gouvernement pour en obtenir le changement de tenure des terres qu'ils possédaient dans la seigneurie des sulpiciens. L'un des tenanciers avait déjà refusé de leur payer les cens et rentes, et tradhit devant les tribunaux, il avait basé — 255 — sa défense 'sur cet acte. Le juge n'avait pas voulu se prononcer sur le mérite de cette défense, sans con- sulter le gouvernement qui n'avait pas encore donné de réponse. Mais le gouvernement allait prendre des mesures pour amener régulièrement la question devant les tribunaux compétents. Le parti canadien voulut faire à ce sujet une démonstration dans l'assemblée, mais il en fut empêché par les intéressés eux-mêmes qui comptaient sur la justice du gouvernement anglais et sur leur bon droit. On sait que ce ne fut qu'en 1840 que la question des biens des sulpiciens fut finalement résolue par une ordonnance du conseil spécial du Bas Canada. Cette ordonnance qui fut ratifiée par le gouvernement anglais, confirmait les ecclésiastiques du séminaire de Montréal dans leur propriété et dans tous leurs droits seigneuriaux. Cependant, si la conduite que le gouverneur avait tenue en prorogeant les chambres, était blâmée par les canadiens, elle était hautement approuvée par les anglais, les journaux publiés en cette langue le comblèrent d'éloges et les grands centres anglais lui envoyèrent des adresses approbatives de sa conduite, et de l'énergie qu'il avait déployées en cette circonstance. Pendant la dernière session la chambre avait volon- tairement omis de renouveler l'acte de milice qui n'était que temporaire et qui expirait au premier de mai de chaque année. Il fallut donc revenir aux anciennes ordonnances du conseil de Québec, passés en 1787 et 1789. C'était l'opinion des officiers en loi du gouvernement, et en particulier celle du procureur - 256 - général James S tu art que ces ordonnances n'étaient point expressément rappelées mais simplement sus- pendues par la loi de milice, et qu'en conséquence elles redevenaient en force. En conformité à cette opinion le gouverneur général émit le 5 juillet une proclamation ordonnant aux officiers commandant les différents bataillons, de fixer les jours ou leurs compa- gnies devaient se réunir. C'était bien peu de cliose que l'observation de ces ordonnances, il s'agissait pour les miliciens d'aller une fois par année, à un jour et dans un lieu déterminés répondre à leurs noms. * Mais cependant quand on connut parmi la population rurale, qu'on allait revenir aux anciennes luis de milice, ce fut un cri de réproba- tion universelle contre le gouvernement. On préten- dait qu'il agissait ainsi sans droit, car il ne faut pas oublier que les difficultés incessantes entre la chambre et les ministres, avaient rendu le peuple très pointil- leux au sujet du droit. Un certain nombre d'offi- ciers conseillèrent à leurs soldats de ne pas obéir à cet ordre, ils furent démis. Cependant les autorités ne sévirent pas d'une autre manière contre les récalci- trants. Le parlement fut dissous en juillet, conformément * On a longtemps considéré ces ordonnances en force dans le Bas-Canada, même après l'union ; on choisissait généralement le s jour de la St. Pierre pour faire l'appel nominal des miliciens. L'auteur se rappelle avoir vu une de ces réunions de milicieus à St. Roch. L'officier proposé à l'appel n'était guère populaire, à chaque nom appelé, on répondait par des bêlements, des aboyments et autres cris d'animaux, on finit par lui lancer des pierres, et ! officier dut prendre la fuite. — 257 — à des instructions reçues du bureau colonial; les élections générales eurent lieu sans retard, mais le gouvernement n'y gagna rien, le parti populaire s'augmenta encore de quelques nouveaux membres, malgré la forte opposition qu'y firent les candidats officiels. A Montréal, à Sorel, à St. Eustache, à la Basse-ville de Québec, il y eut des désordres et des rixes ou les canadiens furent vainqueurs. Les jour- naux anglais même l'admirent, l'un deux le Canadien Spectator, rédigé par M. Waller, journaliste non moins remarquable par ees talents que par sa haute naissance disait : " les élections sont presque finies, les amis du roi, de la constitution et du pays ont rem- porté une victoire signalée. Le3 employés de l'admi- nistration du comte Dalhousie et l'administration elle-même ont été formellement et généralement désapprouvés. On s'attend que cette fois le gouver- neur comprendra que c'est inutile de vouloir lutter contre l'opinion générale de la, province." Quelques temps avant les élections, M. Papineau conjointement avec plusieurs autres membres de l'op- position avait lancé un manifeste politique, dans lequel, après avoir parlé de la situation en général, il blâmait vertement le gouverneur d'avoir, sans aucune raison selon lui, dissous les chambres et de s'opposer avec opiniâtreté à la présentation du budget comme le voulait l'assemblée. Quand vinrent les élections il ne garda plus de ménagements ; dans ses discours à ses électeurs, il alla jusqu'à accuser le gouverneur de se faire le complice 17 — 258 — de ses ministres et de persister à jj vouloir garder le contrôle d'une partie des revenus, afin de cacher au pays les dilapidations et les vols de «es favoris. La plupart des autres candidats tinrent à peu près le même langage. Ajoutez à cela le ton violent des journaux, les récriminations causées par les ordon- nances de milice, et l'on se fera une idée de Tétat d'agitation dans lequel se trouvait le pays pendant les élections. Il n'y eut pas jusqu'aux Etats-Unis ou l'agitation se fit sentir ; un certain nombre d'émigrés canadiens fixés à Plattsburg avaient fondé Y Ami du peiiple, ce journal n'avait pas à craindre les rigueurs du pouvoir, aussi pendant les élections s'exprimait-il dans le lan- gage le plus violent : " Canadiens, disait-il dans son numéro du 4 juillet, on travaille à vous forger des chaînes, il semble qu'on veuille vous anéantir ou vous gouverner avec un sceptre de fer, vos libertés sont méconnues, vos droits violés, vos privilèges abolis, vos réclamations méprisées, votre existence politique menacée d'une ruine totale. Yoici que le temps est arrivé de déployer toutes vos ressources, de montrer votre énergie et de convaincre la mère patrie et la horde qui depuis un demi siècle vous tyrannisent dans vos pauvres foyers, que si vous êtes sujets vous n'êtes pas esclaves." Le gouverneur général condamné par la voie du peuple, méprisé par les orateurs politiques et haineux par sa nature voulut se venger immédiatement, en attendant une autre vengeance qu'il méditait lorsque — 259 — le parlement serait ouvert. Le douze septembre il publia un ordre général de milice dans lequel il remerciait ceux qui avaient obéi aux ordonnances, mais à la fin il annonçait la destitution des officiers qui avaient désobéi, ou de ceux qui, dans les assem- blées publiques, avaient manqué de respect envers le représentant du souverain. Cette dernière partie avait rapport à M. Papineau et à ses amis qui presque tous avaient des commissions dans la milice ; en effet tous les membres canadiens hostiles au gouvernement et qui étaient officiers de milice avait été destitués sans aucune réserve, la destitution s'était môme étendue à leurs amis qui avaient pris une part active dans les élections. Ce fut sous l'empire de cette surrexcitation que s'ouvrit le parlement, le 20 novembre 1827. La cham- bre s'occupa de suite d'élire son président, ce fut M. Papineau qui fut élu. M. Yallières que le sollici- teur général Ogden avait proposé contre sa volonté n'ayant réuni que quatre voix. La chambre se rendit immédiatement au conseil pour informer le gouver- neur que son choix était encore tombé sur M. Papi- neau. Dalhousie, qui avait prévu la chose et qui voulait se venger de M. Papineau et de la majorité, fit dire à l'assemblée par le président du conseil, qu'il n'approuvait pas la nomination de M. Papineau à la présidence, et qu'elle eût à s'en retourner pour faire un nouveau choix. On peut juger de l'excitation que produisit ce refus qui pourtant était attendu ; les délibérations furent — 260 — reprises, M. Yalliéres prétendit que le choix du prési- dent était libre, que l'approbation de ce choix par le gouverneur n'était pas rigoureux, et que la demande qu'on en faisait était une pure formalité. La chambre adopta ces idées et les exprima dans une série de résolutions; elle concluait en disant qu'elle persistait dans son choix, que M. Papineau devait être et qu'il était réellement président. Elle prépara en même temps une adresse semblable à celle que les communes anglaises avait présentée à Charles II dans une occasion semblable, et cinq mem- bres furent chargés de porter cette adresse au gouver- neur. Lorsqu'ils furent au château, le gouverneur leur fit dire que tant que l'assemblée n'aurait pas choisi un autre président, il ne recevrait ni l'adresse ni ceux qui en étaient les porteurs. Dalhousie voyant qu'il n'aurait jamais raison de l'assemblée prorogea les chambres le 23 novembre et les députes s'en retournèrent dans leurs foyers. A peine la proroga- tion avait-elle eu lieu que les partisans du gouverneur convoquèrent une assemblée publique à Montréal. Dans cette assemblée on adopta différentes résolutions approuvant la conduite du gouverneur. L'assemblée des marchands de Québec alla plus loin, elle déclara que la conduite et le langage que M. Papineau avait tenus pendant les élections, était une justification de refus du gouverneur d'avoir désapprouvé sa nomina- tion à la présidence de l'assemblée. Il fut adopté des résolutions dans le même sens, dans les grands centres du district de Montréal, et particulièrement dans les — 261 — cantons de l'est, alors presqu' exclusivement peuplés de colons parlant la langue anglaise. Mais l'opposition ne restait pas inactive, elle prépa- rait aussi des résolutions contenant les griefs qu'elle avait contre le pouvoir, et condamnant la conduite du gouverneur. On organisa des comités pour prendre des signatures, et recueillir les sommes nécessaires pour payer les dépenses des délégués qu'on voulait envoyer en Angleterre porter ces résolutions. Quatre vingt mille signatures couvrirent ces représentations que MM. Yiger, Cuvillier et iNeilson furent chargés d'aller porter à Londres. M* Gale magistrat et chef de police de Montréal, fut chargé de porter en Angleterre les communications de lord Dalhousie au bureau colonial, et les adresses qu'il avait reçues. Le Bas-Canada n'était pas seul mécontent de ceux qui l'administraient, le parti libéral du Haut-Canada était en guerre ouverte avec l'oligarchie qui le tyrannisait. Des adresses avaient été envoyées en Angleterre pour représenter les griefs dont il avait à se plaindre. Cette coïncidence de mécontentement don- nait un nouveau poids aux récriminations des cana- diens. Dalhousie exerça sa sévérité sur les magistrats, un grand nombre d'entre eux furent destitués pour avoir pris une part active dans les assemblées publiques convoquées pour censurer la conduite du gouverneur. Puis, à l'instigation des officiers en loi de la couronne, quatre accusations de libelle furent portées en mars — 262 — pendant les assises criminelles de Québec contre M. Neilson rédacteur de la Gazette de Québec une autre contre M. Mondelet, avocat des Trois-Rivières. * M. Waller, rédacteur du Canadien Spectator et MM. Duvernay et Lane, imprimeurs, furent aussi accusés de la même offense. Toutes ces accusations restèrent sans effet, en conséquence des recommandations con- ciliantes faites par le comité des communes anglaises qui s'occupaient des affaires du Canada. Lord Dal- housie, par un ordre général, fit aussi disparaître le règlement de la milice qui autorisait la formation de bataillons dont les uns étaient composés de canadiens et les autres d'anglais. • L'adresse dont M. Keilson et ses collègues étaient les porteurs contenaient tous les griefs dont le peuple canadien avait à se plaindre, elle faisait peser sur le conseil législatif dont la majorité était composée de conseillers exécutifs, de juges et d'autres personnes dépendantes du pouvoir, le rejet des différentes mesu- res de l'assemblée propres à remédier aux abus, à encourager l'éducation, à promouvoir les intérêts généraux de la province et l'amélioration du pays, à augmenter la sécurité des intérêts des sujets. Cette adresse exposait aussi les fautes que le gouverneur avait commises par ses actes arbitraires et tyranniques, en prorogeant les chambres sans raison, en n'exigeant pas des officiers préposés à la perception des impôts, des garanties pour leur bonne administration, en * M. Mondelet est maintenant juge du banc de la Reine. — 263 — menaçant par le moyen de ' ses journaux, ceux des officiers publics qui ne supporteraient pas le gouvernement, de les priver de leurs offices, d'avoir toujours soutenu une politique de vengeance, en refu- sant la sanction royale à cinq bills, et en encourageant le conseil législatif à faire la même chose à l'égard des projets de loi de l'assemblée au sujet des bills d'ap- propriations, enfin d'avoir violé les franchises électo- rales du peuple, en influençant directement ou indi- rectement les élections. L'adresse des habitants des cantons de l'Est comportait contre la législature coloniale les griefs suivants ; à' abord que la tenure seigneuriale continuait à exister contrairement à un statut impérial, passé dans la quatorzième année du règne de George III ensuite que, formant pour ainsi dire une population séparée, composée presqu'exclusivement d'anglais, ils étaient cependant régis par les lois françaises, que les essais tentés par le conseil législatif pour introduire les lois anglaises avaient échoué dans l'assemblée. Cette, adresse était aussi pauvre de raisons que riche de fanatisme, d'intolérance et d'esprit de domi- nation, mais il paraît que Gale avait reçu instruction du gouverneur de s'appuyer sur cette adresse, et sur celles que le gouverneur avait reçues pour donner une nouvelle division politique du Canada, de manière à annexer au Haut- Canada, les cantons de l'Est et l'Ile de Montréal. Le gouvernement anglais, voyant l'état compliqué des affaires en Canada, et saisi des plaintes contradic- — 264: — toires de ses habitants, résolut de soumettre le tout au parlement. En conséquence M. Huskisson proposa la formation d'un comité spécial qui serait chargé de s'enquérir de l'état du gouvernement civil en Canada,, et de faire un rapport après avoir fait une enquête minutieuse ; le comité qui fut nommé se composait de vingt et un membres. En proposant sa motion M. Huskisson développa avec talent ses vues sur les affaires canadiennes et sur la situation politique telle qu'il la comprenait. " Personne, j'en suis sûr, dit- il, ne peut dire que les prétentions du corps législatif, d'avoir l'entière administration des deniers qui sont entre ses mains, ne soient fondées en loi, ni par la pratique. D'un autre côté, l'assemblée ayant le cofîre public à sa disposition, ayant le contrôle complet du revenu général, pour imposer ses prétentions irré- sonables, ainsi dois-je les appeler parce qu'elles sont contraires à la loi, et subversives de tout principe du gouvernement constitutionel, l'assemblée, dis-je, a refusé d'approprier aucune partie du plus grand revenu, dont elle a le contrôle, à moins que le contrôle du revenu permanent de la couronne ne lui fut donné. Telle est la cause des difficultés entre l'exécutif et le corps législatif du Canada. La conséquence de l'agi- tation d'une question telle que celle là, dans laquelle les deux partis s'en sont tenus à leurs droits extrêmes {écoutez, écoutez), a été des plus malheureuses, et telle que tous ceux qui considèrent le sujet sans passion, ne peuvent s'empêcher de la regretter amèrement. Une des plus malheureuses conséquences a été la nécessité — 265 — dans laquelle s'est trouvé le représentant du roi, d'approprier des sommes d'argent considérables pour le service de la colonie, sans la sanction de la législa- ture coloniale. Une telle chose, dans un pays possédant une assemblée législative, dans un pays qui a la moindre prétention à la liberté, ne peut être justifiée que par la nécessité absolue d'empêcher une confusion générale et le renversement du gouvernement. Je ne viens pas ici, dans la chambre des communes anglai- ses, vivant comme je le suis, dans un pays ou les droits de la branche populaire de la législature au contrôle des dépenses de l'argent public sont si con- nues et si universellement reconnues, pour défendre l'opportunité pour le gouverneur d'avoir dépensé les revenus delà colonie, sans la sanction d'nn acte de la législature, tel que requis par la loi, mais pressé par la nécessité, on ne doit peut-être pas s'en étonner ; cependant nous devons regretter cette nécessité qui a porté le gouverneur à prendre tous les moyens en son pouvoir, pour maintenir la tranquillité du pays confié à sa charge. Quand les principes sont poussés à l'extrême, une législature doit sans doute, réduire le gouvernement exécutif d'un pays, et le harasser par une opposition continuelle pour obtenir le point en dispute. Mais en même temps quels ne sont point les malheureux résultats pour le peuple ? Quel a été au milieu de ce conflit le résultat pour la province du Canada? Rien de cet argent levé de cette manière irrégulière, comme je dois le dire, n'a été dépensé, et cependant il était absolument nécessaire pour con>

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d’uire le gouvernement du pays : toutes les amélio-
rations ont été suspendues, les chemins négligés,
l’éducation mise de côté, les édifices publics ont
souffert au point de tomber en ruine, et le pays géné-
ralement, je ne dirai pas réduit à l’état d’anarchie,
parceque le représentant du roi a soutenu le gouver-
nement, est tombé dans un état tel que pas un
canadien n’a pas souffert dans ses intérêts. C’est notre
devoir d’amener la fin d’un tel état de choses, et je
pense que mon rapport est suffisant pour convaincre
la chambre, sans entrer dans de pins grands détails,
que si nous en avons le droit et le pouvoir, le temps
est venu d’interposer notre autorité bienfaisante pour
donner la tranquilité à ces sujets, et pour établir un
système de gouvernement tel qu’il donne une part
légitime à toutes les parties de la province, à l’admi-
nistration des revenus, de manière à les rendre capa-
bles d’améliorer le pays, un système tel qne d’un
côté il donne à la législature le pouvoir de faire
l’application entière des revenus à l’amélioration du
pays, et que de l’autre il la restreigne sur ses préten-
tions à ce que j’appellerai la liste civile. Tous ceux
qui connaissent quelque chose de ce pays, savent les
inconvénients de voir le représentant du roi, l’admi-
nistration de la justice criminelle qui est la même que
celle de l’Angleterre, dépendants quant aux émolu-
ments, des jugements variables d’une assemblée popu-
laire. On doit remarquer surtout les inconvénients
qui résultent de cet état de chose pour la magistrature
qui, dans l’administration de la justice, peut souvent

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venir en collision avec les membres de rassemblée qui
chaque année doivent fixer la récompense de ses
services. Les juges ont des devoirs à remplir, et il
est essentiel qu’ils soient parfaitement indépendants.
J’espère que je n’ai pas besoin de rien dire de plus
pour convaincre la chambre que le système que la
législature veut établir n’est pas compatible avec
l’indépendance et la dignité, ni du représentant du roi,
m des juges en matière criminelle, (écoutes, écoutez).
Je ne suis pas prêt à dire de quelle partie parti-
culière des revenus ces charges doivent être prises,
mais je pense qu’on doit changer l’ordre actuel de
payer une somme fixe et déterminée sur un revenu
aussi variable. Sans cependant entrer dans des détails
particuliers sur ce point, je pense qu’on peut trouver
quelque manière d’établir ce que j’ai appelé la liste
civile, d’après laquelle les salaires des juges et des
autres départements seraient alloués pour la vie, ou
toute manière qui répondrait à l’objet que j’ai en vue,
le reste du revenu serait laissé à l’entière disposition
de la législature coloniale. Je dois en justice, au nom
du gouvernement du roi en Canada, lui rendre ce qui
lui est dû. Bien loin de vouloir avoir aucun contrôle
sur aucune somme autre que celle à laquelle
j’ai fait allusion, il n’a jamaishésité, pendant le cours
de ces troubles, de mettre devant la législature de la
province un compte de l’application et des payments
du revenu, pour que l’assemblée s’assurât par elle-
même qu’il n’y avait eu aucune malversation. Le
gouvernement est parfaitement consentant, c’est évi-

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dent d’après ce que je viens de dire, d’accéder à la
suggestion que je fais touchant la part du contrôle
qu’il aura sur les revenus coloniaux. Je ne pense
pas qu’il y ait aucun autre sujet touchant l’état
présent du Canada qui pourrait me justifier de retenir
la chambre plus longtemps, et je pense que j’en ai dit
assez pour appuyer la motion que j’ai l’intention de
présenter. Il y a deux points sur lesquels j’insiste
principalement. Le premier est l’état du système
représentatif dans le Bas-Canada, et la situation du
revenu par rapport à l’administration de la justice, le
second est la dispute qui s’est élevée touchant les
pouvoirs des corps exécutif et législatif. L’exposé que
j’ai fait de ces deux points est suffisant, je l’espère,
pour m’autoriser, au nom du comité, à faire la motion
que je vais faire. Avant de m’asseoir, je demande la
permission d’ajouter un mot ou deux au sujet d’une
insinuation faite dans cette chambre et ailleurs.
Je veux parler de la politique d’abandonner complè-
tement la colonie. Ceux qui pensent qu’il serait
politique d’en agir ainsi, peuvent dire que nous devons
nous épargner tout trouble et efforts pour améliorer
la province, en prenant le parti le plus sage, eelui de
l’abandonner entièrement. Que ceux qui raisonnent
ainsi considèrent que les colons sont nos concitoyens,
qu’ils sont comme nous, [nés sous la domination de
notre roi, qu’ils remplissent tous les devoirs de sujets,
qu’ils veulent rester tels et remplir les obligations
que requert leur allégeance à la couronne. Je dis
que tant que ce sera le cas, ils ont droit de réclamer

— 269 —

de nous la protection dont ils sont si dignes, à cause
de leur fidélité et de leur bonne conduite (applaudis-
sements).

A ce sujet je ne parlerai pas, quoique ce soit une
raison très soutenable, je ne parlerai pas, dis- je de
l’importance de ces provinces pour la Grande Breta-
gne, au point de vue naval, commercial et politique.
Mais i’implore les honorables membres, avant d’en
venir à une conclusion telle que celle que je viens de
mentionner, de considérer l’honneur politique de ce
pays et l’impression morale que ferait sur toutes les
nations, un tel abandon sans nécessité et sans qu’il ait
jamais été demandé. (Applaudissements.) Aban-
donnerons-nous une telle possession sans une dispute ?
Ferons nous, comme ça été le cas une fois pour une
partie de l’Amérique, appartenant aussi autrefois à la
France, ferons-nous de cette question une affaire de
louis, shelins et deniers. Vendrons nous cette pro-
vince à une autre puissance ? l’Angleterre n’est jamais
tombé si bas (applaudissements). Le Canada est lié à
nous par le souvenir de la valeur de ses habitants,
tant sur la terre que sur la mer. (Ecoutes, écoutes),
C’est un trophée trop glorieux pour adopter une des
idées que je viens d’émettre, le Canada ne peut qu’être
maintenu en notre pouvoir par tous les moyens possi-
bles ; nous sommes tenus, si nous voulons soutenir
notre honneur sans qu’il soit terni, de donner au
Canada protection jusqu’à la dernière extrémité.
C’est un pays, souvenons nous en bien, là où n’existe
pas ces malheureuses distinctions qui prévalent dans

— 270 —

quelques autres de colonies ; il n’y a pas de division
de caste, point d’esclavage, le peuple est, je puis dire,
presque comme une famille unie à ce pays par les
liens les plus intimes. L’Angleterre est la mère de
plusieurs colonies, l’une d’elle forme maintenant un
des plus vastes et des plus florissants empires du
monde, par celle-ci et par d’autres, nous avons
porté notre langue, nos libres institutions et notre
système de loi jusqu’aux coins les plus reculés du
globe, ce que nous avons ainsi planté prend mainte-
nant racine, et ce que nous protégeons maintenant
comme colonie, sera sans doute un jour où l’autre des
nations libres communiquant la liberté à d’autre

pays Que le Canada reste pour toujours

dépendant de l’Angleterre, où qu’il devienne un état
indépendant, non pas je l’espère par une séparation
hostile, mais par un arrangement amical, néanmoins,
le devoir et l’intérêt du pays sont de lui inspirer des
sentiments anglais, et de lui donner le bénéfice des
institutions et des lois anglaises. »

M. Huskisson ne fut pas le seul qui parla en faveur
des canadiens. M. Hume, qui avait été chargé de
faire voloir les plaintes du Haut-Canada, blâma géné-
ralement la politique du bureau colonial. La colonie
du Canada, dit-il n’est pas seule à se plaindre; à
l’exception de la Nouvelle Ecosse, il n’y en a pas une
qui ne se plaigne depuis longtemps, sans pouvoir
obtenir justice, preuve que les affaires des colonies
sont mal administrées.

De plus, dans sa réplique aux différentes observa-

— 271 —

lions qui lui furent faites, M. Huskisson termina en
disant que c’était à dessein qu’il s’était abstenu de
parler de la conduite publique de lord Dalhousie, il
pensait que le noble lord devant selon toute proba-
bilité, être bientôt rappelé pour remplir une situa-
tion plus élevée, c’était là la meilleure preuve
que sa conduite avait satisfait le gouvernement qui
l’avait nommé. Pour montrer à la chambre, disait-il,
l’opportunité d’examiner le sujet tel qu’il l’avait
exposé, comme on avait, dans le cours des débats
parlé de M. Pitt, il allait lire un extrait de ses
discours, lorsque ce ministre proposa de doter le
Canada d’une constitution. Pitt disait alors que si la
législature n’était pas, a proprement parlé bien consti-
tuée, la chambre devait se rappeler que le parlement
était parfaitement compétent pour la modifier ou
l’alterrer. Puis M. Huskisson ajoutait, j’ai agi d’après
le principe émis trente cinq ans auparavant par M.
Pitt, s’adressant ensuite à Sir J. Mackintosh qui tout
en le combattant avait fait allusion à la pétition qui
comportait 87,000 signatures, il ajoutait puisque sur
87.000 signatures, 9000 paraissent avoir été écrites
par les pétitionnaires mêmes, ce fait la seul est une
preuve que le Bas-Canada n’a pas été gouverné par
la meilleure des administrations. Ce fut dans le mois
de Juin que Sir James Kempt, qui devait remplacer
lord Dalhousie dans le gouvernement de la province
arriva à Québec, Dalhousie reçut avant son départ
les marques les plus flatteuses d’estime et de considé-
ration de la part des habitants anglais de la province.

— 272 —

De fait si la population , canadienne avait eu à se
plaindre de lui, il n’ en est pas moins vrai qu’il avait
toujours agi sans astuce avec elle, obéissant comme
un soldat aux instructions qu’il recevait de l’Angle-
terre, mais sans avoir le discernement nécessaire pour
faire au gouvernement impérial, les représentations
que devaient infailliblement suggérer à un homme de
sens les difficultés incessantes entre le conseil législa-
tif et l’assemblée, au sujet des subsides, et le mécon-
tentement général qui régnait dans la province, mais
son esprit discipliné n’alla pas au delà de ce qui lui
paraissait être de la part des cana diens une espèce
d’insubordination.

Après avoir examiné les griefs contenus dans la
pétition des canadiens, et dans celle des habitants des
cantons de l’Est, le comité commençait par suggérer
l’établissement d’une cour spéciale pour les cantons,
puis il exprimait fortement Son opinion en faveur du
maintien des canadiens d’origine française dans la
jouissance paisible de leur religion, de leurs lois et de
leurs privilèges.

Un des obstacles qui a empêché l’amélioration du
pays, disait le rapport, est l’octroi de grandes étendues
de terres faites à des individus occupant des charges
officielles, et qui éludaient les conditions des octrois
par lesquelles ils étaient tenus de les cultiver.
Quand aux difficultés financières, contrairement à
l’opinion des officiers en loi de la couronne, le rapport
suggérait de mettre à la disposition de la législature
tous les revenus de la province, tant ceux provenants

— 273 —

de l’acte de 1774, que ceux provenants des différentes
lois provinciales, en rendant toutefois le gouverneur
les membres du conseil executif et les juges indépen-
dants d’un vote annuel pour leurs salaires, et il blâmait
ie gouvernement d’avoir dépensé d’aussi fortes sommes
sans le concours des représentants.

La constitution du conseil législatif était vicieuse,
on ne devait pas le composer d’un aussi grand nom-
bre de fonctionnaires publics qui formaient une
majorité dépendante et servile. Il insistait surtout
sur l’exclusion de3 juges, et faisait cependant excep-
tion en faveur du juge en chef dont les connaissances
légales pouvaient être d’un grand secours aux conseil-
lers dans leurs délibérations. L’union des deux
Canada ne paraissait pas rencontrer l’approbation
générale dans l’une ni dans l’autre des provinces, et le
comité refusait de recommander cette mesure.

Quand aux réserves du clergé dans le Haut-Canada,
le comité consacrait une longue partie de son rapport
à examiner l’opportunité d’étendre à toutes les sectes
religieuses, les revenus des terres donnés primitive-
ment pour le soutien de l’église anglicane, et il con-
cluait dans un sens favorable aux autres dénomina-
tions religieuses.

La question des réserves du clergé dans le Haut-
Canada, et de la tenure seigneuriale dans le Bas-Canada
n’a reçu une solution finale qu’en 1854 sous l’adminis-
tration MeNab-Taché et sous la direction de l’hono-
rable L. T. Drummond, actuellement juge du Banc de

la Keine.
18

— 274 —

Le comité d’enquête attribuait à deux causes
principales le mécontentement des colons, 1° les
défectuosités des lois et de la constitution, 2° » la
manière dont le système politique avait été administré y
et il allait arriver aux conclusions, quand il fut saisi
de nouvelles plaintes portées contre l’administration
de Dalhousie ; ces plaintes avaient surtout rapport à
la destitution d’un certain nombre d’officiers de milicey
et à la mise en accusation de quelques journalistes par
le procureur du roi, à l’instigation du gouverneur,
A ce sujet il termina en suggérant de faire une
enquête minutieuse des faits qui avaient amené ces
persécutions.

Comme on le voit îe comité, tout en acquiesçant à
la demande des colons anglais, faisait aussi beaucoup
de concessions, et reconnaissait la validité des plaintes
des canadiens. Il semblait vouloir ménager les deux
partis hostiles, sans toutefois compromettre les intérêts
des habitants anglais de la colonie, il arriva ce qui
arrive toujours quand on veut contenter tout le monde,
le rapport ne satisfit personne, mais Sir George Murray r
qui venait de remplacer M. Huskisson comme ministre
des colonies, détruisit les bons résultats qu’on pouvait
attendre de ses suggestions, en. déclarant qu’il ne s T y
conformerait qu’en autant que la chose lui serait
possible. Ainsi, tout en reconnaissant la justice des
récriminations des canadiens, le gouvernement impé-
rial ne s’engageait à rien, laissant tout à la discrétion
d’un ministre exposé, comme ses prédécesseurs, à
ï-influence hostile aux intérêts des canadiens. Dal-

■ — 275 –

housie avait un ami puissant et dévoué dans le
nouveau ministre des colonies, c’était en partie à son
influence et à celle de ses amis qu’il devait sa nomina-
tion au poste important de commandant militaire des
Indes. Aussi Murray, dans une entrevue qu’il eût
avec les agents canadiens, exprima- 1- il son regret de
voir que Dalhousie eut perdu la confiance du
Canada, il lenr assurait en même temps qu’il allait
prendre tous les moyens nécessaires pour faire cesser
les difficultés qui troublaient la colonie depuis si
longtemps.

Le rapport ne reçut pas la sanction de la chambre,
et les agents canadiens n’insistèrent pas, pareequ’ils
prévoyaient que le fanatisme religieux prévaudrait, et
qu’ils seraient ainssi exposés à perdre les avantages
qu’ils avaient obtenus par le rapport même.

■ooo-

CHAPITRE XI.

Premiers actes de Kempt. — Ses instructions. — Ouverture de îa
session. — Dépêche impériale au sujet des subsides. — Pétitions
contre Dalhousie.— -Rapport du comité sur la dépêche. — Nouvelle
loi d’élection. — Vote de remerciments. — Christie expulsé — Pour-
quoi.— Accusations contre les juges Kerr et Fletcher. — Quelques
mots sur M. Tallières. — Nouvelles élections. — Ouverture de la
sossion de 1830. — 2ème expulsion de M. Christie. — Lois contre
les jnges. — Nouvelles dépêches au sujet des subsides. — Représen-
tation de M. Duval. — Ecoles mixtes. — Représentation au sujet des
ordonnances de milice. — Bill de subsides adopté. — Nécessité de
deux chambres. — Composition du conseil législatif. — Assemblée à
St. Charles, — Eempt remplacé par lord Aylmer. — Mort de George
IV et avènement de Guillaume IV, — Ouverture de la session de
1831. — 3èrae expulsion de M. Christie, — Illégalité de cette expul-
sion. — Membres pour la première fois. — Accusations contre Stuart.
— Nouvelle proposition au sujet des subsides rejetée — Projet
d’égibilité du conseil réjeté. — 4ème expulsion de M. Christie.
4ème dépêche au sujet des subsides. — Juges déclarés incapables
de siéger aux conseils, — Faute de rassemblée. — Juge Kerr sus-
pendu.

Un des premiers actesdelVnniinstrationde Kempt,
fut de recommander la prudence et la réserve ans
journaux officieux, et de les engager à éviter dans
leurs écrits ces expressions Laineuses et Iiostiles, afin
qu’ils pussent rétablir la paix et la concorde parmi les
habitants des deux origines; il ordonna aussi aux
officiers comptables du gouvernement de rendre un
compte fidèle de leur administration.

Ces dispositions préliminaires firent croire que, bien
que le rapport du comité sur les affaires du Canada
n’eut pas été adopté, néanmoins, on avait rconnu en
Angleterre que l’administration coloniale était vicieuse,
et que tout en ne voulant pas froisser la classe anglaise,

— 277 —

on en viendrait petit à petit à rendre justice aux
canadiens ; mais tel n’était pas le cas.

Sir James Kempt avait reçu instruction de Sir
George Murray de dissimuler autant que possible, en
laissant croire à son impartialité absolue, mais en
même temps le ministre des colonies lui défendait
expressément de faire des concessions, et lui ordonnait
de protéger le eonseil législatif contre les empiéte-
ments de rassemblée ; quand à la question des subsides
îl avait aussi reçu des instructious’ spéciales que nous
verrons plus bas.

Ce fut avec ces illusions que les députés commencè-
rent leurs fonctions législatives le 21 novembre 1828.
Considérant M. Papineau comme duement élu prési-
dent à la dernière session, ils le présentèrent comme tel
au gouverneur qui approuva ce choix, puis il fit aux
chambres un discours qui avait été rédigé, en Angle-
terre par Sir George Murray, et dans lequel il dit
qu’il s’efforcerait de respecter les prérogatives des
différentes branches de la législature, mais quand aux
difficultés fiscales le gouvernement anglais avait bien
voulu le décharger de toute responsabilité, et dans
quelques jours il leur communiquerait une dépêche
relative à l’emploi du revenu public,, et il finit en
recommandant l’oubli des jalousies et des dissentions
passées. La chambre dans sa réponse se flatta de
l’attention que les communes anglaises avaient donnée
à la pétition des canadiens. Le comité, disait-elle, a
formellement applaudi à presque toutes les réformes
qu’ont demandé et que demandent encore le peuple

— 278 —

canadien et ses représentants, et son rapport est un
monument impérissable de sa justice et de sa
profonde sagesse, et un témoignage authentique
delà réalité de uos griefs et de la justice de nos
plaintes. Mais l’assemblée protesta contre la proro-
gation subite de la dernière session qui rendait
nécessaire la présentation des comptes pour deux
années au lieu d’une.

Après la réponse à l’adresse, un comité de bonne
correspondance entre les deux chambres fut nommé
de part et d’autre.

Sept jours après l’ouverture, la chambre reçut com-
munication de la dépêche impériale. Cette dépêche
établissait d’abord que tant le gouvernement anglais
ne changerait pas les statuts impériaux qui, avant la
constitution, créaient des revenus à la Province,
celle-ci ne pouvait pas compter qu’elle pourrait en
avoir la disposition, et que par conséquent ils devaient
rester à la Couronne. Ces revenus s’élevaient avec
ceux des terres de la couronne à £38,000 sur
lesquels le gouvernement décidait de prendre le
salaire du gouverneur et ceux des juges ; quand à la
balance elle resterait entre les mains du receveur
général j usqu’à ce que le gouverneur eut consulté la
législature à ce sujet, sur la manière la plus avanta-
geuse de l’appliquer au bien public. Cet arrange-
ment, selon la dépêche, n’était que temporaire, car le
gouvernement impérial avait un autre projet en vue
pour régler d’une manière définitive la question des
finances. Relativement au danger que présentait

— 2?9 —

raccumulation des capitaux entre les mains du rece-
veur et des shérifs, le gouvernement se rendait respon-
sable de tout montant qui serait déposé par eux entre
le3 mains du commissaire général. L’agent, selon la
dépêche, serait bien accueilli pourvu qu’il fut nommé
par une loi. Enfin on recommandait fortement la
création de bureaux d’enregistrement.

Les illusions s’évanouirent après la lecture de cette
■dépêche, la chambre voulait éviter un vote permanent
pour cette partie du revenu public mis à la disposition
du conseil exécutif par les actes impériaux, et mainte-
nant la dépêche allait au delà, elle consentait seule-
ment à ce que la chambre fut consultée sur l’emploi
de ces revenus, sans s’engager à acquiescer à ces
suggestions.

Au début de la session, il arriva de toutes les parties
du pays des pétitions contre les actes de l’administra-
tion de Dalhousie ; ces requêtes renfermaient les griefs
dont les canadiens avaient à se plaindre, savoir : la
mise en vigueur des anciennes ordonnances de milice,
la destitution des officiers et des juges de paix, etc.
Ces requêtes ne furent pas prises en considération par
la chambre qui ne voulait pas ramener dans le
domaine de la discussion ces sujets de discorde.

Nous avons vu précédemment que le procureur
général Sewell avait, par une intervention, fait déclarer
nulle l’érection des nouvelles paroisses en vertu de
l’ordonnance de 1789. M. Yallières fit agréer une
loi qui, moyennant certaines formalités, rendait légale

280

les subdivisions paroissiales des différentes parties de
la province.

Les commissaires nommés pour établir la proportion
des revenus de douane à laquelle le Haut-Canada
avait droit, décidèrent qu’un quart de ces revenus
devait revenir à cette partie de la colonie.

Le message du gouvernement anglais avait été
renvoyé à l’examen d’un comité spécial qui fît son
rapport le 6 décembre. Ce rapport contenait plusieurs
résolutions par lesquelles la chambre affirmait qu’elle
ne devait, en aucun cas, abandonner ou compromettre
son droit de contrôle sur les recettes et les dépenses de
la provincej et il niait au gouvernement britannique
le droit d’intervention dans les affaires coloniales, à
moins que ce ne fut pour modifier ou révoquer les
statuts impériaux qui concernaient la province. Le
rapport concluait en disant qu’il était nécessaire pour
le bonheur du pays de régler les questions suivantes.

L’indépendance des juges et leur éloignement de la
politique.

La responsabilité et la comptabilité des officiers
publics.

Le conseil législatif plus indépendant du revenu
public, et plus intéressé au bien du pays.

L’application des biens des jésuites à l’éducation.

La disparition des obstacles à l’établissement du
pays, surtout ceux qui résultaient des réserves de la
couronne et du clergé.

Le redressement des abus et la cessation des griefs
dont les habitants du pays avaient à se plaindre.

— 281 —

Ce rapport fut ensuite mis sous forme d’adresse,
envoyé au gouverneur et transmis par lui à la
métropole.

M. Bourdages présenta un bill pour diviser de
nouveau le Bas-Canada en circonscription électorales
plus justes et plus commodes, cette mesure fut sanc-
tionnée à la fin de la session, elle portait la représenta-
tion à 84 membres et donnait neuf membres aux
cantons de l’est, cette loi fut, à la fin de la session,
réservée à la sanction royale, et ce ne fut que le 17
août suivant qu’elle fut sanctionnée par Sa Majesté.

Sur la demande de M. Bedard, le juge des Tr ois-
Rivières fut mis sur îe même pijeds que les autres
juges du banc du roi, et comme il était âgé, il eût la
permission de se retirer avec une pension de quatre
cents louis ; il mourut quelque temps après.

On vota des remercîments à MM. Neilson, Yiger et
Cuvillier pour les services distingués qu’ils avaient
rendus en supportant avec patriotisme et talent les
requêtes des hr.bitants de la province, et aussi à Sir
James Macintosh et à M. Labouchère pour la défense
habile des droits des requérants.

M. Christie. député de la chambre pour le ccmto de
Gaspé, fut expulsé sur le principe qu’il avait conseillé
au gouverneur de destituer quelques magistrats, et M.
Yallières proposa un biil pour déterminer quelles
seraient les qualifications nécessaires pour être juges
de paix, mais ce bill après avoir reçu l’approbation
de la chambre fut rejeté par le conseil.

La destitution de M. Christie eut lieu sous des

■ — 232 —

circonstances qu’il ne sera pas inutile de rappeler ici.
Le député de Gaspô était en même temps président
des magistrats préposés aux assises criminelles infé-
rieures. En cette qualité, chaque année, d’après
l’usage plustôt qu’en vertu d’à droit, il présentait au
gouverne. nent une liste des personnes qu’il croyait
qualifiées à remplir les devoirs de juges de paix, et
suggérait en même temps des destitutions ; c’est ainsi
que l’année précédente il avait suggéré la destitution
de M1VL Quironet, Neilson et Bélanger, parceque
dans l’assemblée, ils avaient voté dans un sens hostile
à l’administration provinciale. Ce qui, selon M.
YalUères, aggravait encore la faute de M. Christie,
c’est qu’étant lui-même député, il avait abusé de sa
position pour espionner les votes et opinions de ses
collègues, et les avait ensuite dénoncés à l’exécutif ;
la conséquence c’est que les quatre membres nommés
plus haut avaient été destitués. M. Christie avait eu
le soin néanmoins de les prévenir de ce qui allait leur
arriver, en leur disant cependant que s’ils promet-
taient de changer leur conduite politique, il en était
temps encore, et qu’ils seraient maintenus dans leur
charge ; comme on le pense bien, sa proposition fut
reçue par des injures, et la chambre dans son examen
de l’affaire fut extrêmement sévère envers M. Christie,
elle lui refusa même le droit d’entendre des témoins à
décharge, demande que le solliciteur général Ogden
avait faite pour lui, et comme on l’a vu il fut expulse.
Il résultait bien -des inconvénients de ce pouvoir
laissé aux présidents des sessions de quartier, de

283

nommer ou de destituer leurs collègues dans la magis-
trature ; c’était un pouvoir contraire à l’indépendance
et à la dignité des juges de paix, et extrêmement
dangereux dans les mains d’un officier recevant un
galaire du gouvernement, il mettait le corps tout entier
des juges de paix sous le contrôle d’une créature du
gouvernement. Toutes ces accusations de libelle, de
langage séditieux, et de rébellion des années précé-
dentes, avaient commencé par des enquêtes prélimi-
naires prises devant quelques magistrats complaisants,
et dans l’état ou en étaient les esprits, avec le système
de choix des juges de paix, il était à craindre que de
pareilles persécutions se renouvelassent.

C’est après l’examen de l’affaire de M. Christie que
la chambre fut saisie des mises en accusations des
juges Kerr et Fletcher ; la première était portée par
M. Gugy avocat, l’assemblée ne statua rien sur ces
accusations, et la prorogation eut lieu le 14 mars 1829 ;
un grand nombre de lois avait été passé.

Après la session de 1829, M. Yallières de St. Heal
fut nommé juge des Troîs-Rivières à la place du juge
Bedard. Entré en parlement en 1819 il n’avait pas
tardé à y prendre le rang auquel ses talents hors
ligne lui donnaient droit. Nous croyons que M.
Vallières est la plus belle intelligence de ces temps
ou cependant les hommes de talents abondaient.
Chose rare il unissait l’esprit le plus brillant à une
facilité étonnante pour l’étude des choses sérieuses 4 en
un mot il semblait que Dieu en le créant n’avait rien
refusé à cet homme privilégié. Au milieu d’une

— 284 —

vie dissipée il avait pu néanmoins acquérir les con-
naissances les plus étendues sur le droit, les sciences,
l’histoires et les langues. Suspendu en 1838 pour
avoir comme ses collègues, les juges Bedard et Panet,
refusé Vhàbeas corqus, il fut nommé juge en chef de
la cour du Banc de la Reine à Montréal et mourut
en 1847. *

La loi passée dans la dernière session ayant é!é pro-
clamée après la sanction royale, en vertu d’une de ses
clauses l’élection des membres pour les nouveaux
comtés f eut lieu de suiie, en sorte que les membres
qui furent élus purent prendre leur siège à la session
suivante qui s’ouvrit le 22 janvier 1830.

Le gouverneur félicita les chambres de la prospérité
réelle de la colonie, le commerce s’était accru d’une
manière considérable et, en conséquence, les revenus

* Je ne puis ni’empêeher de citer ici les lignes si touchantes et si
belles que M. de Gaspé, dans ses mémoires, à consacré au juge
Vallières, son ami d’enfance.  » Combien de fois, o mon ami ai-je
vu couler tes larmes sur les malheurs d’autrui. Des âmes froides
t’ont reproché, lorsque tu siégeais sur le banc judiciaire, de n’écouter
souvent que les mouvements de ton cœur sensible, de t’ écarter alors
dans tes sentences de la stricte lettre de nos lois. L’hermine dont
tu était revêtu n’en a jamais été souillée, elle était aussi pure aussi
blanche, lorsque tu te présentas au tribunal de Dieu, précédé des
prières de la veuve et de l’orphelin, que le jour ou ta souveraine
t’en décora aux acclamations de tous tes compatriotes, Comme tous
les hommes au cœur de feu, au sang brûlant tu n’as pas été exempt
de grandes passions pendant ta jeunesse : que les hommes froids
s’en souviennent, mais l’ange de la sensibilité, en inscrivant tes
erreurs sur la page noire du registre de tes actions, les auras effacées
.avec des larmes. Aurais-tu manqué d’avocats au pied du grand
tribunal toi dont la vie a été consacré à la défense de l’humanité
souffrante. »

f Les noms de ces comtés étaient Missiquoi, Sherbrooke, Stans-
tead*Shefford et Drummond. M. Duval actuellement juge en chef
de la cour du Banc de la Eeine, entra aussi en parlement cette
année, il succédait à M. Vallière dans la division électorale de la
haute ville de Québec.

— 285 —

avaient augmentes. Kempt annonçait aussi aux
chambres qu’il avait pris des arrangements pour la
sûreté des deniers publics entre les mains du receveur
général, mais il ne dit pas quels étaient ces arrange-
ments, de plus il avait constaté qu’un grand nombre
d’écoles élémentaires s’étaient établies dans toute la
province sous l’empire de la nouvelle loi des écoles.
Il suggérait aussi de régler le cours de la monnaie de
manière à faciliter la circulation de l’argent anglais,
de passer une loi pour la qualification des juges de
paix, et d’aider à la construction de palais de justice
dans les centres populeux, enfin de taxer les portions
de territoire restées incultes et d’établir un bureau
d’enregistrement des actes.

De suite après la communication du discours du
gouverneur, M. Bourdages fit nommer un comité de
bonne correspondance entre la chambre et le conseil
qui en fit autant de son côté.

Le premier acte de la chambre fut d’expulser de
nouveau M. Christie qui après l’avoir été dans la
dernière session, comme on Ta vu antérieurement,
s’était fait élire de nouveau à Gaspé, M. Bourdages,
sur la proposition de qui l’expulsion avait été votée,
voulut aussi lui faire enlever les charges honorifiques
et lucratives qu’il tenait du gouvernement, mais cette
fois il échoua dans sa tentative.

Apres cela M. Neilson présenta un billqour rendre
vacans les sièges des membres de Rassemblée qui
accepteraient désormais des emplois lucratifs, ou qui
deviendraient comptables des deniers publics, cette

— 286 —

mesure passa par toutes les phases ordinaires, en sou-
levant des discussions interminables, mais elle finit par
être adoptée; elle fat réservée plus tard à la sanction
royale.

M. Bourdages à qui, en sa qualité de doyen de
l’assemblée, incombait la tâche de prendre l’initiative
de toutes le3 mesures hostiles au pouvoir, présenta
encore une loi pour reudre les juges inhabiles à
siéger et à voter dans les conseils législatif et exécutif.

La communication relative aux difficultés fiscales,
annoncée par le gouverneur dans son discours fut
envoyée à la chambre sept jours après l’ouverture ;
elle disait en substance que sous l’autorité du parle-
ment, il serait hors du pouvoir du souverain d’adopter
les mesures qui seules pouvaient faire espérer un règle-
ment de ces questions. L’affectation des revenus
provenant des statuts impériaux n’étant pas propre-
ment un droit que l’on pouvait maintenir, ou dont
l’on pouvait se désister à plaisir, mais un devoir dont
la responsabilité retombait sur le ministre des finances
de l’empire, et le parlement seul pouvait défaire ce qu’il
avait fait, soit en amendant soit en abrogeant l’acte
qui imposait certains droits sur les effets importés au
Canada, afin de créer des revenus à la province. En
même temps le gouverneur transmettait à la chambre
une évaluation des dépenses du gouvernement pour
l’année mil cent trente ; il demandait aussi de pourvoir
par une disposition spéciale aux arrérages des salaires,
il assurait enfin les députés qu’il allait être incessam-
ment pris des mesures pour amener, sous l’autorité du

— 287 —

parlement anglais, un arrangement amical des contes-
tations qui avaient déjà duré trop longtemps. La cham-
bre promit au gouverneur, d’après cette assurance,
qu’elle allait acquiescer à sa demande des subsides.

La loi électorale passée pendant la dernière session
n’avait pas absolument satisfait le gouvernement
impérial, quoi qu’il y eut donné sa sanction, Sir
George Murray avait chargé le gouverneur de com-
muniquer à la chambre ses idées* 6ur cette mesure.
Selon lui la division électorale dans le Haut-Canada
était beaucoup plus rationelle, tandisque les habitants
des comtés qui venaient d’être créés dans le Bas-
Canada, ne pourraient jamais avoir dans la représen-
tation, une part proportionnée à l’étendue de la
population et au degré de richesses auquel ces

comtés pouvaient atteindre à l’avenir.

M. Duval avait, dès le début d^ sa carrière politique,
pris une part active aux délibérations parlementaires ;
l’initiative des mesures relatives aux moyens de venir
en aide à l’éducation vint de lui. Il représenta aussi
les inconvénients qu’il y avait à laisser les prisonniers
croupir dans la paresse et pendant cette session il
recommandait au gouvernement, conjointement avec
MM. Blanchet et Stuart, l’achat des matériaux néces-
saires pour faire travailler les détenus. Il était
convaincu qu’à moins qu’il ne fut adopté une mesure
pour donner de l’emploi aux prisonniers, la prison
actuelle continuerait d’être ce qu’elle avait été faute
de discipline et d’emploi pour ceux qui l’habitaient,

— 288 —

une école de vice au lieu d’être un lieu de correction
et de réforme.

Les canadiens des villes de Montréal, Québec et
Trois-Rivières comprirent l’importance d’établir des
écoles élémentaires ou leurs enfants recevraient l’édu-
cation primaire, aussi, après avoir pris eux-mêmes
l’initiative en fondant des écoles, ils s’adressèrent à la
législature pour en obtenir un aide afin de soutenir
ces écoles, ils reçurent de la chambre les octrois
nécessaires à cette fin. Cette initiative devait contre-
balancer l’influence des écoles fondées par des anglais
dans ces villes, écoles ouvertes aux enfants de tous les
cultes, et tenues, il faut le dire, avec une rare tolé-
rance. Toute intervention de la part des précepteurs
dans la croyance des enfants qui fréquentaient ces
écoles était strictement défendue, ils devaient au
contraire enjoindre aux élèves d’assister à l’église à
laquelle leurs parents appartenaient, mais les incon-
vénients de ces écoles mixtes n’en existaient pas moins,
et le clergé catholique, alors comme aujourd’hui,
faisait tout en son pouvoir pour avoir des écoles ou
les précepteurs pouraient donner l’éducation religieuse
en même temps que l’éducation littéraire. «

En vertu du dernier acte concernant la représenta-
tion, il avait été statué que chaque comté dont la
population s’élevait à 10000 âmes avait droit d’être
représenté par un membre et que lorsque la popula-
tion s’élevait à 15000 âmes, il aurait droit d’être
représenté par deux membres. Le comté de Mégantic
qui pensait avoir atteint ce dernier chiffre voulut

— 289 —

profiter de cette clause et en conséquence demanda à
la législature d’ordonner un nouveau recensement ;
d’autres comtés firent la même demande. M. Bour-
dages les appuya, mais comme elle3 venaient toutes
de comtés peuplés d’anglais, et que le résultat serait
d’augmenter le nombre des représentants anglais, il
s’en suivit une vive discussion dans laquelle M.
Bourdages fut abandonné par ses amis.

Les demandes furent rejetées sur le principe que le
recensement général ne devait être fait qu’à certaines
époques déterminées dans tout l’empire britannique, et
que l’on ne pouvait dévier à cette coutume pour des
fins particulières. Il est bien certain, dans tous les
cas, que l’intention de la législature n’avait pas été de
permettre aux comtés de faire un recensement partiel
chaque année, pour augmenter le nombre de leurs
représentants, aussitôt que la population aurait dépassé
15000 âmes. *

On se rappelle les troubles causés par l’ancienne
ordonnance de milice passée par le gouverneur en
conseil, avant l’octroi de la constitution, et que lord
Dalhousie avait mise en force, dans l’intervalle qui
B’était écoulé entre l’expiration de la loi de milice et
son renouvellement. La chambre rédigea une adresse
au roi pour protester contre la mise en force de cette
ordonnance qui, selon elle, n’avait été qu’une tentative
pour établir un pouvoir arbitraire sur la personne et

* Ce fut pendant cette session que la chambre décida que le port
des lettres des députés serait payé par la province et porté à l’article
des dépenses contingentes.

19

— 290 —

sur les biens des habitants de la province, puis elle 1
ajoutait :

« Qu’en conséquence de la dite tentative pour
établir le pouvoir arbitraire, les dites ordonnances on I
été employées, sons l’autorité du dit gouverneur,
pour vexer inutilement les sujets de votre Majesté en
cette province, et pour servir de prétextes à la publi-
cation de prétendus ordres généraux de milice, con-
tenant des imputations scandaleuses et injurieuses au
caractère de divers fidèles et loyaux sujets de votre
Majesté, dans la vue de les dégrader dans Popinion
de leurs concitoyens, parce qu’ils exerçaient leur droit
de s’assembler paisiblement pour pétitionner votre
Majesté et le parlement, et qu’ils exerçaient d’autres
droits civils incontestables, et dans le dessein de
détourner les autres de l’exercice de ces droits.

 » Que pour favoriser la dite tentative, les dites
ordonnances de milice ont été employées sous l’auto-
rité du ci-devant gouverneur en chef, pour exercer
une influence indue et corruptrice sur l’élection des
membres pour servir dans cette chambre, et pour
porter atteinte, sous prétexte de la prérogative, à la
liberté de la parole et des procédés dans le parlement
provincial.

 » Que, pour favoriser la dite tentative, il a été
assemblé, en vertu des dites, ordonnances, diverse3
prétendues cours martiales, dans les districts de
Québec, de Montréal et des Trois-Rivières, devant
lesquelles plusieurs des sujets de votre Majesté ont été
sommés, amenés et harassés par des poursuites vexa-

— 291 —

toires, et condamnés à l’amende, aux dépens et à
l’emprisonnement ; contre lesquels actes, dans les
circonstances actuelles de la province, ils n’ont aucun
moyen certain et suffisant d’obtenir satisfaction et
sécurité. »

Le gouverneur, à qui cette adresse fut présentée par
toute la chambre pour le prier de la faire parvenir au
roi, répondit qu’il acquiescerait à sa demande, mais
qu’il ne pouvait s’empêcher de faire remarquer que la
mise en vigueur de cette ordonnance avait été sanc-
tionnée et reconnue comme légale par les, tribunaux
de la province.

Lorsque l’estimation des dépenses du gouvernement
fut envoyée à la chambre, elle se hâta de passer le
bill des subsides en protestant toutefois de sa volonté
o’avoir une décision finale du gouvernement anglais ;
les retranchements qui furent faits, et l’oubli prémédité
de pourvoir aux arrérages de certains salaires fut
cause que le conseil donna son concours au bill,
malgré la première division qui eut lieu et où les voix
se trouvèrent également partagées ; mais le gouver-
neur voulant éviter toute difficulté intervint auprès de
ses favoris. Le juge Sewell vota deux fois, d’abord
comme membre et ensuite comme président, puis
pendant la délibération, il avait envoyé chercher
l’évêque protestant qui se joignit au parti du gouver-
nement et donna au bill des subsides une majorité de
deux voix.

La minorité composée de MM. Kichardson, Grant,
Pothier, Bell Gugy, Bowen crut cependant devoir

— 292 —

enregistrer son protêt motivé contre la passation du
bill des subsides tel qu’il avait été envoyé par l’assem-
blée.

Les chambres furent prorogées le 26 mars. Kempt,
quoique mécontent de voir que tous les arrérages des
salaires n’avaient pas été votés, n’en remercia pas
moins la chambre des octrois libéraux qu’elle avait
accordés pour promouvoir les intérêts généraux de
la province.

Les difficultés incessantes entre le conseil et l’assem-
blée nous conduisent à examiner incidemment la
nécessité pour une législature bien organisée d’être
composée de deux corps distincts, indépendants l’un de
l’autre. Le gouvernement représentatif dans tous les
pays a eu pour modèle celui de la Grande Bretagne
qui, dès l’origine, a été composée »de la chambre des
lords et de celle des communes.

Les Etats-Unis mêmes qui ont toujours recherché
à simplifier les rouages législatifs ont reconnu la néces-
sité de deux chambres, et les publicistes américains
en ont proclamé le principe. La division de la légis-
lature, dit Kent, en deux branches séparées et indépen-
dantes est fondée sur les principes évidents d’une
bonne politique, et est si fortement recommandée par
le langage non équivoque de l’expérience, qu’elle a
obtenu l’approbation générale du peuple de ce pays.
Le grand but de la séparatioa de la législature en
deux chambres, agissant séparément, avec des pouvoirs
égaux, est de détruire les mauvais effets d’une excita-
tion forte et soudaine, et des mesures précipitées

— 293 —

découlant de la passion, du caprice, du préjugé, de
l’influence personnelle ou de l’intrigue de parti, et
une malheureuse expérience a démontré que tous ces
mobiles exercent une pressante et dangereuse prépon-
dérance dans une seule chambre. Une division hâtive
n’a pas lieu quand les députés savent que la loi qu’ils
veulent passer doit être arrêtée dans sa course, et
soumise de nouveau à la délibération d’un corps rival,
siégeant dans une autre place, et possédant de
meilleurs avantages pour éviter les erreurs de l’autre
branche. Les législatures de Pennsylvanie et de Géorgie
étaient composées primitivement d’une seule chambre.
L’instabilité et la passion qui marquèrent leurs pro-
cédés étaient tellement visibles dans le temps que>
dans une réforme subséquente de la constitution,
le peuple fut sensible à cette défectuosité, et que dans
ces états on se hâta d’introduire un sénat. Nulle part
l’histoire politique du genre humain n’est plus remplie
d’enseignements à ce sujet, et ne contient de preuve
plus frappante de l’esprit de faction, de l’instabilité et
des misères des états sous la direction d’une seule
assemblée sans contrôle, que celle des républiques
italiennes du moyen-âge qui surgirent en grand
nombre avec une splendeur éblouissante, mais passa-
gère, dans l’intervalle qui s’écoula entre la chute de
l’empire d’orient et de celui d’occident. Elles étaient
mal consituées, avec Une seule chambre, sans contre-
poids, et elles finirent toutes misérablement.

Si ce que disait Kent des Etats-Unis était vrai alors
comme aujourd’hui, il l’était aussi pour le Bas Canada,

— 294 —

les difficultés venaient exclusivement de ce que les
ministres n’étaient pas responsables, que le conseil
législatif, composé de créatures du gouvernement
subissait sou influence et contrecarrait ainsi les mesu-
res venant de l’assemblée et que l’administration
provinciale repoussait. Cette hostilité du conseil
n’est donc pas, comme on l’a prétendu, une raison à
invoquer contre la nécessité pour la législature d’être
composée de deux chambres délibérantes*

Pourquoi en 1791 la France a- 1 elle subi ceîte
longue série de malheurs dont les effets semblent
encore peser sur elle? c’est que le corps législatif
n’était composé que d’une seule chambre sous le
nom d’assemblée nationale, et cette imprudente con-
centration du pouvoir en un seul corps, jointe à
l’initiative qui lui était déférée a imprimé sur l’his-
toire de la France une tache qui ne s’effacera jamais.
Supposez maintenant à côté de l’assemblée nationale
un autre corps* délibérant, possédant les mêmes
pouvoirs, pouvant, par conséquent, modifier ou
anéantir les mesures venant de l’assemblée et qui
avaient pour mobiles la haine, les passions et les.
préjugés, l’existence de cette seconde chambre change
peut-être complètement l’histoire de la France.

Dans la province, c’était donc la composition du
conseil qui en faisait un brandon de discorde, et non
son existence même. Le gouvernement impérial
comprit cela et demanda à Kempt s’il n’avait pas
quelques suggestions à faire à ce sujet. Kempt
répondit que le conseil était composé de 23 membres

295

dont douze étaient en même temps fonctionnaires
publics, sept étaient de grands propriétaires et trois
étaient marchands ; un des conseillers était depuis
longtemps absent de la province. 16 étaient protes-
tants et sept étaient catholiques. Kempt prétendait
qu’il n’y avait actuellement aucune modification à
apporter à sa composition, mais qu’il était nécessaire
d’introduire, par degré, un plus grand nombre de
membres indépendants de la couronne, et que les
juges, à l’exception du juge en chef, devaient en être
exclus. Enfin, le gouverneur conseillait au ministre
des colonies d’appeler au conseil exécutif deux ou
trois membres de la branche populaire de la législa-
ture, afin d’inspirer aux députés une plus grande
confiance dans le gouvernement. Selon lui, on trou-
verait aussi en Canada un nombre suffisant de
personnes qualifiées pour remplir les vides qui pour-
raient survenir dans les conseils exécutif et législatif.
La correspondance échangée entre Sir George
Murray et le gouverneur avait été publiée dans les
journaux officiels; elle provoqua à une manifestation
politique qui eut lieu à St. Charles et à laquelle un
grand nombre des habitants des comtés environnants
prirent part. L’assemblée était présidée par M.
Debartzch ; les résolutions qui y furent adoptées
approuvaient la conduite de Kempt, mais exprimaient
des craintes relativement au danger qui menaçait la
province si les deux conseils n’était pas changés.
M. Debartzch était un gentilhomme, possesseur de
vastes domaines, jouissant d’une grande influence;

— 296 -r

homme politique instruit, agréable de manières, il
savait mettre ces qualités à profit pour acquérir de la
popularité, mais on le considérait alors comme un
libéral avancé, et quatre ans après il était un des
pins zélés partisans de l’administration, et il essayait
de réprimer le mouvement qu’il avait tant contribué
à soulever.

Le gouvernement impérial, sincèrement désireux
d’écouter les griefs dont se plaignait la colonie, avait
fait adopter par les communes une loi qui donnait au
gouvernement colonial Te contrôle absolu sur la
somme de £20,000 provenant des impôts perçus en
vertu des statuts impériaux ; ce bill ne parvint pas à
sa maturité pendant la session, mais plus tard il fut
modifié et adopté.

Kempt, voyant que les canadiens n’étaient plus
disposés à se contenter de vagues promesses, au sujet
des réformes à opérer dans les deux conseils, demanda
son rappel, et il fut remplacé par lord Aylmer qui
arriva ici le 13 octobre 1830. Il ouvrit les chambres le
2é janvier 1831. George IV était mort et la couronne
passait à Guillaume IV ; cet événement avait aussi
été la cause d’une élection qui eut lieu sous l’empire
de la nouvelle loi. *

Lord Aylmer ouvrit donc les chambres le 24 janvier

* Cette élection porta à la chambre plusieurs députés nouveaux
parmi lesquels on en compte quelques-uns qui depuis ont joué un
rôle très important en politique ; MM. Lafontaine, Morin, Doiïon,
(père de l’honorable A A. Dorion.) Isidore Bedard, mort à Paris en
1833 et dont les talents brillants promettaient une belle carrière
politique»

— 297 —

1831 ; après le choix du président qui tomba encore
sur M. Papineau, le gouverneur qui était malade fit
ajourner la chambre deux jours de suite, mais enfin,
comme l’époque de son rétablissement était incertain,
il manda les deux chambres au château St. Louis et
ce fut, couché dans son lit, qu’il leur donna lecture du
discours du trône. Cette nouvelle manière d’Ouvrir
le parlement donna lieu à une vive discussion dans le
public ; plusieurs légistes considérèrent ce mode d’ou-
verture comme irrégulier et insconstitutionel, parce
qu’un discours d’ouverture d’une session doit être
prononcé dans le parlement, et au moins en présence
du trône, lorsque le souverain délègue quelqu’un
pour le prononcer.

Le gouverneur dans son discours commença par
dire qu’il regrettait de ne pouvoir annoncer aucune
résolution définitive que le gouvernement impérial
aurait pu prendre, attendu que la multiplicité des
affaires occasionnée par la mort du roi, et le change-
ment dans l’administration, avaient été la cause que
le ministère anglais n’avait pu s’en occuper ; il croyait
cependant pouvoir assurer que ces mesures ne tarde-
raient pas à être rendues à leur maturité, et qu’elles
seraient de nature à satisfaire les mécontents. Du reste
le discours ne contenait aucune remarque particulière
ni aucune suggestion. La chambre se hâta de nommer
un comité- de bonne correspondance avec le conseil
législatif, et de passer plusieurs bills, entre autres un
pour incorporer les villes de Montréal et de Québec,
et un autre pour rendre les juges inhabiles à siéger

— 293 —

dana les deux conseils. Le premier fat adopté
par le conseil, mais le dernier fut rejeté avec indigna-
tion. Les juges Se well et Bowen qui siégeaient au
conseil tentèrent même de faire adopter une motion
de censure contre l’assemblée, pour l’audace qu’elle
avait montrée en voulant ainsi empêcher le roi de
choisir qui bon lui semblerait pour conseillers législa-
tifs ; heureusement que le bqn sens de la majorité fît
échouer cette tentative»

M. Labouchère accusa réception de la lettre que les
représentants lui avaient envoyée pour le remercier
d’avoir pris la défense des canadiens dans les com-
munes, mais en même temps il informait la chambre
qu’il était forcé pour des raisons particulières, de ne
pouvoir accepter la mission d’agent de la colonie
qu’on lui avait offerte.

MM. Neilson, Viger et Cuvillier remercièrent aussi
la chambre des paroles bienveillantes qu’elle leur
avait adressées au sujet du succès de leur mission en
Angleterre.

L’assemblée, sur la proposition de M. Eonrdages,
expulsa de nouveau M. Christie qui s’était fait élire
encore par le comté de Gaspé. L’expulsion de M.
Christie donna occasion à M. Stuart d’examiner si la
résolution de l’assemblée était bien conforme aux
lois anglaises, et après une longue dissertation il en
vint à la conclusion que cette expulsion était irrégu-
lière. Pour appuyer sa résolution il cita trois
précédents de l’histoire du parlement anglais, celui de
.Richard Woolstone qui fut expulsé des communes

— 299 — •

parce qu’il avait accepté la charge de percepteur des
rerenus sur les liqueurs spiritueuses, celui de Walpole
qui s’était fait fournisseur des armées du roi, tout en
étant secrétaire de la guerre (Walpole fut, non seule-
ment expulsé mais encore condamné à être enfermé
dans la tour de Londres) ; enfin celui de Wilkes qui
fut expulsé sur conviction de libelle contre le souve-
rain et 1rs deux chambres anglaises, Woolstone et.
Wilkes qui furent élus de nouveau reprirent leur
-siège, et les tentatives faites pour les faire expulser
échouèrent sur le principe qne les sujets anglais
étaient libres de choisir qui ils voulaient pour repré-
sentants, à moins que leur choix ne tombât sur ceux
que la constitution déclarait inhabiles à siéger dans la
chambre des communes.

Le bill de M. Neilson pour accorder une indemnité
aux membres rencontra une vive opposition. M.
Neilson prétendait que les membres n’étant pas
salariés, les comtés éloignés ne pouvaient pas toujours
envoyer au parlement ceux qu’ils désiraient avoir
pour députés, attendu que leur choix pouvait tomber
sur des personnes dont ‘les ressources ne permettaient
pas de faire le sacrifice de leur temps et de leur
argent. Les opposants soutenaient au contraire que
si on accordait aux membres une indemnité, la consé-
quence serait que les élections porteraient à la légis-
lature des démagogues et des agitateurs qui ne se
feraient élire que pour l’appât du gain. Cependant le
bill passa mais fut repoussé par le conseil. Une
appropriation spéciale comprise dans le budget donna

— 300 —

néanmoins un salaire de deux piastres par jour aux
membres qui, pour la première fois, depuis la constitu-
tion reçurent une indemnité pour leurs services.

La mort du souverain mettait en question la validité
des commissions que les avocats, les notaires, les
arpenteurs et les médecins tenaient de lui ; l’opinion
des avocats généraux était qu’il fallait les renouveler ;
l’assemblée après une assez longue discussion sur ce
sujet dût se conformer à cette opinion qui du reste
s’accordait avec un article de la constitution anglaise.
Cet article disait que les commissions cessaient d’avoir
leur effet dans les six mois qui suivaient le décès du
souverain au nom de qui elles étaient émanées. La
question fut soulevée non seulement pour avoir l’opi-
nion des procureurs royaux mais encore parce que le
procureur général Stuart exigeait de forts émoluments
pour le renouvellement de ces commissions. La
question portée en Angleterre fut résolue contre
l’opinion de Stuart. Le nouveau souverain déclara
qu’en vertu d’un statut passé dans la quatrième année
de la reine Anne, les commissions étaient valides
après la mort du roi. *

Ce fut une des causés qui furent invoquées contre
Stuart, quand la chambre demanda au souverain de le
suspendre ; elle l’accusait aussi sur différentes plaintes
portées contre lui et prouvées d’avoir négligé les
devoirs de sa profession en refusant son ministère à

* M. Grlackmeyer, respectable notaire de cette ville, et le doyen
de la profession fut le plus acharné contre le procureur général ; il
l’accusa d’exactions, en exigeant des honoraires trop élevés pour le
renouvellement des commissions.

— 301 —

i

plusieurs persoimes qui voulaient traduire des crimi-
nels devant la justice ; elle l’accusait d’avoir, quoique
procureur général, plaidé pour des particuliers au
détriment des intérêts de la couronne qu’il devait
défendre. On l’accusait aussi de porter devant la
haute cour criminelle des offenses qui devaient être
jugées par les assises inférieures, et cela dans la vue
sordide d’augmenter ses honoraires. Tous ces griefs
furent exposés dans une adresse que l’assemblée pria
le gouverneur d’envoyer au roi ; elle demandait aussi
de suspendre le procureur général de ses fonctions
jusqu’à ce que la décision du souverain fut rendue.
M. Yiger fut choisi par la chambre pour aller en
Angleterre soutenir ces accusations devant le gouver-
nement impérial. La première décision du roi fut de
suspendre M. Stuart, puis l’enquête se fit régulière-
ment ; elle dura deux ou trois ans, après lesquels le
procureur général fut finalement destitué.

Le gouverneur, avant les résolutions adoptées par
la chambre contre M. Stuart, avait communiqué la
réponse des ministres au sujet des subsides. Le roi
consentait à abandonner tous les revenus, tant ceux
créés par les actes impériaux que coloniaux à l’excep-
tion de la somme de £19,000 qu’il demandait à
la chambre de voter pour la vie du roi. Les revenus
provenant des biens des jésuites, des postes du roi, du
quai du roi, des droits de quint, lods et ventes, des
terres et forêts suffisaient pour couvrir ce montant.
Ces dix-neuf mille louis devaient être consacrés au
payment du salaire du gouverneur, et à celui de ses

— 302 —

employés, et aux salaires des juges ; mille louis seule-
ment étaient réservés pour des pensions.

Il est certain que si une demande aussi modérée
eut été faite dans des temps meilleurs, c’est-à-dire dans
3e temps ou les esprits n’étaient pas aussi aigris et
lorsque les conseils, quoique hostiles aux canadiens
n’avaient pas encore acquis ce degré de haine que la
population lui portait maintenant, il est certain,
disons-nous, que la demande du gouvernement anglais
eut été acceptée. Mais il n’était plus temps ; les
préventions, les haines étaient parvenues à leur
paroxisme ; aussi la demande du gouvernement fut
encore rejetée comme contraire aux principes du
gouvernement constitutionel. Tout en maintenant
avec l’assemblée que le principe qu’elle invoquait
était réel, nous ne voulons pas l’excuser d’avoir
commis la faute de refuser d’accéder à la demande
des ministres ; le sacrifice était si léger comparé au
mal auquel il allait remédier l?

Un esprit de défiance contre le gouverneur, contre
les ministres, contre le ministre des colonies portait
aussi la majorité à rejeter cette demande, et cependant
c’était lord Groderich qui présidait alors le bureau
colonial qui était parvenu à faire consentir ses collè-
gues clans le ministère anglais à limiter la demande
de subsides permanents à une somme aussi minime !
Les canadiens ignoraient tout ce qu’il avait fallu de
représentations, de persévérance et d’esprit de conci-
liation de la part du noble lord pour parvenir à ce
résultat.

m

La chambre ne voulut donc pas voter la liste civile
telle qu’il la voulait, et elle demanda au gouverneur
de lui communiquer les dépêches de Londres à ce
sujet. Lord Aylmer répondit que, d’après une des
règles qui doivent servir de guide aux gouverneurs
des colonies, il me pouvait montrer aucune dépêche
des ministres sans la permission du bureau colonial.
Piquée de cette réponse la chambre, après un appel
de tous les députés, demanda 1° des détails sur la
constructions du canal Chambly, 2° un état dét allé
de l’emploi des items de la liste civile qui lui avait
été transmise, 3° un état des revenus des biens des
jésuites et de leur emploi, 4° un état des revenus des
terres et des forêts, 5° un état de l’application qu’on
avait l’intention de faire des biens des jésuites, 6° Si
le juge de la cour de l’amirauté avait fait choix d’un
salaire de £200, ou s’il acceptait des honoraires
d’office. La réponse du gouverneur à ces différentes
questions fut évasive, à l’exception de celle qui
concernait les revenus des biens des jésuites, de ceux
des terres et des forêts qu’il déclara vouloir consacrer
à l’avancement de l’éducation, au payment du clergé
de l’église établie, et à celui de l’église presbytérienne ;
mille louis par année devait être aussi pris sur ces
fonds pour l’évêque catholique de Québec. Il infor-
mait aussi la chambre que le ministère anglais devait
à la prochaine session présenter une mesure pour
relever les lords de la trésorerie de l’obligation de
de fixer l’emploi des revenus qui devaient être aban-
donnés à la chambre, en conséquence de la dernière

— 304 —

proposition qui avait été faite au gouvernement ; cette
mesure, s’il était possible, deviendrait en force le
premier juillet 1832.

Cette communication du gouverneur fut envoyée
au comité des privilèges qui, peu de jours après, fit un
rapport dans lequel il concluait en disant que, comme
la plupart des recommandations du comité sur les
affaires du Canada n’avait pas été mis à effet par le
gouvernement anglais, quoique deux ans se fussent
écoulés depuis la date de son rapport, et que la
proposition qui avait été faite ne correspondait pas
aux recommandations du comité sur les difficultés
financières, il était d’opinion que la chambre devait
refuser tout vote permanent. Déplus, M. Bourdages
et M. Lafontaine proposèrent de résoudre qu’on
devait refuser tout vote de subsides jusqu’à ce qu’on
eut fait droit aux griefs dont on avait à se plaindre
depuis si longtemps. Cette proposition fut perdue
sur une division de 19 contre 50. Mais la chambre
résolut de s’adresser de nouveau au roi et prépara une
pétition dans laquelle elle exposa ses mêmes griefs,
savoir: la demande du contrôle absolu de tous les
revenus, l’exclusion des juges des conseils, la réforme
de ces mêmes conseils, la concession des terres suivant
les lois françaises, l’application des revenus des biens
des jésuites à l’éducation.

Aylmer avait réellement à cœur de parvenir à
une entente définitive avec la chambre, aussi fut-il
sensible à ce nouvel appel à la métropole, et tout en

— 305 —

assurant la chambre qu’il ferait incessamment parve-
nir sa pétition du souverain, il dit :

 » Je puis vous assurer, Messieurs, que j’ai éprouvé de
la satisfaction, à acquiescer à la pétition qui vient
d’être lue par le président, parceque le sujet en est
clair et tangible, parceque plusieurs des causes de
plainte qui y sont mentionnées seront écartées, et que
d’autres seront modifiées. J’ai déjà aussi contribué
à apporter quelques remèdes aux griefs dont vous
vous plaignez, et mes efforts tendront toujours vers le
même but en autant qu’il me sera possible comme
représentant du souverain. »

Lors de l’adoption de l’adresse au roi M. Lee et M.
Morin avaient proposé d’y ajouter qu’un des moyens de
rétablir l’harmonie entre les deux chambres serait de
rendre le conseil législatif électif ; cette proposition
fut perdue par nn vote de 18 contre 24. L’idée de
cette mesure qui appartient au parti libéral fut plus
tard, sous l’union, adoptée par le parti conservateur
qui fit passer une loi rendant le conseil législatif
électif. Il semble même que l’éligibilité des membres
de la haute chambre entrait dans les idées de la
métropole, puisque, il y a quelques années, le duc de
Newcastle recommandait à la législature de la Nou-
velle Ecosse l’adoption de cette mesure.

M. Peck que les dernières élections avaient porté à
la députation, et qui représentait le comté de Stanstead
s’éleva fortement pendant cette session contre l’acte
de la tenure passé par le gouvernement anglais, et qui

20

— 306 —

imposait les lois anglaises aux cantons de l’est ; il
avait, dès le début de sa carrière politique, voté avec
la majorité et il n’eut pas de peine à faire déclarer par
la chambre que les lois anglaises introduites dans cette
partie de la province étaient opposées aux sentiments
■des habitants, incompatibles avec leurs habitudes de
vie, et qu’elles leur avaient été imposées, et cela
contrairement à leurs désirs et à leurs intérêts. Selon
M. Peck cet acte devait être rappelé pour que le
peuple de la colonie put continuer à jouir de la pro-
tection que ces lois leur avait donnée auparavant,
pour lesquelles il avait le plus vif attachement.
D’ailleurs chacun repoussait l’idée de voir la loi de
primogéniture ou le droit d’ainesse régner ici. La
chambre envoya au roi une adresse pour le prier de
rappeler cet acte.

Peu après la chambre procéda à l’enquête sur la
mise en accusation du juge Fletcher, résidant à Sher-
brooke. Ces accusations furent en partie prouvées,
elles portaient que le juge avait sans aucune cause
condamné à l’audience plusieurs personnes pour
mépris de cour, que dans ses décisions il se montrait
partial, tyrannique, arbitraire et capricieux, enfin
que par sa conduite il déshonorait la magistrature.
La chambre demandait la suspension de Fletcher,
mais le gouverneur après l’avoir assuré qu’il prendrait
la chose en considération n’en* fît rien, et laissa le juge
continuer ses fonctions. %

* Fletcher était un avoué anglais, venu en Canada depuis
plusieurs années, il s’y était fait recevoir avocat et plus tard il fut

— 307 —

M. Grugy demanda aussi un nouveau sursis jusqu’à
îa prochaine session pour continuer son enquête contre
le juge Kerr ; il avait disait-il encore plusieurs
témoins à faire entendre, mais vu leur éloignement et
l’époque avancée de la eaison il ne pouvait les faire
venir ; le sursis lui fut accordé.

Toutes ces accusations ne contribuèrent pas peu à
jeter au sein de la population du discrédit sur l’admi-
nistration de la justice, et à faire perdre de plus en
plus à la population confiance en ceux qui faisaient
ces nominations judiciaires, et surtout en ceux qui les
conseillaient.

Une des mesures qui furent adoptées pendant cette
session fut celle qui donnait aux habitants d’origine
judaïque les mêmes privilèges qu’aux autres sujets
anglais. La réflexion que nous faisions au sujet des
lois provinciales passées depuis plusieurs années,
abolissant les peines infamantes, savoir que le
Canada avait toujours devancé l’Angleterre quand il
s’était agi de mesures d’humanité et de libéralité, trouve
encore ici sa place. En effet nous pensons qu’il n’y a
que quelques années que l’Angleterre a conféré aux
juifs tous les droits des sujets anglais et en particulier
celui de siéger dans les conseils de l’état, et encore
cette loi fut passée sous la pression de la double

nommé juge, c’était un homme de grandes connaissances et d’une
vaste érudition, mais extrêmement excentrique; ainsi dans l’enquête
qui eut lieu contre lui, il fut prouvé qu’à l’audience il avait con-
damné un plaideur à cinq chelins d’amende, donnant pour raisfon
qu’il n’aimait pas sa mine.

— 308 —

influence politique et financière, et pour porter MM.
B-otschild et Disraeli à la chambre des communes.

Le parlement fut prorogé le 31 mars 1831. Le
gouverneur exprima sa satisfaction de voir combien
les députés avaient montré de zèle et d’attention aux
affaires, et tout en remerciant la chambre pour le vote
des subsides, il regrettait de voir que les propositions
du gouvernement anglais au sujet des difficultés
financières eussent été repoussées. * f

Bien que l’assemblée du Bas-Cauada fut décidée
à refuser de voter une liste civile permanente sous
quelque forme que ce fut, l’Angleterre n’en persista
pas moins à se désister de tout contrôle sur les revenus
permanents, ne réservant de ces revenus que la somme
de £19,000 sur £32f,000 qu’il demandait ; un bill fat
en conséquence présenté aux communes par lord
Howhick, alors sous secrétaire d’état pour les colonies,
ce bill reçut la sanction royale le 22 septembre 1831.
Dans la chambre des lords le duc de Wellington crut
devoir protester contre son adoption parceque ce bill

* Le recensement qui avait eu lieu en 1830 avait donné le
résultat suivant.

Haut-Canada 235,064

Bas-Canada 504,598

Total 739,662

f £1000 fut voté pour permettre au gouverneur d » acheter le palais
épiscopal ; l’achat eut lieu sous forme de rente constituées de
pareille somme qui devait être payée annuellement à l’évêque
catholique.

— 309 —

Tendrait les juges dépendants des faveurs de rassem-
blée législative. *

Le parlement fut ouvert le 15 novembre 1831. Le
discours de lord Aylmer fut plus remarquable par
son emphase que par les idées ou les suggestions qu’il
contenait ; il annonçait seulement la communication
qu’il ferait bientôt aux chambres de la dépêche du
Yicomte Goderich, principal secrétaire d’état pour les
colonies. La chambre se hâta de procéder pour la
quatrième fois à l’expulsion de M. Christie réélu pour
le comté de Gaspô ; elle le fit dans les mêmes termes
et pour les mêmes motifs que les années précédentes.
Pour la première fois depuis la constitution, les
comités furent organisés régulièrement au commence-
ment de la session, et ce fut à la demande de M.
Peck que la chose eut lieu ; auparavant on se conten-
tait de nommer un comité spécial chaque fois que cela
devenait nécessaire.

La dépêche du Vicomte Goderich fut ensuite com-
muniquée aux chambres ; elle avait rapport aux

* Dans le mois de septembre 1831, lord Aylmer fit présent aux
Dames Ursulines de Québec d’un marbre pour être placé dans leur
cbapelle à la mémoire de Moncalm ; ce marbre porte l’inscription
suivante.

HONNEUR

À

montcalm !

Le destin en lut dérobant

La victoire,

L’a récompensé par une

Mort glorieuse.

— 310 —

différents griefs dont l’assemblée s’était plaint l’année
dernière dans son adresse au roi, et conséqn enraient,
la dépêche parlait de l’éducation, de l’emploi des
revenus des biens des jésuites, des terres de la cou-
ronne, de la tenure des terres, ‘de l’administration de
la justice, du commerce et des fonctionnaires publics ;
les différentes parties de cette dépêche furent soumises
aux comités chargés de l’examen des différentes
questions qu’elle traitait.

M. Lee tenta un nouvel effort pour empêcher le
cumul d’un emploi lucratif du gouvernement avec un
mandat de députe, mais sa mesure qui fut adoptée
par la chambre fut perdue au conseîL Peu après le
gouverneur transmit à la chambre une autre dépêche
de Goderich par laquelle il invitait Aylmer à saisir la
première occasion qui se présenterait, pour proposer
aux deux chambres l’adoption d’un bill déclarant que
les commissions des juges seraient accordées pour
rester valables durant bonne conduite,’ et’non durant
le bon plaisir royal, pourvu néanmoins que la chambre
votât une allocation suffisante et permanente pour
payer leurs salaires, ou leurs pensions quand ils
seraient mis à la retraite. La dépêche allait plus loin,
elle informait les chambres que le gouvernement
anglais était décidé à ne nommer à ^avenir aucun juge,
membre du conseil exécutif ou du conseil législatif, elle
ne faisait exception que pour le juge en chef de Québec
qui continuerait à être conseiller législatif, afin que le
conseil put avoir son assistance dans la rédaction des
lois ; encore serait-il enjoint à cet officier de se garder

— 311 —

de tout procédé qui sentirait l’esprit de parti ; confor-
mément à cette recommendation du bureau colonial,
M. Bonrdages prépara un projet de loi pour rendre
les juges inhabiles à gioger dans les conseils exécutif
et législatif ; cette loi fut promptement adoptée par
les deux chambres.

Après l’adoption de cette mesure le gouverneur
transmit à la chambre la demande d’an vote d’une
liste civile pour la somme de £5,900, seulement ;
cette somme devait être destinée à payer le salaire
du gouverneur, celui de son secrétaire, et les salaires
du secrétaire provincial, du procureur général et du
solliciteur général. Le comité de toute la chambre, à
qui cette demande fat référée, après quelques instants
de délibérations se leva sans en venir à aucune déter-
mination, ce qui équivalait à un refus. *

L’administration provinciale, en réduisant ainsi ses
prétentions avait droit de s’attendre à Un accueil .plus
bienveillant de la part de l’assemblée, mais ses con-
cessions continuelles ne faisaient au contraire qu’aug-
menter l’opiniâtreté de la chambre; composée alors
en grande partie de jeunes députés entrés en
parlement avec les idées les plus exagérées au sujet
des difficultés financières, et des privilèges de cette
branche de la législature à laquelle ils appartenaient,

* La contestation de l’élection de MM. Dumais et Corneau
députés de BimousM, commencée pendant la session précédente se
termina pendant cette session. Les députés prêtèrent un serment
spécial pour entendre les témoins et juger la contestation ; le
résultat fut l’expulsion de ces deux membres ; ils étaient accusés de
corruption, d’avoir donné à boire et à manger aux électeurs., etc.

— 312 —

ces députés par leur influence personnelle et le pre’s-
tige de leurs talents poussèrent les chefs du parti
national à se refuser à la demande si conciliante de
lord Aymer, et quand plus tard les estimés furent
présentés à la chambre, celle-ci ne tint aucun compte
de la demande d’un vote permanent pour une somme
aussi minime que celle de cinq ou six mille louis, et
ne vota les salaires du gouverneur et des quatre autres
fonctionnaires que pour une année seulement.

M. Bourdages avait proposé une loi pour admettre les
notables des paroisses aux assemblées des marguilliers
et leur donner droit de vote, la mesure passa malgré
l’opposition que M. Xeilson lui fit. M. Keilson
voulait qu’on recherchât si depuis l’acte de tolérance
on pourrait trouver dans les journaux de l’assemblée,
ou dans ceux du parlement anglais aucun précédent
constatant qu’il eut été passé aucun acte réglant
l’administration des églises d’une manière différente
de celle par laquelle elles avaient été constituées.
Selon lui la loi que M. Bourdages proposait était
contraire à la capitulation du Canada, au traité de
1763, à l’acte du parlement britannique de 1774, et
aux usages des fabriques, usages reconnus par l’acte
du parlement provincial de 1824. L’amendement de
M. ISTeilson pour faire rejeter la loi de M. Bourdages
fut perdu, et la loi passa malgré les protestations du
clergé catholique à ce sujet.

Le juge Kerr accusé par M. Gugy eut à subir son
procès devant la chambre, il était accusé d’ignorance
des lois, de tyrannie, de bizarrerie dans ses jugements,

— 313 —

de partialité et d’injustice; un grand nombre de
faits vinrent confirmer la vérité des accusations por-
tées contre lui, et il fut suspendu de ses fonctions par
le gouverneur. *

Un autre sujet dont la chambre eut aussi à s’occu-
per fut celui des réserves du clergé. Déjà plusieurs
représentations avaient été faites par la chambre à ce
sujet. On prétendait que l’acte passé en 1801 et qui
réservait certaines étendues de terre pour le soutien
du clergé protestant, était une imposition arbitraire
à la grande majorité des habitants de la province.
C’était faire payer par eux l’entretien d’un clergé d’un
autre culte que le leur.

Un bill fut proposé par le solliciteur général pour
révoquer l’acte passé dans la 31ème année du règne
de George III, constituant ces réserves de terres en
faveur du clergé protestant, aussi une autre mesure
pour, abroger l’acte impérial qui autorisait les grands
propriétaires à concéder leurs terres au prix qu’ils
voulaient, et qui établissait les lois anglaises dans les
cantons de l’est. Ces deux lois furent adoptées par la
chambre mais reponssées par le conseil. L’intention
du vicomte Goderich était de vendre les terres à
l’enchère, mais non pas d’en faire des octrois gratuits;
il était aussi opposé aux réserves du clergé.  » Lorsque
le mode de percevoir de l’argent, disait-il, pour des

* Deux des faits les plus curieux reprochés au juge Kerr par
M. G-ugy étaient ceux-ci ; il l’accusait de regarder à sa montre
pendant que les avocats plaidaient, et d’avoir réprimandé l’accusa-
teur parcequ’il le regardait à travers sa lorgnette pendant qu’il
siégeait.

— 314 —

fins publiques est défectueux, il est encore plus con-
damnable si cet argent doit aller aux ministres de la
religion, puisqu’il tend à rendre odieux aux habitants
ceux-là même qui ont besoin d’une manière si particu-
lière de leur bienveillance et de leur affection. »

On se rappelle que M. Papineau avait été nommé
conseiller exécutif, mais qu’il n’avait pas voulu siéger
comme tel. L’année précédente M. Panet, député,
avait été appelé au conseil et, comme il avait un siège,
dans la chambre, il devint ainsi l’organe de l’exécutif
dans l’assemblée ; c’était à lui à qui on s’adressait pour
avoir des explications sur les mesures du gouverne-
ment.

M. Duvernay, propriétaire de la Minerve, et M.
Tracey éditeur du Vindicator avaient été emprisonnés
par ordre du conseil législatif à propos de leurs écrits
contre la composition de ce corps, ils s’étaient en
vain adressés à la cour du banc du roi pour obtenir
leur libération ; emprisonnés sur l’ordre de Sewell, ils
ne pouvaient plus s’adresser à lui pour en obtenir
Vhaheas corpus, ils ne purent sortir que quelque temps
après.

Aylmer dans son discours de prorogation manifesta
son regret de voir que la chambre avait accueilli la
proposition d’un vote, permanent pour une somme
aussi petite par un refus, il se voyait en conséquence
forcé de soumettre la loi des subsides à l’approbation
du roi.

-000-

CHAPITRE XII.

Exclusion des canadiens des charges publiques. — Election à
Montréal. — Troubles. — Troupes sous les armes. — Trois personnes
tuées. — Arrestation des officiers. — Assemblée à St. Charles et à
Montréal. — Aylmer visite les cantons de l’est. — Cinquième expul-
sion de Christie. — Il en appelle au roi. — Opinion de Goderich à ce
sujet. — M. Mondelet porté au conseil exécutif. — Son siège déclaré
vacant. — Opinion du gouvernement impérial au sujet du juge
Kerr. — Il est destitué ainsi que M. Stuart. — Adresse du conseil. —
Emprisonnement du député Taylor. — Reproches de l’assemblée
au gouverneur. — Retranchement dans la liste civile. — Scission au
sein du parti national. — MM. Neilson, Cuvilier, Quesnel se sépa-
rent de M. Papineau. — Considération de l’état de la province. —
Les 92 résolutrons.

Les concessions successives de Goderich relative-
ment aux subsides n’avaient pas, il est vrai, été accep-
tées avec beaucoup de faveur par le parti canadien,
toutefois il en savait gré au secrétaire des colonies,
mais il tenait au principe du contrôle absolu sur
tontes les dépenses, et ne voulait consentir à voter
la liste civile que chaque année. Mais ce n’était pas
la plus forte raison de son hostilité contre l’adminis-
tration provinciale, il voulait que l’élément canadien
français fut représenté par un plus grand nombre de
membres dans les conseils exécutif et législatif, et que
les charges publiques fussent reparties d’une manière
plus équitable entre les citoyens des deux origines.
La presse canadienne revendiquait sans cesse les droits
de nos compatriotes dans les termes les plus violents,
ce qui ne contribuait pas peu à entretenir l’animosité
entre les deux races. * ♦

* En conséquence du favoritisme qui faisait que les situations
étaient partagées entre un certain nombre de familles anglaises, le
peuple qualifia ce système injuste du nom defamily compact.

— 316 —

Ce fut au milieu de cette excitation qu’eut lieu à
Montréal l’élection d’un membre pour le quartier
ouest, M. Fisher qui le représentait ayant résigné
son siège. Deux candidats étaient sur les les rangs.
M. Daniel Tracej, le même qui avait été emprisonué
par ordre du conseil législatif à cause de ses articles
violents publies dans le Vendicator contre cette bran-
che de la législature, et M. Bragg qui représentait le
parti anglais.

L’élection dura trois semaines à la fin desquelles les
passions politiques en étaient venues à un tel degré de
violence qu’un conflit entre les partisans des deux
candidats était devenu imminent. Tracej, à la fin du
dernier jour de la votation, le 21 mai, n’avait que
deux ou trois voix de majorité et le résultat était
douteux. Deux juges de paix anglais crurent alors
de leur devoir d’appeler sous les armes, deux compa-
gnies de la force active commandées par le lieutenant
colonel Macintosh et le capitaine Temple. Les partisans
de Tracej commencèrent à lancer des projectiles aux
constables spéciaux et aux soldats ; deux fois même
Macintosh fut atteint et blessé à la tête ; alors sur
l’ordre des juges de paix les troupes firent feu, trois
personnes furent tuées et deux gravement blessées,
alors seulement la foule se dispersa et M. Tracej fut
déclaré élu à une majorité de trois voix, mais il ne
put jouir de son triomphe, ajant été emporté par le
choléra asiatique qui fit son apparition en Amérique
dans le cours de l’été.

Lecoroner crut devoir lancer un mandat d’arrêt

— 31Y —

contre Macintosh et Temple qui furent arrêtés et
fournirent chacun une caution de £1000 pour
garant de leur comparution aux prochaines assises
criminelles.

Les avocats des accusés réussirent à faire mettre de
côté la mise en accusation, comme ayant été portée
illégalement. Ils furent subséquemment accusés de
nouveau ainsi que les deux magistrats qui avaient
commandé le feu, mais le grand jury rejeta toutes ces
accusations. M. Papineau avait cru devoir, immédia-
tement après l’émeute, écrire à Aylmer pour le prier
de monter à Montréal pour assister à l’enquête et de
se faire accompagner par MM. Neilson et Panet, mais
le porteur de la missive fut mal reçu par le gouverneur
qui lui répondit d’une manière formelle qu’il n’inter-
viendrait nullement dans l’administration de la justice.

Le choléra qui fit de si épouvantables ravages
pendant l’été de 1832, n’empêcha pas les manifesta-
tions politiques. Une assemblée publique eut lieu
à St. Charles sur la rivière Chambly. Dans cette
assemblée on adopta différentes résolutions ; la pre-
mière allait à rejeter la faute sur l’Angleterre si le
Canada était visité par le terrible fléau. Pourquoi,
pendant que les îles britanniques étaient visitées par le
choléra, le gouvernement anglais avait-il permis à un
si grand nombre d’émigrants de passer en Canada. *

* On peut jusqu’à un certain point douter si l’immigration fut la
cause de l’introduction du choléra en ce pays, puisqu’un voyageur
arrivé des postes du roi de la rive nord du S. Laurent rapporta que
les sauvages de ces lieux étaient aussi atteints du choléra, et qu’un
certain nombres s’étaient guéris en prenant une décoction des écor-
ces de certains arbres des forêts environnant leurs campements.

— 318 —

Les autres résolutions censuraient la formation du
conseil législatif, les paroles du gouverneur à l’as»
semblée relativement à la liste civile, l’intervention
de la métropole dans les affaires coloniales et l’exclu-
sion des canadiens des charges publiques.

Par contre, une assemblée publique eu lieu à
Montréal ; 500 personnes y* assistaient. On adopta
plusieurs resolutions dans un sens contraire à celles
qui avaient été passées dans l’assemblée de St. Charles.

Dans le même temps une assemblée publique était
aussi convoquée à Toronto, et elle chargeait le procu-
reur général et le solliciteur général de préparer une
adresse au roi pour le prier d’annexer l’île de Montréal
au Haut-Canada.

Lord Aylmer, qui ne savait à quel expédient recou-
rir pour faire cesser les récriminations incessantes des
canadiens, visita les cantons de l’est et la vallée de
l’outaouais et il écrivit au vicomte Goderich que les
cantons pouvaient recevoir 500,000 émigrés et la
vallée 100,000, et qu’avec un surcroit aussi considé-
rable de population anglaise, les difficultés entre les
deux races seraient bientôt réglées.

Dans l’intervalle qui s’était écoulé depuis la dernière
session, le bureau des colonies t avait nommé 11 con-
seillers législatifs nouveaux ; 8 d’entre eux étaient des
canadiens et quatre occupaient des- sièges dans l’as-
semblée. Ils résignèrent à l’ouverture de la session qui
eut lieu le 15 novembre 1832. *•

* Les résignations étaient faites devant deux notaires qui ensuite
en faisaient la signification au président de l’assemblée.

— 319 —

Lord Aylnier dans son discours informa, les cham-
bres que le bill des subsides tel que voté- lors de la
dernière session était accepté, mais qu’il aurait à faire
une communication spéciale à ce propos ; puis après
avoir passé en revue les différents sujets qui devaient
attirer l’attention des députés, il rendit un juste tribut
d’éloge au clergé et aux médecins pour leur dévoue-
ment et leur zèle à porter les secours religieux et les
soins de l’art aux malades pendant l’épidémie.

Le premier acte de l’assemblée fut d’exclure de son
sein pour la cinquième fois M. Christie qui avait été
encore élu député de Gaspé ; mais cette fois l’exclusion
n’eut pas lieu £ans de vives discussions. M. Neilson
prétendait qu’aucun comté n’avait droit d’élire pour
représentant un homme dont la conduite avait été
condamnée, que l’assemblée seule avait le droit de le
relever de cette condamnation et par conséquent de le
rendre éligible, mais non pas le vote populaire. Cette
opinion n’était pas partagée par plusieurs hommes de
lois éminents, entre autre par MM. Stnart, * Ogden et
Duval, qui avec onze autres députes votèrent pour
que M. Christie gardât son siège.

L’assemblée crut devoir protester de suite contre la’
partie du discours du gouverneur, à la clôture de la
session, qui censurait la détermination qu’elle avait

* M. Stuart a toujours pris une part active aux affaires politiques
de la -province, il ava^t une grande connaissance des lois de la
constitution et estimait beaucoup les canadiens qu’il appelait un
•peuple de gentilhommes. Il est le père de l’honorable A. Stuart juge
de la cour supérieure et qui par sa haute intelligence, et ses
connaissances légales fait honneur à notre magistrature.

— 320 —

prise au sujet des subsides, puis elle reçut d’Aylmerla
communication du souverain sur cette même question.
Le gouvernement impérial prétendait que la chambre
n’ayant pas cru devoir donner de réponse à ses
communications, expliquant les raisons qu’elle avait
pour refuser de se conformer aux demandes que le roi
adressait à sa libéralité, Sa Majesté ne pouvait qu’infé-
rer delà que ses demandes n’avaient été jugées dignes
d’aucunes autres considérations que celle que compor-
tait leur rejet péremptoire et inqualifiable. Dans
cette occurrence, le roi était résolu à ne plus faire
revivre la discussion de la question de la liste civile ;
mais désormais il subviendrait aux dépenses à même
les fonds que la loi avait mis à sa disposition.

M. Christie qui, comme on l’a vu, avait été expulsé
à la dernière session et venait encore de l’être, en avait
appelé au ministre des colonies de la décision de la
chambre. Le vicomte Goderich, sans entrer dans le
mérite des raisons que la chambre pouvait avoir eu
de sévir avec autant de rigueur contre le député de
Gaspé, rappela à la chambre la conduite que les com-
munes anglaises avait tenue dans un cas semblable.

1  » Je ne conçois pas,disait il dans sa dépêche, qu’il soit
probable après la lutte qui a eu lieu entre les électeurs
du comté de Middlesex et la chambre des communes,
et après le vote du 3 mai 1782, qui a finalement décidé
cette grande question constitutionnelle, que la cham-
bre d’assemblée veuille maintenir qu’aucune personne
puisse devenir inéligible comme membre de ce corps,
par cela seul qu’elle a déjà été expulsée, ou par suite

321

de ce qu’elle aurait violé quelque privilèges sur
lesquels serait fondé un semblable vote. » Comme on
le voit l’opinion de Goderich venait confirmer celle
que M. Andrew Stuart avait émise deux ans aupara-
vant sur le même sujet. L’organe du gouvernement
dans rassemblée, M. Panet ayant été appelé au banc
pour remplacer le juge Tascîiereau * qui était décédé
dans le cours de l’été précédent, M. Dominique
Mondelet fut appelé au conseil exécutif. La chambre,
s’appuyant sur une résolution passée le 15 février
1831, basée sur un bill que le gouvernement anglais
avait adopté dans la quatrième année du règne de
la reine Anne, déclarant nulle l’élection d’un membre
qui accepterait un office salarié, la chambre, disons-
nous, déclara le siège de M. Mondelet vacant.

Cette déclaration, qui aujourd’hui paraîtrait absurde,
avait alors sa raison d’être ; en effet les ministres n’étant
pas responsables aux chambres, celles-ci pouvaient ne
les considérer que comme de simples fonctionnaires,
préposés à la gestion des affaires des différents dépar-
tements. Il est bien vrai que M. Panet n’avait pas
été soumis à la même règle, mais M. Panet était
populaire, tandis que la nomination de M. Mondelet
paraissait être une moquerie ; M. Mondelet était un
jeune membre sans expérience et personnellement peu
aimé.

* Le juge Tascherean est le père de l’honorable J. T. Taschereau,
actuellement juge de la cour supérieure à Québec. M. Taschereau
a hérité des qualités laborieuses, de l’amour de l’étude et de l’inté-
grité qui distinguèrent son père, dans le cours de sa longue carrière
politique et judiciaire.

21

— 322 —

Le juge- Kerr fut aussi destitué de ses fonctions ;
la principale raison sur laquelle M. Bice, le ministre
de la justice s’était appuyé, c’est que Kerr, comme
juge de la cour de vice-amirauté, avait commis des
irrégularités dans les comptes qu’il devait tenir en
cette qualité, c’est-à-dire qu’il se trouvait défalcataire
des honoraires perçus par lui pour la couronne. Ces
deux destitutions furent accueillies avec joie par la
population.

Cependant la résolution de l’assemblée contre le
conseil, avait créé une profonde sensation au sein de
cette branche de la législature, le conseil législatif
yota à son tour une adresse au roi, en opposition à
celle des représentants du peuple. Le conseil expo-
sait que d’un état de paix et de prospérité, le pays
marchait rapidement vers l’anarchie, que tout était
mis en jeu pour diviser les habitants des deux origines,
que les intérêts commerciaux, industriels et agricoles
étaient sacrifiés à l’esprit de rivalité et de haine qui
prévalait chez les députés de l’assemblée ; puis il
terminait en disant :

 » Ce fut en l’année mil huit cent trente-et-un, après
l’élection générale de l’assemblée maintenant en
session, et lorsque quelques sujets de plainte contre
l’administration locale allaient être redressés par l’in-
tervention du gouvernement impérial, que le désir
d’un changement dans la constitution fut avoué pour
la première fois ouvertement dans ce corps, et l’on a
tout lieu d’être étonné qu’un parti turbulent et violent
dans cette chambre ait été capable de porter une

— 323 —

majorité de ses membres, à la tentative de détruire une
forme de gouvernement sous laquelle les sujets cana-
diens de Yotre Majesté ont joui d’un état de paix, de
sécurité et de contentement, à peine surpassé dans
aucune partie quelconque du monde, et contre laquelle
aucune partie considérable du peuple n’a porté de-
plaintes formelles.

 » En même temps donc que le conseil législatif
désire ne pas cacher à Yotre Majesté l’état actuel de
la province, il est loin de croire que la grande masse
du peuple participe aux vues et aux vœux de la
majorité de l’assemblée ; mais dans une société où
l’éducation a fait peu de progrès, les personnes même
bien disposées, heureuses et contentes, ne sont que
trop sujettes à être induites en erreur par des hemmes
factieux et mal-intentionnés.

u La constitution met Yotre Majesté en état de-
maintenir une branche indépendante de la législature,
par un choix j udicieux de membres pour la composer,
et nous osons exposer, en toute humilité, à Yotre
Majesté; qu’une branche ainsi choisie est essentielle
pour soutenir votre prérogative royale, maintenir la
liaison qui subsiste heureusement entre cette colonie
et la métropole, donner de la sécurité à une nombreuse
classe des sujets de Yotre Majesté d’origine britanni-
que, maintenant au nombre d’environ cent cinquante
mille âmes, répandus dans la Province, et dont les
intérêts ne peuvent être suffisamment représentés dans
l’assemblée, dont les sept huitièmes des membres sont
d’origine française et parlent la langue française.

324: —

 » C’est dans les circonstances exposées ci-dessus que
l’assemblée a proposé à Yotre Majesté d’abolir cette
chambre, et de mettre à sa place un conseil éligible
par les propriétaires de biens-fonds de la valeur
annuelle de dix livres, mesure bien conçue pour par-
venir au bat désiré d’obtenir un corps législatif qui
serait, sous tous les rapports, le pendant de l’Assem-
blée, en autant qu’il serait virtuellement constitué par
tout ce qu’il y a d’électeurs dans le pays.

 » Ayant mûrement considéré, et sans partialité
indue comme nous l’espérons, la natnre des change-
ments dans la constitution proposés par l’assemblée,
nous prions instamment Yotre Majesté de peser comme
il convient, l’opinion que nous lui soumettons humble-
ment, quant aux conséquences fatales qu’on pourrait
s’attendre à voir résulter d’un tel changement. Ses
effets immédiats seraient de rendre toutes les charges
électives dans la colonie ; de jeter de l’inquiétude dans
l’esprit des sujets de Yotre Majesté d’origine britan-
nique, à l’égard de la sûreté pour leur vie et leurs
propriétés dont ils jouissent maintenant ; d’empêcher
leur accroissement ultérieur au moyen de Te migration,
et de rompre les liens qui unissent cette colonie à la
métropole ; tandis que son résultat final serait de
mettre en collision les habitants du Haut-Canada et
ceux du Bas-Canada, et d’inonder le pays de sang, car
nous sommes pleinement convaincus que les habitants
du Haut-Canada ne souffriraient pas tranquillement
l’interposition d’une république française entre cette
province et l’océan. »

— 325 —

Ce langage acerbe, imprudent et exagéré ne plut
pas au gouvernement de la métropole qui, Tannée
suivante, exprimait au conseil ses vues à ce sujet. Sa
Majesté disait la réponse du ministre des colonies ne
peut s’empêcher d’exprimer son de sir, qu’en mettant au
pied du trône les expressions de ses propres sentiments
de loyauté et d’attachement, le conseil ne se soit abstenu
d’user à l’égard d’une autre branche de la législature
d’un langage moins tempéré qu’il ne convient à la
dignité d’une législature, ou plus propre à ramener la
bonne entente entre les deux corps. Sa Majesté
déplore plus particulièrement l’introduction de certai-
nes expressions, paraissant être employées pour censu-
rer les vues d’une partie de ses sujets, vues qui selon
le sens des paroles du conseil seraient contraires à
l’attachement qu’ils doivent au roi.

Un incident qui produisit une grande sensation fut
l’emprisonnement d’un membre qui eut lieu dans les
circonstances suivantes. M. Taylor avait communiqué
au Mercury un article injurieux contre M. Papineau;
sur la proposition de M. Bourdagts et de M. Lafon-
taine, il fut déclaré qu’il avait enfreint les privilèges
de la chambre et en conséquence condamné à l’em-
prisonnement pour 24 heures. L’événement fut de
suite connu dans la ville, et la marche du condamné
vers la prison fut une véritable ovation de la part des
amis du pouvoir, il fut regardé comme un martyr de
la tyrannie des représentants du peuple, et particuliè-
rement de M. Papineau.

Un autre membre eut aussi son châtiment, il fut

!26 —

mis sous la garde du sergent d’armes pour s’être servi
de quelques expressions un peu fortes envers un de
ses collègues ; il lit des excuses et fut libéré.

Yers la fin de la session, la chambre, ‘qui avait
demandé au gouverneur plusieurs documents se rap-
portant à des sujets qu’elle avait à discuter, et n’ayant
rien reçu, s’en plaignit avec des termes de censure
passablement sévères ; elle voit avpc regret, disait-elle
que le gouverneur a absolument refusé d’acquiescer
aux demandes exprimées dans plusieurs de ces adres-
ses, et qu’il n’a pas encore mis devant la chambre les
documents nombreux et importants qu’elle avait
demandes depuis longtemps, malgré que son intention
en faisant cette demande de documents était unique-
ment de faciliter ses travaux. Deux jours après, le
gouverneur envoya une partie de ces documents, en
s’excusant du mieux possible, sur leur longueur et sur
les recherches qu’il avait fallu faii e pour les obtenir.
La session touchant à la fin, le gouvernement demanda
le vote des subsides, mais toujours portée à fronder,
la chambre se mit à retrancher certaines parties qu’elle
savait devoir choquer l’exécutif, comme la somme
demandée pour le port des lettres des départements,
les salaires de quatre des membres du conseil exécu-
tif, celui de Eyland ; elle fit des réserves pour ceux
des fonctionnaires qui seraient en même temps mem-
bres des conseils exécutif ou législatif, dans ce cas ils ne
devaient pas recevoir de salaire ; enfin pour se venger
du conseil, elle retrancha une grande partie de la
somme demandée pour subvenir aux dépenses de ce

327

corps et de ses officiers ; il /va sans dire que le bill fut,
pour les mêmes raisons que les années précédentes,
rejeté par le conseiL Elle demanda aussi au roi de
mettre le département des postes sous le contrôle delà
législature coloniale, au lieu de le laisser a l’exécutif,
parceque celui-ci n’ordonnait pas le service des malles
avec régularité et satisfaction pour le public; enfin
après une session de quatre mois et déni’, la chambre
fut prorogée le 3 avril.

Le public continuait à s’occuper des questions poli –
tiques, des assemblées avaient lieu de temps à autre, et
on adoptait des résolutions de censure contre le gouver-
nement. Les villes de Québec et de Montréal érigées
en corporation * venaient d’adopter leurs règlements,
et ceux de la corporation de Québec ayant été
présentés à la cour du banc du roi dont la sanction
était nécessaire pour leur donner force de loi, dans la
langue française seulement, ils furent rejetés par les
juges ; nouveaux griefs, nouvelle cause d’irritation
pendant l’été de 1833.

Le Canadien disait à ce sujet  » Est-ce que parce
que nous sommes une colonie on violera impunément
les traités ? rassemblée doit déterminer si, oui ou non,
on peut se jouer de la foi jurée entre les nations.

Les luttes continuelles du parlement avaient créé
parmi les classes ouvrières un esprit d’animosité
entre les travailleurs des deux races, et la rue Cham-

(*) Les deux premiers maires furent M. Elzéar Bedard pour
Québec, et M. Jacques Viger pour Montréal.

323 —

plainfut plus d’une fois le théâtre de luttes acharnées,
dans lesquelles nos compatriotes ne furent pas toujours
les vainqueurs.

L’ouverture du parlement, qui eut lieu le 7 janvier
1834, ne présenta rien de remarquable si ce n’est
l’information donnée aux chambres par Aylmer que
le tiers arbitre pour déterminer la proportion des
revenus qui devait échoir au Haut- Canada, ayant été
nomme, les tiois arbitres avaient décidé qu’il avait
droit à un tiers des revenu».

La part accordée au Haut-Canada était certaine-
ment trop élevée en proportion de sa population,
mais les arbitres prétendaient que la consommation
des objets importés, soumis à des droits de douane, était
beaucoup plus considérable que dans le Bas Canada»;
quant aux finances, le service public avait souffert,
faute d’appropriations, mais au moyen des fonds
spéciaux de la couronne, le gouverneur avait pu
pourvoir au plus pressé.

M. Bodier proposa aussitôt la formation d’un
comité pour préparer une adresse en réponse à ce
discours du trône, mais M. Bourdages proposa,
secondé par M. Bodier de cesser de suite tout rapport
avec le gouverneur et ses conseiller?, en passant immé-
diatement à la considération de la province, leur
proposition fut perdue sur nnd division de 14 contre
33. Ce fut sur la o^vision qui eut lieu en cette circons-
tance que l’on vit qu’il allait s’opérer une scision au
sein du parti national. M. Bourdages représentait
évidemment les idées extrêmes de M. Bapineau, et

— 329 —

MM. JSTeilson, Cuvilier et Quesnel, qui jusque là lui
avaient été fidèles, s’opposèrent à la politique si hostile
de M. Papineau. Ce dernier inspirait les hommes
les plus avances du parti et poussait toujours aux
menaces et à l’hostilité. Il n’avait pas tenu compte
des concessions que lord Goderich avait faites à la
chambre, et des difficultés qu’il avait eu à surmonter
pour les obtenir. Il ne considérait que les griefs que
les canadiens avaient contre l’administration provin-
ciale, et ne calculait pas qu’une politique plus sage,
plus prudente et plus modérée aurait peut-être petit à
petit pour résultat, le redressement de ces mêmes
griefs. Il persista donc dans sa latte avec l’Angle-
terre et se dit que si son influence était amoindrie en
parlement, il entraînerait facilement Je peuple avec
lui. M. Neilson, au contraire, profitant de l’expérience
du passé qui démontrait que l’hostilité continuelle ne
donnait aucun avantage, essaya une antre ligne de
conduite, entraînant avec lui la majorité.

M. Papineau avait écrit la série des griefs des cana-
diens contre l’administration provinciale et contre
l’Angleterre, et il soumit cet écrit à ses amis, il voulait
en faire la base d’une communication particulière au
bureau colonial, mais comme il exigeait la signature
de ses amis avant son envoie, ceux-ci ne crurent pas
devoir prendre sur eux la responsabilité d’une telle
demande, sans le consentement du peuple.

Lorsqu’il s’agit d’organiser les comités, celui de
bonne correspondance entre les deux chambres fut
repoussé avec indignation sur la proposition de M.

330 —

Bourdages qui prétendit que c’était une insulte de
proposer la formation d’un tel comité, pour correspon-
dre avec un corps qui avait déclaré ouvertement que
les membres de l’assemblée voulaient établir une répu-
blique française, la proposition de ce comité fut
retirée par M. Xeilson qui en était l’auteur.

La première communication du gouverneur à la
chambre fut celle d’une dépêche impériale approu-
vant la conduite du gouverneur qui avait refusé de
signer un bref d’élection pour él’re un membre à la
place de M. Mondelet appelé au conseil exécutif;
quand à l’expulsion de M. Chrislie elle aurait dû être
décrétée par un bill et non par une simple résolution.
Lord Stanley qui avait succédé à lord Goderick dans
le gouvernement des colonies avait aussi envoyé à
Aylmer la dépêche suivante au sujet de la composi-
tion du conseil législatif.

 » L’objet que l’on a en vue par eette adresse, est de
prier Sa Majesté de vouloir autoriser une convention
nationale du peuple du Bas-Canada, à l’effet de mettre
de côté les autorités législatives, et de prendre en
considération, lequel de deux modes sera adopté pour
détruire entièrement la constitution du Bas-Canada ;
soit que ce doive être par l’introduction du principe
électif, ou par l’entière abolition du conseil législatif.
Sa Majesté veut bien dans le mode projeté, ne voir
que le résultat d’une extrême légèreté ; et Sa Majesté
ne pourra jamais être avisée de donner son assenti-
ment à ce projet, vu qu’elle doit considérer une
semblable mesure, comme incompatible avec l’exis-

\

— 331 —

tence même des institutions monarchiques ; mais elle
sera disposée volontiers à sanctionner toute mesure
qui pourrait tendre à maintenir l’indépendance, et à
élever le caractère du conseil législatif. En 1828, un
comité de la chambre des communes examina avec
soin les griefs qu’ont allégués les habitants des Cana-
das ; et, entre autres, la constitution du conseil légis-
latif fut aussi le sujet d’une sérieuse délibération de
sa part. Le comité fît rapport, que l’un des objets
les plus importants sur lesquels il avait délibéré, avait
été l’état du conseil législatif, dans l’un et l’autre
Canada, et la manière dont ces assemblées avaient
répondu à l’objet pour lequel elles avaient été insti-
tuées. Le comité recommanda vivement, que l’on
donnât un caractère plus indépendant à ces corps ;
que la majorité des membres ne devait pas se compo-
ser de personnes tenant des emplois sous le bon plaisir
de la couronne, et, que toute autre mesure, qui aurait
l’effet de lier plus étroitement cette branche de la
constitution avec les intérêts de la colonie, produirait
les plus grands avantages. A l’égard des juges, à l’ex-
ception seule du juge-en-chef, dont la présence pour-
rait être nécessaire dans des occasions particulières, le*
comité n’a pas balancé à dire qu’il serait mieux pour
eux de ne pas s’immiscer dans la politique de cette
chambre. L’examen de la composition de ce corps à
cette époque, et de sa composition dans le moment
actuel, fera voir dans quel esprit le gouvernement de
Sa Majesté s’est efforcé de se rendre aux vœux et aux
désirs du parlement. C’est avec raison que la chambre

— 332 —

d’assemblée dit, que l’on a souvent déclaré que le
peuple du Canada ne devait rien voir dans les institu-
tions des pays voisins qu’il pût regarder avec envie.
J’ignore encore, si les sujets de Sa Majesté, dans le
Canada, entretiennent de tels sentiments dans le
moment actuel ; on, s’ils désirent imiter sous un gou-
vernement monarchique, toutes les institutions d’une
république ; ou posséder le simulacre d’un exécutif,
dont l’existence dépendrait absolument d’un corps
populaire qui [s’arrogerait toute l’autorité de l’Etat.
Je ne suis pas prêt à aviser Sa Majesté, de recom-
mander au parlement une démarche aussi sérieuse que
le serait celle de révoquer l’acte de 1791 ; cet acte qui
a conféré aux provinces du Haut et du Bas-Canada,
séparément, les institutions qui existent dans ce pays ci.
Quelque sérieuses que soient les difficultés dont l’ad-
ministration de votre seigneurie se trouve enveloppée,
elles ne sont pas assez graves néanmoins pour m’enga-
ger à désespérer de l’opération pratique de la consti-
tution britannique ; mais, si les événements venaient
malheureusement à forcer le parlement à exercer son
autorité suprême, afin d’appaiser les dissensions intes-
tines des colonies, mon objet, ainsi que mon devoir,
seraient de soumettre au parlement telles modifications
à la charte des Canadas, qui pourraient tendre, non
pas à introduiie des institutions qui son incompatibles
avec l’existence d’un gouvernement monarchique,
mais dont? l’effet serait de maintenir et de cimenter
l’union avec la mère-patrie, en adhérant strictement à
l’esprit de la constitution britannique, et en mainte-

333

liant dans leurs véritables attributions, et dans les
bornes convenables, les droits et les privilèges mutuels
de toutes les classes des sujets de Sa Majesté. »

 » Château Saint-Louis,

 » Québec, 13 Janvier 1834. »

Une communication ultérieure donna un compte
détaillé des dépenses de la législature et des recettes
provenant du statut impérial créant des revenus à la
province entre les années 1793 et 1832. * La chambre
demanda aussi un compte des détails de l’administra-
tion des terres de la couronne, des biens des jésuites,
la communication du hlue ~book, ou livre communi-
qué à la chambre des communes, et contenant tous les
papiers d’état.

Un bill fut passé et envoyé au conseil pour assurer
l’indépendance et la dignité des conseils législatif et
exécutif, il avait été préparé par M. A. Stuart. Un
autre fut passé au conseil pour établir un tribunal
pour juger les accusations portées contre ceux des
fonctionnaires qui, dans l’accomplissement de leurs
fonctions, ne se trouvaient pas être justiciables des
tribunaux ordinaires ; ce bill qui était le résultat de la
dépêche de Bathurst à Sherbrooke au sujet de l’accu-
sation de Foucher fut néanmoins repoussé par l’as-
semblée.

* Dépenses £277,280 15 11£

Recettes ,… 66,019 4 3

Différence £211,26111 8£

* Le château St. Louis fut incendié le 23 janvier 1834.

— 334 —

On avait fixé an 15 de février l’examen de l’état de
la province. M. Papineau s’était rapproché de ses
amis, et lenr avait de nouveau communiqué l’écrit
qu’il avait composé l’année précédente, et ou était
exposé les griefs dont le Bas-Canada avait à se
plaindre. L’examen et la discussion de ces griefs
eurent lieu chez M. Bedard, ou tous les articles du
manuscrit de M. Papineau furent scrupuleusement
examinés. Tous les chefs du parti s’y trouvaient, et
on rapporte que les délibérations durèrent pendant
cinq nuits consécutives. M. Bedard chez qui les
séances avaient eu lieu et qui était un peu vaniteux,
voulait avoir une part active dans cette manifestation,
il fut chargé de présenter les résolutions, M. Morin
plus modeste avait rédigé ces résolutions, mais quand
vint leur présentation, il se tint dans l’ombre, se
contentant d’appuyer ses amis. Le résultat fut l’adop-
tion des résolutions suivantes au nombre de 92, après
six séances de discussions.

1. Résolu, — Que c’est l’opinion de ce comité, que les loyaux
sujets de Sa Majesté, le peuple de cette province du Bas-Canada,
ont montré le plus grand attachement pour l’empire britannique
dont ils forment partie ; qu’ils l’ont défendu avec courage dans la
guerre, à deux diverses fois, qu’à l’époque qui a précédé l’indépen-
dance des ci-devant colonies anglaises de ce continent, ils ont
résisté à l’appel qu’elles leur faisaient de se joindre à leur confédé-
ration.

2. Résolu, — Que c’est l’opinion de ce comité, que le peuple de
cette province a manifesté en tout temps sa confiance dans le
gouvernement de Sa Majesté, même dans les circonstances les plus
difficiles, et sous des administrations provinciales qui foulaient aux
pieds les droits et les sentiments les plus chers à des sujets
britanniques ; et que le peuple de cette province persévère dans
les mêmes dispositions. ^

3. Résolu, — Que c’est l’opinion de « ce comité, que le peuple de
cette province s’est toujours montré disposé à accueillir avec
libéralité et fraternité ces co-sujets qui, ayant laissé diverses parties

3S5

du Royaume-Uni, et de ses dépendances, sont venus en ce pars poitr
y faire leur demeure ; qu’il s’est empressé de leur faciliter, en tant
qu’il a dépendu de lui, la participation aux avantages politiques et
aux ressources industrielles dont il profitait, et à applanir pour eux
les difficultés résultant du système vicieux, adopté par les adminis-
trations provinciales, à l’égard des parties du pays qu’ils habitaient
principalement.

4. Eésolu, — Que c’est l’opinion de ce comité, que cette chambre,
comme représentant le peuple de cette province, a montré un vif
empressement à avancer la prospérité générale du pays, en assurant
la paix et le contentement de toutes les classes de ses habitants,
sans distinction d’origine ni de croyance, sur la base solide et
durable des mêmes liens politiques, d’un intérêt commun, et d’une
égale confiance dans la protection de la mère-patrie.

5. Résolu, — Que c est l’opinion de ce comité, que cette chambre
s’est empressée d’adopter et de consolider dans la province, au
moyen des lois, non seulement le droit constitutionnel et parle-
mentaire anglais, nécessaire à l’opération de son gouvernement,
mais aussi toutes les parties du droit public du Royaume-Uni qui
lui ont paru salutaires et protectrices, et conformes aux besoins et
aux vœux du peuple, et que cette chambre’ s’est également efforcée
de régler ces procédés, par l’analogie avec ce qui se pratique dans
les communes du Royaume-Uni, d’une manière aussi rapprochée
que les circonstances de cette colonie ont pu le permettre.

6. Résolu, — Que c’est l’opinion de ce comité, qu’en l’année 1827 7
une très-grande majorité du peuple de cette province, par ses
requêtes signées de 87,000 personnes, se plaignit d’abus graves et
nombreux qui régnaient alors, dont plusieurs subsistaient depuis un
grand nombre d’années, et dont la plupart subsistent encore aujour-
d’hui sans adoucissement ni mitigation.

7. Résolu, — Que c’est l’opinion de ce comité, que les dites plaintes
et griefs, soumis à la considération du Parlement du Royaume-Uni,
donnèrent lieu à la nomination d’un comité de la chambre des
communes, dont l’honorable Edward Greoffrey Stanley, maintenant
principal secrétaire d’état de Sa Majesté pour !e département colo-
nial, formait partie, ainsi que plusieurs autres membres du gouver-
nement actuel de Sa Majesté ; et qu’après des recherches soigneuses
et avec délibération, ce comité en vint, le 18 Juillet 1828, à ces
conclusions très-justes :

1° Que les difficultés et les mécontentements qui avaient long-
temps existé dans les Canadas, provenaient de défectuosités sérieuses,
qui se trouvaient dans le système de lois et de constitutions établi
dans ces colonies.

2° Que les difficultés et les mécontentements devaient en grande
partie être attribuées à la manière dont le système existant avait
été administré.

3^ Que, suivant son entière conviction, ni les recommandations
qu’il a faites, ni aucune autre amélioration dans les lois et les cons-
titutions des Canadas, ne seront suivies de l’effet désiré, à moins
qu’on ne suive envers ces colonies loyales et importantes un
système de gouvernement impartial, conciliatoire et constitutionnel,

8. Résolu, — Que c’est l’opinion de ce comité, que depuis cette épo-

336 —

que la constitution de cette province, avec ses défectuosités sérieuses,
a continué d’être administrée de manière à multiplier les difficultés
et à augmenter les mécontentements qui y avaient longtemps
prévalu ; et que les recommandations du comité de la chambre des
communes n’ont été suivies d’aucun résultat efficace et de nature à
produire l’effet désiré.

9. Késolu, — Que c’est l’opinion de ce comité, que la défectuosité
la plus sérieuse de l’acte constitutionnel, son vice radical, le prin-
cipe le plus actif de mal et de mécontentement dans la province,
la cause la plus forte et la plus fréquente d’abus de pouvoir,
d’infraction des lois, de dilapidation du revenu et du domaine
publics, avec impunité pour les gouvernants et avec oppression et
ressentiment pour les gouvernés, se trouve dans la disposition
très-injudicieuse, dont les funestes résultats furent prévus par feu le
très-honorable Charles James Fox, lorsqu’elle fut adoptée, savoir :
celle qui donne à la couronne le pouvoir exorbitant, incompatible
avec tout gouvernement tempéré et basé sur la loi et la justice, et
non sur la force et la coercition, de choisir et composer sans règles,
sans limites, sans qualifications prédéterminées, toute une branche
de la législature, réputée indépendante par la nature de ces attribu-
tions, mais inévitablement asservie à l’autorité qui la choisit, la
compose, la décompose, la peut modifier chaque jour au gré de ses
intérêts ou de ses passions du moment.

10. Késolu, — Que c’est l’opinion de ce comité, que l’abus est
inséparable de l’usage d’un pouvoir aussi illimité, et que son
exercice dans le choix de la majorité des membres du conseil
législatif, tel que constitué pour cette province, a toujours eu lieu
dans l’intérêt du monopole et du despotisme exécutif, judiciaire et
administratif, et jamais en vue de l’intérêt général.

11. Résolu, — Que c’est l’opinion de ce comité, que le remède
efficace à ce mal reconuu, a été judicieusement pressenti et indiqué
par le comité de la chambre des communes, demandant à John
Neilson, écuyer, l’un des agents qui avaient porté la pétition des
87,000 habitants du Bas-Canada, s’il avait pesé dans son esprit
quelque plan au moyen duquel on pût, selon lui, mieux composer
le conseil législatif du Bas-Canada ; s’il pensait qu’il fût possible
que ce corps pût commander la confiance et les respects du peuple,
ou être en harmonie avec la chambre d’assemblée, à moins que
d’une manière ou d’une autre on introduisit l’élection comme prin-
cipe de ga composition : et encore s’il pensait que la colonie pût
avoir quelque sûreté de la composition convenable et indépendante
du conseil législatif, à moins que le principe d’élection ne fût intro-
duit d’une manière ou d’une autre ; les réponses auxquelles ques-
tions, par le dit John Neilson, écuyer, comportaient, entre autres
réflexions, qu’il y avait deux moyens d’améliorer la composition du
conseil législatif: l’une par de bons choix, en y appelant des per-
sonnes indépendantes de l’exécutif ; mais qu’à en juger par l’expé-
rience il n’y aurait aucune sûreté ; et dans d’autres réflexions, si
l’on trouvait ce moyen impraticable, l’autre mode serait de rendre le
conseil législatif électif.

12. Résolu, — Que c’est l’opinion de ce comité, que jugeant d’après
l’expérience, cette chambre croit également qu’il n’y aurait aucune
sûreté dans la mode indiqué au premier lieu, la suite des événements

— m —

if-ayant que trop démontré la justesse de ces prévisions ; et qu’en
tout ce que le dit John Neilson, écuyer, a dit de fondé sur l’expé-
rience et les faits, cette chambre l’approuve ; mais que, quant aux
suggestions d’avoir des électeurs d’une qualification plus élevée, et
■de déterminer la qualification foncière des personnes qui pourraient
siéger dans le conseil, cette chambre a depuis, dans son adresse à sa
très-gracieuse Majesté, en date du 20 Mars 1833, déclaré comment,
dans son opinion, ce principe pouvait être tolérable en Canada, en
le restreignant dans certaines limites définies, qu’il ne faudrait en
aucun cas dépasser.

13. Résolu, — Que c’est l’opinion de ce comité, que même en
précisant des limites de cette nature, et en réglant la propriété
foncière comme condition d’éligibilité à un conseil législatif choisi
par le peuple, condition qui très-heureusement et très-sagement
n’est pas attachée à l’éligibilité pour la chambre d’assemblée, cette
chambre parait plutôt avoir eu en vue de ménager les opinions
reçues en Europe, où la loi et les mœurs donnent tant de privilèges
et d’avantages artificiels à la naissance, au rang et à la fortune,
qu’aux croyances reçues en Amérique, où l’influence de la naissance
est nulle, et où, malgré l’importance naturelle que la fortune com-
mandera toujours, l’introduction artificielle de grands privilèges
dans Tordre public, en faveur de la grande propriété, ne pourrait se
soutenir longtemps contre la préférence donnée, dans les élections
libres, aux vertus, aux talens et aux lumières, que la fortune
n’exclut pas, mais qu’elle ne peut acheter, et qui peuvent accorupa-
gner une pauvreté honnête, contente et dévouée, que dans le
système électif la société devrait avoir le droit d’appeler et de
consacrer au service de la patrie, préférablement à la richesse,
lorsqu’elle y serait jugée plus propre.

14. -Résolu, — Que c’est l’opinion de ce comité, que cette chambre
n’est nullement disposé à admettre l’excellence du système actuel
de constitution du Canada, quoique, mal à propos et erronément, le
secrétaire d’état de Sa Majesté pour le département colonial allègue
qu’il a conféré aux deux Canadas les institutions de la Grande-
Bretagne ; ni à repousser le principe d’étendre, beaucoup plus loin
qu’il ne l’est aujourd’hui, l’avantage d^un système d’élections fré-
quentes ^ et qu’en particulier ce système devrait être étendu au
conseil législatif, quoiqu’il puisse être considéré par le secrétaire
colonial comme incompatible avec le gouvernement britannique,
appelé par lui gouvernement monarchique, ou comme trop analogue
aux institutions que ce sont données les divers états qui composent
l’industrieuse, morale et prospère confédération des Etats-Unis
d’Amérique.

15. Résolu, — Que c’est l’opinion de ce comité, que par sa dépêche,
dont la date n’est pas connue, et dont partie seulement a été com-
muniquée à cette chambre par le gouverneur-en-chef, le quatorze
janvier 1834, le secrétaire d’état de Sa Majesté, pour le département
colonial, (cette chambre ne sachant pas avec certitude si c’est le
secrétaire colonial ou son prédécesseur,) dit qu’un examen de la
composition du conseil législatif, à cette époque, (c’est-à-dire à
l’époque où elle fut si justement censurée par un comité de la
chambre des communes,) et dans le temps actuel, montrera suffi-

22

— 338′ •

P.

samment dans quel’ esprit le gouvernement de Sa Majesté s r est
efforcé d’accomplir les désirs du Paidement.

16. Résolu, — Que c’est l’opinion ;.de ce comité, que cette chambre
reçoit avec reconnaissance cette assurance des intentions justes et
bienveillantes, avec lesquelles en exécution de son devoir, le
gouvernement de Sa Majesté a souhaité accomplir les désirs du
parlement.

17. Résolu, — Que c’est l’opinion de ce comité, que malheureuse-
ment il a été laissé au principal agent du gouvernement de Sa
Majesté en cette province, d’accomplir les désirs du parlement
impérial ; mais qu’il a détruit l’espoir qu’avaient conçu les fidèles
sujets de Sa Majesté, de voir le conseil législatif, réformé et amé-
lioré, et les a confirmés dans l’opinion, que le seul moyen possible
de donnera ce corps le poids et la respectabilité qu’il devrait avoir,.
est d’y introduire le principe d’é’ection.

18. Résolu, — Que c’est l’opinion de ce comité, que le conseil légis-
latif, fortifié d’une majorité ennemie des droits de cette chambre et
du peuple qu’elle représente, a reçu de nouveaux et de plus grands
moyens qu’il n’en avait ci-devant, de perpétuer et de rendre- plus
offensant et plus nuisible pour le pays, le système d’abus dont s’est
jusqu’à ce jour inutilement plaint le peuple de la province, et
qu’inutilement aussi jusqu’à ce jour le parlement et le gouverne-
ment de Sa Majesté en Angleterre ont souhaité corriger. >

19. Résolu,— Que c’est l’opinion de ce comité, que depuis sa
prétendue réforme, le conseil législatif a renouvelle d’une manière
plus alarmante pour les habitants de cette province, et en particu-
lier dans son adresse à Sa Majesté en date du 1er d’Avril 1833, sa
prétention à n’avoir pour mission que de donner de la sécurité à
une classe particulière des sujets de Sa Majesté en cette province,,
comme ayant des intérêts qui ne pouvaient être suffisamment
représentés dans l’assemblée, dont les sept-huitièmes des membres,,
dit-il très erronêment, sont d’origine française et parlent la langue
française; que cette prétention est une violation de la constitution
et est de nature à susciter et à perpétuer entre les, diverses classes
des habitants de la province, des méfiances, des distinctions, et des
animosités nationales, et à donner à une partie du peuple une
supériorité injuste et factice sur l’autre, avec l’espoir de la domina-
tion et d’une préférence indue. v

20. Résolu, — Que c’est l’opinion de ce comité,, que par cette pré-
tention, le conseil législatif, après une réforme donnée comme
devant le lier plus étroitement aux intérêts de la colonie, en con-
formité aux désirs du parlement, appelle, comme l’un de ses
premiers actes, les préventions et les rigueurs du gouvernement de
Sa Majesté sur le peuple de cette province et sur la branche repré-
sentative de sa législature ; et que par cette conduite le conseil
législatif a fait perdre au peuple ce qui lui restait d’espoir de voir
le conseil législatif, agir en harmonie avec la chambre d’assemblée^
tant que sa constitution reposera sur les bases actuelles.

21. Résolu.— Que c’est l’opinion de ce comité, que le conseil
législatif de cette province n’a été autre chose qu’un écran impuis-
sant entre le gouverneur et le peuple, qui en mettant l’un en état
de.se maintenir contre l’autre, a servi à perpétuer un système de
discorde et de contention ; et qu’il a sans cesse agi en hostilité

— 389-=l.

ouverte contre les sentiments du peuple, tels qu’exprimés eonstitu-
tionnellement par la chambre d’assemblée; qu’on ne devrait pas
imposer sous la forme de conseil législatif une aristocratie à un
pays où il n’y a pas de matériaux naturels à son existence ; que le
parlement du Royaume-Uni, en accordant aux sujets canadiens de
Sa Majesté le pouvoir de réviser la constitution dont ils tiennent
leurs droits les plus chers, montrerait une politique libérale, indé-
pendante de la considération d’intérêts antérieurs et de préjugés
existants ; et que par cette mesure, d’une vaste libéralité et d’une
saine et sage politique, le parlement du Royaume-Uni, dans une
noble rivalité avec les États-Unis d’Amérique, empêcherait que les
sujets de Sa Majesté en Canada n’eussent rien à leur envier, et
conserverait des relations amicales avec cette province comme
colonie, tant que durera notre liaison, et comme alliée, si la suite
des temps amenait des relations nouvelles.

22. Eésolu,— Que c’est l’opinion de ce comité, que cette chambre
émet avec d’autant plus de confiance les opinions exprimées dans la
résolution qui précède, que, si l’on doit ajouter, foi à ce qui a été
publié 1 :, elles ont été émises à une époque récente, avec .d’autres
réflexions dans le même sens, dans les communes du Royaume-Uni,
par l’Honorable Edward Geoffrey Stanley, maintenant principal
secrétaire d’état de Sa Majesté pour le département colonial, et par
plusieurs autres membres instruits et considérés, dont quelques-uns
forment partie du gouvernement actuel de Sa Majesté ; et que la
conduite du conseil législatif, depuis sa prétendue réforme, démontre
que les dites opinions n’ont rien perdu de leur application ni de
leur justesse, quant à sa composition actuelle.

23. Résolu, — Que c’est l’opinion de ce comité, que le conseil
législatif est aujourd’hui moins lié d’intérêt avec la colonie, qu’il ne
l’a été à aucune, époque antérieure ; que sa composition actuelle, au
lieu d’être propre à changer le caractère du corps, à faire cesser les
plaintes -et à effectuer, entre les deux chambres de la législature
provinciale, un rapprochement nécessaire au bien du pays, est, telle
qu’elle détruit toute espérance de voir adopter par ce corps les
opinions et les sentiments du peuple de la province et de cette
chambre, sur son droit inaliénable au contrôle plein et entier de
tout le revenu prélevé dans la province, sur la nécessité où elle se
trouvait, pour amener la réforme des abus depuis longtemps inuti-
lement demandée, de ne subvenir aux dépenses du gouvernement
civil que par des appropriations annuelles, ainsi que sur une foule
d’autres questions d’intérêt public sur lesquelles l’exécutif et le
conseil législatif de son choix et de sa création différent diamétra-
lement avec le peuple de la province et avec cette chambre.

24. Résolu, — Que c’est l’opinion de ce comité, que les dits nou-
veaux conseillers, pris dans la majorité de l’assemblée, qui avaient
l’espoir qu’on leur adjoindrait un nombre sivffisant de personnes
indépendantes et d’opinions conformes à celles de la majorité du
peuple et de ses représentants, doivent sentir maintenant qu’on les
a noyés dans une majorité hostile au pays, se. composant d’hommes
qui ont perdu sans retour la confiance publique, pour s’être montrés
les partisans aveugles et passionnés de tous les abus de pouvoir,
pour avoir encouragé toutes les violences commises sous l’adminis-
tration du comte de Dalhousie, pour avoir sans cesse outragé la

— 340 —

représentation et le peuple du pays ; de personnes pour ainsi dire
inconnues, depuis peu d’années dans le pays, sans propriétés fon-
cières, ou n’en ayant que de très-modiques, la plupart n’ayant
jamais été délégués à l’assemblée, quelques-uns même refusés par le
peuple, et qui n’auraient jamais donné de preuves de leur aptitude
à remplir les fonctions de législateurs, mais seulement de leur
haine contre le pays, et qui, à raison de cette communauté de
sentiment, se sont vus tout à coup, par les partialités du gouverneur
en chef, élevée à une situation oh ils pourront influer durant tout
le cours de leur vie sur la législation et le sort de la province, dont
les lois et les institutions ont de tout temps été les objets de leur
animadversion.

25. Eésolu, — Que c’est l’opinion de ce comité, qu’en violation
manifeste de la constitution, il se trouve parmi ces derniers plu-
sieurs citoyens nés sujets des Etats-Unis et d’autres pays étrangers,
qui, au temps de leur nomination, n’avaient pas été naturalisés par
acte du parlement britannique ; de l’un desquels, Horatio Gates, la
résidence n’a été que tolérée durant la dernière guerre contre les
Etats-Unis, et lequel a refusé alors de prendre le serment d’allé-
geance et les armes pour la défense de ce pays, où il ne restait que
pour des motifs de lucre, et après ces antécédents a pris son siège
au conseil législatif, le seize Mars 1833, pour y voter quinze jours
plus tard, savoir : le premier avril, l’adresse mentionnée ci-dessus,
contre ceux qui pendant cette guerre étaient armés sur la frontière
pour repousser l’agression des armes américaines et des citoyens du
dit Horatio Gates ; qu’un autre, James Baxter, résidait durant la
dite guerre, dans les dits Etats-Unis, et était tenu par les lois du
pays de sa naissance, dans certaines circonstances, d’envahir cette
Province à main armée, de poursuivre, détruire et prendre, s’il le
pouvait, les armées de Sa Majesté, ainsi que ceux de ses sujets
canadiens qui étaient en armes sur la frontière pour repousser
l’agression des armes américaines et des concitoyens du dit James
Baxter, qui, peu qualifié d’ailleurs sous le rapport de la propriété,
devient, par la nomination du gouverneur en chef, législateur à vie
pour le Bas-Canada, le vingt-deux Mars 1830, pour voter huit jours
plus tard, le dit premier Avril, la même adresse dont les accusations
calomnieuses et insultantes ont provoqué la juste expression du
regret qu’avait Sa Majesté qu’on y eût employé des expressions qui
parussent attribuer à une classe de ses sujets, d’une origine particu-
lière, des vues opposées à l’allégeance qu’ils doivent à Sa Majesté.

26. Eésolu, — Que c’est l’opinion de ce comité, qu’il eut été au
pouvoir du gouverneur en chef actuel, plus qu’en celui d’aucun de
ses prédécesseurs, vu la latitude qui lui a été laissée quand au
nombre et au choix des personnes qu’il appellerait au conseil
législatif, d’assoupir, momentanément du moins, les dissentions
intestines qui déchirent la colonie, et de faire quelques pas vers
l’accomplissement des désirs du parlement, en liant plus étroitement
d’intérêts avec le pays le dit conseil législatif, et en lui donnant un
caractère plus indépendant par des nominations judicieuses.

2 T. Résolu, — Que c’est l’opinion de ce comité, que malgré seize
nominations au dit conseil, faites en deux ans par le gouverneur en
chef actuel, nombre plus grand que n’en fournit aucune autre
période de dix ans, ou aucune autre administration, et malgré les

— 341

désirs du parlement et les directions du gouvernement de Sa
Majesté, pour la réparation des griefs dont, le peuple s’était plaint,
les influences malfaisantes qui veulent perpétuer dans le pays un
régime d’irresponsabilité en faveur des fonctionnaires publics, ont
prévalu au point de rendre la majorité du conseil législatif plus
ennemie du pays qu’à aucune époque antérieure et que ce fait
confirme avec une force irrésistible la justice du jugement porté
par le comité de la chambre des communes, en censurant la consti-
tution des conseils législatifs, tels qu’ils avaient existé, et la justesse
d’opinion de ceux des membres du dit comité, qui pensaient que
jamais ces corps ne pourraient obtenir le respect du peuple, ni
s’accorder avec la chambre d’assemblée, à moins qu’on n’y introdui-
sit le principe d’élection.

28. Eésolu, — Que c’est l’opinion de ce comité, que même en
supposant que, par de meilleurs choix, le gouverneur en chef actuel
eût réussi à calmer les alarmes et à assoupir pour un temps de
profonds mécontentements, cette forme de gouvernement n’en est
pas moins essentiellement vicieuse, qui fait dépendre le bonheur ou
le malheur d’un pays, d’un exécutif sur lequel il n’a aucune
influence, qu’il .n’y a aucun intérêt commun ni permanent ; et que
l’extension du principe électif est le seul refuge dans lequel cette
chambre puisse entrevoir un avenir de protection égale et suffisante
pour tous les habitants de la province indistinctement.

29. Résolu, — Que c’est l’opinion de ce comité, que les accusations
qu’a portés, contre la chambre d’assemblée, le conseil législatif,
recomposé par le gouverneur en chef actuel, seraient criminelles et
séditieuses, si leur nature même n’en détruisait le danger, puis-
qu’elles vont à dire, que si dans sa libéralité et sa justice le parle-
ment du Eoyaume-Uni accordait la mesure que cette chambre a
instamment demandée pour la province, et que, dans ce moment
solemnel, à la suite de l’examen des dépêches du secrétaire d’état
pour le département colonial, et à la veille d’élections générales,
elle répète et renouvelle, savoir, un changement dans la constitution
du conseil législatif en le rendant électif, le résultat de cet acte de
justice et de bienveillance serait d’inonder le pays de sang.

30. Eésolu, — Que c’est l’opinion de ce comité, que par sa dite
adresse à Sa Majesté, en date du premier avril dernier, le conseil
législatif impute à cette chambre d’accuser calomnieusement le
représentant du roi de partialité et d’injustice dans l’exercice des
pouvoirs de sa charge, et de calomnier délibérément les officiers de
Sa Majesté, tant civils que militaires, comme une faction combinée
portée par l’intérêt seul à lutter pour le soutien d’un gouvernement
corrompu, ennemi des droits et contraire aux vœux du peuple ; sur
quoi cette chambre déclare que ces accusations n’ont jamais été
calomnieuse, mais sont vraies et fondées, et que le tableau fidèle du
gouvernement exécutif de cette province, dans toutes ses parties, se
trouve tracé par le conseil législatif dans ce passage de son adresse.

31. Eésolu, — Que c’est l’opinion de ce comité, que si, comme
cette chambre aime à. le croire, le gouvernement de Sa Majesté en
Angleterre n’a pas en vue de nourrir systématiquement les discor-
des civiles dans la colonie, les allégués contraires des deux chambres
lui imposent l’obligation de connaître mieux sa situation réelle,
qu’il ne parait le faire d’après la longue tolérance des abus que ses

342

agents commettent impunément ; qu’il ne doit pas croire aux louan-
ges que se donnent ceux qui ont eu la direction dés affaires d’une
colonie, passant selon eux à un état d’anarchie ; qu’il doit se tenir
assuré que si sa protection donnée à des fonctionnaires accusés pat
une autorité compétente, cette chambre, an nom de tout le peuple,
pouvait, pendant un temps, par la force et la crainte, aggraver en
leur faveur, et contre les droits et l’intérêt du peuple, le système
d’insulté et d’oppression qu’il souffre impatiemment, le résultat serait
d’affaiblir les sentiments de confiance et d’attachement que nous
avons eus pour le gouvernement de Sa Majesté, et finirait par
enraciner les mécontentements et le dégoût insurmontable qu’ont
inspirés de déplorables administrations, et qu’inspire actuellement
la majorité des fonctionnaires coloniaux, combinés en faction et
portes par l’intérêt seul à lutter pour le soutien d’un gouvernement
corrompu, ennemi des droits et contraire aux vœux du peuple.

32. Résolu, — Que c’est l’opinion de ce comité, qu’en outre de son.
adresse méchante’ et calomnieuse, du premier avril 1833, le conseil
législatif, recomposé par le gouverneur en chef actuel, a prouvé
combien il était peu lié aux intérêts de la colonie, par le fait que
sur soixante-et.quatre des bills qui lui ont été envoyés, vingt-huit
ont été par lui rejetés, ou amendés d’une manière contraire au prin-
cipe et à l’essence de ces bills ; que la même unanimité qui, qiïant
à la plupart, avait dans l’assemblée présidé à leur adoption, a, dans
le conseil législatif, accompagné leur rejet; et qu’il est clair,
d’après une aussi violente opposition, que l’exécutif provincial et le
« conseil de son choix, ligués ensemble contre ‘ le corps représentatif,
ne le considèrent pas, où ne veulent pas le considérer, comme
l’interprète fidèle et le juge équitable dès vœux et des besoins du
peuple, ni comme propre à proposer des lois conformes à la volonté
générale ; et que, dans de telles circonstances, il devenait du devoir
du chef de l’exécutif d’en appeler au peuple par une dissolution du
parlement provincial, si l’on se fût rattaché à l’analogie entre les
institutions de la Grande-Bretagne et celles de la province.

33. Résolu,— ^ue c’est l’opinion de ce comité, que le conseil
législatif, recomposé par le gouverneur eh chef, actuel, doit être
regardé comme l’expression des sentiments du gouvernement exécu-
cutif colonial, et que dès lors ces deux autorités paraissent s’être
unies et liguées pour proclamer des principes subversifs de toute
concorde, et que c’est d’après d’odieuses et aveugles antipathies
nationales qu’elles prétendent gouverner et dominer.

34. Résolu, — Que c’est Fopinion de ce comité, que l’adresse votée
ii l’unanimité le premier avril 1833, par le conseil législatif recom-
posé par le gouverneur en chef actuel, l*a été par les honorables le
juge en chef de laprovince, Jonathaû Sewell, à qui le très-honorable
lord vicomte Goderich recommandait, dans sa dépêche communiquée
a cette chambre. le vingt-cinq novembre 1831, de se garder avec
soin de tous les procédés qui pourraient l’engager dans aucune
contention qui. sentirait l’esprit de parti ; John Haie, receveur-
général actuel, qui, en violation dès lois et du dépôt qui lui est
confié, et sur des ordonnances illégales du gouverneur, a payé de
fortes sommes, en se dispensant de i’obéissance toujours due à la
loi ) Sîr John Caldwell, baronet, ci-devant receveur-général, pécu-
lateur condamné à payé près de £100,000 en remboursement de

343 —

même somme prélevée sur le peuple de cette province, et accordée
par les lois à Sa Majesté, ses héritiers et successeurs, pour les usages
publics de cette province, et le soutien du gouvernement de Sa
Majesté en icelle, et qui a pris et détourné la plus grande partie des
dites sommes de leur destination et les a converties à son usage
particulier ; Herman TVitsius Ryland, greffier du conseil exécutif et
pensionnaire sur l’établissement civil de la province ; Mathew
Bell, concessionnaire indûment et illégalement favorisé par l’exécu-
tif dans le bail des forges -de St. Maurice, et dans l’acquisition de
grandes étendues de terres vacantes, et par lé bail de. grandes éten-
dues de terre du ci-devant ordre des jésuites ; John Stevart,
conseiller exécutif, commissaire des biens des jésuites, et jouissant
•d’autres places lucratifs ; lesquels sous le rapport d’intérêts pécu-
niaires et personnels sont tous sous l’influence de l’exécutif ; et par
les honorables Georges Moffat, Peter McGill, John Molson, Horatio
Gates, Kobert Jones, James Baxter, tous nés hors du pays, ainsi que
les précédents, à l’exception de deux, et lesquels, à l’exception d’un
seul, qui pendant plusieurs années a été membre de l’assemblé et a
-de grandes propriétés foncières, n’ont que de modiques qualifications
sous ce dernier rapport, et n’avaient jamais été assez engagés dans
la vie publique, pour faire présumer de leur aptitude à remplir les
fonctions de législateur à vie ; et par Antoine Gaspard Couillard,
seul natif du pays, d’origine française, qui se soit soumis à y con-
courir, qui aussi n’avait jamais été engagé dans la vie publique, qui
n’a que de très-modiques qualifications foncières, et qui depuis sa
nomination au conseil, et avant le dit premier avril, s’était placé
sous la dépendance de l’exécutif, en sollicitant un mince emploi
lucratif subordonné.

35. Résolu, — Que c’est l’opinion de ce comité, que ladite adresse,
votée par sept conseillers sous l’influence de l’exécutif actuel et par
cinq autres de sa nomination, un seul*des six autres qui l’ont votée,
rhonorable George Moffatt, ayant été nommé sous l’administration
précédente, est l’œuvre de l’administration actuelle de cette province,
l’expression de ses sentimens, l’explication de ses actes et la procla-
mation des principes iniques et des maximes arbitraires qu’elle veut
prendre pour règle de conduite à l’avenir.

36. Résolu,- — Que c’est l’opinion de ce comité, que la dite adresse
n’est, pas moins injurieuse au petit nombre des membres du conseil
législatif, qui sontéindépendants et liés aux intérêts et à l’honneur
du pays, qui avaient appartenu à l’assemblée et étaient connus
partageant ses opinions et ayant ; secondé ses efforts pour qu’elle
obtînt l’entier contrôle et la disposition de tout le revenu provin-
cial ; comme approuvant la démarche constitutionnelle et salutaire
et non audacieuse, de s’adresser à Sa Majesté pour rendre le conseil
législatif électif ; comme blâmant le projet de la formation d’un
monopole étendu des terres en faveur de spéculateurs résidant hors
du pays ; comme pensant que leur nomination au conseil n’a pu
être faite dans la vue d’accroître le poids et l’efficacité constitution-
nelle de ce corps, où ils se trouvent en présence d’une majorité
ennemie de leurs principes et de leur pays ; comme croyant que
l’intérêt et les vœux du peuple sont fidèlement représentés par la
majorité de ses représentants, et que la liaison entre cette colonie
i£ la métropole sera d’autant plus durable, que le peuple aura une

— su

influence plus grande et plus directe sur la passation des lois pro-
pres à assurer son bien-être ; comme d’avis que les sujets de Sa
Majesté venus nouvellement s’établir dans le pays,, profiteront de
toute la liberté et de toutes les améliorations qui se développeraient
rapidement, si au moyen de l’extension du système électif, l’admi-
nistration était empêchée de monopoliser le pouvoir et le lucre en
faveur de la minorité et d’une origine particulière, contre la majorité
et d’un autre origine, et d’acheter, corrompre et exciter une partie
de cette minorité, de manière à voir donner à toutes les discussions
d’intérêt local ou général, le èaractère alarmant de lutte et d’anti-
pathie nationale ; et que les dits membres indépendants du dit
conseil législatif, indubitablement convaincus de la tendance de ce
corps, et désabusés sur les motifs au moyen desquels ils avaient été

engages a, s y agréer, se

retirent maintenant des sessions du dit

conseil, où ils désespèrent de pouvoir opérer le bien du pays.

37. Éésolu, — Que c’est l’opinion de ce comité, que le monde poli-
tique est agité dans ce moment par deux grands partis en Europe,
qui se montrent sous différents noms dans ses différents pays ; sous
les noms de serviles, royalistes, torys, conservatifs et autres, d’une
part ; sous ceux de libéraux, constitutionnels, républicains, whigs,
réformateurs, radicaux et autres, d’autre part ; que ce premier parti
est sur ce continent sans autre poids ni influence, que ce que peu-
vent lui en donner ses suppôts européens, avec un très-petit nombre
de personnes qui se mettent sous leur dépendance en vue de profits
personnels, et d’autres qui tiennent par l’âge ou l’habitude à des
idées qui ne sont ^partagées par aucune classe nombreuse ; tandis
que le second parti couvre l’Amérique toute entière ; et que le
secrétaire colonial se méprend, s’il pense que l’exclusion du conseil
législatif de quelques fonctionnaires salariés suffirait pour le mettre
en harmonie avec les vœux, les opinions et les besoins du peuple,
tant que les gouverneurs coloniaux conserveront la faculté de le
recruter en majorité des membres serviles, par leurs antipathies
contre les idées libérales.

38. Résolu, — Que c’est l’opinion de ce comité, que cette combi-
naison vicieuse à laquelle on s’est attaché, a donné au conseil
législatif un caractère d’animosîté contre le pays, pire qu’à aucune
autre époque, et qu’elle est aussi contraire à l’accomplissement des
désirs du parlement, que l’aurait été celle qui, pour résister aux
vœux du peuple anglais et des communes sur l#ïéforme parlemen-
taire, aurait jeté dans la chambre des lords une accession d’hommes
connus par leur opposition factieuse et violente à cette grande
mesure.

39. Résolu, — Que c’est l’opinion de ce comité, que le conseil
législatif, ne représentant que les opinions individuelles de certains
membres d’un corps aussi fortement accusé, à une époque récente,
par le peuple de la province, et aussi justement censuré par le
rapport du comité des communes, n’est pas une autorité compétente
à demander des changements dans l’acte constitutionnel de la
trente-et-unième George III, chapitre trente-et-un, et que cet acte
ne peut ni ne doit être changé que dans les occasions, où et de la
manière dont le demande le peuple de la province, dont cette
chambre est seule compétente à représenter les sentiments ; que
toute intervention de la législature en Angleterre dans les lois et

— 345 —

la constitution de cette province, qui ne serait pas basée sur les
vœux du peuple librement exprimés, soit par cette chambre, soit
de tout autre manière constitutionnelle, ne saurait tendre en aucune
manière à arranger aucune des difficultés qui peuvent exister dans
cette province, mais ne pourrait au contraire que les aggraver et
les prolonger.

40. Eésolu, — Que (/est l’opinion de ce comité, que cette cbambre
attend de la justice du parlement du Koyaume-TJni, qu’aucune
mesure de cette nature, fondée sur les fausses représentations du
conseil législatif, et de membres et des suppôts de l’administration
coloniale, tous intéressés . à perpétuer les abus> ne sera adoptée à
l’encontre des droits, des libertés et du bien-être des habitants de
cette province, mais bien que> se rendant aux vœux du peuple et
de cette chambre, la législature impériale accordera le remède le
plus efficace aux maux présents et à venir, soit en rendant le
conseil législatif électif, en la manière demandée par cette chambre,
dans son adresse à Sa Très-Gracieuse Majesté, en date du vingtième
Mars 1833, soit en mettant le peuple à même d’exprimer son opinion
d’une manière encore plus directe sur les mesures à adopter à cet
effet, et sur telles autre modifications que pourraient requérir les
besoins du peuple et l’intérêt du gouvernement de Sa Majesté dans
la province, et que cette chambre persévère dans sa dite adresse.

41. Késolu, — Que c’est l’opinion de ce comité, que dans ses
dépêches, le secrétaire d’état de Sa Majesté pour le département
colonial, reconnaît qu’il a souvent été admis que les habitants du
Canada ne devraient rien trouver dans les institutions des pays
voisins qu’ils pussent voir avec envie, et qu’il a encore à apprendre
qu’un tel sentiment actuellement chez les sujets de Sa Majesté en
Canada : — A quoi cette chambre répond, que les états voisins ont
une forme de gouvernement très propre à empêcher les abus de
pouvoir et très efficace à les réprimer ; que l’inverse de cet ordre
de choses a toujours prévalu pour le Canada, sous la forme actuelle
de gouvernement ; qu’il y a dans les pays voisins un attachement
plus universel et plus fort pour les institutions, que nulle part
ailleurs, et qu’il y existe une garantie du perfectionnement progres-
sif des institutions politiques, dans leur révision à des époques
rapprochées et déterminées, aux moyens de conventions du peuple,
pour répondre sans secousses ni violences aux besoins de toutes les
époques.

42. Eésolu, — Que c’est l’opinion de ce comité, que dans le comité
des communes, c’était d’après des notions correctes de l’état du
pays et des sociétés américaines, en général, qu’on demandait s’il n’y
avait pas, dans les Canadas, une inclination croissante à voir les
institutions devenir de plus en plus populaires, et sur ce point de
plus en plus ressemblantes à celles des Etats-Unis : — A quoi l’un
des agens du pays, John Neilson, écuyer, répondit, que l’inclination
en faveur des institutions populaires avait fait de grands progrès
dans les deux Canadas. Et encore, qu’on demandait au même
agent s’il ne croyait pas qu’il fût sage de chercher, dans tous les
changements aux institutions de la province, à rencontrer de plus
en plus les désirs du peuple et à rendre ses institutions extrême-
ment populaires ; — A quoi cette chambre, pour et au nom du

34:6 —

peuple, qu’elle représente, répond soleninellement et.délibérément :
Oui cela est sage, cela est excellent.

43. Résolu, — « Que c’est l’opinion de ce comité, que la constitution
et la forme de gouvernement qui conviendrait le mieux à cette
colonie, ne doivent se chercher uniquement dans les analogies que
présentent les institutions de la Grande-Bretagne, dans un état de
société tout-à-fait différent du nôtre ; qu’on devrait plutôt mettre à
profit l’observation des effets qu’ont produits les différentes consti-
tutions infiniment variées, que les rois et le parlement anglais ont
données à différentes plantations et colonies en Amérique, et des
modifications que des hommes vertueux et éclairés ont fait subir à
ces institutions coloniales, quand ils ont pu le faire avec l’assenti-
ment des parties intéressées.

44. Eésolu,— Que c’est l’opinion de ce comité, que le consente-
ment unanime avec lequel tous les peuples de l’Amérique ont
adopté et étendu le système électif ; montre qu’il est conforme aux
vœux, aux mœurs et à l’état social de ses habitants ; qu’il prévaut
également parmi ceux d’origine britannique et ceux d’origine
espagnole, quoique pendant la durée de leur régime colonial, ceux-ci
eussent été courbés sous le joug calamité ux de l’ignorance et de
l’absolutisme ; et que nous n’hésitons pas à demander à un prince
de la maison de Brunswick et à un parlement réformé, tout ce que
les princes de la maison de Stuart et leurs parlements accordèrent
de liberté et de pouvoirs politiques, aux plus libres et aux plus
favorisées des plantations, formées à une époque, où de telles
concessions devaient paraître moins favorables qu’à l’époque
actuelle.

45 Résolu, — Que c’est l’opinion de ce comité, que ce ne fut pas
le meilleur et le plus libre, régime colonial, dans les anciennes
colonies anglaises, qui huta leur séparation; puisque la province
de New-York, dont les institutions étaient des plus monarchiques,
dans le sens que semble comporter la dépêche du secrétaire colo-
nial, fut la première à refuser obéissance à un acte du parlement
de la Grande-Bretagne ; et que la colonie du ConneAicut et de
Rkode-Island, avec des constitutions purement démocratique, quoi-
qu’en connexion étroite et affectionnée pendant une longue suite
d’années avec la mère-patrie, furent des dernières à entrer dans une
confédération, nécessitée par la conduite de mauvais serviteurs de
la couronne, invoquant l’autorité suprême du parlement et la cons-
titution britannique, pour gouverner arbitrairement ; écoutant les
gouverneurs et leurs conseillers, plutôt que le peuple et ses repré-
sentans, et couvrant de leur protection, ceux qui consumaient les
taxes et non ceux qui les payaient.

46. Résolu, — Que c’est l’opinion de ce comité, que dans la vue
d’introduire ce que les institutions des pays voisins présentaient de
bon et d’applicable à l’état de cette province, cette chambre a, entre
autres mesures, passé pendant longues années, un bill fondé sur le
principe arithmétique de proportionner le nombre des représentants,
à celui de la population ; et que si parle malheur des circonstances,
et dans la nécessité urgente qui existait d’augmenter la représenta-
tion, elle a été forcée d’acquiescer à des amendemens qui violent ce
principe, en donnant à plusieurs comtés qui n’ont qu’une population
& 7 un peu plus de quatre mille âmes, le même nombre de représen-

34:7

tants qu’à plusieurs autres, qui ont une population cinq fois plus
grande, cette disproportion est, dans l’opinion de cette chambre, une
injustice dont elle doit chercher le remède ; et que dans les pays
nouveaux où la population s’accroit rapidement et se porte vers de
nouvelles localités, il est sage et juste que des recensements fré-
quents et périodiques fassent connaître ses accroissements, et ses
distributions, principalement pour que la représentation soit établie
sur une base équitable.

47. Résolu,— Que c’est l’opinion de ce comité, que la fidélité des
peuples et la protection des gouvernements sont des obligatious
corrélatives, dont l’une ne saurait longtemps subsister sans l’autre ;
que par suite des défectuosités qui se trouvent dans les lois et cons-
titutions de cette province, et de la manière dont ces « lois et cons-
titutions ont été administrées, le peuple de cette province n’est pas
suffisamment protégé dans sa vie, ses biens et son honneur ; et que
la longue suite d’actes d’injustice et d’oppression dont il a à se
plaindre, s’est accrue eu violence et en nombre avec une rapidité
alarmante sous la présente administration.

48. Résolu, — Que c’est l’opinion de ce comité, qu’au milieu de ces
désordres et de ces souffrances, cette chambre, et le peuple qu’elle
représente, avaient toujours nourri l’espérance et professé la foi,
que le gouvernement de Sa Majesté, en Angleterre, ne participait
pas sciemment et volontairement à la démoralisation politique de
ses agens et employés coloniaux ; et que c’est avec étonnement et
douleur, qu’ils ont vu dans les extrzits des dépêches du secrétaire
colonial, communiqués par le gouvërneur-en-chef durant la présente
session, que l’un des membres, au moins, du gouvernement de
Sa Majesté, est animé contre eux de sentiments de prévention et
d’animosité, et inclin à des projets d’oppression et de vengeance,
peu propres à changer un système abusif, dont la continuation
découragerait tout-à-fait le peuple, lui enlèverait l’espoir légitime
de bonheur, qu’il tire de son titre de sujets britanniques, et le
mettrait dans la dure alternative de se soumettre à un servage
ignominieux, ou de voir en danger les liens qui l’unissent à là
mère-patrie. »

49. Résolu,— Que c’est l’opinion de ce comité, que cette chambre
et le peuple qu’elle représentent, ne veulent ni ne prétendent
menacer; mais qu’appuyés sur les principes des lois et de la
justice, ils sont et doivent être politiquement assez forts pour n’être
exposés à l’insulte d’aucun homme, quel qu’il soit, et tenus de le
souffrir en silence ; que dans leur style les dits extraits de dépêches
du secrétaire colonial, tels que communiqués à cette chambre, sont
insultants et inconsidérés, à un degré tel, que nul corps constitué
par la loi, même pour des fins infiniment subordonnées à celle de
la législation, ne pourrait ni ne devrait les tolérer; qu’on n’en
trouve aucun exemple, même de la part des moins amis des droits
des colonies, d’entre ses prédécesseurs en office ; que dans leur
substance les dites dépêches sont incompatibles avec les droits et
les privilèges de cette chambre, qui ne doivent ni être mis en
question, ni définis par le secrétaire colonial, mais qui, selon que
les occasions le requerront, seront successivement promulgués et
mis en force par cette chambre.

50. Résolu,— Que c’est 1 opinion de ce comité, qu’à l’occasion des

348 —

termes suivants d’une des dites dépêches :  » si les événements
 » venaient malheureusement à forcer le parlement à exercer son
 » autorité suprême, afin d’appaiser les dissentions intestines des
 » colonies, mon objet, ainsi que mon devoir, seraient de soumettre
 » au parlement telles modifications à la charte des Canadas, qui
 » pourraient tendre, non pas à introduire des institutions qui
 » sont incompatibles avec l’existence d’un gouvernement monar-
 » chique, mais dont l’effet serait de maintenir et de cimenter l’union
 » avec la mère-patrie, en adhérant strictement à l’esprit de la
 » constitution britannique, et en maintenant dans leurs véritables
 » attributions, et dans les bornes convenables, les droits et les pri-
 » viléges mutuels de toutes les classes de Sa Majesté ; » s’ils com-
portent quelque menace de modifier, autrement que ne le demande
la majorité du peuple de cette province, dont les sentiments ne
peuvent être légitimement exprimés par aucuue autre autorité, que
celle de ses représentants, cette chambre croirait manquer au
peuple anglais, si elle hésitait à lui faire remarquer que, sous moins
de vingt ans, la population des Etats-Unis d’Amérique sera aussi ou
plus grande que celle de la Grande-Bretagne ; que celle de l’Amé-
rique anglaise sera aussi ou plus grande, que ne le fut celle des
ci-devant colonies anglaises, lorsqu’elles jugèrent que le temps
était venu de décider, que l’avantage inappréciable de se gouverner,
au lieu d’être gouvernées, devait les engager à répudier un régime
colonial, qui fut, généralement parlant, beaucoup meilleur que ne
l’est aujourd’hui celui de l’amérique anglaise.

51. Késolu, — Que c’est l’opinion de ce comité, que l’approbation
par le secrétaire colonial, dans sa dite dépêche, de la composition
actuelle du conseil législatif, dont les actes, depuis sa prétendue
réforme, ont été signalés par l’esprit de parti et par d’odieuses
distinctions et préférences nationales, est un juste sujet d’alarmes,
pour les sujets canadiens de Sa Majesté en général, et en particulier
pour la grande majorité d’entre eux, qui ne l’a cédé, en aucun
temps, à aucune autre classe des habitants de cette province, par
son attachement au gouvernement de Sa Majesté, son amour de la
paix et de l’ordre, son respect pour les lois et son désir d’effectuer
l’union si désirable de tout le peuple, aux fins de jouir librement
et également des droits et des avantages subjets anglais, et des
institutions assurées et chères au pays ; que les dites distinctions et
préférences ont été presque constamment exploitées par les admi-
nistrations coloniales de la province, et la majorité des conseillers
législatifs, conseillers exécutifs, juges, et autres fonctionnaires sous
leur dépendance, et qu’il n’a fallu rien moins que l’esprit d’union
des différentes classes du peuple et la conviction de l’unité de leurs
intérêts, pour prévenir des collisions incompatibles avec la prospé-
rité et la sécurité de la province.

52. Résolu, — Que c’est l’opinion de ce comité, que puisqu’un fait,
qui n’a pas dépendu du choix de la majorité du peuple de cette
province, son origine française et son usage de la langue française,
est devenu pour les autorités coloniales un prétexte d’injure,
d’exclusion, d’infériorité politique et de séparations de droits et
d’intérêts, cette chambre en appelle à la justice du gouvernement
de Sa Majesté et de son parlement, et a l’honneur du peuple
anglais ; que la majorité des habitants du pays n’est nullement

— 349 —

disposée à répudier aucun des avantages qu’elle tire de son origine
et de sa descendance de la nation française, qui sous le rapport des
progrès qu’elle a fait faire à la civilisation, aux sciences, aux lettres
et aux arts, n’a jamais été en arrière de la nation « britannique, et
qui, aujourd’hui, dans la cause de la liberté et la science du gouverne»
ment, est sa digne émule ; de qui ce pays tient la plus partie de
ses lois civiles et ecclésiastiques, la plupart de ses établissements
d’enseignement et de charité, et la religion, la langue, les habitudes,
les mœurs et les usages de la grande majorité de ses habitants.

53. Résolu, — Que c’est l’opinion de ce comité, que nos co-sujets
d’origine britannique dans la province, sont venus s’établir dans
un pays,  » dont les habitants, professant la religion de l’église de
u Eome, jouissaieut d’une forme stable de constitution, et d’un
;% système de lois, en vertu desquelles leurs personnes et leurs
,; propriétés ont été protégées et gouvernées, pendant une longue
‘ ; suites d’années, depuis le premier établissement du Canada :  »
qu’appuyé sur ces considérations, et guidé par les règles de la
justice et du droit des gens, le parlement britannique statua que,
dans toutes les matières relatives à la propriété et aux droits civils,
on recourrait au droit du Canada ; que dans les occasions où le
gouvernement s’écarta du principe ainsi reconnu, par l’introduction
du droit criminel anglais, en premier lieu, et plus tard par celle du
système représentatif, avec toute la portion du droit constitutionnel
et parlementaire, nécessaire à sa pleine et libre action, il l’a fait
en conformité aux vœux suffisamment connus du peuple canadien ;
et que toute tentative de la part de fonctionnaires publics, ou
autres, qui ont fait volontairement leur condition, en venant s’éta-
blir dans le pays, contre l’existence d’aucune partie des lois et des
institutions propres et particulières au pays, et toute prépondérance
à eux donnée dans les conseils législatif et exécutif, dans les
tribunaux et les autres départements, sont contraires aux enga-
gements du parlement britannique, et aux droits assurés aux
sujets canadiens de Sa Majesté, sur la foi de l’honneur national
anglais et sur celle des capitulations et des traités.

54. Eésolu. — Que c’est l’opinion de ce comité, que toute combi-
naison, soit au moyen d’actes du parlement britannique, obtenu en
contravention à ses engagements antérieurs, soit au moyen d’une
administration partiale et corrompue du système existant de lois et
de constitutions, serait une violation de ces droits, à laquelle la
majorité du peuple ne devrait pas une obéissance de choix et d’af-
fection, mais seulement de crainte et de coercition, tant qu’elles
pourraient durer ; que la conduite des administrations coloniales et
de leurs employés et suppôts dans cette colonie, a le plus souvent
été de nature à créer injustement des appréhensions sur les vues du
peuple et du gouvernement de la mère-patrie, et à mettre en danger
la confiance et le contentement des habitants du pays, qui ne peu-
vent être bien assurés que par des lois égales, et une justice égale,
imposées comme règle de conduite, à tous les départements du
gouvernement’.

55. Résolu, — Que c’est l’opinion de ce comité, que, soit que la
classe des sujets de Sa Majesté d’origine britannique soit dans la
province au nombre porté dans la dite adresse au conseil législatif,
ou comme le veut la vérité, qu’elle soit moins de la moitié de ce

350 —

nombre, _- la- grande- majorité d’entre elle a ses vœux, ses intérêts e
ses besoins unis et communs avec ceux d’origine française et par-
lant de la langue française ; que les uns aiment la terre de leur
naissance, les autres celle de leur adoption ; que la plupart de ces
derniers out reconnu la tendance bienfaisante des lois et des insti-
tutions du pays en général ; ont travaillé de concert avec les
premiers a y introduire graduellement par l’autorité du parlement
provincial, les améliorations dont elles ont paru de temps à autre
susceptibles, et ont réprouvé la confusion qu’on a tenté d’y intro-
duire, dans des vues de monopole et d’abus ; et que_ tous indistinc-
tement désirent un gouvernement impartial et protecteur.

56. Résolu,— Que c’est l’opinion de ce comité, qu’en outre des
abus administratif et judiciaires qui ont eu un effet nuisible au
bien-être et à la confiance publique, on s’est efforcé, de temps à
autre, d’obtenir du parlement du Royaume-Uni, en trompant sa
justice et en abusant de ses intentions bienveillantes, des mesures
propres à amener de combinaisons de la nature exposée ci-dessus,
et des actes de législation intérieure pour cette province, ayant une
même tendance et sur lesquels le peuple du pays n’avait pas été
consulté ; que malheureusement on a réussi à obtenir la. passation
de quelques-unes de ces mesures, et en particulier l’acte de la
sixième George IV, chapitre cinquante-neuf, communément appelé
l’acte des tenures, dont toutes les classes du peuple, sans distinc-
tion, ont unanimement demandé le rappel par leurs représentants,
peu après l’augmentation dans la représentation de cette province ;
et que cette chambre n’a pu encore obtenir du représentant de Sa
Majesté en cette province ou d’aucune autre source, des renseigne-
ments sur les vues du gouvernement de Sa Majesté en Angleterre,
quant au rappel du dit. acte.

57. Résolu, — Que c’est, l’opinion de ce comité, que le dit acte
avait pour objet, suivant les intentions bienveillantes du Parlement,
et comme son titre l’énonce, l’extinction des droits féodaux et
seigneuriaux et redevances foncières, sur les terres tenues en cette
province à titre de fief et à cens, dans la vue de favoriser et de
protéger contre des charges regardées comme onéreuse, la masse des
habitants de cette province; mais que d’après ses dispositions, le
dit acte, loin d’avoir cet effet, facilite aux seigneur, à rencontre des
censitaires, les moyens de devenir propriétairer absolus de grandes
étendues de terres non-concédées, qu’ils ne tenaient en vertu des
lois du pays, que pour l’avantage de ses habitants, auxquels ils
étaient tenus de les concéder moyennant des redevances limitées -■;
que le dit acte, s’il était généralement mis à exécution, priverait la
masse des habitants permanents du pays de l’accès aux terres sei-
gneuriales vacantes ; tandis que l’entrée des terres du domaine de
la couronne, à des conditions faciles et libérales et sous une tenure.
conforme aux lois du pays, leur a constamment été interdite par la
manière partiale, secrète et vicieuse dont ce département a été régi,
et par les dispositions du même acte de tenure, quant aux lois
applicables à ces mSmes terres, et que les applications faites par
quelques seigneurs pour des mutations de tenure, en vertu du dit
acte, paraissent justifier la manière dont cette chambre en a envi-
sagé l’opération.

58. Résolu, — Que c’est l’opinion de ce comité, que ce n’est que

— 351

d’après une supposition erronée, que les charges féodales étaient
inhérentes au corps du droit du pays, quant à la possession et à la
transmission des propriétés, et aux diverses tenures que ce droit
reconnaissait, qu’il a pu être statué au dit acte, que les terres dont
la mutation aurait ainsi été obtenue tomberaient sous la tenure du
franc et commun soccage ; que les charges seigneuriales n’ont
principalement été onéreuses, en certain cas, que par le défaut de
recours auprès des administrations provinciales et des tribunaux,
pour le maintien des anciennes lois du pays à cet égard ; que d’ail-
leurs, la législature provinciale ‘aurait été tout-à-fait compétente à
passer des lois, pour permettre le rachat de ces charges, d’une
manière qui s’harmoniât avec les intérêts de toutes les parties, et
avec les tenures libres reconnues par les lois du pays; que la
chambre d’assemblée s’est occupée, à plusieurs reprises, de cet
important sujet, et s’en’ occupe encore actuellement; mais que le
dit acte des tenures, insuffisant par lui-même, pour opérer d’une
manière équitable, le résultat qu’il annonce, est de nature à embar-
rasser et à empêcher les mesures efficaces que la législature du
pays pourrait être disposée à adopter à ce sujet, arec connaissance
de cause ; et que l’application ainsi faite, à l’exclusion de la légis-
lature Provinciale, au parlement du Koj’aume-Uni, bien moins à
portée- de statuer d’une manière équitable sur un sujet aussi corn-‘
pliquée, n’a pu avoir lieu que dans des vues de spéculation illégales,
et de bouleversement dans les lois du pays.

59. Résolu. — -Que c’est l’opinion de ce comité, qu’indépendam-
ment de plusieurs autres vices sérieux, le dit acte ne paraît pas
avoir été basé sur une connaissance suffisante des lois, qui régissent
les personnes et les biens dans le pays, en déclarant l’application
des lois de la Grande-Bretagne à certains accidents de la propriété
y énumérés ; et qu’il n’a été propre qu’à augmenter la confusion et
les doutes, qui avaient régné dans les tribunaux et dans les contrats
privés, au sujet de l’application des lois aux terres auparavant
concédées, sous la tenure de franc et commun soccage.

60. Résolu, — Que c’est l’opinion de ce comité, que. la disposition
du dit acte, qui a excité le plus d’alarme, et qui est le plus contraire
aux droits des habitants du pays et à ceux du parlement provincial,
est celle qui statue que les terres tenues en fief ou en censive, dont
la tenure aura été commuée, seront tenues en franc et commun
soccage, et par là même sujettes, d’après les dispositions du dit acte,
aux lois de la Grande-Bretagne dans les diverses circonstances
ci-dessus mentionnées et y énumérées; qu’outre son insuffisance en
elle-même, cette disposition est de nature à mettre en contact, dans
tous les anciens établissements, sur des points multipliés et conti-
gus, deux systèmes opposés *le lois, dont l’un, d’ailleurs, est entière-
ment inconnu dans le pays et y est impos’sible dans ses résultats ;
que d’après les dispositions manifestées par les autorités coloniales
et leurs partisans, envers les habitants du pays, ces derniers ont
juste raison de craindre que cette disposition ne soit que le prélude
du renversement final, au moyen d’actes du parlement de la Grande-
Bretagne, obtenus frauduleusement, en violation de ses engagements
antérieurs, du système qui a continué de régir heureusement les
personnes et les biens des habitants de la province.

352 —

i5l. Résolu, — Que c’est l’opinion de ce comité, que les habitants
du pays ont de justes motifs de craindre que les prétentions élevées
aux biens du Séminaire de St. Sulpice de Montréal, ne soient dues
■au désir des administrations coloniales et de leurs employés et
suppôts, de hâter ce déplorable état de choses ; et que le gouverne-
ment de Sa Majesté en Angleterre, en rassurant ses fidèles sujets
canadiens à cet égard, fera disparaître les alarmes du clergé catholi-
que et de tout le peuple sans distinction, et méritera leur vive
reconnaissance.

62. Résolu,- — Que c’est l’opinion de ce comité, qu’il est du devoir
de cette chambre de persister à solliciter le rappel absolu du dit
acte des tenures, et en attendant qu’il ait lieu, de proposer aux
autres branches du parlement provincial, des mesures propres à en
atténuer les pernicieux effets.

63. Résolu,- — Que c’est l’opinion de ce comité, que cette chambre
voit avec regret, par l’une des dites dépêches du secrétaire colonial,
que Sa Majesté ait été conseillée d’agir dans un cas qui touche aux
privilèges de cette chambre ; que dans la circonstance à laquelle il
y est fait allusion, cette chambre a usé d’un privilège solennelle-
ment établi par la chambre des communes, avant que le principe
sur lequel il repose, fût devenu loi du pays ; que ce principe est
nécessaire à l’indépendance de cette chambre et à la liberté
Paroles d’OConnell. — Adresse de loyauté des anglais. — Organisa-
tion politique à Montréal. — Ses résolutions. — Elections.— -Ouver-
ture des chambres.- — M. Papineau président. — Paroles du gouver-
neur biffées des journaux de la chambre. — Etat de la province.—
Paroles de M. Papineau. — M. Roebuck nommé agent.— Adresse
au roi. — Scision au sein du parti.— Communication d’une dépêche.
Demande d’une avance rejetée.— Sanction refusée à trois bills. —
Pourquoi à celui de l’éducation. — Fin de la session. — Aylmer
rappelé. — Gosford nommé commissaire royal. — Instructions en-
voyées à Prévost publiées. — Discussion dans la chambre des lords.
— Assemblée politique aux Trois-Rivières. — Ouverture des cham-
bres. — Discours du gouverneur.— Discussion au sujet du juge
Gale. — Réponse à l’adresse. — Amendement de M. Gugy. — Arré-
rage au gouvernement. — Opinion du conseil sur la nomination de
M. Roebuck. — Organisation militaire à Montréal.— M. Bedard
nommé juge. — Troisjuges accusés. — Dernières paroles de Colborne
censurées. — Proposition d’accorder des subsides pour 6 mois.—
Discours de M. Papineau. — Aylmer accusé. — Fermeture des cham-
bres. — Parti de Québec. — Raison de sa scision.

Les dernières difficultés politiques du Canada, dès
quelles furent connues en Angleterre y eurent un
grand retentissement, elles occupèrent la presse, et les
grands journaux consacrèrent de nombreux articles à
ce sujet. Dans le même temps Lord Godericli écrivant
au gouverneur de Terreneuve à propos de la formation
des conseils législatifs, dirait en substance que ces
conseils ne pouvaient avoir dans les colonies toute
l’influence que la chambre des Lords avait en Angle-
terre, parce que les membres qui les composaient
n’avaient ni la richesse, ni l’indépendance, ni les
grands noms qui font respecter la pairie anglaise. Ils
conseillait en même temps de fondre les deux cham-

‘ — 366 —

bres en une seule, de manière que les représentants du
peuple pussent rencontrer directement ceux de la
couronne.

Cette communication du ministre des colonies qui
fut connue en Canada par îa Toie des journaux fit
croire que le gouvernement impérial songeait sérieu-
sement à abolir le conseil législatif et à introduire la
responsabilité ministérielle.

Les canadiens qui jusqu’alors s’étaient trouves isolés
des Anglais quand il s’était agi des représentations
auprès de l’Angleterre reçurent du renfort de la part
des habitants de cantons de l’Est, qui dans une assem-
blée tenue à Stantead adoptèrent des résolutions
aprobatives de celles de la chambre ; de toute part
arrivèrent aux journaux des démonstrations populaires
dans le même sens.

Dans la chambre des communes M. Roebuck
proposa le 1 5 Avril la formation d’un comité chargé
de s’enquérir des moyens à prendre pour remédier
aux maux résultant de la forme du gouvernement du
Haut et du Bas-Canada, mais Lord Stanley, ministre
des colonies ne voulut pas laisser à un membre de
l’opposition l’initiative d’une démarche dont le résul-
tat pouvait compromettre sa politique, il fit agréer à
la chambre une proposition tendant à former un
comité spécial qui devait s’enquérir pour savoir si on
avait remédié aux griefs dont un certain nombre
d’habitants du Bas-Canada s’étaient plaint en 182S.
M. Stanley fit remarquer en même temps que dans la
liste des membres qui devait composer ce comité il

— 367. — m

avait inclus ceux des membres qui faisaient partie du
comité du Canada en 1828. Ce comité fut mis en
possession de tous les documents relatifs au Canada et
le trois juillet suivant il faisait son rapport. Ce rap-
port ne signifiait rien, ne contenait aucune suggest : on,
et se terminait par une demande de ne point produire
les témoignages de ceux qui avaient été entendus et
qui étaient Sir James «Kempt, MM. Yiger, Morin,
Ellice, J. Stuart, Gillespie et le capitaine McKennan,
MM. Yiger et Morin suggérèrent pour pacifier le pays,
le ramaniement du conseil législatif de manière à ce
que sa composition fut conforme aux origines, ou bien
le système électif, l’éloignement des juges, de la politi-
que, une distribution plus équitable des charges
publiques, et le système responsable. M. Stuart
voulait la réunion des deux Canada afin que la majo-
rité de la représentation fut anglaise. Sir James
Kempt avoua ingénuement que pendant qu’il gouver-
nait la province il s’était bien passé des avis de son
conseil.

La discussion qui eut lieu à la présentation du
rapport fit voir avec quelle partialité on considérait
les affaires du Canada. M. Stanley alla jusqu’à dire
que tous ces griefs exposés parles canadiens dans leurs
adresses n’étaient qu’un tissu de mensonges, qu’il n’y
avait eu aucune malversations commises par l’exécutif
provincial.  » Il est bien vrai, disait-il que sur 204
fonctionnaires 47 seulement sont canadiens français,
mais cet état de chose est juste si Ton censidère que

• _ 368 —

bientôt les deux Canadas seront réunis, et qu’alors la
majorité de toute la population sera anglaise. »

Alors O’Connell indigné s’écria  » Si c’est ainsi que
vous entendez la justice {If it is what y ou mean ~by
justice) le Canada n’aura bientôt plus rien à envier à
l’Irlande. L’aveu même de l’honorable ministre des
colonies est une preuve des abus commis par ceux qui
gouvernent le Canada, puiscpne sur une population
composée de plus des trois quarts de canadiens français
on ne lui accorde seulement qu’un quart des charges
publiques. La composition du conseil législatif est
aussi vicieuse, puisque parmi ses membres les uns
sont ou ministres ou juges ou fonctionnaires publics,
ce qui donne un double avantage au gouvern émeut. »

Cependant l’adoption du rapport fut remis à quel-
ques jours plus tard, et dans l’intervalle quatre
ministres avaient résigné sur la question des biens
communaux de l’Irlande que 3a majorité voulait voir
consacrer au soutien du clergé protestant. M. Sping
Rice remplaça M. Stanley et ce fut sons ses auspices
que le rapport fut présenté ; comme il arrivait au
pouvoir, il F avait à dessein, fait rédiger en terme vagues
de manière à mécontenter aucun parti.

Pour détruire l’effet que pouvait causer les adresses
des canadiens, les anglais de Montréal firent signer
une adresse de loyauté et la confièrent à lord Aylmer
pour être envoyée à Sa Majesté, il en fut de même à
Québec.

A Montréal on forma une organisation politique

— 369 — –

pour appuyer les 92 résolutions et entretenir le zèle
au sein de la population. *

Cette assemblée passa diverses résolutions, entre
autres une pour blâmer, le comité de ne pas avoir mis
devant les communes les témoignages des personnes
qu’il avait examinées sur les affaires du Canada, et
une motion de censure contre lord Stanley pour avoir
recommandé au roi de sanctionner le bill de la com-
pagnie anglaise des terres, mesure qui n’était que la
modification de celle passée au commencement du
siècle, et qui autorisait l’accaparement des terres au
profit des capitalistes anglais, f

L’assemblée blâmait aussi les nominations officielles
faites récemment, et entre autre celle de Gale comme
juge du District de St. François. Gale était détesté
parcequ’il avait toujours détesté les canadiens, et
qu’il avait été l’instrument docile des gouverneurs
pour lesquels il était souvent passé en Angleterre.
Ces résolutions furent envoyées à MM. Rice, Roebuck
et Morin.

Cependant le quatorzième parlement était terminé
et il fallait procéder aux élections, elles eurent lieu en
octobre et novembre 1834, non sans beaucoup de
troubles surtout dans les villes de Québec et de
Montréal. MM. ISTeilson et O. Stuart furent rejetés
du comté de Québec et de la haute-ville. On ne

* Cette organisation avait pour président M. Joseph Koy. M.
Louis Coursolles était vice-président, et M. C. O. Perreault et le
Dr. O’Callagham secrétaires.

f Ce fut le Dr. Valois, mort dernièrement qui proposa cette réso-
lution de censure,

24

— 370 —

regardait plus aux services passés, aucun nom anglais
n’avait chance de réussir dans les circonscriptions
françaises à moins de faire la déclaration d’une politi-
que extrême. *

A Montréal, M. Papineati fut considéré comme
illégalement proclamé élu par l’officier rapporteur
attendu que celui-ci avait fermé les poils avant la fin
de la votation, sous prétexte qu’il craignait pour sa
vie et pour celle des électeurs. La chambre s’ouvrit
le 21 février 1835, et M. Papineau fut élu président,
le choix de l’assemblée fut approuvé par le gouverneur
qui dans son discours d’ouverture annonça que, sans
les changements ministériels survenus en Angleterre,
il aurait eu à communiquer à la législature des docu-
ments importants par rapport aux intérêts de la
province. En conséquence de ce que le bill des
subsides n’avait pas été voté, le gouvernement impé-
rial avait ordonné l’émission de la caisse militaire
d’une somme de £31,000 pour payer les salaires des
juge3 et une partie des arrérages dûs aux autres
officiers. Le gouverneur comptait 6iir un rembourse-
ment immédiat et sur la passation d’une loi de subsides
acceptable aux deux autres branches de la législature.

Le premier acte de l’assemblée fut de protester
contre les paroles que le gouverneur avait prononcées
à la fin du dernier parlement, elle considérait ces
paroles comme une censure de la part du chef de

* Parmi les hommes nouveaux que cette élection porta au parle-
ment, on remarqne Son honneur le juge Caron, M, Berthelot et le
Dr. O’Callagham.

— 371 —

P exécutif, des procédés de la chambre qui cependant
avait agi comme branche égale et indépendante de la
législature pour diverses oonnes causes, et en consé-
quence ces paroles furent biffées des journaux de la
chambre.

Le collecteur des douanes à qui la chambre avait
demandé un rapport du nombre de vaisseaux entrés
dans le port de Québec dans la saison de 1834, ayant
refusé d’obéir sous- le prétexte qu’il n’était tenu
d’obéir qu’au gouverneur, il fut, par ordre de l’assem-
blée, mis sous la garde du sergent d’armes et empri-
sonné. *

Sur la proposition de M. Morin la chambre
s’étant formé un comité pour considérer l’état de la
province, M. Papineau dit qu’il voulait un gouver-
nement composé d’amis des lois, de la liberté, de la
justice, d’hommes qui protègent indistinctement toutes
les industries et veulent accorder à tous les citoyens
les mêmes privilèges.  » J’aime ajouta-t-il, j’estime les
hommes sans distinction d’origine, mais je hais ceux
qui, conquérants altier, viennent nous contester nos
droits, nos mœurs et notre religion. S’ils ne peuvent
s’amalgamer avec nous, qu’ils restent chez eux. 11 n’y
a pas de différence entre eux et nous, les mêmes droits
et la même protection appartiennent à tout le monde.

* Pour donner une idée du favotisme ridicule qui régnait dans
ces temps de bureaucratie, nous remarquons que la chambre fit une
représentation au gouverneur à propos d’un nommé Hughes Henry
qui cumulait les fonctions de greffier en loi de la chambre, de grand-
voyer du district des Trois-Bivières et de membre du conseil exécu-
tif et comme tel il était de plein droit juge de la Cour d’Appel.

— 372 —

Assurément je préférerais un gouvernement composé
de gens du pays à un gouvernement composé d’hom-
mes comme ceux dont je viens de parler, et mes com-
patriotes ont déjà fait preuve de capacité et d’intégrité.
Ceux même qui réclament ces privilèges exclusifs les
reprouvent dans leur cœur et ils en seront eux-mêmes
les victimes. En supposant qu’ils fassent du Canada
une Acadie, et qu’ils pussent faire expatrier toute la
population» française, la division se mettrait bientôt
parmi eux. S’ils parvenaient à former des « bourgs
pourris, bientôt cette réprésentation corrompue les
opprimerait. On nous dit, soyons frères. Oui soyons-le.
Mais vous voulez tout avoir, le pouvoir, les places et
l’or. C’est cette injustice que nous ne pouvons souf-
frir. Nous demandons des institutions politiques qui
conviennent à notre état de société/ »‘

M. Morin avait proposé une mesure* pour nommer
un agent en Angleterre, mais prévoyant que cette loi
comme les autres du même genre serait repoussée au
conseil, il fit agréer à la chambre une résolution par
laquelle elle autorisait M. Koebuck à surveiller en
Angleterre les intérêts des canadiens. Ensuite une
nouvelle adresse au roi à la chambre des lords et à celle
des communes fut présentée ; dans cette adresse on
insistait sur les anciens griefs, mais déplus on accusait
le gouvernement provincial d’une coupable négligence,
pour n’avoir pas pris les précautions nécessair es afin
d’empêcher le choléra de faire autant de ravages qu’il
en avait faits ; l’assemblée se plaignait aussi du carac-

— 373 —

tère haineux, de la conduite arbitraire et tyrannique
du gouverneur envers les canadiens.

Quand le comité rapporta le projet d’une réponse à
l’adresse, M. Bedard voulut y faire différents amen-
dements ; selon lui cette réponse n’était pas assez
conciliante, et ne semblait pas obtempérer assez aux
désirs exprimes par le gouverneur,, surtout quant au
remboursement de la somme prise sur la caisse mili-
taire, mais il ne put réunir que quelques voix. Le
gouvernement lui avait fait des ouvertures par rap-
port à une place de juge, et le fils du grand patriote
faiblissait dans la lutte que ses compatriotes soute-
naient contre l’oligarchie.

On s’apercevait néanmoins qu’il s’opérait une scision
au sein du grand parti, et cette scision, sans lui oter
sa majorité, était un indice de mécontentement de la
part des députés du district de Québec, la raison
qu’ils donnaient c’est que l’interruption continue des
travaux législatifs, privait Québec et ses campagnes
des ressources devenues plus nécessaires encore en con-
séquence de la gêne commerciale qui régnait alors.
Telle était du moins la raison que le Canadien don-
nait ; cette feuille s’était fait défenseur de la minorité
canadienne, autant par sympathie personnelle pour les
membres qui la composaient, que par raison de néces-
sité. *

* Encore un abus de pouvoir, les habitants de la Seigneurie de
Léry, tous canadiens, avaient demandé trois commissaires des
petites causes, le gouverneur n’en nomma qu’un seul, un nommé
Lord Odell qui ne connaissait pas un mot de français.

374

Lord Aylmer qui voulait intimider la chambre lui
communiqua une dépêche confidentielle qu’il avait
reçue de M. Eice et dans laquelle ce ministre exposait
la politique que le gouvernement impérial devait tenir
au sujet du Canada, si les choses ne changeaient pas ;
il parlait d’un projet » de loi tout rédigé qu’il avait
trouvé dans les papiers du bureau colonial, projet qui
tendait ni plus ni moins qu’à suspendre la constitu-
tion. La dépêche disait aussi par anticipation quel
était l’esprit du rapport du comité sur les affaires du
Canada, c’était de disculper entièrement le gouverne-
ment, et les témoignages qui se trouvaient devant lui
autorisaient cette disculpation. On se rappelle que
dans son rapport le comité avait dit qu’il ne voulait
pas mettre ces témoignages devant les communes,
c’était donc de la part des membres du comité une
détermination prise d’avance, car les témoignages de
MM. Yiger et Morin ne devaient pas être de nature à
disculper le gouvernement provincial. Comme com-
pensation, la dépêche ajoutait que le comité ne devait
inculper personne, c’est ce qui explique la rédaction
vague et indéterminée du rapport. Cette dépêche,
confidentielle lors de sa réception, pouvait être rendue
publique après que le comité aurait fait son rapport,
c’est pourquoi Aylmer avait jugé à propos de la com-
muniquer à l’assemblée.

Les fonctionnaires des départements n’étaient pas
les seuls qui souffrissent du défaut d’un bill de subsi-
des, ceux des chambres n’avaient pas été payés depuis
la dernière session, parce que les sommes obtenues du

__ 375 —

gouverneur, l’année précédente, étaient épuisées. La
chambre demanda donc à Aylnier de donner son
adhésion à une avance de dix huit mille louis, le gou-
verneur fit répondre que la chose méritait considéra-
tion et qu’il répondrait sous peu, et huit jours après il
fit dire à la chambre, qu’il ne pouvait consentir à cette
avance, avant qu’elle eut voté le remboursement delà
somme de trente-et-un mille lonis que lui-même avait
tiré sur la caisse militaire. En môme temps le gou-
verneur communiquait à la chambre quelques remar-
ques de Lord Alaerdeen sur trois bills réserves à la
sanction royale et qui n’avaient pas été sanctionnés.
Un de ces bills avait rapport à l’éloignement des juges
des conseils exécutif et législatif, le roi remettait à une
époque ultérieure sa décision sur cette mesure, l’autre
concernait l’éducation. Parmi les dispositifs de cette
mesure s’en trouvait un qui déclarait que toute corpo-
ration composée de trois personnes possédant huit
acres de terre, promettant vouloir se vouer à l’éduca-
tion, serait considérée comme compagnie régulière
ayant droit de posséder et d’acquérir à l’infini. Cette
clause était évidemment ridicule et aurait eu pour
résultat une foule d’abus et de spéculations déguisées,
car ces corps auraient en outre obtenu des octrois
annuels.

Mais il était une autre clause qui avait empêché
la sanction du bill d’éducation, c’est celle par
laquelle toutes les institutions de la province qui,
au jour de la passation de l’acte, posséderaient
des biens destines à l’éducation seraient consi-

— 376 —

dérés comme corps incorpores ; c’était reconnaître
implicitement l’existence légale de toutes les commu-
nautés enseignantes catholiques et en particulier
celle des sulpiciens. A ce propos lord Aberdeen disait ;
 » l’esprit libéral et tolérant de la législature du Bas-
Canada est si directement opposé à tous les principes
étroits que nourriraient des opinions religieuses parti-
culières, à des privilèges exclusifs qu’elle u’a proba-
blement pas pensé à la possibilité de voir ses motifs
interprétés d’une mnnière injurieuse. Cependant je
crains que la minorité protestante de la province,
vigilante comme elle le doit être avec beaucoup de
raison, contre le moindre empiétement sur sa liberté
religieuse, pourrait se plaindre ou soupçonner que
cette législation rétrograde avait pour objet de confé-
rer un avantage indu à la majorité catholique. Il
pourrait soupçonner que la langue et la littérature
françaises et les institutions religieuses de ce pays ont
été les objets d’une attention spéciale, et que les fon-
dations ecclésiastiques existantes ont été préférées à
celles qui pourraient s’élever ci- après, pareeque les
premières sont principalement sous le contrôle du
clergé catholique romain, et que l’on peut espérer que
les secondes fleuriront et se multiplieront avec l’émi-
gration protestante, et l’augmentation des capitaux et
des établissements britanniques dans le Bas-Canada. »
La réponse du gouvernement, et la communication
de lord Aberdeen contribuèrent à précipiter la fin de
la session, et le 7 mars la chambre décidait d’inter-
rompre ses travaux, elle persistait à demander la

— 377 —

mise en accusation du gouverneur, et le redressement
des griefs dont elle se plaignait depuis longtemps par
ses nombreuses adresses. *

* Les commissaires nommés pour surveiller l’érection du palais
législatif, M. W. B. Lindsay, J. LeBlond et W. Wickstead rirent
leur rapport à la chambre cette année. Le parlement fut bâti sous
la direction de M. Berlinguet, architecte, comme le prouve l’ins-
cription suivante trouvée lors de la démolition de cet édifice.

Ce chapiteau

fut posé le 26 d’octobre 1833

sur la colonne droite

de la nouvelle salle des séances

de la chambre d’assemblée •

dont l’honorable Louis Joseph Papineau

était alors l’Orateur.

Dans la llème année du Kègne de Sa Majesté Guillaume IV,

Eoi du Boyaume-Uni de la Grande-Bretagne, le 15 Juillet 1833,

Sous son Excellence Mathew Lord Aylmer,

Gouverneur en chef des Provinces du Bas et du Haut-Canada,

etc., etc., etc.

Sa Grandeur Monseigneur l’Illustrissime et BeVerendissime,

, Joseph Signay, Evêque de Québec,

Pierre Flavien Turgeon, Vicaire Général Coadjuteur, élu de

Sa Grandeur l’Evêque Catholique de Québec.
Commissaires ] William B. Lindsay, Ecuyer,

Greffier de la Chambre d’Assemblée .
de f- Jacques LeBlond, père, Ecuyer.

G. W. Wickstead, Ecuyer,
cette salle, J Assistant Clerc employé de la Chambre d’Assemblée.
Sous la direction des Plans et conduite de Louis Thomas
Berlinguette, Architecte, depuis le 4 mai 1833.
Maître Maçon, François Fortier.

Ses Cautions,/ ^uis Fortier,

l Joseph Peticlerc, père.
Maître Menuisier, Charles Cazeault.

Ses Cautions,! Joachim Mondor,
k François Vallée.

t

— 378 —

Le gouverneur voyant que les membres n’assistaient
plus aux séances prorogea les chambres le 18 mars,
un seul bill avait été passé, c’était  » un acte pour
autoriser les avocats à plaider devant les jurés pour et
au nom des prisonniers accusés de crime capital ;  » il
fut réservé à la sanction royale.

Dès le 11 février, Aberdeen informait Aylmer que
le gouvernement avait avisé le roi de choisir un com-
missaire royal possédant rentière confiance de Sa
Majesté, pour remplacer les gouverneurs généraux.
Le vicomte Canturbery fut d’abord choisi, mais il
refusa, on parla de lord Amherst comme ayant été
nommé, mais finalement ce fut le comte Gosford qui
accepta la charge de commissaire, il devait être assisté
par Sir Charles Grey et Sir George Gipps.

Par une dépêche subséquente, Aberdeen annonçait
à Aylmer son rappel en ces termes ;  » Le résultat de
me3 investigations a été de me convaincre qu’il vaut
mieux pour moi consulter l’intérêt public et informer
votre Seigneurie que votre administration des affaires
du Canada doit être considérée comme finalement
terminée. »

Lord Gosford et les deux assistants commissaires
arrivèrent le 23 août. Leur commission datée à West-
minster le 1er juillet 1835, nommait  » le dit Archi-
bald, comte de Gosford, Sir Charles Edouard Grey et
Sir George Gipps, commissaires pour s’enquérir des
griefs affectant les sujets de Sa Majesté dans le Bas-
Canada, quand à ce qui regarde l’administration du
gouvernement de la dite Province. Lord Aylmer

— 379 —

laissa Québec le YJ septembre dans le même steamer
sur lequel était venu lord Gosford, il fut vivement
regretté de la population anglaise qui lui présenta des
adresses d’adieu pleines de bienveillance et de cor-
dialité. *

Quand le ministre Aberdeen avait envoyé sa
communication relatif au bill d’éducation, nous avons
omis de dire que les journaux publièrent les instruc-
tions envoyées à Prévost relativement aux difficultés
religieuses, et que ce gouverneur, avec la sagesse et le
bon sens qui le caractérisaient, n’avait pas voulu
suivre. Ces instructions portaient que dans les villa-
ges ou les catboliques seraient en minorité, ce serait le
ministre protestant qui aurait la direction spirituelle
des paroissiens, et qu’il recevrait les dîmes ; que lçj
catholiques ne se serviraient des temples qu’après les
protestants, et qu’enfin les ministres protestants rem-
placeraient graduellement les prêtres chez les sauvages.
Ces papiers avaient été imprimés en 1814 par ordre
de la chambre des communes ; on peut imaginer quel
sentiment de réprobation universelle, leur apparition
dans les journaux causa parmi les canadiens.

Dans le mois de juin il avait été question des affai-
res du Canada dans la chambre des lords, Castlereagh
qui alors commandait le simulacre d’opposition de la
haute chambre, s’adressant à lord Glenelg qui avait

* Avant de partir, Aylmer avAit fait ériger un monument au lieu
ou Wolf tomba près des plaines d’Abraham, ce monument portait
l’inscription suivante :

 » Ici mourut « Wolf victorieux. »

— 380 —

remplacé lord Aberdeen au ministère des colonies lui
demanda  » Comment se fait-il que vous persistiez à
refuser au Canada des concessions larges et libérales
et quel intérêt l’Angleterre a-t-elle de refuser ces
mômes concessions aux autres colonies assez importan-
tes pour se gouverner elles-mêmes % Doit-on traiter les
législatures coloniales comme des assemblées d’enfants?
Doit-on les assujettir aux ordres plus ou moins judi-
cieux de l’Angleterre puisqu’elle ne connait pas l’état
des choses dans le Canada. Lord Glenelg répliqua
à lord Castelreagh que, conjointement avec ses collè-
gues, il avait jugé à propos de changer les instructions
de ses prédécesseurs, et d’envoyer plusieurs commis-
saires pour faire une enquête sur les lieux.

*Ces instructions portaient que les revenus de la
couronne ne pouvaient être abandonnés sans une liste
civile suffisante pour subvenir à toutes les dépenses de
l’état, moins l’entretien des garnisons. Les terres de
la couronne continueraient à être administrées par
l’exécuiif, les juges accusés subiraient leur procès.
Enfin la commission devait tenir une enquête sur la
tenure des terres, sur les biens du Séminaire de St.
Sulpice, sur l’éducation, sur la/proportion des droits
de douane entre les deux Canadas. Cependant les
chefs politiques ne savaient encore quel conduite tenir
vis à- vis de lord Gosford, ils s’assemblèrent à Cham-
plain * à peu près à l’époque de la convocation des
chambres qui eut lieu le 27 octobre. La réunion était

* Chez M. Dorion représentant du comté.

— 381 —

nombreuse, presque tous les membres libéraux des
deux districts s’y trouvaient ainsi que plusieurs nota-
bles, ceux du District de Québec s’abstinrent. Le
Docteur O’Callagban qui avait succédé à M. Tracey
dans la rédaction du Vindicator voulait que la cham-
bre ne procédât pas aux affaires avant d’avoir l’assu-
rance que la somme nécessaire pour les dépenses de
la législature serait avancée. Par contre l’association
consîitutionelle de Québec présenta à Gosford, la veille
de l’ouverture des cliambres, une adresse dans laquelle
elle le priait de ne faire aucune avance à l’assemblée,
sans le consentement des deux autres branches de la
législature. Lord Gosford leur répondit que dans
vingt-quatre heures ils sauraient quelle conduite il
allait tenir à ce sujet.

Le discours d’ouverture fut long, lord Gosford
parla de toute sortes de choses en termes modérés et
courtois ; quand à sa qualité de commissaire royal, elle
ne lui conférait d’autres pouvoir à part le titre de
gouverneur, que celui de faire des enquêtes spéciales
sur les griefs, de manière à lui permettre de faire un
rapport détaillé de l’état des esprits en Canada et
de l’envoyer à Londres.

Il annonça en termes généraux qu’il allait faire tout
en son pouvoir pour remédier aux nombreux griefs
dont les canadiens avaient à se plaindre, il insista sur
le cumul des positions et sur les inconvénients qui en
résultaient ; il allait, disait-il, faire en sorte que, sans
que les corps législatif judiciaire et administratif en
souffrissent, cet ordre de chose eut un terme.

— 382 —

 » Aux deux branches de la législature il disait encore ;
je suis autorisé à vous offrir des mandats d’argent
suffisants pour payer vos dépenses contingentes. J’ai
reçu ordre de mon souverain de vous informer qu’il
est prêt à mettre sous le contrôle des représentants du
peuple tous les revenus payables aux .officiers de
Sa Majesté dans cette province, qu’ils proviennent des
taxés ou des autres sources canadiennes, mais cet
abandon ne se fera que sous certaines conditions, et
ces conditions, la commission a ordre de les détermi-
ner pour le plus grand bien des sujets canadiens en
général. Enfin s’adressant aux canadiens des deux
races , Considérez, disait-il le bonlieur dont vous pour-
riez jouir sans vos discussions. Descendant des deux
plus grandes nations du monde vous possédez un vaste
et beau territoire, un sol fertile, un climat sain
et le plus beau fleuve du monde qui fait de vos
villes les plus éloignées des ports pour les vaisseaux
d’outre-mer. Yotre revenu est triple de vos dépenses,
vous n’avez pas de taxes directes, pas de dettes publi-
ques, pas de pauvres qui requerrent un aide plus con-
sidérable que l’impulsion naturelle de la charité. »

Aussitôt après le discours du trône l’assemblée
nomma un agent en Angleterre et ce fut M. Roebuck
qui fut encore choisi. Le deux Novembre M. O’Cal-
laghan fit voter une adresse pour demander au gou-
verneur s’il avait reçu des instructions relativement
aux plaintes portées contre le Juge Gale. A ce propos
il s’éleva une vive discussion entre les principaux
membres de l’Assemblée. M. Yanfelson prétendait

383

que c’était contre les usages parlementaires de faire
aucune interpellation à l’exécutif avant d’avoir voté la
réponse au discours du trône. Dans cette circonstance
surtout, puisque le gouverneur assurait, comme l’avait
admis M. O’Callagham, qu’il était prêt à rendre jus-
tice, la demande au sujet du Juge Gale était une
marque de défiance contre le représentant du souve-
rain. M. Lafontaine prétendait au contraire que la
motion était parfaitement dans l’ordre, qu’on avait
déjà agi ainsi dans les sessions précédentes ; d’ailleurs
puisque le gouverneur était si bien disposé, cette
adresse aurait pour résultat d’attirer son attention sur
un des griefs dont le3 canadiens avaient le plus à se
plaindre. Il est bien vrai que les ministres de la
colonie avaient promis de ne pas sanctionner la nomi-
nation de Gale, mais ce dernier restait toujours en
fonctions et, contrairement à la promesse de M. Rice,
il fut maintenu à son poste. Le projet d’une réponse
à l’adresse ayant été soumis à la chambre, M. Gugy
voulut faire ajouter un amendement approuvant la
commission à la tête de laquelle se trouvait Lord
Gosford, mais M. Papineau fit repousser cet amende-
ment ; il s’emporta avec indignation, il considéra la
commission comme une insulte à la chambre et aux
représentants. C’était un démenti formel des repré-
sentations faites au gouvernement impérial. Enfin la
réponse à l’adresse votée le gouverneur envoya à la
chambre un état des arrérages dus au gouvernement
civil jusqu’au 10 Octobre dernier ; cet état, y compris
les trente mille louis empruntés à la caisse militaire, se

— 384 —

montait à cent trente mille louis. Lord Gosford
espérait que l’assemblée prendrait/tes moyens les plus
expéditifs pour rembourser ce montant. De fait, la
chambre pour marquer son bon vouloir demanda une
avance de vingt-deux mille louis qu’elle s’engageait à
rembourser à la fin de la session, le gouverneur accéda
à cette demande avec beaucoup d’empressement.

Les députés étaient sous l’impression que le bill
nommant M. Roebuck comme agent du Canada en
Angleterre serait rejeté par le conseil. Dans cette
prévision ils adoptèrent une série de résolutions
pour justifier cet ami des canadiens sur la position
qu’il avait prise de la part de la province. Entré
en communication avec le comte Grey, * alors
ministre des colonies, ce dernier avait paru mettre en
doute l’exactitude de ses assertions et l’autorité dont
il prétendait être revêtu d’agir au nom du Canada.
Les prévisions de la chambre relativement à la nomi-
nation d’un agent se réalisèrent, dès que le bill de
l’assemblé fut rendu au conseil les membres se levè-
rent indignés et même déclarèrent ne pas vouloir sié-
ger. Sir John Caldwell déclara que la chambre avait
voulu les insulter en nommant M. Rœbuck qui avait
appelé le conseil législatif, une nuisance publique.
Les dissensions continuèrent, les esprits s’aigrissaient
de plus en plus, le gouvernement anglais n’avait don-

* Le comte Grey est le même qui redevenu ministre des colonies
sous le gouvernement de Lord Palnerston en 1848 ordonna le tracé
du chemin de fer intercolonial et en confia l’exploration au major
Robinson, c’est cette route qui devait être adoptée vingt ans plus
tard par le gouvernement impérial.

— 385 —

né aucune attention sérieuse aux 92 résolutions. On
supposait à l’Angleterre des intentions malveillantes
vis-à-vis des canadiens, et l’idée de les soumettre à un
pouvoir arbitraire et tyrannique en enlevant leurs
franchises électorales. Alors les citoyens se décidèrent
à s’organiser pour se protéger eux-même. En consé-
quence il se forma à Montréal une association de
de carabiniers composée de 800 nommes, et leur cri de
ralliement était Dieu sauve le roi, ils demandèrent au
gouverneur de sanctionner leur organisation par un
ordre exécutif, celui ci s’y refusa et quelques temps
après il en ordonna la dissolution. Les orangistes du
Haut-Canada dont le lieutenant-gouverneur Lee avait
encouragé l’organisation, offrirent leurs secours à Lord
Gosford, au cas de rébellion dans le Bas- Canada.
Les instructions envoyées par Lord Aberdeen à Lord
Aylmer relativement au siège laissé vacant par la
destitution du juge Kerr n’avait pas été remplies.
Aberdeen voulait qu’ Aylmer nommât un canadien
français, mais Aylmer ne voulut pas accéder à cette
suggestion. Gosford, pour se concilier les bonnes
grâces .de l’assem’blce, porta au banc judiciaire M..
Elzéar JBedard, l’auteur présumé des quatre vingt
douze résolutions. * Cependant l’assemblée continuait
à être saisi de plaintes contre les juges, trois d’entre
eux, M. Tbompson de Gaspé, M. Fletcher du district

* M. Bedard était le fils de M. Pierre Bedard l’ancien patriote
mort juge aux Trois-Rivières, il fut suspendu en 1838 pour avoir
maintenu la loi d’habeas corpus en faveur des accusés politiques.
Réintégré ensuite, il mourut du choléra à Montréal en 1849.

25

— 386 —

de S. François et M. Bowen de Québec furent mis en
accusation. Le rapport du comité chargé de s’enqué-
rir des faits reprochés à ces trois juges ne fut défavo-
rable qu’au dernier, mais il arriva trop tard pour
permettre à la chambre de demander sa destitution au
gouverneur. Deux conseillers législatifs et fonction-
naires publics en même temps, M. Felton commissaire
des Terres de la Couronne et M. Gugy, shérif de
Montréal, furent accusés de concussions; tous deux
perdirent leurs situations.

Le Lieutenant-Gouverneur Sir John Colborne, en
ouvrant le parlement du Haut-Canada, avait fait
allusion aux difficultés politiques du Bas-Canada ;.
selon lui elles avaient pour résultat d’empêcher
Timmigration et elles constituaient une injure envers la
personne du Souverain. Ces paroles furent entrées
dans les procès verbaux de l’assemblée et, sur la pro-
position du Dr. O’Callaghan, après un appel de la
chambre, furent déclarées une censure irrégulière et
inconvenante des procédés de l’assemblée. Feu après
l’assemblée protesta contre le projet d’annexer le
comté de Gaspé au Nouveau Brunswick et contre le
cumul de divers emplois *

Le Dr O’Callaghan, président du comité chargé
d’examiner les délibérations du parlement impérial au
sujet des 92 résolutions présenta un rapport qui

* Ainsi M. Antrobus aide-de-camp du gouverneur, était en même
temps grand voyer. Un conseiller exécutif était membre de la cour
d’appel, commissaire des biens des jésuites, maître du bureau de la

Trinité.

— 387 —

t

exposait les contradictions et l’ignorance du bureau
colonial re^ti veinent à la question des finances depuis
1828, Cependant il fallait aborder la question des.
finances,, pour ne pas blesser entièrement le gouver-
neur. M. Morin proposa d’accorder les subsides pour ‘
les six mois qui devait échoir le 15 juillet alors pro-
chain. 2*1. Vanfelson proposa en amendement de les
voter pour les 12 mois et de payer tous les arrérages.
Cet amendement semblait alors avoir quelque chance
‘de succès, quoiqu’il fat opposé à la politique suivie par
l’assemblée depuis 1818 ; il fallait frapper un grand
-coup, M. Papineau s’en chargea.

Il était alors arrivé à l’apogée de sa puissance,
doué des qualités qui font les chefs de parti, il avait
de plus un physique imposant et une éloquence mâle
■et entraînante. Se levant aussitôt sur la proposition
de M. Yanfelson.

M Nous sommes à chercher, dit-il, s’il y a dans la
situation politique du pays des circonstances nouvelles
qui puissent j ustifier la conduite de ceux qui semblent
déserter la cause de la patrie, qui se séparent de cette
immense majorité de leurs concitoyens qui ont direc-
tement approuvé et ratifié à l’urne électorale la
conduite des membres qui ont voté les 92 résolutions.
Dans cette grande discussion, il ne faut pas considérer
lord Gosford, mais il faut considérer les principes.
Nous sommes en lutte contre un système colonial, qui,
tel qu’il nLe ad ‘•esse démontre le contraire ; le vote ordinaire fut de 48
pour l’adoption et 31 contre»

26 •

— 402 —

former une organisation effective ; ce furent les jeunes
gens qui donnèrent l’exemple, car les personnes mures
ou âgées s’enthousiasment plus difficilement \ d’ail-
leurs les ouvriers ou les cultivateurs ne comprenaient
pas bien le prétendu joug de la tyrannie anglaise, ils
vivaient tranquilles à leurs travaux. Les jeunes gens
de Montréal formèrent donc une association sous le nom
de Fils de la liberté qui eux ? devaient se mettre à la
tête du mouvement de résistance ; cette association
était secrète et les membres prêtaient un seraient
spécial. Une tentative pour former une société du
même genre fut faite à Québec, mais elle n’eut pas
grand succès. * On parla aussi au lac des Deux-
Montagues ni plus ni moins que d’abolir les cours de
justice, pour y substituer des tribunaux du cboix du
peuple.

La première démonstration menaçante, et dans
laquelle on vit une centaine de miliciens armés, fut
une assemblée qui eut lieu à St. Charles le 23 octobre ;
elle était composée des habitants des six comtés
environnants, qui s’étaient donnés le nom de comtés
confédérés. Les résolutions qui furent passées procla-
maient la liberté individuelle et reconnaissaient au
pays le droit de se choisir sa forme de gouvernement.

* Une personne jouissant aujourd’hui d’une belle position et
d’une belle fortune, racontait à Fauteur qu’un soir un jeune homme
était venu chez lui mystérieusement dans sa mansarde (il habitait
alors une mansarde, aujourd’hui il habite une des demeures les
plus belles de Québec) et qu’alors, bien bas il lui avait proposé de
s’enrôler dans la société, il lui montra une formule du serment
celle des francs-juges, disait-il, était une douceur auprès de celle des
fils de la liberté.

— 403 —

Elles récusaient les tribunaux ordinaires, enfin en
substance elles affranchissaient la province«de l’auto-
rité qui représentait le gouvernement impérial. *

Ces résolutions se terminaient par un appel an
peuple de résister à l’autorité. C’est alors que l’évêque
Lartigue de Montréal crut devoir intervenir, et il
adressa un mandement à ses diocésains pour les pré-
venir contre les dangers dans lesquels les agitateurs
voudraient les entraîner, et les engager à obéir au
pouvoir établi. L’appel de l’évêque eut un certain
effet, mais pas suffisant pour arrêter le mouvement.

Il convient ici d’examiner si ceux qui préparèrent la
rébellion étaient bien justifiables, et si la rébellion
elie-même était devenue nécessaire. A ces questions
nous répondrons sans hésiter que non. L’Angleterre,
il est vrai, se montrait injuste envers les canadiens, et
le gouvernement provincial, commit de nombreux
actes de tyrannie et d’arbitraire, mais c’était une
tyrannie politique qui ne s’étendait que dans les
régions gouvernementales, et qui ne se traduisit
alors par aucun fait ou acte de violence sur les indi-
vidus, la privation de certains droits politiques, ou la
destitution de certaines charges honorifiques ne cons-
tituaient pas des causes suffisantes de rébellion au
point de vue d’une saine morale. Au reste on n’avait
pas épuisé les moyens oonstitutionels, et les peuples
•comme les individus sont tenus de faire des demandes

* Le cadre de cet ouvrage et sa nature ne permet pas à l’auteur
<àe donner au long le récit des événements de 37 et 38 } il n'en 33ourradonner qu'un résumé succinct — 404 — réitérées pour obtenir la réparation de certaines injus- tices, quand ces injustices ne tombent pas sons l'em- pire des tribunaux réguliers. Et puisqu'on a comparé M. Papineau à O'Connell qu'on nous permette de citer l'exemple de ce grand patriote. Désolé des maux dont souffrait sa patrie, O'Connell ee mit à la tête d'un mouvement qu'il contint toujours dans les bornes de la légalité, il fit demande sur demande, adresse sur adresse, au roi et aux chambres. Déjà il avait pu réunir au sein des communes un bon nombre de partisans de sa cause et il allait peut-être recevoir pour lui et pour sa chère Irlande la récompense de ses démarches et de sa modération, quand un certain nombre d'irlaudais, fatigués des lenteurs du pouvoir, organisèrent en 1848 un mouvement révolutionnaire sous le nom de la jeune Irlande. On connaît le résultat, la rébellion fut étouffée, les principaux agitateurs à la tête des- quels se trouvaient Smith O'Brien furent condamnés à la déportation, et les abus continuèrent de subsister. M. Papineau ne croyait pas sans doute que les choses iraient si loin et il manifesta son opposition à la- révolte dans l'assemblée de St. Charles, en disant que le temps n'était pas encore venu de prendre les armes. Quoiqu'il en soit tout en reconnaissant que le chef canadien était mu par de bons motifs, on ne peut se refuser à l'accuser d'imprudence et d'irréflexion ; en pesant les choses de sang froid il aurait pu se convain- cre que l'excitation produite partout, ne pouvait arriver 405 â aucun autre résultat qu'à la guerre civile, et c'est ce qui eut lieu. Le clergé des deux diocèses, toujours vigilant pro- posa à l'exécutif d'envoyer aux autorités impériales une requête afin d'obtenir pour les canadiens tout ce que le gouvernement pouvait accorder de réforme ; on répondit que ce serait inutile. L'agitation était maintenant trop grande pour qu'elle ne se manifestait pas ; ce fut le 7 novembre que les Fils de la liberté et les membres de l'association constitutionnelle formés en corps militaire sous le nom de Doric Club en vinrent aux mains à Montréal ; plusieurs personnes furent blessées. Des mandats «d'arrestations furent lancés contre vingt-trois des principaux agitateurs parmi lesquels se trouvaient MM. Papineau, 0'Caîlaghan,T. S. Brown, DesKivières et Perreault qui ayant eu vent de l'affaire s'étaient réfugiés dans l'Acadie, un des comtés confédérés. Ce fut à St. Denis qu'eut lieu la première rencontre entre les insurgés et cinq compagnies de l'armée régu-. lière avec une pièce de compagne. Le eo'onel Gore qui commandait dans cette circons- tance fut forcée de laisser la victoire aux rebelles, et à la suggestion de M. Neilson, M. Papineau laissa le champ de bataille, où il avait été entraîné par le torrent, sans pouvoir exposer sa vie pour une cause qui lui était si chère. * * Quelques uns ont prétendu que M. Papineau avait lâdiement déserté le champ de bataille, mais M. Dessaule a prouvé hors de tout doute que c'était un mensonge, et que c'était par ordre exprès de M. NeHson et des autres principaux chefs que M.. Papineau s'était retiré de la mêlée. — 406 — Maïs les trempes régulières prirent leur revanche le même jour; un bataillon commandé par "Witheral se rendit à St. Charles ou les insurgés s'étaient retran- chés, et après une courte résistance derrière leurs retranchements, ceux ci furent forcés^de s' enfuir. Le nombre des morts des deux côtés dépassa 100. Enfin Sir John Colborne, qui au moment de son départ, pour l'Angleterre, avait reçu ordre de prendre le commandement des troupes en Canada, se rendit avec deux milles- hommes à St. Eustache, la seule paroisse en insurrection, et là ils ne rencontrèrent que 250 à 300 hommes retranchés dans l'église et le pres- bytère abandonnés aux insurgés par le curé. Après un combat de quelques heures les troupes mirent le feu à l'église, le Dr. Chenier avec quelques autres, sautèrent dans le cimetière, et c'est là qu'atteint d'une balle il expira presqu'aussitôt. La paroisse fut livrée au pillage ainsi que St. Benoit et St. Denis, et le combat de St. Eustache fut le dernier que subit l'insurrection, car les principaux chefs étaient en fuite, et M. Papineau lui-même, accusé de haute trahison, avec plusieurs autres personnes prit le chemin des Etats- Unis. Dans le Haut-Canada M. McKenzie avait aussi mouté un mouvement insurrectionel qui fut prompte- ment reprimé. Le 20 novembre le parlement anglais fut ouvert et sur l'interpellation de MM. Hume et Leader, lord John Russell répondit qu'il ne pouvait dire quelle ligne de conduite le gouvernement allait tenir par rapport au Canada, mais que dans tous les — 407 — cas lord Gosford qui avait demandé son rappel serait remplacé par Colborne, et quelques jours après le parti anglais qui avait envoyé des messages à Lon- dres recevait de la bouche du ministre des colonies l'assurance que l'union des deux Canadas qu'il deman- dait depuis longtemps, ne tarderait guère à passer à l'état de réalité. Le 29 novembre MM. Lafontaine et Leslie se rendi- rent auprès du gouverneur pour lui demander de convoquer la législature, mais celui-ci lui répondit que les principaux députés étant à la tète de la rébel- lion, il ne pouvait attendre de la chambre aucune démarche conciliante, et qu'en conséquence il ne pou- vait obtempérer à leur demande. Quelques jours après il déclarait la loi martiale eu force dans le district de Montréal, après avoir promis de récom- penses généreuses pour l'appréhension de M. Papineau et de quelques autres. Les défaites successives du parti de la révolte créèrent une espèce de revirement dans l'opinion publique, toujours prête à embrasser la cause du succès ; le faubourg St. Eoch de Québec et Montréal envoyèrent des adresses exprimant les sentiments de loyauté envers la reine, et tout parut rentrer dans l'ordre. La connaissance de nos troubles parvint rapide- ment aux Etats-Unis, les amis des canadiens enrôlè- rent des recrues pour venir à leur secours. En France même on parla de former une légion auxiliaire pour venir en aide à des anciens compatriotes près- — 408 — qu'entièrement oubliés, mais il n'entrait pas dans la politique du gouvernement de Louis Philippe d'en- courager ce mouvement, parcequ'il se trouvait dirigé indirectement contre l'Angleterre avec qui la France était en paix, en sorte que les organes officieux du pouvoir laissèrent entendre qu'on ne permettrait aucun mouvement de ce genre dans le royaume. Le 16 janvier 1838 Lord John Kussell à l'ouverture des chambres déclara de suite qu'il allait présenter une loi pour suspendre la constitution du Bas-Canada. Sir Robert Peel profita de la circonstance pour décla- rer une guerre ouverte au gouvernement, mais la défense des intérêts canadiens n'était qu'un prétexte pour la lutte, en sorte que cette défense égoïste n'eut aucun succès. D'ailleurs il admettait lui-même qu'une colonie qui se révolte c'est d jà une nation qui déclare la guerre. Roebuck fut entendu devant les deux chambre, mais il avait perdu de sa considération, par un écrit ou il prétendait que la possession du Canada était ruineuse pour l'Angleterre. Leader, Hume et quelques autres s'opposèrent fortement à cette niesure du premier ministre, qui selon Hume était une viola- tion des droits des sujets anglais. Le duc de Wellington et Lord Brougham dans la chambre des lords, accusèrent le gouvernement d'avoir par sa conduite été la cause première de la révolte, tout en admettant qu'il fallait punir les coupables, il ne fallait pas commet tï e l'injustice de châtier toute une province pour quelques comtés rebelles, et d'atteindre ceux même qui avaient a : dé à étouffer l'insurrection, — 409 — L'acte suspendant la constitution pourvoyait en même temps à la nouvelle forme de gouvernement. Le gouverneur devait être aide dans l'administration, d'un conseil spécial qu'il choisirait lui-même. Lord John Rnssell déclarait en même temps que la Reine, usant de sa prérogative, avait autorisé lord Durham qui venait d'ôire nommé nouveau gouverneur à faire élire dix personnes clan3 le Haut et six personnes dans le Bas-Canada, s'il le trouvait à propos, pour lui servir de conseil. Malgré cette déclaration, cependant ni dans la presse ni dans les chambres on se douta que le but secret du gouvernement était d'unir les deux parties de la province, tant les ministres cachèrent leur jeu avec adresse. Un seul, lord Ellenborough exprima cette opinion, mats lord Glenelg nia effronté- ment que telle était l'intention du gouvernement, l'union, disait-il, ne peut avoir lieu que du consente- ment des deux provinces. Le choix de lo:*d Durham comme gouverneur fut généralement approuvé, il avait la réputation d'être conciliant et habile; d'ailleurs, dans une séance de la chambre des lords, il avait déclaré qu'il ferait respecter la couronne anglaise, mais qu'il n'écouterait aucun parti ni français ni anglais, et qu'il agira't avec justice envers tous. Comme la législature du Bas-Canada ne s'éta't pas réunie depuis longtemps et qu'il fallait se hâter, l'acte suspendant la constitution fut sanctionné seul le 10 février, et copie en fut envoyée à Colborne avec ordre de former un conseil spécial sans délai, ce con- — 410 — seil s'assembla à Québec le 18 avril, il était composé de douze canadiens et de dix anglais. * Lord Durham n'arriva à Québec que le 27 mai ; agent diplomatique à St. l'eterboroug en 1833, et ambassadeur à la même place en 1835 jusqu'au prin- temps de 1837, il y avait représenté son souverain avec une splendeur inouie et il était resté avec ses goûts de luxe, en sorte qu'il avait fait la traversée avec une suite de courtisans, de secrétaires et d'aides de camp, il avait même une troupe de musiciens pour charmer les longues heures de la traversée ; aucune résidence urbaine n'était digne de recevoir l'opulent gouverneur, on prépara le parlement à cette fin. Il adressa le é juin une proclamation dans laquelle après avoir dit que tous ceux qui voulaient la réforme de3 institutions défectueuses recevraient de lui sans distinction de parti l'appui qu'ils méritaient, il ajou- tait que quant au rétablissement de la constitution tont dépendrait de la conduite et de la coopération que lui donnerait le peuple canadien. Cette proclamation déplut souverainement ; sa teneur laissait voir plutôt un despote qu'un administra- teur impartial et conciliant, ses premiers actes le prouvèrent. Il commença par renvoyer le conseil de * Voici les noms des membres du premier conseil spécial : MM. James Cuthbert, Toussaint Pothier, Charles E. C. de Léiy, James Stuart, Peter McGrill, Marc P. de Sales Lateriière, Baithélémi Joliette, Pierre de Kocheblave, John Neilson, Amable Dionne, Samuel Ge\ard Jules Quesnel, William P. Christie, Charles. E. Casgvain, William Walker, Joseph E. Faribault, John Molson, Etienne Mayrand, Paul Holland Noulton, Turton Penn, Joseph Dionne et Shabot Smith. ~ 411 — Colborne et en forma un antre composé du vice amiral Paget, du major-général McDonell de M. Ballerson premier secrétaire, de M. Couper, du colo- nel Charles Grey et du major général Clitherow, tous gens de sa suite et qui venaient d'arriver dans le pays. Il fallait déterminer le sort des rebellionaires, Dur- ham était dans l'embarras ; leur faire un procès serait impolitique, d'un autre côté il fallait les punir surtout ceux qne l'on savait avoir pris une part des plus actives. Le gouverneur en vint à une détermination énergique, l'anniversaire du couronnement de la reine approchait, il proclama ce jour là une amnistie générale en exceptant cependant vingt-quatre préve- nus dont dix étaient à l'étranger; ceux qui étaient en prison devaient être déportés aux Bermudes, et les autres ne pourraient se rapatrier que lorsqu'il serait permis aux uns et aux autres de rentrer dans leur pays. Cette mesure était sage et humaine, aussi fut-elle bien reçue en Canada, en Angleterre on blâma Durham de ne pas avoir fait subir les procès aux accusés. Alors commença cette scène d'intrigues indignes et honteuses opérées par les agents habiles du gouver- neur qui avait pour but de surprendre la bonne foi des chefs canadiens auxquels on essaya de persuader que Durham leur était dévoué. L'un de ces agents M. Wakefield fut député vers M. Papineau alors à "Washington, occupé, disait-on, à essayer défaire inter- venir le gouvernement américain dans notre querelle, il voulait sous de faux prétextes extorquer une lettre — i 412 — à M. Lafontaine pour le chef en exil ; à Burlington il" vit M. Cartier * auquel il laissa entendre que Durham et son entourage étaient les amis de ses compatriotes. Quand ils eurent bien fréquenté les canadiens et saisi leurs idées ils se démasquèrent ; et le même "Wakefield écrivit au London Spectator une lettre dans laquelle il disait que les canadiens n'avaient aucune raison de se plaindre, qu'ils ne méritaient pas qu'on s'occupât tout d'eux, que leurs chefs et surtout MM. Lafon- taine et Gironard qu'il avait connns particulièrement étaient des hommes bornés et sans aucune notion des principes constitutionnels que, mus par des préjugea ridicules, ils étaient toujours portés à exagérer les choses. Cette lettre écrite à la fin de novembre fut connue ici à la fin de décembre, au moment du départ de lord Durham pour le Haut-Canada où il allait tenter un essai en faveur de l'union ; cet essai lui réussit parfai- tement, grâce aux chefs qu'il gagna à la cause après quelques explications touchant la représentation qui d'après le projet des ministres, devait être égale entre les deux sections, malgré la différence de 250,000 âmes qui existait alors entre la population du Haut et du Bas-Canada. Le parlement anglais à la fin de 1838 fut saisi aussitôt après son ouverture, de la question de la léga- lité de l'ordonnance concernant les prisonniers politi- ques, en vain lord Bioughani voulut faire passer un * Aujoir d'hui ministre de la milice du Canada. — 415 — acte pour donner un caractère légal à cette ordonnance, il ne put y réussir, lord Melbourne lui-même, alors ministre de la justice, déclara qu'il était de son devoir de conseiller à la reine de la désavour. Ce desaveu arriva à Québec, au moment ou Durham était en conférence avec les représentants de toutes les colonies anglaises de l'amérique du nord, on y discutait la question de savoir laquelle mesure extrême valait mieux au point de vue de la politique anglaise, de l'union ou de la confédération ; ce fut l'union qui fut adoptée. Durham humilié par le désaveu de son premier acte administratif résolut de donner sa démission ; mais avant de partir il lança une proclamation pour expliquer sa conduite et se posa comme la victime de quelques jaloux de la conaance que sa souveraine avait mise en lui. Je m'en retourne, disait-il en réponse à une adresse que les anglais de Québec lui avaient présentée pour les seules raisons que voici ; " JLe vote de la chambre des lords, auquel le ministère a acquiescé, a privé le gouvernement de cette province de toute considération, de toute force morale. Il l'a réduit à un état de nullité executive, et assujetti à une branche de la législature impériale. . En réalité le Canada est administré par deux ou trois pairs sur leurs sièges en parlement. . . " Dans ce nouvel état de choses, dans cette anoma- lie, il n'est ni de votre intérêt ni du mien que je reste ici. Dans le parlement, je puis cléfendre vos droits et — 414: — vos vœux, et exposer ce qu'if y a d'impolitique et de cruel daos des actes qui sont le fruit de l'anirnositô personnelle et de l'esprit de parti, et qui sont accom- pagnés d'un danger éniinent pour le bonheur de ces importantes colonies et la durée de leur alliance avec l'empire." Lord Durham, parti le 1er novembre, fut remplacé par Sir John Colborne qui était resté ici en quatité de commandant des forces. Aussitôt après le départ du commissaire royal, les réfugiés aux Etats-Unis et leurs amis organisèrent un nouveau soulèvement, plusieurs paroisses coopérèrent avec eux, entre autres Beauharnois, Terrebonne, Cha- teauguay, Rouville, Yarennes .et Contrecœur; en même temps un corps de réfugiés et d'américains prenaient possession de ISTapierville. Colborne plo- clama de suite la loi martiale, et marcha avec sept à huit mille hommes vers les paroisses insurgées qu'il trouva tranquilles, mais il satisfit sa vengeance en promenant l'incendie partout. Il fallait sévir contre les coupables, les cours mar- tiales firent les procès de 203 accusés, elles en condam- nèrent quatre- vingt neuf à mort, quarante sept à la déportation dans les possessions anglaises de l'Océanic, et leurs biens furent confisqués ; les juges Yallières, Bedard et Panet furent suspendus pour avoir main- tenu Vhabeas corpus, prétendant que l'ordonnance suspendant cette loi n'était pas légale. Parmi les quatre vingt neuf condamnés à mort treize seulement périrent sur l'échafaud, le3 autres — 415 — furent déportés ; plusieurs d'entre eux étaient des honiines instruits, et tous protestèrent avant la mort dejleur conviction et de leur bonne foi ; cette exécution eut pour résultat de satisfaire l'oligarchie et d'épou- vanter les rebelles qui demeurèrent ensuite tranquilles. Lord Durham étant passé en Angleterre, Sir John Colborne fut nommé gouverneur du Canada^ il réunit le même conseil qu'il avait formé, et les séances durè- rent du 14 février au 13 avril 1839. Le rapport de lord Durham au gouvernement impé- rial formait un volume complet, il était très bien écrit, dans les vues de la politique anglaise, dont le dernier mot pour les colonies est la fusion des races, ou pour mieux dire l'angliacation des canadiens. Pour parvenir à ce but il suggérait deux moyens l'union des deux Canada ou la confédération de toutes les provinces britanniques, ce fut le premier moyen qui parut le plus acceptable au gouvernement impé- rial. Lord John Eussell introduisit donc dans la cham- bre des communes Je 10 juin 1839, une loi pour unir les deux Canadas. Cette loi donnait encore au gou- vernement la forme représentative avec un égal nombre de députés pour les deux sections de la pro- vince, mais comme il fallait établir sur des bases équitables la valeur des biens de chaque section, et certains autres détails concernant les réserves du cierge et le droits féodaux, on remit à la session sui- vante l'adoption de la mesure ; le gouvernement nomma aussi Poulet Thompsou, gouverneur à la place de Colborne. — 416 — Converti politique de la veille, Thompson, pour obéir à ses maîtres, remania îe conseil spécial qu'il convoqua pour le 11 novembre et par qui il fit approuver de suite le projet de l'union ; ce fut le 13 novembre que la votation eut lieu, sur 14 membres présents onze dont trois canadiens votèrent pour l'union, les trois autres MM. Cuthbert, Neilson et Quesnel votèrent contre. * Le gouverneur avait la veille fait passer une ordonnance pour confirmer les sulpiciens dans leurs seigneuries de l'Ile de Montréal, du lac des Deux Montagnes et de Saint Sulpice, il avait en même temps fait des dons généreux à quelques institutions catholiques, tout cela afin de s'assurer l'appui des canadiens dans son projet. Dans le Haut-Canada, comme la législature sié- geait, Thompson, qui avait lui-même ouvert les cham- bres, fit adopter le projet tel qu'il avait été rédigé par lord John Eussell. Cette adhésion du Haut- Canada rendit certaine la passation de la mesure à Londres. Ce fut alors que les habitants de Québec et des envi- rons, ceux des Trois-Rivières et de Champlain adres- sèrent au gouvernement impérial contre l'union des requêtes en tête desquelles^ se trouvaient bon nombre de membres du clergé catholique. Dans le mois de janvier 1840 la loi de l'union fut adoptée sans division dans la chambre des communes, -quoiqu'O'Connell se fut prononcé contre; il n'en fut pas de même dans * Pour MM. le juge en chef, Pothier, DeLévy, Moffat, McGilI, BeKocheblave, Geivavd, Chiistie, Walker, Molson, Harwood et Haie» — 417 — la chambre des lords, ou le duc de Wellington, lord Ellenborough, lord Melbourne et le comte de Gosford se prononcèrent contre la mesure ; tous s'accordaient à dire que c'était une manière subtile de priver les canadiens de leurs droits sociaux, puisqu'on les mettait à la merci d'une chambre dont la majorité, par cette nouvelle combinaison politique, serait hostile aux mœurs, au culte et aux idées des canadiens français. Malgré ces protestations le bill de l'union reçut la sanction royale le 23 juillet 1840, mais il ne devait entrer en force que le 10 février 1841, et le 9 février le conseil spécial s'assemblait à Québec pour la der- nière fois. En parcourant les annales parlementaires et politi- ques du Bas-Canada, il a été difficile, au milieu d'événements secondaires qui entraient dans le cadre de cet ouvrage, de dégager toujours l'idée dominante ou l'esprit qui animait l'assemblée législative, en sorte qu'il convient de jeter un coup d'œil général sur ses procédés. . Dès le début du nouveau régime ce fut la lutte relativement à la langue dans laquelle devait être tenu le compte-rendu des délibérations qui fut un sujet de querelle ; la chose une fois réglée, il ne sembla presque plus y avoir de division. La guerre des Etats-Unis, en inspirant aux canadiens des sentiments de loyauté qui fit disparaître toute animosité de race, semblait avoir mis fin aux dissentions, quand les abus 27 TABLE. Pages. CHAPITRE I :— Ouverture du premier parlement. Assermentation des membres. Election de M. J. A. Panet comme président de l'assemblée. Défection de M. P. L. Panet. Demande de privilèges pour l'es communes du Canada. Discours de lord Dorchester. Réponses du Conseil Législatif et de l'Assemblée. Discussion sur les langues française et anglaise. Discours de M. de Lotbinière et de M. de Rocheblave. Rédaction des lois dans les deux langues. Trahison des membres anglais. Adresse au roi. Requête au sujet de l'éducation. Prétentions des membres anglais au"sujet des biens des Jésuites. Abolition de l'esclavage. Mesure du Conseil rejetée. Pourquoi. le Mil de judicature remis. Résolution au sujet des subsides. Subsides. Impôts. Prorogation des Chambres. Rôle des députés canadiens. Lord Dorchester et ses instructions. Deuxième session. Adresse au duc de Kent. Quelques mots sur lui. Division judiciaire. Suspension de Yhabeas corpus. M. Panet nommé juge. M. de Lotbinière président. M. Panet n'exerce pas ses fonctions. Partie des revenus II TABLE. accordée au Haut-Canada. Inviolabilité des membres. Leur absence. Deuil au sujet de la Eeine de France. Accusation de lèze-majesté. Condamnation. Société de loyauté. Discours de M. Plessis. Evêché protestant. L'évêque conseiller. Lord Dorcbèster veut nommer l'évê- que catholique. Troisième session. Admission des étran- gers aux délibérations. L'assemblée revient sur ses pas. Le Haut-Canada déclaré avoir droit à un huitième des revenus. Loi des chemins et ponts. Loi des monnaies. Dernière session. La monnaie et les faux monnayeurs. Chemins vicinaux et royaux, mise à exécution de la loi. Condamnation des violateurs. Demandes de cours som- maires. Loi de milice. Fin du premier parlement. Avantages remportés par les canadiens 1 CHAPITRE II :— Election. Retraite des membres. Conduite odieuse des officiers rapporteurs. Départ de Lord Dorchester. Sa justice. Prescott lui succède. Première session. Luttes pour la présidence. M. Panetélu. Défection parmi les canadiens. Traité avec les Etats-Unis. Loi des suspects. Requête d'une contestation d'élection. Difficulté avec le Haut- Canada. Essai d'amender la loi des chemins. Procès de McLane. Récompense aux témoins. Ce que devient Black. Troisième session. Défectuosité, honoraires des mem- bres. Discorde parmi les ministres. Régie des terres. Prescott se retire. Le juge Osgood résigne, ce qu'il était. Du choix des juges en général. Ouverture de la quatrième session. Mort du père Cazot. Question des biens des jésuites. Bouc expulsé après une enquête. Amendements à la loi des ^élections et à celle de la judicature. Encore la question des biens des jésuites. Fin du deuxième par- lement. Travaux opérés. Hostilité du conseil législatif. Elections générales. Mal conduites. Dix fonctionnaires élus. Troisième parlement. M. Panet élu président. 1 Ecoles gratuites protestantes. Liberté de tester. Bouc élu et expulsé de nouveau. Discussion sur la loi des écoles. Ce qu'était le conseil législatif. Mort de M. de Rocheblave. Indépendance des censitaires et du clergé. Session de neuf jours. Fin du parlement 27 TABLE. III Pages. CHAPITEE III :— Elections générales. Fondations du Mercury. Contesta- tions d'élections. Impôts pour l'érection des prisons. Mesu- res seigneuriales. Discours de MM, Bedard et Kichardson. Vente le dimanche prohibée. Incompatibilité d'une charge lucrative avec un mandat de représentant. Augmentation du salaire du traducteur français. Eefus du gouverneur. Amélioration des voies de communication. Départ de Milnes. Opinion sur lui. M. Dunn réunit les chambres. Décès de M. Grant. Ce qu'était ce dernier. Proposition de M. Bedard contre la Gazette de Montréal. Ce qui avait amené cette proposition. Banquet politique ; santés. M. Cary arrêté.- Adresse au aoi. Pourquoi les marchandises avaient été taxées. Opinions du Mercury sur les canadiens. Faute de M. Bedard. Fondatien du Canadien. Prospectus. Becherches du gouvernement. Monseigneur Plessis. Ou- verture des chambres par M. Dunn. Son discours. Béponse de l'Assemblée. Salaire des membres. Judicature. Ques- tion d'étiquette. Amendements à la loi des suspects. M. Hart juif élu. Affaire de Cheasapake. Appel de la milice. Tirage au sort. Mandement de l'Evêque Plessis. Arrivée de Sir James Craig. Lutte entre le Canadien et le Mercury. Ouverture de la session. Serment de M. Hart. Enquête sur son culte. Il est expulsé. Lois des élections contes- tées. Cours monétaire. Inspection des bois. Egibilité des juges. Le conseil repousse la mesure. Question de privilège. Demande d'une banque. Travaux publics. Fin de Père de la tranquilité. 55 •CHAPITEE IV :— Intrigues des coTirtîsans de Craig. Ils empêchent M. Panet d'être élu à Québec. Il est élu ailleurs. Lettre du gouverneur à M. Panet. Destitution de ce dernier et de quatre autres. M. Panet élu président. Election approuvée. Embargo européen. Prospérité de la colonie, amende- ment de MM. Bourdages et de Bedard à la réponse à l'adresse. Amendements rejetés. Discours de MM. Ei- càardson, Bourdages., Bedard et Papine.au. Liégibilité des IV TABLE. Pages. juges. Eapport d'un comité à ce sujet. Hart expulsé. Dissolution subite du parlement. Discours de Craig. Opinion du Canadien sur ce discours. Election. Ouver- ture du nouveau parlement. Menace de guerre avec les Etats-Unis. Opinion du ministère anglais sur l'inégibilité des juges. M. Panet élu pour la sixième fois. La cham- bre déclare son indépendance contre l'exécutif. Elle pro- teste de sa loyauté envers l'empire. Acte pour nommer un agent en Angleterre. Offre de la cbambre de payer toutes les dépenses du gouvernement civil. Craig refuse de transmettre les adresses à ce sujet. Disqualification des juges. Le siège du juge de Bonne déclaré vacant. Fureur de Craig. Il dissout de nouveau le parlement. Son dis- cours. Difficulté de la position des canadiens. Eyland en Angleterre. Son insuccès. Eobert Peel désapprouve la conduite de Craig 75 CHAPITKE Y :— Monseigneur Plessis. Conversation avec Craig. Arres- tation de MM. Bedard, Taschereau, Blanchet, Borgia et de l'imprimeur. Kaison de l'exécutif. Proclamation du Gou- verneur. Elle est lue au prône et à l'ouverture de la Cour. Le grand jury blâme le Canadien et le Mercury. Essai de libération de M. Bedard. Prorogation du Parlement. Instruction à Craig. Le peuple canadien chante. Causes de la conduite de Craig. Ouverture du Parlement. Dis- cours de Craig. Béponse de l'assemblée. Elle demande la libération de M. Bedard. Kefus du Gouverneur. Loi de disqualification des juges passée. Postes. Impôts Discours du Gouverneur. Fin de sa carrière. .Ce qu'il avait offert à Monseigneur Plessis. Conversation entre lui et Craig. Elargissement de M. Bedard. Eyland pour- suit sa mission en Angleterre. Sir George Prévost. Il refuse de s'occuper du clergé catholique. Modification de l'acte des suspects et de la loi de milice. Discussion entre le conseil et l'assemblée au sujet de la loi des sus- pects. Les Etats-Unis désirent la guerre. Ils la déclarent. Le gouverneur assemble la législature. Loi des billets de l'armée. Proclamation de Hull. ^Trouble ou sujet de la TABLE. Y Pages. loi de milice. Mémoire de Monseigneur Plessis. L'évê- que protestant veut qu'on lui refuse le titre d'évêque de Québec. Preecott réintégrère les offieiers destitués. Dé- faite successive des armées américaines. Courage des canadiens. M. Bedard nommé juge. Son caractère. Pré- vost rend justice aux canadiens 99 CHAPITEE VI :— Huitième parlement. M. Papineau président. M. De- bartzch réprimandé. Difficultés entre les deux chambres à propos de Kyland. M. Lacombe expulsé pour corruption. , Discours en présentant les subsides. Départ de Prévost. Sa mise en accusation. Il passe en Angleterre et meurt. Sa veuve le fait justifier. Sir Gordon Drummond. — Ses- sion de 1816. Eéponse du ministère anglais sur les accu- sations portées contre les juges. Le gouverneur manifeste le regret du Prince régent à propos de ces accusations. Eèglement pour les villes. Représentation de la Chambre. Elle est dissoute par Drummond. Le gouverneur n'avait pas agi d'après des instructions venues d'Angleterre. Pour- quoi. Son reproche contre Drummond. Son bon vouloir. Sa mort f . . 138 CHAPITRE YII :— Arrivée de Sherbrooke. Détresse des cnltivateurs du bas du fleuve. Le gouverneur les secourt. Il écrit à lord Bathurst au sujet des juges. Son opinion sur la dissolution et sur Sewell. Impopularité de ce dernier. Sa suggestion au sujet de M. Stuart. Le procureur-général Uniacke. Opinion de Sewell au sujet de l'érection des paroisses. Conversation avec l'évêque Plessis a ce sujet. Procès au sujet d'une paroisse. Sherbrooke veut faire nommer M. Papineau au conseil. Bathurst refuse les suggestions du gouverneur. Il approuve la dissolution. Neuvième par- lement. Comité de bonne correspondance. Requête des membres de la famille Corbeil. Sherwood accuse le juge ¥1 TABLE. Pages. Monk. La requête est oubliée. Trait caractéristique de ces temps. M. Cuvillier accuse le juge Foucher. Adresse au prince régent. Adresse du conseil. Sommes votées pour les habitants en détresse. Le protonotaire Monk envoyé en prison. Salaires des présidents. Accusation des juges remise. Etat des finances de la province. Les subsides. Opinion de Bathurst. Mgr. Plessis nommé con- seiller législalif. Ouverture des chambres. Demande d'un vote régulier des subsides. Le conseil constitué en haute cour pour juger les juges. Impôt sur les bois. Sher- brooke demande son rappel. Opinion sur lui. Le duc de Eichmond. Mort de la reine. Le Canadien. Le juge Bedard accusé. Augmentation des demandes d'argent. Manière de voter les subsides telle qu'entendue par les deux parties. Bill rejeté. Prorogation des chambres. Mort de Eichmond 149 CHAPITEE VIII :— Eyland au sujet des biens des Sulpiciens. Opinion des avocats généraux. Mémoire de M. Eoux. Monseigneur Plessis passe en' Europe. Bien des Sulpiciens réglés. Monseigneur reçu chez Lord Bathurst. Ses demandes. Eéponse du Ministre. Lettre du Ministre. Première idée de 1 union. L'évêque Plessis à Eome. Il obtient des bul- les pontificales. Audience de Louis XVIII. Dalhousie. gouverneur. Question d'incompétence de la chambre. Mort de George IV. Election. Discours de Monsieur Papineau. Il est élu président. Dalhousie demande des subsides permanents. Censure des paroles de Eichmond. Enquête sur les terres données à Milnes. Estimés présen- tés par classe et votés de même. Eejetés par le conseil. L'assemblée donne au gouverneur la somme demandée. Prorogation. Malaise général. Ouverture des chambres. Proposition de MM. Taschereau et Ogden. Politique com- merciale de l'Angleterre. Beprésentation à L'Angleterre par l'Assemblée. Eichardson accuse les membres de cons- piration. Il est censuré par l'assemblée 1 7i TABLE. YII » Pages. CHAPITRE IX :— Idée de l'union. Projet de loi à ce sujet par M. Wilmot. Sa teneur. Assemblées ei^ résolutions pour et contre l'union. Lettre de Mgr. Plessis à MM. Sherbrooke et à M. Papineau. Projet d'Ellice déjoué. Discours de M. Wilmot. Le Haut-Canada hostile. L'union. Succès de MM. Papineau et Neilson. M. Vallières. Résolutions de l'assemblée contre l'union. Amendement de M. Ogden. Conseil hostile à l'union. Budget voté item par item. Questions des biens de la couronne. L'union abandonnée par l'Angleterre. M. Neilson puni. Ouverture de la ses- sion. Défalcaltion de Caldewell. Défaut de cautionne- ment de ce dernier. Sa redition de comptes. Davidson envoyé en Angleterre. Il demande l'augmentation de la représentation anglaise. L'abolition de la peine de mort en certain cas. Abolition de la peine du fouet et du pilori. Proposition Caldwell. Tentative de Dalhousie auprès de M. Vallières. Mémoire de Dalhousie au gouvernement anglais au sujet des catholiques. M. Papineau élu prési- dent. Lettre de Macintosh. Intervention des conseillers législatifs dans les élections. Biens des jésuites réclamés pour l'éducation. Responsabilité ministérielle. Mort des Evêques Plessis et Mountain 210 CHAPITRE X :— Ouverture des chambres. Actes impériaux. Résolu- tions au sujet des juges. Prétention de Caldwell. Ju- gement de lord Bathurst. Enquête sur les employés. Opinions des juges sur les assignations en français. Leurs raisons. Raisons de M. Vallières. Représentation de l'assemblée au sujet des terres publiques. Lord Bathurst au sujet des subsides. Adresse de l'assemblée sur le même sujet. Prorogation. Ouverture des chambres. Informa- tion du gouverneur. Dépêches non reçues. Subsides votés comme les années précédentes. Discours de proro- gation. Demande de secours pour l'institution royale refusée. Encore la question des sulpiciens v — Ordonnances VIII TABLE. Pages. de milice rappelées. Ce qu'elles étaient. Refus des mili- ciens d'obéir. Dissolution. Elections. Troubles. Mani- feste de M. Papineau. Ses accusations contre le gouver- neur. Vengeance de Dalhousie. M. Papineau élu président. Eejeté par le gouverneur. Prorogation. Assemblées pu- bliques. Résolutions transmises à Londres. .Accusations de libelle. Comité sur les affaires du Canada. Opinion de Pitt rapportée. Sir James Kempt gouverneur. Rapport du comité 243 CHAPITRE XI :— * Premiers actes de Kempt. Ses instructions. Ouverture de la session. Dépêche impériale au sujet des subsides. Pétitions contre Dalhousie. Rapport du comité sur la dépêche. Nouvelle loi d'élection. Vote de remercîments. Christie expulsé. Pourquoi. Accusations contre les juges Kerr et Fletcher. Quelques mots snr M. Vallières. Nou- velles élections. Ouverture de la session de 1830. Deux- ième expulsion de M. Christie. Lois contre les juges. Nouvelles dépêches au sujet des subsides. Représentation de M. Duval. Ecoles mixtes. Représentation au sujet des ordonnances de milice. Bill de subsides adopté. Nécessité de deux chambres. Composition du conseil législatif. Assemblée à St. Charles. Kempt remplacé par lord Aylmer. Mort de George IV et avènement de Guil- laume IV. Ouverture de la session de 1831. Troisième expulsion de M. Christie. Illégalité de cette expulsion. Membres élus pour, la première fois. Accusations contre Stuart. Nouvelle proposition au sujet des subsides rejetée. Projet d'égibilité du conseil rejeté. Quatrième expulsion de M. Christie. Quatrième dépêche au sujet des subsides. Juges déclarés incapables de siéger au conseils. Faute de l'assemblée. Juge Kerr suspendu 27( CHAPITRE XII :— Exclusion des canadiens des charges publiques. Elec- tion à Montréal. Troupes sous les armes. Trois personnes TABLE. IX Pages, tuées. Arrestation des officiers. Assemblée à St. Charles et à Montréal. Aylmer visite les cantons de l'est. Cin- quième expulsion de Christie. Il en appelle au roi. Opi- nion de Goderich à ce sujet. M. Mondelet porté au conseil exécutif. Son siège déclaré vacant. Opinion du gouver- nement impérial au sujet du juge Kerr. Il est destitué ainsi que M. Stuart. Adresse du conseil. Emprisonne- ment du député Taylor. Keproches de l'assemblée au gouverneur. Ketranchement dans la liste civile. Scission au sein du parti national. MM. Neilson, Cuvillier, Ques- nel se séparent de M. Papineau. Considération de l'état de la province. Les 92 résolutions 315 CHAPITEE XIII :— Opinion de Goderich -au sujet du conseil législatif. Comité d'enquête aux communes sur les affaires du Canada. Son rapport. Suggestion de MM. Yiger et Morin. De M. Stuart. Paroles d'OConnell. Adresse de loyauté des anglais. Organisation politique à Montréal. Ses résolu- tions. Elections. Ouverture des chambres. M. Papineau président. Paroles du gouverneur biffées des journaux de la chambre. Etat de la province. Paroles de M. Papi- neau. M. Roebuck nommé agent. Adresse au roi. Sci- sion au sein du parti. Communicaton d'une dépêche. Demande d'une avance rejetée. Sanction refusée à trois bills. Pourquoi à celui de l'éducation. Fin de la session. Aylmer rappelé. Gosford uommé commissaire royal. Instructions envoyées à Prévost publiées. Discussion dans la chambre des lords. Assemblée politique aux Trois-Rivières. Ouverture des chambres. Discours du gouverneur. Discussion au sujet du juge Gale. Réponse à l'adresse. Amendement de M. Gugy. Arrérage au gou- vernement. Opinion du conseil sur la nomination de M. Roebuck. Organisation militaire à Montréal. M. Bedard nommé juge. Trois juges accusés. Dernières paroles de Colborne censurées. Proposition d'accorder des subsides pour 6 mois. Discours de M. Papineau. Aylmer accusé. Fermeture des chambres. Parti de Qué- bec. Raison de sa scision 365 TABLE. Pages. CHAPITEE XIV :— Association constitutionnelle. Son manifeste politique. Instructions au gouverneur. Session de 183 7. M. McKen- zie dans le Haut-Canada, Kapport des commissaires. Excitation. Proclamation du gouverneur. Assemblée de loyaux à Québec. Fils de la liberté. Assemblée à St. Charles. Mandement de l'évêque Lartigue. Le mouve- ment. M. Papineau et O'Connell. Rencontre à St. Denis, à St. Charles et à Ste. Eustache. Suspension de la consti- tution. Conseil spécial. Lord Durham gouverneur. Sa proclamation. Sa décision sur les accusés. Désaveu du gouvernement anglais. Durham passe en Angleterre. Son rapport. Poulett Thompson nommé gouverneur. Bill de l'union remis à une autre session adopté. Réflexions générales , 392 [/show_more]

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